[LECHO.BE, 8 janvier 2022] Christine l’Admirable, une figure excentrique de la chrétienté médiévale, fait l’objet d’un livre de deux récits, mettant en lumière ce destin du Moyen Âge.
Il existe un point commun entre Nick Cave, le chanteur, poète et star internationale et Sylvain Piron, médiéviste à l’EHESS. Ils se sont tous deux intéressés à Christine l’Admirable, une figure excentrique de la chrétienté médiévale. Pour ceux et celles qui connaissent la chanson Christina the Astonishing, il faut savoir que tous les faits dont Nick Cave parle, ceux de son retour à la vie après avoir été déclaré morte, celle de son dégoût pour l’odeur humaine et pour son habitude de la fuir en ne vivant qu’en haut des arbres ou des tours ou de sauter dans la Meuse et de partir en nageant, tout cela est avéré.
Nous le savons d’abord par le texte de Thomas de Cantimpré, un contemporain de Christine l’Admirable qui décidé de rédiger sa biographie, traduite ici par Sylvain Piron et Armelle Le Huerou. En dehors des miracles et des comportements radicaux de Christine l’Admirable, nous sommes aussi plongés dans un mouvement particulier de la fin du XIIᵉ siècle se déroulant dans les actuels Liège et Louvain : des femmes dévouées à Dieu, mais refusant d’être sous la tutelle des ordres monastiques et créant donc les béguinages(bien que Christine ne soit pas une béguine).
Le texte s’accompagne d’un passionnant appareil critique rédigé par Sylvain Piron, qui interprète et explique le comportement (terrorisant les nobles et bourgeois) de Christine l’Admirable, son rapport à la prière, mais aussi au corps, en le mettant en lien avec d’autres pratiques spirituelles comme certaines formes de chamanisme qui subsistait à l’époque. Admirable.
[INEXPLORE.COM, 30 mai 2022] Grande mystique du Moyen Âge, Christine l’Admirable a cumulé toute sa vie les miracles et les manifestations paranormales. Récit de la vie d’une sainte belge peu commune.
Orpheline très jeune de parents paysans, Christine mène avec ses sœurs une vie religieuse dans le village de Brustem, près de Liège en Belgique.
Nous sommes dans les années 1170 environ, et elle est affectée à la tâche de garder les bêtes. Elle raconte déjà que le Christ la visite souvent lorsqu’elle est seule dans les pâturages. On ne sait pas bien comment, mais elle perd la vie une première fois, la date est totalement incertaine ainsi que son âge, les récits divergent. Tout le village est rassemblé dans l’église, ses sœurs sont éplorées quand soudain, Christine se redresse dans son cercueil et se lève, les bras en croix. La légende raconte qu’elle serait entrée en lévitation au-dessus de l’assemblée. Ensuite, Christine relate ce qui serait aujourd’hui une EMI [eW : Expérience de Mort Imminente] : elle a voyagé dans le purgatoire, vu aussi l’enfer et y a reconnu des personnes croisées jadis. “Après cela, je fus transportée au paradis, devant le trône de la majesté divine…“, raconte-t-elle par le biais du théologien Thomas de Cantimpré, contemporain et compatriote de la sainte, qui fut aussi son biographe. Dieu lui propose de rester auprès de lui, ou bien de repartir sur Terre pour “y souffrir les peines de l’âme immortelle dans un corps mortel, sans dommage pour lui. Tu arracheras à leurs peines, par les tiennes, toutes les âmes dont tu as eu pitié dans le lieu du purgatoire et tu convertiras à moi les vivants par l’exemple de ta peine et de ta vie.” Sans hésiter, Christine revient dans son corps pour accomplir sa tâche divine.
À partir de ce moment-là, Christine commence une vie d’ascète, sans domicile la plupart du temps, courant les bois, dormant dehors dans le plus grand dénuement, afin d’expier pour les âmes en peine. Au début, elle rencontre beaucoup d’embûches et d’incompréhension de la part de ses contemporains qui, au lieu de la voir sainte, la croient possédée. Il faut dire qu’elle enchaîne les étranges phénomènes : elle se jette dans des eaux glacées ou dans des fours et en ressort sans blessures. Parfois, elle est prise dans les turbines du moulin et ses os semblent brisés en mille morceaux, cependant elle reprend sa marche au sortir de l’eau. Emprisonnée par ses sœurs effrayées, elle se nourrit de son propre sein, dont coule une huile sainte qui soigne ses blessures… Après quelque temps, ses proches l’acceptent comme elle est et s’ensuivent des prédictions comme le massacre de 1213, la prise de Jérusalem par les Sarrasins, ou de manière plus proche, des événements liés aux personnes l’entourant. Au cours de ses prédictions, ainsi qu’à d’autres moments, elle est souvent saisie par l’extase et les transes, ce qui rappelle que les traditions chamaniques n’étaient pas si loin au Moyen Âge.
L’auteur Sylvain Piron a fait un travail remarquable sur l’œuvre de Thomas de Cantimpré, l’hagiographe de Christine l’Admirable, dont il analyse le récit phrase par phrase. Sans affirmer la véracité de tous les faits, il tente de voir ce qui relève des contes de l’époque, des récits populaires et des vrais événements qui ont pu se produire. Christine meurt de vieillesse au couvent des Bénédictins en 1224. Elle fut longtemps vénérée dans sa région et son histoire est parvenue jusqu’à nous.
EAN9782931146002
[d’après LIBREL.BE] La Vie de Christine l’Admirable ressemble à un roman gothique d’Italo Calvino, à ceci près que l’ouvrage fut rédigé en 1232 à Saint-Trond en Hesbaye [eW : Christine est de Brustem, près de Saint-Trond, en Principauté de Liège] par un jeune dominicain, huit ans après son décès, sur la foi de témoignages recueillis sur place avec la plus grande circonspection. La protagoniste du récit est l’une de ces nombreuses femmes du diocèse de Liège qui avaient choisi de mener une vie sainte sans entrer dans une institution établie. Elle constitue en même temps une anomalie, tant les pénitences qu’elle s’inflige sortent de l’ordinaire et s’apparentent parfois au comportement de chamanes. Son cas invite ainsi à réfléchir à la persistance dans les dévotions médiévales de mémoires plus anciennes. Ses manières étranges, auxquelles Nick Cave a été sensible en lui consacrant une chanson, conduisent à poser la question de la réalité du merveilleux dans l’histoire. L’ouvrage Christine l’Admirable. Vie, chants et merveilles se compose d’une traduction de sa Vie, dont le texte latin fait l’objet d’une édition critique présentée en annexe, de commentaires historiques et d’un essai d’interprétation anthropologique.
Table des matières
Présentation
Traduction de la Vie de Christine l’Admirable de Thomas de Cantimpré
I. Le travail de la mémoire
II. Circonstances
III. Au fil du texte
IV. Un tissu de merveilles
V. L’anomalie Christine
Conclusion – Pour une pragmatique de l’extase
Principes d’édition du texte
Édition de la Vita Christinae Mirabilis, suivie de l’abréviation d’Henri Bate de Malines
Georges Leclercq fait partie du noyau fondateur de la Session d’Une Heure, le principal groupe amateur liégeois sous l’Occupation. Sans aucune formation musicale, il apprend la contrebasse sur le tas. A la Libération, il reste encore quelque temps dans le sillage du clarinettiste Roger Classen, leader de la Session et partisan du “vieux” style (New Orleans/Dixieland) et effectue avec Léo Souris une tournée en Tchécoslovaquie pour les troupes américaines.
Il travaille au Cotton (Liège) avec Sadi. En 1947, Leclercq remplace Charles Libon au sein des BobShots. Il découvre le be-bop en même temps que Jacques Pelzer, Bobby Jaspar et André Putsage et est un des premiers bassistes belges à s’essayer à la nouvelle musique. Il devient bientôt le bassiste le plus actif de la région (un des piliers des jams de la Laiterie d’Embourg). Passé professionnel, il part au début des années 50 pour Bruxelles, puis pour Paris où il rejoint Jaspar, Sadi et Boland. Il participe à quelques jams au Tabou ou au Club St-Germain, mais réalise qu’il n’y a plus guère de place à Paris pour un nouveau bassiste (Benoît Quersin, Pierre Michelot et quelques autres étant déjà en place).
Commence alors pour lui une période difficile au terme de laquelle il finit par rentrer à Liège, joue à nouveau avec le tandem Thomas-Pelzer et différents groupes amateurs. Leclercq devient le partenaire privilégié du pianiste Maurice Simon ; le “Grand Georges” est dès cette époque un des personnages hauts en couleur du jazz liégeois, à la distraction et à la nonchalance légendaires. Il travaille en free-lance dans les contextes les plus variés. A Comblain, il accompagne notamment le pianiste Tete Montoliu.
Pendant les années 60, lors d’une tournée avec Maurice Simon, il est obligé de revendre sa contrebasse pour payer le voyage de retour. Il ralentit dès lors ses activités, obligé d’emprunter un instrument lorsque un contrat se présente. Il exerce différents métiers puis, pendant les années 70, se rachète une basse électrique et se remet à jouer (Georges Leclercq est un des seuls bassistes à jouer de la guitare basse électrique en la tenant à la verticale, comme une contrebasse). Il s’intègre aux jam sessions organisées par les jeunes musiciens qui apparaissent à cette époque (Stéphane Martini, Bernadette Mottart,… ). Au début des années 80, il fait partie du groupe Jazzmatic (avec Jean-Marie Fauconnier et Fabrizio Cassol). Puis il disparaît à nouveau de la scène, n’y réapparaissant plus depuis lors que très occasionnellement, notamment en compagnie du guitariste Emile Deprins.
[d’après HENOSOPHIA] “La poésie de T.S. Eliot (1888-1965) est extrêmement difficile, mêlant des références bibliques, grecques, hindoues… Il suffit de lire l’appareil de notes pour La terre vainedans ce lien Scribd pour s’en convaincre. Il semble en tout cas que la première partie de Mercredi des cendres, qui en compte six, exprime la déception devant le plan vital propre à un homme arrivé comme Dante ‘au milieu du chemin de notre vie‘ (Eliot avait 42 ans en 1930), après un premier mariage malheureux qui conduisit le poète à The waste land, et son épouse à la clinique psychiatrique pour les neuf dernières années de sa vie…”
Parce que n’ai espoir de tourner encore
Parce que n’ai espoir
Parce que n’ai espoir de tourner
Désirant le talent de celui-ci la vision de celui-là
Je ne tends plus à tendre vers ces choses
(Pourquoi l’aigle vieilli étirerait-il les ailes ?)
Pourquoi regretterais-je
Le pouvoir disparu du règne d’ici-bas ?
Parce que je n’ai espoir de connaître encore
La gloire infirme de l’heure positive
Parce que je ne pense pas
Parce que je savais que je ne saurai point
Le seul véritable pouvoir transitoire
Parce que je ne peux boire
Là où fleurissent les arbres, où coulent les sources, car il n’y a plus rien
Parce que je sais que le temps est toujours le temps
Et le lieu toujours et seulement le lieu
Et que ce qui est ne l’est que pour un temps
Et seulement pour un lieu
Je me réjouis que les choses soient ce qu’elles sont et
Je renonce au visage bienheureux
Et renonce à la voix
Parce que n’ai espoir de tourner encore
Par conséquent je me réjouis, devant me construire de quoi
Me réjouir
Et prie Dieu de prendre pitié de nous
Et prie de pouvoir oublier
Ces questions qu’en moi-même je trop débats
Trop explique
Parce que n’ai espoir de tourner encore
Que ces mots répondent
De ce qui est fait, n’est plus à faire
Que le jugement ne soit pas trop sévère
Parce que ces ailes ne sont plus ailes pour voler
Rien que vanneaux pour éventer
Un air désormais sec et étriqué
Plus sec et plus étriqué que la volonté
Enseigne-nous l’engagement dégagé
Enseigne-nous la patience.
Priez pour nous pauvres pécheurs maintenant et à l’heure de notre mort
Priez pour nous maintenant et à l’heure de notre mort.
II
Dame, trois léopards blancs étaient assis sous un genévrier
Dans la fraîcheur du jour, repus
De mes jambes mon cœur mon foie et ce qui était contenu
Dans le creux de mon crâne. Et Dieu dit
Ces os vivront-ils ? faut-il que ces
Os vivent ? Et ce qui était contenu
Dans les os (qui étaient déjà secs) répondit d’une petite voix :
Grâce à la bonté de cette Dame
Et grâce à sa beauté, et parce qu’elle
Honore la Vierge en méditation,
Nous resplendissons. Et moi qui suis ici dispersé
Je voue mes gestes à l’oubli, et mon amour
À la postérité du désert et au fruit de la gourde.
C’est là ce qui reçoit
Mes entrailles l’attache de mes yeux et les portions indigestes
Que rejettent les léopards. La Dame s’est retirée
En robe blanche, en contemplation, en robe blanche.
Que la blancheur des os expient jusqu’à l’oubli.
Il n’y a pas de vie en eux. Comme je suis oublié
Et veux être oublié, de même je veux oublier
Ainsi consacré, concentré dans un but. Et Dieu dit
Prophétise au vent, rien qu’au vent car seul
Le vent écoutera. Et les os chantèrent d’une petite voix
Sous le fardeau de la sauterelle, pour dire
Dame des silences
Calme et désolée
Déchirée et entière
Rose de la mémoire
Rose de l’oubli
Épuisée et généreuse
Soucieuse sereine
La Rose unique
Est désormais le Jardin
Où finissent tous les amours
Se termine le tourment
De l’amour insatisfait
Le tourment plus grand
De l’amour satisfait
Fin de l’infini
Voyage vers nulle fin
Conclusion de tout ce qui ne peut
Se conclure
Parole sans mot et
Mot sans parole
Grâce soit rendue à la Mère
Pour le Jardin
Où finissent tous les amours.
Sous un genévrier les os chantaient, éparpillés et resplendissant
Nous sommes heureux d’être éparpillés, nous ne nous sommes guère entre-aidés,
Sous un arbre dans la fraîcheur du jour, avec la bénédiction du sable,
S’oubliant eux et les autres, unis
Dans le silence du désert. Voici la terre que vous vous
Partagerez. Et ni division ni unité
N’a d’importance. Voici la terre. Nous avons notre héritage.
III
Au premier coude de la deuxième volée
Je me retourne et vois plus bas
La même forme penchée
Dans la vapeur d’un air vicié
Aux prises avec le diable des escaliers dissimulé
Sous le masque fourbe d’espoir et désespoir.
Au second coude de la deuxième volée
Je les ai laissés s’entre-déchirer ;
Il n’y avait plus de visages, l’escalier était obscur,
Humide, plein de trous, comme la bouche radotante d’un vieillard, irréparable,
Ou la gueule d’un requin sur le retour.
Au premier coude de la troisième volée
Il y avait une fenêtre arrondie comme le fruit du figuier
Et par-delà des fleurs d’aubépine et une scène pastorale
Le personnage bien bâti habillé de bleu et de vert
Enchantait le joli mai d’un air de flûte.
Les cheveux au vent sont doux, cheveux bruns que le vent rabat sur la bouche,
Lilas et cheveux au vent ;
Distraction, musique de flûte, pauses et pas du mental sur la troisième volée,
Qui s’efface, s’efface ; force au-delà d’espoir et désespoir
Escaladant la troisième volée.
Seigneur, je ne suis pas digne
Seigneur, je ne suis pas digne
mais dis seulement un mot.
IV
Qui marchait entre la violette et la violette
qui marchait entre
Les rangées diverses de verts variés
S’avançant en blanc et bleu, aux couleurs de Marie,
Parlant de banalités
Dans l’ignorance et la connaissance d’une douleur éternelle
Qui se mouvait parmi les autres qui marchaient,
Qui a ravivé les fontaines et renouvelé les sources
Rafraîchi le rocher desséché et affermi le sable
En bleu pied d’alouette, bleu couleur de Marie, Sovegna vos
Voici les années qui s’interposent, emportent
Flûtes et violons, ramenant
Celle qui arrive à l’heure entre sommeil et veille, enveloppée
De plis de lumière, habillée de ses plis.
Les années nouvelles s’avancent, ramenant
Dans un nuage de larmes, les années, ramenant
D’un nouveau rythme l’ancien refrain. Rachète
Le temps. Rachète
La vision non déchiffrée dans le rêve plus élevé
Tandis que des licornes endiamantées tirent le corbillard doré.
La sœur silencieuse voilée de blanc et bleu
Entre les ifs, derrière le dieu du jardin,
Dont la flûte est sans voix, pencha la tête et soupira mais ne dit rien
Mais la fontaine jaillit et l’oiseau siffla
Rachète le temps, rachète le rêve
Le signe du mot non ouï, non dit
Jusqu’à ce que le vent secoue de l’if un millier de soupirs
Et après, notre exil
V
Si le mot perdu est perdu, si le mot dépensé est dépensé
Si le mot non ouï non dit
Est non dit, non ouï ;
Pourtant le mot non dit, le Mot non ouï,
Le Mot sans mot, le Mot au sein
Du monde et pour le monde ;
Et la lumière brillait dans l’obscurité et
Contre le Mot le monde inquiet s’émouvait sans cesse
Autour du centre du Mot silencieux.
Ô mon peuple, que t’ai-je fait.
Où trouver le mot, où le mot
Retentira-t-il ? Pas ici, il n’y a pas assez de silence
Pas sur les mers ni sur les îles, pas
Sur les continents, dans le désert ou les marais,
Pour ceux qui marchent dans l’obscurité
Que ce soit le jour ou la nuit
Ce n’est ni le moment ni le lieu
Pas de lieu de rédemption pour ceux qui se détournent
Pas de moment de réjouissance pour ceux qui marchent dans le bruit et nient la voix
La sœur voilée priera-t-elle pour
Ceux qui marchent dans l’obscurité, qui te choisissent et te combattent,
Ceux qui sont déchirés sur les cornes entre saison et saison, temps et temps, entre
Moment et moment, mot et mot, pouvoir et pouvoir, ceux qui attendent
Dans l’obscurité ? La sœur voilée priera-t-elle
Pour les enfants à la barrière
Qui ne veulent pas s’en aller et ne peuvent prier :
Priez pour ceux qui choisirent et combattirent
Ô mon peuple, que t’ai-je fait.
La sœur voilée entre les ifs frêles
Priera-t-elle pour ceux qui l’ont offensée
Et sont terrifiés et ne peuvent se rendre
Et affirment devant le monde et nient entre les rochers
Dans le dernier désert avant les derniers rochers bleus
Le désert dans le jardin le jardin dans le désert
De sécheresse, recrachant le pépin racorni.
Ô mon peuple.
VI
Même si je n’ai espoir de tourner encore
Même si je n’ai espoir
Même si je n’ai espoir de tourner
Vacillant entre profit et perte
Dans ce bref transit où les rêves se croisent
La pénombre traversée de rêves entre naissance et mort
(Bénissez-moi mon père) même si je ne souhaite pas souhaiter ces choses
De la fenêtre ouverte sur la côte de granit
Les voiles blanches fuient encore vers le large, vers le large fuyant
Leurs ailes pas brisées
Et le cœur perdu se raidit et se réjouit
Du lilas perdu et des voix perdues de la mer
Et l’esprit défaillant se ravive et se rebelle
Pour les verges d’or et l’odeur perdue de la mer
Se ravive et retrouve
Le cri de la caille les voltes du pluvier
Et l’œil aveugle crée
Les formes vides entre les portes d’ivoire
Et l’odorat retrouve la saveur salée de la terre sablonneuse
C’est le temps de la tension entre mourir et naître
Le lieu de solitude où trois rêves se croisent
Entre les rochers bleus
Mais quand les voix secouées de l’if s’en vont à la dérive
Que l’autre if réponde d’une autre secousse.
Sœur bienheureuse, sainte mère, esprit de la fontaine, esprit du jardin,
Ne nous laisse pas nous abrutir d’illusions
Enseigne-nous l’engagement dégagé
Enseigne-nous la patience
Même parmi ses rochers,
Notre paix dans Sa volonté
Et même parmi ces rochers
Sœur, mère
Et esprit du fleuve, esprit de la mer,
Ne me permets pas d’être séparé
[WACYNEWS n°26, mars-avril 2023] Le nouveau décret Wallonie Cyclable, adopté le 24 novembre 2022 par le Parlement de Wallonie, pérennise la politique cyclable wallonne au-delà d’une législature. Il prévoit notamment le développement d’un réseau cyclable structurant à l’échelle régionale.
Le réseau wallon, qui se concrétisera progressivement, est composé de cyclostrades et de liaisons fonctionnelles supralocales.
Au premier niveau, les cyclostrades constituent l’épine dorsale du réseau cyclable structurant et relient des zones à haut potentiel de déplacements, en offrant une alternative attractive aux déplacements en voiture. Les cyclostrades sont potentiellement utilisées de manière intensive et bénéficient d’une infrastructure de grande qualité permettant de se déplacer dans les meilleures conditions de confort, de sécurité et d’efficacité sur des distances moyennes à longues et sur des aménagements cyclables reconnaissables.
Au deuxième niveau, les liaisons cyclables fonctionnelles supra-locales constituent un réseau cyclable maillé d’itinéraires reliant des polarités urbaines ou rurales, d’équipements, de commerces, de services ou d’intermodalité.
Verra-t-on bientôt des cyclostrades en Wallonie ?
Un premier tronçon de cyclostrade sera opérationnel début avril, reliant la Wallonie à Bruxelles : il s’agit du tronçon entre le château Solvay, situé à La Hulpe, et Hoeilaart. Cette cyclostrade va, à court terme, être prolongée jusqu’au carrefour des Trois Colonnes, à la Hulpe. Ensuite, une étude de tracé va être lancée vers la gare d’Ottignies.
Le réseau de cyclostrades wallon n’est pas encore déterminé dans son ensemble. Mais les choses bougent. On peut déjà lister, à titre d’exemples, quelques projets qui sont à l’étude ou qui le seront prochainement :
Cyclostrade E411-N4 venant de Bruxelles entre la limite
régionale et Louvain-la-Neuve ;
Cyclostrade N4 entre Louvain-la-Neuve et Namur ;
Cyclostrade de la vallée de la Dyle, entre Wavre, Ottignies et Court-Saint-Etienne (pour se connecter au RAVEL vers Genappe et Nivelles) ;
La Vesdrienne, notamment entre Dolhain, Verviers et Ensival ;
La Meuse à vélo – N90 à Liège, reliant Seraing à Liège par la rive droite ;
Cyclostrade du square Gramme vers l’université de Liège au Sart-Tilman ;
Cyclostrade entre l’aéroport de Liège et Seraing ;
Cyclostrade Ans – Guillemins – Vennes ;
Cyclostrade Arlon – Luxembourg ;
Connexion urbaine Namur – Jambes ;
Cyclostrade de la N90 entre Mons, Binche et Charleroi.
On s’en doute : les cyclostrades sont des projets complexes qui demandent du temps entre la programmation et la réalisation, en raison des études techniques, des permis d’urbanisme, des contraintes environnementales ou urbanistiques, parfois des expropriations, des marchés publics et des chantiers s’étalant sur des kilomètres… Mais le maillage cycliste de la Wallonie est bel et bien lancé !
Le premier tronçon wallon de “cyclostrade” inauguré à La Hulpe
[RTBF.BE, Agence BELGA, 8 mai 2023] Rejoindre Bruxelles à vélo depuis le centre de la province est un peu plus sûr et plus facile ce matin. Le ministre wallon de la mobilité et des infrastructures routières, Philippe Henry, a inauguré vendredi à La Hulpe le tout premier tronçon wallon de “cyclostrade”, situé le long de la Nationale 275, à proximité du château Solvay. Les cyclostrades sont appelées à devenir l’épine dorsale du réseau cyclable structurant wallon, que veut mettre en place le Gouvernement pour offrir des alternatives attractives à l’usage de la voiture. Le tronçon concerné, long d’1,85 km, s’étire jusqu’à la limite de la Flandre, où les travaux sont en cours pour prolonger le cheminement jusqu’à la capitale.
L’investissement pour ce premier tronçon d’un peu moins de 2km est de 2,493 millions d’euros. Ce financement, assuré par le plan de relance européen, comprend le déplacement de la voirie et une modification de rond-point. L’objectif est de prolonger cette cyclostrade vers Bruxelles mais aussi de poursuivre les travaux jusqu’au carrefour des Trois Colonnes en 2024. “Grâce à ce nouveau chainon cyclable sur la N275, une connexion est établie entre La Hulpe/Rixensart/Lasne vers Hoeilaart/Watermael-Boisfort et la Région Bruxelles-Capitale“, précisent les responsables. Concrètement, il s’agit d’une piste cyclable bidirectionnelle de 3 mètres de large, séparée des voies de circulation des voitures par une haie et des clôtures de bois. Elle a été aménagée sur le côté gauche de la chaussée en direction de Bruxelles, pour permettre des connexions plus sécurisées avec les entrées du domaine du Château de La Hulpe et être reliée facilement au projet en cours de réalisation sur le territoire flamand (Hoeilaart).
Sur place, le ministre Henry a précisé que des projets sont en cours ou à l’étude pour relier Braine-l’Alleud à Tubize (ancienne ligne 115), Wavre à Court-Saint-Etienne et Louvain-la-Neuve à Namur. Le Gouvernement wallon a prévu un budget de 80 millions d’euros pour la réalisation des cyclostrades.
[PROVELO.ORG, 6 janvier 2023] Comme chaque année, Le Soir et la RTBF ont annoncé le nouveau mot de l’année. Pour 2022, c’est le mot vélotafer qui a remporté le plus de voix parmi les 626 propositions.
Le vélotaf, quésako ?
Alors là, on parle des convertis, celles et ceux qui enfourchent leur bicyclette le matin par tous les temps pour rejoindre leur lieu de travail et qui remettent ça le soir pour rentrer à la maison. Le vélotaf, dérivé du mot d’argot utilisé comme synonyme du mot travail, désigne donc celui ou celle qui se rend au travail à vélo. Aujourd’hui, on parle aussi de vélotaf(f)eur ou vélotaf(f)euse.
Il témoigne des évolutions en matière de mobilité en Belgique. En effet, aller au travail à vélo est devenu une réelle habitude pour de nombreux belges.
En quelques chiffres
Dans son Bilan annuel de l’Année sportive 2022, [la plateforme commerciale] Strava relève une hausse importante de l’utilisation du vélo pour les déplacements en ville, notamment dans le cadre du vélotaf. D’après les chiffres recueillis par Strava, le nombre de trajets domicile-travail réalisés à vélo à Paris a quasiment doublé entre 2019 et 2022 avec un bond de + 97 % entre ces deux périodes. […]
Ce mémoire de fin d’études a été présenté par Philippe Vienne (membre de l’équipe wallonica), en vue de l’obtention du grade de licencié en histoire de l’art et archéologie de l’Université de Liège, année académique 1990-1991.
N.B. Les appels de notes (n) renvoient à la fin de l’article ; la table des matières permet d’ouvrir les différents chapitres au fil de leur dématérialisation.
Pourquoi les Crehay ? C’est une question qui m’a souvent été posée tout au long de mes recherches. Par intérêt pour la peinture spadoise ? Sans doute. Mais Spa a été le berceau d’artistes dont le renom, et même de talent, a été plus grand. En fait, c’est la séduction exercée par un tableau de Gérard-Antoine Crehay qui m’a poussé à chercher à en savoir davantage. Ce pouvoir évocateur, qui sait réveiller la nostalgie du Spadois en exil, n’est certes pas le moindre charme de l’oeuvre des Crehay.
Spa est coutumière des dynasties de peintres, tradition héritée de l’artisanat du Bois de spa qui a développé le travail en famille. Dans cette optique, la famille Crehay représente un bel exemple d’artistes se succédant, durant quatre générations, depuis 1830 environ jusqu’à nos jours ; c’est dire que leur période d’activité recouvre toute l’histoire de la Belgique. Il était intéressant de voir quelle pouvait être l’évolution artistique d’une même famille sur cent cinquante ans et quel ascendant exerçait le ‘patriarche’ (Gérard-Jonas) sur sa descendance.
Les Crehay, peintres spadois, sont aussi et surtout des peintres de Spa, même s’il leur arrive de puiser ailleurs leurs sujets. Au travers de leur oeuvre, c’est une partie de l’histoire de Spa qui revit. Témoignages d’une époque révolue, les aspects historiques (documentaire ou anecdotique) et sociologiques ne peuvent être ignorés.
Comme la plupart des peintres spadois, les Crehay n’ont encore fait l’objet d’aucune étude approfondie. Trois rétrospectives leur ont été consacrées : la première, en 1961, avait exclusivement pour objet Gérard-Jonas (1) ; la deuxième, en 1966, Gérard-Antoine (2). Enfin, la dernière en date, en 1988, était consacrée à Gérard-Jonas et Gérard-Antoine (3). Seule cette dernière a fait l’objet d’un catalogue (4) qui est, avec la notice de Charles Hault dans Wallonia (5) et un article du Docteur Henrard dans Histoire et Archéologie Spadoises (6), un des documents les plus complets sur le sujet. L’article le plus long, celui du Docteur Henrard, compte cinq pages : c’est dire si l’on est pauvre en informations. A cela viennent s’ajouter quelques nécrologies, se recopiant d’ailleurs l’une l’autre.
Tout ceci ne concerne que Gérard-Jonas et Gérard-Antoine, c’est-à-dire deux des treize Crehay recensés comme ayant peint. Pour les autres, rien n’a été fait : pas un article, pas une rétrospective. Il faut toutefois signaler que plusieurs œuvres d’artistes de la famille Crehay ont été présentées durant l’été 1990, dans le cadre de l’exposition Spa dans l’Ecole Liégeoise du Paysage (7). Mais, une fois encore, pas de catalogue.
Le but premier était donc d’effectuer une synthèse de qui avait déjà été écrit sur les Crehay, de l’augmenter si possible en cherchant ailleurs et en élargissant le champ l’ensemble de la famille.
Le deuxième but poursuivi était de rassembler un nombre significatif d’œuvres afin d’en tirer autant de renseignements que possible (chronologie, typologie des signatures, analyse stylistique, période d’activité, etc.).
Enfin, une fois la synthèse effectuée, le but ultime est d’apporter une pierre à un édifice restant à construire qui serait une histoire de la peinture spadoise au XIXe siècle.
Une première démarche a consisté à relever, dans tout ce qui avait été écrit sur les Crehay, les noms de ceux d’entre eux qui avalent peint. Ce travail a été grandement facilité par le remarquable mémoire de Lydwlne de Moerloose (8) qui a recensé les principaux artistes décorateurs de Bois de Spa. Elle cite ainsi dix des treize Crehay dont il sera question.
Il fallait ensuite établir une généalogie permettant de visualiser les filiations et les périodes d’activité de chacun. Dans ce but, je me suis efforcé de retrouver des descendants de la famille Crehay desquels la collaboration a été très fructueuse. Cependant, il restait encore des lacunes et certaines dates demandaient à être vérifiées. C’est donc tout naturellement vers le Service de la Population de la Ville de Spa que je me suis tourné et j’y ai rencontré une amabilité et une diligence trop rares ailleurs pour ne pas être soulignées ici.
Ainsi, toutes les dates de naissance et de décès des Crehay ont pu être vérifiées et, le cas échéant, corrigées ou complétées. Fort de ces dates, j’espérais pouvoir trouver, dans la presse locale, des nécrologies concernant chacun des artistes. Si Gérard-Jonas et Gérard-Antoine jouissaient d’une réputation suffisante pour que l’on en parle même dans la presse nationale (9), c’est loin d’être le cas pour les autres. Même si, en compulsant les collections de la Bibliothèque communale de Spa et de la Bibliothèque royale, je suis arrivé à retrouver des journaux de toutes les années concernées (exception faite de 1842 pour Gérardine), le butin fut maigre.
Seuls Jules (10) et Ernest (11) ont fait l’objet d’une brève mention qui ne fournit pas davantage de renseignements que l’état-civil .
Je me suis alors adressé aux Spadois eux-mêmes, cherchant à retrouver des personnes ayant connu l’un ou l’autre Crehay et susceptibles de me fournir quelques renseignements. La moisson reste cependant bien pauvre, se bornant souvent à quelques lignes, mais au moins est-ce déjà un progrès que d’avoir sorti de l’ombre le nom même de ces artistes.
En ce qui concerne les œuvres, je me suis d’abord adressé au Musée de la Ville d’Eaux, puis au Musée de l’Art wallon et au Cabinet des Estampes. J’ai également vérifié auprès du Musée d’Art Moderne de Bruxelles, du Musée de la Vie Wallonne et des musées de Verviers qu’ils ne possédaient pas d’œuvres (tableaux ou boîtes) signées Crehay. J’ai aussi consulté l’IRPA qui m’a, en outre, fourni les photos de tableaux figurant dans une collection particulière ; ceux-ci posent d’ailleurs un problème sur lequel je reviendrai plus tard.
Enfin, j’ai cherché à entrer en contact avec des collectionneurs et c’est de ce côté que j’ai glané la plus grande masse de documents. J’ai, en effet, rencontré chez eux une coopération et un enthousiasme dont je n’ai eu qu’à me féliciter et qui m’a permis de rassembler davantage d’œuvres que je ne l’avais espéré.
J’ai également dépouillé un grand nombre de catalogues d’expositions (environ cent cinquante) et, plus particulièrement, tous les catalogues encore disponibles des salons des Beaux-Arts de Spa, de 1860 à 1937.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais remercier, pour leur aide et leurs conseils, le Professeur Pierre Colman, Monsieur Jean-Patrick Duchesne, le Docteur André Henrard, Madame Ramaekers et Madame Schils au Musée de la Ville d’Eaux ainsi que les membres de l’asbl Histoire et Archéologie Spadoises, Mademoiselle Sabatini et Monsieur Mélard au Musée de l’Art wallon, Madame Léonard-Etienne au Cabinet des Estampes, Monsieur Jean Toussaint et le personnel de la Bibliothèque communale de Spa, le Service de la Population de la Ville de Spa, l’asbl Brocantique, tous les collectionneurs anonymes, ainsi que mon épouse et ma famille.
Notes de l’Introduction
Rétrospective G.J. Crehay, organisée par le Cercle Artistique de Spa en 1961.
Rétrospective G.A. Crehay, organisée par le cercle Artistique de Spa au Jardin du Casino de Spa, du 9 au 25 avril 1955.
La peinture spadoise. Crehay, organisée par l’asbl Brocantique à l’office du Tourisme de Spa, un seul jour, le 4 décembre 1988.
La peinture spadoise. Crehay, Spa, 1988. Avec reproductions des œuvres exposées.
HAULT, Ch., Notice historique sur les dessinateurs et peintres spadois en introduction au salon historique d’avril 1914, in Wallonia, t. 22, Liège, 1914, pp.189-209.
HENRARD, A., Les peintres Gérard-Jonas et Gérard-Antoine Crehay, in Histoire et Archéologie Spadoises, no 3, septembre 1975, pp. 13-18.
Spa dans l’Ecole Liégeoise du Paysage, organisée par Jacques Goijen au Pouhon Pierre-le-Grand à Spa, du 14 juillet au 15 août 1990.
Jacques Goijen a réalisé, à Spa, durant l’été 1991, une autre exposition sur le même sujet. Les œuvres qui y ont été présentées ne sont cependant pas reprises ici, en raison des délais qui me sont impartis.
MOERLOOSE, L. de, Les bois de Spa, mémoire de licence en Archéologie et Histoire de l’Art, UCL, Louvain-la-Neuve, 1986-1987.
les ‘grands’ dictionnaires (BENEZIT, THIEME-BECKER, SIRET…) mentionnent également le nom de Crehay, mais de manière fort laconique.
Enseignant du secondaire et assistant à l’ULG (agrégé de chimie), Christian CADET (1946-1988) développe une pratique autodidacte de la photographie et fréquente le club photo de Trooz et d’Angleur (enseigne la photographie par la suite).
Prise en 1974 en Ardèche, le photographe séjournait dans un petit village de la région. L’appareil utilisé est un Rolleiflex (négatif 4×4).
L’image résonne avec les images des années 70 et témoigne d’une liberté, d’un rapport au corps et d’une pratique de la culture qui ont évolué depuis. Si l’utilisation du noir et blanc concorde avec l’époque, elle résulte également d’un choix, et permet à l’artiste de travailler l’ombre et la lumière dans l’image pour rendre des tons de noirs dans l’image.
Joseph LAMBERTY est né à Liège en 1899, il y est décédé en 1954. C’est un des pionniers du jazz en région liégeoise. Il étudie le piano et commence très jeune – au début des années 20 – à travailler dans les bars. Il forme avec le trompettiste Léon Jacobs un tandem qui connaît un succès important jusqu’au départ de Jacobs pour Paris en 1925. Lamberty continue à travailler en Belgique, puis, en 1926, va rejoindre Jacobs à Paris et commence à voyager énormément, remplaçant Marcel Raskin au sein du Jacobs Jazz et travaillant avec Loulou Gasté et Joséphine Baker.
Lors de ses retours à Liège, il est désormais accueilli en vedette. En 1929, c’est le retour définitif en Belgique. Il entre dans les orchestres de Keyseler, Dieudonné Prenten, etc. Lamberty pratique également la formule “piano duo” en vogue depuis Wiener-Doucet, avec pour partenaire Robert Frenay. Dès le début des années 30, il devient un des piliers de l’orchestre de Lucien Hirsch, un de ses rares improvisateurs et son directeur musical attitré, tandis que son épouse, Loulou Lamberty, en est l’animatrice vedette.
Pendant la guerre, il reste présent lors des diverses avatars de l’orchestre Hirsch, rejoint l’orchestre de Pol Baud avec qui il terminera sa carrière, non sans avoir joué également, à la Libération, dans la formation de Tony Gillis. Comme presque tous les professionnels de sa génération, musicien jazzy plutôt que strictement jazz, Lamberty disparaît de la scène dès l’arrivée du jazz moderne.
[RTC.BE, 10 mai 2023] Bouli Lanners, récemment primé aux césars, se lance dans le monde des marionnettes, et en famille. Sa femme, Elise Ancion, est la fille de feu Jacques Ancion, marionnettiste-sculpteur du célèbre théâtre Al Botroûle. Un théâtre qui renaîtra de ses cendres sous un nouveau nom, mais avec les mêmes marionnettes, qui sont en pleine rénovation.
Le monde du cinéma et de la marionnette se rencontrent. Le réalisateur, scénariste et comédien Bouli Lanners reprend le théâtre Al Botroûle pour le transformer en Théâtre (transmissionnaire) de la couverture chauffante.
Ça échappe un peu à toute cette débauche de moyens qu’on retrouve dans le cinéma. Il faut savoir que c’est le cinéma qui a un peu tué le théâtre de marionnettes dans les années 20. Je trouve qu’en venant du cinéma, c’est rendre justice à la marionnette que de retourner à la marionnette et de lui rendre vie. Pour moi, c’est essentiel dans ma vie. Et le théâtre devrait rouvrir au mois de novembre.
La collaboration est totale
Bouli Lanners travaille en collaboration avec le Centre de la marionnette de Saint-Nicolas pour apprendre différentes techniques auprès de passionnés. Son beau-père, Jacques Ancion, était montreur et sculpteur de marionnettes à tringles au théâtre Al Botroûle. Décédé l’année dernière, il a légué plus d’une centaine de pièces.
“Il a certaines lacunes en sculpture, c’est pour ça qu’il a fait appel à nous. D’une part, nous allons restaurer une partie de ses marionnettes et d’autre part, nous allons lui apprendre à pouvoir les restaurer lui-même quand il pourra commencer à jouer dans son spectacle“, explique Philippe Gilet, directeur de l’asbl.
La collaboration est totale, se réjouit Bouli Lanners. Sans le Centre de marionnette de Saint-Nicolas, le théâtre ne pourrait pas exister et on serait obligés de restaurer comme on peut avec des bouts de ficelle. Et eux sont contents aussi de pouvoir retravailler sur des marionnettes qui ne vont pas être juste pendues comme marionnettes de collection, mais qui vont jouer en scène.
Ici la priorité est de sauvegarder la tradition. Chaque sculpteur a ses spécialités et astuces qu’il transmet aux autres. Une fois vermifugées et réparées, les marionnettes passeront sous le pinceau de Bouli Lanners.
En général, les marionnettes qui ont été repeintes au fil du temps ont été mal repeintes. Et ça, ça tue un peu toute leur âme. J’avais très peur d’y toucher. Donc j’ai été voir comment on faisait les carnations à l’ancienne, avec des techniques qui datent de Vélasquez. Je prends vraiment mon pied !
Encore quelques mois de travail dans cet hôpital de la marionnette seront nécessaires. En novembre, vous découvrirez leur nouveau visage au Théâtre (transmissionnaire) de la couverture chauffante, avec quatre pièces dont trois pièces originales écrites par Bouli Lanners.
François GOFFIN est né en 1979, dans le Condroz. Il fait des études de photographie au 75 à Bruxelles, “mais ça démarre surtout après”, avec sa première exposition à la galerie Contretype à Bruxelles. Il expose la même année notamment au Centre culturel de Marchin et à la Biennale de la Photo d’architecture à La Cambre. En 2007, il prend part à l’exposition Et le bonheur ! (Biennale de photographie en Condroz) et expose au Centre Wallonie-Bruxelles de Paris et au Museu de Arte Brasileira de Sao Paolo (Brésil) dans le cadre de l’exposition CO2 – Bruxelles à l’infini initiée par Contretype. En 2008, il remporte avec la série Réminiscence le Prix Médiatine 2008 et expose la série Les choses simples au Centre culturel de Namur. En 2009 paraît sa première monographie aux Editions Yellow Now. (d’après CONTRETYPE.ORG)
“L’air de rien, François Goffin fait ses images ; ou pour être plus précis, on peut dire qu’il les recueille sur le chemin d’une vie qui est la sienne. Mais ces choses vues, ces endroits, ces visages, regardent aussi les autres. […] Pour lui, ce sont les événements les plus normaux en apparence qui sont les plus étranges. Les plus sidérants, même. Dans ce travail, pas d’invention, de reconstitution, mais une attention nerveuse et joyeuse à ce qui est. Une image peut-être en effet regardée comme un seul vers de poésie, ou une petite phrase glanée au hasard d’un livre. Un seul regard pour de multiples résonnances spirituelles.” (d’après VINALMONT.BE)
À l’heure où l’art conceptuel se perd dans les byzantinismes pseudo-intellectuels les plus abscons, où la veine néo-figurative cultive la redite et la banalité du quotidien, où l’hyperréalisme se perd sur les affligeants chemins du prosaïsme, où les représentations iconiques de l’art pop se confondent avec les vaines images publicitaires des Insta-influenceurs, l’art de Bénédicte François est comme une oasis où beauté plastique et harmonie rayonnent en permanence. Son activité a marqué le paysage artistique liégeois de ces trois dernières années et ne cesse de faire de nouveaux émules…
Véritable quête de l’art pour l’art, son œuvre renoue avec l’expression gestuelle et l’énergie de l’abstraction non-figurative — elle en est l’émanation et la synthèse —, tout en prolongeant l’histoire de ce courant par ses propres spécificités formelles et esthétiques. Si ses tableaux transcrivent sur deux dimensions la légèreté graphique des mobiles de Calder (leur donnant une touche « vintage »), on retrouve également dans son ADN artistique le chromatisme musical d’un Paul Klee, le dialogue de figures simples et épurées comme Masanari Murai ou Raoul Ubac l’ont imaginé ; elle cloisonne la couleur à la manière d’un Maurice Estève ou d’un Serge Poliakoff, sa géométrisation des formes s’inscrit dans la tradition d’un Piet Mondrian ou d’un Walter Dexel. Pourtant, son art est bien plus que cela, il a sa propre spécificité, une autonomie qui le rend reconnaissable entre tous. Il résulte par ailleurs d’une dynamique évolutive qui fait entrevoir un cheminement incessant. L’artiste refuse de s’enfermer dans une manière, elle est en quête continue de nouvelles recherches techniques. Sa quête du Beau se marque par une absence de tout signifiant. Son travail est un pur jeu formel, confirmé par le choix de ne pas donner de titres à ses tableaux afin d’éviter tout sens abscons ou toute orientation qui détournerait le spectateur du seul contenu esthétique.
Dans ses tableaux, Bénédicte François propose une combinaison de courbes, de contrecourbes, de surfaces rondes ou ovales qui, bien que statiques d’apparence, semblent une mécanique du mouvement à l’état pur. Elles dégagent une énergie continue et semblent danser autour de leur centre de gravité.
À la fois vives et délicates, les formes qui en découlent sont systématiquement rehaussées par un échantillon limité de couleurs. À la teinte du fond (souvent blanche et/ou crème, plus rarement grise ou brun foncé), l’artiste associe trois ou quatre coloris différents (rarement plus). L’une de ces couleurs endosse souvent le rôle d’élément perturbateur, de pigment contestataire et frondeur. L’intrusion du vert vif (parfois de l’orange) dans le dialogue qu’entament le bleu foncé et le rouge sang (ou le bleu ciel et le rose) suscite une tension chromatique qui surprend de prime abord le spectateur. Ce dernier finit pourtant par admettre que ce qui eût pu relever de la combinaison criarde engendre au contraire une harmonie inédite, subtile et délicate. Cette manière de faire est une marque de fabrique de la plasticienne. On la retrouve œuvre après œuvre. Elle démontre à quel point Bénédicte François est une coloriste toute en finesse, une alchimiste des pigments.
Avec le temps, les courbes et les formes cloisonnées — dont certaines s’apparentent à des galets stylisés à l’extrême — ont fini par ne plus se contenter d’un fond uniforme. L’arrière-plan des toiles s’est complexifié au point de prendre le dessus sur les figures ludiques auxquelles Bénédicte François s’est adonnée depuis ses débuts. Cet arrière-fond a fini par gagner en densité, en strates préparatoires complexes, en aplats savants qui donnent à chaque tableau une dimension spatiale supplémentaire, un sentiment de profondeur, de pénétration, bien que la créatrice se défende de faire appel aux règles de la perspective classique. Pourtant, le regard s’enfonce dans une infinité d’abîmes imaginaires, il jouit de ce travail de la couleur pure qui tire sa force de sa seule vibration. La maîtrise totale des couleurs s’y exprime à travers une palette de teintes encore plus réduite. Les rares coloris finissent par fusionner avec la couleur dominante, absorbés dans leur éclat avec la puissance attractive d’un trou noir. Il en résulte un magma de textures d’une énergie débordante, une création d’une authenticité totale qui évoque les propriétés de la lave en fusion. La créatrice y explore l’infinie beauté des combinatoires chromatiques dans lesquelles elle se projette corps et âme. Par sa force et sa sensualité, son œuvre n’est ni masculine ni féminine, elle dépasse toute perception genrée. Elle est le fruit d’une véritable Artiste, avec un grand A, vouée à un bel avenir…
Stéphane DADO
Bénédicte François est née à Bastogne, en 1966. Après des études à HEC, à Liège, elle entame une carrière de script sur des films documentaires, notamment en Amérique latine.
Sa vie personnelle la mènera ensuite à Londres puis New York où elle vivra par intermittence près de trois ans. Elle découvrira les multiples galeries et musées de ces villes d’art qui éveillent un intérêt singulier pour la peinture.
De retour à Liège, Bénédicte se lance durant une vingtaine d’années dans une activité de conseillère opticienne avant de réaliser que la passion de la peinture qui l’habite profondément depuis tant d’années est un besoin vital, une vocation première. Depuis, elle a commencé à enchaîner les expositions à Liège, Lasnes, Bruxelles, au Grand-Duché de Luxembourg. Les sollicitations sont nombreuses, l’intérêt du public et des galeristes se fait croissant, de nombreuses expositions sont en préparation et la consacrent dans un véritable statut d’artiste.
Ce matin, le paysage liégeois s’est paré d’une fine couche de neige. Le soleil pointe son nez parmi les nuages. La météo est idéale pour une petite balade photographique.
J’attrape mon appareil photo et prends le chemin des coteaux de la Citadelle de Liège. Petit coin de nature aux beautés insoupçonnées, il accueille quantités d’oiseaux peu avares de leurs beautés mais pour la plupart des promeneurs, complètement invisibles. Beaucoup avancent d’un pas rapide, promenant leurs chiens. D’autres prennent soin de leurs corps lors d’un jogging matinal. Et d’autres encore se baladent en famille se demandant des nouvelles les uns des autres. Ils entendent bien pépier de ci de là mais sans se retourner. Sans se demander d’où provient ce chant mélodieux.
C’est normal, l’endroit est archi-connu et fait partie de notre routine quotidienne. Pourquoi encore se retourner ? C’est lors de nos vacances que nous nous asseyons pour admirer la vue, pas au détour d’un simple parc à deux pas de chez nous. Et pourtant, cet endroit si quotidien est chargé de beautés à la portée de chacun, mais mésestimées.
J’arrive au cœur des bois et ralentis le pas. Je m’adosse contre un tronc d’arbre et prends le temps de repérer l’origine des bruits qui m’entourent. Par-là, des mésanges se poursuivent dans les taillis, par ici des corneilles s’en prennent à une buse. Ah, j’aperçois un écureuil qui grignote une noix. Je tente de trouver un angle satisfaisant pour le prendre en photo. Je lutte avec mon autofocus qui semble prendre un malin plaisir à faire le point sur la moindre branchette entre moi et le petit mammifère. Trop tard, l’écureuil a fichu le camp. Belle rencontre mais qui n’aura pas de témoin.
Je reprends ma route et avance à pas de loup dans une petite sente moins fréquentée. Les pépiements redoublent d’intensité. Lorsque je repère une sittelle torchepot. Elle se pose et se balade nonchalamment sur un vieil arbre mort recouvert d’une fine pellicule de neige. Le soleil, la neige, un fond dégagé, pas de branchette énervante entre elle et moi. La photo est prise, l’oiseau s’envole. Ce jour-là, ce fut aussi de belles photos de rouges-gorges et de geais. Rien d’exceptionnel, je n’avais croisé ni un loup ni un tetra lyre… mais vraiment, la beauté était bien présente dans cet océan de banalité.
Jacques Kriekels est né à Liège en 1918 et décédé à Saint-Nicolas en 1985. Il étudie le violon classique puis, en 1934, il découvre les orchestres jazzy sur les ondes de l’I.N.R. Il fait la rencontre de Victor Ingeveldt : séduit par son jeu, il passe au saxophone. Il entre en 1935 comme premier alto dans l’orchestre de Gene Dersin, à Liège ; dès cette époque, il joue indifféremment du saxophone ténor, de l’alto et de la clarinette. Il écoute assidûment tous les disques de jazz qu’il peut trouver et, en s’en inspirant, se lance dans l’improvisation.
En 1938, il remporte la coupe du meilleur ténor au Tournoi des Beaux-Arts, à Bruxelles, et entre dans l’orchestre de Lucien Hirsch, à Liège. Il sera l’un des premiers musiciens belges à s’intéresser au jeu de Lester Young (le soliste le plus “actuel” à ce moment-là) et à lui emprunter des idées. Au début de la guerre, il travaille un temps dans l’orchestre de Gaston Houssa, puis, allergique au show qui caractérise celui-ci, revient chez Gene Dersin. Kriekels se crée une réputation en tant que soliste de la formation de Dersin avec laquelle il enregistre nombre de 78 tours. Il grave aussi quelques acétates avec un petit orchestre. Entretemps, il initie le jeune Bobby Jaspar à la clarinette.
A la Libération, il devient professionnel et suit Dersin à Bruxelles pour un contrat à l’A.B.C. Il écrit de nombreux arrangements. De 1945 à la fin de la décennie, il joue et enregistre avec Léo Souris, Eddie de Latte, Joe Lenski, Robert de Kers, Fud Candrix, etc. Il est à ce moment-là considéré comme une des vedettes de l’alto et comme un des meilleurs solistes. En 1951, semi-retraite : il revient à Liège pour jouer dans les formations de Fernand Lovinfosse, Paul Franey, Jean St-Paul, etc. Mais, à nouveau déçu par la musique alimentaire pratiquée par ces formations à partir d’une certaine époque, il arrête complètement la musique.
Jacques Kriekels continue néanmoins à suivre l’évolution du jazz sur disque. En 1974, à l’âge de la prépension, il se rachète un saxophone et se remet à jouer ; quelques années plus tard, il remontera même un éphémère quartette et participera aux débuts du Jazz à Liège. Puis, pour des raisons de santé, il est obligé d’arrêter à nouveau, définitivement cette fois. Il est emporté par la maladie en 1985.
Au lendemain de la première guerre mondiale, deux projet distincts, inspirés par la reconnaissance, ont été élaborés simultanément. En se conjuguant, ils ont donné naissance au Monument Interallié et à l’église du Sacré-Cœur qui forment à Cointe un ensemble monumental bien connu des Liégeois.
Suivons d’abord la genèse du Monument Interallié. Au lendemain de la paix retrouvée, on voulut rendre un hommage collectif à la gloire des soldats alliés. Un vœu fut émis en ce sens lors du premier congrès de la Fédération Interalliée des Anciens Combattants (F.I.D.A.C.) en 1921. Deux ans plus tard, un congrès semblable réuni à Rome s’enthousiasma pour le projet et en confia l’exécution à une nation ayant été particulièrement éprouvée par le conflit et qui en fut la première victime : la Belgique. Un comité interallié fut constitué et confié à la Princesse Jean de Mérode, présidente de la Fédération Nationale belge des Combattants. Le comité projeta d’édifier un monument commémorant la collaboration des alliés pendant la guerre, à Liège, ville qui subit en 1914 le premier choc de l’invasion. On pensa construire à Fétinne ce “Mémorial Interallié” qui devait faire renaître la solidarité internationale sur le terrain de la charité. Le Mémorial devait contenir un musée de la charité internationale pendant la Grande Guerre.
Pendant ce temps, dans les milieux catholiques, on élaborait un autre projet. Depuis longtemps, on avait décidé d’ériger un mémorial au Sacré-Cœur de Jésus pour la protection dont avait joui le Pays de Liège pendant les dures années de l’occupation. Il ne fut d’abord que d’une statue monumentale à placer au plateau de Cointe. On parle ensuite d’ajouter une chapelle qui prit bientôt les proportions d’une église et qu’on appela prématurément “basilique.”
C’est l’abbé de Fooz, curé de Roloux, qui fut le promoteur du projet de monument religieux. L’Évêque désigna Cointe comme site : ainsi l’église servirait en même temps d’église paroissiale. Jusque là, en effet, la paroisse Notre-Dame de Lourdes de Cointe ne disposait que d’une chapelle provisoire située rue du Chéra. L’élaboration du projet fut donc confiée à la Fabrique d’Eglise, institution responsable dans la paroisse du lieu de culte. Cette Fabrique est soumise à une législation très stricte. Les démarches entreprises par le Conseil de Fabrique se heurtèrent à tant de difficultés administratives que celui-ci renonça au projet qui fut dès lors pris en charge par une association privée érigée le 14 novembre 1923 : l’A.S.B.L. “Monument Régional du Sacré-Cœur“. A la fin de la même année, l’A.S.B.L. acheta le château Saint-Maur et les propriétés voisines.
De ce temple dédié au “Prince de la Paix”, on voulait faire un centre vivant de dévotion eucharistique et un centre diocésain de la dévotion au Sacré-Cœur. Ces deux projets fusionnèrent dès le moment où les responsables du “Monument Interallié” apprirent qu’un comité liégeois se proposait d’ériger une grande église régionale et un centre de pèlerinage à Cointe. Les deux monuments n’en feront qu’un seul qui comportera un élément civil et patriotique, le Monument Interallié, et un élément religieux, l’église du Sacré-Cœur.
Les comités réunis approuvèrent le projet de construction qui avait remporté le concours ouvert pour la circonstance. Il était l’oeuvre de l’architecte anversois Jos. Smolderen, auteur d’un autre monument à Zeebruges.
2. Les travaux
Lors de la pose de la première pierre du futur monument, on ne pensait encore qu’à la construction de la statue du Sacré-Cœur. La pierre en question est conservée dans la chapelle latérale dédiée à Saint-Maur. Elle porte une inscription : “Au prince de la Paix, le pays de Liège reconnaissant. Le 21 juin 1925, Sa Grandeur, Mgr Rutten, Évêque de Liège, d’Eupen et de Malmedy, posa solennellement le première pierre de ce monument.“
l.’ouverture des soumissions pour les travaux eut lieu au château Saint-Maur, l’actuel Castel, le 8 septembre 1931. Un devis estimatif parlait de 4.600.000 francs. La construction de l’église fut confiée d’abord à la firme S.A. Hallet et Poismans. Elle fut poursuivie par la S.A. Poismans et Cie, alors que l’entreprise Hallet travaillait au Mémorial. En effectuant les déblais pour les fondations de l ‘église, on ne fut pas peu surpris de trouver une demi-douzaine de puits de mine de quelque 90 cm de diamètre. On se trouvait sur l’emplacement d’une ancienne houillère, vieille de 2 à 3 siècles, dont l’administration des mines ignorait l’existence.
La consolidation du terrain a été réalisée par l’injection de ciment. Il fallut amener 250 camions de 2.000 kg de ciment. Ce travail d’injection dura un an et consomma une part des fonds rassemblés pour le monument. Ainsi, les assises de l’église reposent sur un formidable bloc de béton. L’ossature de l’église n’est pas construite en béton armé. L’élévation et les piliers sont en maçonnerie de briques. Les pierres du revêtement extérieur sont celles dites Mézangères, appelées communément pierres de France. Les hourdis de la crypte, les linteaux intérieurs, la voûte supérieure et la coupole extérieure sont en béton armé.
Malheureusement, le bâtiment est resté inachevé. En effet, autour de l’espace central, sous la grande coupole, on prévoyait deux grandes chapelles et deux portails monumentaux. Une seule des grandes chapelles qui devaient rayonner autour de la coupole a été construite : c’est le chœur. L’autre chapelle, de même que les deux entrées monumentales, n’ont pas été réalisées parce qu’on manquait d’argent. Une maquette exposée dans l’église permet de voir comment devait se présenter l’édifice initialement prévu.
Ceci explique que trois pans de l’enceinte ont été fermés (on espérait la chose provisoire) par des parois élevées en maçonnerie de briques rouges recouvertes de cimentage. Deux porches que l’on croyait aussi provisoires ont été construits en maçonnerie et recouverts de cimentage. Les aménagements intérieurs n’ont pas été effectués à cause du manque de fonds.
3. L’inauguration
Nous nous intéressons principalement à ce qui concerne l’église du Sacré-Cœur. A titre d’information complémentaire, nous mentionnons ce qui concerne d’autres éléments faisant partie de l’ensemble monumental de Cointe.
Le 22 mars 1936, dimanche du Laetare, la paroisse N.-D. de Lourdes assiste à la bénédiction solennelle de la nouvelle église paroissiale dédiée au Sacré-Cœur, Prince de la Paix. Cette bénédiction a été donnée par Mgr Simenon, vicaire général, assisté par l’abbé Claessens, curé, et de Mgr de Gruyter, ancien curé de la paroisse. Cette bénédiction marquait l’ouverture de la nouvelle église au culte.
La consécration de l’église, qu’on appelle aussi “dédicace”, eu lieu le vendredi 19 juin 1936, jour de la fête du Sacré-Cœur, par Mgr Kerkhofs, Évêque de Liège. L’inauguration du Monument Interallié a eu lieu le 20 juillet 1937. Elle fut présidée par le Roi Léopold III en présence du Prince Charles, du Maréchal Pétain, du Maréchal Earl of Cavan et de la Princesse de Mérode. Le monument aux morts de Cointe, plaque commémorative fixée sur le mur extérieur de l’église face à la tour votive, a été inauguré le 17 juillet 1938.
4. Style et dimensions
De style néo-byzantin, l’église est couverte d’un dôme central à lanterne supporté par huit double colonnes. Des chapelles occupent les absidioles greffées autour du plan circulaire. La coupole est formée par trois éléments superposés :
une coupole intérieure de forme ovoïdale percée à la partie supérieure ;
un cône intermédiaire ;
la coupole extérieure de forme sphérique, absolument indépendante des autres. Cette coupole est légère : elle n’a que 8 cm d’épaisseur.
L’église a 84 m de façade. La hauteur totale de l’édifice est de 54 m (la tour votive du Monument Interallié a 75 m).
La hauteur sous la coupole intérieure : 35 m ;
La hauteur sous la coupole extérieure : 42 m ;
Le diamètre de la coupole intérieure : 25 m ;
Le diamètre de la coupole extérieure : 28 m ;
Le diamètre de la lanterne : 8 m 50 ;
Le poids total des matériaux employés : 25.000 tonnes.
5. Meubles et décoration
Le Sacré-Coeur en marbre blanc de Carrare placé à l’ intérieur de l’église sur un socle imposant en face de l’entrée est la reproductionn faite par Karel Weirich d’un Sacré-Coeur sculpté pat son père : Ignace Weirich (1856-1916). L’original est à Rome.
La statue de Saint Maur provient de la chapelle dédiée au saint dans la rue portant son nom. C’est Saint Maur abbé (il porte la crosse). Il y a eu incontestablement confusion entre l’abbé angevin et l’obscur ermite hutois vénéré à Cointe. C’est devant le statue de l’abbé que prient ici les fidèles. L’oeuvre semble dater du 17e siècle. La polychromie est neuve.
Le Christ en croix surmontant le tabernacle du maître-autel est l’oeuvre du céramiste cointois Dominique Harzé. Dès 1935, la Pologne préparait l’aménagement décoratif et l’ameublement de la chapelle dédiée à la Vierge de Czestochowa.
Les fonts baptismaux, fixés dans le baptistère, sont faits d’une cuve en marbre sur pied.
Les orgues sont les dernières orgues de cirque construites par Kerckhoff de Bruxelles en 1905.
Les vitraux sont plus tardifs.Les trois vitraux du chœur honorent le Sacré-Cœur. Celui du centre est dédié au Sacré-Cœur, Prince de la Paix. Celui de gauche évoque le cœur transpercé de Jésus. Celui de droite montre le disciple bien-aimé s’appuyant sur le cœur de Jésus. Ils sont l’oeuvre de G. Steger et de J.Colpaert qui les ont réalisés en 1953.
D’autres vitraux ornent la chapelle saint-Maur. Ils sont des hommages rendus à des enfants de la paroisse morts au service de la patrie ou de l’église : Michel Nève de Mévergnies (1943) ; Albert Forgeur (196l) ; Maurice
Hauterat (1944). D’autres ouvrages récents ornent le chœur : les grilles en fer forgés. Les confessionnaux sont aussi en fer forgé.
La crypte est décorée de trois mosaïques dues à J. Osterrath et placées en 1938. La mosaïque centrale faisant effet de retable représente des anges en adoration, celle de gauche représente N.D. de Lourdes, celle de droite Sainte Bernadette, la voyante de Lourdes.
6. La visite
Tout a été conçu pour faciliter la visite de l’ensemble du bâtiment. Un escalier monumental, situé derrière l’autel, donne accès au balcon qui surplombe le choeur. D’autres escaliers donnent accès aux deux balcons situés à l’arrière du bâtiment. Des escaliers aménagés dans les deux clochetons N-E conduisent vers la galerie, le promenoir à la base du dôme. Le visiteur ayant gravi les 85 marche peut circuler à son aise dans le promenoir long d’environ 100 m et situé à une hauteur de 42 m. Dans la galerie, 40 baies sont ouvertes dans la paroi extérieure permettant à celui qui circule dans la galerie de découvrir le plus beau panorama ininterrompu de Liège et de sa banlieue. Par des fenêtres donnant vers l’intérieur, le visiteur peut, de la galerie, voir l’église de haut.
Depuis la galerie, on accède à la lanterne couronnant le dôme par l’escalier de 91 marches posé en colimaçon entre la voûte intérieure et la coupole extérieure. Cet escalier en béton armé encastré sur les parois des coupoles intérieure et moyenne, permet l’accès facile au balcon qui couronne la coupole extérieure. Depuis ce point élevé le visiteur a une vue impressionnante du panorama. La montée vers la lanterne par l’espace. situé entres les coupoles impressionne le visiteur et lui donne une idée saisissante des dimensions du bâtiment.
7. Une basilique ?
La dénomination de “basilique” donnée à une église ne tient pas à son architecture et ne dépend pas de la volonté de ceux qui l’ont construite. Il s’agit d’un titre décerné à l’édifice par l’autorité ecclésiastique qui veut honorer le sanctuaire. Pour comprendre le sens et l’origine de ce titre, il est utile de faire un peu d’histoire.
Dans l’antiquité romaine, on qualifiait de royal un édifice imposant. Le terme basilique, d’origine grecque (“basilikos”, du mot “basileus” qui veut dire “roi”), fut employé par les seuls latins pour désigner une grande salle. On appela “basiliques” principalement les édifices publics civils qui servaient de marché ou de palais de justice.
Les chrétiens des deux premiers siècles ne semblent pas avoir eu d’édifices réservés à leurs assemblées. Leurs réunions avaient lieu dans des maisons privées. Au troisième siècle, certaines maisons, devenues propriété de la communauté, servirent de lieu de rassemblement. La croissance de la communauté amena les chrétiens à construire non seulement des maisons ordinaires servant d’église, mais de grandes salles du genre des salles publiques connues à l’époque. Quand les chrétiens construisirent des édifices religieux adoptant le dessin et les proportions de la basilique civile, on parla de basiliques chrétiennes. Celles-ci se caractérisaient par la forme basilicale, c’est-à-dire une grande surface rectangulaire couverte d’une charpente que supportaient des rangées de colonnes parallèles à un côté.
Le titre de “basilique”, resté longtemps imprécis a été finalement conservé par certaines églises qui étaient plus connues à cause de leur antiquité, de leurs dimensions ou de leur célébrité. A partir du 16e siècle, les papes ont donné le nom de “basilique” à des églises qui ne jouissaient pas d’elles-mêmes d’une longue antiquité et d’une grande célébrité. La législation ecclésiastique plus récente dit : “Aucune église ne peut être honorée du titre de basilique sinon par la permission apostolique ou par une coutume immémoriale.” Trois insignes sont remis à une église élevée au rang de “basilique” : le pavillon, grand parasol fait de bandes de soie alternativement rouges et jaunes ; la clochette fixée au sommet d’un bâton ; la chape violette dont se vêtent les chanoines si la “basilique” a un chapitre.
L’église du Sacré-Coeur à Cointe n’a pas été honorée du titre de basilique. C’est donc prématurément que les promoteurs de l’église ont parlé de “basilique” et c’est erronément que certains l’appellent ainsi.
La plupart des rencontres sont le fruit d’un pur hasard. Vous étiez venu tenter de photographier un oiseau quand se présente devant vous un tout autre type de bestiole. Ces rencontres me procurent la plupart du temps un grand choc émotionnel. Je n’étais pas préparé à rencontrer ce renard, presque en pleine journée, dans un endroit connu pour être le paradis des oiseaux (quoiqu’il doive y trouver son compte lui aussi).
Ce matin-là, je pars à la rencontre du gorge-bleue un petit migrateur qu’on ne rencontre qu’à la saison des amours, dans certaines réserves naturelles. Grandes étendues d’eau et joncs à profusion sont requis. Je me lève donc à l’aube, m’équipe de mon attirail de photographe : pantalon imperméable me permettant de m’asseoir par terre sans être trempé, veste de camouflage, appareil photo équipé de son téléobjectif. Je monte dans la voiture et parcours la petite demi-heure qui me sépare d’un endroit tout à fait étonnant : les bassins de décantation d’Hollogne-Sur-Geer. Ces anciens bassins servent à la purification de l’eau issue d’une râperie de betterave et offrent à une faune avicole bigarrée, bruyante et nombreuse, un espace de jeu de toute beauté. L’endroit est bien connu des photographes et nous nous retrouvons souvent une petite dizaine à écumer les lieux.
Arrivé sur place, je me positionne près des roseaux espérant voir mon Graal bleu apparaître. Une heure, puis deux ; je pars ensuite observer les bassins, tentant de récupérer mon coup par une photographie moins exceptionnelle de quelques canards. Quelques dizaines de clichés relativement ordinaires plus tard, je fais demi-tour et reprends le chemin de la voiture. Soudain, j’écarquille les yeux, quelle est cette forme qui bouge près des anciens tuyaux de circulation d’eau ? Un renard ? Mais il est déjà 10h du matin ! Comment est-ce possible ? En fait, ces questions je me les suis posées après. Je ne sais quel réflexe me fait tendre mon appareil et appuyer sur la détente tout en priant pour que la mise au point se fasse correctement. J’ai eu le temps de prendre sept clichés en six secondes, les données EXIF de mes photos faisant foi, avant que le renard ne disparaisse au détour du chemin. Six secondes, trois respirations, sept photographies et cinq pensées au moins (“abaisse toi pour ne pas lui faire peur“, “fais la mise au point sur ses yeux“, “est-ce que les iso ne sont pas trop élevés ?“, “ne tremble pas“, “refais la mise au point pour être sûr…”). Le renard est parti. Mes mains tremblent. J’ai une montée d’adrénaline. C’est la première fois que je prends la photographie d’un renard, enfin plutôt d’une renarde, en face-à-face. Je vérifie la qualité du cliché. Même si ce n’est pas ma meilleure photo, elle me plait, justement parce qu’il s’agissait d’une rencontre inattendue.
Et pourtant ? Était-ce si inattendu que cela ? N’est-ce pas justement cette surprise que le photographe espère vivre ? Attendre l’inattendu. Je me suis levé tôt, j’ai réservé du temps dans ma semaine, j’ai préparé mon matériel et je suis resté attentif à mon environnement jusqu’au dernier instant. C’est finalement cet état d’esprit qui me plaît. Le plaisir de se laisser surprendre. Une leçon de photographe et probablement une leçon de vie.
La bergeronnette vient de s’envoler ; elle piétait dans la prairie détrempée par le déluge de ces derniers jours et elle m’a arraché à une rêverie étonnée. Merci Hugues Dorzée et l’équipe d‘Imagine, Demain le monde : vous revendiquez l’appartenance à la Slow Press -et tout le monde vous l’accorde- et vous me faites découvrir que wallonica fait du slow media depuis plus de 23 ans… sans le savoir, malgré une Charte de qualité qui le formule en d’autres termes.
Pour Monsieur Jourdain, c’était la prose, pour wallonica c’est du Slow… quoi ? Je constate que les initiatives d’éducation permanente (nous, même sans la reconnaissance officielle) visant à développer le sens critique de leurs bénéficiaires (vous, avec toute notre reconnaissance) en leur faisant travailler des contenus dûment sélectionnés et édités, n’ont pas de Slow quelque chose. Parler de Slow Education fait trop penser à l’école, Slow Knowledge aux innovations en Intelligence Artificielle et Slow Content à une tortue qui se rend au feu d’artifice du 14 juillet à Liège. Essayons Slow Docu en attendant mieux…
Il nous reste à vérifier si nous participons du même mouvement que tous nos confrères et consœurs qui, comme nous, ont décidé de descendre d’un train lancé à trop grande vitesse, sans renoncer à leur volonté de faire Société. J’ai idée que nous allons tomber d’accord !
N.B. Dans le texte ci-dessous, nos commentaires seront précédés d’un [eW] pour “encyclo WALLONICA“.
[OWNI.FR, 4 août 2010] Et si on levait le pied ? C’est le programme proposé par des Allemands, qui détaillent en quatorze points leur concept de slow media ou “médias lents” dans un manifeste publié en janvier de cette année. Nos camarades d’outre-Rhin sont particulièrement actifs et semblent être des champions du manifeste. Après un manifeste Internet qui a généré de nombreuses discussions, voici la traduction d’un manifeste pour promouvoir… les slow media, ou médias lents [eW : ou médias doux]. Certaines des valeurs qu’il prône ne sont pas étrangères à la soucoupe.
Dans la première décennie du vingt-et-unième siècle, que l’on appelle les années zéro, les fondements technologiques du paysage médiatique ont profondément changé. Les mots clés les plus importants s’appellent réseau, Internet et médias sociaux. Dans la deuxième décennie, il y aura moins de gens qui chercheront de nouvelles technologies permettant une production de contenu plus simple, plus rapide et moins chère. Au lieu de cela, il aura des réactions appropriées à cette révolution des médias, qui intégreront les dimensions politiques, culturelles et économiques et qui seront constructives. Le concept de lenteur “slow”, à prendre comme dans “slow food” et non en tant que “décélération”, en sera une clé importante. Tout comme le slow food, les slow media n’ont rien à voir avec la consommation rapide, ils sont du côté du choix réfléchi des ingrédients et de la préparation concentrée. Les slow media sont accueillants et chaleureux. Ils partagent volontiers.
1. Les slow media contribuent à la pérennité
La pérennité est liée aux matières premières, aux processus et aux conditions de travail, qui sont les fondements de la production médiatique. L’exploitation et le sous-paiement comme la commercialisation sans condition des données privées des usages ne pourra donner lieu à des médias pérennes. Le terme renvoie en même temps à la consommation pérenne des slow media.
[eW] L’édition en ligne est consommatrice de ressources énergétiques, par la nature même de ses outils. Il nous revient d’en faire usage raisonnable et de gérer sainement le ratio entre l’énergie consommée et l’activité critique suscitée chez nos visiteurs. Notre bénévolat auto-géré reste un mode de collaboration où intervient jugement, confort et respect : voilà qui garantit des conditions de travail éthiques et responsables. Loin des arcanes de l’ISO27001 et autres tracasseries bureaucratiques, nous garantissons un usage des données personnelles non-commercial : l’abonné reçoit gratuitement, une fois par semaine, notre infolettre qui ne mentionne que les derniers parus, sans pub, et nos décomptes de visites sont totalement anonymisés.
Audit interne du critère 01 : OK !
2. Les slow media promeuvent le monotasking
Les slow media ne peuvent être consommés de manière distraite, ils provoquent au contraire la concentration de l’usager. Tout comme pour la production d’un bon repas, qui demande une pleine attention de tous les sens par le cuisinier et ses invités, les slow media ne peuvent se consommer avec plaisir que dans la concentration.
[eW] Mea Culpa. Nous gagnons notre visibilité également au travers des réseaux sociaux, hauts-lieux du multitasking : avec un titre intrigant ou une iconographie qui interpelle (ne serait-ce que par sa qualité : pas de photos de petits chats ou d’images achetées à des banques de données internationales), nous suscitons souvent le premier clic, celui qui ouvre une page de wallonica.org. Plus souvent, c’est l’attaque d’un article, dans la première page des résultats d’un moteur de recherche bien connu, qui rend le visiteur curieux. La suite lui appartient : il ou elle lira l’article découvert, s’intéressera au thème et cliquera sur les liens connexes qui redirigent vers des contenus Wallonie-Bruxelles, qui bénéficieront ainsi de leur pleine attention. Notre dispositif d’entonnoir de liens ainsi organisé permet de passer de la dispersion à l’attention. What else ?
Audit du critère 02 : OK !
3. Les slow media visent le perfectionnement
Les slow media ne se présentent pas comme des choses vraiment nouvelles sur le marché. Ils accordent davantage d’importance à l’amélioration continue d’interfaces fiables et robustes, accessibles et parfaitement conçues pour les habitudes de consultation de leurs usagers.
[eW] De l’éducation permanente à l’amélioration continue, il n’y a qu’un pas, que nous avons fait tant de fois, en 23 ans d’activités : notre histoire, tant logicielle que méthodologique, en témoigne. Notre interface en logiciel libre est constamment mise-à-jour et augmentée de nouvelles fonctionnalités. Ceux parmi nos fidèles qui ont connu les versions précédentes de notre encyclo pourront témoigner. Rétrospectivement, je trouve qu’ils ont été courageux. Nous aussi !
Audit du critère 03 : OK !
4. Les slow media rendent la qualité palpable
Les slow media se mesurent en production, en attrait et en contenu par rapport à des standards de qualité élevés et se distinguent de leurs homologues rapides et vite passés, que ce soit par une interface de qualité supérieure ou par un design esthétique inspirant.
[eW] Du logo à la mise en page, du confort de lecture à la qualité de l’iconographie, du niveau des contenus à la transfiguration des publications originales en publications “wallonica”, notre Livre d’or déborde de témoignages et de retours qui font chaud au cœur.
Audit du critère 04 : OK !
5. Les slow media encouragent les prosommateurs (les personnes qui déterminent activement ce qu’ils veulent produire et consommer, et comment)
Dans les slow media, le prosommateur actif s’inspire de son usage des médias pour développer de nouvelles idées et agir en conséquence, plutôt que d’être un consommateur passif. Cela s’illustre par exemple par les annotations en marge dans un livre ou par les discussions animées entre amis à propos d’un disque. Les slow media inspirent, impactent les pensées et actions de leurs usagers de manière continue et cet impact est encore perceptible plusieurs années plus tard.
[eW] Voilà un critère émouvant pour nous et qui sonne comme une reconnaissance a posteriori : nous avons très tôt publié sur le passage du prolétariat au consomtariat qu’avaient identifié Bard & Söderkvist dans Les Netocrates (2008). L’idéal du prosommateur traduit enfin la saine réaction contre cette déchéance sociétale. Nous y travaillons, notamment en nous efforçant de susciter l’apparition d’un réseau de contributeurs et de centres d’édition encyclo : les Maisons Jaucourt.
Audit du critère 05 : OK !
6. Les slow media sont discursifs et alimentent des conversations
Ils cherchent interlocuteur avec qui entrer en contact. Le choix du medium cible est donc secondaire. L’écoute est aussi importante que le discours dans les slow media. Aussi, slow signifie ici : être attentif et abordable, être capable d’observer et de questionner sa propre position sous un angle différent.
[eW] Objectif “débat” : voilà un point fondateur chez nous. Dans nos 7 critères de qualité, nous insistons sur les principes de l’édition critique en citant Simone Weil : “Il faut accueillir toutes les opinions, les loger au niveau qui convient et les composer verticalement.” wallonica.org doit ainsi s’interdire tout dogmatisme et son travail d’édition doit induire une approche critique du sujet abordé, sans exclusive. Plus encore, là où nous évoquons la liberté absolue de conscience, nous remettons le couvert : documenter le monde (c’est-à-dire la Wallonie et Bruxelles…) dans le but de convaincre du bien-fondé d’un dogme ou d’une idéologie n’est pas la même chose que publier une encyclopédie vivante qui alimente le débat et nourrit la réflexion critique. Nous avons fait notre choix. Audit du critère 06 : OK !
7. Les slow media sont des médias sociaux
Des communautés actives ou des tribus se constituent autour des slow media. Cela peut être par exemple un auteur échangeant ses pensées avec ses lecteurs ou une communauté interprétant les œuvres tardives d’un musicien. Ainsi, les slow media contribuent à la propagation de la diversité et respectent les cultures et les particularismes locaux.
[eW] Nous avons fait le choix de désactiver la possibilité pour nos visiteurs de laisser un commentaire au bas des articles du blog encyclo. C’est par manque de ressources : avec près de 1.500 entrées dans l’encyclo, nous ne pourrions gérer les interactions nous-mêmes. Nous interagissons dès lors via le formulaire de contact et la messagerie. Les commentaires restent possibles dans le topoguide.wallonica.org et, à titre expérimental, dans l’essai Être à sa place qui est écrit en live ! Les réseaux de fidèles visiteurs qu’anime wallonica.org restent néanmoins garants du rayonnement de l’initiative. Seul bémol : nous n’allons jamais mettre en avant un particularisme local (le terme sent le communautarisme, à l’opposé de notre option “universaliste”) alors que nous rendrons justice à toutes les particularités locales. A débattre avec le traducteur du document source… Audit du critère 07 : OK !
8. Les slow media respectent leurs usagers
Les slows media abordent leurs usagers d’une manière et consciente amicale et ont une bonne idée de la complexité ou de l’ironie que portent leurs usagers. Les slow media ne considèrent pas leurs usagers de haut ni ne les approchent d’une manière dominatrice.
[eW] La proximité systématique que nous entretenons avec nos visiteurs et nos réseaux ne nous invite pas à prendre quiconque de haut, pire : nous nous exposerions immédiatement à des retours de flamme, ce qui constituerait d’ailleurs une belle reconnaissance de notre travail d’éducation permanente ! Audit du critère 08 : OK !
9. Les slow media se diffusent par la recommandation
Le succès des slow media n’est pas fondé sur une pression publicitaire envahissante sur tous les canaux mais sur la recommandation par des amis, des collègues ou membres de la famille. Une personne qui achète cinq fois un livre et qui le distribue à ses meilleurs amis est un bon exemple de ce principe.
[eW] Pas de 20 m² pour nous, pas de mailings envahissants, pas de call centres harcelants ou de porte-à-porte pour vendeurs d’aspirateurs. Dommage, non ? Le jour où une encyclopédie en ligne fera des campagnes de promotion sur des panneaux gigantesques, à l’entrée des autoroutes, on pourra se dire que quelque chose a changé dans notre monde… En attendant, le bouche-à-oreille, c’est très bien. Et, mmmh, quel bouquin ai-je récemment acheté 5 fois ? Ah oui : La fille du sculpteur de Tove Jannson. Je vous le recommande ?
Audit du critère 09 : OK !
10. Les slow media sont intemporels
Les slow media ont une longue durée de vie et paraissent encore frais après des années voire des décennies. Ils ne perdent pas leur qualité avec le temps, mais obtiennent au contraire une patine qui augmente leur valeur.
[eW] Certains de nos articles datent de l’époque québécoise et ont été rapatriés dans wallonica.org. Nous travaillions alors avec l’équipe de l’Encyclopédie de l’Agora, alimentant la même base de données. Les temps ont changé et wallonica.org est aujourd’hui autonome. Reste que nous sélectionnerions les mêmes Incontournables qu’à l’époque. Nous restons fidèles à nous-mêmes et nos coups de cœur, comme nos engagements, ne sont pas très volatils.
Audit du critère 10 : OK !
11. Les slow media ont une aura
Les slow media diffusent leur propre aura. Ils génèrent la sensation que le média particulier appartient à ce moment précis de la vie de son utilisateur. Bien qu’ils soient produits industriellement ou soient partiellement bâtis sur des procédés industriels de production, ils donnent l’impression d’un caractère unique et d’être autocentrés.
[eW] Un témoignage bien senti, plutôt que des commentaires : “J’avais postposé quelque peu la lecture de votre ‘dernier paru’ consacré au développement personnel. M’étant levé aux aurores, je viens de m’y consacrer tout à mon aise et j’ai bien fait. J’ai d’abord beaucoup ri. Et puis, j’aime beaucoup la manière détachée d’aborder les choses graves et d’émailler votre propos -fort bien construit pas ailleurs- d’expressions familières, idiomatiques voire absurdes (silly, isn’t it ?) ce qui est évidemment une marque de fabrique depuis toujours. En quelques instants de lecture, je vous ai retrouvés tout entiers, avec des feintes à deux balles (pan-pan) avec un tropisme affirmé pour le beau, avec la liqueur du Suédois, avec Spa, avec la dinde au whisky, avec Yves Teicher et Madame Chapeau (Amélie Van Beneden, les crapuleux de sa strootje et Jefke, pauvre Jefke), avec Frank Capra, la charmille de Haut Regard, avec le maire de Champignac (“là où la main de l’Homme n’a encore jamais posé le pied”), la sardine à l’huile (et donc l’huile de ricin), etc. J’ai évidemment ‘surkiffé sa race, wesh’. Bien sûr, je me suis goinfré des consignes et des exercices pratiques. Je me vais d’ailleurs trouver illico deux bouteilles de Chablis et Stars Wars 4-5-6 pour ce soir (ma femme aime bien le Chablis !). Tout ça pour dire que cette encyclo.pédie.thèque (biffer rageusement la mention inutile) devient de plus en plus ce que vous vouliez qu’elle devienne et que je veux vous en féliciter fort chaleureusement. Voilà donc sans doute un chef-d’oeuvre à jamais inachevé.“
Audit du critère 11 : OK par applaudimètre !
12. Les slow media sont progressistes, et non réactionnaires
Les slow media dépendent de leurs progrès technologiques et du mode de vie de la société connectée. C’est en raison de l’accélération de différents domaines de la vie que les îlots de lenteur délibérée sont rendus possibles et essentiels pour la survie. Les slow media ne sont pas en contradiction avec la vitesse et la simultanéité de Twitter, des blogs ou des réseaux sociaux, mais ils sont une attitude et une façon d’en faire usage.
[eW] Le point est délicat qui mélange bonnes pratiques dans l’usage des médias et positionnement sociétal, voire philosophique. L’intérêt du “slow” sous toutes ses formes est l’accent mis (mais non verbalisé) sur l’usage de la Raison, là où l’insistance sur la qualité et la cohésion sociale est mise en avant. User de Raison, c’est à dire ne pas être aveuglé par ses affects (et, partant, échapper au tout-commerce qui mise justement sur notre aveuglement affectif) demande du temps et de la maîtrise. Peu d’encyclopédies prennent l’industrie du Fast Food comme modèle : nous ne sommes pas très originaux sur ce point-là et nous travaillons dans le “temps long”. Notre attitude envers les dispositifs de réseaux sociaux électroniques et le e-Business est plus tangente : à aucun moment la viralité de nos contenus sur tel ou tel support n’est un critère de réussite (sauf pour briguer des subsides…) mais la maîtrise des outils du e-Business au sens large est une exigence de notre métier. Nous y travaillons tous les jours. Audit du critère 12 : OK !
13. Les slow media reposent sur la qualité, à la fois dans la production et dans la réception des contenus médiatiques
Des compétences intellectuelles comme la critique des sources, le classement et l’évaluation des sources d’information prennent de l’importance avec l’accès croissant à une information disponible en grande quantité.
[eW] Une des exigences de notre travail est la documentation des bonnes pratiques que nous mettons en oeuvre au quotidien. Nous avons créé un ‘auteur virtuel’ pour ce faire et les articles signés de Maison Jaucourt sont adressés aux confrères qui voudraient faire bon usage de nos méthodes. Qui plus est, nous avons rédigé une Charte de qualité en sept point et déposé la marque wallonica®, synonyme du respect de ces critères.
Audit du critère 13 : OK !
14. Les slow media cherchent la confiance et ont besoin de temps pour devenir crédibles
Derrière les slow media, il y a des hommes et cela se ressent.
[eW] Chez nous, il y a des hommes… et des femmes. Le critère est émouvant et rappelle une exigence d’Auguste Renoir, rapportée par son fils Jean dans la magnifique biographie qu’il lui a consacrée : Renoir ne voulait autour de lui rien qui fut industrialisé ; dans chaque objet, il voulait reconnaître la main de l’homme qui l’avait façonné. Nous y sommes : nos articles sont fait-main !
Audit du critère 14 : OK+ !
[ACADEMIA.EDU, 2023] Si le mois de juillet 1900 marque la fin de la dernière année académique du XIXe siècle, pour Paula DOMS, jeune femme qui vient d’avoir 22 ans le 15, ce mois de juillet lui apporte tous les espoirs d’une brillante carrière : elle est la première femme à avoir conquis le titre de docteur en sciences physiques et mathématiques à l’université libre de Bruxelles.
Sa famille
En septembre 1876, Émile DOMS avait été désigné pour enseigner les langues germaniques à l’Athénée Royal de Mons. Originaire de Mechelen, il était le cadet d’une famille de huit enfants ; il était né le 22 mai 1851 de père et de mère cultivateurs à Muizen : Corneille et Anne Catherine STEVENS.
L’année suivante, le 18 août 1877, Émile avait épousé Elisa THAON, fille d’Henri et d’Apoline BALTUS.
Au moment de son mariage, le 23 mars 1845, Henri THAON était directeur à l’école primaire supérieure du gouvernement à Jodoigne ; c’est là que naîtront ses quatre premiers enfants ; cinq autres naîtront à Aarschot où Henri THAON avait été nommé directeur d’école moyenne en 1852 ; il est décédé dans cette ville à l’âge de 59 ans, le 20 décembre 1872. Après le décès de son mari, Apoline a quitté Aarschot pour venir s’établir à Sint-JoostTen-Node, ce qui explique que le mariage d’Emile DOMS et d’Elisa THAON a eu lieu dans cette commune le 18 août 1877.
Le 15 juillet 1878 naît à Mons Paula-Émilie DOMS. Mais, dès la rentrée scolaire suivante, Émile DOMS quitte Mons. Nous le retrouvons en 1884 à Sint-Jans-Molenbeek. Il décède le 22 août 1896, à l’âge de 45 ans ; il habitait alors au n° 76 de l’avenue des Arquebusiers à Sint-Joost-Ten-Node. Sa fille Paula y habitera jusqu’à la fin de sa vie. 1896 est également l’année où Paula entre à l’université.
L’actuaire
Son diplôme en poche, Paula DOMS doit faire un choix de carrière ; l’enseignement ne l’attire pas, elle préfère se tourner vers le secteur bancaire où sa formation de mathématicienne peut lui ouvrir les portes de l’actuariat. Elle postule donc un emploi à la Caisse Générale d’Épargne et de Retraite (CGER). Mais, à cette époque, aucune femme n’a jamais été engagée dans ce secteur et l’acceptation de la candidature de Paula n’est pas une partie gagnée d’avance.
Heureusement, pendant ses études, elle a suivi les cours de Compléments de mécanique rationnelle que dispense le professeur Lucien ANSPACH (1857-1915). Celui-ci l’a remarquée, bien entendu parce qu’elle était la seule jeune fille de l’auditoire mais également et surtout pour son potentiel. Outre la notoriété qu’il a acquise dans le domaine scientifique, Lucien ANSPACH est le fils d’Eugène Guillaume ANSPACH (1833-1890) qui a été directeur de la Banque nationale ; il est également le neveu de Jules ANSPACH (1829-1879), ancien bourgmestre de Bruxelles, et surtout, il est l’époux de Jeanne Eugénie ORBAN (1859-1911), petite cousine de Claire-Hélène ORBAN (1815-1890), l’épouse de Hubert-Joseph-Walthère FRÈRE-ORBAN (1812-1896), fondateur de la CGER. Aussi, quand le professeur ANSPACH intervient auprès de cette institution pour que la candidature de Paula soit acceptée, il leur est difficile de ne pas tenir compte de son souhait : Paula sera engagée pour une période d’essai de cinq mois. En 1901, elle devient ainsi la première femme à entrer dans le secteur bancaire – et elle restera la seule femme dans ce secteur pendant une vingtaine d’années. Ce secteur avait été jusqu’alors un sanctuaire essentiellement réservé aux hommes.
Après cinq mois de stage en actuariat, elle est nommée définitivement. Petit à petit, elle gagne la confiance de ses chefs qui lui reconnaissent des qualités d’ordre, de précision et une bonne connaissance en sciences actuarielles. Cependant, ils ne verraient pas d’un bon œil cette jeune femme gravir les échelons au point d’atteindre un jour une position hiérarchique qui la propulserait à la tête du personnel. Paula est donc « invitée » à déclarer « spontanément » que telle n’est pas son intention.
Si elle effectue le travail d’un actuaire, elle n’en a pas le titre et n’a que le statut d’une simple employée « hors cadre ». Et cela durera pendant 26 ans. En 1927 (Paula a alors 49 ans), son salaire est enfin celui d’un sous-chef de bureau. Pour qu’il soit celui d’un chef de bureau, il aurait fallu que le rapport de son supérieur direct indique « très bon, de premier ordre », mais il a omis « de premier ordre »… par erreur ! (erreur qui ne sera jamais corrigée). Elle restera pendant toute sa vie professionnelle un « agent hors cadre », exerçant les fonctions de chef de service mais sans en porter le titre (et sans en avoir le salaire !) car ce titre était exclusivement attribué aux hommes.
En 1938, Paula a 60 ans et, en tant que femme, elle devrait avoir le droit de partir à la retraite. Mais une bonne actuaire que l’on sous-paie est précieuse, aussi décide-t-on — très exceptionnellement ! — de la considérer comme un membre du personnel masculin : elle partira à 65 ans, c’est-à-dire en 1943.
La femme engagée
Pendant toute sa vie, Paula DOMS est restée très proche de son Alma Mater : elle est membre des Anciens de l’ULB et elle se retrouve régulièrement à la table d’honneur lors du banquet de la Saint-Verhaegen. Elle reste ainsi en contact avec ses anciens professeurs, et plus particulièrement avec Lucien ANSPACH. C’est d’ailleurs par son intermédiaire qu’elle entre en relation avec Georges TOSQUINET (1860-1931) qui, comme ANSPACH, était un membre de la première heure de la loge des Amis philanthropes et, plus tard, ils feront partie de l’atelier 45 de Le Droit Humain, dont TOSQUINET fut Vénérable Maître dès sa création en 1911. Et lorsque cette loge va favoriser la création de la loge mixte en 1928, Paula DOMS y adhérera. Elle y restera jusqu’à sa mort.
En 1906, Georges TOSQUINET avait créé la Société belge pour la propagation de la crémation. Paula DOMS va devenir une ardente partisane de cette idée. Quand, la crémation étant mal perçue en Belgique, TOSQUINET fonde en 1913 une société destinée à faciliter les incinérations à l’étranger — la Société coopérative belge de crémation — Paula DOMS fera partie des membres fondateurs.
Lorsque Georges TOSQUINET meurt en novembre 1930, la crémation n’est toujours pas autorisée en Belgique ; selon son vœu, il sera incinéré à Paris. L’inhumation de ses cendres a eu lieu au cimetière d’Uccle-Calevoet le mercredi 12 novembre.
Jusqu’à ce moment, Paula DOMS était restée silencieuse. Si elle était membre de Le Droit Humain, elle en était un membre passif. D’ailleurs, quand en 1928, le journal La Dernière Heure publie une enquête sur Les femmes et les carrières libérales, elle écrit : “Je ne puis vous parler de femmes diplômées qui exercent d’autres professions que moi, médecins, avocates, professeurs, etc., elles sont mieux à même que moi d’en parler. Quant à la mienne, elle est d’ordre tout à fait spécial, et comme je suis la seule femme en Belgique exerçant cette profession, on ne peut tirer aucune conclusion générale de la carrière que je me suis faite. Vous raconter les difficultés que j’ai eues au début (il y a 25 ans) et tout ce qui s’en est suivi serait vous faire une autobiographie, et celle-là, je ne tiens absolument pas à ce qu’elle soit publiée dans n’importe quel journal que ce soit.“
Mais après la mort de Georges TOSQUINET, Paula va sortir de sa réserve. Au mois de mai 1931, elle reprend le flambeau et prononce un discours qualifié de « chaud » en faveur de la crémation lors d’une réunion de l’Union Rationaliste à Bruxelles, groupement dont elle est commissaire. L’assemblée
ce jour-là était présidée par Louis VAN HOOVELD (1876-1855) ; aux côtés de Paula, se trouvaient — entre autres — Marcel DIEU alias Hem Day (1902-1969), Léo CAMPION (1905-1992) et Louise DE CRAENE-VAN DUUREN (1875-1938).
L’année précédente déjà, lorsque Louise DE CRAENE avait pris la direction du mouvement Porte ouverte, Paula DOMS l’avait assurée de son soutien, en même temps que d’autres membres de Le Droit Humain.
En 1933, Paula fera partie du conseil d’administration de sa loge et, après la Seconde Guerre mondiale, elle se consacre entièrement à en reconstruire l’Obédience ; en 1946, elle deviendra Grand Maître national de la Fédération belge Le Droit Humain.
Paula DOMS s’est éteinte en novembre 1951 à 73 ans. Elle a été incinérée au crématorium d’Uccle.
Un des aspects les plus étonnants de la poésie de Mary Oliver est la continuité de ton, à travers une période d’écriture étonnamment longue. Ce qui change néanmoins, c’est une insistance plus marquée sur la nature et une plus grande précision dans l’écriture, au point qu’elle est devenue un de nos meilleurs poètes… Pas de plaintes dans les poèmes de Madame Oliver, pas de pleurnicheries, mais d’aucune manière l’impression que la vie soit facile… Ces poèmes nous soutiennent, plutôt que de nous divertir. Même si peu de poètes ont aussi peu d’êtres humains dans leurs poèmes que Mary Oliver, il faut constater que peu de poètes sont aussi efficaces pour nous aider à avancer.
Stephen Dobyns, New York Times Book Review (trad. P. Thonart)
[d’après BUSTLE.COM, 17 janvier 2019] La poétesse américaine Mary Oliver (1935-2019) vient de décéder à l’âge de 83 ans. Elle s’était vu décerner le Prix Pulitzer ainsi que le National Book Award. Sur le site du San Francisco Chronicle, on peut lire que Bill Reichblum, son exécuteur littéraire, précise que Mary Oliver était décédée le 17 janvier, des suites d’un lymphome, à son domicile de Hobe Sound, en Floride.
Mary Oliver était l’auteure de plus de 15 recueils de poésie et d’essais. Elle était réputée pour son amour de la nature et des animaux, ainsi que pour sa manière joyeuse d’appréhender la vie et le monde. Son oeuvre est reconnaissable par sa simplicité : Mary Oliver estimait que “La poésie, pour être comprise, doit être claire.” Selon la National Public Radio, la poétesse a un jour déclaré : “Il ne s’agit pas de faire chic. J’ai le sentiment que beaucoup de poètes d’aujourd’hui sont un peu comme des danseurs de claquettes. Je trouve que tout ce qui n’est pas nécessaire est superflu et ne doit pas être dans le poème.”
Mary Oliver est née à Maple Heights, dans l’Ohio, le 10 septembre 1935. Son enfance a été marquée par un père abuseur sexuel et une mère négligente : Mary s’est réfugiée dans la poésie et la nature. Jeune poète, on la disait fortement inspirée par une autre poétesse, Edna St. Vincent Millay. Elle a d’ailleurs brièvement habité chez cette dernière, aidant ses proches à trier les archives de l’auteure après son décès, en 1950. Au milieu des années 50, Mary Oliver a suivi les cours de la Ohio State University et du Vassar College, sans obtenir de diplôme néanmoins.
Paru en 1963, son premier recueil, No Voyage, and Other Poems, a marqué le début d’une carrière prolifique, couronnée par un Prix Pulitzer, un National Book Award, un American Academy of Arts & Letters Award, un Lannan Literary Award, le Poetry Society of America’s Shelley Memorial Prize et l’Alice Fay di Castagnola Award, sans compter des bourses accordées, entre autres, par la Guggenheim Foundation et le National Endowment for the Arts. Mary Oliver était également détentrice de la Catharine Osgood Foster Chair for Distinguished Teaching au Bennington College jusqu’en 2001.
Dans son poème de 2006 intitulé When Death Comes (Quand la mort viendra), Mary Oliver écrit :
Quand ce sera fini, je veux pouvoir dire que, toute ma vie, je suis restée l’épouse de l’étonnement. Et j’ai été le marié qui prend le monde entier dans ses bras.
Quand ce sera fini, je ne veux pas me demander si j’ai fait de ma vie quelque chose de particulier, et de réel.
Je ne veux pas me retrouver soupirant, effrayée ou pleine de justifications.
Je ne veux pas finir après n’avoir fait que visiter ce monde.
En lisant ceci, une chose est certaine : au cours de sa “vie sauvage, qui est unique et si précieuse“, Mary Oliver a développé une oeuvre qui aura certainement un impact sur les lecteurs -et les auteurs- des générations à venir.
Who made the world?
Who made the swan, and the black bear?
Who made the grasshopper?
This grasshopper, I mean—
the one who has flung herself out of the grass,
the one who is eating sugar out of my hand,
who is moving her jaws back and forth instead of up and down—
who is gazing around with her enormous and complicated eyes.
Now she lifts her pale forearms and thoroughly washes her face.
Now she snaps her wings open, and floats away.
I don’t know exactly what a prayer is.
I do know how to pay attention, how to fall down
into the grass, how to kneel down in the grass,
how to be idle and blessed, how to stroll through the fields,
which is what I have been doing all day.
Tell me, what else should I have done?
Doesn’t everything die at last, and too soon?
Tell me, what is it you plan to do
with your one wild and precious life?
House of Light (1990)
Jour d’été
Qui a créé le monde ? Qui a créé le cygne, et l’ours noir ? Qui a créé la sauterelle ? Je veux dire – cette sauterelle-là, celle qui a surgi de ces herbes-là, celle qui croque du sucre au creux de ma main, elle dont les mandibules vont d’avant en arrière, pas de haut en bas, elle qui regarde autour d’elle avec ses yeux énormes et très compliqués. La voilà qui lève ses pâles pattes avant et se nettoie consciencieusement la face. La voilà qui ouvre ses ailes et s’envole en flottant dans l’air. Je ne sais pas exactement ce qu’est une prière. Mais je sais comment faire attention, comment rouler dans l’herbe, comment tomber à genoux dans l’herbe, comment flâner et me sentir bénie, me promener dans les champs ; c’est ce que j’ai fait le jour durant. Dis-moi, qu’aurais-je dû faire d’autre ? Est-ce que tout ne meurt pas un jour, toujours trop tôt ? Dis-moi, toi, que veux-tu faire de ta vie sauvage, qui est unique et si précieuse ?
On cold evenings
my grandmother,
with ownership of half her mind-
the other half having flown back to Bohemia-
spread newspapers over the porch floor
so, she said, the garden ants could crawl beneath,
as under a blanket, and keep warm,
and what shall I wish for, for myself,
but, being so struck by the lightning of years,
to be like her with what is left, that loving.
New and Selected Poems: Volume Two
En hommage à une certaine folie
Les soirs d’hiver,
ma grand’mère,
qui n’avait plus toute sa tête
(une partie s’en était retournée vers la Bohème),
étalait des journaux sur le sol de la véranda
pour que les fourmis, disait-elle, puissent s’y glisser,
comme sous une couverture, et rester au chaud,
et moi, que pourrais-je me souhaiter,
si ce n’est, une fois frappée par l’éclair des années,
d’être comme elle, avec ce qui lui restait, tout cet amour.
You do not have to be good.
You do not have to walk on your knees
for a hundred miles through the desert repenting.
You only have to let the soft animal of your body
love what it loves.
Tell me about despair, yours, and I will tell you mine.
Meanwhile the world goes on.
Meanwhile the sun and the clear pebbles of the rain
are moving across the landscapes,
over the prairies and the deep trees,
the mountains and the rivers.
Meanwhile the wild geese, high in the clean blue air,
are heading home again.
Whoever you are, no matter how lonely,
the world offers itself to your imagination,
calls to you like the wild geese, harsh and exciting –
over and over announcing your place
in the family of things.
Dream Work (1986)
Les oies sauvages
Pourquoi dois-tu faire le bien ?
Pourquoi veux-tu faire pénitence
Et traverser des déserts à genoux ?
Laisse plutôt le doux animal dans ton corps
Aimer ce qu’il aime.
Parle-moi du désespoir, du tien, et je te parlerai du mien,
Pendant que le monde continue de tourner.
Pendant que le soleil et les perles claires de la pluie
Balaient les paysages,
Les prairies, les arbres bien enracinés,
Les montagnes et les rivières.
Pendant que les oies sauvages, dans le ciel ouvert,
S’en retournent encore, comme chaque fois.
Qui que tu sois et quelle que soit ta solitude,
Le monde s’offre à ton imagination,
Il t’appelle du cri des oies sauvages, âpre et attirant.
Sans cesse, il te répète que ta place
Est là, dans la grande famille des choses qui sont.
André STAS (1949-2023) est un représentant majeur du surréalisme wallon. Maître de l’absurdisme, grand “jardinier du paradoxe”, pataphysicien notoire, il est un collagiste (autodidacte) internationalement reconnu doublé d’un redoutable humoriste. […] Il fait partie pendant plus de vingt ans de l’équipe du mythique Cirque Divers. André Stas a également animé le Musée d’Art Différencié (MAD), où il s’attache à mettre en valeur l’expression plastique de personnes souffrant de handicap mental. Stas est aussi écrivain (d’après Michel Delville, CULTURE.ULIEGE.BE).
“Tout commence par l’abracadabrantesque longue absence de gouvernement (Youpie !) et les agitations flamingantes. La première Kermesse m’ayant amusé, ainsi que tous ceux à qui je la montrai, j’en pondis deux autres dans la foulée. Mais ça fait longtemps que certains de mes collages sont des brûlots politiques ou antireligieux. A défaut de pouvoir les entarter […], il est salutaire de régler leur compte à certains grands de ce monde, une petite image tapant parfois plus juste qu’un long discours […].” (tiré de André Stas. Collages, Crisnée/Bruxelles, 2013)
[GAZETTE DE LIEGE, mai 2007] Celle qui est née à St-Nicolas, où ses parents d’origine polonaise tenaient un “chouette petit bistrot de quartier avec un jukebox”, a grandi en écoutant la chanson française, “en imitant puis désimitant” les paroles d’Edith Piaf et des autres. Ses parents chantent à la maison, la musique façonne donc Christiane Stefanski qui, timide mais déterminée, apprivoise la scène dès l’âge de 25 ans. “Le chant est véritablement mon mode d’expression,” précise cette autodidacte, qui fut monteuse durant plus de 35 ans à la RTBF.
Très vite, l’interprète s’engage, aux côtés d’autres chanteurs. La Christiane militante de gauche est en marche. C’est sa façon à elle, sans aucune carte de parti, de lutter pour plus de solidarité. Elle chante dans les manifs, devant les usines que l’on ferme, avec ceux qui subissent les effets du néo-libéralisme.
En 1986, l’artiste, trois albums à son actif, quitte la scène qu’elle retrouvera six ans plus tard, avant d’enchaîner sur un quatrième, puis un cinquième album la menant aux Francofolies de Spa et de Montréal, aux festivals d’Avignon et de Jazz à Liège. […]
Après ma période militante, que je ne renie pas, j’ai réalisé que la société évoluait et que ce type de chansons avait peut-être plus sa place lors de manifs que sur scène. J’ai compris que je pouvais conserver mes valeurs grâce à des textes plus subtils, plus nuancés, plus poétiques.
2007 – Sortie de Belle Saison Pour Les Volcans en mars,
2006 – Préparation et enregistrement du CD Belle Saison Pour Les Volcans,
2001 – Festival Mars en chansons,
2000 – Paris: au Limonaire, Le Picardie, spectacle 50 artistes chantent… un siècle de chansons au Théâtre Silvia Monfort,
1999 – Festival du Val de Marne – Paris : au Limonaire,
1998 – Paris : au Limonaire, Chez Driss, sortie de l’album Sawoura,
1997 – Festival Jazz à Liège. Festival du Val de Marne. Enregistrement public de Sawoura (signifie “saveur” en wallon liégeois) en septembre, au Trianon à Liège,
1996 – sortie de Carnet de doutes au Québec, à Taiwan et en France,
1995 – Francofolies de Spa et de Montréal. festival d’Avignon à l’invitation de France Culture. Sortie de Carnet de doutes,
1994 – Premier CD : enregistrement de Carnet de doutes,
1992 – Nouveau répertoire et retour à la scène,
1989 – Création d’un spectacle autour des poèmes de Fernand Imhauser, en compagnie de Dacos, Vincent Libon et Philippe Libois,
1988 – Tournées de Lush Life en Allemagne et en Belgique,
1987 – Fondation du groupe de blues Lush Life avec Jacques Stotzem, Thierry Crommen et André Klénès. Participation à la bande originale de Golden Eighties, film de Chantal Akerman,
1986 – Tournées en France et en Suisse,
1985 – Festival international de la jeunesse à Moscou,
1984 – Sortie de Sud. Forum des Halles à Paris et festival d’été de Québec,
1984 – Printemps de Bourges (F) et Paléo Festival de Nyon (S),
1982 – Deuxième album : Le pays petit. Prix de presse internationale et prix de la ville de Spa au Festival de Spa,
1980 – Album Christiane Stefanski.
Détail du disque “Le pays petit” (1982)
[CHRISTIANESTEFANSKI.NET] C’est une graine d’anar qui s’épanouit parmi les textes et chansons semés sur un champ de révolte et d’espoir. Elle chante ce qui lui plait, ce qui lui sied, des compositions qui lui vont comme un gant et leur donne force et éclat. Elle emprunte aux poètes ce qu’elle aurait aimé écrire et devient porte parole d’auteurs criant l’injustice et la rage de vivre. Elle fait s’envoler les paroles pour les faire germer dans le pré fleuri de nos consciences. […] Christiane Stefanski, connue pour son engagement politique depuis les années 1980, fait partie depuis longtemps du paysage de la chanson francophone. Entre grands drames et petits bonheurs, questions existentielles et misères ordinaires, mélancolie douce et ironie caustique, elle offre ce que peut être la chanson : des mots écrits ici, chantés ailleurs, par l’un ou par l’autre, et toujours entendus parce qu’on ne saurait s’en passer. On y croit tellement qu’on les imagine écrits pour elle et pour nous…
Dans Chorus, Francis Chenot écrit à son propos :
Sans bruit, sans tapage médiatique, Christiane Stefanski fait partie des valeurs sûres du paysage chansonnier de la Belgique francophone. De la chanson dans la meilleure tradition. Christiane Stefanski est d’abord et avant tout une interprète. De la meilleure veine. Ce qui suppose que deux conditions préalables soient satisfaites. Posséder une vraie voix. Et celle de Christiane est identifiable aux premiers mots. Disposer ensuite d’un jugement très sûr dans le choix des auteurs que l’on va interpréter.
Ultime farce de mauvais goût, André STAS nous a quittés ce 26 avril 2023. Ce ne sera pas dit dans les nécrologies qui vont fleurir sur sa tombe mais l’homme était avant tout bienveillant et, s’il grommelait beaucoup, il grommelait gentil : le fait est assez rare chez les trublions de la contre-culture liégeoise des années 70 pour être relevé. L’homme aimait le pastiche (51 ?), aussi allons-nous jouer sans vergogne la compil d’hommages. Ne cherchez pas le contrepet…
“Chattes, j’ai pété !”
Pour l’instant, les manchettes de nos journaux explosent d’images générées par intelligence artificielle (“IA, mijnheer”). De beaux visages de femmes aux poitrines d’oiseaux sont mariés, avec une élégance toute commerciale, avec des câbles et des connecteurs informatiques : une impression de contre-nature s’en dégage de manière indicible. Voilà bien un phénomène qui se situe aux antipattes (dixit Alice au pays des merveilles) de la contre-culture que pratiquait André Stas : manifestement, pour le pataphysicien (si peu, si différemment), l’oeuvre doit provoquer par son contenu autant que par sa facture. Stas partageait son propos au travers du fait-main, comme en témoigne son montage ci-dessous (Ensor, le timbré ?).
On le voit : si la culture, c’est penser à la culture, la contre-culture, c’est aussi faire penser à la culture. J’ai l’intuition qu’André Stas aurait joué sa détestation du contre-nature au travers d’un objet de contre-culture. Nous ne le verrons pas, André Stas est mort. Mais, cette détestation, dans sa bêtise aveugle, la contre-nature la lui rend bien : nous avons demandé à ChatGPT (“Chattes, j’ai pété !” aurait grommelé André) qui était André Stas :
André Stas était un chimiste belge du XIXe siècle, né le 30 décembre 1813 à Leuven en Belgique et décédé le 13 décembre 1864 à Schaerbeek. Il est surtout connu pour sa découverte de la loi de Stas, qui a permis d’établir avec précision les masses atomiques des éléments chimiques. En utilisant des techniques de mesure très précises, Stas a réussi à déterminer la masse atomique de nombreux éléments avec une précision de l’ordre de 0,01%. Cette méthode a été essentielle pour la compréhension de la composition chimique de la matière, et a jeté les bases de la chimie moderne. Stas a également joué un rôle important dans le développement de la chimie analytique, et a travaillé sur de nombreux autres sujets en chimie, notamment la synthèse organique et la chimie des gaz. Sa contribution à la science lui a valu de nombreux honneurs, notamment l’élection à l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique en 1850.
La réponse du robot est identique si la question devient : “Qui était le liégeois André Stas ?” et lorsque ChatGPT est a nouveau sollicité avec la question “Qui était l’artiste liégeois André Stas ?“, la réponse ne se fait pas attendre :
Je suis désolé, mais il n’y a pas d’artiste liégeois connu sous le nom d’André Stas. Le nom André Stas est généralement associé à un chimiste belge du XXe siècle, comme je l’ai expliqué dans ma réponse précédente.
On notera que ChapGPT travaille sur un corpus de données postérieures à 2021 et compose intégralement la réponse… la plus probable : la véracité n’est pas un critère pour un robot ! Et notre ami contre-cultureux de se réjouir dans la tombe, des inepties de la contre-nature, qui sont également des contre-vérités :
Le chimiste belge évoqué s’appelait en fait Jean Servais Stas ;
La datation (1813-1864) devait alors être (1813-1891) et, personnellement, j’avais l’habitude de les situer au XIXe siècle, et non au XXe ;
[LE-CARNET-ET-LES-INSTANTS.NET] Nous apprenons le décès du collagiste et écrivain André Stas. Il avait 73 ans. André Stas est né à Rocourt le 19 novembre 1949. Diplôme de philologie romane de l’Université de Liège, il a présenté un mémoire consacré à l’aphorisme, un genre auquel il s’adonnera lui-même par la suite.
Subversif, affectionnant l’humour, il était lié à l’univers des pataphysiciens et des surréalistes. Il était également l’un des incontournables du Cirque Divers. Plasticien autodidacte, il a particulièrement excellé dans l’art du collage, qui lui a valu une reconnaissance internationale.
Il a aussi pratiqué le collage dans le domaine littéraire. Cent nouvelles pas neuves, paru aux éditions Galopin en 2005, est un recueil de textes composés exclusivement d’extraits d’œuvres d’autres auteurs. Il avait d’ailleurs poursuivi l’exercice en 2021 avec Un second cent de nouvelles pas neuves, paru au Cactus inébranlable.
André STAS (textes) et Benjamin MONTI (dessins), Bref caetera, La pierre d’alun, coll. “La petite pierre”, 2022
Raoul VANEIGEM (textes), André STAS (collages), Adages, La pierre d’alun, coll. “La petite pierre”, 2022
André Stas
ou le spadassin passe-murailles
[LE-CARNET-ET-LES-INSTANTS.NET, 28 août 2022] On peut rire aux larmes, et de tout, et de rien… mais pour rédiger un traité de savoir-rire, il faut dénicher l’arme et l’avoir bien en main. L’entretenir. Depuis plus de quatre décennies, André Stas, “ce chiffonnier muni de son crochet” – comme le décrivait en 1981 Scutenaire dans sa préface à une exposition de collages au Salon d’Art, chez Jean Marchetti – a toujours trouvé matière à confectionner ses flèches et couteaux, aiguisés, effilés, enduits d’un secret mélange de curare, de houblon et d’eau de Spa, pour atteindre ses cibles. Les collages de Stas, nés dans la parfaite connaissance de ses prédécesseurs surréalistes, ont acquis très vite une autonomie personnelle, que Jacques Lizène définissait comme “des enluminures libres.” À la fois absurdes, drolatiques, parfois féériques et souvent sensuelles voire sexuelles, mais sans illusions : Stas est impitoyable à l’égard de lui-même et de ses semblables. Cet homme ne s’épargne pas, pas plus que ses collages au scalpel n’épargnent le monde qui l’environne. On cite à nouveau Scutenaire : un collage de Stas, c’est “comme si une éponge morte et saturée d’une eau sale redevenait une créature marine, vivante et fraîche, encore que parfois effrayante.“
Stas passe à travers tout, en véritable passe-muraille des situations désespérées et de l’effroi : “Mon humour est noir, certes. Au moins, j’arrive encore à rire“, écrit-il dans son nouveau recueil d’aphorismes, Bref caetera, que publie Marchetti, juste continuité d’une longue complicité avec La pierre d’alun. La filiation se prolonge d’ailleurs avec les dessins de Benjamin Monti, qui accompagnent d’un même esprit, passé au savon noir, les “grenailles errantes” de Stas. Car tirant javelot de tout bois, ce spadassin de l’image et des mots pratique de longue date, on le sait, l’écriture brève, incisive, lapidaire, laissant jaillir “un aphorisme propice, comme un moment peut l’être.” Avec lui, les mots s’entraînent, s’entraident, se déchaînent, se détournent les uns des autres et se rattrapent, pour mieux contrer l’adversité. Qu’elle soit météorologique (“Le réchauffement climatique serait inéluctable. Le chaud must go on“), métaphysique (“Je pense donc j’y suis, j’y reste“), littéraire (“Quand j’entends le mot surréalisme, je rêve d’une pipe“), ou situation personnelle autant qu’universelle : “Désapprendre, se déposséder, se déliter, décliner, délirer, décéder.“
L’humour, l’humeur, la gaieté désabusée, le drame derrière le nez du clown. Mais l’intime ou la gravité peuvent surgir également derrière une plaisanterie d’allure potache, un calembour, une grivoiserie (“Il n’y a pas que les écureuils invertis qui aiment les glands“) – et cela même si de nos jours “la liberté d’expression est forcément mâtinée d’autocensure, écrémage du pire.” Sans cependant ériger telle ou telle maxime délictueuse en sentence définitive, car pour Stas “les aphorismes sont les amuse-gueules de la philosophie.” Au mieux, l’aphorisme n’est qu’ “un trublion, un rastaquouère“, tel le Jésus-Christ du dadaïste Francis Picabia. […]
“Faire son deuil”, tel est l’impératif qui s’impose à tous ceux qui se trouvent confrontés au décès d’un proche. Cela va-t-il de soi ? Se débarrasser de ses morts est-il un idéal indépassable auquel nul ne saurait échapper s’il ne veut pas trop souffrir ? L’auteure a écouté ce que les gens racontent dans leur vie la plus quotidienne. Et une histoire en a amené une autre.
J’ai une amie qui porte les chaussures de sa grand-mère afin qu’elle continue à arpenter le monde. Une autre est partie gravir une des montagnes les plus hautes avec les cendres de son père pour partager avec lui les plus beaux levers de soleil, etc.
Elle s’est laissé instruire par les manières d’être qu’explorent, ensemble, les morts et les vivants. Elle a su apprendre de la façon dont les vivants se rendent capables d’accueillir la présence de leurs défunts. Depuis un certain temps, les morts s’étaient faits discrets, perdant toute visibilité. Aujourd’hui, il se pourrait que les choses changent et que les morts soient à nouveau plus actifs. Ils viennent parfois réclamer, plus fréquemment proposer leur aide, soutenir ou consoler… Ils le font avec tendresse, souvent avec humour. On dit trop rarement à quel point certains morts peuvent nous rendre heureux !
[ANALYSE DE L’IHOES N°154 – 15 MARS 2016] Autour de l’exposition Et si on osait la paix ? Le pacifisme en Belgique d’hier à aujourd’hui (organisée conjointement par l’IHOES et le Mundaneum) qui s’est tenue à La Cité Miroir, du 20 novembre 2015 au 21 février 2016, plusieurs événements ont été organisés. Parmi ceux-ci, Steve Bottacin a initié et animé une discussion Sonnez les matines : La Belgique, un pays en guerre ? Christophe Wasinski était son invité. La présente analyse a pour point de départ cette intervention au PointCulture de Liège le samedi 23 janvier 2016. Christophe Wasinski est professeur de relations internationales à l’Université libre de Bruxelles et chercheur-associé au GRIP. Ses recherches se concentrent sur les questions de sécurité.
À LA SUITE DES ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE 2001, LES ÉTATS-UNIS, SUIVIS AVEC PLUS OU MOINS DE ZÈLE ET DE RAPIDITÉ PAR nombre de leurs alliés, se sont lancés dans une “guerre globale contre le terrorisme”. Au cœur de cette vaste croisade, la conviction que la militarisation de la politique étrangère pouvait constituer une réponse adéquate à la menace. Les interventions militaires sont présentées comme un moyen efficace pour lutter contre les terroristes “chez eux“, avant qu’ils aient eu le temps d’arriver dans nos contrées. S’ensuivit une routine interventionniste faite d’actions militaires en Afghanistan, en Irak, au Pakistan, au Yémen, en Somalie, au Mali, en Syrie et, très récemment, en Libye. Une quinzaine d’années de bombardements et autres attaques de drones n’ont cependant guère contribué à stabiliser le monde. Au contraire, l’instabilité a plutôt tendance à s’étendre et la violence à s’enkyster. En dépit de ce bilan peu glorieux, la Belgique a décidé de s’arrimer au dispositif international de la “guerre globale contre le terrorisme.” Dans ce contexte, notre pays a ainsi accepté d’envoyer des soldats en Afghanistan, en Irak et au Mali. À l’heure où nous rédigeons ces lignes, il est également question d’expédier des conseillers militaires en Tunisie, voire de contribuer aux bombardements sur la Syrie.
Comment éclairer la facilité avec laquelle la solution armée, malgré son inefficacité, parvient à s’imposer dans le débat politique ? Quels sont les processus qui rendent le recours aux moyens militaires incontournables aux yeux des décideurs, voire de l’opinion publique ? Nous n’avons bien entendu pas ici l’ambition de couvrir l’ensemble des facteurs (historiques, économiques, sociaux) qui contribuent à faire émerger cette situation. De façon bien plus modeste, nous désirons attirer l’attention sur le seul problème des alternatives diaboliques créées par les discours sécuritaires. Par alternatives diaboliques, nous entendons des discours qui n’offrent pas de choix véritables et tendent, en définitive, à tout ramener à la “nécessité” d’user de la force.
Bernard-Henri Lévy se prenant en photo avec l’équipe de tournage du film Peshmerga lors de la 69e édition du Festival de Cannes (2016)
Dans un premier temps, ces alternatives émanent des discours médiatiques favorables à l’usage de la force. Par discours médiatiques, nous entendons les propos d’éditorialistes, d’intellectuels ou encore d’experts des questions géopolitiques dans la presse, à la radio ou encore à la télévision. On a par exemple pu entendre de tels discours dans le contexte des conflits dans les Balkans lors des années 1990, en Libye peu avant 2011 et, plus près de nous, en Syrie. De façon générale, les tenants de l’usage de la force dans les médias insistent sur la nécessité d’y recourir pour protéger les populations locales. Les propos de Bernard-Henri Lévy lorsqu’il s’exprimait en faveur d’actions militaires contre la Libye en 2011 en sont une illustration éloquente. Sur le fond, la particularité de ce genre de discours est de ne pas véritablement laisser de choix quant à la nécessité d’intervenir en usant de la violence. L’alternative se résume en fait à intervenir ou laisser mourir des innocents. Indéniablement, les auteurs de ces discours ont raison de s’indigner des souffrances vécues par ces derniers. Toutefois, ils posent généralement les problèmes en termes réducteurs. La majorité des conflits, pour ne pas dire tous, opposent des communautés qui ont des intérêts divergents. Éliminer un leader politique ou un groupe limité d’individus (des miliciens, des guérilleros ou des terroristes) permet difficilement de résoudre de telles divergences d’intérêts. Plus encore, intervenir signifie très souvent prendre parti pour un camp au détriment d’un autre, même si l’on s’en défend.
Autrement dit, le risque de l’intervention est l’approfondissement du conflit, avec ce que cela comporte comme risque pour les populations. Ces considérations sont cependant rarement mises en évidence dans les discours médiatiques.
Le second grand domaine de production des alternatives diaboliques est celui de la pensée stratégique. Par pensée stratégique, nous désignons ici l’ensemble de la réflexion sur les outils de la force. Font ainsi partie de la pensée stratégique, les discours des experts civils et militaires qui expriment des préférences pour le recours à tel ou tel moyen militaire dans telle ou telle région du monde. Le problème de ce genre de discours est qu’ils finissent souvent par réduire les problèmes à des questions techniques. De façon quelque peu schématique, les alternatives qu’ils proposent aux décideurs et à l’opinion ne sont pas d’intervenir militairement ou de négocier (ou, plus simplement encore, de s’abstenir d’intervenir) mais d’envoyer des troupes au sol ou des bombardiers, des forces spéciales ou des drones. La situation de ces quinze dernières années au Moyen Orient donne une triste illustration de ce phénomène. À chaque impasse de l’usage de la force, les principales solutions que proposent les experts en stratégie sont de nouveaux moyens militaires.
On passe ainsi d’une invasion mécanisée à des opérations dites contre-insurrectionnelles, d’assassinats ciblés à des livraisons d’armes à des milices locales, de campagnes aériennes à ce qui préfigure des guerres de position. Sans aucun doute, ces mêmes experts sont en faveur de la solution du “moindre mal“, celle qui évitera le plus possible de faire des victimes civiles et de détruire inutilement des biens. Mais ces discours contribuent néanmoins à la construction des alternatives diaboliques qui légitiment l’usage de la force.
Le troisième grand domaine de production des alternatives diaboliques se situe dans l’univers de l’industrie de l’armement. Le commerce des armes, y compris dans ses dimensions internationales, est une composante essentielle des guerres contemporaines. Aucun État, à notre connaissance, n’est en mesure d’équiper ses forces uniquement avec du matériel national. Bref, sans le commerce des armes, la guerre s’avérerait des plus difficiles à mener. Malgré cela, il existe un discours favorable à l’industrie de l’armement, y compris au sein des États européens. Le fait que cette industrie produise est régulièrement présenté comme une nécessité économique. Populairement, l’alternative consiste soit à vendre des armes, soit à créer du chômage local (discours qui pourra éventuellement même être entendu alors que la production est plus ou moins fortement délocalisée).
L’alternative pourra être renforcée par l’argument selon lequel si l’on ne vend pas d’armes et de munitions, d’autres en vendront de toute façon à notre place. Ces discours occultent bien entendu l’ensemble des coûts humains et les effets politiquement déstabilisateurs de ce commerce. Plus encore, et assez étrangement, ce sont ponctuellement les mêmes décideurs et experts qui sont à la fois en faveur du commerce des armes et des interventions officiellement destinées à pacifier. On trouvera, encore une fois, de bonnes illustrations de ce phénomène dans le contexte des conflits qui secouent le Moyen Orient.
Le quatrième grand domaine de production des alternatives diaboliques est localisé dans le champ de l’industrie du divertissement. Tout un pan de cette dernière s’intéresse en effet à la violence militaire. On en trouvera par exemple des traces dans des films et des séries télévisées qui mettent en scène des interventions armées. D’emblée, on remarquera que beaucoup de ces productions sont filmées du point de vue des soldats des États industrialisés. Des films tels que Black Hawk Down (La Chute du Faucon noir) ou American Sniper, pour n’en citer que deux, ne donnent pour ainsi dire la parole qu’aux soldats américains. C’est à eux que les spectateurs sont censés s’identifier. Tout nous ramène en fait aux conditions de vie dramatiques de ces soldats. Dans ce dispositif cinématographique, ceux-ci sont condamnés à devoir tuer ou être tués. Par ce biais, ces productions contribuent à leur manière à créer une nouvelle alternative diabolique.
On pourra certes objecter que ces films et séries sont avant tout des fictions (un point de vue qui n’est que partiellement évident lorsque l’on sait que certaines de ces productions s’inspirent de biographies de militaires et de récits journalistiques se voulant réalistes). Mais, on conviendra au minimum qu’ils ne contribuent pas à la formation d’une opinion véritablement critique vis-à-vis de l’usage de la force. Dans ces films et ces séries, la guerre est bien entendu brutale, voire même dégoutante. Mais, en ne permettant pas de comprendre ce qui l’a causée, elle s’impose comme une fatalité contre laquelle il est vain de lutter. Dès lors, il parait justifié de continuer à tuer pour se défendre.
Ceux qui propagent ces quatre catégories de discours ne sont pas automatiquement des “militaristes” dans le sens classique du terme. De par le passé, on a pu entendre chez certains intellectuels que la guerre constituait une sorte d’hygiène des peuples. Sauf exception, on ne trouvera pas dans les discours actuels de valorisation de la guerre de ce type. Le processus de légitimation de la guerre prend des formes plus subtiles. Il s’appuie sur les alternatives diaboliques évoquées ci-dessus. De concert, ces alternatives transforment le recours à la force en une solution incontournable sur la scène internationale.
Christophe Wasinski
Pistes bibliographiques
Serge Halimi et al., L’opinion, ça se travaille… Les médias et les ‘guerres justes’ (Marseille : Agone, 2014) ;
[EVENE.LEFIGARO.FR] Après avoir passé la première partie de son enfance auprès de ses parents, le jeune Wystan Hugh Auden est envoyé en pension à l’âge de 8 ans. Il poursuit ses études à l’université d’Oxford et s’envole vers Berlin, ville dans laquelle il restera un an environ. Il y révèle son homosexualité. Une fois revenu en Angleterre, il devient instituteur. Il enseigne d’abord à la Downs School, une école de garçon. Durant trois ans, il y est très heureux et s’investit corps et âmes dans la poésie. Il écrit à cette période ses plus beaux poèmes d’amour. En 1935, il fait un mariage de convenance avec Erika Mann, elle aussi homosexuelle. Ils ne divorceront jamais. En 1939, ils émigrent tous deux aux Etats-Unis. Auden rencontre lors de l’une de ses lectures le poète Chester Kallman, qui devient son amant et son compagnon jusqu’à la fin de sa vie. Le nombre de pièces et d’ouvrages écrits par Auden ne se comptent plus. Mais c’est surtout un poète. Des formes traditionnelles aux formes originales, il a su parfaitement illustrer la beauté du vers. En 1946, l’écrivain est naturalisé américain, mais il retourne en Europe en 1948, d’abord en Italie, puis en Autriche. De 1956 à 1961, il enseigne la poésie à l’université d’Oxford. Il revient à New York en 1973 et meurt dans la ville qui l’avait accueilli 34 ans plus tôt.
Stop all the clocks, cut off the telephone,
Prevent the dog from barking with a juicy bone,
Silence the pianos and with muffled drum
Bring out the coffin, let the mourners come.
Let aeroplanes circle moaning overhead
Scribbling on the sky the message He Is Dead,
Put crepe bows round the white necks of the public doves,
Let the traffic policemen wear black cotton gloves.
He was my North, my South, my East and West,
My working week and my Sunday rest,
My noon, my midnight, my talk, my song;
I thought that love would last for ever: I was wrong.
The stars are not wanted now: put out every one;
Pack up the moon and dismantle the sun;
Pour away the ocean and sweep up the wood;
For nothing now can ever come to any good.
W. H. Auden, extrait de la pièce The Ascent of F6 écrite avec Christopher Isherwood (1936)
Arrêtez les pendules et coupez le téléphone,
Empêchez le chien d’aboyer et, cet os, qu’on lui donne.
Faites taire les pianos et, au son des tambours voilés,
Sortez le cercueil et laissez les pleureuses entrer.
Que les avions en peine tournoient par dessus,
Qu’ils tracent dans le ciel ce message : “Il n’est plus.”
Nouez du crêpe noir au cou blanc des pigeons,
Et donnez des gants noirs aux agents en faction.
Il était mon Nord, mon Sud, mon Est et mon Ouest,
Ma semaine de travail et mon dimanche de sieste,
Mon midi, mon minuit, ma parole, ma chanson ;
Je pensais que l’amour durait toujours : je n’avais pas raison.
Que les étoiles se retirent, qu’on les éteigne une à une,
Remballez le soleil et démontez la lune,
Allez vider l’océan et balayez la forêt,
Car rien de bon ne peut advenir désormais.
Musicien autodidacte, Christian KELLENS découvre le jazz pendant la guerre et fait ses premiers pas – à l’harmonica – dans de petits orchestres amateurs de la région namuroise. Il rencontre Sadi, passe au trombone. Il obtient son premier engagement important à Namur, à la Libération, au sein du Sadi’s Hot Five. Il joue ensuite dans l’orchestre de Franz Lebrun pour les Américains, puis dans ceux de Johnny Renard et de Vicky Thunus.
En 1948, il découvre le be-bop, émigre à Liège l’année suivante et rejoint Jacques Pelzer, René Thomas, Bobby Jaspar, Francy Boland, etc. notamment lors des jams de la Laiterie d’Embourg (1950). Il joue et enregistre ensuite à Bruxelles dans l’orchestre de Jack Sels. Il est classé à trois reprises premier trombone dans le référendum du Hot Club de Belgique. Vers 1954, il part pour Paris où le pianiste Jack Diéval l’engage bientôt pour une série de concerts “Jeunesses Musicales” (avec, parmi d’autres, René Thomas et Benoît Quersin !). Il joue également avec Henri Renaud (enregistrement en 1955) et commence à navetter entre Paris, Bruxelles, Liège et Charleroi.
Entretemps, il s’est taillé une sérieuse réputation en France où il est classé trombone n°1 au référendum des lecteurs de Jazz Hot en 1956. Il part pour l’Allemagne, joue avec Fred Bunge puis est engagé dans l’orchestre de Kurt Edelhagen à sa belle époque. En 1958, il est désigné pour représenter la Belgique au Festival de Newport au sein du Youth International Band. Avec ce même orchestre, il accompagne Louis Armstrong et revient en Belgique en 1959 et en 1960 pour le festival de Comblain.
En 1960, il enregistre avec Don Byas, Kenny Clarke, Sadi, etc., commence à jouer régulièrement avec Clarke et Boland, en petite formation (Golden Eight) puis au sein du fameux Clarke-Boland Big Band. Kellens s’expatrie ensuite en Argentine où il continuera à jouer du jazz en compagnie de musiciens locaux. Il revient notamment en 1975 et se produit au Jack Sels Memorial en compagnie de Johnny Griffin.
Brigitte GRIGNET (née en 1968) se tourne vers la photographie en 1998. Elle étudie alors avec Joan Liftin et Mary Ellen Mark à l’International Center of Photography à New York, où elle a vécu pendant 15 ans. En 2011, elle a été récompensée par une bourse de la Aaron Siskind Foundation aux Etats-Unis, pour le projet sur lequel elle a travaillé pendant 7 ans dans le sud du Chili, La Cruz del Sur, dans lequel elle s’attache à enregistrer un mode de vie amené à disparaître, avec ses structures sociales et ses traditions culturelles séculaires. Entre autres prix internationaux, elle est la lauréate d’une Magnum Emergency Fund Grant (2016) pour son projet Welcome, qui documente la réalité des mineurs non accompagnés en Belgique.
Brigitte Grignet raconte les histoires de personnes ordinaires et leur volonté indomptable de survivre des situations difficiles, leur quête continuelle afin de construire et vivre une vie digne et pleine de grâce. Ici, une charrette est immobilisée dans un gué. La scène se passe au Chili.
On vous l’a souvent rappelé. Le blog encyclo wallonica.org est l’héritier d’une vénérable initiative (“vénérable” parce que lancée dans les années 2000), à l’occasion d’un partenariat Wallonie-Québec ; l’encyclopédie québécoise de l’Agora partageait ses bases de données (= les articles) avec des petits wallons, constitués en sprl LEODICA, qui les alimentaient en contenus et diffusaient le tout via une interface (= le site proposé aux visiteurs) proprement “Wallonie-Bruxelles”. L’aventure a connu différentes péripéties et, notre encyclopédie, différentes adresses : de encyclopedie-agora.org à walloniebruxelles.org, vous avez eu différentes portes auxquelles sonner pour exercer votre droit de savoir-s !
Mais, comme le prouvent les documents d’archives que nous partageons ici, la ligne directrice “Cliquez curieux” était déjà bien ancrée dans notre travail et, vous l’allez voir, on la retrouve sur chacun des documents promotionnels que nous distribuions à l’époque (2003-2005), efficacement mis en page et conçus visuellement par Joëlle Wertz qui, avec Axelles Fuks, faisait partie de l’équipée, en ces temps que les moins de vingt ans…
Les documents partagés ici sont téléchargeables dans notre DOCUMENTA…
Les Passeports Encyclo (2003-2005)
Acquérir un Passeport Encyclo, c’est recevoir un cd-rom documenté sur l’Encyclopédie de l’Agora et les Encyclopédistes, c’est pouvoir proposer dix titres d’articles à publier, soumettre des dossiers ou des documents associés sur des thèmes qui vous tiennent à cœur, c’est pouvoir figurer dans la liste officielle des Ambassadeurs de l’Agora avec des liens vers votre courriel ou celui de votre organisation, c’est aussi recevoir le bulletin d’information électronique de l’ Encyclopédie de l ‘Agora.
Passeport Diderot : soutenez l’Agora et proposez dix titres de dossiers (l’ordre des publications sera fonction des titres plébiscités) ;
Passeport D’Alembert : soumettez un formulaire de dossier/document associé, complété ou à développer par notre équipe éditoriale ;
Passeport Goussier : soumettez cinq formulaires de dossier/document associé, complétés ou à développer par notre équipe éditoriale ;
Passeport Formey : soumettez trente formulaires de dossier/document associé, complétés ou à développer par notre équipe éditoriale ;
Passeport Réaumur : publiez une encyclopédie thématique en ligne, avec votre interface et vos propres dossiers ;
Passeport Chambers : publiez une encyclopédie thématique en ligne, avec votre interface et votre sélection des dossiers de l’Agora ;
Passeport Pancoucke : publiez votre encyclopédie en ligne, avec votre interface et vos dossiers + votre sélection des dossiers de l’Agora ;
Passeport Mouchon : ajoutez un module encyclopédique à votre site actuel, avec vos dossiers + votre sélection des dossiers de l’Agora ;
Passeport Démosthènes : publiez les actes de votre colloque dans un site encyclopédique dédié, avec dossiers, agenda et inscription en ligne.
“Vers le réel par le virtuel.“ Lancé en 1998 par le philosophe québécois Jacques Dufresne, le portail francophone de l’Encyclopédie de l’Agora est une initiative citoyenne unique, relayée en Europe par l’équipe de leodica.org. Aujourd’hui, plus de 12 millions d’internautes affichent chaque année quelque 32.400.000 pages. L’Encyclopédie de l’Agora leur offre l’accès gratuit à plus de 6.000 documents multimédia et 50.000 liens vers d’autres sites documentés. Un réseau toujours croissant de contributeurs (1.450 en 2005) édite chaque Jour de nouveaux contenus et assure une veille critique de ce que l’Internet offre de meilleur. Publier l’Encyclopédie de l’Agora pour tous, c’est le rêve humaniste d’une équipe engagée, concrétisé grâce à un mariage heureux entre les nouvelles technologies et la maîtrise éditoriale. L’Agora fait le bonheur de plus d’un : de l’utilisateur qui y explore un trésor de savoirs, validés et clairement hiérarchisés, aux moteurs de recherche qui l’indexent souvent très haut dans leurs résultats, en passant par les partenaires qui garantissent à leurs contenus publiés dans www.encyclopedie-agora.org une visibilité hors du commun.
Droit de Savoirs. Vous pouvez embarquer avec nous dans l’aventure de tous les savoirs en participant activement à l’opération Droit de Savoirs, car aujourd’hui, être citoyen, c’est savoir et faire savoir.
Comment ? Faites l’acquisition d’un ou de plusieurs Passeports Encyclo et, selon votre choix, contribuez à l’Encyclopédie de l’Agora aux côtés de l’équipe éditoriale de leodica.org. Ainsi, vous favorisez l’accès universel aux savoirs, petits et grands, vous luttez contre l’obscurantisme et vous assurez la promotion des contenus francophones sur l’Internet.
Madame la mécène, Monsieur le mécène,
Ma très chère [prénom], Mon très cher [prénom],
Conc. Encyclopédie en ligne wallonica.org – demande d’aide structurelle
Voici plus de vingt ans que nous éditons le blog encyclo wallon wallonica.org et c’est fort de notre engagement que je me permets de vous écrire à propos de cette initiative. Le projet wallonica.org est né d’une triple volonté :
Développer une plateforme documentaire robuste, structurée en encyclopédie originale et dédiée aux savoirs de Wallonie et de Bruxelles, d’accès gratuit et sans publicité (hors promotion d’intérêt public : parutions, expositions, conférences, rencontres…) ;
Capter les internautes de la Francophonie par des dispositifs traditionnellement réservés au e-Business (en ce compris une présence active sur les réseaux sociaux) et les rediriger vers les acteurs culturels de Wallonie et de Bruxelles ;
Réseauter à 360° les différentes initiatives institutionnelles ou privées, les savoirs populaires et les contenus plus techniques, les plateformes documentaires visibles (institutions, musées…) et celles qui mériteraient de l’être plus, les informations récentes et les documents à intégrer dans les mémoires…
Notre dispositif de base est simple : si nous publions au minimum cinq nouveaux articles chaque semaine, sur des sujets divers, issus de toute la Francophonie, chaque page de wallonica.org propose néanmoins une série d’hyperliens vers des sujets similaires, issus exclusivement de Wallonie et de Bruxelles.
Notre projet a commencé par un partenariat Wallonie-Québec en 2000, pour devenir totalement autonome dès 2012. L’asblwallonica (dépositaire de la marque wallonica®) a déjà bénéficié de subsides et de soutiens par le passé (Communauté française, Province de Liège, Fédération Wallonie-Bruxelles) : ce n’est plus le cas et le manque de ressources devient critique pour nous, qui travaillons depuis plus de 20 ans à titre bénévole.
Concrètement, la plateforme wallonica.org est constituée de 4 sites apparentés, proposant chacun un service différent :
wallonica.org : un blog encyclopédique (1.350 articles publiés à ce jour ; promotion via infolettre hebdomadaire et réseaux sociaux) augmenté d’un kiosque (revue de presse, initiatives, tribune libre, agenda culturel…), de nos incontournables et d’une “bibliographie de l’Honnête Homme/Femme” ;
documenta.wallonica.org : un centre de ressources à télécharger gratuitement (périodiques épuisés, brochures didactiques, témoignages manuscrits, reproductions d’images, curiosa…) ;
topoguide.wallonica.org : un guide en ligne des lieux et des curiosités d’intérêt dans notre Wallonie et à Bruxelles, avec liens vers des compléments de documentation et vers les cartes en ligne de la Région ;
boutique.wallonica.org : une boutique virtuelle non-commerciale, consacrée aux productions des artistes wallons et bruxellois, le bouton [acheter] renvoyant soit à l’artiste lui-même, soit à la plateforme des libraires indépendants de Belgique francophone, un de nos partenaires.
Pour garantir la pérennité de notre travail, nous sommes aujourd’hui confrontés à des dépenses qui hypothèquent notre bon fonctionnement : support/développement informatique, stockage des supports matériels (donations), équipement de dématérialisation (ex. scan-ocr professionnel), rétribution des bénévoles, actions de réseautage, supports promotionnels…
Qui plus est : faute d’un subside minimum, nous ne pouvons briguer le statut d’association d’éducation permanente, faute duquel, nous ne pouvons proposer d’exonération fiscale à des mécènes privés.
C’est pourquoi, Madame la/Monsieur le mécène public/privé, je vous demande d’examiner avec bienveillance notre demande d’aide structurelle, afin de nous permettre de pérenniser cette initiative généreuse.
Je vous joins copie de notre plaquette et du dossier de présentation complet et je reste à votre entière disposition pour toute information complémentaire, une démonstration ou une entrevue, à votre meilleure convenance.
Frédéric Jacquemin est né à Ixelles en 1965. Il fait des études musicales à l’Académie Grétry (Liège) de 1975 à 1981. Il découvre le jazz et participe au Séminaire de Jazz du Conservatoire de Liège de 1982 à 1983 et y suit les cours de Bruno Castellucci. Il commence à se mêler aux jam-sessions. De 1983 à 1985, il suit des cours particuliers avec Georges-Elie Octors. Il accompagne divers artistes de variété (dans ce créneau, il fera partie des formations de chanteurs locaux comme Jacques Hustin ou Alec Mansion, mais aussi de vedettes internationales comme Salvatore Adamo).
Il est engagé dans le Big Band du Jazz Club de Wégimont et s’initie au travail en grande formation. En 1985, il s’inscrit au Conservatoire de Bruxelles. En 1986 il parfait sa formation aux côtés du batteur français André Ceccarelli, joue avec le guitariste Robert Grahame. Son travail personnel est orienté vers la fusion mais aussi vers le jazz “classique”. Il devient le batteur régulier du quartette de Robert Jeanne et joue à l’occasion avec Guy Cabay, Jacques Pelzer, Jacques Pirotton, Steve Houben, Stéphane Martini, Gino Lattucca, etc. Frédéric Jacquemin est un batteur éclectique.
Jean-Pol SCHROEDER
Le batteur belge Frédéric Jacquemin est décédé à l’âge de 56 ans
[RTBF.BE, 7 septembre 2021] Batteur belge vivant à Paris, Fred Jacquemin voit le jour un trois juillet à Bruxelles. Il commence à jouer professionnellement, à la fois comme percussionniste à l’Opéra de Wallonie, et comme batteur dans les bals. Assez rapidement, il gagne sa vie, ce qui lui permet d’acheter et d’écouter de nombreux disques qui constitueront les bases de sa culture musicale.
En 1981, il rencontre le saxophoniste Pierre Vaiana, qui le pousse à s’inscrire au séminaire de jazz de Liège, où il restera quelques années, croisant de nombreux musiciens et/ou professeurs : Bill Frisell, Kermit Driscoll, Bruno Castellucci, Michel Hatzigeorgiou, Jean-Louis Rassinfosse…
En 1996, il fait une autre rencontre déterminante, celle du bassiste Thierry Fanfant, qui le présente à Michel Fugain avec qui il part en tournée. Au fil des rencontres professionnelles, il enchaîne les engagements, joue dans des émissions de télé (notamment celles de Nagui), et s’installe finalement à Paris en 1997. Il tourne ensuite avec de nombreux artistes de variété (Bernard Lavilliers, les L5, Pierre Rapsat, Sanseverino…), tout en travaillant avec de grands noms du jazz (Toots Thielemans, Judy Niemack, Lee Konitz, Michel Herr…).
Frédéric était membre du Quatuor Fabrice Alleman, une formation qui a reçu le Prix Nicolas Dor lors du Liège Jazz Festival en 1997 et a sorti le CD “Loop The Loop” sur le label Igloo un an plus tard. Lors du référendum belge sur le jazz organisé par les radios belges RTBF et VRT, cet album a été élu meilleur CD belge de l’année 1998. Un deuxième CD est sorti en 2004, intitulé “Côtés De La Vie“.
Frédéric Jacquemin était considéré comme un batteur talentueux, polyvalent, flexible et créatif. (d’après RTBF.BE)
Le texte qui suit est un inédit, retrouvé par M. Philippe Léonard parmi des documents de son père, M. Jean Léonard (1920-2015). Jean Léonard est né à Liège, rue des Hirondelles, il a habité route sa jeunesse rue du Batty et a fréquenté l’école primaire communale du boulevard Kleyer. Son fils a pensé que ce manuscrit pourrait intéresser la CHiCC, puisqu’il concerne Cointe, et son partenaire wallonica.org pour la publication. De fait, il constitue un témoignage intéressant de la période d’entre-deux-guerres, complémentaire de celui de M. Georges Fransis. On y trouve, notamment, beaucoup de détails techniques concernant le fonctionnement des carrousels de l’époque ainsi que des anecdotes au sujet du… tram.
“Cette fête paroissiale appelée aussi “la fête à Saint-Maur” était la première fête religieuse de la région, aussi était-elle très fréquentée. Elle se déroulait pendant les deux jours fériés de la Pentecôte (le dimanche et le lundi). Les carrousels, partiellement démontés, tournaient encore le mardi.
Elle était appelée “fête à Saint-Maur” par les anciens (à l’époque, nous étions encore des gamins) parce que, au dessus de la rue Saint-Maur, à droite un peu en retrait, existait une petite chapelle vouée à ce saint qui avait la propriété de guérir les rhumatismes. La chapelle était d’ailleurs tapissée d’ex-votos et aux murs pendaient aussi de nombreuses cannes et béquilles, et c’était un pèlerinage de monter cette rampe fort raide.
Le jour de la Pentecôte (le dimanche), c’était la procession avec les bannières, les enfants de chœur et de Marie, les communiants et, pour terminer, le dais sous lequel se tenait le curé. Les cordons étaient tenus par les quatre édiles du quartier, souvent des habitants du parc privé de Cointe (avocats, médecins, industriels, etc.). C’était la fanfare (l’harmonie) des salésiens Don Bosco du Laveu qui donnaient la partie musicale à l’ensemble.
Puis on tirait “les campes.” C’était un alignement de petits cônes tronqués (comme des pots de fleurs), en acier, placés sur une charge de poudre, réunis entre eux par une coulée, de poudre également, qu’allumait un artificier (des petits pots au début puis de plus en plus grands pour terminer — ceux-là “pétaient” plus fort que les autres).
La semaine précédente, les “baraques” (c’est à dire les roulottes) arrivaient et venaient s’installer long du mur du couvent des Filles de la Croix (sur la place et rue du Batty). Parmi ces roulottes, il y avait celles pour le matériel et celles pour l’habitation du patron et celles pour le personnel. Pour le personnel il s’agissait souvent d’une partie de roulotte XXXL dans laquelle étaient installés des lits superposés.
Le manège (“galopant“) allait s’installer sur le haut de la place du Batty, les tirs et les baraques à croustillons sur le côté droit (en descendant). Il y avait également des petits carrousels montés sur le boulevard Kleyer — et, naturellement, nous allions jouer tout autour et l’on entendait les parents crier : “Måssîgamin, n’allez nin co djouwer divins les baraques !” On y allait quand même mais, comme les timons étaient enduits de cambouis, vous voyez déjà les résultats !
L’attraction principale était, bien entendu, le “galopant“, un vrai celui-là, c’est à dire un manège où les chevaux de bois galopaient réellement tandis que, actuellement, les chevaux se contentent de monter et de descendre. Ce n’est plus pareil…
Montage du “galopant“
Les chevaux étaient groupés par trois sur une espèce de charrette à deux roues sur un seul essieu montée sur un plancher en bois en trapèze pour que l’ensemble des charrettes assemblées forment une couronne. Cet essieu de charrette était muni d’excentriques (deux par cheval) placés décalés sur l’axe et réunis au cheval (à l’avant et à l’arrière) par deux tiges en acier.
Lorsque l’essieu tournait et que les excentriques étaient enclenchés, leur décalage sur cet essieu provoquait un mouvement de montée et de descente de l’avant ou de l’arrière du cheval qui ressemblait à un galop. Il en était de même pour les quelques nacelles qui alternaient avec les chevaux. Ce mouvement ressemblait à une barque se balançant sur des vagues houleuses.
C’était très bien trouvé mais, évidemment, devait coûter très cher en main d’oeuvre de construction à l’origine et d’entretien à l’usage… Lors du transport par route d’une fête à une autre, les chevaux étaient recouverts chacun d’une bâche épousant leur forme et les protégeant ainsi de la pluie. En route, les excentriques étaient désolidarisés de leurs essieux respectifs pour éviter une usure inutile et la déchirure de la bâche.
Le “galopant” s’installait sur le haut de la place du Batty mais, comme elle était en pente, il fallait d’abord obtenir l’horizontalité de l’ensemble par de nombreux calages à l’aide de madriers et de poutres sur des petits supports semblables à ceux utilisés au cirque, dans la cage des fauves et sur lesquels ils doivent monter. La première pièce maîtresse à installer était le chariot sur lequel était installé, à demeure, la machine à vapeur car c’était sa cheminée qui allait supporter tout le toit du carrousel.
Le toit se montait sur une couronne située autour de la cheminée de manière à pouvoir tourner autour de celle-ci qui restait fixe (elle se montait en deux pièces). Le toit était entraîné par un arbre vertical avec pignon denté qui entraînait une couronne dentée à denture verticale (en échelle), fixée au toit. L’axe vertical était commandé à partir de la machine à vapeur par un jeu de pignons coniques. C’était le toit qui entraînait le plancher [et] donc les chevaux et les nacelles par des barres verticales croisées fixées sur la circonférence intérieure du plancher.
Presque tous les “galopants” avaient une machine à vapeur à chaudière horizontale (comme les locomobiles) mais, exceptionnellement, le carrousel Bluart d’Amay possédait une chaudière verticale et la machinerie était installée à côté. Je crois que les cylindres à vapeur étaient verticaux, mais je n’en suis plus certain…
Les roues supportant les chevaux et les nacelles roulaient dans des rails à gorge constituant ainsi une double couronne. Une seule roue était rendue solidaire de l’essieu destiné à commander les excentriques afin de contrecarrer la différence chemin de roulement intérieur et extérieur (il n’y avait pas de différentiel comme sur une auto !).
Chaque machine à vapeur était commandée par un machiniste à demeure qui actionnait un sifflet à vapeur avant chaque départ. Il y avait aussi une sirène semblable à celle utilisée sur les navires de guerre et dont le son ressemblait à un hennissement de cheval (rappelez-vous le film Les canons de Navarone lorsque, à la fin du film, les navires de guerre défilent devant les canons détruits).
Les carrousels “galopant” tournaient dans le sens contraire à celui de Maquet qui, lui, tournait dans l’autre sens. Le carrousel Bairolle, un des plus beaux, a été vendu au Canada où il fait les délices des jeunes et des moins jeunes qui, eux, savent encore apprécier les belles choses… On l’a revu à la TV, dans un feuilleton télévisé.
Il y avait aussi, placé à l’avant et monté sur un chariot propre, l’orgue de Barbarie qui jouait des airs à la mode (de l’époque !). C’étaient des cartons perforés qui actionnaient les contacts et les soupapes de chaque sifflet de l’orgue ou le tambour, etc. Les airs de musique n’étaient plus tout à fait récents et dataient même d’avant 1914. Comme ces carrousels étaient appelés à fonctionner dans les campagnes ardennaises ou condruziennes ou hesbignonnes, où l’électricité n’était pas encore installée, il fallait bien la produire sur place. Or, le manège était équipé de plusieurs centaines d’ampoules de toutes les couleurs. C’était vraiment féerique, le soir, lorsqu’il tournait.
Il faut savoir que les camions à essence étaient rares et peu performants à cette époque. Certains avaient été récupérés dans le surplus de la guerre 1914-18 et avaient encore des bandages pleins. Aussi la traction des roulottes était-elle assurée par des locomotives routières, à vapeur (c’est à dire comme un rouleau compresseur à vapeur, sans le rouleau). La locomotive routière avait des roues en acier et, après avoir remorqué deux roulottes, les avoir garées, elle se plaçait le long du carrousel.
A l’avant de la chaudière était fixée une dynamo reliée par une courroie au volant d’inertie de la machine qui, après désolidarisation des roues motrices, n’actionnait plus que la dynamo qui fournissait ainsi du courant continu à tout l’ensemble du manège. Bluart possédait encore un camion à vapeur de construction anglaise (d’avant 1914) qui pouvait également remorquer une roulotte. Le conducteur était à gauche et le chauffeur à droite du sens de la marche (côté porte du foyer).
Tous les panneaux du carrousel (toit, plancher et garnitures intérieures) étaient couverts de tableaux peints par des artistes, le tout entouré de petits miroirs du plus bel effet. Le dimanche, un “trompette” bénévole s’installait devant le limonaire et jouait, accompagnant la musique. Plus tard, les “galopants” se sont modernisés, la machine à vapeur neutralisée, remplacée par un moteur électrique mais la chaudière “hors feu” a été conservée parce que c’était sa cheminée qui soutenait le toit ! Et, finalement, ils ont été garés, vendus, démontés et remplacés par des autos-scooters, beaucoup plus rentables en entretien et au montage-démontage – et puis, d’ailleurs, c’était la grande mode de l’époque.
Il y avait aussi les inévitables baraques à croustillons. A Cointe, c’était Clarembeau, puis les tirs et les baraques à loterie (on gagnait des plats, des vases, des casseroles). Maintenant, ce sont des nounours et des Mickey ! Il y avait aussi des petits carrousels pour les enfants, des petites autos, des vélos mais à une roue et montés en cercle, puis les multiples échoppes vendant des babioles comme sur la Batte à Liège.
Devant les cafés, les terrasses étaient installées et, chez Delhez, dans la salle située rue des Lilas [rue Constantin-le-Paige], on dansait “au cachet“. C’est à dire que, à chaque danse, un préposé à la collecte passait parmi les danseurs et percevait cinq, dix ou vingt-cinq centimes. Comme c’était la première fête de l’année dans la région liégeoise, un monde fou montait sur le “plateau”, par calèches, autos, fiacres et, surtout, par le bon vieux tram vert (20 centimes depuis la rue Sainte-Véronique).
Le tram vert (li vî tram di Cointe)
Il reliait le bas de la rue Hemricourt au plateau de Cointe. Le petit dépôt de tram style autrichien, construit en bois, était situé au milieu de l’avenue de l’Observatoire, à droite en montant. La ligne était à voie unique avec des évitements (un cent mètres plus haut que le dépôt, un autre au lieu dit “Champ des Oiseaux” et celui du terminus au plateau. Une voie de manœuvre pénétrait de quelques dizaines de mètres dans le parc privé de Cointe. Elle servait à permettre au tram qui venait d’arriver de reprendre la voie de droite pour le départ. Mais, comme il y avait rarement plus de deux véhicules en ligne, elle ne servait que les jours de grande affluence…
Un raccordement en boucle en face de l’église Sainte-Véronique permettait, via la ligne des trams blancs (TULE n°3) d’atteindre la place Cockerill (face à la Grand Poste) où les renforts de petites motrices vertes du tram de Seraing nous parvenaient. Elles étaient nécessaires les jours de Pentecôte. Entre 1920 et 1930, les moteurs étaient encore desservis par deux hommes, un conducteur et un percepteur, mais le percepteur a été rapidement supprimé.
Comme, entre les deux guerres, les routes étaient recouvertes de pavés ou comme le boulevard Kleyer de gravier (alors que j’étais à l’école communale, je me souviens l’avoir vu asphalter), il y avait souvent des problèmes. Quand il avait plu, le gravier de la rue du Batty ou du Boulevard Kleyer “descendait” vers les rails à gorge du tram et, comme le retour du courant s’effectuait par les roues, la motrice tombait en panne ou déraillait sur les pavés. Comme il n’existait pas de “train de secours” comme aux chemins de fer, on utilisait le système D.
On allait chercher les vieux pensionnés et les chômeurs, toujours assis sur un banc à l’entrée du boulevard, et le percepteur leur demandait d’appuyer avec leur dos contre la paroi du véhicule pendant que lui, ganté de gros gants en caoutchouc et armé d’un fil électrique, assurait le retour du courant en touchant à la fois la roue en acier et le rail. Le tram, avec le conducteur à bord, se dandinait sur les gros pavés mais, sous la poussée des bénévoles, finissait toujours par retomber sur ses rails. Ce n’était pas bien compliqué !
Quand il ne pleuvait pas, c’était nous qui, au bas de la rue du Batty, remplissions les gorges des rails de poussière et alors… c’était la panne ! On était cachés et on regardait le percepteur avec ses gants réaliser le retour du courant et on n’avait pas besoin des pensionnés puisque, si le tram n’avait plus de courant, il était cependant resté sur ses rails.
On allait chez Dessel-Cloux [?] (au coin de la rue du Puits et des Lilas) chercher des “crick-cracks” pour vingt-cinq centimes. C’étaient des petites gouttes de poudre brunes collées sur des bandes de papier et on en avait vingt-cinq pour une pièce de vingt-cinq centimes. On allait les placer sur les rails du tram, quelques mètres après son emplacement de stationnement et on les disposait sur quelques dizaine de mètres. Lorsque le tram partait, il les écrasait et ça “pétait” vingt-cinq fois !”
À côté de son métier d’architecte, Arnaud NIHOUL consacre tout son temps à l’écriture. Après quelque quinze nouvelles très remarquées et deux romans plusieurs fois primés, Caitlin (Prix Saga Café du meilleur premier roman belge en 2019 que wallonica.org avait été un des premiers à vous présenter) et Claymore, ce passionné des mots nous entraîne au cœur de Manhattan dans les arcanes du monde de l’art.
New York. Elena Tramonte, une célèbre galeriste, disparaît et le peintre qu’elle représentait est retrouvé assassiné le jour du vernissage. Trois mois plus tard, Lawrence Mason, le compagnon d’Elena, homme d’affaires et grand collectionneur, meurt à son tour d’une crise cardiaque dans son appartement de Central Park. Dans son testament, celui-ci lègue à la fille d’Elena, Kerry, jeune photographe, trois magnifiques tableaux figurant sa mère. Peu à peu, Kerry va noter un lien singulier entre ces portraits et trois peintures d’Edward Hopper retrouvées à Cape Cod cinquante ans après la mort du peintre. Y a-t-il un rapport entre Hopper et la disparition d’Elena ? Avec l’aide de Julian Taylor, expert en art, Kerry démontera l’incroyable machination dans laquelle sa mère a été piégée.
Après deux romans situés en Ecosse, Arnaud Nihoul nous fait traverser l’Atlantique sur les traces d’Edward Hopper. Qu’importe le lieu, on notera au passage que ses romans sont toujours en lien avec le monde de la création (littéraire, artistique, artisanale), comme une mise en abyme. Ce n’est sans doute pas anodin.
Une fois la lecture achevée – ce qui est assez rapide vu la fluidité de l’écriture et les rebondissements de l’intrigue qui en font un page-turner – on a le sentiment que, consciemment ou non, Hopper a inspiré bien plus que le sujet du roman. Les personnages principaux sont, comme ceux de Hopper, des solitaires, empreints d’une forme de mélancolie issue de blessures que l’on devine, puis découvre au fil du récit. L’un d’eux reprend d’ailleurs à son compte la citation de Wim Wenders selon laquelle “on a toujours l’impression, chez Hopper, que quelque chose de terrible vient de se passer ou va se passer”. A ce titre, le roman est, en quelque sorte, un ultime tableau de Hopper :
En plus, je suis un fan absolu de Hopper ! Ce type était un génie. Et un original. Il a capturé depuis le métro aérien des scènes théâtrales magnifiques. Et peint des toiles horizontales dans une ville résolument verticale. On retrouve un peu de la grammaire du cinéma dans ses peintures, ce sont de véritables décors de films … Il y a énormément d’atmosphère dans ses tableaux.
– C’est vrai, approuva Julian .
– On disait que les silences de Hopper n’étaient pas vides, continua Harry, ceux de ses toiles pas davantage. Il ne jugeait pas, il observait et révélait. Certains le surnommaient d’ailleurs le témoin silencieux.
[TERRESTRES.ORG, 19 décembre 2020] Penser différemment le territoire grâce aux oiseaux : à rebours de la fascination des scientifiques pour la compétition animale, Vinciane Despret propose une conception du territoire attentive aux assemblages et relations d’interdépendance qui s’y jouent. Le savoir, nous dit-elle, doit devenir l’allié des vivants qu’il étudie.
Tout commence avec un merle. Ou bien, tout commence avec le printemps, et une philosophe insomniaque. Réveillée à l’aube, “capturée” nous dit-elle, par un chant, Vinciane Despret s’est laissé toucher par la métamorphose qui, à chaque fin d’hiver, transporte les oiseaux. C’est le passage du silence au chant, de la discrétion à la performance, qui soulève initialement sa curiosité. “Chantait-il sa joie d’exister, de se sentir revivre ? […] Les scientifiques ne pourraient sans doute pas l’énoncer de cette manière.” (p.17) Ce sont pourtant bien les scientifiques que Despret fait parler dans cet ouvrage, où, déroulant l’histoire foisonnante des interprétations appliquées à cette métamorphose, elle déconstruit pas à pas l’omniprésence d’une représentation fixiste et compétitive du territoire. L’histoire racontée ici n’est pas linéaire, mais bien “en plis” (p.55), marquée d’hypothèses poliment falsifiées, de découvertes exclues tout d’abord du domaine reconnu de la science puis invitées à refaire surface. Une histoire où naturalistes, éthologues, géographes, philosophes et acousticiens sont tour à tour convoqués.
EAN9782330176433
Philosophe des sciences, observatrice fidèle des éthologues, Vinciane Despret interroge depuis plusieurs années la manière dont les scientifiques scrutent le monde, en particulier le monde animal. Dans Habiter en oiseau, elle décortique avec pédagogie les débats scientifiques les plus tenaces au sujet du territoire chez les oiseaux, renouant au passage avec nombre de ses questionnements habituels. Comment, tout d’abord, faire place à ce qui importe, pour les humains comme pour les autres vivants ? Attentive aux changements de perspective qui occupent les sciences sociales et naturelles depuis un certain temps, Despret fait valoir l’apport d’une recherche curieuse du ressenti de ceux qui ont longtemps été réduits au simple statut d’objets d’étude. Ce mouvement est intimement lié à son approche écologique et politique de la science : à quelles conditions le savoir peut-il se faire l’allié des vivants qu’il étudie ? À bien des égards, la bibliographie de Vinciane Despret est un traité pour une science attentive au monde dans lequel nous vivons — Habiter en oiseau ne fait pas ici figure d’exception — or ce monde-là “gronde” (p.181) autant qu’il est menacé par le silence. Dès 1962, Rachel Carson dénonçait dans Printemps Silencieux les effets dévastateurs des pesticides sur le vivant, menant entre autres à la disparition des oiseaux et de leur chant. Indirectement, Despret répond à son appel et rajoute que la sensibilité est bien l’alliée de celles et ceux qui reconnaissent dans la crise écologique actuelle la marque d’une inhabitabilité du monde contemporain. Nous connaissions le territoire comme arme de l’appropriation de la terre, il s’y déploie ici comme moyen d’une nouvelle attention aux vivants, à leur diversité, et à leur faculté, si nous les laissons seulement, de nous toucher. La philosophie, dans ce cadre, se fait l’outil d’une remise en question lente, soucieuse de l’impact des concepts, mais consciente aussi de leur portée créatrice. Notre conception du territoire s’y trouve transformée ce qui ne veut pas dire évacuée : chez Despret, on “multiplie les mondes“, on ne les police pas.
PENSER PAR LE MILIEU
Heinrich raconte qu’il est difficile, lorsqu’il veut observer des roitelets, de les trouver : ils sont rares, très discrets, et souvent invisibles dans les forêts. Aussi le chercheur fait-il confiance aux mésanges et à leurs talents pour le compagnonnage et les recherche-t-il pour retrouver ses roitelets — élargissant de ce fait le réseau interspécifique que convoquent les mésanges, cooptant à présent un scientifique humain. (p.175)
Comme à son habitude, Despret réfléchit ici “par le milieu“, par ce qui fait “tenir” ensemble les oiseaux qui chantent le territoire, ceux qui les observent, et la philosophe qui les raconte. Penser par le milieu, c’est refuser tout d’abord que le discours scientifique puisse se construire de manière indépendante, désengagée, et sans la participation active du monde vivant. Le territoire n’est pas un objet construit en laboratoire, tout au mieux s’impose-t-il comme une énigme formulée par les oiseaux en direction des humains qui, dès lors, ne cesseront de multiplier les hypothèses. Il y a là, selon la formule de Stéphane Durand dans sa postface, une “écologie des idées” (p.199). Écologie, parce que les théories vivent et meurent aussi, que quand certaines s’imposent, voire écrasent, refusent à leurs pairs les conditions de la coexistence, d’autres au contraire contribuent à “articuler” la diversité du monde vivant. “Au fur et à mesure des découvertes, on le voit, d’autres territoires apparaissent […] d’autres manières d’habiter, de faire monde” (p.77). Si le territoire est d’abord un concept, il peut aussi être le lieu manifeste de notre violence sur les autres habitants de la terre. Aussi le dispositif d’enquête doit-il se montrer attentif “à l’invraisemblable diversité des manières d’être” (p.37), refuser la négligence, bref, construire un cadre ouvert à la prolifération des différences et des hypothèses. Ainsi l’hypothèse longtemps dominante en ornithologie, qui veut que le territoire borne de manière fixe l’espace où l’oiseau accapare manière exclusive les ressources, se trouve-t-elle confrontée à d’autres, plus discrètes. Chez David Lack, il est un “un siège social à partir duquel parader et chanter” (p.59), un “site de rendez-vous” (p.67) chez Howard, un “lieu de protection” et de “rupture avec le régime d’activité” (p.73) chez Clyde Allee.
Habiter en oiseau, loin de dicter la vérité du territoire, est donc une invitation à composer différemment avec le monde qui nous entoure et les entités qui le peuplent. L’ambition est donc politique, dans la mesure où elle prolonge le pari d’opposer au paradigme du conflit et de l’exploitation celui de la cohabitation. Il y a quelques années, prolongeant l’interrogation de Donna Haraway, Elsa Dorlin et Eva Rodrigues s’interrogeaient de la manière suivante : si la nature “est un collectif à proprement parler, dans le sens où nous participons à sa constitution, au même titre que d’autres entités partenaires […] comment prendre en compte et rendre compte de nos conditions de partenaires“ ? Despret dirait qu’il faut déjà se demander ce qui compte pour eux, les oiseaux, c’est-à-dire sortir des paradigmes scientifiques qui se bornent à réduire “la subjectivité de l’animal à des notions comme celles de la motivation ou de l’instinct“. Ce travail minutieux de déconstruction du grand partage — cette approche moderne de l’univers, longuement critiquée par Descola, qui réduit tout à des catégories binaires, humain/non-humain, culturel/naturel, etc. — passe en premier lieu par un renversement du sujet principal. Ce sont les oiseaux qui génèrent la curiosité ici, eux qui proposent de nouvelles pistes. Les tentatives, dominantes à partir des années 1960, de ramener la pulsion territoriale à un modèle économique d’intérêt pour l’accaparement des ressources s’y trouvent réfutées par les oiseaux eux-mêmes. Contre l’idée, par exemple, que le territoire garantit l’exclusivité de la nourriture disponible, les huîtriers pies partagent, au-delà d’une aire familiale, une “aire alimentaire […] où tous les oiseaux du district viennent se nourrir sans être inquiétés” (p.57). Au postulat qui veut que la délimitation d’un territoire ne soit que l’apanage des mâles, femelles pouillots, moqueurs et phalaropes résistent, construisent elles-mêmes ou en couple leur territoire, le revendiquent et le défendent. Ce sont les oiseaux, donc, qui enseignent à l’être humain l’infinie diversité du monde, où, comme le dit Baptiste Morizot dans sa postface : “le comportement le plus stéréotypé, le chant le plus fruste, est déjà toujours plus compliqué à interpréter que nous en sommes capables” (p.204).
Encore faut-il renoncer à l’idée que la nature est toujours là pour nous apprendre quelque chose sur nous. Loin de chercher une loi qui dicterait tout comportement vivant, ou une manière d’habiter que nous pourrions d’emblée, sans réflexion, appliquer à l’humain, il faut au contraire cultiver l’art des versions. Or les ornithologues sont riches d’enseignements en la matière, eux qui, pour beaucoup, ont renoncé aux approches généralisantes au profit d’études comparatives, plus à même de faire valoir la diversité. Troglodytes, pinsons des arbres et mésanges charbonnières chantent en chœur ? Le rouge-gorge, à l’inverse, “attend le silence pour entamer son chant” (p.179). Et puis, de l’éthologie en général, Vinciane Despret tire la certitude que la science est avant tout affaire de curiosité, c’est pourquoi elle sait faire valoir l’intérêt des savoirs qualifiés de “non-scientifiques“. C’est par exemple Henry Eliot Howard, “naturaliste passionné” (p.20), qui par son observation des mâles bruants des roseaux, incitera finalement la communauté scientifique à faire du territoire un véritable champ de recherche. De manière identique, Despret s’engage dans la valorisation des méthodes d’enquête qui, sans manquer souvent de nous surprendre, témoignent d’un souci nouveau pour l’état des relations entre humains et animaux qu’il s’agit précisément de cultiver. À l’instar de Margaret Nice, qui, par le baguage des pattes des bruants chanteurs qu’elle observe depuis son jardin, octroie la place nécessaire à l’étude de leurs trajectoires individuelles de vie, ou de Jared Verner, qui un jour rattache un nid “pour éviter qu’il ne tombe“, et devient acteur malgré lui du dispositif d’expérimentation. Le savoir, nous dit encore Despret, ce sont bien sûr des idées, des hypothèses que l’on formule, mais aussi des techniques et des “dispositifs” qui “constituent une autre façon de s’organiser avec les animaux” (p.46).
LA PHILOSOPHIE POUR UN MONDE ABÎMÉ
Histoire bien déroutante qui nous est proposée ici, où les oiseaux jouent un jeu d’acteurs, où les scientifiques rattachent maladroitement des nids, et où tous les sens du lecteur sont mobilisés tour à tour. Cette approche par le sensible permet de rappeler que penser le territoire, c’est aussi complexifier la manière dont nous admettons que ce qui nous entoure, ce qui nous touche, est signifiant. Car la pensée moderne n’est pas seulement celle d’une appropriation de la terre, elle est un langage contractuel qui isole l’individu et le pousse à concevoir ses relations aux autres de manière défensive. En 2011, la philosophe américaine Anne Phillips soulignait par exemple le danger qui existe à défendre l’intégrité corporelle par la voie de métaphores territoriales. La propriété de soi, territorialisation du corps, risquerait alors de “construire des murs métaphoriques autour du soi“. Si l’ouvrage de Despret n’entend pas tirer de force des leçons des oiseaux, elle invite tout de même à réfléchir à nos propres manières de penser la relation entre nos corps et les territoires. À commencer par nos oreilles.
C’est pourquoi la pensée du territoire implique un travail d’élargissement sémantique : “Penser les territoires, c’est également réactiver d’autres sens associés aux mots, […] les déterritorialiser pour les re-territorialiser ailleurs” (p.168). En ce sens, Despret renoue avec une approche tout à fait deleuzienne de la philosophie. Malgré la “méfiance irritée” (p. 105) qu’elle garde à l’encontre d’un penseur dont Donna Haraway considérait que le travail était la “plus claire manifestation […] de l’absence de curiosité à l’égard des animaux», elle s’en inspire en effet tant méthodologiquement que conceptuellement. Au sujet du rôle joué par la philosophie tout d’abord. Deleuze abordait cette dernière “à la manière des vaches». Despret rumine ici avec lui : penser le territoire, c’est bien y goûter cent fois, presser le concept contre ses présupposés et le désarticuler encore, jusqu’à en multiplier finalement la portée. Irritée par les théories trop pressées d’expliquer le territoire pour et au nom des oiseaux, Despret nous pousse à ralentir. Il faut en premier lieu questionner l’impact d’un imaginaire moderne sur nos propres modes de pensée, imaginaire où “l’environnement est d’abord et avant tout […] une ressource à exploiter” (p.105), où la terre se divise et se possède unilatéralement. L’anthropocentrisme de cette lecture satisfait d’ailleurs rarement les ornithologues, dont “très peu […] véhiculent une conception en termes de “propriét锓. (p.27) Déterritorialiser, c’est déjà désaccorder le concept de ses “habitudes de pensées tenaces” (p.94), pour l’articuler à d’autres choses.
On récusera donc non seulement le présupposé qui veut faire du territoire une donnée universelle du vivant, mais on questionnera surtout le sens même de la territorialisation, en le déliant de ses corollaires non questionnés : l’exclusivité, la nécessité, l’agressivité, et l’utilité. Comment procéder alors ? Attentive aux leçons de Donna Haraway, Despret admet volontiers qu’aucun concept n’est innocent. Réfléchir au territoire, c’est porter avec soi une histoire faite de “violences appropriatives et [de] destructions” (p.26) qui, dans le monde de l’ornithologie, prend parfois le visage d’un meurtre organisé : en 1949, Robert Steward et John Alrich proposent de tuer l’ensemble des oiseaux d’une aire donnée de la forêt du Maine pendant la période de reproduction, afin de mesurer la part d’oiseaux non accouplés faute de territoire. “Plus du double des mâles présents au premier recensement, toutes espèces confondues, ont fini par être éliminés” (p.98). Mais l’art pratiqué par Vinciane Despret ne consiste pas à abandonner les concepts à leur histoire problématique, il est celui d’une écoute patiente, d’une sélection minutieuse, moins attachée aux courants et aux groupes d’appartenance des locuteurs qu’à la force de leur proposition. La sélection d’un corpus de recherches publiées dans leur grande majorité entre le XXe et le XXIe siècle permet ainsi de suivre de près la circulation d’une idée et sa réappropriation, parfois malhabile, par d’autres. La structure de l’ouvrage soutient également cette démarche, oscillant avec musicalité entre des moments “d’accords” — où différentes études sont réunies par la thèse qu’elles entretiennent — et des “contrepoints“, séquences d’ouvertures où l’autrice prend le temps du ralentissement, convoque d’autres disciplines et d’autres perspectives.
Vinciane Despret sur son territoire…
Dans la lignée de Bruno Latour ou d’Isabelle Stengers, Despret réaffirme ici la dimension politique de toute épistémologie : les scientifiques, si nous savons en faire les alliés de la dénonciation du réchauffement climatique, peuvent aussi par leurs registres, leurs schémas, leurs postulats, reproduire l’idée d’un conflit inévitable pour les ressources entre les humains et les autres entités vivantes. Il n’existe donc pas d’espace extérieur à la réflexion sur notre manière de faire du collectif, de cohabiter avec ceux dont le capitalisme prédateur considère encore qu’ils ne sont que des moyens. Despret nous le rappelle notamment dans la conclusion : philosopher dans un “monde abîmé“, “c’est ne pas oublier non plus que ces chants sont en train de disparaître, mais qu’ils disparaîtront d’autant plus si on n’y prête pas attention.” (p.181). Voilà qui donne un sens tout particulier à l’objectif affiché de l’ouvrage. Se demander ce qu’est habiter en oiseau, ce n’est pas (seulement) répondre à la curiosité que suscite le chant d’un merle, c’est encore chercher la manière la plus délicate de composer avec lui, de le maintenir en vie, et de l’honorer. Il faut donc procéder avec intelligence, “au sens latin“, disait-elle ailleurs, “où intelligere implique d’abord la capacité d’apprécier, d’être connaisseur, de développer un goût et un discernement.” Du tact. L’ampleur de la crise écologique n’invite ici ni au désespoir ni au désintérêt, bien au contraire ; et la “solastologie” — cet état de souffrance causé par les désastres environnementaux actuels — offre un visage actif : c’est précisément, nous dit Despret, à partir de ces affects tout contemporains que nous saurons nous rendre “attentifs à la perte” (p.101). Certains regretteront que cette dimension ne soit pas plus développée : si l’inattention est un problème, l’utilisation des pesticides en est certainement un plus grand. Mais la proposition est avant tout méthodologique.
On apprendra par conséquent à distinguer d’une part les questions qui suscitent des réponses, et d’autre part, les questions qui rendent la nature “mutique” (p.51). Ainsi les approches fonctionnalistes, qui visent à réduire le territoire à l’octroi d’une seule ressource — nourriture, femelles (faut-il encore s’en étonner), sécurité — sont progressivement battues en brèche. Certes, le territoire “assure la subsistance de ceux qui le défendent” (p.57), certes il apparaît central dans l’organisation de la conjugalité, certes il protège contre les prédateurs. Les carouges de Californie occupent ainsi une végétation dense et basse qu’elles défendent contre tout intrus, mais tout ce qui est au-dessus est partagé avec les autres sans conflit. “Le ciel est à tout le monde chez les carouges” (p.117). Mais il y a plus. “Pas plus que le besoin n’explique l’institution, la pulsion n’explique le territoire.” (p.151) Plutôt que de chercher à réduire le comportement des oiseaux à une seule loi universelle, un seul besoin, une seule pulsion, peut-on au contraire l’envisager d’un point de vue environnemental, en pensant la manière dont les oiseaux s’associent au monde ? L’alliance ancienne entre territorialisation, nécessité et agressivité s’y efface progressivement sous l’hypothèse que le territoire, loin d’être soumis à des individus, est plutôt une “extension du corps de l’animal dans l’espace” (p.36). Il pourrait donc évoluer avec, par, et pour les oiseaux. Le 31 décembre 1933, le gel d’un étang dans le Worcestershire semble avoir un temps neutralisé toute démarche séparatiste. Les oiseaux occupent l’étang sans plus chercher à se distinguer les uns des autres. La territorialisation n’est donc pas qu’affaire d’instinct, elle répond et joue avec l’environnement. “La transformation du milieu effectuée par des créatures va elle-même susciter chez ces créatures des modifications d’habitudes, de manières de faire, de façons de vivre et de s’organiser” (p.157).
LA LUTTE POUR LE TERRITOIRE
Il faut ainsi détacher le territoire de son corollaire moderne, l’idée d’une appropriation unilatérale de l’espace, pour l’envisager autrement. Beaucoup ont en effet cherché à faire de ce dernier le lieu d’une violence colportée par les mâles. Despret suppose au contraire qu’il est “au service de la rencontre” (p.68), un “piège à attractions” (p.125), voire une manière “d’organiser la conjugalité“, une “forme à partir de laquelle les oiseaux vont composer” (p.159). Cela explique pourquoi les pratiques de défense du territoire paraissent si singulières aux yeux des théoriciens de l’agressivité, tels que Konrad Lorenz. À y regarder de plus près en effet, le territoire, ce “n’importe quel lieu défendu” (p.27), étonne par les modalités de sa protection. Des combats “plus formels que réels” (p.134), une violence purement démonstrative donc et peu blessante, presque systématiquement “menée à l’initiative de l’oiseau résident” (p.134) sans pour autant empêcher réellement le partage du territoire. Les oiseaux font-ils semblant ? Il ne s’agit pas de dire ici que la vie collective des oiseaux est dénuée “d’intérêts conflictuels” (p.131), seulement que la réduction de tous les comportements au seul conflit ne permet pas de faire valoir ce qui compte pour eux, soit la recherche permanente du voisinage. Nous y voilà, le territoire n’est pas tant l’espace de “l’habiter” que du “cohabiter” (p.41), tout ici est affaire d’assemblages qui soutiennent des relations d’interdépendance. D’ailleurs les frontières qui dessinent l’espace lient davantage qu’elles ne séparent, le territoire se distingue par la promesse d’un voisin, “l’apport d’une périphérie” nous dit Despret, où s’exprime alors tout “l’enthousiasme” des oiseaux (p.143). L’importance de la nourriture ou des violences s’y trouve subvertie par un paysage composite où le chant, les couleurs, les parades et les cohabitations s’exercent de manière multiforme. C’est bien en désenclavant le concept du territoire que l’on s’autorise à percevoir ce que l’on avait jusqu’alors minimisé. À l’unilatéralité du paradigme de la compétition pour les ressources s’articule alors progressivement celui de la coopération. Et si les territoires étaient en fait “des formes qui génèrent des relations sociales, voire qui donnent forme à une société” (p.159) et le chant, l’une des modalités de cette “composition“, si bien que, progressivement, certains oiseaux vont jusqu’à s’accorder à la mélodie de leurs voisins ? Les bruants à couronne blanche de la région de San Francisco, territoriaux à l’année, “ont quatre chants différents au départ, mais au fur et à mesure, ils vont en privilégier deux types, qui s’accordent avec celui des voisins avec qui ils interagissent.” (p.168) On comprend bien dans ce cadre que ce n’est pas l’espace qui prime dans le territoire, ou du moins, que “cet espace n’a pas grand-chose à voir avec ce que nous, qui sommes attachés à la terre, appelons “étendue”” (p.117). Car la manière d’être des oiseaux répond davantage de la temporalité, de l’action, de la “spectacularisation” (p.34) : le chant est une manière comme une autre d’affecter, à distance, ses congénères ; mais affecter n’est ni nécessairement violenter, ni nécessairement exclure…
De ce voyage dans les territoires chantés, nous gardons donc l’assurance que l’attention n’est pas une mesure superficielle, mais bien une manière d’être au monde politique. Il s’agit de se considérer soi-même comme partie prenante d’une certaine intelligibilité du monde, briser le narcissisme de ce que Baptiste Morizot appelle parfois nos “cartographies ontologiques“, ces “représentations intériorisées des frontières et des ponts qui nous articulent aux autres êtres rencontrés”. Si nous voulons construire de nouvelles modalités de cohabitation de la terre, il faudra d’abord savoir écouter, regarder, sentir la diversité qui nous entoure, admettre que nous y sommes très physiquement et directement liés, et que le destin qui nous engage n’est jamais uniquement le nôtre. Une fois la lecture achevée, un sentiment d’insuffisance persiste néanmoins. Oui, ralentir pour mieux écouter paraît bien nécessaire, mais le monde n’est pas qu’”abîmé“, il s’effondre, et tandis que certains ralentissent, d’autres travaillent au contraire activement à renforcer ces processus de destruction, d’extraction, de dévitalisation.
Il ne faut pourtant pas minimiser la radicalité du propos. En pensant le territoire du point de vue des oiseaux, Despret réinvestit de manière tout à fait créative le triptyque être-habiter-posséder. À rebours de pensées individualisantes qui veulent que ce qui est occupé par l’un ne soit pas habité par d’autres, pour qui les ressources ne sont pas ce qui nous permet de tenir, mais ce qui doit faire l’objet d’une lutte exclusive, Despret cherche entre les êtres des modalités de relations “non dramatiques” (p.73). Le territoire sépare ? Autant qu’il est le lieu de l’activité sociale. Habiter, c’est s’approprier ? D’accord, si l’on admet que l’on ne s’approprie jamais un territoire sans que lui-même ne nous affecte, que l’appropriation n’est pas une mesure d’objectivation, mais d’instauration, au sens que Despret emprunte à Etienne Souriau, c’est-à-dire “participer à une transformation qui mène […] à plus d’existence.” L’ouvrage n’honore donc pas seulement les pensées d’un rapport écologique au monde, même si c’en est certainement l’apport le plus évident. Après sa lecture, il est vrai qu’on n’écoute plus les oiseaux chanter de la même manière.
[CENTREHENRIPOUSSEUR.BE] Lieu d’expérimentations, d’échanges et de réalisations contemporaines. Un rôle pionnier dans la réalisation et la diffusion d’œuvres de musique électronique et mixte.
Fondé en 1970 à l’initiative de Henri Pousseur et de Pierre Bartholomée, le Centre Henri Pousseur (anciennement “Centre de Recherches et de Formation musicales de Wallonie“) a joué un rôle de pionnier et s’est engagé dès sa création dans la réalisation et la diffusion d’œuvres de musique électronique et, tout particulièrement, de musique mixte. Le Centre Henri Pousseur accueille des projets d’artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ainsi que des autres régions du pays et de l’étranger.
Plusieurs commandes sont lancées chaque année par le Centre à des compositeurs de la Fédération et de l’étranger. Depuis 2009, il décerne tous les deux ans le Prix Henri Pousseur à un jeune lauréat d’un Conservatoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Au travers de projets propres, comme le Festival « Images Sonores », le Centre soutient la diffusion des créations réalisées dans ses studios, sans négliger pour autant le répertoire.
Bourses de création. Plusieurs commandes sont lancées chaque année par le Centre Henri Pousseur à des compositeurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de l’étranger. Elles sont dotées d’une bourse de composition et permettent également aux compositeurs de venir travailler leurs créations au Centre.
Festival Images Sonores. Chaque année, le Centre Henri Pousseur présente son festival Images Sonores, dédié à la musique mixte, l’univers sonore où les sons acoustiques entrent dans un dialogue passionnant avec leur extension électronique.
Prix Henri Pousseur. Depuis 2009, le Prix Henri Pousseur est attribué tous les deux ans et récompense un jeune lauréat d’un Conservatoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Doté d’une bourse de composition, le prix consiste en la commande d’une nouvelle œuvre mixte. Le lauréat a l’occasion de bénéficier de l’expertise de l’équipe technique du Centre Henri Pousseur, qui assure également la création de l’œuvre.
Soutien technique lors d’événements. Le Centre Henri Pousseur propose un soutien technique aux interprètes (solistes, ensembles, orchestres) et compositeurs pour les concerts comprenant des œuvres mixtes (instruments et électronique).
Assistance à la composition. Le Centre peut fournir un soutien technique aux compositeurs qui aimeraient bénéficier de logiciels et de matériel pour développer les aspects électroniques de leur musique.
La violoncelliste Séverine Ballon en répétition dans les studios du Centre Henri Pousseur
Nadine FIS a étudié à l’Académie de Verviers. Elle a reçu le prix de la Ville de Verviers en 2006 pour la sculpture.
Cette œuvre s’inscrit dans une série de sérigraphies dont QR Code (autre œuvre de l’artothèque) fait partie. L’artiste explore ici la peau comme potentielle surface d’impression. Elle interroge la valeur non marchande du corps. La phrase “Wash with similar colors” (“Laver avec des couleurs similaires“) inscrite sur le bras du modèle, la typographie utilisée, et le sens des signes font référence aux étiquettes de nos vêtements. Se dessine une certaine ambiguïté entre le calme de l’image et la violence évoquée par certaines actions proposées par les instructions.