“Je me trouvais à la gare de Jonfosse – pardon, Liège-Carré – qui n’est plus qu’un point d’arrêt quand une voix céleste a annoncé que le train venant de Hasselt à destination de Liège-Guillemins, Visé et Maastricht arrivait. C’est, en effet, la même rame qui relie ces deux villes limbourgeoises. Pour des raisons de tension, elle peut continuer sur le territoire néerlandais, l’inverse ne serait pas possible. Par contre, avant l’électrification en 1985, c’était un autorail néerlandais qui assurait ce service. Et précédemment, on prenait le train à la gare de Longdoz qui a aujourd’hui disparu.
Longdoz ? Ce terme signifie un “long pré” et, de fait, sur la carte de 1649,on voit qu’au delà de Tour-en-Bèche, c’est la campagne jusqu’au pied de la Chartreuse. C’est l’arrivée du chemin de fer qui va tout changer. La compagnie du Nord Belge a obtenu la concession de la ligne Namur-Liège avec terminus, dans une gare qu’elle va construire en 1857, au Longdoz. La ligne y arrive en 1851. Les mêmes financiers, les frères Rothschild, créent la compagnie du Liège-Maestricht (orthographe de l’époque), partant de cette même gare, à partir de 1861. Après 5 ans, c’est le Nord Belge qui en assurera la gestion mais cela reste deux entités distinctes. Liège-Maestricht sera repris par l’Etat en 1899 et le Nord Belge par la SNCB, seulement le… 10 mai 1940 !
La gare ne recevra plus de voyageurs en 1960. Le terrain sera acheté par la Ville de Liège en 1969, le bâtiment démoli en 1975 et la première galerie commerciale inaugurée en 1977.
L’installation d’une gare crée un nouveau quartier au bout de la rue Grétry toute neuve : cafés, hôtels, commerces et habitations. Mais la présence de vastes terrains libres et la proximité du chemin de fer attirent également de nombreuses industries – nous sommes en pleine révolution industrielle.
Un des premiers industriels à s’installer – il y en aura d’autres et nous ne les citerons pas tous – sera la firme Dothée qui fabrique du fer blanc, en 1846. Elle sera reprise dans le complexe d’Espérance-Longdoz. Cette dernière quittera le site en 1961-1963 pour s’installer à Chertal, dans une usine ultra-moderne pour l’époque. Elle fusionnera avec Cockerill en 1970, avec le sort que l’on sait. Le bâtiment qui abritait les bureaux est maintenant occupé par l’Ecole Supérieure d’Action Sociale. Une toute petite partie de l’usine, celle qui avait abrité les établissements Borgnet, deviendra la Maison de la Métallurgie. Le reste sera rasé et on y a construit la Médiacité.
Une autre usine importante est Englebert en 1877. Elle fabrique des articles en caoutchouc, surtout des pneus. En 1958, l’entreprise américaine Uniroyal crée une alliance avec le groupe belge Englebert pour ses activités en Europe. Cette division est baptisée Uniroyal en 1966. En 1979, Uniroyal vend cette division et ses quatre usines de Belgique, Allemagne, France et Écosse à Continental.
Pieux Franki était installée rue Grétry. Elle a été fondée en 1909 par M. Edgar Frankignoul associé à M. Armand Baar. La firme existe toujours au parc industriel de Flémalle mais fait partie d’un groupe plus important. Le siège est devenu une résidence services.
La firme Jubilé a été créée en 1804, rue des Champs, par M. Van Zuylen. En vue des 75 ans de la Belgique, elle créa en 1905 un cigare nommé Jubilé qui devint le nom de la société. Elle fit faillite en 1979. Les locaux sont maintenant occupés par Pôle Images, rue de Mulhouse, une reconversion dans un domaine actuel.
Autre firme de tabac, TAF s’installa dans l’ancienne usine Englebert de la rue Grétry en 1975 mais fit faillite en 1979. Colgate-Palmolive occupait des locaux rue des Champs. C’était une ancienne savonnerie fondée en 1881 qui avait conclu, en 1931, un accord avec le groupe américain pour fabriquer ses produits chez nous. Elle partit aux Hauts-Sarts de 1976 à 2013. Nadin Motor, qui s’occupe de rénovation de moteurs, est installée rue Natalis depuis 1931 et s’y trouve toujours.
Nous terminerons au bout du quartier dans le parc public, bien réaménagé par la Ville, dans le domaine de l’ancien couvent des Oblats qui jouxte la Chartreuse, près de l’église St-Lambert – seul souvenir de notre évêque. Un endroit de calme et de verdure bienvenu, bien loin du passé industriel que nous venons d’évoquer.”
Robert VIENNE
La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte de Robert VIENNE a fait l’objet d’une conférence organisée en mai 2019 par la CHiCC : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne… |
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