GRAHAM : La bourse et la vie (The Scale of Change, 2011, trad. Christine Pagnoulle)

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Professeur de poésie honoraire à l’Université de Newcastle-upon-Tyne, Desmond GRAHAM a publié à ce jour (fin 2020) une douzaine de recueils de poèmes dont After Shakespeare en 2001, Milena Poems en 2004, Heart Work en 2007, The Green Parakeet en 2009, The Scale of Change en 2011, Unaccompanied en 2014, Brain Songs en 2016 et Safe as Houses en 2019. Le titre du recueil de 2011, The Scale of Change, témoigne de son attrait pour l’ouverture qu’offre l’ambiguïté. Un premier sens de l’expression serait ‘l’échelle du changement’, mais ‘scale’ c’est aussi la balance, ce qui permet la transaction marchande et ‘change’, pour peu qu’on le lise avec une élision, c’est aussi ‘exchange‘, ‘stock exchange‘, bref, la Bourse des valeurs ; les deux lectures sont d’ailleurs compatibles, sinon confortées par l’illustration en couverture : la cathédrale Saint Paul au cœur de la Cité, qui peut suggérer l’évolution sociale et idéologique depuis l’époque de Christopher Wren mais aussi le centre de la finance internationale. La deuxième lecture est particulièrement pertinente dans la première partie du volume, nourrie de souvenirs familiaux et d’excursions dans un passé plus lointain, où le thème récurrent est bel et bien la lutte des classes sur fond d’exploitation capitaliste, comme le suggère le titre monosyllabique. La seconde partie, Le dernier élève de Rembrandt, entièrement inspirée par le peintre Aert De Gelder, nous ramène davantage à la première lecture. Elle est divisée à son tour en deux parties, Une galerie de poèmes, où chaque poème recrée en mots un tableau de De Gelder, et Une question de lumière et d’ombre, où le rapport avec la peinture s’exprime dans l’intérêt pour les contrastes et les nuances, des poèmes qui nous emmènent dans une réflexion, parfois vertigineuse, sur des questions existentielles.

Desmond Graham est également très attentif aux effets sonores (allitérations, assonances) et à la façon dont ils contribuent à la cohérence d’un texte. Ceci est d’autant plus nécessaire qu’il s’est forgé une diction poétique faite de vers courts sans ponctuation ; ce sont les coupures de vers qui aident à dégager le sens, mais qui parfois, coquines, contribuent à la confusion du lecteur. Comme il l’explique dans une interview de septembre 2014, cette approche des mots est en partie la conséquence de son travail de traducteur de poèmes polonais, où une langue riche en inflexions grammaticales permet une grande liberté dans l’ordre des mots (comme le latin). Il a ainsi exercé son oreille à repérer le potentiel des coupures de vers en matière de structuration syntaxiques, ainsi que la richesse sémantique des ambiguïtés créées en anglais par l’absence de ponctuation.
De nombreuses références (historiques, sportives,…) représentent à la fois un obstacle à la compréhension pour des lecteurs francophones et une richesse en termes d’épaisseur de vie.
Chacun de ses poèmes est le produit d’un patient travail à la recherche de l’équilibre le plus étudié, pourtant, à la lecture, ils ont l’aisance d’une conversation à bâtons rompus. Un fameux défi pour le traducteur ! Il y a quelque chose de discret dans la poésie de Desmond Graham. Il utilise peu d’adjectifs et moins encore d’adverbes. Pourtant dans ce contexte d’une sobriété élaguée, en partie sans doute grâce à ces effets sonores soigneusement calculés, ses poèmes sont habités d’une sensualité furtive, dont j’espère avoir trouvé l’écho dans le plaisir de la transposition.

Christine Pagnoulle


Pour vous y retrouver, cliquez ici...

Desmond Graham
The Scale of Change
La Bourse et la Vie

Traduit par Annette Gérard et Christine Pagnoulle

Classes
Mon enfance

temps de princes
et de monarques
quand le Shah
et l’impératrice Farah
c’étaient les bons

et un homme
comme le roi Farouk01
pouvait se transformer
quelques années plus tard
en excroissance verruqueuse

un truc qu’avaient
les filles Aldridge
ou l’une d’elles
et bien trop aristo
pour nous faire peur

comme les filles réussissaient
à attraper
de leurs tresses d’or
leur monarque
le petit Jordanien02

comme un batteur
de milieu de match
en costume ajusté
et des siècles
de paix et de civilisation

ou comme Rainier
et ce grand circuit
sur la colline
de Monaco

nous étions si multi
-raciaux –
Learie Constantine03
pouvait me sembler à demi
irlandais comme grand-maman

le Nabab
de Pataudi04
pouvait
batte à la main
venir à bout
d’un été anglais
fait de soirs d’automne

nous étions supérieurs
comme les Saoudiens
avec tous leurs haras
de chevaux de course
fracs et jumelles

de la main nous saluions
au temps d’avant les caméras
le carrosse de la reine
qui passait la ligne d’arrivée
tous les autres sur celle de départ

et si notre rôle
si nous nous risquions
à en avoir un
était sentinelle
regard fixe lanière au menton

femme de chambre
ou cocher
fier de ses chevaux
nous étions toujours
de leur monde

bien qu’eux
pas de doute
ne fussent jamais
du nôtre

Mon père

au club de cricket
venait toujours après
Mr Lee
et toute sa famille
et après
Neil Corker
Eric Staunton
Tony Nunn
et tous les jeunes
en petite casquette
et blazer rayé

il avait perdu son rythme
et perdu sa longueur
et recevait la balle
un pied en avant
peu importe le serveur
il assurait quand même
dans la nuit tombante
et le dernier over

dans les pièces
il jouait toujours le majordome
ou dans les dernières années
l’inspecteur en chef
qui recevait les ordres
du colonel du nobliau
et du médecin de famille
alors que le meurtrier
était toujours
l’un d’eux

mais à l’église
malgré la grande culture
de Miss Blow
et de Mrs Judd
il n’avait que Dieu
au-dessus de lui
et les grands compositeurs
et les règles apprises
dans son enfance
quand il chantait
en professionnel
Morales
Clemens (non Papa)05
Beethoven en ut Majeur06

*
enfant de Londres
il avait emmené
avec lui
à la campagne
tous ceux de Cheyne Walk
et Rotten Row
qui donnaient des ordres à son père
devenus gentlemen
ou spéculateurs en construction
banquiers courtiers
hommes d’affaires ou voleurs

tandis que valets de ferme
ou employés municipaux
s’amenaient tranquilles
et de leurs bras robustes
tenaient bon
deux douzaines d’overs07
et que Major Virtue
toujours en pads à fentes
genre Grace ou Trumper08
pour recevoir en trois
somnolait
derrière le batteur
ou s’agitait dans la même ligne
mon père rattrapait
où ça ne se voit pas
des deux côtés du terrain
encourageant le lanceur

il n’avait pas de chevrons
à ses couleurs
sur son pullover
tricoté main
au point torsade
par ma mère
portait la casquette du club
offerte aux membres
et n’a jamais compris
le mystère des classes

Je ne traversais jamais la rue

les enfants inconnus
et dangereux
de l’autre côté
et ce qui se passait
derrière la rangée de maisons
je ne l’ai jamais découvert

mais sur ma bicyclette
j’escaladais la colline
et au-dessus
je tournais à droite
et passais la grille du domaine

où j’attendais
Celia
une place à Leeds assurée
un gin tonic
comme un trophée
entre les doigts

pour être interrogé
par son père
pardonnez mon ignorance
je vous prie
mais Leeds
c’est Oxford
ou Cambridge

Tout comme nous

ce brave homme
le Dr Johnson
donnait à son domestique noir09
une livrée
ainsi on savait
que l’attaquer
avait peu de chance
de ne pas être
remarqué
juste comme nos Hawks
Meteors
et Vampires10
protègent pachas
princes arabes
et respectables dirigeants
face à la populace
bruyante et vulgaire
qui pourrait les renverser
pour moins que rien
tout comme nous

La Loi et l’Ordre

Günter Podola11
pendu par le cou
jusqu’à ce que mort s’ensuive
à la prison de Wandsworth

et les foules assoiffées de sang
là dehors
en silence
qui voudraient voir

capuchon noir
et sentence
horloge et glas
les signes de l’ordre

toutes les histoires de mon père
sur les rues de Londres
et les assassins célèbres
tournaient à l’aigre

*
les monstres Mau Mau12
façonnés de cauchemars
nos pauvres soldats
qui sauvaient des fermiers isolés

les tortionnaires
c’étaient toujours eux
nos hommes envoyés
pour mettre de l’ordre

proprement les ramener
dans le droit chemin
leur apprendre
la Loi et l’Ordre

et la cagoule
et la chute
que je mesurais
dans l’espoir

que le nœud
soit placé
avec une précision
miséricordieuse

notre Pierrepoint13
champion du monde
des exécutions
indolores

il a fallu des années
pour que ça sorte
comme des secrets
sortis d’un tiroir

comme si le classeur
près du lit de mon père
prouvait qu’il était
un adepte de Crippen14

ou que le sol de la remise
où je jouais au pilote
au chimiste à
l’explorateur darwinien

excavé révélait
une histoire
comme cette maison
à Gloucester15

et que la matraque
pendue derrière la porte
chez grand-maman
héritée de son mari

auxiliaire de police
avant la première
guerre mondiale
avait servi

Reich

mes condisciples de bonne famille
dans les Collèges d’Oxbridge
ont continué à administrer l’empire
quand j’arrivais pour le thé
des domestiques
pour la première fois
noirs
et entendais
comme on les rudoyait
tellement pire
que ceux de chez nous
qui servaient
tout comme ma mère
dans les restaurants
et les magasins

les bouches grossières
de ces tantes anglaises
en Afrique
et même des enfants
donnant des ordres
comme une peste
en pleine figure
comme si rien
d’important
ne s’était produit

pas de problème ici
la vieille énigme
résolue
que serait-il arrivé
aux Anglais
sous Hitler

Post colonial

qu’est-il advenu
de ‘London’
garçon de salle à l’université
qui nettoyait aussi en fait
chez moi

ou de la Bonne
installée
dans un appentis
à côté des résidences
pas plus grand
que la cabane
où je jouais
à combattre Hitler

six livres par mois
et la nourriture des boys
et tant de repas de gruau
– j’en gagnais environ cent –
avec son tout jeune enfant
sur les épaules
à surveiller les miens

nous leur avons donné
tout ce qui est arrivé
à Mugabe

*
qu’est-il advenu
de ‘Moses’
à Freetown
qui venait tous les jours
de neuf à six
et était déçu
de ne pas m’appeler
maître
ni servir à table
en grand uniforme

et la vendeuse de cacahuètes
qui louchait
à peine douze ans
à qui je donnais une pièce
chaque fois que je parquais l’auto

nous leur avons laissé
Rio Tinto
et notre amour des diamants

Monsieur

bien qu’à la maison
ce fût beaucoup mieux
j’étais encore
‘Monsieur le Professeur’
jusque dans les années quatre-vingt-dix
dîner
à la Table Haute
et d’autres
prenant les commandes
comme c’était naïf
de croire
que Thatcher n’avait détruit
que les mineurs
elle avait ouvert
la porte de derrière
ajouté
des trafiquants douteux
des courtiers criards
à la racaille de toujours
et ils se sont fort bien
entendus

nous laissant
à nous contempler
le nombril

Rentrer chez soi

oh vertes campagnes
et cottages
anglais
allées envahies
de carotte sauvage

où roses trémières
et pieds d’alouette
et bordures brodées
le long des pavés irréguliers
sur la carte
envoyée de Barrow
et accueillie
par les ‘Manchesters’
dans la boue des tranchées
de 1916
photographié
bras en écharpe
près de la grille du cottage

souriant

‘No Place
Like Home’

La grand’rue

où le chiffonnier
avec bidet et charrette chargée
agitait sa cloche
où ma mère
versait du thé
aux Yankees
arrêtés
sur Portsmouth Road
en convois
ils me jetaient
de petites boites de bonbons
au passage

Récupération

je me tenais à côté
de la ‘récupération’
cinq sacs
suspendus
comme cinq grâces
pour redistribuer
la richesse du pays
fadaises
pour les banquiers
pâte à papier
pour la presse
vieux fer
pour l’armement
vieux vêtements
pour se couvrir
et pour le reste
des os
pour notre colle
sociale

Le Nord

Nous ne dépassions jamais
Watford
et quand nous y arrivions
nous étions effrayés
un peu
et soulagés
de le trouver
presque normal

le Nord
quand nous en parlions
c’était Waltham Abbey
où mon arrière grand père
sculpta de nouveaux bancs
et fit ce miroir
dans le vieux bois
qu’il choisit
comme payement

notre famille
dans des fermes
qui leur appartenaient
autour de Northampton
était une espèce bizarre
ne connaissant pas les raids aériens
protestants
qui avaient leurs problèmes

cousine Phyllis
dans le Grail
que j’entendais
grille de prison
tante Lou aux cartes
à Monte Carlo

et le souffle
venant de l’arrière-cuisine
un lièvre mort disaient-ils
ou la mort par poison
dans la salle de bain
juste à côté

l’escalier de derrière
qui grinçait toute la nuit
l’obscurité
à l’intérieur
comme à l’extérieur
prouvait que c’était la campagne

et au plus loin au nord
que nous nous risquions
les gaz d’échappement
s’élevaient derrière nous
comme les gestes d’adieux
au départ d’un paquebot

voguant vers un endroit
où se réfugier
dans notre cas
deux heures plus tard
chez nous

Remise des diplômes

Mes parents
venus pour
la remise des diplômes
le mien
trouvaient Leeds
une ville crasseuse
les gens corrects
tout compte fait
et même sympathiques

la ville les faisait se sentir
encore plus déplacés
que chez eux
où ils étaient à peine
normaux
mais avaient leur place
et conservaient
leurs souvenirs
de Londres

comme une fanfare
une fois passée
dont le bruit
ne peut quitter
les rues animées
qu’elle a traversées

dont le pas cadencé
ne serait jamais
en désaccord
avec le vôtre
même si partout
c’était le silence

Classes

en fait
c’est comme une sonnerie
ringarde dans
une maison vide
qui teste
le genre de personne
qui va répondre
et les Anglais
souvent
ont cette sonnerie
dans l’oreille
peu importe s’ils
n’écoutent pas

la classe
c’est comme un
courant d’air
qui va vous
soulever
tout doucement
parfois
ou brutalement
en garder d’autres
en bas

*
la classe c’est un jeu
où les lettres
se réarrangent
pour former une phrase
qui vous apprend
où vous êtes exactement

et vous vous acharnez
tous les soirs
à arranger les lettres
en vous demandant
si avec ce que vous avez
reçu il n’est pas possible
de former au moins
un mot

*
et classe bien sûr
c’est un autre mot
pour l’arsenal
scolaire
le râtelier à fusils
du fermier
le chien du pauvre
flic

Qui possède

Purcell
qui possède Byrd
qui possède
le plafond
de la Chapelle de King’s College
le toit en blochet
de Westminster Hall
le vieux chêne impossible
de Winchester –
la nation

qui possède la nation

Cobham

comment ai-je pu
pendant des années
me sentir si honteux
d’être né à Cobham
Surrey
trouvant toujours
que les gens d’emblée
me trouvaient sympa
ou pas
sur de fausses hypothèses

seulement dans la soixantaine
le trajet vers l’école
sur mon vélo flambant neuf
– le prix de la bourse –
s’est transformé
d’un terrain golf
refuge pour les Beatles
et espace
impossiblement
enclos
en ce lieu où Winstanley
et ses Bêcheux16
‘True Levellers’
comme ils s’appelaient
ont décrété
l’égalité
pour tous

quelle plaque
marque cet endroit
‘Ici a vécu
Ringo Starr’
‘Soldat
de St George’
ou ‘Ici
avant tant d’autres
et presque tous
a été proclamé
en Angleterre
le droit
d’être humain’

j’y ai vécu
vingt ans
y suis allé à l’école
dans un rayon de cinq milles
et personne
n’a pensé que cela valait
d’être mentionné

Newcastle

John Lilburne17
‘Niveleur’ disait-on
lui préférait
porte-parole
‘Agitateur’

étudia à Newcastle
‘Royal Free Grammar School’
fut traîné par les mains
attachées à une charrette
jusqu’à Westminster
mis au pilori
bâillonné
persista
sa vie durant
à réclamer
des ‘droits égaux
pour tout humain’

Un bon nombre

La Royal Grammar School
de Newcastle
est fière
en ses propres termes18
que des jeunes gens
de toute condition
bénéficient
des possibilités
offertes
par son enseignement

aux dernières nouvelles
cent d’entre eux
reçoivent une aide
‘un bon nombre’
comme ils disent

les autres
peuvent acheter
ce qu’ils offrent
pour vingt livres
par jour

Clôture

installé
pour une fois
ou seulement pour un jour
ou deux
à Worcester
après Corpus Christi
juste l’année d’avant
et Magdalen
de l’intérieur

connaissant pareille splendeur
en visiteur
honoré
je demandai
à la femme de ménage
quel effet cela faisait
de vivre
dans tant
de beauté

j’en viens
répondit-elle
mais c’est presque tout
fermé

Le glaneur

John Clare
précurseur
resta de la campagne
sans son étiquette
poète paysan
pas très utile

mais là où ses oiseaux
trouvaient refuge
dans les haies

du Northamptonshire
d’immenses
moissonneuses-batteuses
aspirent

jusqu’au dernier
grain
du glaneur

Les poètes anglais

Le cockney Keats
célèbre pour sa consomption
et son goût atroce
selon les journaux

pas vraiment à la hauteur
de Shelley
qui l’a remis
à sa place

ou de Byron
qui faisait savoir
que Wordsworth
c’était la honte

au moins lui
avait enduré
Cambridge
parmi le ‘bavardage

de freluquets’
écrivait-il –
mais Keats
qui étudia la médecine

d’après nos critères
guère classe ouvrière
lisait Homère
en traduction

Virgile
par lui-même
éduqué
comme la mère

de Shakespeare –
un talent à laisser
aux femmes de l’avis
du père du dramaturge

à lui l’art plus noble
de vendre
des gants
aux plus hauts placés

Travail

Ma tante était
modiste ses chapeaux
d’une telle perfection
que Cecil B. de Mille
ou un autre de la même eau
l’invita à aller
de Londres
à Hollywood
sa mère
s’y opposa
à la place
elle travailla plus tard
chez Batey’s
fournisseurs
de ginger beer
et limonades
pour la haute

mon autre tante
on l’aurait appelée
comptable
si elle avait été un homme
elle équilibrait les comptes
pour toute L’Association
comme Pierre
avec sa balance

c’était Londres
et pour ma mère
de l’autre côté de la rue
chez Fortnums
il y eut des années
de formation
à comment au mieux
servir les riches
sans les froisser

et leur jeune frère
premier jour comme employé
rentra à la maison
la mère scandalisée –
‘tes mains
sont sales
aucun de mes fils
ne fait travail pareil’
il n’y est pas retourné
le lendemain

Piscine

nous avions une piscine
derrière le pavillon de l’école
où ceux qui s’étaient distingués
pouvaient aller plonger
par les jours de canicule
notre privilège
nous balader librement
côte à côte
comme dans un domaine
privé
où il faisait frais

nous prouvions
que nous étions
au dessus de tout ça
à rien d’autre
que le bruit
de nos brasses
jusqu’à ce qu’un
ennui
se creuse
nous submerge

et que nous sortions
sur le bord
et nous tenions là
comme un chien mouillé
sur la rive
cherchant quelqu’un
mais pas une âme en vue

Service militaire

les plus âgés
dans la famille
comme mon frère
ont découvert
comment nos pères
s’entraînaient au combat

cheveux rasés
visage tanné
par l’hiver
marchant
aux ordres

je les voyais défiler
dans l’Essex
sur quelque chose comme
des instructions de danse

voyelles
malmenées
ni mots ni syntaxe
juste une sorte
d’aboiement
ponctué

The Lit and Phil19

combien de Jacobins
aujourd’hui
s’en vont par Westgate Road

ils ont vendu l’ouvrier
socialiste
en aval

et des professeurs âgés
résistent encore à la marée
de mérule

plâtre écaillé
étagères affaissées
là où leurs prédécesseurs

aussi la plupart bourgeois
votèrent la révolution
contre leur roi

Geordies
des années dix-sept cent
soixante

non moins que
ceux aujourd’hui
qui donnent leur vie

pour sauver l’empire
des pères de leurs pères
à combien de milles de distance
*
Yeats demandait
‘qui hantait
la Grand Poste’20
et répondait
aussitôt
‘Cuchulaínn’

oh c’est facile ici
où Stephenson
allumait sa lanterne magique21

pas besoin
de chasser le fantôme
jour après jour

il suffit d’aller à Easington
de rechercher tous ceux
qui ont dû partir22

Thomas Bewick23

juste en aval sur la Tyne
Ovingham
son cimetière
Cherryburn
sa maison natale
notre Rembrandt
des fleuves traversés
sur des échasses
saut à la perche
presque raté
blagues de gamins
singes
au miroir
tout le monde
en train de pisser

défenseur
du vieux canasson
du chat à moitié étranglé
du chien maltraité
et du berger transi
ami du vagabond
vétéran
qui a perdu une jambe
de retour des guerres

il savait
qu’un cheval pouvait
aussi aisément
balancer son cavalier
dans la rivière
qu’attendre
un maître ivre
mais lui avait fait
enfoncer ses sabots
juste sous la potence
refusant de tirer
le tombereau

Le Duc

où la Mer du Nord
éclabousse les galets
entassés pour l’hiver
où l’eider à duvet
tel du soufre lent
rase l’eau calme

une vue parfaite
de la mer derrière elle
elle est assise contre
le mur
dans la panique
le chateau par ici
a encore des personnages de Kafka
son mari
jardinier
mort
leur cottage
ils en avaient besoin
elle a été déplacée
plus facilement
que les meubles

là où aucun bruit de la mer
ne pouvait emplir l’espace
épargné
par l’épine noire de la ville
les jardins du chateau
et les dernières nouvelles
des saisons

L’Embankment

Turner
dans son petit bateau
avec du rhum
et un rameur
le dos tourné à Londres
passa ses dernières années
à Chelsea Reach

on y a construit
la maison de l’espion
à la splendeur ostentatoire
où Carlyle se débattait
avec la révolution
– française –
où les millionnaires
texans
peuvent à nouveau
contempler
satisfaits
de leur perron vert
un bout de jardin
protégé
la maison de Thomas More
qui trouva l’Utopie
ici
avant
un peu plus loin
le bourreau
+
le trafic rugit
ses adieux émus
à Londres
par delà une cour de récréation
grillagée plus haut
qu’une cour de prison

sur le quai du fleuve
où la jeune Irlandaise
ruinée de Sickert
se terrait
comme des centaines d’autres
essayant de se décider

et maintenant à marée basse
la boue
où mes ancêtres
pouvaient librement chercher
quelque objet
abandonné

les mouettes impriment
leurs motifs
d’empreintes rayées
bien connues
des uniformes
portés par les forçats

Dans le noir

où le ciel de la nuit
n’était pas ciel
et le nuage pas nuage
mais fumée
de cigarettes
aspirées à fond
couvrant les premières
rangées du stade
où nous entendions
la plainte
d’abord
mise en garde
puis grondement étouffé
de rame de métro
entrant en gare
quand la foule
reprenait
le rugissement
que des mots isolés
se détachaient
comme des noms
et des visages
et la photo
flashait
l’arrivée
et des chiffons
étaient jetés
au premier
chien
des parieurs
comparaient
leurs résultats
une main serrant
leur Bovril
l’autre
l’œuvre d’art des bookies
hardiment illustrée
d’un nom exotique
et d’un numéro
désormais
sans valeur
sauf pour des gosses
comme moi
qui avec leur père
apprenaient le plaisir
de la foule
le brouillard de la nuit
et le brillant
et fugitif
répit
de titiller
la chance

Courses

Sandown
Kempton
Goodwood
et Prince Monolulu24
comme une estampe
du Douanier Rousseau
coiffe en plumes d’autruche
gilet magique
culotte orientale
suggérant le gagnant
‘j’ai un cheval
j’ai un cheval’

Stamford Bridge
où ils me soulevaient
sur leurs épaules
comme d’autres
trop petits
ou me faisaient passer
de l’autre côté de la clôture
pour m’installer
parmi des rangées de transat
sous la toile cirée
qui aurait du couvrir
les jambes d’un invalide de guerre

Bleus

j’étais bleu pour Oxford
mon frère bleu
pour Cambridge25
comme s’ils entendaient
nos clameurs
même d’à côté
de Putney Bridge

les logements sociaux
où le déversoir
puait
refoulait
le souffle
de tout ce qui
ne servait plus

les escaliers en pierre
il fallait les monter
dix volées
peu importe si
les jambes
protestaient
ou étaient vieilles
+
ma rose était rouge
celle de mon frère blanche
Plantagenet
et Yorkshire
CCC26
la mienne rouge
Lancaster
autant que Washbrook
notre lignée
un bombardier
au long cours
une histoire de célébrités
achetées avec des cigarettes
Richard le Bossu
Henry Tudor
et les Edouard
tous les mêmes
+
nous étions des cavaliers
pas des têtes rondes27
Chelsea pas Arsenal28
Churchill contre Attlee29
nos circonscriptions
toutes de couleur
bleue

combien plus colorée
une cause
pour laquelle mourir
même du mauvais côté
des grilles
toujours du bon côté
de la rue

Clapham Junction

où le nord
était toujours là
tout prêt
en attente
mais invisible
une seule couleur
moutarde Colemann
seule distraction
peint sur une façade
un cube Oxo

la brique grise
en manque de peinture
argentée shrapnel
brûlée
sur les bords

fenêtres impossibles
cassées noircies
bien pires que tout
ce qu’ils imaginaient
en disant le nord

et tout ceci
invisible
de la fenêtre
de leur wagon
en route pour Londres

où se poser
pour la journée
à Mansion House
au Strand
Cornhill Holborn

toutes les rues
chas de l’aiguille
où les riches passaient
plus facilement qu’un chameau30

Les églises de Wren

Je les aimais –
dépouillées
chêne massif noirci
qui garde la réflexion
pour soi

faites pour être vues
en toute discrétion
pour enseigner
ce qu’est la perspective

et si le grand orgue
faisait tonner ses tuyaux
et que la coupole répétait
dans le creux du plafond
en contre-point

vous compreniez
que dieu avait été
sorti de sa machine
converti en proportion
équilibre, échelle

que la mesure prenait le relais
angle et levier
structure profondeur poids
comme les phrases
de Pope

répètent développent varient
suspendent étendent
s’opposent
retournent et réaffirment
puis concluent

*
et au coin de la rue
comme le craignait le poète31
le papier monnaie
circulait
si peu matériel

bien avant le premier
ordinateur
toute la richesse du monde
est passée par ici
comme farine en un entonnoir

emballée entreposée
expédiée au delà des mers
puis renvoyée
multipliée
par millions

les Amérindiens
les captifs de la Gold Coast
quelques nobles sauvages
là près de Tahiti
en ont payé le prix

on l’entend presque
en tendant l’oreille
qui circule dans
le dôme de St Paul
en un murmure

La surprise

Haydn
montait jouer
en haut d’escaliers sombres
près de Covent Garden
un petit salon
et une foule
d’amis
bouchers
maîtres de musique

une surprise
en Europe
habituée à des hordes
de nobliaux
somnolant du début
à la fin
jusqu’à ce qu’il les éveille
de son fameux
Paukenschlag

aujourd’hui
l’Albert Hall
comme un colisée
romain
entasse
de pareilles foules
d’intellectuels en voyage
de banquiers
au rabais
d’amateurs en tout genre
et d’amoureux
jusqu’à ce qu’ils doivent
céder la place
à des drapeaux
déployés
des visages rougeauds
pas doués pour le silence
sauf s’ils en reçoivent l’ordre
pour deux minutes
en novembre

mais explosant
pour les gars de la Marine
orchestrés par
Henry Wood32
et l’instant solennel
du triste Elgar
Orgueil Pompe
Circonstance
et Guerre

Albert Dock

chamarrés
comme une pochette
de sergeant pepper33
la ziggourat
irako-aztèque
le Fort Rouge
ramené
en miniature
d’Agra
une sorte de dome de St-Pierre
avec une touche Tudor
et le Liver Building
un classique Walt Disney
mais ce n’est pas sa faute

un amour dingue
pour le côté
fouilli
trucs ramenés à la maison
étalés
comme dans un B&B
sur le buffet de famille
deux agneaux
et des castagnettes

une esthétique
parfaite
pour les Anglais
comme le goût
des bonbons à la réglisse
les couleurs acides
trop sucrés
un assortiment limité
tous avec des lanières de cuir
qui tiennent tout ensemble
à peine remarquées
juste comme le commerce
perdu
noté ici
pour que nous n’oublions pas
dans le nouveau musée
qui reconnaît
enfin
l’esclavage

Douvres

les fanions en plastique
collés au mur
comme des feuilles mouillées
fixées là
par le vent la pluie
proclame
que c’est la Saint George34

en petite toque de
boucher et enrubannés
de drapeaux anglais
ils criaient haro
par les rues
surtout
à Douvres

où Gloster
ne fut pas aveuglé
par les blanches falaises
et le Roi Lear
attendait l’aide
de sa fille
et des Français

et les collectionneurs
de perce-pierres
s’accrochaient
comme ils pouvaient
à ce que les panneaux appellent
les falaises
de Shakespeare

*
et au Eight Bells
comme le lunch du dimanche
dérive à nouveau
vers le soir
ils disent bonjour à maman
sur le portable
la meilleure maman du monde

pas encore tout à fait givrés
mais bientôt
comme les hommes
qui geignent
au bar à expliquer
que c’était pas
ce qu’ils voulaient dire

rien de personnel
et la High Street
Oxfam Save the
Children Mind
The Heart Foundation
RSPCA35
rappellent qu’ici
c’est l’Angleterre

et les pensions palissadées
où jadis Wordsworth
attendait transi d’amour36
où Matthew Arnold
venait écouter
le lent grondement
du ressac

sur les galets quittant la rive
pour y être ramenés
à la marée suivante37
où les sillons des vagues
offrent peu de réconfort
dépassant tout
ce qui passe

et la mouette
plonge
dans les déchets
s’élève
telle un phénix lourdaud
ajuste ses ailes
et s’ébroue

lance
le même cri perçant
que les noces
pour la mariée
et le marié
pour l’Angleterre
et Saint George

tapageurs
sentimentaux
et comme l’a remarqué
tout visiteur
depuis l’époque
de Shakespeare
portés sur la bagarre

Champs élyséens38

tous les pauvres de Benwell
changèrent
de forme
et de couleur
en une nuit

les feux aux carrefours
laissèrent passer
la rutilence
de saris
de shalwar kameez

des magasins abandonnés
envoyèrent
des messages triviaux
d’ici à tous les coins
d’un empire bien disparu

Jimmy le boucher
préparait des têtes de porc
pour les festivités philippines
accommodait des pieds de porc
pour les Angolais

toute la journée son employé
découpait assez de basses-côtes
pour construire en miniature
un nouveau chemin de fer
du Pacifique

Friture Halal
Cuisine de la Mama
Fou de Pizza
Vieux Teheran
comme les Fauves en France
apportèrent la couleur

et les pauvres aux joues pâles
illuminés de sourires
comme on n’avait pas vu
depuis que les Tommies
étaient rentrés au pays

ce n’était pas un rêve
juste un coup d’œil
sur un matin ensoleillé
où la Maison des Infirmières
devenait un nouvel Asile

et où les professeurs de langues
après des aprés-midis à expliquer
termes juridiques
arrêts des tribunaux
interdictions

regardaient par
des fenêtres aux rideaux en filet
bien au-delà de l’épuisement
un petit commonwealth
de possibilités

sans savoir
où il allait
ni s’il aurait le temps
de rester


Le dernier élève de Rembrandt

Né à Dordrecht en 1645, formé dans l’atelier de Rembrandt pendant six ans jusqu’à la mort du maître en 1667, Arent ou Aert de Gelder est communément appelé ‘le dernier élève de Rembrandt’, en effet jusqu’à sa mort en 1727 de Gelder continua à peindre dans le style qu’il avait appris de Rembrandt. Sa manière est plus limitée, plus douce, plus modeste que celle de son maître, avec des perspectives plus courtes, des bâtiments moins grandioses et des trios de personnages plus proches du spectateur. Il y a une réserve et une tendresse si constantes qu’elles ne semblent pas déterminées par l’humeur, mais sont constitutives de sa façon de voir les choses. Ses personnages sont généralement occupés à quelque chose qui les dépasse, ils essayent de se ressaisir ou de comprendre. Quand des anges arrivent, quelqu’un dort généralement profondément.

Dans ces poèmes, j’ai tenté de saisir cette tournure d’esprit, cette façon de voir. ‘Une galerie de poèmes’ a son origine dans ma réaction à l’un ou l’autre de ses tableaux. ‘Une question de lumière et d’ombre’ commence comme un dialogue, une série de couples et d’oppositions, de voix et de contre-voix, pour dérouler une conversation. J’ai été sélectif, choisissant mes points forts, écrivant à partir de mon époque et de mon point de vue, rendant ses thèmes séculiers, mais j’ai essayé de rester fidèle à ce que j’imagine être l’esprit de son art avec la fidélité non du traducteur mais de l’ami admiratif.

L’artiste en Joseph

Second père
de cette incertaine histoire
que Dieu a faite
lui donnant légitimité
et un visage humain

Galerie de poèmes pour Aert de Gelder (1645-1727)
Salle 1
‘Le festin de Balthasar’

il vacille
vers la table
comme un vulgaire ivrogne
quoiqu’avec plus de retenue
que d’habitude

un bon somme
est nécessaire
n’importe quoi
à ce moment
avant les mots
sur le mur

vous voyez
l’histoire
commence toujours
un peu plus tard

et ce qui se passe
ici
pourrait toujours
être autre chose39

‘Esther’

ce qu’elle voit
nous le voyons
dans ses doigts
étendus
juste au-dessus
de la table

main droite
comme à l’instant
soulevée
de quelque travail
achevé

main gauche
pas vraiment explicite
mais les doigts à un angle
qui accueille
tous les doutes

‘Vertumnus et Pomona’
Aert de Gelder : Vertumne et Pomone © Musée national de Prague

il n’y a qu’une vérité
et la vieille femme
la dit
démontre
avec tant de prévenance
ses conséquences
dans sa main ridée
au-dessus d’un si beau
bras

la jeune femme
dans le halo d’un chapeau
de rubans bleus
cadre suffisant
à son visage
pensif
se sent bien
dans sa peau

la vieille femme
c’est Vertumnus
garçon déguisé
par magie
plaidant sa propre cause

elle c’est Pomona
la fécondité
équilibrant légèrement
une pomme
entre ses doigts
juste au-dessus des genoux

regardant vers
une autre histoire
où la vieille femme
n’aura aucun rôle

‘Lot et une de ses filles’

il est déjà trop loin
il peut à peine atteindre
le baiser qu’elle lui offre

sa main gauche tripote
comme un violoneux ivre
sa lèvre et son menton

son bras droit
arrondit vers elle
son gobelet son archet

guidé par ses doigts
renversant le vin
sur ses genoux

ce solo
d’amour de soi
est presque fini

chaque note qu’il joue
elle l’a écrite

‘Deux portraits’

mieux vaut faire
les portraits par deux
même pas Dalila
ni Judith
avec sa tête en marque déposée
ni la femme
aux longs cheveux
qui lava et essuya
des pieds

des portraits par deux
avec le mur nu
entre eux
que chacun peut emplir
s’il le souhaite
du passage
de son regard

Salle 2
‘Le studio de l’artiste’

poudroiement constant
de lumière
et quelqu’un
presque invisible
mélangeant des pigments

un endroit où rester assis
tous deux en silence

l’un
montrant
ce que l’autre
essaye de voir

avec couteau palette
doigts
et pinceau

‘Homère dicte ses poèmes’

les jeunes
à leur pupitre
se penchent si bas
sur leur papier
qu’ils vont
se ruiner la vue

ce qu’il chante
si ténu et si ancien
dans sa cathèdre
qu’ils le transcriront
à la lettre
s’ils ont la patience
la force dans les doigts
et la capacité
d’entendre

longtemps après
qu’il ait glissé
dans le silence
ils continuent
à écrire

‘Portrait de l’artiste en Zeuxis’
Aert de Gelder : Portrait de l’artiste en Zeuxis © Musée Städel

c’est toujours la même histoire
la femme avec une pomme
qui regarde gentiment
et est vieille

lui
aspirant à la célébrité
prêt s’il le faut
à avaler une camera

le tableau
qu’il a fait d’elle
est derrière son épaule
bien droit

lui nous dit-on
meurt de rire
quoiqu’à l’évidence
pas encore

‘Dr Faustus’

son dernier tour
flambée de lumière
l’alarme lui-même
par sa réussite

d’autres
dans l’ombre
derrière lui
semblent moins impressionnés

plus à l’aise
peut-être
en forgeron
ou en carrier

au moins
il est un pas
plus loin
de son idée fixe

mi courbé
mi hésitant
le regard
prudent

il doit admettre
qu’il peut y avoir là
bien plus
qu’il n’y paraît

‘Le rêve de Jacob’

un ange solitaire
plus grand que nature
et trop éloigné
pour bien le voir
est déjà
sur l’échelon du haut

comme un voyageur fatigué
étendu de tout son long
ou un quelconque
ivrogne
il s’adosse à un talus

il est chez lui ici
les yeux fermés
même pas curieux
de savoir
si l’ange
arrive
ou s’en va

Salle 3
‘Repos pendant la fuite en Egypte’

attiré en avant
par le désir
de le faire rire
il se penche
sur le petit

l’enfant
tend les mains
pour prendre deux brassées
du sourire
qu’il apporte

reflétant
en miniature
ce qui maintenant
est seulement possible
dans ce bref répit
de la fuite

‘La circoncision’
Aert de Gelder, La circoncision du Christ © Musée d’histoire de l’art de Vienne

une tente de lumière
un grand prêtre
au visage bienveillant
travaillant
soigneusement

l’homme
avec un pigeon
pour distraire
le petit
s’est éloigné

il faut du temps
pour voir la femme
agenouillée
main sur le visage
ne supportant pas de regarder

‘Le cantique de Siméon’

comme le soleil
se reflétant
sur l’eau

comme la chaleur
que respire
le mur

son visage
simple miroir
incliné pour briser la chute de la lumière

protège
en réflexion
le sommeil de ce petit

‘Portrait de Herman Boerhaave et sa famille’

érudit docteur
ami de l’artiste
père à un âge avancé
un peu timide
pensif devant pareilles bénédictions
et pas habitué à
révéler autant de lui-même

sa fille
ne le quitte pas du regard
une main sur la sienne
une main encerclée
par celle de sa mère
comme un secret précieux
quoique depuis longtemps
révélé

la mère
regarde dans sa direction
le bras à moitié soulevé
les doigts écartés
comme pour commencer une phrase
qu’elle n’a pas trouvé nécessaire
de dire

‘Portrait de Hendrik Noteman : sculpteur’

il ne voudrait pas
être au centre
de la scène

un peu sur le côté
en observation
c’est simplement
naturel
dans son cas

maillet et ciseau
ses mains
qui savent si bien
leur poids
l’équilibre du coude
sont en évidence

et tout ce que
ses yeux absorbent
posément
sans faux-semblant
ses mains le livreront

Salle 4
Cinq scènes

1
le nombre
et leurs armes
leur agitation
pour un homme
sans arme
font de ceci
une arrestation
si familière

2
à côté de l’homme
aux mains liées
deux gardes de grande taille
font l’important
comme s’il y avait
un risque
qu’il tente
de s’échapper

3
un homme assis
ne se souciant même pas de regarder
son voisin casqué
vérifiant hauteur
et longueur de la corde
le prisonnier à moitié nu
ne les intéresse pas
ils font leur boulot

4
la foule
sera responsable
même les enfants
emmenés pour le spectacle

un homme en uniforme
attend les ordres

quand bientôt il y aura mouvement
si l’on voulait comprendre
un sentiment désespéré
de n’avoir pu arrêter ceci
se sera installé

5
comme c’est lourd
un corps mort
trois ou quatre aides
soutiennent son poids
dans une longueur de toile solide
le déposent

et avec tant de soin
qu’on penserait
à leur sollicitude
qu’il n’est pas mort

‘La première pierre’

ils affirment
leur bon droit
pas de doute
une question
d’ordre public

et la question
qui lance le premier

Une question de lumière et d’ombre
Une entrée

généralement
les gens se déplacent en oblique

continuant
leur longue conversation

ou fixent
un pas ou deux devant eux

ce à quoi conduit tout ceci
est dans l’ombre

derrière des rideaux
qu’on a ouverts

et il n’y a pas de doute
ceci est une entrée

Un synode de pasteurs

est-ce que Saint Pierre
tel un maître d’école
posté à l’intérieur des grilles
renvoie
chez le coiffeur
tous ceux
aux cheveux mal peignés

est-ce que l’archange
aux traits
des plus sévères
examine l’état
de leurs ongles

on croirait
tous les chœurs des anges
alignés
pour contrôler la perfection
de la coupe
de leur barbe
bien soignée

ils pourraient se lever
et chanter
même en chemise de nuit
souillée
si seulement ils lachaient
prise

Un dilemme

vaut-il mieux
être invisible
perdre forme
se dissoudre en ombre

vaut-il mieux
s’avancer
comme un messager
et dire ce qu’on a à dire

permettre
à ce qu’il y a de lumière
de vous
traverser

espérer qu’elle tombera
sur qui
l’attend le moins
et en a le plus besoin

Les encaisseurs de dettes

se parlent entre eux
de sommes
qu’ils ont réunies

ont plus d’un tour
vont à l’aveuglette
parlent dans leur cravate

l’un peigne les poils
sur le dessus
de ses doigts

un autre se nettoie
les oreilles
avec une épingle

ils grandissent
en cachette
comme des sarcoptes

ils peuvent ronger du plomb
ou pris au piège
faire le mort

au comble du bonheur
quand ils imaginant
les visages
qui s’assombrissent

la fureur inutile
à la lecture
de leurs astreintes

Expressions du visage

si vous rassembliez
l’ensemble
des expressions
du visage humain
en un seul livre
on l’appellerait
Apocrypha

car chaque pli
du front
nuage dans le regard
arrondi du menton
bord des cheveux
dit ce qu’il dit
sans que des mots
soient nécessaires

un art
du non dit
même quand il est
parfois
avec tant de force
et de précision
articulé

Au milieu des choses

une main tendue
ou un poing
fermé

une silhouette à la porte
qui entre
ou bloque
la lumière
extérieure

plancher et plafond
empoussiérés
d’ombres allongées

ou chaque petite chose
dorée
de lumière

la fenêtre est ouverte
personne n’a besoin
pour le moment
de regarder dehors

ils sont tous
courbés
à essayer de trouver
leur place
dans un livre

A l’école des tailleurs de pierre

le battement de marteaux
est si irrégulier
comme une compagnie
rompant le pas
pour passer sur
un nouveau pont

comme un chœur
d’horloges sur pied
sonnant l’heure
de chacun
de nous

et nous ne pouvons entendre
laquelle
même quand elle s’arrête
est la nôtre

Cinq femmes

Elle s’appuie
sur sa canne
lourdement
ses gants de cuir noir
serrent aux articulations

Elle est grande
dans le cone de son long manteau noir
une espèce nouvelle de feuillage
pour l’hiver

Elle
même ici
cueille ses mots
comme des plantes rares
là où les autres
ne trouvent que roc

Elle est prête
à élever la voix
bien que si souvent silencieuse
pour s’assurer
que même les feuilles mortes
comprendraient
si elles en étaient capables

et elle
est penchée en avant
pour laisser le moins d’angles possible
par où pourrait s’introduire
le chagrin

Une Trinité

ni un trou
perçant les cieux
ni le ciel entier
son cercle complet ouvert à l’œil

mais au-delà des nuages
au-delà du bleu
au-delà de la géographie
de la nuit

pas une chose
hêtre
canopée de saule
saison
ou pluie

mais la terre
ses créatures
et comment former
le puzzle
à partir de notre unique pièce

invisible
peut-être
impossible à dépasser
à lire
sur des pierres tombales

nos ancêtres
eux tous
et tout ce qu’ils ont fait
ou laissé
en nous

Une visite aux vieux et aux malades

elle est toute or
et cymbales
sauf le mouchoir
rouge qu’elle serre
sur sa poitrine

il est déjà
neige
sur les draps

l’angle de son visage
qui était gentillesse
semble désormais
absence de force

entre sa lumière à elle
et son ombre à lui
deux immobilités

la femme bride
pour l’instant
sa force physique

l’homme
est arrivé ailleurs
s’y repose

les bras
pas tout à fait étendus
mais soutenus par des oreillers

chaque main
séparée
à tenir ou soulever

plus capable
d’étreindre

Une question de lumière et d’ombre

tout est question de lumière et d’ombre
où la lumière tombe
où l’ombre s’accroche
et jusqu’où
et vers qui

et combien pénétrable
même l’éclat le plus brillant
rend l’ombre alentour

et combien
l’ombre peut
non pas aider
mais céder

parfois
même la moindre lueur
la couleur la plus infime
même fanée
c’est tout ce qui importe

mais parfois
il y a la plus éblouissante
des lumières
et le noir absolu

Les morts paisibles

ils sont bordés
dans de plus fines
robes de nuit
que jamais
ils n’auraient choisies

dans des bateaux
en planches
trop étroits
pour jamais
voguer

leur poids
désormais
est un poids mort
leur visage
fermé

pour qui connaît
les morts
les détails révélateurs
doivent révéler
toujours la même histoire

pour ceux qui connaissaient
leurs habitudes
l’apparence même
de cette statue humaine
prouve qu’ils sont partis

ils ont disparu
absorbés dans l’éther
envolés
seule certitude
ils ne sont pas ici

Une question d’échelle

pas d’équilibre
mais de proportion

grand
ou petit

tout ce qui est
tient dans le creux
d’un doigt

tout ce qui se passe
pas plus que poussière
au bord de la route

si grands nos visages
vus dans les miroirs
si petits
quand nous partons

pas besoin d’ajuster
l’échelle
elle se forme autour
il suffit de regarder

et savoir
si vous pouvez
combien de temps
le regard se pose

et quand
se détourner

Ce qui importe

si vous croyez comprendre
ce qui est important
retournez
au moment
avant le début

vous ne saurez pas
d’où ça venait
ni comment
ni ce qui
exactement
l’a provoqué

vous saurez
qu’auparavant
ce n’était pas là
qu’auparavant
tout
paraissait en ordre

l’échelle du changement
maintenant
vous devez la calculer
et ce qui importe
avant
que quoi qu’il arrive
puisse se produire

Un aperçu des cieux

deux serrures seulement
les clefs
dans un coffre-fort

mais il vous faut d’abord
demander à un étranger
puis attendre

qu’un autre étranger
se présente
avec des exigences impossibles

ce n’est pas
le sphinx
vous n’avez pas à répondre

ils partageront un rire peut-être
ou sérieusement
voudront aider

vous devrez revenir
quand tout le monde
sera parti

décider alors
d’attendre
encore

il ne faut que
de la persévérance
et peut-être la volonté de dieu

et ce que vous verrez
de vos propre yeux
vous pouvez le dire aux autres

bien que ce que vous avez vu
ne serait visible
sous aucun autre éclairage

vous pouvez leur dire
comment vous l’avez trouvé
comment la demeure

s’est ouverte
porte après porte
et vous avez vu

et le guide a attendu
patiemment
sans vous embarrasser
pendant que vous pleuriez

Au lieu de guérison

personne ne sait
ce qui se passe

surtout pas ceux
qui sont encore debout

si une main fait le geste
de montrer, explicative,

la personne à côté
bras croisés dans le doute

ce qui pourrait être arrière-plan ou myopie
est cafouillage

pas un de nous qui semble capable
de se remettre debout

mais nous tirons quand même
de toutes nos forces

les mains autour de la taille
de celui devant nous

dans l’espoir d’en redresser
au moins un


un poème pour dire merci
nous devons assumer
nos dettes
comme ceux qui apprennent
remercient
leur maître
comme je dois

non des remerciements
pour un refuge
non des remerciements
si consciemment
exprimés
tout à vous
tellement plus grand

mais non le silence
là où le silence
prend en charge
les questions sans réponse
et les dissout
dans un repos béat

mieux vaut essayer de toucher
en passant
comme un sourire
montre que l’on reconnait
ou des yeux baissés
en disent tout autant
et si vous devez
en dire davantage
excusez-vous


Notes
  1. Nous sommes au début des années 1950, quand le Shah (Mohammad Reza Palhavi) évince Mossadegh en Iran (1953) et le roi Farouk d’Égypte est démissionné par Nasser (1952).
  2. Hussein est devenu roi de Jordanie à 17 ans, en 1952. ‘Jordan’ en anglais désigne à la fois le roi et le pays ; ni l’un ni l’autre ne sont bien grands.
  3. Learie Constantine (1901-1971), originaire de Trinité-et-Tobago, était tout à la fois joueur de cricket, juriste, politicien, écrivain et militant contre les discriminations raciales (il a publié Colour Bar en 1954). (Note de l’auteur)
  4. Le Nabab de Pataudi (né en 1941), qui a étudié à Winchester et Balliol college, Oxford, a été le capitaine de l’équipe internationale indienne de cricket dans les années 1960. (Note de l’auteur)
  5. Cristobal de Morales (1500-1553), compositeur espagnol de musique sacrée ; Jacob Clemens non Papa (né entre 1510 et 1515, mort en 1555), compositeur franco-flamand très prolifique.
  6. Il s’agit de sa célèbre messe de 1807.
  7. Un over au cricket est une série de six lancers.
  8. William Grace (1848-1915) et Victor Trumper (1877-1915) sont des joueurs de cricket entrés dans la légende.
  9. Il s’agit de Francis Barber (1735-1801), qui avait vécu esclave en Jamaïque, et à qui Samuel Johnson a légué ses terres. (Note de l’auteur)
  10. Noms d’avions militaires.
  11. Günter Podola (1929-1959), accusé du meurtre d’un agent de police, avait plaidé l’amnésie ; il fut le dernier condamné à mort en Angleterre et fut pendu le 5 novembre 1959.
  12. Les Mau Mau, ou plus exactement les combattants de la liberté dans la lutte du Kenya pour son indépendance, étaient présentés comme des sauvages sanguinaires massacrant les familles de colons britanniques ; c’est seulement récemment que les atrocités commises par le pouvoir colonial ont été reconnues (sur cette période de l’histoire du Kenya, lire Ngugi Wa Thiong’o, notamment Dreams in a Time of War, 2010). (Note de l’auteur)
  13. Albert Pierrepoint (1905-1992) est souvent erronément présenté comme le dernier bourreau officiel de Sa Majesté. (Note de l’auteur)
  14. Hawley Harvey Crippen (1862-1910), médecin étatsunien établi à Londres qui a empoisonné sa femme et a caché ses reste dans la cave.
  15. La maison de Fed et Rosemary West, au 25 Cromwell Street à Gloucester, un couple de tueurs en série façon Marc Dutroux et Michèle Martin avec encore davantage de jeunes victimes ; les faits se sont déroulés entre 1967 et 1987.Ils ont été arrêtés en 1994. (En partie note de l’auteur)
  16. Gerrard Winstanley (1609-1676) s’est trouvé à la tête d’un mouvement pour l’égalité des droits appelé the Diggers (les Bêcheux). Ils ont voulu cultiver des terres communales sur St George’s Hill près de Cobham, au nom du droit de tous à posséder la terre qu’ils travaillent (1649). Ils sont considérés comme des précurseurs du communisme. (Note de l’auteur)
  17. John Lilburne (1614-1657), penseur radical, à la tête du mouvement pour les droits des ‘nés-libres’, étant entendu que pour lui tous les hommes naissent libres, dont les membres ont été moqués sous le nom de ‘Niveleurs’ (Levellers). (Note de l’auteur)
  18. Le titre et la formulation du premier paragraphe sont repris au site officiel de l’école en 2010.
  19. Désigne la Literary and Philosophical Society fondée à Newcastle en 1793 et accueillant des femmes comme membres dès 1804, s’inscrit dans la lignée d’une société similaire qui avait apporté son soutien à la Révolution américaine.
  20. Paraphrase de la question de W. B. Yeats dans le poème ‘Les statues’ : ‘When Pearse summoned Cuchulain to his side / What stalked through the post Office?’ (Quand Pearse a convoqué Cuchulaínn, qui hantait la grand poste ?) (Note de l’auteur) Patrick ou Pádraic Pearse (1879-1916), instituteur, avocat, poète et militant pour l’indépendance de l’Irlande.
  21. Allusion à la lampe de mineur inventée par George Stevenson en 1815.
  22. Easington Colliery, un village proche de Newcastle, était peuplé de mineurs, comme son nom l’indique. Ceux-ci ont dû partir après les grèves et les fermetures des années 1980.
  23. Thomas Bewick (1753-1828), graveur et ornithologue de la région de Newcastle-upon-Tyne.
  24. Prince Monolulu, un pronostiqueur des années 30 et 40, plein de verve et de gouaille, dont on a pu dire qu’il était le noir le plus célèbre en Angleterre à l’époque. De son vrai nom Peter Carl Mackay (1881-1961), il était originaire des Caraïbes et a adopté ce nom flamboyant en assurant qu’il était prince d’Abyssinie ; le titre de son autobiographie reprend son slogan ‘I Gotta Horse’ (J’ai un cheval, 1950). (Note de l’auteur)
  25. Bleu (blue) dans le contexte de ces deux anciennes universités désigne un athlète récompensé (généralement lors des régates d’aviron). Mais bleu est aussi la couleur du parti conservateur.
  26. Yorkshire County Cricket Club, fondé en 1863, champion national et mondialement connu… dans le monde du cricket.
  27. Allusion aux deux partis dans la Guerre civile au 17e siècle : les Cavaliers, partisans du Roi, arboraient une chevelure longue et bouclée, alors que les Têtes rondes, partisans du Parlement, portaient des cheveux courts et plats.
  28. Ces deux clubs de football renvoient à la même opposition, aristocratie vs. Plèbe.
  29. Ici ce sont deux figures politiques de l’immédiat après-guerre : Sir Winston Churchill, qui menait le parti conservateur et Clément Attlee, à la tête du parti travailliste, qui a remporté les élections de 1945.
  30. Les lieux mentionnés à la strophe précédente sont tous associés à une forme de pouvoir et d’aisance ; cette dernière strophe fait écho, en creux, à la parole de Jésus (Matthieu 19 : 24) : “il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume des Cieux“.
  31. Alexander Pope (1688-1744) écrivait dans son ‘Épître à Lord Bathurst’ (‘De l’utilisation des richesses’) :
    Béni soit le papier-monnaie ! source en dernier ressort !
    Qui donne à la Corruption un bien meilleur essor !
    Un billet isolé transporte des armées . . .
    Un billet, tel la Sibylle, éparpille fortunes et sorts
    Selon que les vents soufflent ou non de tribord
  32. Le chef d’orchestre Henry Wood a fondé les Proms en 1895.
  33. Nous sommes à Liverpool, la référence aux Beatles s’imposait.
  34. Jour de grandes célébrations populaires en Angleterre.
  35. La ‘Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals’, notre SPA ; ces vers énumèrent, en en cassant les noms, différents magasins de charité, plus nombreux encore outre-Manche que chez nous.
  36. Amoureux d’une Française, dont il a eu une fille, Wordsworth (1770)1850) faisait des allers et retours entre l’Angleterre et la France révolutionnaire, mais comme la révolution laissait la place à la Terreur, il appréciait les retours sur le sol anglais, où, comme il l’écrivait dans son poème ‘Composé dans la Vallée près de Douvres le jour de mon débarquement’, il pouvait à nouveau respirer. (Note de l’auteur)
  37. Écho du poème de Matthew Arnold (1822-1888), ‘On Dover Beach’.
  38. Écho à l’‘Hymne à la joie’ de Schiller, utilisée par Beethoven dans sa 9e symphonie. (Note de l’auteur)
  39. Voir le livre de Daniel, chapitre 5.

Desmond Graham a réagi auprès de sa traductrice à la publication de ses poèmes dans wallonica.org, dès le lendemain. Nous partageons avec vous ses commentaires, dans la langue de Shakespeare et des Pussycat Dolls : “Dear Christine, That is lovely – I love the impressive St Pauls and the words that follow. Thank you both/all so much. I have read your good words of introduction too and Trude and I were struck by how much more accurately they describe the poems than criticisms here generally ! […] It really feels good to read words that say what I had hoped would be perceived. I’ve also started on your translations, and apart from being astonished about how riddlingly allusive those opening poems were, I am really impressed by how well you have made them come across. I have made a first glance at the de Gelder too, and I am delighted ith what you have achieved. I’ll keep in touch as I delve further, but thank you – it is really quite wonderful to read one’s work in another language and especially one I know something of, however little. The Wallonica publication is also impressive and elegant. Yours, a happy Desmond


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