[d’après ARTIPS.FR, 15 avril 2024] 1889, Bruxelles. Lors d’une exposition dans la ville, le sculpteur Rodin dévoile en grande pompe Les Bourgeois de Calais. Si l’œuvre a déplu aux Français, les Bruxellois, eux, sont époustouflés par sa modernité ! Il faut absolument la présenter en Belgique de manière permanente…
En effet, le Français Rodin est une célébrité dans le pays. C’est là qu’il a passé ses années de formation : “les plus belles de sa vie“, selon lui. L’artiste a d’ailleurs participé à plusieurs projets remarquables, comme les travaux de décoration de la Bourse de Bruxelles. Et s’il est reparti mener carrière en France, chacun de ses passages est un événement.
Rien d’étonnant, donc, à ce que Les Bourgeois de Calais fassent fureur à Bruxelles. Cette œuvre qui représente le sacrifice collectif au Moyen Âge de six hommes face aux Anglais est particulièrement percutante. Rodin parvient à faire ressentir le désespoir qui marque le visage de ces figures drapées.
Certes, la première version de la sculpture est destinée à une ville française. Mais pourquoi ne pas en obtenir une copie de la main du maître lui-même ? Très vite, les amis de Rodin lancent une pétition pour que l’État belge se porte acquéreur. De nombreuses lettres sont échangées pendant des années, mais en vain. Le projet semble tomber à l’eau… jusqu’à ce que l’homme d’affaires Raoul Warocqué entre en scène. Le mécène est, lui aussi, sous le charme de l’œuvre, et propose alors de passer commande pour l’exposer dans son domaine de Mariemont. Rodin, qui souhaite que la sculpture soit présentée au public, est d’abord réticent, mais Warocqué parvient à le convaincre. Il lui explique que tout sera légué à la Belgique au moment de son décès.
Un art qui a de la vie ne reproduit pas le passé ; il le continue.
Auguste Rodin
Plus rien ne peut donc empêcher la fonte en bronze de l’œuvre qui est installée à Mariemont, sous la supervision de Rodin en personne. Aujourd’hui, elle est toujours visible au sein du domaine légué à l’État et accessible au public, conformément au vœu de Raoul Warocqué. La statue demeure ainsi le témoignage exceptionnel du soutien de tout un pays à l’artiste et à sa modernité !
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[CONNAITRELAWALLONIE.WALLONIE.BE] Warocqué, Raoul (Morlanwelz 04/02/1870, Bruxelles 28/05/1917) – Le nom de Warocqué évoque immanquablement, au XIXe siècle, une dynastie d’entrepreneurs qui a fait fortune dans le charbon. Au XXIe siècle, il renvoie à un musée, celui de Mariemont, dont les riches collections ont été réunies et léguées par Raoul, dernier des Warocqué. […] Patron philanthrope et paternaliste, franc-maçon affichant un anticléricalisme radical, patriote et royaliste, Raoul Warocqué se lance en politique. À l’Université libre de Bruxelles où il étudie le Droit pendant quatre ans, il fait partie de la Jeune Garde libérale. Dans le Hainaut, il encourage la création de sections libérales et, en 1896, il se fait élire conseiller provincial du Hainaut (1896-1900). En 1900, il est tour à tour élu député de l’arrondissement de Thuin (1900-1917) et conseiller communal de Morlanwelz. D’emblée, il devient le bourgmestre de l’entité (1901-1917). Il s’appuie également sur un journal, Les Nouvelles, qu’il a créé. Réduit à l’opposition durant toutes les années passées à Bruxelles, il est un parlementaire discret qui dépose quelques propositions de lois à caractère social tout en s’opposant au droit de grève ; ses interventions les plus remarquées concernent la reprise du Congo, le service militaire, l’instruction obligatoire et… les charbonnages. Inscrivant sa philanthropie et son mécénat dans une même perspective politique, il fait ouvrir des ‘chauffoirs’ à Bruxelles (1891) avec distribution de soupe et de pain, il accorde des dons à l’Université libre de Bruxelles (pour la construction de l’Institut d’anatomie), soutient l’École des Mines et fonde l’Institut commercial des Industries du Hainaut (qui deviendra la Faculté Warocqué de Sciences économiques au sein de l’Université) à Mons, ainsi que l’Athénée du Centre (à Morlanwelz), un orphelinat, une crèche, une maternité… Il apporte encore sa quote-part généreuse dans l’organisation des expositions universelles de Bruxelles (1897 et 1910) et de Charleroi (1911). […]
Paul Delforge, Institut Jules Destrée
[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : compilation, correction, édition et iconographie | sources : artips.fr ; connaitrelawallonie.wallonie.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, RODIN Auguste, Les Bourgeois de Calais (1895, ici copie de 1905-1906) © Domaine & Musée royal de Mariemont.
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