Connaissez-vous Françoise d’Eaubonne, la pionnière de l’écoféminisme ?

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[THECONVERSATION.COM, 18 novembre 2024] Si l’on associe souvent le mouvement écoféministe au monde anglo-saxon – où il s’est largement développé depuis les années 1970 – c’est une figure française, Françoise d’Eaubonne, qui est à l’origine du terme et du concept. Cette penseuse est aussi, et surtout, comme la plupart des figures du mouvement d’ailleurs, une femme d’action.

Née en 1920 au sein d’une famille bourgeoise, désargentée et fortement politisée, elle est d’abord autrice de romans et d’essais qu’elle écrit dès l’âge de 13 ans ; elle en publiera plus d’une centaine.

Infatigable militante, elle s’engage au Parti communiste après la Seconde Guerre mondiale, pour le quitter dix ans plus tard, s’insurgeant contre la position du parti préconisant aux soldats de rester dans les rangs de l’armée mobilisée lors de la guerre d’Algérie. Elle signera en 1960 le Manifeste des 121, pour le droit à l’insoumission.

Fortement influencée par Simone de Beauvoir qui deviendra son amie, elle participe dans les années 1970 à la création du Mouvement de libération des femmes (MLF), signe le Manifeste des 343 appelant à la légalisation de l’avortement, co-fonde le Front homosexuel d’action révolutionnaire et participe à l’attentat contre la centrale de Fessenheim.

En 1974, elle publie Le Féminisme ou la mort dans lequel elle emploie pour la première fois le terme d’écoféminisme.

Elle crée dans la foulée le Front féministe, rebaptisé plus tard Écologie et féminisme. Elle peaufine sa pensée écoféministe dans Écologie et féminisme. Révolution ou mutation ?, démontrant la proximité et l’imbrication des causes environnementales et féministes au sens large.

L’écoféminisme, une pensée en action

Le parcours de vie et l’œuvre de Françoise d’Eaubonne témoignent du profond engagement intellectuel et politique que réclame l’écoféminisme : au-delà de l’élaboration conceptuelle, il est surtout question d’agir pour la cause des femmes, des minorités et de l’environnement. Dans ce contexte, le corps occupe une place centrale : elle en souligne l’importance dans un texte court, De l’écriture, du corps et de la révolution où l’on peut lire :

Les coups, les opérations à vif, l’avortement, l’accouchement, il a tout vécu en défiant l’ennemi et se redressait en chantant.

Il s’agit d’incarner la connexion de l’être humain avec la nature, reconnaître que nous ne sommes pas en dehors ni au-dessus du monde naturel ; comme le souligne la philosophe Terri Field dans un article de mars 2000 : “Il est de l’intérêt des philosophes de l’environnement de commencer à théoriser l’incarnation avec une perspective spécifiquement écoféministe.”

L’incarnation, le corps, constituent les éléments centraux de cette approche : ils sont les moyens par lesquels nous, humains, nous connectons, ressentons, comprenons et in fine prenons soin – ou non – de notre environnement.

Répondre aux urgences sociales et environnementales

En 1965, un rapport scientifique alertait déjà la Maison Blanche d’un potentiel dérèglement climatique et de graves problèmes environnementaux.

Dès 1972, Françoise d’Eaubonne annonçait les prémices de sa théorie écoféministe en concluant dans son ouvrage Le Féminisme : Histoire et actualité :

Le prolongement de notre espèce est menacé aujourd’hui grâce à l’aboutissement des cultures patriarcales, par une folie et un crime. La folie : l’accroissement de la cadence démographique. Le crime : la destruction de l’environnement.

EAN 9782369354079

La principale thèse de l’autrice peut se résumer ainsi : la double exploitation de la femme et de la nature par l’homme – entendu respectivement comme genre masculin et genre humain – a généré une ‘bombe démographique’ qui conduira à la destruction de notre environnement. Pour elle, ni le socialisme ni le capitalisme n’ont réussi à offrir de véritables résultats dans la protection de l’environnement, parce que ni l’un ni l’autre ne remettent en cause le sexisme universel qui sous-tend l’ordre des sociétés. Pour elle, la solution consisterait en une prise totale de pouvoir des femmes sur leur pouvoir de procréation pour limiter drastiquement la croissance démographique et par conséquent les besoins de production et d’exploitation des ressources naturelles. C’est cette attention centrale portée aux femmes en tant que “procréatrices” qui cristallisera les nombreuses critiques des mouvements féministes et environnementalistes, qui taxeront Françoise d’Eaubonne d’essentialiste.

Ces attaques témoignent d’une mécompréhension de la complexité de la tâche que s’est fixée Françoise d’Eaubonne : reconnaître une réalité naturelle (ce sont les femmes qui portent et mettent les enfants au monde), tout en les désessentialisant (elles ne sont pas naturellement faites pour devenir mères). Pour elle, l’assignation à la procréation et à la maternité relève bien d’une construction sociale ; le contrôle démographique par les femmes elles-mêmes les libérerait du “‘handicap’ de la grossesse“.

L’épineuse question démographique

Les positions de Françoise d’Eaubonne sont souvent présentées comme néo-malthusiennes et vivement critiquées à ce titre : les politiques de contrôle démographique apparaissent comme des répressives, réduisant les libertés, notamment celle d’avoir des enfants.

La thèse selon laquelle le contrôle démographique viendrait pallier l’épuisement des ressources est également depuis longtemps réfutée par nombre d’économistes, selon lesquels le progrès technologique apporterait la solution au problème.

De nombreux travaux scientifiques (comme ici en 2008 et là en 2021) montrent cependant que des politiques démographiques bien menées seraient plus efficaces que d’autres mesures, comme la réduction technologique des émissions de gaz à effet de serre par exemple.

Les autrices et auteurs ne s’aventurent toutefois pas à dévoiler le contenu de telles politiques démographiques : la question reste centrale mais personne n’ose l’aborder tant elle est épineuse et cela à double titre. Premièrement, d’un point de vue historique comme le souligne la géographe Joni Seager, “le contrôle de la population est un euphémisme pour le contrôle des femmes”.

Deuxièmement, d’un point de vue idéologique, cette approche remet en cause les institutions et l’ordre social établi. Si Malthus prônait le retardement de l’âge du mariage et l’imposition de limites au nombre d’enfants par famille, se situant ainsi dans une structure patriarcale, d’Eaubonne propose la prise en main totale des femmes sur la procréation, renversant l’ensemble du système.

Il s’agirait d’opérer une mutation de la totalité, une révolution féministe qui comprendrait la disparition du salariat, des hiérarchies compétitives et de la famille, promouvant un nouvel humanisme. Pour d’Eaubonne,

…ce grand renversement [ne serait pas] le “matriarcat”, certes, ou le “pouvoir aux femmes”, mais la destruction du pouvoir par les femmes. Et enfin l’issue du tunnel : la gestion égalitaire d’un monde à renaître (et non plus à “protéger” comme le croient encore les doux écologistes de la première vague). Le féminisme ou la mort.

Virginie Vial


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MASUY : Historique des espaces verts de Cointe (CHiCC, 2024)

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Nous allons parcourir les paysages de Cointe à travers les siècles en partant de la plaine de Sclessin pour arriver au terril Piron en suivant un corridor écologique. Les corridors écologiques offrent en effet aux espèces des conditions favorables à leur déplacement (dispersion et/ou migration) et à l’accomplissement de leur cycle de vie. Ils correspondent aux voies de déplacement préférentielles empruntées par la faune et la flore.

Antiquité et Moyen Âge

Il y a 2000 ans, la vallée de Sclessin était marécageuse et la colline était couverte par la forêt d’Avroy, composée principalement de chênes, de hêtres et de frênes.

A partir du Moyen-Âge, Cointe fut partagé entre trois juridictions : la Libre Baronnie d’Avroy et la Seigneurie de Fragnée, qui toutes deux dépendaient de la Principauté de Liège, et l’avouerie d’Ougrée-Sclessin qui dépendait de la principauté de Stavelot-Malmédy. Elle se situait à l’abbaye du Val Benoît.

A partir du 10ème siècle, la vallée fut défrichée et les terrains entourant l’abbaye du Val Benoît furent cultivés ou utilisés comme pâturages. La première mention écrite de la culture de la vigne à Sclessin date de 1092 mais une étude palynologique récente de l’Université de Liège montre que la culture de la vigne sur le versant sud-ouest de la colline remonte à l’époque mérovingienne. Le sol de ces coteaux, composé de schiste, accumulait la chaleur le jour pour la restituer la nuit, créant des conditions idéales pour la viticulture.

La grande forêt d’Avroy était peuplée d’animaux sauvages tels lièvres, renards, chevreuils, sangliers et même quelques loups. A cette époque,  les Princes-Evêques de Liège aimaient y chasser.

A partir du 16ème siècle, la colline fut défrichée afin de permettre l’extension des pâturages, des vergers, des vignes, des cultures céréalières, potagères et houblonnières. Une autre cause du déboisement est la fabrication du charbon de bois nécessaire aux forgerons et aux cloutiers. Des meules de carbonisation se situaient à l’actuelle place du Batty.

Si on regarde la carte de Ferraris, ci-dessous, datant de 1778, on observe que le plateau de Cointe est encore à l’époque très peu peuplé et que le paysage est essentiellement champêtre.

Carte de Ferraris © geoportail.wallonie.be

Développement industriel

Le sous-sol de la colline était riche en houille et les veines de charbon affleuraient au sol. Le charbon fut exploité initialement à ciel ouvert, puis à partir du 13e siècle, des puits peu profonds appelés bures ont été utilisés. Afin de pouvoir creuser plus profondément, des galeries d’assèchement (arènes) furent creusées pour évacuer les eaux d’infiltration, permettant ainsi une exploitation plus importante des veines de charbon.

Sous le régime français, en 1797, les propriétés de l’abbaye du Val Benoît furent vendues à vil prix, et elles finissent par appartenir à Pierre Joseph Abraham Lesoinne, avocat à Liège. Son fils Nicolas réactiva le charbonnage du Val Benoît en 1824 et une de ses filles, Émilie épousa Édouard van der Heyden à Hauzeur. Il fut le patron à Sclessin du premier moulin à vapeur de Belgique, machinerie au cœur d’une importante minoterie.

Dès 1870, Sclessin va connaître un essor industriel prodigieux en exploitant systématiquement et intensivement le sous-sol grâce à plusieurs sièges charbonniers du Val Benoît.

Cette période fut marquée par une transformation majeure du paysage de la plaine de Sclessin. Les prairies et les cultures disparaissent et, à la fin du 19ème siècle, la culture de la vigne est pratiquement abandonnée. En effet, un parasite, le phylloxéra de la vigne, attaqua les vignes en provoquant une maladie du même nom. De plus, l’industrialisation permit aux entreprises d’offrir des salaires hebdomadaires garantis et un travail à l’abri des intempéries aux fils de vigneron qui abandonnèrent alors le travail de la terre. Dans le même temps, la culture houblonnière, qui permit l’extension florissante de plus de 500 brasseries dans les années 1800, fut atteinte de la rouille et disparut.

Le parc privé

Parc privé de Cointe et l’Observatoire © Philippe Vienne

Dès 1876, la famille Hauzeur envisagea la mise en valeur des terrains qu’elle possédait sur le plateau de Cointe avec la création d’un parc résidentiel privé de haut standing. Cette partie de la colline était encore entièrement boisée.

Les travaux débutent en 1881 par l’aménagement des voiries du parc ainsi que la création d’une route en provenance de la vallée, l’avenue des Thermes qui deviendra l’avenue Constantin de Gerlache. L’Institut d’astrophysique, première construction du parc, fut érigé entre 1881 et 1882 selon les plans de l’architecte liégeois Lambert Noppius. Vint ensuite la construction de belles villas dont la villa L’Aube de Gustave Serrurier-Bovy en 1903.

Les laiteries à la fin du 19e siècle sont à la mode et on en trouve plusieurs sur le plateau de Cointe dont la laiterie du Parc. Elles attirent les familles de la bonne société qui viennent s’y restaurer et se distraire.

Dans le parc privé, en 1905, Monsieur Armand de Lairesse installa huit grandes serres à l’arrière de la villa Les Tamaris. Il y cultiva des orchidées qu’il exporta sous forme de fleurs coupées emballées dans du papier de soie et placées dans de grands paniers plats en osier. Elles ont disparu aujourd’hui.

Parc communal de Cointe

Parc communal de Cointe – Champ des Oiseaux © Philippe Vienne

Le parc public est créé par arrêté royal du 26 février 1900 en vue de l’exposition universelle de 1905. Il va se situer au lieu-dit Champ des oiseaux qui était encore un endroit assez sauvage avec des champs et des prairies.

Conçu par l’architecte de jardin Louis Van der Swaelmen, le parc se compose d’une section paysagère et d’une zone boisée d’aspect plus sauvage. Il comporte également une rocaille parcourue de sentiers abritant des plantes vivaces aux floraisons colorées. L’avenue de Cointe, rebaptisée en 1921 boulevard Kleyer, est l’une des principales artères du parc, offrant une vue panoramique sur la ville et ses environs.

Il accueillit l’annexe de l’Exposition universelle de 1905, avec le palais de l’horticulture belge. Un vaste terrain fut destiné aux démonstrations d’horticulture et de culture maraîchère, ainsi qu’aux concours agricoles et aux compétitions sportives. Après l’Exposition universelle de 1905, le terrain affecté aux exhibitions sportives servit aux manœuvres de l’armée. Puis la ville le reconvertit en espace public avec pistes d’athlétisme, courts de tennis, hall omnisports et plaine de jeux pour enfants.

La superficie totale de ce magnifique espace vert est de 14,7 hectares et il est aujourd’hui entretenu grâce à une gestion différenciée (fauchage tardif, éco-pâturage, plantes annuelles mellifères, nichoirs, maintien des arbres morts, tonte différenciée, absence de pesticides…) par le service des Plantations de la Ville de Liège. Il contient de nombreux arbres remarquables qui sont exceptionnels par leur âge, leur situation, leur espèce ou leur degré de rareté. La plupart de ces arbres provenaient de contrées lointaines, plantés au 19ème siècle pour instruire ou étonner. Les arbres, aujourd’hui vieillissants, présentant des maladies ou des pourritures, constituent un danger pour les usagers et doivent parfois être abattus. Ils sont remplacés par des arbres indigènes.

Le Bois d’Avroy

Bois d’Avroy © Philippe Vienne

Le domaine du Bois d’Avroy, fut constitué progressivement par la famille de Laminne dès le début du 19e siècle. Il s’étendait sur 35 hectares et un château y fut construit de style Louis XVI. En 1910 et 1912, le château et les terrains furent vendus à la société anonyme des charbonnages du Bois d’Avroy. Autour du charbonnage, dans le quartier des Bruyères, subsistaient plusieurs fermes entourées de cultures et de pâturages.

A partir de 1966, le charbonnage commença à vendre ses terrains. On y construisit un ensemble d’immeubles situés au niveau de la rue Julien d’Andrimont ainsi que l’ONEM rue Bois d’Avroy. En 1978, un des terrains servit à la construction de l’école Saint-Joseph des Bruyères qui deviendra plus tard l’internat de l’État (aujourd’hui MDE).

Ce qui restait du terrain appartenant à la famille de Laminne, c’est à dire 4 hectares, fut vendu au début des années 1990 à un promoteur immobilier. Après bien des vicissitudes, un petit complexe immobilier verra le jour n’occupant que la partie à front du boulevard Kleyer.

Le reste des terrains, d’une surface de 5 hectares, entourant ces différents immeubles n’a plus été entretenu et a permis à la végétation et à la faune de s’installer et de se développer en toute quiétude. On y trouve plusieurs espèces communes (écureuils, hérissons, fauvettes, pics, papillons, noisetiers, ormes) et des espèces en danger comme le crapaud alyte accoucheur (Alytes obstetricans) et le coléoptère lucane cerf-volant (Lucanus cervus) qui est une espèce protégée en Wallonie et en Europe.

La prairie des Bruyères

Prairie des Bruyères © Philippe Vienne

Le quartier résidentiel des Bruyères s’est construit sur une partie des terrains du charbonnage du Bois d’Avroy dans les années 1970. Sur ces terrains se situaient plusieurs fermes. Entre les numéros 65 et 95 de la rue des Bruyères, il y avait, à cet endroit, un ravin abrupt d’une bonne dizaine de mètres entre les cotillages des maraîchers Leblanc et Galand. C’est au fond de ce ravin que se trouvait l’œil de l’arène de Sclessin. Les eaux étant chaudes, les Galand semaient sur les bords, la première salade qu’ils livraient au marché avait quinze jours d’avance sur les autres maraîchers. Louis Leblanc, après les bombardements de 1944, a comblé ce ravin et l’a transformé en prairie où paissaient ses vaches. Aujourd’hui, les vaches ont disparu et un fermier vient y faire les foins.

Le terril Piron

Terril Piron © Philippe Vienne

Le charbonnage de la Haye, déjà présent au sommet de la rue Saint-Gilles, inaugura en 1875 un siège supplémentaire à l’emplacement d’une ancienne bure dite Piron. Jusqu’en 1930, le charbonnage va déverser ses résidus miniers au Bois Saint-Gilles.

Depuis, le terril Piron, qui  couvre une superficie d’environ 7 hectares, présente un plateau herbeux, sur lequel deux terrains de football ont été aménagés et qui, aujourd’hui, sont abandonnés, ainsi que des pentes abruptes et thermophiles. La végétation y est diversifiée incluant des pelouses sèches et des espèces rares. La colonisation par les ligneux y est de plus en plus importante, y compris sur les pentes abruptes. Le site héberge une population d’orvet fragile (Anguis fragilis) et de lézard des murailles (Podarcis muralis), ainsi que le crapaud calamite (Bufo calamita) surtout en bas du versant. Le lucane cerf-volant (Lucanus cervus) est régulièrement aperçu dans le périmètre du terril.

Quel avenir pour demain ? Le plan nature de la Ville de Liège

Le Plan Communal de Développement de la Nature (PCDN) de la Ville de Liège a pour but d’intégrer durablement la nature et la biodiversité dans le développement social et économique du territoire. Il vise à établir un diagnostic précis de la nature et de la biodiversité pour orienter les actions de préservation et de restauration des milieux naturels.

La carte des réseaux écologiques thématiques synthétisés montre le maillage écologique de la Ville de Liège. Le maillage écologique est l’ensemble des habitats susceptibles de fournir un milieu de vie temporaire ou permanent aux espèces végétales et animales afin d’assurer leur survie à long terme. Le maillage écologique de Liège se compose de zones centrales, de zones de développement et d’éléments de liaison. Les zones centrales sont prioritaires pour la conservation de la biodiversité. Les zones de développement, quant à elles, sont adaptées pour accueillir la biodiversité tout en supportant des usages anthropiques. Les éléments de liaison, tels que les alignements d’arbres le long des voiries et les haies, permettent la connectivité entre ces zones en formant des corridors écologiques. Les corridors écologiques sont importants pour le brassage génétique des populations.”

On peut observer sur la carte ci-dessous les espaces verts de Sclessin et Cointe qui sont repris en zone de centrale et en zone de développement.

Carte des réseaux écologiques thématiques simplifiés © liege.be

La Ville de Liège désire aussi lutter contre le réchauffement climatique. Elle a déployé dans ce but son plan Canopée. Il consiste à planter plus de 24.000 arbres à l’horizon 2030 tant dans l’espace public que dans les espaces privés. Elle a formé des citoyens, bénévoles, dans chaque quartier afin qu’ils deviennent des passeurs d’arbres. Ils peuvent prodiguer des conseils en matière de plantation et de soins ainsi qu’informer sur les bonnes pratiques et la réglementation en vigueur. Grâce à ce plan, le quartier de Sclessin devrait voir le pourcentage d’arbres plantés sur son territoire augmenter de 30 à 40 %.

La Ville de Liège désire que chaque usager de la ville trouve un espace public de qualité et vert à 10 minutes à pied (voir stratégie PEP’S). Elle s’en donne les moyens grâce aux différentes actions qu’elle entreprend.

Béatrice MASUY

Bibliographie sélective :

      • SCHURGERS P., Cointe au fil du temps…, Liège, 2006
      • DEJAEGERE J., Sclessin autrefois, Noir Dessin Production, 2014
      • WARZÉE C., Liège autrefois, Cointe-Haut-Laveu-Saint-Gilles-Burenville, Noir Dessin Production, 2013
        (Bibliographie complète sur demande)

Image en tête de l’article : Prairie des Bruyères (rue des Buis) © Philippe Vienne


La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte est le résumé d’une conférence de Béatrice MASUY, organisée en juin 2024 par la CHiCC : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne

Plus de CHiCC ?

FRECHKOP S., Animaux protégés au Congo Belge (Institut des parcs nationaux du Congo belge, Bruxelles, 1953)

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[Transcription de…] ANIMAUX PROTEGES AU CONGO BELGE ET DANS LE TERRITOIRE SOUS MANDAT DU RUANDA-URUNDI AINSI QUE LES ESPÈCES DONT LA PROTECTION EST ASSURÉE EN AFRIQUE (y compris MADAGASCAR) PAR LA CONVENTION INTERNATIONALE DE LONDRES DU 8 NOVEMBRE 1933 POUR LA PROTECTION DE LA FAUNE ET DE LA FLORE AFRICAINES AVEC LA LÉGISLATION CONCERNANT la Chasse, la Pêche, la Protection de la Nature et les Parcs Nationaux au Congo Belge et dans le Territoire sous mandat du Ruanda-Urundi, PAR S. FRECHKOP, Directeur de Laboratoire à l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, et al. (Bruxelles, 1953)

© Collection privée

INTRODUCTION

Douze années se sont écoulées depuis la parution de la deuxième édition du présent ouvrage. Il eut un incontestable succès, de même que son édition abrégée qui parut en 1947 et fut rapidement épuisée. Nous devrions nous réjouir de l’intérêt porté aux animaux protégés de la faune africaine, s’il avait eu pour résultat de conserver la vie aux nombreuses espèces menacées d’une disparition complète. Hélas ! au seuil de cette nouvelle édition d’un travail consacré à la connaissance des animaux ont les rangs s’éclaircissent devant les interventions humaines, nous nous trouvons devant un bilan plus sombre que jamais.

Au cours de la dernière décade, les tentatives de développement économique des vastes territoires africains ont pris de telles proportions que rares sont les régions où leurs tentacules n’ont pas pénétré. Certes, on doit se féliciter d’un essor agricole et industriel dont les conditions d’existence de la communauté humaine ne peuvent que bénéficier. Mais, fasciné par les réalisations spectaculaires de l’industrie, par le mirage des gains immédiats, de l’aisance, du luxe, des facilités, ne perd-t-on pas le sens réel des choses, la notion exacte des mesures?

On ne voit plus guère dans la Nature qu’une source de profits, quelle que soit la forme de ceux-ci. Peut-être, passagèrement, s’extasie-t-on encore devant quelques-unes de ses beautés, mais rapidement l’âpreté des besoins matériels étouffe les émotions qu’elles procurent. Leur disparition est consacrée sans remords, souvent sans réflexion aussi. La Nature est, cependant, une vaste machine dont les rouages dépendent les uns des autres. Si l’on en supprime un, les autres perdent leurs fonctions et sont appelés à disparaître à plus ou moins brève échéance. On ne trouble pas impunément les équilibres naturels, auxquels toute atteinte est lourde de conséquences.

L’homme a subsisté des millénaires, car ses besoins étaient modestes. Il se comportait dans la Nature comme un élément du milieu. A quel destin est-il voué, maintenant qu’il exploite les ressources naturelles d’une façon démesurée, ce qui le conduit à tarir la source même de ses besoins ?

L’Afrique a pu être considérée, il y a un siècle, comme le continent le plus peuplé en herbivores, en nombre et en variétés. Il est impossible d’en déterminer le chiffre, mais il est certain que cette faune devait se compter par plusieurs centaines de millions d’individus. Aujourd’hui, on peut parcourir ce continent de part en part, sur des milliers de kilomètres, sans apercevoir le moindre ruminant. Dès que les hommes blancs y sont apparus munis d’armes à feu, que les indigènes apprirent le maniement de celles-ci, qu’ils disposèrent de moyens aussi meurtriers que les lacets en fils métalliques, la faune vit ses rangs s’éclaircir avec une stupéfiante rapidité.

La concentration de populations dans les centres urbains et industriels favorisa le trafic de la viande de chasse auquel se livrèrent des chasseurs professionnels, provoquant ainsi de véritables hécatombes d’animaux. D’autre part, le développement des exploitations, des cultures indigènes, des voies de communication poussèrent les animaux à se retrancher dans des régions reculées où, souvent, ils ne peuvent s’adapter à des milieux nouveaux et voient leur espèce s’éteindre.

Notre pessimisme au sujet de la conservation de la faune africaine trouve un nouveau fondement dans les tentatives de développement de l’élevage du bétail domestique. L’exemple de l’Afrique du Sud en illustre fâcheusement les conséquences. Les troupeaux d’ongulés y étaient d’une importance impressionnante, et après l’extinction de plusieurs espèces on y constate aujourd’hui la disparition progressive de nombreux mammifères tels que les rhinocéros noirs et blancs, l’oribi, le gnou, l’éland, le bontebok, les éléphants d’Addo et de Knysna, le zèbre de montagne. On a vu dans l’élevage une source de profits immédiats et fort hâtivement on a conclu à l’incompatibilité qu’offrait la présence simultanée du bétail et des animaux sauvages, ceux-ci pouvant être des vecteurs de maladies pour les bêtes introduites.

Cette conception a donné origine à de véritables campagnes d’anéantissement, consacrant ainsi, en réalité, une perte irréparable pour l’économie humaine.

Il ne nous paraît pas inutile d’expliquer ici les raisons pour lesquelles en supprimant la faune autochtone des ongulés pour favoriser l’élevage, on commet une erreur fondamentale . Le continent africain est pauvre, le plus pauvre de tous, pour ce qui est de la fertilité de ses sols. On s’est mépris lourdement sur leur vocation agricole, car l’exubérance de la végétation semblait en attester la richesse. Cette apparence, on s’en est aperçu, n’était qu’un leurre : la forêt constitue un équilibre biologique dans lequel le sol n’intervient que pour une faible fraction, tandis que le bilan en eau y est prépondérant. L’Afrique est un continent en voie d’asséchement et, déjà, la majorité de sa superficie est aride, sans aucun espoir d’amélioration.

Par surcroît, la plupart de ses sols sont pauvres en plusieurs éléments et notamment en calcium et en phosphore, dont la sécheresse ne fait qu’entraver l’assimilation. Non seulement les herbages sont maigres et clairsemés, mais ils sont d’une très faible valeur nutritive. Les essais d’amélioration des pâtures, d’enrichissement du sol par les engrais chimiques, sont décevants et, jusqu’à présent, peu prometteurs. L’élevage du bétail domestique, à une échelle vaste et durable, pose donc en Afrique un problème qui n’est pas près d’être résolu.

On objectera, néanmoins, que ces mêmes régions ont supporté les centaines de millions de ruminants dont nous parlions précédemment. Prendre cet argument comme base, de nature à légitimer le développement de l’élevage,
est encore une illusion.

Si les animaux sauvages ont pu subsister dans des régions où jamais un nombre équivalent de têtes de bétail ne pourra être élevé, c’est parce que les exigences sont affaire de degré. Un pays nourrit ce qu’il peut nourrir et, proportionnellement aux réserves de son sol en éléments biogènes, un équilibre s’établit. Les animaux faibles et malades s’éliminent par des facteurs naturels, et lorsque la quantité disponible d’un élément indispensable du sol vient à diminuer dangereusement, par suite d’une multiplication excessive des consommateurs, ceux-ci migrent vers d’autres régions.

Avec l’élevage, l’homme veut obtenir le maximum de rendement dans un minimum de temps et d’espace. Or, il convient de noter que le bétail domestique est à croissance rapide et exige, dans un temps très court, d’accumuler les réserves minérales du sol indispensables à sa constitution. Il est, en outre, herbivore, alors que beaucoup d’animaux sauvages sont herbivores et phyllophages en même temps, ce qui augmente les possibilités d’une même région à supporter un nombre plus élevé de ceux-ci. L’élevage vise à exporter la partie la plus riche des éléments prélevés dans le sol, contribuant ainsi à accélérer son appauvrissement.

Sous l’angle de la pathologie, il est indéniable que les animaux sauvages présentent une supériorité marquante sur les bêtes domestiques. Une sélection naturelle séculaire leur a conféré une résistance aux maladies, une adaptation aux conditions du milieu, qu’aucun bétail n’est capable d’égaler dans l’état actuel des connaissances. Ainsi sacrifie-t-on un capital-faune d’une inestimable valeur, pour le remplacer par une industrie dont la réussite, à longue échéance, est moins bien qu’assurée.

Indépendamment du côté sentimental attaché à son caractère spectaculaire, la faune africaine présentait un intérêt scientifique considérable, des ressources zootechniques et médicales insoupçonnées, mais elle constituait, surtout, pour les populations indigènes, une assurance contre la famine.

On mesure ainsi toute la responsabilité de ceux qui n’ont pas su, ou n’ont pas voulu comprendre. De ceux qui considèrent encore la faune et sa protection comme une baliverne.

Certes, les sciences biologiques nous ouvrent des horizons immenses, mais, tant qu’elles ne se matérialisent pas par des réalisations concrètes, la sagesse impose d’assurer la protection des biens naturels dont nous sommes les détenteurs responsables, dans la forme où la Nature nous les a dispensés.

Il n’est pas possible de revenir en arrière, l’amputation dont la faune africaine a été victime est irréparable, mais c’est un devoir pour chacun de tenter de sauver ce qui peut l’être encore. Placé dans des conditions favorables, un noyau de quelques spécimens d’une espèce peut permettre de
reconstituer tout un peuplement.

Le but du présent ouvrage est de familiariser les personnes vivant en Afrique avec l’aspect et le genre de vie des animaux placés sous la protection de la loi, de vulgariser la notion de protection et de promouvoir l’intérêt pour ces inférieurs auxquels nul ne peut contester le droit de vivre.

Partant du principe qu’un effort n’est jamais perdu, nous publions une nouvelle fois ce travail, qui constitue un appel en faveur des espèces de la faune africaine les plus menacées, celles dont il importe d’assurer la conservation pour nous-mêmes, mais aussi pour les générations futures.

En 1936, l’Institut des Parcs Nationaux du Congo Belge sortait une brochure aux proportions modestes, comportant, d’une façon sommaire, les éléments qui devaient être repris dans un travail beaucoup plus important, publié en 1941, et dont la rédaction avait été confiée à M. S. FRECHKOP, Directeur de Laboratoire à l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, bien connu par ses travaux sur les mammifères. Cet ouvrage fut rapidement épuisé ; aussi la publication d’une troisième édition abrégée et ne concernant que les espèces vivant au Congo Belge sortit de presse en 1947. Aujourd’hui paraît une quatrième édition, reprenant la forme de celle de 1941, mais complétée dans son texte et illustrée de figures nouvelles. Elle concerne tous les animaux énumérés dans le décret du 21 avril 1937, sur la chasse et la pêche au Congo Belge, mais aussi tous ceux qui font l’objet de mesures de protection en Afrique, y compris Madagascar, et dont la détention et le transport sont interdits au Congo Belge.

Les figures qui illustrent la présente publication ont été exécutées sous la surveillance de l’auteur, ainsi que sous le contrôle de M. G. Fr. DE WITTE, Conservateur honoraire à l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, dont la longue expérience de naturaliste et d’explorateur au Congo Belge a fait un arbitre compétent dans la sélection de la documentation. Ces figures ont été inspirées par des documents photographiques souvent inédits et par des illustrations prises dans le Bulletin of the New York Zoological Society, dans Zoo Life de Londres, ainsi que dans divers ouvrages spéciaux cités ci-après. Pour la préparation du texte, les livres suivants ont été consultés [suit une bibliographie disponible dans le PDF de l’ouvrage téléchargeable sur notre DOCUMENTA]

Afin de faciliter dans la plus large mesure possible l’identification des animaux protégés, un tableau synoptique, basé sur les caractères externes, permettra de distinguer aisément les différentes espèces. On pourra, en outre, se rapporter aux figures qui illustrent les descriptions. Le premier paragraphe de celles-ci s’applique uniquement aux caractères distinctifs externes. Les personnes désireuses de renseignements plus étendus, notamment sur les mœurs et la distribution géographique, trouveront ces développements dans les paragraphes subséquents.

Les noms latins par lesquels sont désignés dans ce livre diverses espèces de mammifères sont ceux qu’avait admis dans son ouvrage, A Checklist of African Mammals (1939), le regretté G. M. ALLEN. En ce qui concerne les oiseaux, l’ouvrage de W. L. SCLATER, Systema Avium AEthiopicarum (1924-1930), a été suivi pour l’arrangement et la désignation scientifique des espèces, à l’exception de quelques modifications, jugées nécessaires pour l’uniformité de ce volume.

La documentation complète concernant la législation sur la chasse et la pêche, sur les Parcs Nationaux, ainsi que sur la protection de la faune au Congo Belge et au Ruanda-Urundi, constitue la deuxième partie de ce travail, complété par une carte sur les parcs nationaux et les réserves créés au Congo Belge et au Ruanda-Urundi.

Tout en fournissant quelques données sur la façon de vivre des animaux africains, l’ouvrage de M. S. FRECHKOP montre l’insuffisance et l’imprécision de nos connaissances dans ce domaine. Le lecteur, nous l’espérons, saisira la valeur de la collaboration des personnes résidant au Congo Belge et au Ruanda-Urundi. Le comportement des animaux est à peu près inconnu. Nous voudrions que le présent travail suscitât le désir d’observer les animaux à l’état libre, dans leur milieu naturel, de noter toutes les péripéties de leur existence et de les photographier. Toute documentation de ce genre peut devenir une précieuse contribution à la Science et donner aussi des indications utiles au perfectionnement de la réglementation sur la chasse. Nous attirons l’attention sur l’importance des observations touchant les fluctuations du nombre des individus de chaque espèce et les facteurs qui les déterminent, les déplacements journaliers ou saisonniers, l’activité durant les diverses heures du cycle journalier, l’époque du rut ou de la nidification et de la ponte, des mises-bas ou des éclosions.

Il est regrettable de constater l’indifférence avec laquelle a été accueilli l’appel fait dans les éditions antérieures de ce livre, bien que celles-ci aient été largement distribuées, autant par les soins du Ministère des Colonies que par l’Institut des Parcs Nationaux du Congo Belge. A l’exception des observations fournies par M. A.-J. JOBAERT, Lieutenant honoraire de chasse, et par le Major E. HUBERT, ancien conservateur-adjoint au Parc National Albert, et des précieuses images fixées par ce dernier, – tous deux fréquemment cités dans le texte qui suit, – presque aucun renseignement n’a été transmis.

L’appel adressé précédemment doit être complété. On remarquera qu’on s’est efforcé d’indiquer les noms des animaux en diverses langues indigènes. On les connaît insuffisamment. Toutefois, l’édition actuelle a pu être complétée par une série de noms vernaculaires qu’ont bien voulu nous communiquer les personnes suivantes, auxquelles l’Institut s’empresse d’exprimer ici sa sincère gratitude : [s’ensuit une liste de personnes, disponible dans la DOCUMENTA]

En terminant cette introduction, nous souhaitons que la cause de la protection des animaux sauvages, noble entre toutes, rallie toujours plus de fervents adeptes, car seul leur nombre pourra triompher des intérêts aveugles et des inerties.

V. Van STRAELEN

La dématérialisation est en cours et le PDF OCR du livre original est différent chaque jour dans notre DOCUMENTA…

[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : dématérialisation, transcription, édition et iconographie | sources : Documenta | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête © WWF France.


Abordons l’écoumène en Wallonie…

NATAGORA : le loup est de retour en Wallonie

Temps de lecture : 8 minutes >

Le loup enfin de retour en Belgique

[LOUP.NATAGORA.BE] Animal légendaire, le loup anime les passions les plus vives. De retour sur notre territoire, il nous offre la chance de réapprendre à vivre avec la nature sauvage. Nombreux sont ceux qui rêvent de le croiser au détour d’une balade, mais certains craignent aussi pour la sérénité de leurs pâtures. Les pages qui suivent vous emmènent dans l’intimité de cette espèce, clé de voûte des écosystèmes. Elles décrivent ses habitudes et proposent quelques pistes de protection des troupeaux. Deux autres espèces de prédateurs sont présentées, dont on espère le retour en Belgique : le lynx boréal et le chacal doré.

UN ANIMAL QUI A PEUR DE L’HOMME. La rencontre avec un loup sauvage, discret, craintif et parcourant de vastes territoires, est un événement rare pour les humains. En France et en Belgique, la peur du loup reste cependant ancrée dans l’imaginaire collectif. Pourtant, une attaque sur l’homme tient quasiment de l’impossible à notre époque.

UN HABITUÉ DE NOS CONTRÉES. Le loup est l’un des carnivores qui occupait jadis la plus vaste aire de répartition dans le monde : l’ensemble de l’hémisphère nord. Au 19ème siècle, il vivait encore dans les forêts ardennaises. Longtemps pourchassé, il a finalement disparu de nos régions. En Belgique, le dernier loup connu a été tué dans la région d’Erezée en 1897.

Loup, où es-tu ?

À la reconquête de l’Europe

Le loup est resté présent sur la péninsule Ibérique, en Italie, en Pologne et dans les Carpates roumaines. Mais depuis les années 1970, il entame un processus de recolonisation de ses anciens territoires. Actuellement, il y a 2000 loups en Espagne, 1000 à 1500 en Italie et 4000 en Roumanie. La Belgique se situe entre deux fronts de colonisation : la France et l’Allemagne, qui comptent chacune quelque 250 à 300 loups.

Répartition du loup en Europe (2012-2016) © Large Carnivore Initiative for Europe – Data Dryad

Plusieurs facteurs ont favorisé le retour du loup en Europe :

      • sa protection légale ;
      • la présence de nombreux ongulés sauvages ;
      • la déprise agricole, en France et en Allemagne, qui a favorisé aussi bien les proies que les prédateurs.

De plus, les superficies boisées se sont étendues depuis le XIXème siècle et les loups sont capables de traverser des zones habitées ainsi que les grandes infrastructures de transport.

En Europe, le loup est protégé par la Convention de Berne (1979) et la directive « Habitats » de l’Union européenne. Ce statut d’espèce protégée implique pour les États de veiller à la conservation de l’espèce et de ses habitats. L’installation du loup en Belgique est plus que probable tant notre pays présente un attrait pour lui par ses massifs forestiers et giboyeux. La Région Wallonne a anticipé son retour et l’a également inscrit dans sa liste d’espèces protégées.

Loup, qui es-tu ?

Morphologie du loup gris commun © Ferus
      • Queue courte
      • Pelage : mélange de beige, anthracite, noir et fauve
      • Oreilles courtes et droites, liserées de noir
      • Dentition spécialisée
      • Masque facial blanc
      • Trait noir plus ou moins marqué sur les pattes antérieures, caractéristique de la lignée italienne

Sans analyses génétiques, il est impossible de confirmer la présence du loup car il est facile de le confondre avec un chien-loup. Celui-ci présente entre autres un pelage plus contrasté, des oreilles plus larges et une queue plus longue, à l’extrémité noire.

FICHE D’IDENTITÉ

      • Nom scientifique : Canis lupus
      • Famille : Canidés
      • Classification : Mammifères
      • Poids : 20 à 35 kg selon le sexe
      • Longueur : 1,59 à 1,65 m selon le sexe
      • Hauteur : 66 à 81 cm
      • Habitat : tous les types de milieux naturels de l’Hémisphère Nord, des plaines aux montagnes, en milieu ouvert ou forestier.
      • Vue : très bonne
      • Ouïe : peut entendre hurler ses congénères jusqu’à 6 à 9 km
      • Odorat : peut détecter un animal à 270 m contre le vent
      • Longévité : 5 à 10 ans
      • Mise bas : entre mars et juin
      • Portée : 4 à 8 louveteaux
      • Régime alimentaire : carnivore
      • Prédateur : l’homme
      • Organisation sociale : vit en meute

Le corps du loup est taillé pour la course et les longues marches. Il est capable de parcourir jusqu’à 60 km par nuit (record connu : 190 km).

UNE VIE EN MEUTE. Le loup est une espèce sociale. Ses populations sont structurées en meutes, composées d’un couple reproducteur accompagné de ses jeunes. En France, les meutes comptent jusqu’à huit individus en fin d’hiver. Le couple dominant ne se reproduit qu’une fois par an, engendrant 4 à 8 louveteaux. L’importante mortalité des jeunes, de l’ordre de 50 %, intervient surtout au cours de la première année.

Les jeunes quittent le groupe entre 1 et 4 ans pour trouver de nouveaux territoires et fonder leur propre meute. Vulnérables et peu expérimentés, ils parcourent des espaces qu’ils ne connaissent pas et doivent chasser seuls, ce qui augmente encore les risques de mortalité.

COMPORTEMENT SOCIAL. Le territoire d’une meute varie en fonction de l’abondance et de la répartition des proies. Dans les Alpes, sa superficie est de l’ordre de 200 à 400 km².

RÉGIME ALIMENTAIRE. UN RÉGULATEUR UTILE DES ONGULÉS SAUVAGES. Le loup est un prédateur opportuniste capable de s’adapter à des situations très diverses. Il peut consommer des insectes et des fruits ou se nourrir d’animaux morts qu’il trouve dans la nature. Cependant, les ongulés sauvages (chevreuils, cerfs, sangliers…) constituent ses proies principales. Le loup ne se maintiendrait pas en l’absence de cette faune sauvage. Il ajuste ses effectifs aux ressources disponibles et ne provoque jamais la disparition de ses proies. Les loups s’installent préférentiellement dans les sites qui présentent les plus importantes densités de grands herbivores sauvages.

© DP

LE MOUTON AU MENU LUI AUSSI. Quelle que soit la densité de proies naturelles, une prédation sur le bétail peut toujours survenir, essentiellement du printemps à l’automne. Il existe toutefois des solutions pour limiter l’impact du loup sur les troupeaux domestiques, et favoriser la cohabitation avec l’homme.

LOUP ET PASTORALISME. UNE COHABITATION HARMONIEUSE À FAVORISER. Le loup peut vivre dans des forêts riches en mammifères sauvages. Mais le risque de prédation sur le cheptel domestique subsistera toujours. Surtout si celui-ci est abondant ou mal gardé. En Belgique, les filières ovine et caprine sont marginales, mais elles offrent une possibilité de diversification aux agriculteurs. De plus, les moutons participent à la gestion de nos réserves naturelles et maintiennent ouverts des milieux riches en biodiversité.

En attendant le grand retour du loup, il est donc essentiel de définir des mesures de protection des troupeaux adaptées pour la Belgique. Des méthodes simples existent, qui ont fait leurs preuves dans d’autres pays.

SORTIR LE LOUP DE LA BERGERIE. Le loup est une espèce intelligente qui peut s’adapter à tous types de situation. Il n’existe aucune solution universelle pour protéger entièrement les troupeaux. Il est important de combiner plusieurs techniques adaptées au contexte local :

      1. Une clôture avec grillage couplée à un fil électrique constitue une première  barrière empêchant l’intrusion du prédateur. Des clôtures mobiles peuvent aussi être utilisées en situation d’urgence.
      2. Les dispositifs ‘effaroucheurs’, temporaires, aux effets éphémères, sont efficaces et rapides à mettre en place. Le fladry est constitué d’un fil sur lequel des bandes de ruban de signalisation sont fixées à intervalles réguliers et qui entoure la zone à protéger. Si ce fil est électrifié, on l’appelle turbo-fladry. Le fox-light est un dispositif utilisé la nuit, doté d’un flash qui mime la présence d’un berger se déplaçant avec une lampe.
      3. L’utilisation de chiens de protection est une méthode traditionnelle et efficace pour réduire la prédation. En France, la majorité des chiens utilisés sont des patous, originaires des Pyrénées. L’éducation du chien consiste à développer son instinct de protection en le plaçant dès son plus jeune âge en contact avec les brebis. Il fait alors partie intégrante du troupeau, vis-à-vis duquel il développe un attachement affectif fort. En cas d’agression, il s’interpose et aboie avec insistance sans forcément chercher l’affrontement. Sa corpulence et ses menaces suffisent généralement à détourner un chien, un loup, un lynx ou même un ours.
Les moyens de protection des troupeaux © Florian Graf – FERUS

DEUX AUTRES ESPÈCES ATTENDUES EN BELGIQUE

LE CHACAL DORÉ (CANIS AUREUS)
Chacal doré © DR getty images

Proche du loup et du renard, le chacal doré est un des canidés ayant actuellement la plus grande aire de répartition. En Europe, il est présent dans le sud-est, mais remonte depuis les années 1980 vers le nord-ouest de l’Europe. Il a déjà été observé au Danemark, en Estonie, en Allemagne, en Suisse et même au Pays-Bas. La disparition du loup, prédateur du chacal, est sans doute un des éléments déclencheurs de cette expansion, de même que certains changements environnementaux (fragmentation des massifs forestiers, changements climatiques, etc). Il s’agit d’une espèce sociale, vivant en couple ou en petite meute. Carnivore opportuniste, son régime alimentaire est proche de celui du renard (petits vertébrés, insectes, fruits, cadavres, etc). Il peut s’attaquer à des proies plus grosses que lui, qu’il chasse en meute, et s’approcher des habitations humaines pour se nourrir dans les poubelles. Grâce à sa tolérance pour les milieux arides et à son régime omnivore, il occupe une grande variété d’habitats mais préfère les milieux ouverts.

LE LYNX BORÉAL (LYNX LYNX)
Lynx boréal © Charles Metz – rtbf.be

Le Lynx boréal a toujours occupé nos forêts, mais, malgré des rumeurs de présence, il semble avoir disparu de Belgique. Des réintroductions dans les pays voisins laissent espérer un retour prochain de l’espèce. Très discret, le lynx est extrêmement difficile à observer. Il s’agit d’un félidé de la taille d’un berger allemand. Haut sur pattes, il a une courte queue et des pinceaux sur le bout des oreilles. Ses pattes larges et allongées lui permettent de ne pas s’enfoncer quand il se déplace sur la neige et d’être silencieux en approchant ses proies. Essentiellement forestier, il s’adapte à tous les types de peuplements boisés. Carnivore strict, il ne mange que de la viande, qu’il tue principalement lui-même. Il s’attaque surtout aux ongulés sauvages de taille moyenne, comme le chevreuil. Animal solitaire, le mâle et la femelle ne se rencontrent qu’au moment du rut, au début du printemps. La femelle met bas 2 à 3 petits qu’elle élèvera seule. La durée de vie d’un lynx dans la nature ne dépasse pas 15 ans.

GT Loup, Natagora


 

Le retour du loup sur notre territoire est un phénomène fascinant, emblématique d’une nature qui retrouve son chemin malgré l’impact de l’humain. Cependant, à cause d’une peur ancestrale nourrie par les contes de notre enfance ou des attaques contre le bétail, le loup reste parfois vu d’un mauvais œil. Afin de favoriser une cohabitation sereine, Natagora a lancé un Groupe de Travail dont les objectifs principaux sont de garantir le respect du statut de protection de l’espèce, de sensibiliser le grand public et d’ouvrir le dialogue entre tous les acteurs concernés par le retour du loup (agriculteurs, chasseurs, sylviculteurs, administrations). Le GT Loup est également membre de la plate-forme wallonne Grands Prédateurs, qui rassemble la plupart des asbl naturalistes wallonnes pour réaffirmer le statut d’espèces protégées du loup, du lynx et du chacal doré, ainsi que de l’Alliance Européenne pour la Conservation du Loup (EAWC).

Vous désirez contacter le GT ? gtloup@natagora.be


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : loup.natagora.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête © natagora ; © LCIE ; © FERUS © RTBF.be. | La plaquette du GT Loup est à télécharger ici et compte de nombreuses images de qualité ainsi que les références utilisées par l’auteur…


La vie en Wallonie-Bruxelles…

DUBOIS : Le magazine Imagine, comme un air de John Lennon

Temps de lecture : 4 minutes >

[DIACRITIK.COM, 6 avril 2022] Voici un magazine assez magnifique, très chatoyant aussi et qui porte bien son enseigne à la John Lennon. Il se réclamait du parti Écolo à l’origine puis en garda l’esprit tout en prenant quelque distance envers ce parti. C’est en ce sens que la couverture de ce bimestriel porte fièrement trois surcharges : DEMAIN LE MONDE ; la triade ÉCOLOGIE / SOCIÉTÉ / NORD-SUD ; et la mention quelque peu énigmatique SLOW PRESS (est-ce la formule employée à propos d’un vin à pression lente ou bien est-elle d’un journal à parution peu pressée — mais stressée néanmoins ?).

Ainsi “Demain le monde” nous parle de mutation et d’un univers qui propose en lieu et place du capitalisme dominant un bouleversement résolu. Quant à la triade “Écologie / Société / Nord-Sud”, elle rassemble en une seule trois disciplines de pointe et qui visent à réconcilier la Terre avec l’Humanité. Quant à cette “Slow Press”, qui continue à nous tarabuster, nous la traduirons joyeusement comme un équivalent du bon vieux latin festina lente, c’est-à-dire “hâte-toi lentement”, ce qui fait pleinement notre affaire.

Si Imagine a quelque peu tenu à distance luttes et controverses politiques, c’est pour mieux se régénérer dans les temps troublés que nous connaissons. Une pandémie, une guerre continentale, des cataclysmes naturels, on conviendra que c’est beaucoup et que c’est même trop. Imagine entend jouer à cet égard “un rôle de sentinelle des catastrophes en cours“. Et c’est pourquoi ce magazine défend “une pensée complexe et nuancée, apaisée et féconde, libre et non conformiste“. Et d’ajouter joliment encore qu’il “libère les imaginaires (…), est porteur d’idées nouvelles et inspirantes, d’histoires audacieuses et inattendues, de petits ou grands récits.

Est-ce à dire que la critique sociale et politique ne trouve plus sa place dans une revue telle que celle que l’on évoque ici ? Ou bien qu’elle ne se reconnaît plus dans les combats qui sont menés par la gauche au point qu’on voit se déliter les partis les plus combatifs, au risque de laisser toute la place aux populismes ou aux néolibéralismes dans ce que ceux-ci montrent de plus trivial aux quatre coins du continent et des environs.

Le magazine a par ailleurs déterminé son découpage et son rythme de lecture selon une cartographie pleinement évocatrice et même largement métaphorique à travers ce qu’il désigne comme ses divers territoires. Nous aurons ainsi au long de la revue :

    1. Sur le volcan qui accorde la priorité à la sphère politique à travers le mouvement des luttes, des résistances et des interventions, croisant par ailleurs des thèmes du jour comme le populisme, le patriarcat, la marchandisation du monde, soit autant de dérives ;
    2. Le sixième continent qui désigne un article de long format à la croisée de divers territoires ou thématiques ; prendront ainsi forme de “grands entretiens” qui donneront la parole à des personnalités en vue parmi les plus représentatives du monde intellectuel ;
    3. Zones fertiles qui veut qu’Imagine propose des alternatives sur des thématiques de base relatives à l’agriculture, au climat, à l’énergie, à la démocratie, à l’économie, toutes essentielles à la survie des espèces ;
    4. Terra incognita qui se projette vers le futur et favorise la pensée utopique, donnant en particulier la parole à des personnalités porteuses de changement et qui sont prêtes à aborder des sujets comme l’effondrement ou l’adaptation ;
    5. Les confluents qui font se croiser différentes disciplines, depuis la philosophie jusqu’à l’histoire et la sociologie. Éducation et transmission seront ici des thèmes de premier plan ;
    6. Au large donne la parole à toutes les disciplines qui se réclament de l’esthétique et des formes d‘art. C’est là encore que place est faite aux minorités mises à l’écart comme au monde vivant dans sa pluralité (personnes vulnérables, animaux, végétaux). La perspective activée est celle d’un monde réconcilié dans toutes ses composantes.

On notera que les “Grands Entretiens” seront selon toute vraisemblance rassemblés dans une livraison de fin d’année “hors série”.

Si Imagine fonctionne avec une Rédaction minimale à Liège et à Bruxelles Hugues Dorzée étant son rédacteur en chef, elle ne sortira que difficilement de l’espace belge francophone. Demeure néanmoins la possibilité pour les lecteurs de se procurer le magazine par abonnement ou par livraison ciblée. Une diffusion qui exista vers la France pendant une période devrait pourtant reprendre en ce pays. Mais, par ailleurs, le groupe rédactionnel s’élargit volontiers à des groupes de travail et de réflexion de durée variable. Et l’on a vu récemment se constituer et s’instituer l’assemblée mobile des Pisteurs d’Imagine auquel le magazine peut faire appel en matière de conseils et d’orientations. Il compte actuellement une quinzaine d’intervenants. Parmi ceux-ci, on compte notamment Olivier De Schutter, Caroline Lamarche, Ariane Estenne, Charlotte Luyckx, Arnaud Zacharie, soit autant de personnalités fortes.

Il est donc toute une vie sociale autour d’un magazine qui aime à scander l’année de rencontres, de mises au vert, de séances d’écriture collective, de workshops, etc. C’est ainsi tout un brassage procédant par groupes restreints et cellules productives et qui se donne pour objectif d’inventer le monde de demain.

Jacques DUBOIS

Imagine, c’est un magazine belge, bimestriel et alternatif, qui traite des questions d’écologie, de société et de relations Nord-Sud. Il est édité par une asbl, indépendante de tout groupe de presse et de tout parti politique, et géré par l’équipe qui le réalise. Imagine s’inscrit dans le courant slow press et défend un journalisme d’impact, au long cours, à la fois vivant et critique, apaisé et constructif. Tous les deux mois, il recherche la qualité plutôt que la quantité. Il ralentit pour offrir à ses lecteurs une information originale, fiable et nuancée. Contact : Imagine, boulevard Frère-Orban 35A, B-4000-LIEGE (site du magazine).


[INFOS QUALITÉ] statut : validé | sources  : diacritik.com (article du 6 avril 2022) | mode d’édition : partage et iconographie | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © Imagine Magazine.


Il y a presse et presse…

MALET : Le système Pierre Rabhi (2018)

Temps de lecture : 16 minutes >

Repris dans notre portefeuille de veille pour la Revue de presse, le Monde diplomatique [MONDE-DIPLOMATIQUE.FR] ambitionne de “faire vivre un journalisme affranchi des pouvoirs et des pressions.” Leur devise : “On s’arrête, on réfléchit.” Nous avons marqué l’article ci-dessous dans la catégorie Tribune libre comme dans la catégorie Revue de presse, en ceci qu’il documente le sujet le sujet autant qu’il alimente le débat. What else ?


Frugalité et marketing

[MONDE-DIPLOMATIQUE.FR, août 2018] La panne des grandes espérances politiques remet au goût du jour une vieille idée : pour changer le monde, il suffirait de se changer soi-même et de renouer avec la nature des liens détruits par la modernité. Portée par des personnalités charismatiques, comme le paysan ardéchois Pierre RABHI (1938-2021), cette “insurrection des consciences” qui appelle chacun à “faire sa part” connaît un succès grandissant.

Dans le grand auditorium du palais des congrès de Montpellier, un homme se tient tapi en bordure de la scène tandis qu’un millier de spectateurs fixent l’écran. Portées par une bande-son inquiétante, les images se succèdent : embouteillages, épandages phytosanitaires, plage souillée, usine fumante, supermarché grouillant, ours blanc à l’agonie. “Allons-nous enfin ouvrir nos consciences ?“, interroge un carton. Le film terminé, la modératrice annonce l’intervenant que tout le monde attend : “Vous le connaissez tous… C’est un vrai paysan.

Les projecteurs révèlent les attributs du personnage : une barbichette, une chemise à carreaux, un pantalon de velours côtelé, des bretelles. “Je ne suis pas venu pour faire une conférence au sens classique du terme, explique Pierre Rabhi, vedette de la journée “Une espérance pour la santé de l’homme et de la Terre“, organisée ce 17 juin 2018. Mais pour partager avec vous, à travers une vie qui est singulière et qui est la mienne, une expérience.

Des librairies aux salons bio, il est difficile d’échapper au doux regard de ce messager de la nature, auteur d’une trentaine d’ouvrages dont les ventes cumulées s’élèvent à 1,16 million d’exemplaires. Chaussé de sandales en toute saison, Rabhi offre l’image de l’ascète inspiré. “La source du problème est en nous. Si nous ne changeons pas notre être, la société ne peut pas changer“, affirme le conférencier.

Passé la soixantième minute, il narre le fabliau du colibri qui a fait son succès : lors d’un incendie de forêt, alors que les animaux terrifiés contemplent le désastre, impuissants, le petit colibri s’active, allant chercher quelques gouttes d’eau avec son bec pour conjurer les flammes. “Colibri, tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu éteindras le feu !“, lui dit le tatou. “Je le sais, mais je fais ma part“, répond le volatile. Rabhi invite chacun à imiter le colibri et à “faire sa part“.

La salle se lève et salue le propos par une longue ovation. “Cela doit faire dix fois que je viens écouter Pierre Rabhi ; il dit toujours la même chose, mais je ne m’en lasse pas“, confie une spectatrice. “Heureusement qu’il est là !, ajoute sa voisine sans détacher les yeux de la scène. Avec Pierre, on n’est jamais déçu.” L’enthousiasme se répercute dans le hall adjacent, où, derrière leurs étals, des camelots vendent des machines “de redynamisation et restructuration de l’eau par vortex“, des gélules “de protection et de réparation de l’ADN” (cures de trois à six mois) ou le dernier modèle d’une “machine médicale à ondes scalaires” commercialisée 8 000 euros.

À Paris aussi, Rabhi ne laisse pas indifférent. Le premier ministre Édouard Philippe le cite lorsqu’il présente son “plan antigaspillage” (23 avril 2018). “Cet homme est arrivé comme une véritable lumière dans ma vie“, affirme son ancienne éditrice, désormais ministre de la culture, Mme Françoise Nyssen. “Pierre a permis à ma conscience de s’épanouir et de se préciser. Il l’a instruite et il l’a nourrie. Quelque part, il a été son révélateur“, ajoute M. Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire.

En se répétant presque mot pour mot d’une apparition à une autre, Rabhi cisèle depuis plus d’un demi-siècle le récit autobiographique qui tient lieu à la fois de produit de consommation de masse et de manifeste articulé autour d’un choix personnel effectué en 1960, celui d’un “retour à la terre” dans le respect des valeurs de simplicité, d’humilité, de sincérité et de vertu. Ses ouvrages centrés sur sa personne, ses centaines de discours et d’entretiens qui, tous, racontent sa vie ont abouti à ce résultat singulier : cet homme qui parle continuellement de lui-même incarne aux yeux de ses admirateurs et des journalistes la modestie et le sens des limites. Rues, parcs, centres sociaux, hameaux portent le nom de ce saint laïque, promu en 2017 chevalier de la Légion d’honneur. Dans les médias, l’auteur de Vers la sobriété heureuse (2010) jouit d’une popularité telle que France Inter peut transformer sa matinale en édition spéciale en direct de son domicile (13 mars 2014) et France 2 consacrer trente-cinq minutes, à l’heure du déjeuner, le 7 octobre 2017, à louanger ce “paysan, penseur, écrivain, philosophe et poètequi “propose une révolution“.

Tradition, authenticité et spiritualité

L’icône Rabhi tire sa popularité d’une figure mythique : celle du grand-père paysan, vieux sage enraciné dans sa communauté villageoise brisée par le capitalisme, mais dont le savoir ancestral s’avère irremplaçable quand se lève la tempête. Dans un contexte de catastrophes environnementales et d’incitations permanentes à la consommation, ses appels en faveur d’une économie frugale et ses critiques de l’agriculture productiviste font écho au sentiment collectif d’une modernité hors de contrôle. En réaction, l’inspirateur des “colibris” prône une “insurrection des consciences“, une régénération spirituelle, l’harmonie avec la nature et le cosmos, un contre-modèle local d’agriculture biologique non mécanisée. Ces idées ruissellent dans les médias, charmés par ce “bon client“, mais aussi à travers les activités du mouvement Colibris, fondé en 2006 par Rabhi et dirigé jusqu’en 2013 par le romancier et réalisateur Cyril Dion. Directeur de collection chez Actes Sud, fondateur en 2012 du magazine Kaizen, partenaire des Colibris, Dion a réalisé en 2015 avec l’actrice Mélanie Laurent le film Demain, qui met en scène le credo du mouvement et qui a attiré plus d’un million de spectateurs en salles.

Le succès du personnage et de son discours reflète et révèle une tendance de fond des sociétés occidentales : désabusée par un capitalisme destructeur et sans âme, mais tout autant rétive à la modernité politique et au rationalisme qui structura le mouvement ouvrier au siècle passé, une partie de la population place ses espoirs dans une troisième voie faite de tradition, d’authenticité, de quête spirituelle et de rapport vrai à la nature.

Ma propre insurrection, qui date d’une quarantaine d’années, est politique, mais n’a jamais emprunté les chemins de la politique au sens conventionnel du terme, explique Rabhi sur un tract de sa campagne présidentielle de 2002. Mon premier objectif a été de mettre en conformité ma propre existence (impliquant ma famille) avec les valeurs écologistes et humanistes” — il n’obtint que 184 parrainages d’élu sur les 500 requis. Le visage caressé d’une lumière or, le candidat présenté comme un “expert international pour la sécurité alimentaire et la lutte contre la désertification” se tient parmi les blés. De l’Afrique du Nord aux Cévennes, en passant par le Burkina Faso, la trajectoire de Rabhi illustre les succès autant que les vicissitudes d’une écologie apolitique.

Né le 29 mai 1938 à Kenadsa (région de Saoura), en Algérie, Rabah Rabhi perd sa mère vers l’âge de 4 ans et se retrouve dans une famille d’adoption, un couple de colons formé d’une institutrice et d’un ingénieur qui lui donne une éducation occidentale, bourgeoise, catholique. L’adolescent d’Oran adore “écouter La Flûte enchantée, Othello ou bien un soliste de renom” à l’opéra ; il aime la littérature française et les costumes impeccablement coupés qui lui donnent l’allure d’une “gravure de mode”. Fervent catholique, il adopte à 17 ans son nom de baptême, Pierre. “Je me sentais coupable non pas de renier la foi de mes ancêtres [l’islam], mais de ne point aller propager parmi eux celle du fils de Dieu.” Pendant la guerre d’Algérie, raconte-t-il, “me voici brandissant mon petit drapeau par la fenêtre de la voiture qui processionne dans la ville en donnant de l’avertisseur : “Al-gé-rie-fran-çai-se”“.

Il gagne Paris à la fin des années 1950 et travaille chez un constructeur de machines agricoles à Puteaux (Hauts-de-Seine) en tant que magasinier, précise-t-il lors de l’entretien qu’il nous accorde, et non en tant qu’ouvrier à la chaîne, comme on peut le lire dans Pierre Rabhi, l’enfant du désert (Plume de carotte, 2017), un ouvrage de littérature jeunesse vendu à plus de 21 000 exemplaires. C’est dans cette entreprise que le jeune homme rencontre en 1960 sa future épouse. La même année, il expédie une lettre qui changera sa vie. “Monsieur, écrit-il au docteur Pierre Richard, nous avons eu votre adresse par le père Dalmais, qui nous a appris que vous vous préoccupiez de la protection de la nature, que vous avez activement participé à la création du parc de la Vanoise, et que vous essayez d’obtenir la création de celui des Cévennes. Nous sommes sensibles à toutes ces questions et voudrions prendre une part active en retournant à cette nature que vous défendez.

Étudiant en médecine avant-guerre, Richard devient, en 1940, instructeur d’un chantier de la jeunesse près des mines de Villemagne (Gard), sur le mont Aigoual. Cette expérience hygiéniste, nationaliste et paramilitaire l’influence durablement. En décembre 1945, il soutient une thèse de médecine qui assume un “parti pris évident” : “La santé de l’homme est atteinte, et celle du paysan en particulier, et, par-delà, celle du pays, de la nation, écrit Richard — santé intégrale du corps, de l’esprit, des biens matériels, de l’âme.” Quatorze ans plus tard, en 1959, le docteur Richard joue son propre rôle de médecin de campagne dans un film de propagande ruraliste intitulé Nuit blanche, où il fustige l’urbanisation, l’État centralisateur, les boîtes de conserve et la politique de recrutement des entreprises publiques qui arrache les paysans à leurs “racines”.

Sur une photographie du mariage célébré en avril 1961, le docteur Richard offre son bras à la mariée, Michèle Rabhi, tandis que Pierre Rabhi donne le sien à l’épouse du médecin de campagne. “Pierre et Anne-Marie Richard sont les parents que le magicien nous a destinés“, écrit Rabhi dans son autobiographie. “À mon arrivée en Ardèche, c’est lui qui m’a pris sous son aile. C’était mon initiateur“, complète-t-il.

“L’homme providentiel”

Peu après, l’apprenti paysan rencontre l’écrivain ardéchois Gustave Thibon. Acclamé par Charles Maurras dans L’Action française en juin 1942 comme “le plus brillant, le plus neuf, le plus inattendu, le plus désiré et le plus cordialement salué de nos jeunes soleils“, Thibon fut l’une des sources intellectuelles de l’idéologie ruraliste de Vichy. “Ce n’est pas mon père qui était pétainiste, c’est Pétain qui était thibonien“, affirmera sa fille. Bien que ses thuriféraires n’omettent jamais de rappeler que Thibon hébergea la philosophe Simone Weil en 1941, ce monarchiste, catholique intransigeant, antigaulliste viscéral et, plus tard, défenseur de l’Algérie française fit régulièrement cause commune avec l’extrême droite.

Entre le jeune néorural et le penseur conservateur se noue une relation qui durera jusqu’aux années 1990. “On voyait chez lui une grande polarisation terrestre et cosmique, relate le premier. (…) J’étais alors très heureux de rencontrer un tel philosophe chrétien et j’ai adhéré à ce qu’il disait.” Dans le paysage éditorial français, Thibon a précédé Rabhi en tant que figure tutélaire du paysan-écrivain “enraciné” poursuivant une quête spirituelle au contact de la nature (10). Dans le hameau de Saint-Marcel-d’Ardèche où vécut Thibon, Mme Françoise Chauvin, qui fut sa secrétaire, se souvient : “Pierre Rabhi doit beaucoup à Gustave Thibon. Quand il venait ici, son attitude était celle d’un disciple visitant son maître.

J’ai fait 68 en 1958 !“, s’amuse, soixante ans plus tard, l’élève devenu maître, lorsqu’il évoque son “retour à la terre”. Le paysage intellectuel des années 1960 et 1970 ne l’enchantait guère. Quand on lui cite l’œuvre du philosophe André Gorz, auteur des textes fondateurs Écologie et politique (1975) et Écologie et liberté (1977), il s’agace : “J’ai toujours détesté les philosophes existentialistes, nous dit-il. Dans les années 1960, il y en avait énormément, des gens qui ne pensaient qu’à partir des mécanismes sociaux, en évacuant le “pourquoi nous sommes sur Terre”. Mais moi, je sentais que la réalité n’était pas faite que de matière tangible et qu’il y avait autre chose.” L’homme ne s’en cache pas : “J’ai un contentieux très fort avec la modernité.

Sa vision du monde tranche avec la néoruralité libertaire de l’après-Mai. “Je considère comme dangereuse pour l’avenir de l’humanité la validation de la famille “homosexuelle”, alors que par définition cette relation est inféconde“, explique-t-il dans le livre d’entretiens Pierre Rabhi, semeur d’espoirs (Actes Sud, 2013). Sur les rapports entre les hommes et les femmes, son opinion est celle-ci : “Il ne faudrait pas exalter l’égalité. Je plaide plutôt pour une complémentarité : que la femme soit la femme, que l’homme soit l’homme et que l’amour les réunisse.”

En plus de ses fréquentations vichysso-ardéchoises, Rabhi compte parmi ses influences intellectuelles Rudolf Steiner (1861-1925), fondateur de la Société anthroposophique universelle. “Un jour, le docteur Richard est venu chez moi, triomphant, et il m’a mis entre les mains le livre Fécondité de la terre, de l’Allemand Ehrenfried Pfeiffer, un disciple de Steiner, raconte-t-il. J’ai adhéré aux idées de Steiner, ainsi qu’aux principes de l’anthroposophie, et notamment à la biodynamie. Lorsqu’il a fallu faire de l’agriculture, Rudolf Steiner proposait des choses très intéressantes. J’ai donc commandé des préparats biodynamiques en Suisse et commencé mes expérimentations agricoles.

À son arrivée en Ardèche, après une année de formation dans une maison familiale rurale, Rabhi fait des travaux de maçonnerie, travaille comme ouvrier agricole, écrit de la poésie, ébauche des romans, s’adonne à la sculpture. Sa découverte de l’agriculture biodynamique le stimule au point qu’il anime, à partir des années 1970, causeries et formations à ce sujet. Il se forge alors une conviction qui ne le quittera plus : la spiritualité et la prise en compte du divin sont indissociables d’un modèle agricole viable, lequel se place dès lors au centre de ses préoccupations. Une nouvelle fois, un courrier et la rencontre avec un personnage haut en couleur vont infléchir le cours de son histoire.

Fondateur de la compagnie de vols charters Point Mulhouse, bien connue des baroudeurs des années 1970 et 1980, l’entrepreneur Maurice Freund inaugure en décembre 1983 un campement touristique à Gorom-Gorom, dans l’extrême nord du Burkina Faso. Grâce à cette “réplique du village traditionnel avec ses murs d’enceinte qui entourent les cours“, Freund compte faire de cette localité un lieu de “tourisme solidaire”. Las ! Quelques semaines plus tard, il découvre que le restaurant “traditionnel” sert du foie gras et du champagne car “des coopérants, mais aussi des ambassadeurs, viennent se détendre dans ce havre de paix“.

Au même moment arrive une lettre de Rabhi l’invitant à visiter sa demeure en Ardèche. Devant l’insistance de celui qu’il prend d’abord pour un quémandeur, Freund se rend à la ferme. “Avant même d’échanger une parole, en plongeant mon regard dans le sien, je comprends que Pierre Rabhi est l’homme providentiel“, écrit Freund. “S’inspirant des travaux de l’anthroposophe Rudolf Steiner, Pierre Rabhi a mis au point une méthode d’engrais organiques (…) qu’il a adaptée aux conditions du Sahel. Il ramasse les branches, plumes d’oiseaux, excréments de chameau, tiges de mil… Il récupère ces détritus, en fait du compost, le met en terre“, s’émerveille-t-il. Il place aussitôt Rabhi à la tête de Gorom-Gorom II, une annexe du campement hôtelier où l’autodidacte initie des paysans du Sahel au calendrier lunaire de la biodynamie.

Le 6 mai 1986, la chaîne publique Antenne 2 diffuse le premier reportage télévisé consacré à Rabhi. “Il y a un vice fondamental, explique le Français à Gorom-Gorom, sur fond de musique psychédélique. On s’est toujours préoccupé d’une planification matérielle, mais on ne s’est jamais préoccupé fondamentalement de la promotion humaine. C’est la conscience, c’est la conscience qui réalise.” Images de paysans au travail, gros plans sur les costumes traditionnels, paysages sublimes : le reportage fait dans le lyrisme. “Je crois que le Nord et le Sud n’ont pas fini de se disputer ma personne“, conclut Rabhi. Aucune précision technique sur les méthodes agronomiques n’est en revanche donnée.

Quelques mois plus tard, fin 1986, l’association Point Mulhouse, fondée par Freund, demande à l’agronome René Dumont, bon connaisseur des questions agricoles de la région du Sahel, d’expertiser le centre dirigé par Rabhi. Le candidat écologiste à l’élection présidentielle de 1974 est épouvanté par ce qu’il découvre. S’il approuve la pratique du compost, il dénonce un manque de connaissances scientifiques et condamne l’approche d’ensemble : “Pierre Rabhi a présenté le compost comme une sorte de “potion magique” et jeté l’anathème sur les engrais chimiques, et même sur les fumiers et purins. Il enseignait encore que les vibrations des astres et les phases de la Lune jouaient un rôle essentiel en agriculture et propageait les thèses antiscientifiques de Steiner, tout en condamnant [Louis] Pasteur.

Pour Dumont, ces postulats ésotériques comportent une forme de mépris pour les paysans. “Comme, de surcroît, il avait adopté une attitude discutable à l’égard des Africains, nous avons été amenés à dire ce que nous en pensions, tant à la direction du Point Mulhouse qu’aux autorités du Burkina Faso“. Deux conceptions s’opposent ici, car Dumont ne dissocie pas combat internationaliste, écologie politique et application de la science agronomique. Rabhi s’en amuse aujourd’hui : “René Dumont est allé dire au président Thomas Sankara que j’étais un sorcier.” Dumont conseillera même d’interrompre au plus vite ces formations. En pure perte, car Rabhi bénéficie de l’appui de Freund, lui-même proche du président burkinabé. Mais l’assassinat de Sankara, le 15 octobre 1987, prive Freund de ses appuis politiques. Rabhi et lui quittent précipitamment le Burkina Faso.

Cet épisode éclaire une facette importante d’un personnage parfois présenté comme un “expert international” des questions agricoles, préfacier du Manuel des jardins agroécologiques (2012), mais qui n’a jamais publié d’ouvrage d’agronomie ni d’article scientifique. Et pour cause. “Avec l’affirmation de la raison, nous sommes parvenus au règne de la rationalité des prétendues Lumières, qui ont instauré un nouvel obscurantisme, un obscurantisme moderne, accuse-t-il, assis dans la véranda de sa demeure de Lablachère, en Ardèche. Les Lumières, c’est l’évacuation de tout le passé, considéré comme obscurantiste. L’insurrection des consciences à laquelle j’invite, c’est contre ce paradigme global.

Rabhi ne se contente pas d’exalter la beauté de la nature comme le ferait un artiste dans son œuvre. Il mobilise la nature, le travail de la terre et l’évocation de la paysannerie comme les instruments d’une revanche contre la modernité. Cette bataille illustre bien le malentendu sur lequel prospèrent certains courants idéologiques qui dénoncent les “excès de la finance”, la “marchandisation du vivant”, l’opulence des puissants ou les ravages des technosciences, mais qui ne prônent comme solution qu’un retrait du monde, une ascèse intime, et se gardent de mettre en cause les structures de pouvoir.

Que nous soyons riche ou pauvre, affirme Rabhi, nous sommes totalement dépendants de la nature. La référence à la nature régule la vie. Elle est gardienne des cadences justes.” Dans Le Recours à la terre (1995), il fait d’ailleurs l’éloge de la pauvreté, “le contraire de la misère” ; il la présente dans les années 1990, lors de ses formations, comme une “valeur de bien-être“. Quelques années plus tard, ce parti pris se muera sémantiquement en une exaltation de la “sobriété heureuse“, expression bien faite pour cacher un projet où même la protection sociale semble un luxe répréhensible : “Beaucoup de gens bénéficient du secourisme social, nous explique Rabhi. Mais, pour pouvoir secourir de plus en plus de gens, il faut produire des richesses. Va-t-on pouvoir l’assumer longtemps ?” Pareille conception des rapports sociaux explique peut-être le fonctionnement des organisations inspirées ou fondées par le sobre barbichu, ainsi que son indulgence envers les entreprises multinationales et leurs patrons.

Fondée en 1994 sous l’appellation Les Amis de Pierre Rabhi, l’association Terre et humanisme, dont un tiers du budget provient de dons tirés des produits financiers Agir du Crédit coopératif (plus de 450 000 euros par an), poursuit l’œuvre entamée par Rabhi au Burkina Faso en animant des formations au Mali, au Sénégal, au Togo, ainsi qu’en France, sur une parcelle d’un hectare cultivée en biodynamie, le Mas de Beaulieu, à Lablachère. Entre 2004 et 2016 s’y sont succédé 2 350 bénévoles, les “volonterres“, qui travaillent plusieurs semaines en échange de repas et d’un hébergement sous la tente.

Aux Amanins (La Roche-sur-Grane, Drôme), l’infrastructure d’agrotourisme née en 2003 de la rencontre entre Rabhi et l’entrepreneur Michel Valentin (disparu en 2012), lequel a consacré au projet 4,5 millions d’euros de sa fortune, s’étend sur cinquante-cinq hectares. Elle accueille des séminaires d’entreprise, des vacanciers, mais aussi des personnes désireuses de se former au maraîchage. La production de légumes repose sur deux salariés à temps partiel (vingt-huit heures hebdomadaires chacun) qu’épaule un escadron de volontaires du service civique ou de travailleurs bénévoles, les wwoofers (mot composé à partir de l’acronyme de World-Wide Opportunities on Organic Farms, “accueil dans des fermes biologiques du monde entier“) : “En échange du gîte et du couvert, les wwoofers travaillent ici cinq heures par jour, explique la direction des Amanins. Nous ne payons pas de cotisations sociales, et c’est légal.

Son exercice de méditation terminé, l’un des quatre travailleurs bénévoles présents lors de notre visite gratifie son repas bio d’une parole de louange et confie : “En fait, on travaille plus que cinq heures par jour, mais le logement est très confortable. Être ici, ça ramène à l’essentiel.” Malgré la taille du site et la main-d’œuvre abondante, les Amanins déclarent ne pas atteindre l’autosuffisance alimentaire et achètent 20 % de leurs légumes. “J’ai vu des gens partir en claquant la porte, en se plaignant d’être exploités, témoigne Mme Ariane Lespect, qui a travaillé bénévolement au Mas de Beaulieu, géré par Terre et humanisme, ainsi qu’aux Amanins. Mais je crois qu’ils n’ont pas compris le message de Pierre Rabhi. Sortir du système, retrouver un échange humain, c’est accepter de travailler pour autre chose qu’un salaire, et de donner.

Le prophète-paysan ne tire aucun profit monétaire de ces engagements bénévoles. Mais ces apprentis jardiniers sans grande expérience ni connaissances agronomiques qui bêchent le sol des “fermes Potemkine” donnent du “contre-modèle” Rabhi une image télégénique d’exploitation biologique économiquement viable — alors que ces fermes réalisent une part importante de leur chiffre d’affaires en facturant des formations.

Le mouvement Colibris ne supervise aucune exploitation agricole. Toutefois, son actuel directeur, M. Mathieu Labonne, coordonne GreenFriends, le réseau européen des projets environnementaux de l’organisation Embracing the World (ETW), fondée par la gourou Mata Amritanandamayi, plus connue sous le nom d’Amma. Sa tâche consiste à développer des “écosites modèles” dans les ashrams français d’Amma : la Ferme du Plessis (Pontgouin, Eure-et-Loir) et Lou Paradou (Tourves, Var). Dans ses comptes annuels de 2017, l’association ETW France, sise à la Ferme du Plessis (six hectares), déclare avoir bénéficié de l’équivalent de 843 710 euros de travail bénévole (20), toutes activités confondues. Et l’association MAM, qui gère Lou Paradou (trois hectares), de 16 346 heures (21) de seva, “l’une des pratiques spirituelles qu’Amma nous conseille particulièrement, le travail désintéressé en conscience, appelé aussi méditation en action, explique le site Internet de l’ashram. Cuisine, travail au jardin, ménage, travaux, couture… les tâches sont variées.” Les réseaux Amma et Colibris se croisent régulièrement, que ce soit lors des venues annuelles de la gourou en France, dans les fermes d’ETW, ou dans la presse des Colibris — Amma a fait la “une” du magazine Kaizen en mars 2015.

L’enthousiasme des patrons colibris

À partir de 2009, année marquée par la participation de Rabhi à l’université d’été du Mouvement des entreprises de France (Medef), le fondateur des Colibris rencontre des dirigeants de grandes entreprises, comme Veolia, HSBC, General Electric, Clarins, Yves Rocher ou Weleda, afin de les “sensibiliser“. Les rapports d’activité de l’association Colibris évoquent à cette époque la création d’un “laboratoire des entrepreneurs Colibris” chargé “de mobiliser et de relier les entrepreneurs en recherche de sens et de cohérence“. “On peut réunir un PDG, un associatif, une mère de famille, un agriculteur, un élu, un artiste, et ils s’organisent pour trouver des solutions qu’ils n’auraient jamais imaginées seuls“, lit-on.

Désireux de stimuler cette imagination, Rabhi a également reçu chez lui, ces dernières années, le milliardaire Jacques-Antoine Granjon, le directeur général du groupe Danone Emmanuel Faber, ainsi que M. Jean-Pierre Petit, plus haut dirigeant français de McDonald’s et membre de l’équipe de direction de la multinationale. “J’admire Pierre Rabhi (…), je vais à toutes ses conférences“, clame M. Christopher Guérin, directeur général du fabricant de câbles Nexans Europe (26 000 salariés), qui se flatte dans le même souffle d’avoir “multiplié par trois la rentabilité opérationnelle des usines européennes en deux ans” (Le Figaro, 4 juin 2018). Rabhi a également déjeuné avec M. Emmanuel Macron durant sa campagne pour l’élection présidentielle. “Macron, le pauvre, il fait ce qu’il peut, mais ce n’est pas simple, nous déclare-t-il. Il est de bonne volonté, mais la complexité du système fait qu’il n’a pas les mains libres.

À force de persévérance, les consciences s’éveillent. Le 8 mai 2018, à Milan, dans le cadre du salon de l’agroalimentaire Seeds & Chips, M. Stéphane Coum, directeur des opérations de Carrefour Italie, disserte devant un parterre de journalistes et d’industriels. Trois mois à peine après que M. Alexandre Bompard, président-directeur général de Carrefour, a annoncé 2 milliards d’euros d’économie, la fermeture de 273 magasins et la suppression de 2 400 emplois, le dirigeant de la succursale italienne fait défiler une présentation. Soudain, une citation appelant à l’avènement d’un “humanisme planétaire” apparaît à l’écran, accompagnée d’un visage au sourire rassurant. “Il y a six ans, j’ai commencé à lire Pierre Rabhi, déclare ce patron colibri. Pour que nous parvenions au changement, il faut que chacun “fasse sa part”. Nombreux sont aujourd’hui ceux qui veulent changer le monde, et c’est aussi la volonté de Carrefour.” Réconcilier grande distribution et sollicitude environnementale, grandes fortunes et spiritualité ascétique : la sobriété heureuse est décidément une notion élastique.

Jean-Baptiste Malet

  • Jean-Baptiste MALET est journaliste et l’auteur de L’Empire de l’or rouge. Enquête mondiale sur la tomate d’industrie (2017).
  • Les références bibliographiques et les sources sont disponibles dans l’article original SUR MONDE-DIPLOMATIQUE.FR (août 2018).
  • Pierre Rabhi a également préfacé le livre de Tom HODGKINSON : L’Art d’être libre dans un monde absurde (2017). C’est dans wallonica.org…
  • L’illustration principale de l’article est © monde-diplomatique.fr ; l’iconographie est de wallonica.org.

Plus de presse, plus de débat…

VION-DURY : Réenchanter l’écologie

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“Au cours des derniers mois, on m’a demandé à plusieurs reprises pourquoi les livres sur les animaux et la nature marchaient si bien subitement. Pourquoi, en effet, parmi la surproduction de littérature écologique, une petite vague s’est-elle créée autour des livres traitant du monde vivant et de quelques figures de proue comme Baptiste Morizot et Vinciane Despret ? Voici une tentative de réponse : ces nouvelles réflexions sur le vivant viennent combler l’immense vide qui s’est formé au sein de l’écologie politique depuis qu’elle est devenue mainstream. L’écologie court un grave danger : ne plus savoir au nom de quoi elle combat. Dans les années 1940 déjà, le forestier Aldo Leopold s’alarmait : “dans nos efforts pour rendre l’écologie facile, nous l’avons rendue dérisoire“. Trois quarts de siècle plus tard, l’on pourrait s’inquiéter qu’à force de vouloir crédibiliser l’écologie politique, elle en est devenue technocratique. Ses circonlocutions l’ont égarée dans une forêt d’abstractions. Quel langage parle-t-elle aujourd’hui? Une sémantique instrumentale: tonnes d’équivalent CO2 , compensations de l’empreinte carbone, émissions globales de gaz à effet de serre, rénovation thermique, objectifs de développement durable, équilibre du mix énergétique. Quelles images convoque-t-elle? Des synecdoques spectaculaires : l’Amazonie écorchée, l’Australie incendiée, l’ours blanc affamé, l’oiseau mazouté, le poisson asphyxié, l’abeille empoisonnée. Quels concepts mobilise-t-elle ? Des totalités écrasantes : le climat, la planète, la biosphère, la biodiversité, l’humanité, les générations futures.

Conséquence de cette mue, l’écologie s’est départie de son contenu sensible, elle qui prétendait justement abattre l’insensibilité de l’ère industrielle, et a renoncé à s’enrichir d’une nouvelle pensée du vivant. À force de banaliser l’extraordinaire, elle s’est rendue aveugle à l’extraordinaire du banal. À force de vouloir protéger la planète, elle a oublié de s’intéresser aux vivants qui l’habitent. D’où le sentiment de vide des citoyens écologistes avides de sentiment de nature (nous), se pressant en librairie pour renouer avec leurs parentés plus ou moins lointaines. Cet engouement ne va pas sans écueil, bien entendu, et le risque est de voir la pensée écologique du vivant confondue avec un attendrissement inoffensif d’ami des bêtes, un rejet misanthrope fantasmant la “Nature“, un baume de résilience tendance zoothérapie, ou encore un shaker avec de gros morceaux d’animisme et de chamanisme. Mais le geste qu’incarne cet intérêt n’en est pas moins essentiel. Attardons-nous un instant sur ce que fait naître en nous le discours ambiant concernant l’urgence écologique : la peur, le ressentiment, la colère, l’hébétude, l’incompréhension. Sont-ce des forces mobilisables pour amorcer le changement radical qu’il est nécessaire de voir advenir ? Oui, mais elles nous laissent borgnes. Tout au plus nous rappellent-elles contre qui et quoi l’on combat – et encore. Disons-le : nous sommes affectivement mutilés, et nous ne pourrons faire l’économie d’un réenchantement du monde qui impose d’abord de le repeupler de ses vivants, de l’infinie diversité de leurs manières d’être et d’agir.

Rien d’antimoderne, au sens de réactionnaire, là-dedans : “Le progrès, ce n’est pas de faire éclore des routes dans des paysages déjà merveilleux, mais de faire éclore la réceptivité dans des cerveaux humains qui ne le sont pas encore“, résumait Leopold. Une écologie pleinement politique ne peut pas se contenter d’avoir des partis, des programmes et des experts ; elle doit, comme le notait le penseur à propos de son éthique de la terre, “élargir simplement les frontières de la communauté de manière à y inclure le sol, l’eau, les plantes et les animaux ou, collectivement, la terre“. On voit d’ailleurs bien là le piège où est pris le débat contemporain lorsqu’il est question d’allier “fin du monde et fin du mois“. L’écologie ne peut pas être réduite à devoir “réconcilier” société et environnement : elle est une extension du tracé de la socialisation jusqu’à intégrer les autres-qu’humains. Il ne s’agit pas de fantasmer des bactéries dotées du droit de vote : nous avons besoin d’une nouvelle pensée qui nous permette de transformer nos relations constitutives au vivant – de réintégrer celui-ci dans la cité, et la cité dans un milieu qui ne soit pas qu’un stock de ressources. Ce dont nous avons besoin, pour prolonger les réflexions de Leopold, c’est d’une authentique culture du vivant, qui “fa[sse] passer l’Homo sapiens du rôle de conquérant de la communauté-terre à celui de membre et citoyen parmi d’autres de cette communauté. Elle implique le respect des autres membres, et aussi le respect de la communauté en tant que telle”. La condition pour “renouer“, pour que cette
conscience écologique” qui n’en finit pas d’être en gestation depuis un siècle naisse et s’épanouisse enfin, c’est de développer maintenant cette culture du vivant, dans sa polyphonie de points de vue, de luttes et d’imaginaires…”

Philippe Vion-Dury

  • L’intégralité de cet excellent éditorial de Philippe Vion-Dury, rédacteur en chef du périodique Socialter (cfr. notre sélection de Magazines), est disponible dans le hors-série n°9 de la revue SOCIALTER.FR ;
  • Nous n’avons pas trouvé le détenteur des droits sur l’illustration de cet article.

Plus de presse ?

Bois d’Avroy (Cointe, Liège)

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© Philippe Vienne

Le Bois d’Avroy est à la fois un vestige d’un domaine privé boisé et d’un ancien charbonnage. Il constitue un maillage écologique entre le Bois-l’Evêque et le terril Piron. Sa surface, d’environ cinq hectares, est actuellement divisée en quatre parcelles privées.

Histoire

Historiquement, l’antique forêt d’Avroy est défrichée dès le Xe siècle dans la vallée et dès le XVIe sur les hauteurs, pour faire place aux cultures et pâturages. Sur les collines de Cointe et Saint-Gilles, divers lieux-dits rappellent l’existence de cette forêt d’antan, laquelle portait à certains endroits un nom spécifique : le Bois l’Évêque, le Bois d’Avroy, le Bois Saint-Gilles,…

© Philippe Vienne

Au début du XXe siècle, le domaine du Bois d’Avroy sera morcelé entre la famille de Laminne et la houillère du Bois d’Avroy. La villa de Laminne est édifiée plus ou moins à la même époque sur une parcelle d’une superficie de quatre hectares provenant du morcellement du grand ensemble de trente-cinq hectares que constituait le domaine du Bois d’Avroy. Abandonnée dans le courant des années 1970, dégradée par un incendie dans les années ’80, la propriété restera à l’abandon jusqu’au début des années ’90 quand elle sera acquise par un promoteur qui fera raser la villa en ruine.

Du Bois d’Avroy originel, il ne reste donc plus que la partie aujourd’hui menacée par un projet immobilier et une petite portion comprise entre la ruelle des Waides et la rue Bois Saint-Gilles, derrière l’internat. Comme la plupart des allées tracées autour de la villa sont restées visibles, le domaine est fréquenté par les promeneurs du quartier depuis son abandon dans les années ’70.

La cellule “Initiatives Citoyennes” du Comité de Quartier de Cointe a réalisé un dossier et introduit une demande à la Ville de Liège pour la création de trois promenades balisées. Il s’agit de répondre à une demande de plus en plus forte d’itinéraires de promenades et de valoriser le patrimoine historique et naturel du quartier. Un quatrième itinéraire pourrait inclure le Bois d’Avroy, d’autant plus facilement qu’existe, juste en face, un sentier communal vestige de l’ancienne rue du Terris et des maisons ouvrières (aujourd’hui disparues) qui la bordaient.

Faune et flore
© Sibylle Horion

Comme nous l’avons vu précédemment, le bois d’Avroy est très récent. Le fait qu’il n’y ait plus eu d’entretien sur le terrain a permis à la végétation, et à la faune avec elle, de s’installer et se développer en toute quiétude. Les arbres morts, par exemple, fournissent un logis pour de nombreuses espèces (chouette hulotte, pics, chauves-souris) mais sont également une source de nourriture pour les insectes saproxyliques et les champignons qui les réduisent en terreau fertile pour les autres plantes alentours.

Le bois accueille des espèces communes (écureuils, hérissons, fauvettes, pics, papillons, noisetiers, ormes, etc.) et des espèces en danger (crapauds alyte accoucheurs, coléoptères lucarne cerf-volant, etc.).

Maillage (ou réseau) écologique

“Le réseau écologique est “l’ensemble des habitats susceptibles de fournir un milieu de vie temporaire ou permanent aux espèces végétales et animales, dans le respect de leurs exigences vitales, et permettant d’assurer leur survie à long terme”.

Il est visible à nos yeux (une vallée, un fleuve, une bande boisée) ou non (le corridor de migration d’une espèce de papillon), mais il correspond à une réalité écologique.

Ce maillage/réseau comprend trois types de zones :

ZONES CENTRALES : elles regroupent des milieux présentant un grand intérêt biologique où toutes actions menées devraient être en faveur de la conservation de la nature.

ZONES DE DÉVELOPPEMENT : elles regroupent des milieux présentant un intérêt biologique moindre que les précédents, mais ont toutefois un bon potentiel écologique valorisé par une gestion adéquate.

ZONES DE LIAISON : ce sont des milieux de faibles surfaces ou présentant un caractère linéaire dans le paysage. Ces zones sont, avant toute chose, des habitats pour de très nombreuses espèces sauvages indigènes et forment le maillage écologique du territoire. Leur nombre, leur qualité et leur continuité sont déterminants pour réaliser de véritables liaisons écologiques entre les zones centrales et les zones de développement. Ce qui permet le brassage génétique des populations. Par exemple, pour la vie sauvage, les bords de routes et de chemins de fer sont des chemins d’accès aux îlots de nature. Ces rubans de végétation sont d’excellents corridors biologiques, par où transitent de nombreuses espèces sauvages.” (d’après biodiversite.wallonie.be)

Il existe plusieurs niveaux de réseaux écologiques :

  • niveau européen : Natura 2000, Life ;
  • niveau régional
  • niveau communal : PCDN

La colline de Cointe est encore bien préservée de la bétonisation. Protéger le bois d’Avroy permet de maintenir un couloir biologique entre le terril Piron, le parc de Cointe et le Bois l’Évêque en passant par les champs et les jardins privés.

Le couvert forestier de Cointe forme une couronne qui permet la circulation des espèces. La création de petits couloirs végétalisés entre les différentes zones faciliterait un brassage génétique des différentes espèces qui y habitent.

Au maillage écologique, nous pouvons associer la notion de “maillage vert” qui a un sens plus social. “En Wallonie, le Projet de Schéma de Développement de l’Espace Régional (SDER) adopté en 2013 stipule que chaque citoyen wallon doit atteindre à pied en moins de 10 minutes (de l’ordre de 700 mètres maximum) un espace vert (un parc, ou un jardin public, un potager collectif, un terrain de jeu…) et cela qu’il habite en ville ou à la campagne. Chaque Wallon devrait pouvoir accéder à des espaces de ressourcement tels qu’un massif forestier ou un paysage rural en moins de 30 minutes à pied, 10 minutes à vélo (de l’ordre de 2km maximum) ou 5 minutes en transports en commun.” (d’après “La Ville en herbe”)

La Ville de Liège a déclaré vouloir s’inscrire dans ce maillage vert en plantant 20.000 arbres d’ici 2030.

Nous avons tous remarqué en ce printemps de confinement à quel point les espaces verts sont importants pour notre bien-être ! En plus d’apporter fraîcheur, renouvellement de l’air et absorption des eaux, les arbres nous apportent une multitude de bienfaits au niveau physique et psychologique.

© Chris LVN
Bienfaits de se promener dans un bois

Se promener dans un bois améliore notre santé : renforcement du système immunitaire, stabilisation des systèmes cardiaque et nerveux, amélioration de l’humeur, de l’énergie, de la concentration et de la créativité. Lorsque nous nous promenons dans un bois, tous nos sens sont en éveil : vue, ouïe, odorat, toucher et goût… Laissons-nous, le temps de cette balade, oublier nos obligations quotidiennes. Respirons profondément et émerveillons-nous de la générosité de la Nature.

Sources

Cet article est extrait du livret distribué par le Collectif “Sauvons le Bois d’Avroy” dans le cadre du cycle de promenades “Marches à l’ombre”, organisé par l’asbl Barricade, en août 2020.


D’autres mondes en notre monde…

STASSEN : La mémoire des arbres – Arbres remarquables de Wallonie (2013)

Temps de lecture : 3 minutes >
La Mémoire des arbres
EAN 9782873868505 (épuisé)

Se reconnecter à la Nature est indispensable et la Wallonie a le privilège de disposer de vastes espaces boisés à explorer. Ce livre de 2013, illustré de magnifiques photos, est une invitation à prendre le temps d’admirer des  arbres remarquables de nos contrées. Les histoires liées à ces derniers sont souvent étonnantes à découvrir.

Benjamin STASSEN, artiste photographe d’Ellemelle (BE) est né en 1959. Il commente la philosophie qui guide son travail depuis de nombreuses années [source : site de la Fête des Arbres à Esneux, BE, en 2005] :

« Les arbres constituent un patrimoine paysager, historique et écologique de toute première importance », affirme Benjamin Stassen. « On me dit souvent que je ne m’intéresse qu’aux arbres, mais à travers les arbres on peut toucher à tous les segments de l’histoire, de la vie contemporaine et même de l’avenir. J’ai une passion particulière pour les arbres parce que je suis un nomade, qu’il faut que je bouge et que je m’aventure… J’ai ce côté imaginatif, je suis un promeneur qui veut, non seulement préserver ce qui est, mais aussi ajouter de la vie… Je veux encourager la plantation d’arbres, de haies, même si c’est beaucoup de boulot dans nos parcs et dans nos jardins. »
Heureusement, cette perte de repères dont pâtit notre environnement naturel est relativement récente. Globalement, le Wallon s’est détourné de ce qui est proche de lui, de ce qui est immédiat, de ce qui est tangible.
« On vit, de plus en plus », regrette Benjamin Stassen, « dans une société qui privilégie le virtuel, le lointain, l’immatériel… Bref, l’imaginaire, mais dans ce qu’il a de plus creux, de plus impersonnel et de plus ‘marchandisé’. C’est une tendance qui me dérange profondément. Ce qui me touche, c’est de rencontrer quelqu’un, dans un village, qui peut, si je lui pose la question, me raconter une anecdote à propos de tel ou tel endroit que je recherche. Cela devient rarissime. Les villages se vident des populations anciennement établies ; elles sont remplacées par un essaimage urbain, à l’encontre duquel je n’ai d’ailleurs aucun grief particulier à formuler, si ce n’est qu’il accentue une désappropriation de ce qui est pourtant proche de nous et qui nous appartient, toutes choses que nous avons la responsabilité de protéger, de préserver et de transmettre. »

Pourquoi pas découvrir son livre à l’ombre d’un arbre ?


Une brève biographie accompagnée d’une bibliographie de Benjamin STASSEN est documentée par le Service du Livre Luxembourgeois (province du Luxembourg belge) : “Benjamin Stassen se consacre la connaissance et la protection des arbres exceptionnels de Wallonie depuis près de 20 ans. Fondateur de l’asbl Le Marronnier en 1989, il écrit et photographie en autodidacte, une passion pour les mots et l’image qui lui a valu l’appui de la Fondation belge de la Vocation et de la Fondation Spes.


Dernières nouvelles du Monde…

DUFRESNE : Greta Thunberg, un engagement enraciné

Temps de lecture : 2 minutes >
Greta Thunberg (15) devant le parlement suédois le 30 novembre 2018 : “L’école fait grève pour le climat” © Hanna FRANZEN / TT News Agency / AFP
“Vous n’êtes pas assez mûrs pour voir les choses comme elles sont.

Je suis encore sous le choc de ce reproche de la jeune suédoise, mondialement connue depuis la marche d’étudiants de 120 pays, le 15 mars 2019. Je dirai plus loin les raisons de ce choc. Je veux d’abord souligner le fait que l’engagement de Greta a des racines profondes. Les Thunberg sont en effet des descendants de Svante Arrhenius, […] raison pour laquelle le père de Greta porte aussi le prénom de Svante. Arrhenius (1859-1927), prix Nobel de chimie 1903, a été le premier à quantifier le lien entre le CO2 et le réchauffement climatique. Le père de Greta devait préciser que les découvertes de l’ancêtre avaient résisté au temps, à ceci près qu’il prédisait que le taux de réchauffement actuel n’adviendrait que dans 2000 ans.

À noter aussi que c’est à Stockholm que les Nations unies ont choisi de tenir, en 1972, la première grande conférence sur l’environnement. À ce moment, on savait déjà l’essentiel sur les changements climatiques. Voici ce qu’écrivaient René Dubos et Barbara Ward dans Nous n’avons qu’une terre (Paris : J’ai lu, Coll. Découvertes, 1972), le rapport publié juste avant la conférence. Ce rapport, Greta l’a sans doute découvert dans la bibliothèque familiale. Je cite : “En ce qui concerne le climat, les radiations solaires, les émissions de la terre, l’influence universelle des océans et celle des glaces sont incontestablement importantes et échappent à toute influence directe de l’homme. Mais, l’équilibre entre les radiations reçues et émises, l’interaction de forces qui maintient le niveau moyen global de température semblent être si unis, si précis, que le plus léger changement dans l’équilibre énergétique est capable de perturber l’ensemble du système. Le plus petit mouvement du fléau d’une balance suffit à l’écarter de l’horizontale. Il pourrait suffire d’un très petit pourcentage de changement dans l’équilibre énergétique de la planète pour modifier les températures moyennes de deux degrés centigrades. Si cette différence s’exerce vers le bas, c’est le retour à une période glaciaire; au cas contraire, un retour à une terre dépourvue de toute glace. Dans les deux cas, l’effet serait catastrophique. »

À cette époque, il suffisait de connaître le cycle du carbone, tel qu’on l’enseigne dans les écoles secondaires, pour vouloir mettre au plus vite un terme à l’économie d’extraction, expression que René Dubos, lui-même un scientifique de premier ordre, utilisait pour désigner une paresse de la science plutôt qu’un accomplissement…”

Lire l’article de Jacques DUFRESNE  sur AGORA.QC.CA (17 mars 2019)


D’autres explications du monde…

KRAUSE : Chansons animales & cacophonie humaine

Temps de lecture : 3 minutes >
ISBN 978-2-330-06326-9

Pour la plupart d’entre nous, le monde acoustique a toujours été insaisissable -une entité sans forme et sans contour, invisible et intangible- et l’ouïe, le “sens fantôme”. En dehors des écrits sur la musique, il existe peu de mots pour expliquer la large palette d’attributs exprimés par le son, notamment dans ce domaine émergent qu’est la bioacoustique (soit l’étude des sons produits par des animaux). Et pourtant, le son s’insinue de diverses manières dans presque tous les aspects de notre vie : de connexion primale au monde naturel, il a évolué pour devenir expression musicale et langage, préservation des sons sur des supports d’enregistrement, et vacarme informe que nous, êtres humains, produisons par nos rituels quotidiens. Fait étonnant, ce n’est que récemment que nous avons pris conscience de ces liens spéciaux : nous commençons à comprendre que des caractéristiques du paysage sonore façonnent des disciplines aussi variées que la médecine, la religion, la politique, la musique, l’architecture, la danse, l’histoire naturelle, la littérature, la poésie, la biologie, l’anthropologie et les études en environnement. C’est sur l’analyse de ces connexions que repose un tout nouveau domaine de recherche : l’écologie des paysages sonores.

Les sources sonores superposées entendues par les premiers hommes, dans l’Afrique subsaharienne, étaient composées de signaux complexes. Certains revêtaient un aspect spirituel. D’autres fournissaient des informations sur les lieux, les émotions, l’état d’avancement de la chasse, la guérison. Beaucoup poussaient les hommes à chanter et à danser. Ces signaux étaient une évidence pour les premières sociétés mais, lorsque nos vies sont devenues plus urbaines, les liens qui nous unissaient à ces guides du monde naturel ont commencé à perdre leur sens, jusqu’à être purement et simplement ignorés. Depuis le début de ce rejet progressif, plusieurs milliers d’années se sont écoulés avant que l’importance de ces sons dans la culture occidentale revienne de nouveau sur le devant de la scène. A la fin des années 1970, le compositeur et naturaliste canadien R. Murray Schafer a inventé le mot soundscape, “paysage sonore”, pour désigner les multiples sources sonores qui parviennent à nos oreilles. En y accolant le terme “écologie”, j’ai pour projet de décrire les nouveaux outils qui sont à notre disposition pour évaluer les paysages vivants et les environnements marins du monde, en grande partie grâce à leur voix collectives.

Ce livre tente de répondre à cinq questions fondamentales, liées par un fil temporel, qui examinent les connexions unissant les êtres humains à leur environnement acoustique, de la fin du Pléistocène à nos jours, avant de lancer quelques pistes sur l’évolution future de ces liens.

  1. Comment l’expression “paysage sonore” a-t-elle évolué ?
  2. Comment les paysages sonores ont-ils façonné notre culture ?
  3. De quelles manières la technologie a-t-elle influencé l’avenir de ce champ d’étude ?
  4. En quoi différents points de vue (humains ou autres) révèlent-ils de nouvelles tendances dans cette discipline ?
  5. Quelles sont les applications futures possibles ou probables du paysage sonore dans les disciplines influencées par ce domaine ?

Depuis le moment où nous, les hommes, avons occupé les forêts et les plaines africaines jusqu’à notre exploration des régions les plus reculées de la planète, les sons qui nous entourent ont stimulé et peuplé notre imaginaire. Et parce que les universitaires tout comme les simples amateurs disposent aujourd’hui des moyens technologiques leur permettant de capter et de stocker du son, nous pouvons nous engager sur le chemin de la compréhension des paysages sonores. Ce sont des hypothèses pour les années à venir que je propose ici…

KRAUSE Bernie, Chansons animales et cacophonie humaine, Manifeste pour la sauvegarde des paysages sonores naturels (Arles, Actes Sud Nature, 2016)

“Depuis 1968, Bernie Krause parcourt le monde afin d’enregistrer les sons venant des paysages les plus reculés, des habitats naturels en voie de disparition et des espèces animales les plus rares. Par le biais de son association Wild Sanctuary, il a collecté les paysages sonores de plus de deux mille écosystèmes différents, aussi bien marins que terrestres.
Au travers d’exemples forts et d’histoires percutantes, Krause a construit un manifeste visant à la reconnaissance et à la protection de ces espaces sonores.
Dans son précédent ouvrage, Le Grand Orchestre animal, Krause avait attiré l’attention du lecteur sur ce que Jane Goodall décrit comme les harmonies existantes dans la nature et qui ont été détruites une à une par l’action des hommes. Dans ce nouveau livre, il défend l’idée que les secrets du monde naturel, compris dans un environnement acoustique de plus en plus restreint, doivent être préservés, non seulement dans un intérêt purement scientifique, mais également dans le but de conserver notre héritage culturel et le bien-être physique et spirituel de l’humanité…” (Actes Sud)

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