OTTE : Le sauvetage des vestiges de la Place Saint-Lambert à Liège (CHiCC, 2018)

Temps de lecture : 3 minutes >
Fouilles de la place Saint-Lambert © Lily Portugaels

“Archéologues et historiens furent plongés au cœur d’un véritable combat, en juin 1977, en faveur des fouilles entreprises pour sauvegarder les vestiges de l’histoire de Liège. Jamais alors je n’aurais imaginé devoir m’allonger entre la lame d’un bulldozer et un sarcophage carolingien afin d’éviter son arasement. Tous les niveaux de pouvoir – communal, régional, national – étaient contre ces défenseurs du passé mais, soutenus par la presse et par la population, ils purent enfin faire changer d’avis les politiciens versatiles au vu de l’importance des découvertes.

En effet, ces fouilles, au départ, n’avaient reçu aucune autorisation. Avec l’architecte Claude Strebelle, un caisson souterrain fut conçu où ces vestiges seraient enfin sauvegardés. Le premier juin 1977, sans autorisation officielle donc, Mlle Danthine, Mme Gheury, le professeur Stiennon, M. Otte et une fidèle équipe entamèrent le bitume. Des prédécesseurs avaient découvert, en 1907, les restes d’un habitat rubané (néolithique, VIe millénaire) sous des fondations romaines. En fait, ce site constitue les témoins du passé de Liège car des traces d’ occupation datent de circa 5.350 ans avant notre ère.

Il semble que des nomades aient occupés les lieux et, voyageant puisque nomades, se soient réinstallés en l’endroit avant de devenir sédentaires. Un immense bâtiment romain y fut construit par la suite, en terrasses, afin de contrer la faible pente de la Place. Cette villa romaine pose un problème car, en général, ce genre d’importante construction romaine se situait sur une hauteur entourée de terres arables, ce qui n’est pas le cas de lieu. La réutilisation de la villa à l’époque mérovingienne est également attestée (transformations et agrandissements, Ve siècle).

V. Tahon, Ruines de la cathédrale Saint-Lambert © Musée Curtius

Par après, des maisons furent bâties au nord de la villa tout en respectant son orientation topographique, une cuve baptismale fut installée dans un bâtiment cruciforme greffé sur la villa romaine sur son flanc nord (église mérovingienne). De la céramique et des petits objets, monnaie, fragment de calice, pince à épiler sacerdotale, placent l’ensemble des ces bâtiments mérovingiens entre les VI e et VIIe siècles. Après l’assassinat de l’évêque Lambert, vers 705, toutes ces constructions furent détruites, la villa arasée et le baptistère comblé. Le successeur de Lambert, l’évêque Hubert, y fit construire une vaste église dédicatoire en l’honneur de son prédécesseur. Les raids normands auraient incendié cette construction et la cathédrale, dite de Notger (XIe siècle), détruisit tous les vestiges antérieurs. Ce magnifique édifice fut saccagé à la fin du XVIIIe et ses ruines arasées en 1820.

Il semble que la sacralité d’un lieu, étalée sur des périodes différentes, l’ait emporté sur la logique architecturale et que ce lieu, sauvé in extremis, soit le cœur historique de notre ville. Une fois de plus, mais cette fois avec un certain succès, il a fallu défendre les témoins de notre passé contre les prédateurs. En effet, tous les bâtiments encadrant la place en surface furent rasés : le Gymnase, le joli théâtre à l’italienne, le Tivoli, la rue Sainte-Ursule et toutes ces maisons du XVIIe et du XVIIIe restées intactes jusqu’en 1980. Liège, que d’erreurs n’a-t-on pas commises en ton nom et au nom d’une prétendue “modernité” !”

d’après Marcel OTTE

En 2000, le chœur de la cathédrale saint-Lambert avait été reconstitué pendant quelques semaines… © Claude Warzée

 

La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte de Marcel OTTE a fait l’objet d’une conférence organisée par la CHiCC en avril 2018 : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne

Plus de CHiCC…

LANNEAU : La vie à Liège entre les deux guerres (CHiCC, 2018)

Temps de lecture : 4 minutes >
© rtbf.be

En 1918, Liège sort meurtrie tant moralement que matériellement. Le vieux gouverneur Delvaux de Fenffe peut saluer la délivrance alors que le Roi et la Reine visitent la Cité Ardente le 29 novembre. Le bilan matériel est lourd pour la province : 1.202 fusillés, 3.127 immeubles incendiés, la population passant de 173.800 habitants en 1914 à 163.000 en 1920. L’économie est touchée, les entreprises ne pouvaient fonctionner sans autorisation (arrêté de 1917) et les Allemands avaient démonté, pillé ou détruit des installations et du matériel.

Le secteur charbonnier, moins touché, est vieilli et la reconstruction de l’appareil industriel ne s’accompagne pas d’une rationalisation réelle du secteur sidérurgique. Dans l’entre-deux-guerres, l’industrie recule. Les séquelles psychologiques -souvenirs de la tragédie pieusement entretenus- font que la Ville rebaptise des lieux (place Foch, rue Clémenceau, place du Vingt-Août), construit des monuments (Mémorial interallié début 1928) en mémoire et engendre une farouche germanophobie. La francophilie se fait débordante et le Président Poincaré remet la Croix de la Légion d’honneur (obtenue en 1914). On célèbre le 14 juillet, les réceptions franco-belges se multiplient, on diffuse la pensée et les arts français. Telle est l’atmosphère de Liège dans ces premières années de l’après-guerre.

Quant à la politique locale, historiquement Liège est dominée par le parti libéral (bourgmestre libéral de 1830 à 1940), doit composer avec les catholiques mais aussi avec les socialistes depuis l’élargissement du droit de suffrage en 1895. L’évolution, résumée, sera la suivante :

  • 1921 : Parti ouvrier belge (POB) 38%, catholiques 31%, libéraux 29%, bipartite libéraux -catholiques ;
  • 1926 : situation financière difficile ; recul libéral de 2 sièges, recul idem  des socialistes (parti communiste apparaît) et gain de 2 sièges pour les catholiques. Bipartite reconduite et Xavier Neujean est bourgmestre. A la Province, majorité socialiste (gouverneur socialiste).
Reconstruction du Pont des Arches © MET

Dans les années vingt, la Ville et la Province construisent une politique de préoccupations sociales (écoles, bibliothèques, activités d’éducation populaire, intercommunales -ALE, CILE-, logements sociaux). Suite aux inondations du 1er janvier 1936, 42 stations de pompage sont construites  (de 1931 à 1938). En 1930, l’Exposition internationale à Liège ne séduit pas pleinement (7 millions de visiteurs contre 12 attendus) mais donne à Liège l’occasion de mener de grands travaux : on reconstruit le Pont des Arches et le pont Maghin, on rénove les gares du Palais et des Guillemins, on crée le pont de Coronmeuse, le pont-barrage de Monsin et on entreprend les travaux du canal Albert (10 ans de travaux, 12.000 ouvriers).

En 1930, Liège est une ville active et dynamique, 5 journaux quotidiens, théâtres, nombreux cinémas, musées et galeries, le Val-Benoît (1931 à 1937). Néanmoins, la population étudiante est en stagnation par rapport à 1914 et subit une diminution des étudiants étrangers dans les années 1930. Un déclin est entamé, le krach de Wall Street (1929) engendre, vers 1931, une déflation : les salaires et allocations diminuent, le chômage devient massif en 1932 et 1933, les charges pour la Ville et l’assistance publique sont multipliées par 40 en 3 ans et, en 1934, le budget communal est déficitaire de 8 millions.

En 1940, le mali du budget ordinaire sera de plus de 80 millions. Les grands secteurs économiques liégeois sont touchés, plusieurs banques disparaissent. Le secteur minier est recentré (pertes d’emplois) et, à l’été 1932, un mouvement social très dur sévit (arrestation de Julien Lahaut). En 1936, Hitler viole traités de Versailles et Locarno en remilitarisant la Rhénanie et s’installe chez nous le parti fasciste de Léon Degrelle [Rex], les partis traditionnels reculent, les communistes gagnent 15% et les rexistes 22%. La bipartite POB-PL de 1932 n’est pas reconduite mais bien une coalition inédite de type “Front populaire” (POB et communistes). 1936 est marquée par d’importants mouvements de grève et incidents pour l’obtention des congés payés, la semaine des 40 heures, augmentation des salaires et liberté syndicale. En 1938, “Liège devait être la citadelle du rexisme, elle a été son Waterloo” dira Georges Truffaut suite à l’échec des rexistes, une tripartite libéraux-socialistes et catholiques est décidée.

Les anciens Bains de la Sauvenière © mnema.be

Depuis les années 30, Liège a lancé de grandes opérations urbanistiques dont Truffaut fut le principal artisan (décédé en 1942 au Royaume-Uni) : le nouveau pont de Longdoz, les Bains de la Sauvenière, le Lycée Léonie de Waha, le port autonome, le Grand Liège et l’Exposition internationale de l’Eau (mai 1939) qui fermera “provisoirement” en signe de deuil suite à l’explosion des ponts d’Ougrée et du Val-Benoît, faisant 17 morts et des dizaines de blessés, mais ne rouvrira jamais. Ces ponts, minés, ont été touchés par la foudre. Le 1er septembre 39, la guerre éclate et la Belgique se proclame neutre, mais Liège prend fait et cause pour la France contre la politique de Léopold III. Le bourgmestre Neujean et l’échevin Buisseret ont choisi Paris et non Berlin. Dans cette course folle des événements, les Liégeois savent d’où viendra le danger. Le 10 mai 1940, les armées allemandes envahissent la Belgique et neutralisent le fort d’Eben-Emael, supposé imprenable. Elles s’installent à Liège le soir du 11. L’Occupation a commencé.

Catherine LANNEAU


La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte de Catherine LANNEAU a fait l’objet d’une conférence organisée par la CHiCC en février 2018 : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne

Plus de CHiCC ?

 

HAMAL : La place de Bronckart (CHiCC, 2018)

Temps de lecture : 3 minutes >

Place de Bronckart (vue aérienne) © André Drèze

L’histoire de la place de Bronckart et des rues avoisinantes : une raison et/ou un intérêt particulier sont les incitants qui peuvent vous décider à écrire un livre sur un sujet précis ; en l’occurrence ici la place de Bronckart (initialement dénommée place des Guillemins, de 1857 à 1885) et les rues directement avoisinantes: Fabry, Dartois, Simonon, de Chestret, de Rotterdam (de la Paix), des Ixellois (du Midi), Sainte-Véronique et la place du même nom, Hemricourt et la dernière née, la rue de Sélys.

Le fait […] d’y avoir ses bureaux en sont les raisons principales mais il y a aussi une curiosité permanente pour l’histoire de Liège, grande ou petite et de découvrir – ou redécouvrir – un certain nombre d’aspects oubliés ou méconnus.

Victor Rogister, Maison Piot, rue de Sélys

Ceci d’autant plus qu’entre le clos de Guillemins, acheté en 1798 par Marguerite Fabry-Bertoz, et la place de Bronckart que nous connaissons aujourd’hui, il fallut plus d’une centaine d’années et bien des péripéties, notamment devant le Conseil communal de Liège. Les derniers immeubles de la place ne seront érigés qu’au début du XXe.

Par contre de nombreuses précisions inédites ont été trouvées sur le contexte particulier qu’a connu le couvent des Guillemins durant la seconde moitié du XVIIIe siècle et les circonstances qui ont conduit à sa disparition.

Il en va ainsi, par exemple, de la Papeterie de la Station située au bout de la rue du Plan Incliné, à cheval entre la rue Hemricourt et la rue de Chestret, et sur une des extrémités de l’actuelle rue de Serbie qui n’existait pas encore. Serrurier-Bovy y eut ses ateliers et magasins fin du XIXe – début du XXe siècle.

Place de Bronckart © itsalichon.com

Dans un passé plus récent, qui se souvient encore que la première implantation des Hautes Etudes Commerciales et Consulaires (HEC) se trouvait rue Fabry au n°12 et leur premier mobilier dessiné par l’architecte Arthur Snyers.

Plus tragiquement, nous savons enfin ce qui s’est réellement passé fin 1944 début 1945, plusieurs immeubles de la rue Dartois étant détruits par des bombes, et de découvrir les immeubles qui existaient avant dont une réalisation inconnue de l’architecte Clément Pirnay.

Mais au-delà des textes, ce sont les illustrations qui sont importantes, la plupart d’entre elles sont inédites. Enfin, nous aurions pu dans le cadre du présent ouvrage, nous étendre plus longuement sur l’architecture tant extérieure qu’intérieure des immeubles de la place de Bronckart et des rues concernées et ce d’autant plus que des architectes de renom y ont laissé des traces comme Paul Jaspar, Clément Pirnay, Arthur Snyers et Victor Rogister. Le temps et l’espace nous ont manqué.

Olivier HAMAL

“Place de Bronckart à Liège. Petites et grandes Histoires”. Co-édition des Presses Universitaires et des Editions de la Province de Liège avec le soutien de l’Agence Wallonne du Patrimoine.

 


La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte de Olivier HAMAL a fait l’objet d’une conférence organisée par la CHiCC en novembre 2018 : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne

Plus de CHiCC ?

ENGLEBERT : Quelques visions pour un avenir liégeois radieux (CHiCC, 2019)

Temps de lecture : 4 minutes >
Vue de Liège © Philippe Vienne

Où en est l’idée de faire de Liège une métropole régionale ?

“Etre une métropole, c’est remplir une mission, exercer une fonction, répondre à des besoins multiples, pour une et même plusieurs régions ; c’est aussi refuser de se laisser porter par une décision extérieure, c’est choisir son destin, consentir aux efforts financiers nécessaires. N’est pas une métropole qui veut, mais il faut aussi vouloir l’être.”

C’est ainsi que, dès 1964, à l’époque du colloque “Liège en l’an 2000”, Olivier Guichard, délégué général à l’aménagement du territoire de la République française définissait la métropole. La France, au 1er janvier 2018, en comptera dix-neuf dont dix-sept de droit commun (Bordeaux, Brest, Dijon, Grenoble, Lille, Metz, Montpellier, Nancy, Nantes, Nice, Orléans, Rennes, Rouen, Saint-Étienne, Strasbourg, Toulouse et Tours) et deux à statut particulier (Aix-Marseille et Paris).

Mon projet, hier et aujourd’hui

Le projet présenté au cours du colloque “Liège en l’an 2000” avait été ratifié par l’ensemble des membres de l’association avant d’être exposé à l’important public présent. Il comportait un plan global de circulation tirant parti du réseau ferré qui irrigue la ville et sa région en y superposant différentes voies et systèmes nouveaux pour assurer la mobilité des habitants et des usagers. Routes et autoroutes, métros lourd et léger, téléphériques, trottoirs roulants, rues réservées aux piétons permettaient à quiconque, par dessus les voies ferrées, tous les déplacements sans contrainte.

Le projet repensait complètement les réseaux de transport en commun (T.E.C.). Les circuits empruntés par ces derniers étaient tous conçus en boucle plutôt qu’en ligne. Il est bien connu que tous les circuits établis selon une boucle fonctionnent partout de manière optimale. Il suffit de songer à la Circle Line à Londres, à la Maranouchi Line à Tokyo et tout simplement au tram 4 à Liège pour en être convaincu. Jamais à ma connaissance, aucun spécialiste n’a tenté de dresser une carte des TEC dans une ville en se basant sur cette idée qui pourtant, si elle était appliquée et généralisée, faciliterait grandement la circulation dans la ville et dans son agglomération.

Projet Safège Liège © safege.org

Des systèmes nouveaux de transports en commun utilisaient, selon les distances à desservir, deux types de boucles : des grandes et des petites. Pour les grandes boucles, un métro suspendu appelé Safège, mis au point par la firme française éponyme, et pour les petites des cabines de la taille d’une 2CV Citroën à 4 places assises circulant sur le sol ou sur des rails surélevés, ces engins nouveaux se déplaceraient à la demande de manière automatique comme il en est des ascenseurs. Lorsque les pentes étaient fortes et particulièrement longues, des téléphériques comme il en existe dans les stations de sport d’hiver, étaient proposés.

Un usage différent de l’automobile était préconisé : interdites d’accès dans la ville, les voitures devaient être rangées dans de vastes parcs à étages à l’endroit des gares et au périmètre des centres denses. De là, les automobilistes empruntaient des navettes ou des TEC pour rejoindre leur destination.

Il faut rappeler qu’avant la Seconde Guerre, les rues dans les villes servaient principalement et presqu’exclusivement à la circulation. Le stationnement y était toléré, mais il n’était pas admis qu’un habitant de la rue puisse laisser sa voiture en permanence devant chez lui et s’arroger le droit d’occuper la voirie comme cela est devenu le cas aujourd’hui. Ce droit, moyennant une redevance annuelle, a progressivement été reconnu et s’est généralisé à la ville entière. Lorsque les maisons familiales ont été remplacées, durant les années 60, par des bâtiments à appartements, les artères quelles qu’elles fussent se sont révélées insuffisantes pour garer les voitures et des emplacements ont été prévus pour elles au détriment des espaces verts.

Des mesures auraient du être prises à cette époque pour contraindre les propriétaires de véhicules à justifier de garages sous leur “building” : les rues sont faites pour circuler et non pour être encombrées ou obstruées, sinon la circulation devient très difficile et même impossible. Ceci devient le cas pour beaucoup de rues et il est étonnant que les pompiers n’exigent pas le retour à la situation antérieure, comme ils exigent la fermeture des bâtiments quand ceux-ci ne satisfont plus aux nouvelles normes. En effet, le stationnement des voitures tout au long, et même de chaque côté des rues, est de plus en plus admis ; l’espace pour circuler se trouve alors réduit à 2m50 et il interdit certaines manœuvres aux grands véhicules ou aux bus.
Faut-il rappeler que de telles règles existent, notamment au Japon, où le stationnement dans les rues est strictement interdit ?

Quant aux surfaces importantes des différentes gare existant encore à l’époque, elles étaient couvertes par de vastes dalles étagées qui supportaient des logements nouveaux et des équipements publics mal répartis dans la ville. Ces derniers donnaient naissance à des activités nouvelles dans les quartiers environnants.

C’est ainsi qu’au-dessus des Guillemins, des logements et un ensemble de locaux pour le Ministère des Finances étaient prévus, facilitant ainsi des relations directes entre les fonctionnaires locaux et leurs homologues bruxellois.

Lire plus dans les actes du colloque “La Fabrique des Métropoles”
(Liège, 2017)

Jean ENGLEBERT


La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte de Jean ENGLEBERT a fait l’objet d’une conférence organisée par la CHiCC en janvier 2019 : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne

Plus de CHiCC ?

HALMES : L’axe du 3e millénaire à Liège (CHiCC, 2019)

Temps de lecture : 6 minutes >
Panorama vers la gare, la tour des finances et la Boverie, depuis Cointe © Philippe Vienne

Depuis le début du 3ème millénaire, l’axe Guillemins-Boverie jusqu’aux quais de la Dérivation connaît un profond renouvellement. Des architectures résolument modernes y sont développées. Appel est fait à des architectes de renom qui s’y distingueront aux côtés de bureaux d’ingénierie de réputation internationale. Cette promenade nous emmènera le long de ce nouvel axe contemporain.

Tout d’abord, la gare des Guillemins. La nouvelle construction est rendue nécessaire par la volonté d’accueillir les trains à grande vitesse dans la cité mosane et par la vétusté de l’ancienne gare. C’est l’architecte Santiago Calatrava Valls qui est retenu pour réaliser ce qui deviendra la gare blanche, la cathédrale de verre. Relevant de l’architecture organique, la construction se caractérise par la ligne courbe. Calatrava la voit comme “la belle endormie au pied de la colline”.

65.000 m3 de béton, 10 000 tonnes d’acier et 3 ha de verre seront nécessaires à la construction. Cette prouesse d’ingénieurs se réalisera sans interruption du trafic ferroviaire. Les 39 arcs de 160 m seront placés par-dessus les voies, à l’aide de vérins, au cours de poussages successifs. Le pont haubané d’accès, à l’arrière de la gare, représente lui aussi un défi pour les ingénieurs : son tablier est courbe et en déclivité.

La gare et l’esplanade © Philippe Vienne

Il s’agit d’une gare, mais avant tout d’un signe architectural. Calatrava la voit comme le signe de l’ouverture de Liège sur son avenir. La belle endormie ne demande qu’à se réveiller. Gare sans façade, les nouveaux Guillemins sont tout en transparence. Depuis Cointe, nous pouvons aisément la traverser et aboutir à la nouvelle esplanade dessinée par le bureau Dethier. Cette place triangulaire avec ses bassins, ses jets d’eau, ses bambous et autres plantations, est aussi le lieu de passage des bus et bientôt du tram.

La tour des finances depuis le parc de la Boverie © Philippe Vienne

Second bâtiment d’importance : la tour des finances. Sur notre trajet vers cette plus haute tour de Wallonie, évoquons le futur Paradis Express, un nouvel éco-quartier avec toitures verdurisées, avec bâtiments de hauteurs dégradées, depuis la tour jusqu’à la gare pour évoquer les collines environnant Liège. La Design Station Wallonia, vitrine de la promotion du design en Wallonie, se veut un signe architectural fort dans le quartier avec son porte-à-faux au-dessus de la voirie.

La tour des finances – ou tour Paradis – domine le paysage avec ses 28 étages et ses 136 m de hauteur. Faite de béton et de verre, sa forme évoque un bateau descendant la Meuse. Elle est l’œuvre du bureau d’architecte Jaspers-Eyers. S’y regroupent plus de 1.000 fonctionnaires.

“La Belle Liégeoise” et la Tour cybernétique © Philippe Vienne

En nous dirigeant vers le parc de la Boverie, se dessine devant nous le nouveau boulevard urbain. S’étendant du pont de Fragnée jusqu’à l’Évêché, il rend les quais de Meuse aux Liégeois en ralentissant la circulation, par l’aménagement de nouveaux espaces verts et d’une promenade pour la circulation douce le long du fleuve.

La passerelle La Belle Liégeoise a été inaugurée le 5 mai 2016. Cette “belle Liégeoise” désigne Anne Josèphe Terwoigne de Méricourt. Originaire de chez nous, elle s’est distinguée pendant la Révolution française par sa lutte pour les droits démocratiques et les droits des femmes. Deux cents ans après sa mort, les autorités liégeoises ont voulu rendre hommage à une femme qui s’est battue pour la liberté.

La passerelle, réalisée par le bureau Greisch, est constituée d’une structure d’acier sur laquelle est posée un plancher de bois. Elle est d’une longueur de 294 m dont 163 au-dessus du fleuve. Deux descentes conduisent vers le parc dont l’une est particulièrement destinée aux usagers à mobilité réduite.

Tour cybernétique de Nicolas Schöffer © Philippe Vienne

Jetons au passage un regard à la tour de Schöffer, un chef d’œuvre de l’art cybernétique. Réalisée en 1961, classée au patrimoine exceptionnel de Wallonie en 2009, elle a été restaurée, par le bureau Greisch également, qui la dote des technologies les plus modernes. La tour s’anime à nouveau depuis 2016 de mouvements, de sons aléatoires et de lumières.

Le musée de la Boverie, lui aussi, a connu une rénovation qui lui donne une nouvelle vie. Conçu en 1905 pour l’Exposition universelle, le Palais des Beaux-Arts sera un des seuls bâtiments qui lui survivront. Œuvre des architectes Hasse et Soubre, il relève de l’éclectisme et s’inspire du Petit Trianon. Sa rénovation est décidée en 2013 en vue d’en refaire le musée des Beaux-Arts de Liège, en collaboration avec le Louvre.

La Boverie © visitezliege.be

La travail est confié à l’architecte Rudy Ricciotti, connu pour son travail particulier du béton et son souci d’inscrire son œuvre dans le cadre qui lui est propre. C’est ainsi que peu sera modifié à l’extérieur du bâtiment historique dont le sol sera creusé afin d’y dégager un espace pour les collections permanentes. Une grande salle vitrée de 1200 m2 sera construite à l’est du bâtiment, là où se trouvait un mur aveugle. Cette salle est soutenue par 21 colonnes de béton travaillées comme des arbres, des arbres du parc que les hautes fenêtres peuvent refléter. Au sud est ajouté un plan d’eau, miroir à la fois du bâtiment et de la verdure environnante.

De l’autre côté de la Dérivation, se détachent les arcs de couleur rouge de la Médiacité. Construit sur les friches de l’Espérance-Longdoz, cet ensemble architectural avait pour but de rendre une nouvelle vie à un quartier précédemment voué à l’activité industrielle, ce que rappelle la Maison de l’Industrie et de la Métallurgie toute voisine. Ce projet, né au début des années 2000 comme un complexe de cinémas, mettra un certain temps à voir sa réalisation. Et c’est largement modifié qu’il verra le jour, associant à cet endroit une galerie commerciale, une patinoire et les nouvelles installations de la RTBF.

Médiacité © Philippe Vienne

Chargé du projet de la Médiacité, le bureau Jaspers et Eyers fera appel à un architecte de réputation internationale, Ron Arad, pour donner à la construction sa touche de modernité. C’est lui qui concevra le passage de 360 m qui serpente à travers la galerie, terminé par les arcs de couleur rouge, qui en fait l’originalité. La couverture de cette voie est faite d’une structure métallique de poutres entrecroisées recouvertes d’un matériau léger, isolant et transparent.

La patinoire voisine est accessible par l’intérieur de la galerie. De dimensions olympiques, il s’agit de la plus grande patinoire de Wallonie. De l’extérieur, elle fait penser à une baleine, car elle est couverte de milliers d’écailles d’aluminium dont le rôle est de donner la brillance, mais surtout d’assurer l’isolation notamment acoustique.

Tout à côté s’érige Médiarives, le nouveau site de la RTBF. Ce bâtiment a été voulu tout en sobriété et en transparence, comme se veut le service public. Il comprend bureaux et studios, dont le plus grand studio de Wallonie (500 places) où l’on enregistre entre autres l’émission “The Voice”.

Nous avons ainsi parcouru cet axe du 3e millénaire, où les réalisations les plus modernes s’inscrivent dans un paysage urbain riche de son passé centenaire et où les voies de circulation automobile s’interrompent pour laisser place à des espaces verts et à des promenades piétonnières.

Brigitte HALMES


La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte de Brigitte HALMES a fait l’objet d’une conférence organisée en avril 2019 par la CHiCC : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne

Plus de CHiCC ?

«Ugly Belgian Houses», le livre et le site qui compilent les audaces architecturales en Belgique

Temps de lecture : 2 minutes >
© Hannes Coudenys

“Hannes COUDENYS a parcouru la Belgique en quête des maisons les plus laides, qu’il a publiées sur son blog. Son travail vient de paraître en livre. L’architecte anversois Renaat Braem, qui avait été l’élève de Le Corbusier, égratignait la Belgique comme étant « le pays le plus laid du monde ». Un avis sans appel, que nuance l’artiste allemand David Helbich, auteur d’une page Facebook et d’un livre « Belgian Solutions », dans une série de documentaires sur l’architecture belge diffusés en mai sur Canvas  : « La question n’est pas de savoir si Bruxelles a une identité, c’est une mosaïques d’identités »…

Pourtant, force est de constater que le pays est à l’avenant de la capitale, où l’architecture frise parfois le mauvais goût, voire le très mauvais goût ou l’absurde bien de chez nous. Un simple coup d’œil au Tumblr du blogueur flamand Hannes Coudenys suffit à nous en convaincre : en Belgique, le laid tient le haut du pavé. Et comme le Belge a une brique dans le ventre, les rues sont bordées d’édifices vilains ou surprenants.

ISBN 9789089315199

Suivant le même chemin que David Helbich à la recherche de l’improbable dans nos rues, Hannes Coudenys a parcouru notre plat royaume à la recherche des maisons les plus laides ou surréalistes, qu’il a photographiées sans relâche pendant 4 ans pour les publier dans son Tumblr et sur son compte Instagram. Son travail vient d’être repris dans un livre (vendu depuis ce mercredi dans le prestigieux concept store parisien Colette), intitulé Ugly Belgian Houses – Don’t try this at home…”

Lire la suite de l’article d’Anne-Sophie LEURQUIN sur LESOIR.BE (21 mai 2015)


Plus de presse…