[RTBF.BE, 8 octobre 2024] Revenir relaxé d’une promenade en forêt à l’automne. S’endormir avec le son de la pluie sur du feuillage. S’apaiser au contact visuel de la couleur verte. Inhaler des essences aromatiques pour se soigner. Ces vertus de la nature ne sont pas qu’empiriques. La science le prouve : les interactions sont physiologiques et mentales. Il serait bon d’offrir une routine ‘nature’ à nos cinq sens chaque jour. Tendances Première fait le point des avancées de la recherche avec Kathy Willis, professeure de biodiversité à l’Université d’Oxford.
Depuis quelques années, Kathy Willis, à travers ses recherches, prouve le lien entre notre fréquentation des espaces verts et la qualité de notre santé, notre humeur et notre longévité. Notre corps et notre mental réagissent positivement au contact avec la nature. Ce sont à la fois des cliniciens, des psychiatres, des médecins en laboratoire qui démontrent les modifications importantes qui interviennent dans notre organisme lorsque nous avons une interaction avec la nature.
Naturel. Pourquoi voir, sentir, toucher et écouter les plantes nous fait du bien est publié aux éditions du Seuil, son auteure expose ces récentes découvertes scientifiques : “Ces dix dernières années, il y a eu un bouleversement complet dans la manière d’aborder les études de la nature. Aujourd’hui, on l’étudie dans un but de prescription, de la même manière qu’on va prescrire un médicament chimique. Cela ne concerne pas seulement la santé mentale, il y a aussi un bien-être physique qui est en jeu, par exemple par la baisse de la pression artérielle, du niveau de cortisol, de certains dosages hormonaux.“
Le développement du cancer ralenti par la promenade en forêt
Prenons le cas de l’odorat. Des éléments pénètrent littéralement dans notre organisme lorsque l’on respire une plante. Certains composés vont entrer dans nos poumons, et de là seront transmis à notre réseau sanguin pour atteindre tout le corps. Une fois certains composés présents dans la circulation sanguine, ils vont entrer en interaction avec notre réseau hormonal et fonctionner de la même manière que certains médicaments chimiques. Une étude a été réalisée par l’école médicale Nippone au Japon sur les effets de l’exposition à une certaine essence d’arbre.
“Pour cette étude, des hommes ont dormi pendant trois nuits consécutives dans des chambres d’hôtels séparées. L’odeur de Cyprès a été diffusée dans les chambres. Les mesures de leur pression artérielle et sanguine ont montré qu’au bout de la troisième nuit, leur taux d’adrénaline était abaissé considérablement, et qu’ils avaient en même temps un niveau très élevé de cellules tueuses, les cellules ‘NK’. Ce sont les cellules naturelles qui attaquent les cellules du cancer. Donc évidemment, on a tous envie d’avoir ce genre de cellule tueuse le plus possible dans notre organisme” observe la chercheuse de l’université d’Oxford.
La question suivante était de savoir si l’effet est constaté lorsqu’on se promène en forêt. Une autre étude qui a été publiée dans la revue Oncologie, relate cette observation. Kate Willis en résume les résultats : “La présence de cellules tueuses NK dans l’organisme a été mesurée chez des personnes qui avaient marché pendant sept jours d’affilée dans une forêt de Cyprès. Le résultat est qu’en marchant deux heures par jour dans une forêt de Cyprès, le taux de cellules tueuses avait considérable augmenté. Sept jours plus tard, le taux restait encore très élevé. Cela veut dire que le système immunitaire est stimulé incroyablement pour faire face à des cellules cancéreuses, grâce à de simples promenades en forêt.“
Quand rêvasser en classe devient un booster de performance
Facteur de concentration, regarder par la fenêtre et contempler du vert pendant 90 secondes permet de reprendre la tâche antérieure avec une meilleure performance. Une étude espagnole a été menée auprès de 2500 enfants d’environ huit ans en milieu scolaire. Une partie des classes avait vue sur de la verdure, tandis que les autres n’avaient à voir qu’un sinistre mur. “Sur l’ensemble de l’année scolaire, avec un accompagnement parental semblable pour tous les enfants, on a constaté que les enfants qui avaient regardé de la verdure avaient des performances beaucoup plus fortes que celles des enfants qui regardaient un mur de briques” résume Kathy Willis.
Comment interpréter ce résultat étonnant ? Regarder au loin, à l’horizon, demande une attention moins concentrée, ce qui provoque une espèce de pause technique au cerveau. Lorsqu’on reprend ensuite l’autre type de concentration, l’esprit est plus frais, prêt pour de meilleure performance : “Lorsqu’on regarde l’horizon, on ne regarde pas simplement la couleur, la forme. L’œil va saisir également la dimension fractale de l’horizon. C’est-à-dire un schéma qui se reproduit dans un autre schéma. Prenez une branche d’arbre, par exemple. Si vous la regardez, vous allez voir que cette branche, vous retrouvez également la même forme dans la feuille. Donc vous retrouvez la même structure, de plus en plus microscopique, qui se répète à l’intérieur de la chose que vous regardez. Et lorsque vous appliquez ce principe à l’horizon, on voit que le paysage qui est le plus détendant, qui est le plus bénéfique, c’est un paysage avec une diversité de formes et de couleurs. Avoir des paysages, y compris sur votre écran d’accueil ou sur vos murs, il est prouvé scientifiquement que c’est très bénéfique.“
Au contact de la nature, le microbiome s’améliore
Des bambins à la maternelle ont fait l’objet d’une attention particulière. Surtout leur microbiome, qui fait l’objet de nombreuses études tant elle influe sur notre santé mentale et physique. Dans une étude finnoise réalisée en 2020, les enfants étaient séparés en trois cours de récréation. L’une avec un sol en béton, l’autre avec des matelas et une troisième avec de la terre. Au bout de 28 jours, la peau et les intestins des enfants jouant dans la terre avaient une diversité de bonnes bactéries nettement améliorée.
“Les bonnes bactéries présentes dans la nature étaient passées dans leur système intestinal. Les enfants avaient absorbé ce microbiome environnemental. Lorsqu’on améliore son propre microbiote intestinal, cela déclenche toute une série de choses dans notre métabolisme qui sont très bonnes pour nous. On ne peut pas tout comprendre encore les mécanismes et le phénomène, mais on voit les résultats. Dans le cas de ces enfants-là, on a observé une forte progression des cellules ‘T’ qui permettent de réduire l’inflammation. Des résultats tout à fait semblables ont été observés sur des adultes qui étaient confrontés à un mur végétalisé dans leur bureau. C’est vraiment une découverte extraordinaire, avoir une interaction plus importante avec la nature permet d’absorber le microbiome environnemental qui passe à travers notre peau, mais aussi à travers nos intestins, peut-être probablement par l’inhalation.“
Une amélioration générale de la qualité de vie
Au Pays de Galles, une étude de grande ampleur a été menée en 2023. Deux millions de personnes ont été suivies sur une période de dix ans. L’examen de tous leurs dossiers médicaux a montré sans aucun doute que plus les patients vivent à proximité de la nature, mieux ils se portent, et ce, quelle que soit leur origine socio-économique. Ces découvertes récentes sont essentielles pour déterminer la place que la nature occupe dans nos vies et nos sociétés.
À mesure que nous sommes de plus en plus urbanisés, une chose est évidente, c’est qu’il y a des tas de maladies non transmissibles qui se développent. La corrélation est vraiment très nette. Des cliniciens très en vue disent que couper les gens de la nature n’est pas une bonne chose. L’urbanisme doit maintenir la présence de la nature en milieu urbain en raison de tous les bénéfices que cela entraîne pour notre santé. Et donc, on peut faire entrer la nature chez soi, en ayant des plantes, des diffuseurs par exemple. Introduire un peu de nature dans la maison est quelque chose de très bénéfique et, en plus, c’est gratuit.
Bénédicte Beauloye, rtbf.be
[LIBREL.BE] “Il y a quinze ans, Kathy Willis, professeure à l’université d’Oxford, a lu une étude qui a radicalement changé sa vision de notre rapport à la nature. Cette étude démontrait qu’à l’hôpital, les patients qui venaient de subir une opération se remettaient trois fois plus rapidement quand les fenêtres de leur chambre donnaient sur des arbres et non des murs. Depuis, toutes les recherches de Kathy Willis tendent à prouver ce lien entre notre fréquentation des espaces verts et la qualité de notre santé, notre humeur et notre longévité. Naturel expose ces récentes découvertes scientifiques et nous fait découvrir les changements très simples que nous pouvons tous apporter dans notre quotidien. Le livre fourmille d’idées, aussi étonnantes que pratiques, sur la façon dont la nature peut améliorer la vie. Quelques exemples : saviez-vous que le cèdre accroît le nombre de cellules anti-cancéreuses dans notre système immunitaire ? Ou que toucher du bois nous rend tout de suite plus calme (plus ce bois est noueux, plus c’est efficace) ? Ou encore que le parfum des roses aide à conduire un véhicule de façon plus sereine et plus sûre ? Une seule plante posée sur son bureau peut déjà faire la différence. Katherine Willis est professeure de biodiversité à l’université d’Oxford. Elle a également dirigé le département scientifique des jardins botaniques Kew de Londres.“
Nous allons parcourir les paysages de Cointe à travers les siècles en partant de la plaine de Sclessin pour arriver au terril Piron en suivant un corridor écologique. Les corridors écologiques offrent en effet aux espèces des conditions favorables à leur déplacement (dispersion et/ou migration) et à l’accomplissement de leur cycle de vie. Ils correspondent aux voies de déplacement préférentielles empruntées par la faune et la flore.
Antiquité et Moyen Âge
Il y a 2000 ans, la vallée de Sclessin était marécageuse et la colline était couverte par la forêt d’Avroy, composée principalement de chênes, de hêtres et de frênes.
A partir du Moyen-Âge, Cointe fut partagé entre trois juridictions : la Libre Baronnie d’Avroy et la Seigneurie de Fragnée, qui toutes deux dépendaient de la Principauté de Liège, et l’avouerie d’Ougrée-Sclessin qui dépendait de la principauté de Stavelot-Malmédy. Elle se situait à l’abbaye du Val Benoît.
A partir du 10ème siècle, la vallée fut défrichée et les terrains entourant l’abbaye du Val Benoît furent cultivés ou utilisés comme pâturages. La première mention écrite de la culture de la vigne à Sclessin date de 1092 mais une étude palynologique récente de l’Université de Liège montre que la culture de la vigne sur le versant sud-ouest de la colline remonte à l’époque mérovingienne. Le sol de ces coteaux, composé de schiste, accumulait la chaleur le jour pour la restituer la nuit, créant des conditions idéales pour la viticulture.
La grande forêt d’Avroy était peuplée d’animaux sauvages tels lièvres, renards, chevreuils, sangliers et même quelques loups. A cette époque, les Princes-Evêques de Liège aimaient y chasser.
A partir du 16ème siècle, la colline fut défrichée afin de permettre l’extension des pâturages, des vergers, des vignes, des cultures céréalières, potagères et houblonnières. Une autre cause du déboisement est la fabrication du charbon de bois nécessaire aux forgerons et aux cloutiers. Des meules de carbonisation se situaient à l’actuelle place du Batty.
Si on regarde la carte de Ferraris, ci-dessous, datant de 1778, on observe que le plateau de Cointe est encore à l’époque très peu peuplé et que le paysage est essentiellement champêtre.
Développement industriel
Le sous-sol de la colline était riche en houille et les veines de charbon affleuraient au sol. Le charbon fut exploité initialement à ciel ouvert, puis à partir du 13e siècle, des puits peu profonds appelés bures ont été utilisés. Afin de pouvoir creuser plus profondément, des galeries d’assèchement (arènes) furent creusées pour évacuer les eaux d’infiltration, permettant ainsi une exploitation plus importante des veines de charbon.
Sous le régime français, en 1797, les propriétés de l’abbaye du Val Benoît furent vendues à vil prix, et elles finissent par appartenir à Pierre Joseph Abraham Lesoinne, avocat à Liège. Son fils Nicolas réactiva le charbonnage du Val Benoît en 1824 et une de ses filles, Émilie épousa Édouard van der Heyden à Hauzeur. Il fut le patron à Sclessin du premier moulin à vapeur de Belgique, machinerie au cœur d’une importante minoterie.
Dès 1870, Sclessin va connaître un essor industriel prodigieux en exploitant systématiquement et intensivement le sous-sol grâce à plusieurs sièges charbonniers du Val Benoît.
Cette période fut marquée par une transformation majeure du paysage de la plaine de Sclessin. Les prairies et les cultures disparaissent et, à la fin du 19ème siècle, la culture de la vigne est pratiquement abandonnée. En effet, un parasite, le phylloxéra de la vigne, attaqua les vignes en provoquant une maladie du même nom. De plus, l’industrialisation permit aux entreprises d’offrir des salaires hebdomadaires garantis et un travail à l’abri des intempéries aux fils de vigneron qui abandonnèrent alors le travail de la terre. Dans le même temps, la culture houblonnière, qui permit l’extension florissante de plus de 500 brasseries dans les années 1800, fut atteinte de la rouille et disparut.
Le parc privé
Dès 1876, la famille Hauzeur envisagea la mise en valeur des terrains qu’elle possédait sur le plateau de Cointe avec la création d’un parc résidentiel privé de haut standing. Cette partie de la colline était encore entièrement boisée.
Les travaux débutent en 1881 par l’aménagement des voiries du parc ainsi que la création d’une route en provenance de la vallée, l’avenue des Thermes qui deviendra l’avenue Constantin de Gerlache. L’Institut d’astrophysique, première construction du parc, fut érigé entre 1881 et 1882 selon les plans de l’architecte liégeois Lambert Noppius. Vint ensuite la construction de belles villas dont la villa L’Aube de Gustave Serrurier-Bovy en 1903.
Les laiteries à la fin du 19e siècle sont à la mode et on en trouve plusieurs sur le plateau de Cointe dont la laiterie du Parc. Elles attirent les familles de la bonne société qui viennent s’y restaurer et se distraire.
Dans le parc privé, en 1905, Monsieur Armand de Lairesse installa huit grandes serres à l’arrière de la villa Les Tamaris. Il y cultiva des orchidées qu’il exporta sous forme de fleurs coupées emballées dans du papier de soie et placées dans de grands paniers plats en osier. Elles ont disparu aujourd’hui.
Parc communal de Cointe
Le parc public est créé par arrêté royal du 26 février 1900 en vue de l’exposition universelle de 1905. Il va se situer au lieu-dit Champ des oiseaux qui était encore un endroit assez sauvage avec des champs et des prairies.
Conçu par l’architecte de jardin Louis Van der Swaelmen, le parc se compose d’une section paysagère et d’une zone boisée d’aspect plus sauvage. Il comporte également une rocaille parcourue de sentiers abritant des plantes vivaces aux floraisons colorées. L’avenue de Cointe, rebaptisée en 1921 boulevard Kleyer, est l’une des principales artères du parc, offrant une vue panoramique sur la ville et ses environs.
Il accueillit l’annexe de l’Exposition universelle de 1905, avec le palais de l’horticulture belge. Un vaste terrain fut destiné aux démonstrations d’horticulture et de culture maraîchère, ainsi qu’aux concours agricoles et aux compétitions sportives. Après l’Exposition universelle de 1905, le terrain affecté aux exhibitions sportives servit aux manœuvres de l’armée. Puis la ville le reconvertit en espace public avec pistes d’athlétisme, courts de tennis, hall omnisports et plaine de jeux pour enfants.
La superficie totale de ce magnifique espace vert est de 14,7 hectares et il est aujourd’hui entretenu grâce à une gestion différenciée (fauchage tardif, éco-pâturage, plantes annuelles mellifères, nichoirs, maintien des arbres morts, tonte différenciée, absence de pesticides…) par le service des Plantations de la Ville de Liège. Il contient de nombreux arbres remarquables qui sont exceptionnels par leur âge, leur situation, leur espèce ou leur degré de rareté. La plupart de ces arbres provenaient de contrées lointaines, plantés au 19ème siècle pour instruire ou étonner. Les arbres, aujourd’hui vieillissants, présentant des maladies ou des pourritures, constituent un danger pour les usagers et doivent parfois être abattus. Ils sont remplacés par des arbres indigènes.
Le Bois d’Avroy
Le domaine du Bois d’Avroy, fut constitué progressivement par la famille de Laminne dès le début du 19e siècle. Il s’étendait sur 35 hectares et un château y fut construit de style Louis XVI. En 1910 et 1912, le château et les terrains furent vendus à la société anonyme des charbonnages du Bois d’Avroy. Autour du charbonnage, dans le quartier des Bruyères, subsistaient plusieurs fermes entourées de cultures et de pâturages.
A partir de 1966, le charbonnage commença à vendre ses terrains. On y construisit un ensemble d’immeubles situés au niveau de la rue Julien d’Andrimont ainsi que l’ONEM rue Bois d’Avroy. En 1978, un des terrains servit à la construction de l’école Saint-Joseph des Bruyères qui deviendra plus tard l’internat de l’État (aujourd’hui MDE).
Ce qui restait du terrain appartenant à la famille de Laminne, c’est à dire 4 hectares, fut vendu au début des années 1990 à un promoteur immobilier. Après bien des vicissitudes, un petit complexe immobilier verra le jour n’occupant que la partie à front du boulevard Kleyer.
Le reste des terrains, d’une surface de 5 hectares, entourant ces différents immeubles n’a plus été entretenu et a permis à la végétation et à la faune de s’installer et de se développer en toute quiétude. On y trouve plusieurs espèces communes (écureuils, hérissons, fauvettes, pics, papillons, noisetiers, ormes) et des espèces en danger comme le crapaud alyte accoucheur (Alytes obstetricans) et le coléoptère lucane cerf-volant (Lucanus cervus) qui est une espèce protégée en Wallonie et en Europe.
La prairie des Bruyères
Le quartier résidentiel des Bruyères s’est construit sur une partie des terrains du charbonnage du Bois d’Avroy dans les années 1970. Sur ces terrains se situaient plusieurs fermes. Entre les numéros 65 et 95 de la rue des Bruyères, il y avait, à cet endroit, un ravin abrupt d’une bonne dizaine de mètres entre les cotillages des maraîchers Leblanc et Galand. C’est au fond de ce ravin que se trouvait l’œil de l’arène de Sclessin. Les eaux étant chaudes, les Galand semaient sur les bords, la première salade qu’ils livraient au marché avait quinze jours d’avance sur les autres maraîchers. Louis Leblanc, après les bombardements de 1944, a comblé ce ravin et l’a transformé en prairie où paissaient ses vaches. Aujourd’hui, les vaches ont disparu et un fermier vient y faire les foins.
Le terril Piron
Le charbonnage de la Haye, déjà présent au sommet de la rue Saint-Gilles, inaugura en 1875 un siège supplémentaire à l’emplacement d’une ancienne bure dite Piron. Jusqu’en 1930, le charbonnage va déverser ses résidus miniers au Bois Saint-Gilles.
Depuis, le terril Piron, qui couvre une superficie d’environ 7 hectares, présente un plateau herbeux, sur lequel deux terrains de football ont été aménagés et qui, aujourd’hui, sont abandonnés, ainsi que des pentes abruptes et thermophiles. La végétation y est diversifiée incluant des pelouses sèches et des espèces rares. La colonisation par les ligneux y est de plus en plus importante, y compris sur les pentes abruptes. Le site héberge une population d’orvet fragile (Anguis fragilis) et de lézard des murailles (Podarcis muralis), ainsi que le crapaud calamite (Bufo calamita) surtout en bas du versant. Le lucane cerf-volant (Lucanus cervus) est régulièrement aperçu dans le périmètre du terril.
Quel avenir pour demain ? Le plan nature de la Ville de Liège
Le Plan Communal de Développement de la Nature (PCDN) de la Ville de Liège a pour but d’intégrer durablement la nature et la biodiversité dans le développement social et économique du territoire. Il vise à établir un diagnostic précis de la nature et de la biodiversité pour orienter les actions de préservation et de restauration des milieux naturels.
La carte des réseaux écologiques thématiques synthétisés montre le maillage écologique de la Ville de Liège. Le maillage écologique est “l’ensemble des habitats susceptibles de fournir un milieu de vie temporaire ou permanent aux espèces végétales et animales afin d’assurer leur survie à long terme. Le maillage écologique de Liège se compose de zones centrales, de zones de développement et d’éléments de liaison. Les zones centrales sont prioritaires pour la conservation de la biodiversité. Les zones de développement, quant à elles, sont adaptées pour accueillir la biodiversité tout en supportant des usages anthropiques. Les éléments de liaison, tels que les alignements d’arbres le long des voiries et les haies, permettent la connectivité entre ces zones en formant des corridors écologiques. Les corridors écologiques sont importants pour le brassage génétique des populations.”
On peut observer sur la carte ci-dessous les espaces verts de Sclessin et Cointe qui sont repris en zone de centrale et en zone de développement.
La Ville de Liège désire aussi lutter contre le réchauffement climatique. Elle a déployé dans ce but son plan Canopée. Il consiste à planter plus de 24.000 arbres à l’horizon 2030 tant dans l’espace public que dans les espaces privés. Elle a formé des citoyens, bénévoles, dans chaque quartier afin qu’ils deviennent des passeurs d’arbres. Ils peuvent prodiguer des conseils en matière de plantation et de soins ainsi qu’informer sur les bonnes pratiques et la réglementation en vigueur. Grâce à ce plan, le quartier de Sclessin devrait voir le pourcentage d’arbres plantés sur son territoire augmenter de 30 à 40 %.
La Ville de Liège désire que chaque usager de la ville trouve un espace public de qualité et vert à 10 minutes à pied (voir stratégie PEP’S). Elle s’en donne les moyens grâce aux différentes actions qu’elle entreprend.
Béatrice MASUY
Bibliographie sélective :
SCHURGERS P., Cointe au fil du temps…, Liège, 2006
La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte est le résumé d’une conférence de Béatrice MASUY, organisée en juin 2024 par la CHiCC : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne…
[GEO.FR, 15 janvier 2024] L’Égypte Antique le révérait tel un dieu, l’Europe médiévale s’en méfiait comme du diable, et au Japon, il était mi-ange mi-démon. Plongée dans les dix mille ans d’histoire qui unissent l’humanité au plus insaisissable des compagnons à quatre pattes.
Cela fait des millénaires qu’ils se fréquentent. Mais se connaissent-ils vraiment ? Selon une étude publiée en 2017 dans la revue scientifique Nature Ecology & Evolution, la domestication du chat s’est faite en deux vagues, d’abord au Néolithique – il y a environ dix mille ans – en Anatolie, puis en Égypte antique. Elle a accompagné les débuts de l’agriculture : en stockant du grain, les hommes ont attiré des rongeurs, puis leur prédateur naturel, Felis silvestris lybica, le chat sauvage de ces régions, qui se nourrissait ainsi tout en protégeant les récoltes. De là, l’animal domestiqué a gagné l’Europe, en particulier.
Mais pendant longtemps, cette accointance entre le bipède et le félin a relevé davantage d’intérêts réciproques, que d’une vraie domestication. L’homme n’attendait du chat que ce qu’il savait déjà faire : chasser des souris. Rien à voir, par exemple, avec le chien, qui a fait l’objet d’un long processus de sélection pour s’assurer de sa fidélité et lui faire accomplir des tâches bien précises. Résultat : le chat est resté, des siècles durant, un être semi-sauvage, indépendant, insaisissable. Ce qui a eu une influence majeure sur la façon dont les hommes le percevaient. Ici admiré et divinisé, là vilipendé et jeté au bûcher, selon les lieux et les époques, il a toujours été un animal à part.
De la Rome antique aux salons bourgeois du XIXe siècle, voici sept jalons d’une histoire partagée teintée d’ambiguïté.
1. Dans l’Égypte ancienne, un avatar divin
L’Égypte antique est le deuxième berceau de la domestication du chat, effectuée au cours d’un long processus qui s’y acheva deux mille ans avant notre ère. Le petit félin était un auxiliaire précieux des riverains du Nil, veillant sur les récoltes tout en chassant les serpents rôdant autour des foyers. Mais au fil du temps, les anciens Égyptiens développèrent aussi avec lui un lien plus profond, comme dans nulle autre civilisation depuis.
Au IIe millénaire avant J.-C., ils l’introduisirent dans leur panthéon riche en figures animales. On le retrouvait aux côtés du dieu soleil Râ, luttant contre Apophis, le serpent des ténèbres. Puis en avatar de la déesse Bastet, qui protégeait les récoltes et favorisait les accouchements. Cette divinité bienfaisante et très populaire, représentée à l’origine sous les traits d’une lionne, était notamment célébrée à Boubastis, une cité du delta du Nil, à 80 kilomètres au nord du Caire, où un important temple lui était dédié.
Son aura s’étendit surtout à partir de 950 av. J.-C., quand Boubastis devint la capitale de l’Égypte. Dans l’enceinte du temple, entouré de canaux, des prêtres élevaient des chats sacrés. Et tous les ans, d’importantes festivités honoraient la déesse. Hérodote, historien grec du Ve siècle av. J.-C., assista à ces réjouissances. Il décrit la nuée d’embarcations flottant sur le Nil, les femmes jouant de la musique sur des cymbales et des tambourins, dansant ou tapant dans leurs mains… “Du vin de la vigne était bu en quelques jours plus que dans tout le reste de l’année. […] Pas moins de 700 000 pèlerins célébraient la fête, en même temps !”
Le mau, comme l’appelaient les riverains du Nil, était dans le royaume un animal sacré. Le tuer, c’était risquer sa propre vie. Et lorsqu’un chat domestique mourait, rapporte le même Hérodote, la maisonnée se rasait les sourcils en signe de deuil. “Durant la période ptolémaïque (332-30 av. J.-C.), la popularité du chat atteignit son paroxysme”, écrit l’égyptologue Jaromir Malek dans Le Chat dans l’Égypte ancienne (éd. Les Belles Lettres, 2016).
C’était le plus égyptien de tous les animaux associés aux dieux et il ne se départit jamais d’une certaine aura de réserve et de mystère… tout en étant présent dans la plupart des foyers.
Les archéologues ont identifié de nombreuses traces de cette passion féline, jusque dans les tombes de hauts personnages à Saqqarah ou à Thèbes. Ils ont aussi retrouvé plusieurs nécropoles où reposaient, parfois par dizaines de milliers, des chats momifiés. À Boubastis, ces momies étaient même devenues un négoce : les prêtres tuaient des chatons, les entouraient de bandelettes et les vendaient aux pèlerins en quête des faveurs de Bastet…
2. Sous l’Empire romain, un chasseur à la conquête du monde
Les Égyptiens tenaient à leurs chats comme à un trésor, jalousement gardé…. Cela n’empêcha pas l’animal, dans les siècles qui ont précédé notre ère, de se répandre autour de la Méditerranée, notamment à bord des navires de commerce phéniciens, qui l’utilisaient, là encore, pour se protéger des rongeurs ou les trafiquaient tels des biens de luxe. Il posa ainsi ses pattes en Grèce, puis dans le sud de l’Italie… L’expansion de l’Empire romain accéléra ensuite sa diffusion à travers l’Europe, via les routes commerciales, mais aussi les pérégrinations des légions, qui amenaient des chats dans leurs campagnes militaires pour veiller sur les vivres. Celui qui était au début un animal rare et exotique finit par se banaliser. À la fin de l’Empire, au Ve siècle, le chat était ainsi solidement établi dans toute l’Europe.
Mais les Occidentaux ne le contemplaient pas avec la même dévotion que les Égyptiens. Au départ, il profita sans doute de l’aura de la déesse Bastet, assimilée à Artemis en Grèce, et à Diane à Rome, associée aussi à Isis, déesse égyptienne vénérée dans le monde gréco-romain. Mais bien vite, le chat fut ramené en Europe à sa fonction la plus prosaïque : la chasse aux souris. Son image commença même à se ternir, en raison de sa supposée paresse et de sa tendance à attraper les oiseaux. “Les Romains […], dénigrant les cultes égyptiens qui gagnaient peu à peu du terrain, se devaient de déprécier un animal si lié à la culture égyptienne”, écrit Laurence Bobis, auteure d’une Histoire du chat (éd. Seuil, 2006).
Certaines associations courantes sur les bords du Nil, par exemple entre la figure du chat et celle de la Lune, perdurèrent. Mais la mauvaise réputation de la bête s’installa, attisée par le christianisme, religion officielle à la fin du IVe siècle, qui bannissait les cultes païens et “zoolâtres” tels ceux des Égyptiens. Le Moyen Âge en hérita.
3. Au Moyen Âge, le chat est diabolisé et persécuté
Un proverbe du Moyen Âge l’assurait :
Il y a toujours une occasion de battre son chat.
C’est dire si le félin était méprisé par le petit peuple de l’Europe médiévale. Mais comment l’ancien dieu des Égyptiens a-t-il ainsi pu tomber de son piédestal ? À la fin du premier millénaire, après l’Antiquité, le matou s’enfonça peu à peu dans une sorte d’indifférence, au point d’être quasiment absent des écrits de l’époque. “Pendant longtemps, on a même cru que les chats avaient mystérieusement disparu du monde occidental […] et nous étaient revenus, une seconde fois, dans les bagages des croisés à partir du XIIe siècle”, écrit Laurence Bobis dans son Histoire du chat. Mais il n’en était rien. Le félin continuait à coloniser l’Europe. En plus d’attraper les souris, il rendait d’autres services : sa fourrure permettait de confectionner couvertures et habits, ses excréments étaient utilisés dans la pharmacopée… Efficace, discret, indépendant, l’animal trouvait sa place partout, châteaux, masures ou monastères.
Mais en parallèle, la méfiance se mit à poindre vis-à-vis du ronronnant mammifère, alimentée par l’Église, qui condamnait toute affection pour la bête. De plus en plus, le chat fut associé à une symbolique négative et à diverses tares morales : gloutonnerie, hypocrisie, perfidie…
“Le chat sait bien quelle barbe il lèche”, disait un autre proverbe, pour illustrer son caractère intéressé. Il était en outre assimilé à la femme, ce qui, à une époque où le christianisme considérait cette dernière comme un être inférieur et une vile tentatrice, n’était pas le moindre des stigmates. De là à en faire un animal diabolique, il n’y avait qu’un pas, franchi à la fin du XIIe siècle, quand l’Église se mit à voir en lui une incarnation du démon – surtout quand son pelage était de couleur noire.
Les hérétiques tels les Vaudois et les Cathares furent accusés de mêler des chats à leurs rituels maléfiques, au cours desquels ils leur… embrassaient l’anus. “Par une statue […] descend un chat noir, de la taille d’un chien de taille moyenne, la queue retroussée, que le novice, le maître, puis chacun à son tour baise au derrière”, décrivit avec gravité le pape Grégoire IX, initiateur de l’Inquisition, dans sa bulle Vox in Rama de 1233.
Plus tard, l’animal fut aussi associé aux sorcières, soupçonnées de se changer en chat pour commettre leurs méfaits, par exemple étouffer les enfants dans leur berceau. Certains matous furent même envoyés au bûcher avec leur maîtresse ! “Il ne faudrait pas pour autant imaginer des chats systématiquement persécutés, jetés par centaines dans les brasiers même où brûlaient les sorciers”, tempère Laurence Bobis. Mais le minou mal-aimé pouvait servir de victime expiatoire lors de fêtes populaires : brûlé vif lors de la Saint-Jean, jeté du haut du beffroi d’Ypres durant le Carême…
Tout cela ne l’empêcha pas d’obtenir, aux XIIe et XIIIe siècles, son premier rôle de héros de littérature, à travers le personnage de Tibert, le chat malin et orgueilleux du Roman de Renart.
4. Pendant la Renaissance, un lent retour en grâce
“Même le plus petit des félins, le chat, est un chef-d’œuvre”, écrivait Léonard de Vinci dans les années 1510. Le génie de la Renaissance était fasciné par les mouvements élastiques du gracieux animal, qu’il étudia dans une série de dessins. Là aussi, le peintre fut un précurseur. Vilipendé au Moyen Âge, le chat mit plusieurs siècles à retrouver son aura. En France et en Italie, son salut vint en partie de l’étranger. Aux XVIe et XVIIe siècles, aristocrates et grands bourgeois se passionnèrent pour les chats tigrés syriens et les persans à longs poils blancs, importés du Moyen-Orient. Ces races exotiques devinrent la coqueluche des plus riches, qui en faisaient des animaux d’apparat, décorés, parfumés… et, de plus en plus, dotés d’un nom.
Quelques puissants s’entichèrent aussi de l’animal, tel le cardinal de Richelieu, ce grand nerveux qui s’apaisait au contact de ses angoras. L’amorce d’un changement de regard sur la gent féline se lit chez certaines grandes plumes de l’époque. Le poète Joachim du Bellay composa en 1558 une touchante épitaphe pour Belaud, son matou disparu (Tel fut Belaud, la gente bête,/Qui des pieds jusques à la tête,/De telle beauté fut pourvu,/Que son pareil on n’a point vu./Ô quel malheur ! Ô quelle perte,/Qui ne peut être recouverte !/Ô quel deuil mon âme en reçoit !) Et Montaigne s’interrogeait à propos de sa chatte, Madame Vanity : “Quand je joue [avec elle], qui sait si elle passe son temps de moi plus que je ne fais d’elle ?”
C’est au siècle des Lumières, toutefois, que la vogue du chat atteignit son apogée dans la bonne société – peut-être aussi car la bête collait bien à l’esprit frondeur de l’époque. En 1727, François-Augustin Paradis de Moncrif publia à Paris le tout premier livre chantant les louanges du chat domestique. Mais la bête continuait à avoir ses détracteurs, tel le naturaliste Buffon, qui opposait le chien loyal au chat infidèle. Et il restait martyrisé dans certaines fêtes populaires. À Ypres, ce n’est qu’après 1817 que l’on a cessé de précipiter des chats vivants du haut du beffroi !
5. Dans le monde musulman, un animal pur aimé du prophète
Mahomet, un grand ami des chats ? C’est ce que suggèrent plusieurs hadiths, ces écrits rapportant les actes et paroles du fondateur de l’islam, qui forment avec le Coran le socle de la religion musulmane. L’un rapporte notamment que le prophète du VIIe siècle ne voyait rien d’impur à faire ses ablutions avec une eau lapée par un chat. Selon une croyance populaire, qui n’est toutefois étayée par aucun texte sacré, il aurait lui-même possédé un chat nommé Muezza. Un jour, celui-ci s’endormit sur sa robe : au lieu de le réveiller, il découpa son habit pour ne pas troubler son repos. Un célèbre compagnon du prophète, Abu Hurayra, est lui aussi connu pour l’amour qu’il portait à son compagnon à poils – son nom signifie “le père des chatons”.
Alors que la chrétienté a longtemps vu le chat d’un mauvais œil, il en va tout autrement du monde islamique, où l’animal est considéré comme pur, admiré notamment pour sa propreté. “Le chat est l’animal domestique quintessentiel de l’islam”, écrit la spécialiste Nuha Khoury dans Encyclopedia of Islam (de Juan Eduardo Campo, éd. Facts On File, 2009, non traduit). Selon un autre hadith, “l’amour des chats est un aspect de la foi”.
Résultat : le félidé est respecté, choyé, libre de se déplacer jusque dans les mosquées. Plusieurs exemples témoignent de cette affection. Au Caire, un sultan mamelouk du XIIIe siècle avait par exemple fait aménager dans sa mosquée un jardin pour les chats sauvages. Et Istanbul, aujourd’hui encore, est connue pour ses chats des rues cajolés par les habitants, dont le plus célèbre, Gli, le chat de Sainte-Sophie, célèbre ancienne basilique chrétienne devenue mosquée, s’est éteint en 2020.
6. Dans le Japon féodal, ange ou démon ?
Après l’Égypte, le Japon est l’autre pays du chat-roi. L’animal a débarqué assez tard dans l’archipel, sans doute au VIe siècle, ultime étape d’un périple le long des routes de la soie entamé pendant l’Antiquité. Il y fut introduit pour protéger de précieux manuscrits bouddhistes contre les rongeurs, mais aussi comme cadeau aux empereurs. D’abord apanage d’une élite, il se répandit ensuite dans le pays et dans sa culture populaire.
Sur ces îles imprégnées des croyances du shintoïsme, vénérant les esprits de la nature, l’intrigant animal venu d’ailleurs se vit attribuer des pouvoirs surnaturels, tantôt maléfiques tantôt bénéfiques. Dans le folklore nippon, il présentait ainsi, depuis les origines, deux visages. D’abord, celui du bake-neko, le chat démoniaque, capable de revêtir forme humaine pour abuser les hommes. On le retrouve par exemple à l’ère Edo (XVII-XIXe siècles) dans la fable du chat-vampire de Nabeshima : l’histoire d’un chat noir qui tue une jeune favorite du prince, puis prend son apparence pour boire le sang du souverain. À l’inverse, le maneki-neko est le chat porte-bonheur, levant la patte en guise de salut amical : selon la légende, un chat fit un jour ce signe à un samouraï se tenant sous un arbre. Le noble guerrier s’avança vers la bête… et échappa du même coup à la foudre qui frappa le tronc.
Depuis, le maneki-neko à la patte levée est devenu un cliché japonais, décliné en bibelots, accueillant les visiteurs à l’entrée d’édifices… Il rejoint la longue liste de représentations de chats dans la culture nippone, des estampes de l’ère Edo aux mangas contemporains, des œuvres d’Hiroshige au chat-bus du film d’animation Mon voisin Totoro.
7. Dans l’Europe du XIXe siècle, le prince des salons
Et finalement, le chat retomba sur ses pattes… Après des siècles de purgatoire, le XIXe siècle sonna en Europe l’heure de sa réhabilitation totale. Voire de sa consécration. Pour preuve : même le pape Léon XII eut dans les années 1820 son minou favori, Micetto (“petit minet”). Ce dernier fut adopté ensuite par l’écrivain François-René de Chateaubriand, ambassadeur de France au Saint-Siège, qui l’immortalisa dans ses Mémoires d’outre-tombe. Premier romantique du siècle, Chateaubriand était par ailleurs un grand admirateur de la gent féline. “J’aime dans le chat ce caractère indépendant et presque ingrat qui le fait ne s’attacher à personne, et cette indifférence avec laquelle il passe des salons à ses gouttières natales”, se pâmait le poète.
Au XIXe siècle, l’amour du félin ne se limitait plus aux chats précieux de la bonne société. Il s’étendit aussi aux chats “ordinaires” et à un nouveau public d’ailurophiles (personnes qui aiment les chats) : les artistes et les intellectuels. Surtout les romantiques, qui prisaient l’animal pour ce qui jadis suscitait la méfiance et le rejet : sa légende noire, son côté ambigu, mystérieux, indomptable, maudit, nocturne…
En littérature, la nouvelle fantastique Le Chat noir, de l’Américain Edgar Allan Poe, avec son félin incarnant la folie de son maître, est le summum en la matière. Elle fut traduite en français, avec les autres nouvelles de Poe, par Baudelaire, autre grand obsédé des chats. Victor Hugo, Prosper Mérimée ou encore Théophile Gautier cultivaient eux aussi l’amour de cet animal. L’écrivain Champfleury lui consacra en 1869 un ouvrage encyclopédique, dont l’affiche publicitaire fut dessinée par son ami Édouard Manet, qui quelques années plus tôt avait intégré un chat noir à son sulfureux tableau Olympia… Chez les artistes, le matou était devenu un totem.
En ce siècle de naissance de l’hygiénisme et de découverte des microbes, la manie du chat pour sa toilette aida aussi à redorer son blason. Enfin, le XIXe siècle vit l’avènement de la passion populaire pour le félin, et l’apparition du marché qui va avec. En 1871, le Britannique Harrison Weir organisa à Londres la première exposition féline au monde, avec un jury choisissant le plus beau spécimen. On commença aussi à créer des races – pour le chien, cela se faisait depuis des milliers d’années – et à attribuer des pédigrées. Résultat : génétiquement, le chat domestique d’aujourd’hui reste très proche du chat sauvage. Malgré des millénaires de vie commune, le petit mammifère qui roupille au salon conserve, au fond, sa part d’insoumission…
[SCIENCESETAVENIR.FR, 11 décembre 2023] Au Mozambique et en Tanzanie, des humains sont guidés par des oiseaux nommés Grands Indicateurs pour trouver du miel d’abeilles. La communication entre eux est le résultat d’une coévolution culturelle, permettant aux oiseaux de reconnaître les appels humains dans leur zone géographique.
Dans de nombreuses régions d’Afrique – comme en Tanzanie et au Mozambique –, des chasseurs de miel lancent des appels bien particuliers à un oiseau brun de la taille d’un étourneau, dont le plat favori est la cire d’abeille. L’oiseau, nommé Grand Indicateur (Indicator indicator, ou Honeyguide en anglais) et endémique d’Afrique, répond en poussant des cris et les guide jusqu’aux essaims d’abeilles nichés au creux des arbres. Les chasseurs de miel, grâce au feu, enfument les abeilles puis ouvrent le nid, rendant accessible le butin de chacun. Du miel pour les humains et de la cire pour les oiseaux.
Des chercheurs ont étudié cette collaboration fructueuse entre humains et animaux sauvages, dans une étude publiée dans la prestigieuse revue Science le 8 décembre 2023. Ces travaux montrent que les Grands Indicateurs, surnommés à juste titre “guides de miel“, font la distinction entre les différents appels de chasseurs de miel, répondant beaucoup plus facilement à ceux qui proviennent de leur propre région. À l’aide d’enregistrements, Claire Spottiswoode, biologiste de l’évolution à l’université du Cap (Afrique du Sud), et Brian Wood, anthropologue à l’université de Californie à Los Angeles (États-Unis), ont examiné ces signaux, leur utilité pour les humains et leurs effets sur les oiseaux.
Un exemple rare de coopération entre animaux sauvages et humains
Ces chercheurs se sont intéressés à deux groupes de chasseurs-cueilleurs : les Hadza, un clan de nomades d’environ un millier de personnes vivant dans le nord de la Tanzanie, et les Yao, une autre ethnie de chasseurs-cueilleurs d’Afrique australe, vivant principalement au Mozambique, au Malawi et en Tanzanie. Les chasseurs de miel Hadza utilisent un sifflement mélodique pour communiquer avec les Grands Indicateurs, tandis que les chasseurs de miel mozambicains Yao se servent d’un trille bruyant, suivi d’une sorte de grognement – de type “brrr-hm”.
Les chercheurs ont constaté que les Grands Indicateurs des collines de Kidero, en Tanzanie, sont trois fois plus enclins à coopérer après avoir entendu un sifflement des Hadza plutôt qu’un appel des Yao, considéré comme “étranger”. À l’inverse, les Grands Indicateurs de la réserve spéciale de Niassa, au Mozambique, sont presque deux fois plus susceptibles de collaborer après avoir entendu un trille suivi d’un grognement des Yao plutôt qu’un sifflement “étranger” Hadza.
Le cri local a plus de chances d’être écouté
Pour ces scientifiques, ce phénomène est un exemple de “coévolution culturelle” de la communication : les humains d’une région ont plus de chances de réussite s’ils s’en tiennent au cri utilisé localement, car les oiseaux de cette région sont à l’écoute des signaux humains locaux. Les humains qui utilisent un cri différent ont moins de chances d’attirer des oiseaux qui les guideront jusqu’au miel. “Une fois que ces traditions culturelles locales sont établies, tout le monde – oiseaux et humains – a intérêt à s’y conformer, même si les sons eux-mêmes sont arbitraires”, assure Brian Wood dans un communiqué de presse.
“Cela profite aux deux espèces”
“Tout comme les humains du monde entier communiquent en utilisant un éventail de langues locales différentes, les populations d’Afrique échangent avec les Grands Indicateurs en utilisant un éventail de sons locaux différents”, explique Claire Spottiswoode dans un communiqué de presse. À l’instar des différentes langues humaines, ces cris déterminés par la culture véhiculent une signification sous-jacente : ils signalent le désir de s’associer à l’oiseau pour trouver du miel.
Une fois qu’une ruche sauvage est découverte, les humains utilisent de la fumée pour maîtriser les abeilles et l’ouvrir afin d’en récupérer le miel, tandis que les oiseaux se délectent de la cire d’abeille (qu’ils digèrent parfaitement) et des larves, désormais accessibles. Car leurs petits becs ne leur permettent pas d’ouvrir les nids. C’est du donnant-donnant. “Cela profite aux deux espèces. Cela permet aux chasseurs de miel d’attirer des Grands Indicateurs pour leur montrer les essaims d’abeilles difficiles à trouver, et aux Grands Indicateurs de choisir un bon partenaire pour les aider à atteindre la cire”, analyse Claire Spottiswoode.
Ce phénomène rare est l’un des cas les mieux documentés de coopération entre humains et animaux sauvages. “Les appels ressemblent vraiment à une conversation entre les oiseaux et les chasseurs de miel, tandis qu’ils se dirigent ensemble vers un nid d’abeilles”, ajoute-t-elle. “C’est un immense privilège d’assister à la coopération entre les humains et les Grands Indicateurs.”
Né en 1952, formé à l’ICADI (Liège) et à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, Jean-JacquesSYMUL enseigne la photographie dans cette école de 1976 à 2013. Il présente de nombreuses expositions autant personnelles que collectives, publie dans des revues d’art. Son travail est axé sur le quotidien, non pas pour sa valeur anecdotique, mais transcendé par son regard de photographe.
Comme le dit Pierre-Yves Rollin (secteur arts plastiques, Province du Hainaut), “les photographies de Jean-Jacques Symul s’inscrivent dans une tradition littéraire, picturale et même cinématographique qui associe le paysage naturel à une visualisation des états d’âme”. Que signifient ce feuillu émergent d’une forêt de conifères ou cette clairière verdoyante tranchant dans un sous-bois désolé ? Au-delà de l’évident intérêt plastique des photographies, le spectateur est convié à élaborer une interprétation personnelle, intime…
[OISEAUPAPILLONJARDIN.FR, 14 août 2020] En pleine floraison, le buddleia du Père David, Buddleja davidii, attire des nuées de papillons, c’est vrai. Mais il a quelques défauts… Il fait partie d’une grande famille qui donne du fil à retordre aux botanistes pour son classement. Il suffit de noter que cet article ne concerne que l’espèce Buddleia Davidii, et son cortège de variétés que vous pouvez trouver en jardinerie, aux fleurs diverses de la plus longue à la plus compacte, presque sphérique.
C’est une espèce envahissante
Originaire de Chine, il a été introduit en Europe assez récemment, au dix-neuvième siècle, et commercialisé précisément en 1895. L’horticulture n’a cessé d’améliorer ses qualités décoratives, si bien qu’il est plébiscité dans les jardins d’ornement. Il est facile à cultiver, presque jamais malade, se bouture facilement et se ressème tout seul. Et c’est là son premier défaut : il s’est naturalisé et se multiplie à grande vitesse. Peu exigeant sur la qualité du sol, pourvu qu’il soit drainant, il colonise les voies de chemin de fer, les chantiers, les terrains délaissés, les friches industrielles, le bord des routes, voire, depuis l’interdiction des pesticides en ville, les trottoirs.
Il est classé en France, en Belgique et en Suisse comme espèce envahissante [en Belgique : “invasive“], c’est-à-dire qu’il prend la place des espèces locales qui apprécient les mêmes sols. Il fait donc régresser les espèces locales, notamment celles qui maintiennent les berges, et favorise leur érosion. Et tant qu’il n’est pas interdit à la vente, pas question pour l’horticulture d’abandonner une espèce vedette ! La recherche se focalise donc sur l’obtention de variétés stériles. Selon Jardins de France, la revue de la Société nationale d’horticulture, “Si la sélection a longtemps consisté à produire des variétés aux couleurs florales diversifiées, au port plus compact, aux inflorescences plus longues, ce n’est que récemment que l’on a vu naître des programmes affichant la stérilité aux côtés des caractères ornementaux conventionnels“. Cet article date de 2013 et en 2020 on voit apparaître dans les catalogues des variétés qui ne produisent pratiquement pas de graines.
Il contient des toxines
Les papillons sont en général inféodés à une plante ou un groupe de plantes. Or le buddleia, espèce exotique, n’a pas apporté avec lui un papillon qui s’en serve de plante-hôte. Bien plus, il contient des molécules toxiques, notamment l’aucubine. Les chenilles ne se nourrissent pas de ses feuilles, et d’ailleurs aucun animal local ne se nourrit ni de ses feuilles, ni de son écorce ni de ses racines. Deux exceptions. Quelques observations de chenilles ont été rapportées au Royaume-Uni :
celle du Sphinx tête de mort (Acherontia atropos),
celle de la Brèche ou Cucullie du bouillon blanc (Cucullia verbasci).
Elles se seraient adaptées en substitution de leur plante-hôte habituelle, respectivement les solanacées (surtout la pomme de terre) et le bouillon-blanc.
Il est pauvre en sucres
Le buddleia attire les papillons mais ne les nourrit pas. Yves Desmons, du Cercle des naturalistes belges, explique à la RTBF que la plante est trompeuse : “Elle émet des odeurs très fortes qui sont attractives, et présente une couleur mauve qui attire beaucoup les papillons. Mais en fait, elle a un nectar pauvre en qualité, pauvre en sucre (autour des 30 % alors que d’autres plantes vont jusqu’à 70 %)“. Elle agit comme une drogue pour les papillons, qui vont pondre sur le buddleia au lieu de rechercher leur plante-hôte habituelle, seule capable de nourrir les chenilles. Cette anomalie diminue la population de pollinisateurs et entraîne une perte de biodiversité.
Alors, que faire dans son jardin ?
Abstenez-vous d’acheter des buddleias, sauf si vous trouvez une variété qui ne se ressème pas (ou peu), par exemple la variété ‘Argus velvet‘, hybride issu du croisement entre Buddleia davidii ‘naho Purple‘ et Buddleia lidleyana, ou sa version blanche ‘Argus White‘. Attention, même dans ce cas le fait que la plante attire les papillons sans les nourrir reste dangereux pour la biodiversité. Contentez-vous d’un pied.
Lorsque des buddleias sont déjà présents dans votre jardin, coupez les fleurs fanées avant qu’elles ne fructifient (un seul pied de buddleia peut produire jusqu’à trois millions de graines), et arrachez les semis.
Complétez vos plantations par une multitude d’autres plantes favorables aux papillons.
Le matin fleurissait comme un sureau.
Antonio était frais et plus grand que nature, une nouvelle jeunesse le gonflait de feuillages.
– Voilà qu’il a passé l’époque de verdure, se dit-il.
Il entendait dans sa main la truite en train de mourir. Sans bien savoir au juste, il se voyait dans son île, debout, dressant les bras, les poings illuminés de joies attachées au monde, claquantes et dorées comme des truites prisonnières. Clara, assise à ses pieds, lui serrait les jambes dans ses bras tendres.
[LOUP.NATAGORA.BE] Animal légendaire, le loup anime les passions les plus vives. De retour sur notre territoire, il nous offre la chance de réapprendre à vivre avec la nature sauvage. Nombreux sont ceux qui rêvent de le croiser au détour d’une balade, mais certains craignent aussi pour la sérénité de leurs pâtures. Les pages qui suivent vous emmènent dans l’intimité de cette espèce, clé de voûte des écosystèmes. Elles décrivent ses habitudes et proposent quelques pistes de protection des troupeaux. Deux autres espèces de prédateurs sont présentées, dont on espère le retour en Belgique : le lynx boréal et le chacal doré.
UN ANIMAL QUI A PEUR DE L’HOMME. La rencontre avec un loup sauvage, discret, craintif et parcourant de vastes territoires, est un événement rare pour les humains. En France et en Belgique, la peur du loup reste cependant ancrée dans l’imaginaire collectif. Pourtant, une attaque sur l’homme tient quasiment de l’impossible à notre époque.
UN HABITUÉ DE NOS CONTRÉES. Le loup est l’un des carnivores qui occupait jadis la plus vaste aire de répartition dans le monde : l’ensemble de l’hémisphère nord. Au 19ème siècle, il vivait encore dans les forêts ardennaises. Longtemps pourchassé, il a finalement disparu de nos régions. En Belgique, le dernier loup connu a été tué dans la région d’Erezée en 1897.
Loup, où es-tu ?
À la reconquête de l’Europe
Le loup est resté présent sur la péninsule Ibérique, en Italie, en Pologne et dans les Carpates roumaines. Mais depuis les années 1970, il entame un processus de recolonisation de ses anciens territoires. Actuellement, il y a 2000 loups en Espagne, 1000 à 1500 en Italie et 4000 en Roumanie. La Belgique se situe entre deux fronts de colonisation : la France et l’Allemagne, qui comptent chacune quelque 250 à 300 loups.
Plusieurs facteurs ont favorisé le retour du loup en Europe :
sa protection légale ;
la présence de nombreux ongulés sauvages ;
la déprise agricole, en France et en Allemagne, qui a favorisé aussi bien les proies que les prédateurs.
De plus, les superficies boisées se sont étendues depuis le XIXème siècle et les loups sont capables de traverser des zones habitées ainsi que les grandes infrastructures de transport.
En Europe, le loup est protégé par la Convention de Berne (1979) et la directive « Habitats » de l’Union européenne. Ce statut d’espèce protégée implique pour les États de veiller à la conservation de l’espèce et de ses habitats. L’installation du loup en Belgique est plus que probable tant notre pays présente un attrait pour lui par ses massifs forestiers et giboyeux. La Région Wallonne a anticipé son retour et l’a également inscrit dans sa liste d’espèces protégées.
Loup, qui es-tu ?
Queue courte
Pelage : mélange de beige, anthracite, noir et fauve
Oreilles courtes et droites, liserées de noir
Dentition spécialisée
Masque facial blanc
Trait noir plus ou moins marqué sur les pattes antérieures, caractéristique de la lignée italienne
Sans analyses génétiques, il est impossible de confirmer la présence du loup car il est facile de le confondre avec un chien-loup. Celui-ci présente entre autres un pelage plus contrasté, des oreilles plus larges et une queue plus longue, à l’extrémité noire.
FICHE D’IDENTITÉ
Nom scientifique : Canis lupus
Famille : Canidés
Classification : Mammifères
Poids : 20 à 35 kg selon le sexe
Longueur : 1,59 à 1,65 m selon le sexe
Hauteur : 66 à 81 cm
Habitat : tous les types de milieux naturels de l’Hémisphère Nord, des plaines aux montagnes, en milieu ouvert ou forestier.
Vue : très bonne
Ouïe : peut entendre hurler ses congénères jusqu’à 6 à 9 km
Odorat : peut détecter un animal à 270 m contre le vent
Longévité : 5 à 10 ans
Mise bas : entre mars et juin
Portée : 4 à 8 louveteaux
Régime alimentaire : carnivore
Prédateur : l’homme
Organisation sociale : vit en meute
Le corps du loup est taillé pour la course et les longues marches. Il est capable de parcourir jusqu’à 60 km par nuit (record connu : 190 km).
UNE VIE EN MEUTE. Le loup est une espèce sociale. Ses populations sont structurées en meutes, composées d’un couple reproducteur accompagné de ses jeunes. En France, les meutes comptent jusqu’à huit individus en fin d’hiver. Le couple dominant ne se reproduit qu’une fois par an, engendrant 4 à 8 louveteaux. L’importante mortalité des jeunes, de l’ordre de 50 %, intervient surtout au cours de la première année.
Les jeunes quittent le groupe entre 1 et 4 ans pour trouver de nouveaux territoires et fonder leur propre meute. Vulnérables et peu expérimentés, ils parcourent des espaces qu’ils ne connaissent pas et doivent chasser seuls, ce qui augmente encore les risques de mortalité.
COMPORTEMENT SOCIAL. Le territoire d’une meute varie en fonction de l’abondance et de la répartition des proies. Dans les Alpes, sa superficie est de l’ordre de 200 à 400 km².
RÉGIME ALIMENTAIRE. UN RÉGULATEUR UTILE DES ONGULÉS SAUVAGES. Le loup est un prédateur opportuniste capable de s’adapter à des situations très diverses. Il peut consommer des insectes et des fruits ou se nourrir d’animaux morts qu’il trouve dans la nature. Cependant, les ongulés sauvages (chevreuils, cerfs, sangliers…) constituent ses proies principales. Le loup ne se maintiendrait pas en l’absence de cette faune sauvage. Il ajuste ses effectifs aux ressources disponibles et ne provoque jamais la disparition de ses proies. Les loups s’installent préférentiellement dans les sites qui présentent les plus importantes densités de grands herbivores sauvages.
LE MOUTON AU MENU LUI AUSSI. Quelle que soit la densité de proies naturelles, une prédation sur le bétail peut toujours survenir, essentiellement du printemps à l’automne. Il existe toutefois des solutions pour limiter l’impact du loup sur les troupeaux domestiques, et favoriser la cohabitation avec l’homme.
LOUP ET PASTORALISME. UNE COHABITATION HARMONIEUSE À FAVORISER. Le loup peut vivre dans des forêts riches en mammifères sauvages. Mais le risque de prédation sur le cheptel domestique subsistera toujours. Surtout si celui-ci est abondant ou mal gardé. En Belgique, les filières ovine et caprine sont marginales, mais elles offrent une possibilité de diversification aux agriculteurs. De plus, les moutons participent à la gestion de nos réserves naturelles et maintiennent ouverts des milieux riches en biodiversité.
En attendant le grand retour du loup, il est donc essentiel de définir des mesures de protection des troupeaux adaptées pour la Belgique. Des méthodes simples existent, qui ont fait leurs preuves dans d’autres pays.
SORTIR LE LOUP DE LA BERGERIE. Le loup est une espèce intelligente qui peut s’adapter à tous types de situation. Il n’existe aucune solution universelle pour protéger entièrement les troupeaux. Il est important de combiner plusieurs techniques adaptées au contexte local :
Une clôture avec grillage couplée à un fil électrique constitue une première barrière empêchant l’intrusion du prédateur. Des clôtures mobiles peuvent aussi être utilisées en situation d’urgence.
Les dispositifs ‘effaroucheurs’, temporaires, aux effets éphémères, sont efficaces et rapides à mettre en place. Le fladry est constitué d’un fil sur lequel des bandes de ruban de signalisation sont fixées à intervalles réguliers et qui entoure la zone à protéger. Si ce fil est électrifié, on l’appelle turbo-fladry. Le fox-light est un dispositif utilisé la nuit, doté d’un flash qui mime la présence d’un berger se déplaçant avec une lampe.
L’utilisation de chiens de protection est une méthode traditionnelle et efficace pour réduire la prédation. En France, la majorité des chiens utilisés sont des patous, originaires des Pyrénées. L’éducation du chien consiste à développer son instinct de protection en le plaçant dès son plus jeune âge en contact avec les brebis. Il fait alors partie intégrante du troupeau, vis-à-vis duquel il développe un attachement affectif fort. En cas d’agression, il s’interpose et aboie avec insistance sans forcément chercher l’affrontement. Sa corpulence et ses menaces suffisent généralement à détourner un chien, un loup, un lynx ou même un ours.
DEUX AUTRES ESPÈCES ATTENDUES EN BELGIQUE
LE CHACAL DORÉ (CANIS AUREUS)
Proche du loup et du renard, le chacal doré est un des canidés ayant actuellement la plus grande aire de répartition. En Europe, il est présent dans le sud-est, mais remonte depuis les années 1980 vers le nord-ouest de l’Europe. Il a déjà été observé au Danemark, en Estonie, en Allemagne, en Suisse et même au Pays-Bas. La disparition du loup, prédateur du chacal, est sans doute un des éléments déclencheurs de cette expansion, de même que certains changements environnementaux (fragmentation des massifs forestiers, changements climatiques, etc). Il s’agit d’une espèce sociale, vivant en couple ou en petite meute. Carnivore opportuniste, son régime alimentaire est proche de celui du renard (petits vertébrés, insectes, fruits, cadavres, etc). Il peut s’attaquer à des proies plus grosses que lui, qu’il chasse en meute, et s’approcher des habitations humaines pour se nourrir dans les poubelles. Grâce à sa tolérance pour les milieux arides et à son régime omnivore, il occupe une grande variété d’habitats mais préfère les milieux ouverts.
LE LYNX BORÉAL (LYNX LYNX)
Le Lynx boréal a toujours occupé nos forêts, mais, malgré des rumeurs de présence, il semble avoir disparu de Belgique. Des réintroductions dans les pays voisins laissent espérer un retour prochain de l’espèce. Très discret, le lynx est extrêmement difficile à observer. Il s’agit d’un félidé de la taille d’un berger allemand. Haut sur pattes, il a une courte queue et des pinceaux sur le bout des oreilles. Ses pattes larges et allongées lui permettent de ne pas s’enfoncer quand il se déplace sur la neige et d’être silencieux en approchant ses proies. Essentiellement forestier, il s’adapte à tous les types de peuplements boisés. Carnivore strict, il ne mange que de la viande, qu’il tue principalement lui-même. Il s’attaque surtout aux ongulés sauvages de taille moyenne, comme le chevreuil. Animal solitaire, le mâle et la femelle ne se rencontrent qu’au moment du rut, au début du printemps. La femelle met bas 2 à 3 petits qu’elle élèvera seule. La durée de vie d’un lynx dans la nature ne dépasse pas 15 ans.
Le retour du loup sur notre territoire est un phénomène fascinant, emblématique d’une nature qui retrouve son chemin malgré l’impact de l’humain. Cependant, à cause d’une peur ancestrale nourrie par les contes de notre enfance ou des attaques contre le bétail, le loup reste parfois vu d’un mauvais œil. Afin de favoriser une cohabitation sereine, Natagora a lancé un Groupe de Travail dont les objectifs principaux sont de garantir le respect du statut de protection de l’espèce, de sensibiliser le grand public et d’ouvrir le dialogue entre tous les acteurs concernés par le retour du loup (agriculteurs, chasseurs, sylviculteurs, administrations). Le GT Loup est également membre de la plate-forme wallonne Grands Prédateurs, qui rassemble la plupart des asbl naturalistes wallonnes pour réaffirmer le statut d’espèces protégées du loup, du lynx et du chacal doré, ainsi que de l’Alliance Européenne pour la Conservation du Loup (EAWC).
“Il était une fois un œil qui vivait avec un seul objectif : capturer la vie sans l’arrêter. Lors vint un jour où…” Quel régal vivifiant qu’il ne s’agisse pas ici d’un conte de fée (n’en déplaise au bon Henri Gougaud) mais bien d’une belle histoire : l’ami Benoît Naveau est cet œil aussi précis que généreux et le télé-objectif qu’il promène dans nos bois & buissons lui permet une capture douce de la vie comme elle s’offre, sans violence aucune.
Pourquoi ressent-on autant l’exaltation que le respect quand on est face aux Sittelles torchepot, aux Mésanges bleues (cfr. en-tête) ou aux Grimpereaux des jardins que Benoit nous partage sans réserve sur les réseaux sociaux et, désormais, dans wallonica.org également ? Peut-être ressent-on avec lui cet instant unique -qui ne sera pas le suivant- où il doit appuyer sur le déclencheur pour figer un avatar de la Grande Mère, cette nature biodiverse où nous vivons quelquefois comme des aveugles. Au moins, Benoît est-il borgne en ce pays de cécité, et les longs affûts qu’il impose à son œil unique inspirent le respect dû aux courageux qui prennent le temps de regarder, aux poètes dont le surplus d’humanité nous permet d’entrevoir plus que les faits divers.
Les “CARNETS DE L’ŒIL” formeront -dans wallonica.org– une série d’articles où nous avons choisi de tenter une expérience qui se veut originale. Chaque article naîtra d’un cliché de Benoît et sera un florilège des savoirs inspiré par celui-ci : poèmes, haikus (haikai ?), documentation scientifique, extraits et citations, topo du site, liens vers les sites et blogs de nos confrères qui ont également publiés sur le sujet de la photo, planches scannées du Fonds Primo de notre DOCUMENTA et, naturellement, vos contributions pertinentes… en veux-tu, en voilà. Cette page en sera la table des matières et chacun des articles offrira des hyperliens vers 11 autres articles de la série. Alors, avec nous, cliquez curieux !
On le sait depuis des siècles : la musique est une part indispensable de l’écrasante majorité des cultures qui peuplent le monde. À tel point qu’elle fait aujourd’hui partie intégrante de notre quotidien. En parallèle, chats et humains vivent aussi aujourd’hui en harmonie, si l’on oublie quelques coups de griffes. Les chats sont-ils réceptifs à la musique que nous pouvons écouter ? Sont-ils plus sensibles à certains genres ou instruments ?
Une question de perception
C’est bien connu : les chats ont une manière différente que les humains de percevoir le monde et l’environnement alentour. C’est notamment vrai pour ce qui est de leur vue, qui est beaucoup plus adaptée à l’obscurité que la nôtre. Les chats ont également une ouïe moins développée que leur vue, qui reste tout de même plus fine que celle de l’être humain ! Idéal pour chasser la nuit, n’est-ce pas ?
Mais si votre félin n’est pas sourd, il a donc une ouïe qui repère plus de sons que l’oreille humaine. Un chat en bonne santé peut en effet entendre les sonorités aiguës jusqu’à 1 000 000 hertz – contre 20 000 hertz pour son ou sa propriétaire. Cette différence de perception peut-elle affecter leurs goûts musicaux ?
La musique pour chats
Mais avec leur flegme habituel, difficile de repérer quelles mélodies trouvent grâce à leurs oreilles délicates. Pourtant, des scientifiques ont tenté d’en savoir plus l’année dernière, grâce à une étude qui a été publiée dans la revue Applied Animal Behaviour Science. Et pour faire simple, on peut dire que les chats n’ont rien contre la musique, mais il préfèrent tout de même nettement leur musique.
Autrement dit la musique qui se situe à portée de leur ouïe, que ce soit au niveau des vibrations, des fréquences ou des vocalisations. C’est en effet justement pour cela qu’un compositeur avait écrit il y a quelques années des morceaux spécialement à l’attention des chats. Cette musique reprenait donc des sons ressemblant aux ronronnements et miaulements des chats.
Les chats ont-ils des préférences musicales ?
Métal, classique, pop, R’n’B, variétés, gospel… Quel genre est le plus apprécié par nos amis à poils ? Si l’on en croit les résultats des études scientifiques réalisées les années passées, il semblerait que les sonorités classiques soient préférées, juste devant les musiques pop. En revanche, les sonorités rock et métal ont parfois augmenté les signaux de nervosité chez les chats (hausse du rythme cardiaque et dilatation des pupilles).
Si vous souhaitez laisser un fond musical pour votre chat lorsque vous n’êtes pas à la maison, vous pouvez choisir entre plusieurs options. Les musiques classiques sont donc parfaites – les plus calmes bien sûr, tous les morceaux de Mozart et Beethoven n’étant pas les plus adaptés à la relaxation. Le piano, la flûte et le violoncelle sont par exemple des instruments que vous pouvez privilégier.
Vous pouvez aussi mettre des pistes de sons de la nature, et bien sûr des morceaux spécialement composés pour les chats !
La musique a des vertus thérapeutiques indéniables pour les êtres humains. Tout le monde sait qu’elle permet de transmettre des émotions positives. Cette caractéristique est-elle aussi valable pour les animaux ?
“Music for cats”
Le psychologue Charles SNOWDON a étudié les effets de la musique sur le comportement de différentes espèces animales. Ils ont tenté de déterminer quel genre de son pouvait stimuler les chats. “Nous avons étudié les vocalisations naturelles des chats pour faire correspondre notre musique à la même hauteur de fréquence.Cela correspond à une octave ou plus au-dessus de la voix humaine” nous explique le scientifique américain qui enseigne à l’université du Wisconsin-Madison. L’étude montre que les chats utilisent des sons plus complexes que nous au niveau des vocalises grâce aux notes longues et glissantes.
Grâce à ces travaux, il a été possible de créer une musique adaptée aux goûts de nos compagnons à poil. Celle-ci est composée de sons proches des miaulements et des ronronnements du félin. Le résultat a été sans appel : “Nous avons vu là que les chats montraient une préférence et un comportement d’approche envers le haut-parleur diffusant la musique de chat, se frottant souvent contre le haut-parleur quand la musique était activée.“ À l’inverse, la diffusion de Bach et de Fauré n’a provoqué aucune réaction chez eux. La musique humaine pas assez bien pour nos amis les chats ? Non, simplement pas adaptée à la sensibilité auditive différente des félins mélomanes.
L’expérience scientifique est liée à un projet artistique intitulé Music for cats ayant pour but la création et la diffusion d’une musique adaptée aux chats. Un site français est aussi disponible, intitulé Catsonics. Essayez-les sur votre chat, le résultat pourrait être stupéfiant !
Les autres espèces aussi sont réceptives à la musique
D’autres recherches ont établi que les animaux étaient plus ou moins stimulés par les sons. Une expérience similaire à celle sur les chats a été menée sur les tamarins, un genre de singe aussi étudié par Snowdon. La même technique que pour les chats a été employée pour créer cette ‘musique pour singe’. Il s’agissait d’utiliser des sons qui leur étaient familiers. Des battements de cœur de tamarins ont d’abord été utilisés en fond sonore. Puis des cris que le groupe de primates produisait lorsqu’il était agité. Le premier morceau avait un effet apaisant sur l’animal, tandis que le second provoquait colère et excitation.
Au Japon, une étude avait pour sujet un type d’oiseaux originaire du sud-est de l’Asie : le padda de java. Lorsqu’on les confronte à de la musique humaine, ils réagissent généralement plus favorablement à la musique classique (Bach) qu’à la musique moderne (Stravinsky). Selon le professeur responsable de l’expérience Kazutaka Shinozuka de l’université de Keio : “En général, la musique contemporaine comporte beaucoup de dissonance.Ainsi, bien qu’il n’y est pas de preuve directe, les paddas de Java pourraient préférer la musique classique, car elle comporte moins de dissonances”. Les espèces non humaines seraient donc plus sensibles à une musique au rythme harmonieux ou naturel. Toutefois sans qu’il soit vraiment possible de prouver qu’ils éprouvent un réel plaisir à l’écoute. Raison de plus pour faire attention à ce qu’on écoute en présence de son animal de compagnie.
À noter que lorsque l’équipe de Snowdon a joué du Metallica aux tamarins, cela eut un effet apaisant sur eux. Comme quoi tous les goûts (musicaux) sont dans la nature !
Table des matières de l’édition de 1955 du “Guide de la Fagne à l’usage de l’excursionniste et du naturaliste sur le plateau de la Baraque Michel et dans la Région de Hattlich et Reinartzhof” d’Antoine FREYENS, Président des Amis de la Fagne asbl (Marabout à Verviers)
AVANT-PROPOS
AVERTISSEMENT
TERRITOIRE ENVISAGE ET SES LIMITES
PRÉHISTOIRE :
LES SILEX TERTIAIRES
LES VIVIERS DE LA FAGNE
HISTOIRE :
ÉTYMOLOGIE DU MOT “FAGNE”
ANCIENNES FRONTIÈRES
VOIES ANCIENNES
ROUTES MODERNES
CROIX EN FAGNE
BORNES ANCIENNES
MONUMENTS COMMÉMORATIFS RÉCENTS
ARBRES ET BOQUETEAUX REMARQUABLES
INCENDIES MARQUANTS
TROIS HAUTS-LIEUX FAGNARDS
LES QUATRE AUBERGES FAÎTIÈRES
RELIEF
GÉOLOGIE
HYDROLOGIE
CLIMAT
FLORE (étudiée du point de vue des associations végétales)
FAUNE
CONSEILS AUX EXCURSIONNISTES
ITINÉRAIRES COMMENTES
LE TOURISME AUTOMOBILE ET LA FAGNE
LA DÉFENSE DE LA FAGNE
LA FAGNE ET LES ARTS
ANTHOLOGIE
Extrait : Étymologie du mot fange ou fagne
Le mot Fagne, dont l’étymologie le plus généralement admise signifie marais, s’applique en ordre principal aux landes culminantes de la Baraque Michel et de Botrange. Ces fanges ou fagnes reposent communément sur un fond tourbeux qui varie entre 50 cm et 8 m (en Fagne Wallonne notamment).
E. BOISACQ, dans la Revue de l’Université de Bruxelles (mars 1910), assigne au mot Fagne une origine germanique. Fagne dériverait de Fanja que l’on retrouve dans le moyen bas-allemand venne, signifiant prairie marécageuse. En néerlandais, on traduit fagne par veen, et, en allemand moderne, par Venn (das hohe Venn) (id. Carnoy Dictionnaire toponymique des communes belges).
Le mot latin faniae se rencontre pour la première fois dans un document du 6 sept. 670 qui fixe les limites du territoire assigné à St-Remacle, dans les forêts d’Ardennes, par les rois francs Sigebert et Childéric. Elles y sont appelées Faniae ou ipsae Faniae, les fagnes proprement dites, et sont ainsi distinguées des fagnes plus petites et plus basses dont les Ardennes sont parsemées
J. BASTIN et C.-H. DUBOIS
SCHUERMANS, dans son livre sur Spa et les Hautes Fagnes, mentionne même un document émanant de Dagobert (634) et où les formes Fanias, Fangias et Fania figurent déjà.
Le wallon emploie couramment le composé s’èfagni, dans le sens de s’embourber et de fagneter, qui se dit des chevaux appuyant trop en avançant, comme s’ils marchaient dans un marais.
A. Freyens
Extrait : La croix des fiancés
C’est incontestablement la plus connue de toutes. L’odyssée qu’elle rappelle, a inspiré bon nombre de poètes et nourri l’imagination des conteurs. Plantée au bord de la Vèkée, à côté de la borne 151, marquée B (Belgique) et P (Prusse), elle commémore la fin lamentable de deux fiancés, décédés en 1871. Le dimanche 22 janvier de cette année-là, deux fiancés, François Reiff de Bastogne, terrassier travaillant au barrage de la Gileppe, et Marie Solheid de Xhoffraix, servante chez Niezette, à Halloux, quittèrent Jalhay dans l’après-midi, pour se rendre à Xhoffraix où on devait leur délivrer les pièces nécessaires à leur mariage. On les vit partir par le chemin JalhayXhoffraix, luttant contre la fagne enneigée et la tourmente. Puis, pendant deux mois, on fut sans nouvelles ; ce n’est que le 22 mars qu’un douanier allemand découvrit au pied de la borne 151 le corps intact de la jeune servante. Dans son corsage, Francois avait glissé un billet écrit au crayon :, “Marie vient de mourir, et moi, je vais le faire”. Le cadavre du fiancé fut retrouvé non pas à côté de celui de Marie, mais à près d’une demi-lieue de là, vers Solwaster (d’après J. Bastin et Ch. Dubois, H. Lejeune et N. Al. Fauchamps).
A. Freyens
Extrait : Arbres et boqueteaux remarquables
Dans la fagne désolée à l’aspect uniforme, brousse ou taillis vague, les grands arbres ou bouquets d’arbres constituaient avant tout des repères de direction pour le voyageur. On pourrait croire que ces arbres rares, hêtres ou chênes, résultent d’une sélection naturelle, due au hasard, et que ce seraient les chemins qui auraient conformé leur tracé à l’appel de leur silhouette. Mais on les trouve toujours si bien placés le long de tracés si judicieusement choisis, qu’il faut bien conclure à l’intervention humaine pour expliquer leur présence.
Mieux encore. On peut se demander si certains de ces arbres n’ont pas constitué très anciennement des marques de frontière, et si les “forestarii” des premiers dynastes établis sur le plateau n’étaient pas très versés en topographie et arpentage. On remarque, en effet, à l’examen de la carte, et à des distances considérables, certains alignements, par trois ou quatre, d’arbres et d’autres repères, qui ne laissent pas d’être passablement troublants. C’est N. Al. Fauchamps qui fut le premier à s’aviser de ces rapports, à reprendre l’oeuvre fondamentale de Schuermans, et, avec l’appui de ces nouveaux jalons, à proposer au problème ardu de la recherche des anciennes limites d’états, une solution originale et audacieuse, mais logique et attendant toujours réfutation. Les principaux arbres considérés dans ce système sont l’arbre de Rondfahay, le Chêne al bilance, le Rond-Buisson, la rangée de hêtres de la Croix Mockel, le Hêtre Vinbiette.
1. Hêtre Vinbiette
En wallon : Al Winbiètte ou Hêsse Winbiètte. Croissait dans la parcelle 307 des bois de Sart, près de la borne 150, sur le côté gauche de la Vèkée, en direction de la Baraque. Contemporain de la P’tite Hesse et des Treils Hesses, noté par la carte Ferraris, il est cité en 1816, avec la Croix le Prieur et la Fontaine Périgny, comme point de délimitation entre la Prusse et les Pays-Bas. Sous l’ancien régime, ainsi qu’il résulte d’un examen attentif de l’ancienne cartographie, la frontière Liège-Stavelot, partant de la Verdte fontaine (175 m au N. de la fontaine Périgny), divergeait quelque peu vers le Nord par rapport au tracé de 1816, jusqu’à ce qu’arrivée à la grosse Pierre (v. plus haut), elle se fût coudée Sud-Ouest, pour couper la Vèkée moderne, précisément au hêtre Vinbiette et gagner le gué de la Hoëgne (Pont du Centenaire) en divergeant légèrement Sud par rapport à cette vèkée. (N. Al Fauchamps, Chemins anciens, vieilles limites, passim).
Avant la plantation des conifères, les paysans de Hockai et de Baronheid récoltaient du foin (foûr du fagne) dans ses parages et faisaient la méridienne “sub tegmine fagi” comme disait Virgile. En 1936, à la demande des Amis de la Fagne, M. l’inspecteur des Eaux et Forêts de Spa, E. Balon, fit planter un jeune hêtre à l’endroit où se trouvait le vénérable fayard. Hélas ! l’arbre périt deux ans après sa plantation. La tentative est à renouveler. Dans sa lettre au Président des Amis de la Fagne, M. Balon s’exprime ainsi : “Il serait désirable que l’on me désignât tout un programme d’améliorations à apporter pour dégager, mettre en vue, etc., les arbres ou points remarquables dans les bois soumis à ma gestion. Je pourrais ainsi prendre les dispositions et les mesures nécessaires à la sauvegarde de ces points d’esthétique.”
2. Lu p’tite hesse (Le petit hêtRe)
Malheureusement disparu, c’était l’un des principaux repères du haut plateau, comme marquant le grand carrefour du Sicco Campo (directions Eupen, Sourbrodt, Malmedy, Jalhay). On peut situer son emplacement à 300 m NNO de la Pierre à Trois Coins, et environ 100 à l’E. (droite) de la route Botrange-Mont Rigi. (Cfr. J. de W. et N. Al. FAUCHAMPS.).
Il faut noter l’existence d’un hêtre antique appelé lui aussi p’tite Hêsse, près de Xhoffraix. Il abrite une croix en bois portant les lettres C. B. M. et le millésime 1900. C’est M. l’abbé Clément Beckman, ancien curé-doyen de Xhoffraix, qui la fit ériger.
3. Arbre de Rondfahay
Plus connu que le précédent, ce hêtre finit d’agoniser sous l’étreinte implacable des épicéas. Malgré les éclaircissements pratiqués, il a terminé sa carrière. Déjà en 1936, les forestiers ne lui donnaient plus que deux ans à vivre. De fait, il n’en reste déjà plus que des débris.
Il se trouve sur le terrain domanial au bord d’un étroit coupe-feu qui contourne la parcelle 181 du Bois de Rondfahay. Une rangée de jeunes fayards y conduit. L’histoire locale rapporte que l’on rendait la justice sous sa puissante ramure.
Aux abords de ce repère historique et topographique de première valeur se croisaient plusieurs voies anciennes en direction de Solwaster, Jalhay, Hockai (l’embranchement au Nord de la Vèkée), et peut-être Drossart, voire le N. du haut plateau.
4. Les trois hêtres (Les treus hesses)
Ces trois hêtres multiséculaires ont disparu à la fin du siècle dernier, abattus par les habitants de la région. Outré de ce vandalisme, le Rév. Curé Beckmann de Xhoffraix fit replanter trois hêtres dont un seul a survécu, perpétuant ainsi le souvenir de cet intéressant lieu-dit.
L’endroit dit Les Trois Hêtres se situe entre les sources des Trôs Marets et du Bayehon, à mi-distance à peu près entre la grand-route Mont-Mont Rigi et le village de Longfaye. Plantés sur une éminence naturelle, ils étaient visibles de loin et marquaient un carrefour important (ancien chemin de Hockai à Sourbrodt et Malmedy à la Via).
5. Les six Hêtres
Ils se dressent à l’Est de la grande fagne de Longlou, déjà sur le versant de la Hoëgne à 300 m de la crête terminale d’où l’on jouit d’une échappée superbe sur la fagne de Nampîre et la vallée naissante des Trôs Marets. (En wallon : Trô-vallée). En vérité, ces 6 hêtres sont 7. Par arrêté royal de février 1936, ils ont été classés par la Commission Royale des Monuments et des Sites en raison de “leur valeur archéologique, artistique et historique”.
6. Les hêtres de Cokaifagne
On les dénomme parfois les Douze Apôtres. Ce sont peut-être des arbres limites très anciens primitivement (915). Classés par la Commission des Monuments et des Sites, les arbres actuels semblent déjà avoir résisté 3 ou 4 siècles aux tourmentes que leur vaut leur exposition aux rafales d’Ouest. Ils sont situés à Cokaifagne, à droite montant de Sart entre la ferme Philippart et la propriété Cattier. (Cfr. M. JASPAR, Bul. Acad. R. B. juin 1934, N. AL. FAU CHAMPS, loc. cit. passim.)
7. L’arbre de Charlemagne
Ancêtre fameux, il fut abattu en 1909 par un particulier à qui ses branches largement étalées, portaient préjudice en dérobant un peu de lumière au pâturage ! Il croissait à l’endroit dit A Grand Tchamp entre les routes de Baronheid et de Ster (commune de Francorchamps) et fut remplacé, en 1910, par un jeune hêtre planté à 300 m. de là, en direction de Cokaifagne, au bord d’un large chemin. Dans son Glossaire Toponymique, A. Counson écrit qu’il convient de ne pas prendre cette appellation au pied de la lettre, les noms de Charlemagne et de Roland étant souvent appliqués à des localités ou à des monuments qui n’ont rien de commun avec ces illustres personnages !
8. Le rond buisson
Un des plus émouvants sanctuaires sylvestres de la fagne que les planteurs de pesses ont heureusement épargné. Il est situé rive droite de la Soor, 900 m au sud du baraquement de Porfays, à une intersection de coupe-feu. Rien n’est plus agréable que de se recueillir sous l’ombre verte et silencieuse de ces hêtres puissants, aux troncs gigantesques, groupés à une trentaine, en forme d’énorme rond buisson.
9. Le Trouche Baum
A 50 m en bordure N. de la route Sourbrodt-Elsenborn, à l’E. des bâtiments du camp, s’élève à la côte 612, un hêtre rabougri, protégé contre les assauts du vent par un petit massif d’épicéas. Ancien arbre repère, situé exactement sur la faîtière Warche-Roer. Au pied de cet ancêtre, Allemands et Wallons auraient échangé leurs marchandises, d’où lui viendrait son nom (arbre du troc). Suivant B. Willems, dialectologue et historien apprécié de cette région, le mot serait une corruption de “Rusch” (surface rocailleuse). (Ostbelgische Chronik 1.168).
10. Le chêne Fredericq
A l’initiative de l’abbé Bastin et de quatre de ses amis, admirateurs du “Great Old Man”, ce chêne fut planté en novembre 1935, deux mots après la
mort de L. Fredericq. Il remplaça lu P’tite Hêsse de la carte de Ferraris situé à la bifurcation des chemins d’Eupen et de Jalhay. L’arbre provenait de la combe du G’hanster, si souvent fréquentée par le Maître. Il n’a pas survécu.
11. Les trois chênes
Auguste Petit, Louis Pirard, Jean Wisimus : trinité de fagnards, connue de tous les coureurs de brousse. Le premier est mort en 1942. Les deux autres, le Gouverneur honoraire de la Province de Liège (†14.9.48) et l’écrivain wallon réputé († 1953), ont pensé que la meilleure façon de perpétuer le souvenir de leur compagnon de randonnée était de lui dédier un chêne.
La plantation du premier fut faite au printemps de 1943, à l’endroit où la nouvelle route des Rûs (à Solwaster) quitte l’ancien chemin conduisant à la Croix des Tapeux. L’Administration Communale de Sart a pris le Chêne Petit sous sa protection.
12. Le boqueteau Bastin
Au cours de ses recherches sur la Mansuerisca, feu l’Abbé Bastin (t1939), aimait méditer et se reposer au site sauvage de la Fontaine au Pas. Dans ses dernières années, il avait fait part à l’un de ses meilleurs amis de son désir de voir, un jour, son nom associé à celui d’un arbre ou d’un boqueteau. Par la suite, cet ami, M. Jarbinet, professeur d’Athénée à Malmedy, fit part de cette confidence aux Amis de la Fagne qui décidèrent de satisfaire à ce vœu et de choisir l’endroit que le grand disparu eut certes élu lui-même.
Déjà mûr en mai 1940, le projet ne put être mis à exécution qu’en octobre 1947. D’accord et grâce aux bons soins de l’Administration forestière, un boqueteau de hêtres fut planté par les AF eux-mêmes et solennellement inauguré au cours de la journée de la Fagne du 13 juin 1948. Las, cette plantation fut détruite par les intempéries et son remplacement doit s’effectuer !
13. Les sept frères de Gospinal
Quoique non situés en Fagne même, mais dans sa périphérie immédiate, ces arbres, des chênes soudés à la base, sont assez connus pour mériter une mention spéciale. Ils étalent leurs frondaisons majestueuses en face de la maison forestière de Gospinal. L’appellation de “frères” leur convient à merveille. Ils proviennent, en effet, d’une souche unique et ne sont que les rejetons développés d’une cépée. Le cas est fréquent. Observez, un an après la coupe d’un taillis, les jeunes pousses issues d’une souche de bouleau, par exemple. La famille de Gospinal parait âgée de plus d’un siècle.
14. Lu bouhon do leup
C’est un bouquet de hêtres en Fagne Wallonne, entre Botrange et Sourbrodt, sur la rive droite de la petite Roer. On les appelle également: Hêsses del Prandj’lâye (de Prandj’ler – prandjîre) ou Hêtres de la sieste (de la méridienne), parce qu’autrefois les bergers ramenaient les moutons à l’heure du dîner, sous ce frais ombrage. Ils forment trois groupes, autant qu’il y avait de herdes dans nos villages (moutons, vaches et bouvillons).
Sous l’un d’eux se dresse une pierre triangulaire posée par l’Etat-Major allemand et marquée T. P. (Trigonometrischer Punkt).
15. Le chêne Al Bilance
C’est un chêne multiséculaire, situé en Fagne de Richehomme, sur l’ancienne voie Limbourg-Stavelot. C’est à ses branches que s’exécutaient les sentences des Hautes Œuvres de la Cour de Justice de Sart. Son nom rappelle peut-être l’existence à cet endroit d’un ancien poste de tonlieu (douane). Espérons que le dangereux voisinage du champ d’aviation, en bordure duquel il se trouve, ne raccourcira pas les vieux jours de ce vénérable et robuste ancêtre.
16. Les genévrières
Nous serions incomplet si nous ne consacrions quelques lignes au Juniperus communis, cette jolie cupressinée qui tend à disparaître, étouffée par les plantations de résineux. Les plus belles colonies de genévriers se situent :
en Haute Hasse, dans la propriété de M. le Chevalier de Laminne de Bex. D’une superficie de cinquante ares, cette genévrière ne risque point d’être asphyxiée, les épicéas s’en écartant notablement. Les fagnards l’ont dénommée “Le Paradou”, tant elle donne l’impression de sauvagerie, d’abandon calme et paisible ;
à Bérinsenne, à quelque 250 m. de la Croix du Sr Collonel, en direction de Cour. Belle famille d’arbrisseaux, beaucoup moins imposante que celle de Hasse ;
à Banneux, à gauche et à droite de l’ancienne limite Liège-Stavelot. Grâce aux soins diligents de l’Administration des Eaux et Forêts et à l’invitation des A. F., ces genévriers prospèrent admirablement et constitueront bientôt un fort bel ensemble.
A cette liste déjà longue on pourrait ajouter les noms d’arbres, chênes et hêtres, sans intérêt historique peut-être, mais dont le port majestueux ou les formes souffreteuses arrêtent le regard et forcent l’admiration (Hêsse dol ronde djèbe, Hêsse do p’tit Oneux, etc.).
Les hêtres des Stokais, le Chêne as Wez caw (Plain Fays) et le fayard proche Bérinsenne sont dans ce cas. Il conviendrait de les entourer de sollicitude. Après les coupes à blanc des épicéas ou l’abattage des taillis, ils se dresseront toujours, repères stoïques et précieux.
Qu’on nous permette également une suggestion : l’Etat, les communes ou les particuliers ne pourraient-ils consentir à laisser quelques témoins, voire
un seul, lors de coupes effectuées. Le temps aidant, ces feuillus ou ces épicéas échappés à la cognée du bûcheron prendraient des proportions respectables et constitueraient autant d’indicateurs naturels des plus efficaces.
A. Freyens
Initiative : Les Amis de la Fagne a.s.b.l.
[AMISDELAFAGNE.BE] C’est en 1935 qu’un petit groupe de fagnards enthousiastes, Antoine Freyens – président fondateur-, Jean Leroy, René de Moreau de Gerbehaye et Fernand Heuze ont créé l’A.S.B.L. Les Amis de la Fagne. Cette nouvelle société venait concrétiser officiellement un vaste mouvement d’opinion amorcé quelques années auparavant par les précurseurs, des scientifiques, comme le Pr Léon Fredericq, ou simplement des poètes et amoureux de la nature, comme Albert Bonjean.
Le but premier des “Amis de la Fagne“, la création d’une Réserve naturelle, paraissait à portée de main en 1939 lorsque la deuxième guerre mondiale interrompit le processus. Cependant, dès la fin des combats armés, “Les Amis de la Fagne” reprenaient leur lutte pacifique mais résolue contre les dégradations du milieu fagnard, en particulier contre les enrésinements massifs, accompagnés de drainages qui saignaient, l’une après l’autre, les étendues tourbeuses.
Cette croisade en faveur des hauts marais, dont la valeur biologique et paysagère n’était pas encore unanimement reconnue, fut émaillée, au fil des années, de vives controverses et de campagnes animées concernant des sujets âprement débattus. Certes, “les Amis de la Fagne” n’ont pas remporté toutes leurs batailles, mais ils ont obtenu des succès souvent décisifs pour l’avenir et la pérennité du Haut Plateau.
Au début des années cinquante, leur action s’est concentrée non seulement contre les monocultures d’épicéas, mais aussi contre l’aberrant projet d’installation d’une vingtaine de fermes dans les fagnes jalhaitoises. La confiscation pour ce faire de quelque 220 hectares de landes – aujourd’hui rendues à la Réserve naturelle, mais néanmoins fortement altérées – a déchaîné un tel élan de protestation qu’enfin les autorités gouvernementales de l’époque décidèrent la création, en 1957, d’une première “Réserve Nationale”, avec son équivalent en Flandres, au Westhoek.
C’était un beau succès mais nettement insuffisant. “Les Amis de la Fagne” ont donc continué à revendiquer la mise sous statut de protection de beaucoup d’autres espaces tourbeux, et ont eux-mêmes montré l’exemple en “sauvant” par des contrats de “non faciendi” payés aux communes propriétaires, la Fagne de Cléfay, puis celles du Setay, du Neur Lowé, du Fraineu, du Stoel…
Progressivement, dans les années 70, la Réserve initiale s’est agrandie et la plupart des sites dont “les Amis de la Fagne” réclamaient la protection y ont été intégrés, notamment les “fagnes de l’Est”, c’est-à-dire essentiellement la Brackvennet le bassin des sources de la Getz et de la Vesdre, entre Eupen et la frontière allemande.
Simultanément, “Les Amis de la Fagne” ont été les pionniers dans les travaux de restauration des tourbières. Sous le regard condescendant des “experts” de l’époque, ils se sont attaqués, de leurs mains, avec la seule force de leur enthousiasme, à une tâche énorme : le colmatage des drains qui, dans la toute jeune réserve naturelle, continuaient d’assécher les zones tourbeuses. Des milliers de petits barrages ont ainsi été construits par les équipes de bénévoles, et ces opérations se poursuivent aujourd’hui encore sous d’autres formes, essentiellement par des travaux d’élimination des semis éoliens d’épicéas dans les zones protégées.
Enfin le vent commençait à tourner dans les sphères officielles. Un Parc Naturel (Hautes Fagnes – Eifel), englobant les nouvelles réserves, vint à l’ordre du jour dans les années 60. Et peu à peu, la politique forestière, dont les responsables prenaient enfin conscience de l’hérésie du “tout épicéa”, effectuait un virage progressif mais radical, qui a débouché aujourd’hui sur des pratiques nettement plus conformes aux exigences écologiques.
Dans un passé plus récent, “Les Amis de la Fagne“, continuant à veiller jalousement sur l’intégrité du Haut Plateau, se sont engagés dans d’autres batailles, s’opposant par exemple avec succès à une extension du champ de tir militaire d’Elsenborn qui, au début des années 90, menaçait de saccager tout le bassin de la Schwalm.
Avec d’autres sociétés de protection de la nature, ils ont par ailleurs obtenu le détournement du tracé du RAVEL dans la vallée de la Rur, pour sauvegarder les sites de nidifications d’un oiseau rare et en danger partout en Europe, le tarier des prés.
Aujourd’hui encore, “Les Amis de la Fagne” se mobilisent pour la défense de la biodiversité partout où des actions s’imposent ; aussi ont-ils constamment apporté leur appui et leur participation aux remarquables projets “LIFE“, initiatives européennes dans le cadre de la campagne “NATURA 2000” qui ont permis de restaurer des landes et des tourbières avec des moyens financiers et techniques sans précédent. En même temps, ils s’efforcent de maintenir un juste équilibre entre la protection des sites et les possibilités pour le public de les admirer, fut-ce au prix d’une réglementation plus stricte, comme dans les zones “C” de la réserve, particulièrement fragiles.
En complément de leur action aux côtés des gestionnaires forestiers, “Les Amis de la Fagne” pratiquent une politique d’acquisition de terrains tourbeux, achetés grâce aux dons de leurs membres et qu’ils gèrent en tant que “Réserves Naturelles Agréées“, notamment dans les vallées des Tros Marets et de l’Eau Rouge.
En ce début du XXIe siècle, “Les Amis de la Fagne“, tout en étant donc une des plus anciennes associations de protection de la nature de Belgique, restent activement sur la brèche : sentinelles vigilantes de l’évolution des Hautes Fagnes, confrontés, avec les gestionnaires, à de nouveaux défis, tels que l’envahissement d’un tourisme de masse, ou tout simplement les conséquences du réchauffement climatique sur la flore et la faune, ils demeurent les “experts es fagnes” sur tous les fronts où se joue l’avenir du plateau tourbeux, en particulier dans la perspective du suivi des sites Natura 2000.
Plusieurs exemplaires du Guide de la Fagne (souvent réédité) sont disponibles dans la bibliothèque des Amis de la Fagne à Petit-Rechain (Verviers, BE).
Une étude vient de suggérer qu’une “grosse anguille” pourrait bien se cacher derrière le monstre du Loch Ness. Petites explications scientifiques sur ce qui se dissimule derrière Nessie, qui serait avant tout un mirage, et quelques autres créatures mythiques, du Yéti au Kraken.
La cryptozoologie, la “science des animaux cachés”, enquête sur les animaux dont l’existence est controversée, et dont la réalité n’est attestée que grâce à des témoignages. Certains, devenus des créatures mythiques, à l’image du Léviathan ou du Yéti, ont fait l’objet d’études sérieuses, qui remontent aux origines mêmes de ces monstres populaires, voire quasi-légendaires.
Petit “débunkage” en règle, avec Benoît Grison, auteur du Bestiaire énigmatique de la cryptozoologie : du Yéti au Calmar géant.
Il y a assez souvent, en cryptozoologie, des animaux qui sont supposés inconnus mais qui ne sont que des animaux rares, mal observés ou mésinterprétés par des gens qui ne sont pas des naturalistes. Il peut y avoir des animaux inconnus, parce qu’il reste beaucoup de faune à découvrir. Mais il est très très rare qu’il n’y ait rien du tout derrière, qui ne soit pas biologique.
Benoît Grison
Derrière Nessie, des phénomènes naturels (et des phoques)
Qui n’a pas entendu parler du monstre du Loch Ness – Nessie pour les intimes – cette fameuse créature digne de la préhistoire, dont la tête et le long cou affleurent à la surface de l’eau ? Le nombre de témoins a longtemps intrigué les naturalistes, certains d’entre eux adhérant à l’hypothèse d’une créature marine.
Une idée que vient conforter une étude parue ce jeudi 5 septembre [2019] et qui estime qu’une grosse anguille pourrait bien se cacher derrière la créature mythique. En juin 2018, l’équipe de Neil Gemmell, de l’université d’Otago, en Nouvelle-Zélande, a recueilli plus de 200 échantillons ADN dans le célèbre lac écossais. Après analyse de près de 500 millions de séquences, le généticien n’a découvert aucune trace de plésiosaure, une famille de grands reptiles aujourd’hui disparus. En revanche, de “nombreuses séquences ADN d’anguilles” ont été retrouvées, si bien que l’hypothèse de “très grosses anguilles” ayant pu être prises pour Nessie semble plausible aux chercheurs… qui cherchaient avant tout à étudier les différents organismes présents dans le lac.
Mais si les témoignages d’une créature mythique hantant le lac écossais sont aussi nombreux (plus d’un millier entre 1933 et aujourd’hui), c’est avant tout parce que nombre de personnes ont été victimes de mirages, dus aux conditions climatiques du Loch Ness.
“On oublie souvent que le Loch Ness est un lac de très grande taille, 7 milliards de m³ d’eau, et où il y a des mirages, raconte Benoît Grison. Quand vous avez par exemple un madrier qui flotte à la surface du Loch Ness et qu’il est réfracté, on peut avoir l’impression d’un cou d’animal qui se dresse au dessus de l’eau.” A l’origine de ces mirages, le phénomène naturel de “la couche thermique d’inversion” (la couche profonde de l’eau demeure à une température constante, plus froide, alors que celle de la surface fluctue) peut créer une réfraction en surface. Ce phénomène est non seulement à l’origine de mirages susceptibles de distordre et d’agrandir ce qui se trouve dans l’eau (comme du bois mort par exemple) mais la friction des couches d’eau à des températures différentes peut entraîner la formation de “vagues sans vents”, donnant l’impression que se forme en surface le sillage d’une créature marine, comme si quelque chose se déplaçait juste sous la surface du lac.
“De temps en temps, quelques phoques se sont introduits dans le Loch Ness, périodiquement, ce que les riverains ignoraient“, ajoute Benoît Grison. Ces mêmes phoques, probablement déformés du fait des mirages, sont certainement à l’origine de nombreux témoignages.
Le Yéti, mi-singe mi-ours ?
Le Yéti c’est un petit peu compliqué : il y a deux groupes de témoignages complètement cohérents phénoménologiquement, poursuit Benoît Grison. Il y a un groupe au sud de l’Himalaya, avec des témoignages anciens et sérieux, qui décrivent l’animal comme une sorte d’Orang-outan terrestre. En revanche, au Tibet, il est décrit comme un ours.
Au Népal, au sud de l’Himalaya, les témoignages sont anciens et se sont raréfiés au fil du temps, “soit c’est un mythe en train de s’éteindre, soit il n’est pas impossible biologiquement que l’Orang-outan continental, qui vivait il y a quelques milliers d’années dans cette région d’Asie, ait survécu dans les forêts himalayennes un peu plus tard qu’on ne le croit“. Là où au Népal le Yéti est décrit comme ayant une apparence simiesque, au Tibet, en revanche, on le qualifie plus volontiers d’humanoïde couvert de poils et s’attaquant au bétail. “Les nuances de couleur de la fourrure correspondent à l’ours bleu. C’est un animal redoutable, impressionnant, qui se met facilement sur ses deux pattes arrières et qui s’attaque au bétail : il a tout pour faire un parfait croque-mitaine“.
Le Yéti aurait donc une origine bicéphale : les récits d’une créature simiesque et ceux d’une créature humanoïde se confondant volontiers. Reste qu’une créature proche du Yéti a réellement existé : le gigantopithecus, éteint il y a 100 000 ans, était un singe qui pouvait faire 3 m de haut et peser jusqu’à 350 kilos.
Le Kraken ? Un calmar géant et quelques canulars
Cet animal mythique, issu des légendes scandinaves, a évidemment été inspiré par le calmar géant. Dans les légendes, le Kraken tient beaucoup de la bête-île : “quand les marins arrivent sur une île, ils font un feu, et réalisent un peu tard qu’il s’agit en réalité d’un monstre marin ; mais dans sa dimension tentaculaire, on a compris qu’il a été inspiré par le calmar géant, qui n’a été décrit scientifiquement qu’en 1857. C’est récent, à l’échelle de l’histoire des sciences“.
“Le calmar géant, ou Architeuthis, est un animal qui vit en profondeur, à plus de 1000 mètres, précise Benoît Grison. Quand un Architeuthis arrive à la surface, c’est qu’il est moribond, et en très mauvais état physiologique. Ses tentacules s’agitent, mais c’est parce qu’il est en train d’agoniser. Il est clair que la vision de calmars qui peuvent atteindre 17 mètres, pour les marins d’autrefois, avec les mouvements convulsifs des tentacules, ça pouvait impressionner.“
Des canulars ont achevé de perpétuer la légende du Kraken engloutissant les navires au fond des abysses : lorsque la découverte scientifique du calmar géant fut confirmée, de nombreux journaux de l’époque prétendirent que des bateaux avaient été coulés. “Ces bateaux n’ont jamais existé, en sourit l’auteur du Bestiaire énigmatique de la cryptozoologie. Le dernier dans cette lignée là, c’est Olivier de Kersauson,qui a prétendu que son trimaran avait été saisi par un calmar géant. Il a affirmé que le calmar avait saisi de ses bras la coque de son bateau à voiles et l’avait ralenti. Un ami qui travaillait pour l’Ifremer, à Brest, a demandé s’il était possible d’examiner la coque une fois le trimaran rentré, mais bien entendu il a refusé…“
Le Léviathan : “roi des harengs” ou colonies d’organismes ?
Dans la Bible, le terme de Léviathan est avant tout synonyme de monstre, et ne renvoie pas à un animal précis. “Il y a une fusion des mythes : les scandinaves ont fait une relecture du Léviathan comme étant leur serpent de mer (Jörmungand, ndlr), et c’est ce qui s’est imposé dans la culture occidentale. Dans la période moderne, les gens utilisent le serpent de mer pour tout ce qui a une forme allongée dans les océans, c’est un mot-valise.“
En lieu et place de serpents de mer, il s’agit surtout d’animaux rares et surprenants, parmi lesquels le Régalec, surnommé “Roi des harengs” ou “Ruban de mer”. Ce poisson osseux, doté d’une crête rouge sur la tête et à l’air patibulaire, peut faire jusqu’à 8 mètres de long. “C’est un animal tellement rare que les biologistes se demandent encore s’il y a une ou deux espèces“.
Parmi les autres créatures susceptibles d’évoquer un serpent de mer, les pyrosomes arrivent en bonne place : ces organismes pré-vertébrés se regroupent en colonies. D’une taille de quelques millimètres, plusieurs centaines de milliers de ces organismes peuvent se coller les uns aux autres pour former de longs tubes pouvant atteindre jusqu’à 12 m de long.
“La mer est très mal connue, tient cependant à préciser Benoît Grison. Il y a au moins un tiers des espèces marines qu’on ne connaît pas, donc on ne peut pas exclure que pour un témoignage restant qui semble cohérent, il y ait une créature inconnue.“
Des ptérodactyles survivants ? Non, la silhouette du Balaeniceps
Malgré les fantasmes, on est encore bien loin du Jurassic Park de Michael Crichton. En Afrique australe, notamment en Namibie et au Botswana, des rumeurs insistantes avaient décrit des reptiles volants tout droit surgis de l’ère secondaire. “C’était des témoignages crédibles, de fonctionnaires coloniaux, relate Benoit Grison. Mais en fait, il y a cet oiseau extrêmement étrange, le Balaeniceps, ou Bec-en-sabot, qui, en vol, a une silhouette parfaitement ptérosaurienne“.
“Ça tient à son bec extraordinaire, extrêmement massif, et à sa silhouette. Les témoignages honnêtes de créatures ptérosauriennes se retrouvent tous dans l’aire de distribution du Bec-en-sabot. Il y a une certaine cohérence derrière le témoignage, les gens sont sincères, mais il s’agit d’une réinterprétation massive. C’est finalement bien plus fréquent que les mystifications.“
La communication s’attache à définir les pratiques culturelles dans laquelle l’arbre s’inscrit : pratiques coutumières du temps et des groupes, pratiques économiques, politiques, alimentaires, techniques, ludiques, expressives, scientifiques et éthiques. Elle tente de définir le statut de l’arbre au sein des sociétés traditionnelles et examine quelles valeurs identitaires, esthétiques, juridiques, symboliques ou pragmatiques sont aujourd’hui liées aux arbres patrimoniaux et comment les collectivités et/ou les institutions peuvent (ou doivent) prendre en charge la protection de ces valeurs et surtout leur transmission…
Introduction
“Depuis octobre 2003, date où la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, fut proposée par l’Organisation des Nations unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), l’expression “patrimoine immatériel” –ou son équivalent anglais Intangible Heritage–, est de plus en plus utilisée. On remarquera toutefois que, dans la plupart des textes ou des discours, son acception se limite aux seuls rituels collectifs spectaculaires. Ainsi, il est significatif que les dix-sept chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de la Communauté française Wallonie-Bruxelles soient tous liés à des fêtes publiques, qu’ils s’agissent des acteurs (les échasseurs de Namur, les géants d’Ath, les gildes d’arbalétriers et d’arquebusiers de Visé) ou des événements festifs eux-mêmes (Tour Sainte-Renelde de Saintes, carnavals de Binche et de Malmedy, marches d’Entre-Sambre-et-Meuse).
Le seul chef d’œuvre lié à l’arbre est la fête du Meyboom de Bruxelles, plantation éphémère d’un arbre, le 9 août de chaque année, dans un ancien quartier populaire de la ville. Je reviendrai plus tard sur la plantation de l’arbre de mai, coutume autrefois largement répandue dans nos régions, mais je profite de l’exemple bruxellois pour déplorer le manque de cohérence de nos institutions politiques qui ont arbitrairement séparé la tutelle du patrimoine immobilier, confiée aux Régions, et celle des patrimoines mobilier et immatériel, attribuée aux Communautés. J’ai montré à plusieurs reprises dans des articles consacrés à la sauvegarde du patrimoine immatériel comment cette fracture était inappropriée et même dommageable. Comment pourrait-on dissocier un rituel (patrimoine immatériel) du lieu où il se déroule (patrimoine immobilier ou naturel) et des objets, instruments, masques (patrimoine mobilier) qui sont indispensables à sa réalisation ? Que sont les savoir-faire sans outils, la médecine traditionnelle sans plantes et la plupart des croyances sans représentations de la divinité et sans objets pieux ?
Le rapport entre l’homme et l’arbre que nous essayons d’analyser aujourd’hui reflète lui aussi l’interdépendance du matériel et de l’immatériel, la superposition des représentations, usages, croyances ou expressions. Ainsi, l’arbre remarquable est certes un patrimoine naturel, mais, le plus souvent chez nous, l’homme l’a planté, taillé, soigné ou en a aménagé les abords.
De même, l’arbre est associé aux bâtiments construits par l’homme (patrimoine immobilier), de la simple maison particulière aux édifices les plus prestigieux, et il peut être le support d’un panneau, d’une potale [terme du wallon liégeois qui désigne une petite niche contenant une statue de saint ou de la Vierge. On l’utilise aujourd’hui pour toutes les petites chapelles extérieures], d’une croix…, qui relèvent du patrimoine mobilier. En fait, l’arbre est au centre d’un ensemble de pratiques culturelles très diversifiées, recouvrant pratiquement tout le spectre des pratiques du patrimoine culturel immatériel et en épousant les principaux caractères, à savoir la transmission intergénérationnelle, la perpétuelle évolution et la fragilité devant l’actuelle globalisation de la culture liée à la mondialisation économique.
Les pratiques culturelles relatives aux arbres
Les pratiques culturelles relatives aux arbres ne s’inscrivent pas nécessairement dans les catégories proposées jusqu’ici par les ethnologues car leur transmission est essentiellement orale et gestuelle, alors que les taxinomies ont été créées pour des réalités tangibles, quantifiables ou qualifiables. Même lorsque le patrimoine immatériel est associé à un objet, un bâtiment ou à un site particulier, les supports descriptifs classiques sont impuissants à traduire son intangibilité. Force nous est d’établir de nouvelles classifications qui associent les supports de la tradition et de la transmission, l’appartenance au groupe et le caractère dynamique de l’expression ou du geste émis par le porteur de tradition. Pour simplifier ici, je partirai de la Grille des pratiques culturelles du Québécois Jean Du Berger, qui les répartit en trois catégories : les pratiques culturelles du champ coutumier, celle du champ pragmatique et celles du champs symbolique et expressif.
Le champ coutumier comprend tout d’abord les pratiques liées au temps. Ce n’est pas un hasard si le principal ouvrage du grand spécialiste wallon des arbres qu’est Benjamin Stassen, s’intitule La mémoire des arbres et s’ouvre sur un chapitre consacré à l’Arbre et le temps. L’arbre survit en effet à l’homme et celui-ci lui a fréquemment confié une fonction mémorielle. Qu’on songe aux arbres commémorant une révolution, la naissance d’une institution ou même d’un enfant, l’érection d’une église, d’une école, etc. Qu’on songe aussi aux nombreuses essences vertes qui accompagnent notre calendrier, destinées, au départ, à célébrer le renouveau ou à assurer la fécondité : sapin de Noël (et les plantes qu’il a peu à peu remplacées, telles que lierre, houx, gui, laurier ou palmier sous d’autres cieux), buis de Pâques, et “mais” de printemps. Ceux-ci sont encore, ça et là, offerts aux jeunes filles (Cantons de l’Est), aux notables (Grez-Doiceau, par exemple) ou érigés pour une fête (le Meyboom des Compagnons de Saint-Laurent à Bruxelles) ou une procession.
Des pratiques régulatrices, de types économiques ou juridiques, se sont transmises au cours des siècles. Pierre Koemoth a évoqué ce matin les chênes de justice ou arbres aux plaids, nombreux dans nos régions sous l’Ancien Régime ; à la même époque, on connaissait l’arbre patibulaire et celui, moins tragique, destiné au bornage, à marquer la limite de plusieurs juridictions. Certains droits d’usage étaient également associés à l’exploitation forestière, comme la glandée, droit de faire paître les porcs sous les chênes jusqu’au 30 novembre, ou l’affouage, droit de ramasser le bois mort et d’abattre le mort bois (arbres qui ne portent pas de fruits comestibles par l’homme ou l’animal domestique), toujours d’actualité dans quelques villages wallons. En dehors de notre ère culturelle, est-il besoin de rappeler l’importance de l’arbre à palabres en Afrique de l’Ouest, par exemple ?
Le champ pragmatique comporte les pratiques culturelles liées au corps, à l’alimentation, au vêtement, et les techniques liées au bâti, à l’habitation, aux transports, à l’acquisition de matière premières, à la défense. Pour les illustrer, j’évoquerai rapidement l’utilisation de fruits, de feuilles, de racines et d’écorces mais aussi de sève (de bouleau, par exemple) pour l’alimentation directe, la confection de tisanes ou de cosmétiques, d’éléments de parure, etc. Du bâton, auxiliaire de la marche, aux charpentes, en passant par les traverses de chemin de fer, le charbon de bois nécessaire au premiers hauts-fourneaux et tant d’autres usages décrits ce matin par Robert Dumas, le bois, c’est-à-dire l’arbre, est le socle de notre civilisation. Je ne m’appesantirai pas sur le sujet mais rappellerai que même les pratiques les plus connotées techniquement peuvent avoir un but esthétique ou ludique, donc immatériel.
Le troisième champ, qualifié de symbolique et expressif, est bien évidemment celui qui nous intéressera le plus ici. Il concerne les pratiques expressives, ludiques et sportives, scientifiques et éthiques. Qu’elles soient langagières, narratives ou lyriques, les pratiques expressives sont très nombreuses mais pas toujours identifiées comme telles : qui, se rendant à Aulnois, à Chênée, à Fays ou à Frêne, pense encore au lieu planté d’aulnes, de chênes, de hêtres ou de frênes ? Ces toponymes sont aussi devenus anthroponymes : Delaunay ou Delaunois, Duchêne, Defays ou Dufresne… Dans la même catégorie de pratiques langagières qui n’évoluent plus, on trouve les dictons et proverbes : “C’est au fruit qu’on reconnaît l’arbre” ou “L’ivêr n’èst rin qu’oute qui quand lès nwâres sèpines ont flori” [L’hiver n’est terminé que quand les prunelliers ont fleuri]. Par contre, les pratiques expressives narratives ou lyriques – contes et légendes, mythes, récits, poèmes, chansons – et celles que l’ont peut qualifier d’arts d’interprétation ou spectacles sont celles qui font preuve de la plus grande créativité. D’Ovide à Georges Brassens, du trouvère médiéval anonyme à l’écolier du XXIe siècle, l’arbre n’a cessé d’alimenter l’imaginaire…
Le spectacle, jeu de scène, s’apparente aux pratiques ludiques qui, avec l’arbre, se déclinent en jeux et sports divers. L’accrobranche est une version contemporaine des jeux qui, de tous temps, ont vu des nuées d’enfants grimper aux arbres, s’y balancer ou en sauter de branche en branche. Le tir à l’arc s’est longtemps pratiqué à l’aide d’un arbre ébranché, perche qui peut à l’occasion se muer en mât de cocagne… Quelques troncs de plus et voilà une activité typiquement scoute : le woodcraft, construction de meubles, d’estrades ou de portiques à l’aide de bois et de ficelle… La sculpture sur bois pratiquée comme passe-temps pourrait aussi être rangée dans cette catégorie des pratiques ludiques, même si elle nécessite un savoir-faire très pragmatique. Il peut paraître paradoxal de qualifier des pratiques traditionnelles de scientifiques. Comment pourtant traduire autrement les recettes, les remèdes, voire les divinations que certains, en ayant acquis oralement ou gestuellement le savoir et le savoir-faire, pratiquent dans le but de guérir, de soulager ou de répondre aux interrogations de leur entourage ?
Par contact, par ingestion, par inhalation, l’arbre ou l’une de ses parties se fait alors complice de l’homme. Parfois, il en est la victime : ainsi, une pratique qui tend heureusement à disparaître chez nous, veut que lorsqu’on souffre d’une dent, il faut frotter contre celle-ci un clou neuf, clou que l’on va ensuite ficher dans le tronc d’un arbre connu. Le même traitement vaut pour un furoncle, appelé clou en wallon et en français régional. Le mécanisme de guérison invoqué est le transfert : l’arbre prend le mal qu’on lui a cloué et en débarrasse ainsi le cloueur. Précisons qu’une étude réalisée en 2003 par une équipe de l’université de Liège a montré que sur la soixantaine d’arbres à clous recensés dans les provinces de Liège et de Luxembourg, seuls trois portent des clous récents et pourraient donc encore faire l’objet du rituel de clouage.
Pour l’historien Yves Bastin, “la proximité d’arbres cloués et de chapelles semble due à la superposition de croyances en un point donné plutôt qu’à la récupération par le clergé de coutumes religieuses païennes. Le clouage à des fins médicales n’est pas une pratique chrétienne qui aurait directement succédé à un culte païen.” Nous ne considèrerons donc pas l’arbre à clous comme un arbre sacré relevant des pratiques éthiques, même si, dans nos régions, l’arbre sacré est souvent associé à une chapelle ou à une fontaine guérisseuse. L’arbre sacré est celui qui a été sacralisé par une bénédiction et/ou un objet de dévotion – chez nous, un Christ, une statue de saint ou de Notre-Dame. L’arbre sacré n’est pas, loin s’en faut, une prérogative de la religion chrétienne. Il existe et a existé de tous temps et sur tous les continents. Ainsi, une peinture de la tombe du pharaon Thoutmôsis III, dans la Vallée des Rois, en Egypte, montre le pharaon allaité par un sein que lui tend la déesse de l’arbre sacré, Isis. Cette peinture est datée des environs de 1450 avant Jésus-Christ. De la même époque sans doute date l’épisode du buisson ardent, relaté dans l’Ancien Testament (Livre de l’Exode, III), buisson au pied duquel Moïse reçut la révélation du monothéisme. L’arbre, sacré dans les trois religions du Livre (le judaïsme, le christianisme et l’islam), est identifié comme un buisson pyracantha conservé au pied du Mont Sinaï, dans l’actuel monastère Sainte-Catherine. En Inde, c’est sous un arbre, aujourd’hui sacré, que Bouddha a accédé à la Bodhi, éveil ou connaissance suprême. On pourrait multiplier les exemples.
En Wallonie, mais aussi en France, en Grèce et dans d’autres régions du globe parfois très éloignées, il n’est pas rare de rencontrer des arbres couverts de linges ou de pièces de tissus, parfois de couleurs vives, comme en Mongolie. Dans nos régions, ce sont le plus souvent des ex-voto déposés par les pèlerins venus prier là pour la guérison d’un proche, le retour d’un être cher, la réussite aux examens, la fortune ou le bonheur… Etymologiquement, l’ex-voto est l’objet placé dans un lieu saint en accomplissement d’un vœu ou en remerciement d’une grâce obtenue. Sur l’arbre, il est souvent placé préventivement, au moment de la demande d’aide. Quelques exemples d’arbres couverts d’ex-voto illustreront mon propos. Ainsi, en Normandie, dans le Calvados, le village du Pré d’Auge est connu pour son chêne et sa fontaine Saint-Méen, censés soulager les affections dermatologiques. L’arbre est situé au milieu d’un pré, en contrebas de l’église. Il jouxte une source où les pèlerins viennent tremper un mouchoir. Ils s’en frottent la partie du corps malade puis le déposent sur l’arbre qui abrite, au creux de son tronc, une tête de saint Méen protégée par un grillage.
Un tel arbre support d’ex-voto peut se voir aussi à Stambruges, entité de Beloeil dans le Hainaut. La source qu’il ombrageait a disparu mais le nom même du site Arcompuch’ ou Erconpuch’ (littéralement Arconpuits) est explicite sur son existence ancienne. La chapelle et donc la dévotion locale ne sont pas antérieures au XVIIIe siècle ; pourtant, la renommée de l’arbre (un robinier) est telle qu’on parle aujourd’hui d’Arbre au puits et que les gardiens du lieu sont obligés de débarrasser régulièrement le tronc de ses ex-voto les plus douteux sur le plan de l’hygiène. Aux chapelets, scapulaires, ceintures et vêtements de toute sorte, on préfère de nos jours pansements, mouchoirs, plâtres, emballages de médicaments et même… vignettes de mutuelle.
Un autre arbre à ex-voto de nos régions est plus sobre : le frêne de la source Saint-Thibaut sur la colline de Montaigu, dominant le village de Marcourt (province de Luxembourg). Alors qu’au début du XXe siècle, l’arbre se dressait majestueusement, il n’en reste aujourd’hui qu’un morceau de tronc achevant de pourrir dans l’herbe humide. Comme autrefois cependant, les pèlerins y déposent de petites croix en brindilles nouées en leur centre.
Je terminerai ce rapide panorama des pratiques culturelles liées aux arbres en vous invitant à découvrir un arbre riche de sens, le ginkgo d’Hiroshima, au Japon : dans la ville rasée par la bombe, un arbre a reverdi au printemps 1946. Il a survécu aux hommes, aux animaux et même aux constructions humaines…”
Dans le premier numéro (décembre 1989) de la revue “Altitude 125” éditée par la Commission Historique (CHiCC), Georges FRANSIS retraçait l’histoire de ce passage cointois :
LES CINQ PHASES D’UNE COMMODITE
“Une prairie, entre la rue de Cointe (maintenant rue du Professeur Mahaim) et l’avenue des Platanes. Pour empêcher ses vaches de brouter la haie de la villa Dekaine, le fermier Tonglet dresse, en léger retrait, une seconde clôture. Une sorte de no man’s land large de 1.90 mètre en résulte.
A hauteur de l’endroit où, en 1795, se dressait un fier moulin à vent, un laitier constate avec amertume – nous sommes aux environs de 1930 – qu’il est séparé de ses clients de l’avenue des Platanes, par la prairie, large de 65 mètres. Dire que, pour les servir, il doit se taper, palanche sur les épaules, porteur de ses lourdes cruches, un pénible détour de plus de 1.500 mètres par les rues du Batty, place du Batty, avenue de Cointe !
L’astucieux Ardennais a une idée lumineuse : cisailler aux deux extrémités du no man’s land, les fils barbelés. Il profite ainsi, sans gêner personne, d’un sérieux raccourci. Un précieux sentier est né, vite utilisé par les habitants des environs.
En 1937, la famille Hauzeur affiche un plan de lotissement de la prairie, parcelles pour villas d’un côté, parcelles pour maisons accoudées de l’autre. Le raccourci figure sur le plan, sous la mention “passage”.
Après la guerre, le lotissement étant complètement aliéné, la famille Hauzeur désire se débarrasser du “passage” et le mettre en vente. Devant la menace d’achat par les deux riverains, les dames de l’avenue des Platanes craignent d’être coupées de l’accès à l’épicerie du coin de la rue Professeur Mahaim. Ces dames pressent vivement le comité du parc privé de Cointe, de se porter acquéreur. Ce qui fut fait et le sentier, sauvé.
Aujourd’hui l’épicerie est disparue, mais le raccourci est plus que jamais très emprunté surtout depuis l’arrêt du bus n°20, au coin de la rue de Bourgogne.”
Georges FRANSIS
En 1988, la CHiCC propose à la Ville de Liège de dénommer ce sentier “Passage du Laitier“, ce qui fut fait.
Un passage… de la lettre à la céramique
Ce chemin bucolique a inspiré à Béatrice LIBERT le poème suivant, ainsi d’ailleurs que le titre de son livre :
Deux haies de sagesse par où s’en vont chats et renards, fouines et mulots. Si vous empruntez le raccourci, ne hâtez pas le pas.
Écoutez plutôt les trilles des oiselets et, sous leurs notes, les cruches de lait qui s’entrechoquent loin, très loin dans un temps qu’on dit ancien.
C’était hier, mais le sentier n’a pas perdu l’écho de leur traversée ni la fraîcheur de la précieuse livraison.
L’écume du lait a chu sur les pétales, à moins qu’elle ne soit montée à la tête des arbres et de l’avril en pâmoison.
Voisin du Passage, le céramiste Jean KATTUS a réalisé une très belle mise en forme du poème qui agrémente désormais le trajet des promeneurs. Il explique : “Les pavés sont en grès et résistants au gel. En effet, le grès est une argile vitrifiée et donc devenue imperméable à la suite d’une cuisson à haute température (1.250°). Après une première cuisson à 950°, chaque pièce est plongée dans un émail de base transparent. Ensuite, une éponge enduite du même émail, additionné cette fois d’un faible pourcentage d’oxydes métalliques, du cobalt ou du chrome, est passée sur chaque lettre dans le but d’augmenter son contraste avec le fond. La pièce est alors cuite une deuxième fois à 1.250°“
1. Choix des lettres parmi les caractères découpés en bois.
2. Disposition des caractères en bois, retournés, dans le moule.
3. Estampage de l’argile dans le moule.
4. Nettoyage du moule et séchage partiel de l’argile dans le moule pendant quelques heures.
5. Moule retourné, juste avant le démoulage.
6. Démoulage lettre par lettre. L’argile est à consistance « cuir ».
7. Ébarbage de la pièce.
8. Martelage de la pièce, pour faire ressortir davantage les caractères sur le fond.
9. Nettoyage final à l’éponge.
10. Pièce terminée.
L’œuf ou la poule ? Francis GROFF évoque également le passage du laitier dans son récent roman noir Casse-tête à Cointe (Neuchâteau : Weyrich, Collection Noir Corbeau, 2002). Manifestement, la chienne Babette ne goûte pas comme nous la poésie du lieu, embaumé qu’il est de mâle effluves. Jugez-en vous-mêmes :
Si elle avait pu s’exprimer, Babette aurait indiqué une fois pour toutes à sa Mamy adorée qu’elle avait horreur de se promener dans le passage du Laitier, un discret sentier d’une cinquantaine de mètres reliant la rue du Professeur Mahaim à l’avenue des Platanes. Le passage – Babette l’ignorait évidemment – avait été baptisé ainsi durant l’entre-deux-guerres à la suite de l’initiative d’un marchand de lait qui avait tracé ce raccourci en parfaite illégalité dans une prairie privée. Ce faisant, il évitait un long détour et gagnait un temps précieux. Au fil des ans, les riverains s’étaient approprié le sentier qui avait ensuite été racheté par le comité du parc privé. Aujourd’hui bétonné et entretenu, le passage avait inspiré une poétesse, Béatrice Libert, qui lui avait consacré quelques jolis vers. Ceux-ci commençaient par : “Deux haies de sagesse par où s’en vont chats et renards, fouines et mulots. Si vous empruntez le raccourci, ne hâtez pas le pas…” Un céramiste de l’endroit, Jean Kattus, avait eu l’idée originale de «fondre» le texte dans une série de pavés émaillés en grès, posés sur toute la longueur du sentier. pour dire les choses crûment, Babette se moquait de tout cela comme de sa première saillie et elle n’avait rien à battre de ce passage que sa maîtresse l’obligeait à emprunter chaque jour, matin et soir, depuis maintenant six longues années.
“Il serait né Américain, il aurait parcouru son pays à la façon de Mary Ellen Mark, sa professeure, sa référence de toujours. Il vendrait des livres par centaines de milliers, et répondrait sans cesse aux questions sur des photos devenues cultes (on pense bien sûr à “la petite fille à la cigarette” de son aînée). Il serait né Brésilien, il aurait pu s’appeler Sebastiao Salgado, courir les paysages du monde entier et devenir la figure tutélaire mondialement connue d’une écologie de témoignage.
Mais il est Ragnar Axelsson, Rax pour tout le monde, un Islandais qui a vu le jour dans un microcosme à 320 000 habitants. Un univers polaire dont il est tombé amoureux fou, mais dont la singularité l’empêche peut-être de toucher toute la planète. Et pourtant, quel talent, quel œil incroyable ! L’Islande est le pays des couleurs, des nuances infinies de verts et d’ocres, des pastels à la pelle, mais Rax réussit à le raconter en monochrome mieux que personne. Des photos de fin du monde inimaginables lors de l’éruption de l’Eyjafjallajökull, en 2010. Ou plongé jusqu’au torse dans la lagune glaciaire de Jökulsarlon, à chercher des visages dans les gros plans d’icebergs au gré des mouvements de l’océan. Des portraits irréels, aussi, de fermiers aux visages intemporels. Parfois, on dirait des tableaux de la Renaissance en noir et blanc.
Un œil, donc, mais aussi un regard. D’une intelligence et d’une acuité terribles, qui semble déshabiller votre âme quand il vous fixe avec ses grands yeux ronds. Dans le même temps, on dirait qu’il plane des kilomètres au-dessus de nos têtes, et il y a un peu de ça: “Je suis dyslexique, je vois tout en photo, automatiquement. Et quand il y a dyslexie, c’est qu’un truc ne va pas bien entre tes oreilles, rigole-t-il. Mais ça me va, je n’ai aucun problème de concentration. En reportage, je ne me rends plus compte de rien, j’oublie que j’ai froid quand il fait moins 45, ou la sensation me saisit seulement quand je sors d’une rivière gelée dans laquelle je viens de passer dix minutes tout habillé.”
Il a choisi le noir et blanc parce que fasciné par les Paris Match, Stern et autres magazines de son enfance. “Et puis ils sont nombreux à être bien meilleurs que moi en couleur”, ajoute-t-il en pointant ses amis Palmi et Sigrun, nos hôtes du jour, deux artistes exceptionnels eux aussi (voir Icelandimage.com). “La photo, c’est comme la musique: si tu écris une chanson pour plaire à tout le monde, elle sera mauvaise. J’aurais vendu nettement plus de livres avec des photos couleur du Groenland, mais le cœur disait autre chose.”
Rax est marié à l’Islande, mais il a trouvé au Groenland une maîtresse pour la vie. Déjà cinquante ou soixante voyages, il ne sait plus vraiment, il a arrêté de compter. Il raconte les journées bloquées par la tempête, le vent terrifiant qui descend des glaciers, les souffrances parfois terribles, la chasse à la baleine dans des barques grandes comme une table de salon: “Même James Bond aurait peur, là-bas. Mais les chasseurs m’ont expliqué que c’était d’abord un état d’esprit : tu peux décider d’avoir froid et ne plus vouloir revenir, ou alors estimer que tu visites une galerie avec les plus beaux paysages du monde.” Ses amis chasseurs, de moins en moins nombreux, de plus en plus désespérés face au réchauffement climatique. Parfois désabusés, souvent en colère contre le reste du monde et la pollution: “Leur mode de vie va s’effondrer, et ils ne veulent pas finir vendeurs dans des boutiques de souvenirs. Ils sentent des choses qui nous échappent complètement. La glace, par exemple. L’un m’a dit un jour, après avoir passé la matinée à renifler: “La glace épaisse ne va pas bien en ce moment, elle devient de plus en plus fine.” C’est impossible à photographier, mais ils savent que ça fond par en dessous.”
Rax sait, lui aussi, que ce monde est amené à disparaître. Mais il continue son travail de témoignage, et garde un fond d’espoir: “Les photographes peuvent changer le monde, on l’a vu au Vietnam, par exemple. Tout le monde se souvient des photos chocs. Les reportages en Arctique peuvent ouvrir les yeux des gens, c’est notre responsabilité. A condition de montrer autre chose qu’un bel iceberg qui flotte ou un phoque sur une plage, parce qu’ils ne seront bientôt plus là si on ne fait rien.”
En attendant son prochain voyage, il va reprendre son travail quotidien pour Morgunbladid. “Des photos de gâteaux, des trous sur les routes, rien d’important”, grimace-t-il. Un vrai gâchis, effectivement. C’est comme si on demandait un ravalement de façade à Michel-Ange, ou à Jimi Hendrix de jouer Jeux interdits pour une maison de retraite. Il a quand même su garder assez de temps pour imaginer deux livres cette année. Le premier sur les glaciers : un travail abstrait qui ramène à la peinture, mais aussi pour éclairer sur leur recul – on estime qu’ils auront totalement disparu d’Islande dans deux siècles si rien n’évolue.
Et puis un autre sur les chiens, les meilleurs amis de l’homme dans le brouillard: “On est en pleine tempête, on ne voit même pas nos mains, et eux nous ramènent en traîneau jusqu’au village, car ils sentent le chemin. Une vieille dame me l’a récemment dit avec beaucoup de gravité : sans eux, il n’y aurait plus d’habitants depuis longtemps au Groenland…” (d’après LETEMPS.CH)
“Au fond, qu’est-ce que la monstruosité ? Quelle est sa définition ? Et que renvoie-t-elle de l’humanité ? Ne jamais oublier que le monstre n’est pas toujours celui que l’on croit.
‘Le sommeil de la raison engendre des monstres’, peut-on lire sur un célèbre tableau de Goya. La genèse et l’histoire du monstrueux semblent pourtant plus complexes, au croisement de l’imaginaire et de l’observation, du religieux et du scientifique, de l’horreur et de la fascination. Et s’il y a une quête dont l’humanité ne s’est jamais lassée, c’est bien celle qui consiste à trouver des raisons à la monstruosité.
Dans sa Physique, Aristote définit les monstres comme ‘des erreurs de ce qui advient en vue d’une fin’. Cette conception du monstre découle d’une approche du vivant qui repose sur la dualité de la forme et de la matière. La première, qui constitue l’essence de l’espèce (et donc sa finalité, sa raison d’être telle qu’elle est), est fournie, lors de la reproduction, par le mâle, tandis que la femelle sert de matrice et porte la matière informe. L’ordre normal du vivant se manifeste ainsi par la reproduction à l’identique d’individus formés sur des types que sont les espèces.
Mais le monde terrestre étant, aux yeux du philosophe stagirite, frappé d’imperfection, les lois qui le régissent n’excluent pas des anomalies occasionnelles. Les monstres sont dès lors perçus comme des erreurs de la nature, des accidents qui se produisent quand la matière retorse prend le dessus sur la forme et lui résiste, avec pour résultat un être dont l’essence n’est qu’imparfaitement réalisée. Cette approche a l’avantage d’être réconfortante, puisqu’elle fournit une explication rationnelle à un phénomène déstabilisant, permettant à l’esprit épris de compréhension de retrouver un ordre jusque dans le désordre. Le monstre est l’exception qui confirme la règle.
Entre séduction de l’inconnu et terreur de l’inintelligible
L’intérêt scientifique pour le monstre s’est progressivement cristallisé autour d’une science appelée tératologie (du grec teratologia, “récit sur les choses extraordinaires” ou “science du monstrueux“) , qui se concentre sur les anomalies anatomiques se manifestant au sein du vivant. Elle s’élabore à partir du milieu du XVIIIe siècle, trouve ses fondements et sa méthode scientifiques grâce aux travaux du naturaliste Etienne Geoffroy Saint-Hilaire et de son fils Isidore au début du siècle suivant, et passe, au gré de la biologie, d’une conception fixiste héritée d’Aristote (où les espèces ne sont que la réitération perpétuelle d’une forme immuable et éternelle) à une conception évolutionniste théorisée par Darwin.
Mais, avant de devenir une figure obligée des cabinets de curiosités puis des laboratoires, le monstre a longtemps hanté les imaginaires religieux et mythologiques. Tantôt représenté comme un mauvais présage ou l’expression de la colère divine, tantôt vénéré dans les spiritualités orientales où le divin lui-même se fait chimère (du Ganesh hindou et sa tête d’éléphant à la déesse Bastet qui arbore un minois félin), le monstre incarne ainsi la différence inquiétante et captivante, dont on ne sait s’il faut la célébrer tel un miracle ou l’éliminer pour préserver l’ordre familier des choses.
L’ambivalence de notre rapport au monstrueux sonne comme un vertige, où l’émerveillement face à l’extraordinaire le dispute à la crainte du chaos. Qu’on le redoute ou qu’on l’admire, difficile de détourner les yeux. Car le monstre, fidèle à son étymologie latine, se montre. Il ne passe pas inaperçu et ne laisse personne indifférent, qu’il s’exhibe malgré lui dans les foires sous les yeux écarquillés des badauds, ou qu’il se cache dans une prison de pierre, tel le bossu Quasimodo conscient du dégoût que suscite sa difformité. La divergence spectaculaire qu’offre le monstre nous tiraille entre la séduction de l’inconnu et la terreur de l’inintelligible. De quoi le frisson généré par cette tension irréductible est-il le symptôme? D’un soupçon inavouable et pourtant inévitable : se pourrait-il que ce que l’on écarte commodément comme un repoussoir soit en réalité un miroir dans lequel on refuse de s’observer? Ironie inattendue, ces monstres dont on revêt volontiers la trogne biscornue à l’occasion de la nuit de Halloween pour conjurer la terreur en jouant à se faire peur sont des déguisements qui font tomber les masques.
La variation transformée en anomalie
Ce que nous apprend le cri déchirant de John Merrick dans le film Elephant Man de David Lynch, lorsque, cerné par une foule effrayante, il se voit contraint de lui rappeler qu’il est un être humain, c’est que le monstre n’est pas toujours celui qu’on croit. Lévi-Strauss écrivait, dans Race et histoire, que “le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie“, puisque l’exclusion d’un groupe d’individus du champ d’une humanité qui s’autoproclame civilisée demeure la stratégie la plus efficace pour qui désire s’autoriser les pires atrocités. De la même manière, la fabrication symbolique de la monstruosité répond souvent à une volonté d’exclure et de stigmatiser des personnes envers lesquelles on ne veut s’interdire aucune cruauté. Qu’il s’agisse de l’idéologie misogyne qui irrigue l’image de la sorcière, des caricatures antisémites représentant les juifs en vampires dévoreurs d’enfants, ou des discours pénalisant l’homosexualité au prétexte qu’elle serait une pratique ‘contre- nature’, la désignation du monstre démontre qu’aucune vision du monde n’est à l’abri de verser dans l’immonde.
La notion de monstrueux est ainsi le pendant d’une conception essentialiste, où les catégories que nous utilisons pour quadriller notre environnement, créer des repères essentiels pour l’habiter et théoriser les phénomènes tendent à se substituer au réel et incitent à déformer ce dernier pour le conformer à nos attentes. Si le monstre s’apparente à une erreur de la nature, son élimination ne peut apparaître que comme un perfectionnement, la correction salutaire d’une bavure regrettable. Cette idée se retrouve à l’origine de toutes les idéologies eugénistes et génocidaires qui se donnent pour mission de purifier l’humanité ou telle nation jugée supérieure en la purgeant des éléments qui la corrompent comme on soigne une pathologie.
Au-delà de ses instrumentalisations meurtrières et des imaginaires racistes qui les alimentent, le concept de nature porte en lui-même la tentation d’une simplification délétère. Car la raison, elle aussi, engendre ses monstres. La tératologie ne se contente pas d’étudier les anomalies anatomiques : elle les décrète, selon des critères parfois discutables. C’est au nom d’un prisme binaire où la diversité peine toujours à trouver sa place qu’aujourd’hui encore des médecins justifient et pratiquent la mutilation des enfants intersexes nés avec des caractéristiques anatomiques ne correspondant strictement ni au type du mâle ni à celui de la femelle. Comme une étrange revanche d’Aristote contre Darwin, la variation, phénomène parfaitement banal au sein du vivant, se voit transformée en anomalie appelant une normalisation, au point de sacrifier la santé et le bien-être des personnes intersexes, qui gardent de graves séquelles des opérations qu’elles subissent, au besoin de les faire entrer dans des cases hermétiques. La monstruosité porte ici le visage avenant de la conformité à tout prix.
Derrière la banalité désarmante
Du dessous inquiétant de nos lits d’enfants aux discours qui transforment une différence en problème, ‘monstrueux’ est le nom qu’on donne à ce qui nous échappe, à l’inclassable qui nous force à contempler les biais réducteurs de nos œillères théoriques et idéologiques, au pressentiment que quelque chose de foisonnant et d’insaisissable se cache clans les coulisses de notre petit univers bien rangé et menace de tout chambouler. Le malaise mêlé de fascination qu’engendre l’évocation des grands criminels de l’histoire, ou encore celle des célèbres tueurs en série qui ont fait l’objet de multiples documentaires dont le public est friand, illustre tout particulièrement le fond de cette angoisse. Constater que les monstres moraux (qui, contrairement aux anomalies physiques, résistent aux classifications comme aux explications tranchées) peuvent se cacher sous les traits séduisants d’un Ted Bundy ou derrière la banalité désarmante d’une armée de petits bureaucrates travaillant pour le régime nazi, c’est comprendre que, si l’on fabrique des monstres, c’est peut-être, paradoxalement, moins pour se faire peur que pour donner à notre peur un visage identifiable et circonscrit qui nous aide à mieux dormir la nuit.
Pour les mêmes raisons que le monstrueux suscite la défiance et la volonté de le dissoudre par la normalisation ou par la suppression, il constitue un terreau infiniment fécond pour l’art. Quitter le royaume des normes établies
pour celui des possibles sans limites, c’est consentir à troquer le confort d’un univers borné et maîtrisé pour la curiosité de l’aventurier avide d’explorer notre humanité sans tabou. Les pulsions coupables auxquelles on donne des traits démoniaques, le rêve d’immortalité que réalisent les vampires, le projet hybristique du docteur Frankenstein, ou encore les questionnements sur l’au-delà au travers de l’univers des zombies, des fantômes ou de la sorcellerie sont autant d’occurrences où le monstrueux est synonyme d’expansion de la réflexion par la grâce de l’imaginaire. Enjamber les frontières du normal et du naturel pour restituer à la monstruosité son irréductible et arbitraire relativité, c’est aussi se libérer du manichéisme en admettant, à l’instar de Baudelaire, que ce qui fait peur peut tout autant faire envie :
Que tu viennes du ciel ou de l’enfer ; qu’importe,
Ô Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !
Si ton œil, ton sourire, ton pied, m’ouvrent la porte
D’un infini que j’aime et n’ai jamais connu ?”
Marylin Maeso
L’article de la philosophe Marylin MAESO est extrait du hors-série Frankenstein et les grands monstres de la littérature publié par le magazine LIRE-MAGAZINE LITTERAIRE [LIRE.FR, février 2021] ;
L’illustration de l’article est une photo de tournage du film de Guillermo del Toro, Le Labyrinthe de Pan (2006) ;
A lire aussi dans la wallonica : Monstre (avec e.a. une revue du livre de Laurent Lemire : Monstres et monstruosités) ;
Après des études de photographie à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts Saint-Luc de Liège, Jean-Louis VANESCH (né en 1950) expose dès 1983. Parmi de nombreuses expositions, on peut en épingler quelques-unes. En 2005, ses photographies sont montrées à “L’esquisse des Ombres” à Rouje (Québec) et à la Galerie provinciale de Wégimont. En 2006, il participe à l’exposition “A l’image de rien” à Contretype, à Bruxelles et à “Photo-Fiction” au Comptoir du Livre, à Liège. En 2007, il présente une sélection de photographies dans le cadre de l’exposition “Le jardin des résistances”, avec Paul den Hollander, Daniel Desmedt et Lucia Radochonska à l’Espace Photographique Contretype. En 2008, il prend part à l’exposition collective “Cf.(Natuur, Nature)” au Centre De Markten, Bruxelles. Fin 2009, sa première monographie est publiée aux Editions Yellow Now. (d’après CONTRETYPE.ORG)
Cette grande photographie en noir et blanc montre de manière spectaculaire un homme seul face à la mer. Le point de vue en plongée accentue la masse imposante des eaux agitées surplombant le spectateur. L’horizon est hors champ, la mer envahit l’espace visuel.
Se reconnecter à la Nature est indispensable et la Wallonie a le privilège de disposer de vastes espaces boisés à explorer. Ce livre de 2013, illustré de magnifiques photos, est une invitation à prendre le temps d’admirer des arbres remarquables de nos contrées. Les histoires liées à ces derniers sont souvent étonnantes à découvrir.
Benjamin STASSEN, artiste photographe d’Ellemelle (BE) est né en 1959. Il commente la philosophie qui guide son travail depuis de nombreuses années [source : site de la Fête des Arbres à Esneux, BE, en 2005] :
« Les arbres constituent un patrimoine paysager, historique et écologique de toute première importance », affirme Benjamin Stassen. « On me dit souvent que je ne m’intéresse qu’aux arbres, mais à travers les arbres on peut toucher à tous les segments de l’histoire, de la vie contemporaine et même de l’avenir. J’ai une passion particulière pour les arbres parce que je suis un nomade, qu’il faut que je bouge et que je m’aventure… J’ai ce côté imaginatif, je suis un promeneur qui veut, non seulement préserver ce qui est, mais aussi ajouter de la vie… Je veux encourager la plantation d’arbres, de haies, même si c’est beaucoup de boulot dans nos parcs et dans nos jardins. » Heureusement, cette perte de repères dont pâtit notre environnement naturel est relativement récente. Globalement, le Wallon s’est détourné de ce qui est proche de lui, de ce qui est immédiat, de ce qui est tangible. « On vit, de plus en plus », regrette Benjamin Stassen, « dans une société qui privilégie le virtuel, le lointain, l’immatériel… Bref, l’imaginaire, mais dans ce qu’il a de plus creux, de plus impersonnel et de plus ‘marchandisé’. C’est une tendance qui me dérange profondément. Ce qui me touche, c’est de rencontrer quelqu’un, dans un village, qui peut, si je lui pose la question, me raconter une anecdote à propos de tel ou tel endroit que je recherche. Cela devient rarissime. Les villages se vident des populations anciennement établies ; elles sont remplacées par un essaimage urbain, à l’encontre duquel je n’ai d’ailleurs aucun grief particulier à formuler, si ce n’est qu’il accentue une désappropriation de ce qui est pourtant proche de nous et qui nous appartient, toutes choses que nous avons la responsabilité de protéger, de préserver et de transmettre. »
Pourquoi pas découvrir son livre à l’ombre d’un arbre ?
Une brève biographie accompagnée d’une bibliographie de Benjamin STASSEN est documentée par le Service du Livre Luxembourgeois (province du Luxembourg belge) : “Benjamin Stassen se consacre la connaissance et la protection des arbres exceptionnels de Wallonie depuis près de 20 ans. Fondateur de l’asbl Le Marronnier en 1989, il écrit et photographie en autodidacte, une passion pour les mots et l’image qui lui a valu l’appui de la Fondation belge de la Vocation et de la Fondation Spes.“
Peintre et pastelliste né à Anvers le 6 mars 1884, décédé à Knokke le 11 août 1960. Fils posthume de Louis Van den Seylberg, charpentier, de nationalité néerlandaise, et de Maria-Theresia Van Eynde, originaire de Geel.
Un problème se pose quant à l’orthographe exacte de son nom : en effet, l’artiste signait « J. van den Seylbergh » et tenait beaucoup à cette graphie. Cependant, les documents officiels, en ce compris son acte de naissance, portent la mention « Van den Seylberg », nom encore porté par ses descendants.
Les années de formation
N’ayant jamais connu son père, Jacques Van den Seylberg est élevé à Geel par sa famille maternelle. Après avoir achevé ses humanités du degré inférieur, il est inscrit en 1898 à l’Ecole de Dessin de Geel où il est l’élève du premier directeur de cet établissement, Jan-Baptist Stessens. En 1904, il s’inscrit à l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers où il reçoit l’enseignement de Henri Houben avec lequel il restera d’ailleurs lié. L’année suivante, il opte pour la nationalité belge.
Le 6 septembre 1913, Jacques Van den Seylberg épouse Josephina-Maria De Meyer, originaire de Noorderwijk, près d’Herentals. Lorsque la guerre éclate, il est mobilisé et passe, avec son régiment, aux Pays-Bas où il est interné dans le camp de Zeist, à proximité d’Utrecht. A l’intérieur du camp, il dispose de son propre atelier et se livre, entre autres, à des restaurations d’œuvres locales. Il semble qu’il y ait bénéficié d’une certaine liberté et qu’il lui ait été loisible de rencontrer sa femme. En effet, une fille leur naît le 1er octobre 1918.
La maturité
Après la guerre, de retour en Belgique, il s’installe d’abord à Westerlo, puis, à partir de 1921, à Aarschot où il réalise, notamment, la restauration de L’Adoration des Mages de Gaspard De Crayer, endommagée lors de l’incendie de l’église Notre-Dame, en août 1914. De 1924 à 1940, sa production artistique est importante, de même que le nombre d’expositions auxquelles il participe. C’est durant la même période qu’il se lie avec divers artistes, dont James Ensor et Firmin Baes.
Lorsqu’éclate la seconde guerre, Van den Seylberg fuit dans le sud de la France, l’été 1940, il expose en Ardèche, à Annonay. Revenu en Belgique en 1941, il s’installe cette fois à Kessel-Lo puis, en 1943, à Spa où il est officiellement domicilié à partir de 1948. Il y expose à plusieurs reprises (à l’auberge de La Vieille France, au Casino et chez l’architecte Armand Micha). En 1950, il quitte Spa pour Knokke où un ami lui loue une villa nouvellement construite (« La Garoupe »). Il s’y éteint le 11 août 1960.
Jacques Van den Seylberg a exposé aux quatre coins de la Belgique (Anvers, Bruges, Bruxelles, Gand, Ostende, Spa,…) mais aussi à l’étranger (Amsterdam, Rotterdam, Madrid, Cardiff,…). Ses oeuvres ont également été acquises par une clientèle cosmopolite, répartie partout en Europe (la famille royale de Suède compte parmi ses clients), en Amérique et en Asie. Il aura néanmoins fallu attendre plus de vingt-cinq ans après sa mort pour qu’une rétrospective lui soit consacrée, à Aarschot, en 1988.
Un peintre de la nature
Dans l’ensemble de son œuvre, c’est le pastel qui occupe la place prépondérante, même si l’on rencontre quelques peintures à l’huile et miniatures, auxquelles il convient d’ajouter les travaux de restauration, encore mal connus. A quelques exceptions près, les œuvres de Van den Seylberg ne sont pas datées ce qui rend impossible l’établissement d’une chronologie et, partant, d’une évolution stylistique.
Mais, en définitive, cela importe peu car son œuvre est homogène, presque exclusivement vouée à la nature. Les paysages nostalgiques du Zwin, de Campine et des Fagnes y tiennent une grande place, à côté de sobres bouquets de fleurs, de pivoines particulièrement. Outre d’évidentes qualités de dessinateur et de coloriste, Van den Seylberg fait montre d’une telle sensibilité que l’on peut conclure, avec Eugène De Seyn, “qu’il peint en poète“.
Il fut un temps où écrire “Femmes qui courent avec les loups” était une nécessité, car elles étaient nombreuses, celles qui avaient oublié leur héritage de sang et de puissance, leur connaissance intime de la rivière sous la rivière. Du coup, la psychanalyste et conteuse Clarissa Pincola Estés s’était fendue en 1996 d’un ouvrage fort utile, compilant 20 ans de recherche dans près de 500 pages, truffées de contes intrigants pour les femmes de l’époque, de légendes nées de la forêt ou du désert qu’elle connaît bien (elle est Mestiza Latina : métisse née d’un couple amérindien / hispano-mexicain), d’histoires collectées dans le monde entier et de rappels flamboyants à cette nature instinctive de la Femme que bien des couches de civilisation et d’oppression, voire… d’autocensure, ont hélas recouverte.
Il y a eu un avant, il y a eu un après…
Après l’après (qui restait encore un temps où l’engagement pour la libération de la femme était d’actualité), il y a eu des jeunes auteures, fortes du combat de leurs mères (quelquefois accompagné par leurs pères, d’ailleurs), qui avaient intégré dans leur écriture cette puissance de la femme, où celle-ci n’était plus une question à débattre et illustrer mais, déjà, un ressort naturel de la narration. Sauvage (Paris, Gallmeister, 2019) est un de ces livres rafraîchissants, postérieurs (ou étrangers) à ces combats, un roman d’après-guerre… des sexes.
‘Rafraîchissant‘ est par contre le pire terme pour évoquer ce roman initiatique, irrésistible de suspense et de densité sombre : “À dix-sept ans, Tracy Petrikoff possède un don inné pour la chasse et les pièges. Elle vit à l’écart du reste du monde et sillonne avec ses chiens de traîneau les immensités sauvages de l’Alaska. Immuablement, elle respecte les trois règles que sa mère, trop tôt disparue, lui a dictées : «ne jamais perdre la maison de vue», «ne jamais rentrer avec les mains sales» et surtout «ne jamais faire saigner un humain». Jusqu’au jour où, attaquée en pleine forêt, Tracy reprend connaissance, couverte de sang, persuadée d’avoir tué son agresseur. Elle s’interdit de l’avouer à son père, et ce lourd secret la hante jour et nuit. Une ambiance de doute et d’angoisse s’installe dans la famille, tandis que Tracy prend peu à peu conscience de ses propres facultés hors du commun.” (source : Gallmeister)
Comme l’écrit son éditeur Gallmeister : “Jamey Bradbury est née en 1979 dans le Midwest et vit en Alaska depuis quinze ans. Elle a été réceptionniste, actrice, secouriste et bénévole à la Croix Rouge. Elle partage aujourd’hui son temps entre l’écriture et l’engagement auprès des services sociaux qui soutiennent les peuples natifs de l’Alaska. Sauvage est son premier roman.“