FRECHKOP S., Animaux protégés au Congo Belge (Institut des parcs nationaux du Congo belge, Bruxelles, 1953)

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[Transcription de…] ANIMAUX PROTEGES AU CONGO BELGE ET DANS LE TERRITOIRE SOUS MANDAT DU RUANDA-URUNDI AINSI QUE LES ESPÈCES DONT LA PROTECTION EST ASSURÉE EN AFRIQUE (y compris MADAGASCAR) PAR LA CONVENTION INTERNATIONALE DE LONDRES DU 8 NOVEMBRE 1933 POUR LA PROTECTION DE LA FAUNE ET DE LA FLORE AFRICAINES AVEC LA LÉGISLATION CONCERNANT la Chasse, la Pêche, la Protection de la Nature et les Parcs Nationaux au Congo Belge et dans le Territoire sous mandat du Ruanda-Urundi, PAR S. FRECHKOP, Directeur de Laboratoire à l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, et al. (Bruxelles, 1953)

© Collection privée

INTRODUCTION

Douze années se sont écoulées depuis la parution de la deuxième édition du présent ouvrage. Il eut un incontestable succès, de même que son édition abrégée qui parut en 1947 et fut rapidement épuisée. Nous devrions nous réjouir de l’intérêt porté aux animaux protégés de la faune africaine, s’il avait eu pour résultat de conserver la vie aux nombreuses espèces menacées d’une disparition complète. Hélas ! au seuil de cette nouvelle édition d’un travail consacré à la connaissance des animaux ont les rangs s’éclaircissent devant les interventions humaines, nous nous trouvons devant un bilan plus sombre que jamais.

Au cours de la dernière décade, les tentatives de développement économique des vastes territoires africains ont pris de telles proportions que rares sont les régions où leurs tentacules n’ont pas pénétré. Certes, on doit se féliciter d’un essor agricole et industriel dont les conditions d’existence de la communauté humaine ne peuvent que bénéficier. Mais, fasciné par les réalisations spectaculaires de l’industrie, par le mirage des gains immédiats, de l’aisance, du luxe, des facilités, ne perd-t-on pas le sens réel des choses, la notion exacte des mesures?

On ne voit plus guère dans la Nature qu’une source de profits, quelle que soit la forme de ceux-ci. Peut-être, passagèrement, s’extasie-t-on encore devant quelques-unes de ses beautés, mais rapidement l’âpreté des besoins matériels étouffe les émotions qu’elles procurent. Leur disparition est consacrée sans remords, souvent sans réflexion aussi. La Nature est, cependant, une vaste machine dont les rouages dépendent les uns des autres. Si l’on en supprime un, les autres perdent leurs fonctions et sont appelés à disparaître à plus ou moins brève échéance. On ne trouble pas impunément les équilibres naturels, auxquels toute atteinte est lourde de conséquences.

L’homme a subsisté des millénaires, car ses besoins étaient modestes. Il se comportait dans la Nature comme un élément du milieu. A quel destin est-il voué, maintenant qu’il exploite les ressources naturelles d’une façon démesurée, ce qui le conduit à tarir la source même de ses besoins ?

L’Afrique a pu être considérée, il y a un siècle, comme le continent le plus peuplé en herbivores, en nombre et en variétés. Il est impossible d’en déterminer le chiffre, mais il est certain que cette faune devait se compter par plusieurs centaines de millions d’individus. Aujourd’hui, on peut parcourir ce continent de part en part, sur des milliers de kilomètres, sans apercevoir le moindre ruminant. Dès que les hommes blancs y sont apparus munis d’armes à feu, que les indigènes apprirent le maniement de celles-ci, qu’ils disposèrent de moyens aussi meurtriers que les lacets en fils métalliques, la faune vit ses rangs s’éclaircir avec une stupéfiante rapidité.

La concentration de populations dans les centres urbains et industriels favorisa le trafic de la viande de chasse auquel se livrèrent des chasseurs professionnels, provoquant ainsi de véritables hécatombes d’animaux. D’autre part, le développement des exploitations, des cultures indigènes, des voies de communication poussèrent les animaux à se retrancher dans des régions reculées où, souvent, ils ne peuvent s’adapter à des milieux nouveaux et voient leur espèce s’éteindre.

Notre pessimisme au sujet de la conservation de la faune africaine trouve un nouveau fondement dans les tentatives de développement de l’élevage du bétail domestique. L’exemple de l’Afrique du Sud en illustre fâcheusement les conséquences. Les troupeaux d’ongulés y étaient d’une importance impressionnante, et après l’extinction de plusieurs espèces on y constate aujourd’hui la disparition progressive de nombreux mammifères tels que les rhinocéros noirs et blancs, l’oribi, le gnou, l’éland, le bontebok, les éléphants d’Addo et de Knysna, le zèbre de montagne. On a vu dans l’élevage une source de profits immédiats et fort hâtivement on a conclu à l’incompatibilité qu’offrait la présence simultanée du bétail et des animaux sauvages, ceux-ci pouvant être des vecteurs de maladies pour les bêtes introduites.

Cette conception a donné origine à de véritables campagnes d’anéantissement, consacrant ainsi, en réalité, une perte irréparable pour l’économie humaine.

Il ne nous paraît pas inutile d’expliquer ici les raisons pour lesquelles en supprimant la faune autochtone des ongulés pour favoriser l’élevage, on commet une erreur fondamentale . Le continent africain est pauvre, le plus pauvre de tous, pour ce qui est de la fertilité de ses sols. On s’est mépris lourdement sur leur vocation agricole, car l’exubérance de la végétation semblait en attester la richesse. Cette apparence, on s’en est aperçu, n’était qu’un leurre : la forêt constitue un équilibre biologique dans lequel le sol n’intervient que pour une faible fraction, tandis que le bilan en eau y est prépondérant. L’Afrique est un continent en voie d’asséchement et, déjà, la majorité de sa superficie est aride, sans aucun espoir d’amélioration.

Par surcroît, la plupart de ses sols sont pauvres en plusieurs éléments et notamment en calcium et en phosphore, dont la sécheresse ne fait qu’entraver l’assimilation. Non seulement les herbages sont maigres et clairsemés, mais ils sont d’une très faible valeur nutritive. Les essais d’amélioration des pâtures, d’enrichissement du sol par les engrais chimiques, sont décevants et, jusqu’à présent, peu prometteurs. L’élevage du bétail domestique, à une échelle vaste et durable, pose donc en Afrique un problème qui n’est pas près d’être résolu.

On objectera, néanmoins, que ces mêmes régions ont supporté les centaines de millions de ruminants dont nous parlions précédemment. Prendre cet argument comme base, de nature à légitimer le développement de l’élevage,
est encore une illusion.

Si les animaux sauvages ont pu subsister dans des régions où jamais un nombre équivalent de têtes de bétail ne pourra être élevé, c’est parce que les exigences sont affaire de degré. Un pays nourrit ce qu’il peut nourrir et, proportionnellement aux réserves de son sol en éléments biogènes, un équilibre s’établit. Les animaux faibles et malades s’éliminent par des facteurs naturels, et lorsque la quantité disponible d’un élément indispensable du sol vient à diminuer dangereusement, par suite d’une multiplication excessive des consommateurs, ceux-ci migrent vers d’autres régions.

Avec l’élevage, l’homme veut obtenir le maximum de rendement dans un minimum de temps et d’espace. Or, il convient de noter que le bétail domestique est à croissance rapide et exige, dans un temps très court, d’accumuler les réserves minérales du sol indispensables à sa constitution. Il est, en outre, herbivore, alors que beaucoup d’animaux sauvages sont herbivores et phyllophages en même temps, ce qui augmente les possibilités d’une même région à supporter un nombre plus élevé de ceux-ci. L’élevage vise à exporter la partie la plus riche des éléments prélevés dans le sol, contribuant ainsi à accélérer son appauvrissement.

Sous l’angle de la pathologie, il est indéniable que les animaux sauvages présentent une supériorité marquante sur les bêtes domestiques. Une sélection naturelle séculaire leur a conféré une résistance aux maladies, une adaptation aux conditions du milieu, qu’aucun bétail n’est capable d’égaler dans l’état actuel des connaissances. Ainsi sacrifie-t-on un capital-faune d’une inestimable valeur, pour le remplacer par une industrie dont la réussite, à longue échéance, est moins bien qu’assurée.

Indépendamment du côté sentimental attaché à son caractère spectaculaire, la faune africaine présentait un intérêt scientifique considérable, des ressources zootechniques et médicales insoupçonnées, mais elle constituait, surtout, pour les populations indigènes, une assurance contre la famine.

On mesure ainsi toute la responsabilité de ceux qui n’ont pas su, ou n’ont pas voulu comprendre. De ceux qui considèrent encore la faune et sa protection comme une baliverne.

Certes, les sciences biologiques nous ouvrent des horizons immenses, mais, tant qu’elles ne se matérialisent pas par des réalisations concrètes, la sagesse impose d’assurer la protection des biens naturels dont nous sommes les détenteurs responsables, dans la forme où la Nature nous les a dispensés.

Il n’est pas possible de revenir en arrière, l’amputation dont la faune africaine a été victime est irréparable, mais c’est un devoir pour chacun de tenter de sauver ce qui peut l’être encore. Placé dans des conditions favorables, un noyau de quelques spécimens d’une espèce peut permettre de
reconstituer tout un peuplement.

Le but du présent ouvrage est de familiariser les personnes vivant en Afrique avec l’aspect et le genre de vie des animaux placés sous la protection de la loi, de vulgariser la notion de protection et de promouvoir l’intérêt pour ces inférieurs auxquels nul ne peut contester le droit de vivre.

Partant du principe qu’un effort n’est jamais perdu, nous publions une nouvelle fois ce travail, qui constitue un appel en faveur des espèces de la faune africaine les plus menacées, celles dont il importe d’assurer la conservation pour nous-mêmes, mais aussi pour les générations futures.

En 1936, l’Institut des Parcs Nationaux du Congo Belge sortait une brochure aux proportions modestes, comportant, d’une façon sommaire, les éléments qui devaient être repris dans un travail beaucoup plus important, publié en 1941, et dont la rédaction avait été confiée à M. S. FRECHKOP, Directeur de Laboratoire à l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, bien connu par ses travaux sur les mammifères. Cet ouvrage fut rapidement épuisé ; aussi la publication d’une troisième édition abrégée et ne concernant que les espèces vivant au Congo Belge sortit de presse en 1947. Aujourd’hui paraît une quatrième édition, reprenant la forme de celle de 1941, mais complétée dans son texte et illustrée de figures nouvelles. Elle concerne tous les animaux énumérés dans le décret du 21 avril 1937, sur la chasse et la pêche au Congo Belge, mais aussi tous ceux qui font l’objet de mesures de protection en Afrique, y compris Madagascar, et dont la détention et le transport sont interdits au Congo Belge.

Les figures qui illustrent la présente publication ont été exécutées sous la surveillance de l’auteur, ainsi que sous le contrôle de M. G. Fr. DE WITTE, Conservateur honoraire à l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, dont la longue expérience de naturaliste et d’explorateur au Congo Belge a fait un arbitre compétent dans la sélection de la documentation. Ces figures ont été inspirées par des documents photographiques souvent inédits et par des illustrations prises dans le Bulletin of the New York Zoological Society, dans Zoo Life de Londres, ainsi que dans divers ouvrages spéciaux cités ci-après. Pour la préparation du texte, les livres suivants ont été consultés [suit une bibliographie disponible dans le PDF de l’ouvrage téléchargeable sur notre DOCUMENTA]

Afin de faciliter dans la plus large mesure possible l’identification des animaux protégés, un tableau synoptique, basé sur les caractères externes, permettra de distinguer aisément les différentes espèces. On pourra, en outre, se rapporter aux figures qui illustrent les descriptions. Le premier paragraphe de celles-ci s’applique uniquement aux caractères distinctifs externes. Les personnes désireuses de renseignements plus étendus, notamment sur les mœurs et la distribution géographique, trouveront ces développements dans les paragraphes subséquents.

Les noms latins par lesquels sont désignés dans ce livre diverses espèces de mammifères sont ceux qu’avait admis dans son ouvrage, A Checklist of African Mammals (1939), le regretté G. M. ALLEN. En ce qui concerne les oiseaux, l’ouvrage de W. L. SCLATER, Systema Avium AEthiopicarum (1924-1930), a été suivi pour l’arrangement et la désignation scientifique des espèces, à l’exception de quelques modifications, jugées nécessaires pour l’uniformité de ce volume.

La documentation complète concernant la législation sur la chasse et la pêche, sur les Parcs Nationaux, ainsi que sur la protection de la faune au Congo Belge et au Ruanda-Urundi, constitue la deuxième partie de ce travail, complété par une carte sur les parcs nationaux et les réserves créés au Congo Belge et au Ruanda-Urundi.

Tout en fournissant quelques données sur la façon de vivre des animaux africains, l’ouvrage de M. S. FRECHKOP montre l’insuffisance et l’imprécision de nos connaissances dans ce domaine. Le lecteur, nous l’espérons, saisira la valeur de la collaboration des personnes résidant au Congo Belge et au Ruanda-Urundi. Le comportement des animaux est à peu près inconnu. Nous voudrions que le présent travail suscitât le désir d’observer les animaux à l’état libre, dans leur milieu naturel, de noter toutes les péripéties de leur existence et de les photographier. Toute documentation de ce genre peut devenir une précieuse contribution à la Science et donner aussi des indications utiles au perfectionnement de la réglementation sur la chasse. Nous attirons l’attention sur l’importance des observations touchant les fluctuations du nombre des individus de chaque espèce et les facteurs qui les déterminent, les déplacements journaliers ou saisonniers, l’activité durant les diverses heures du cycle journalier, l’époque du rut ou de la nidification et de la ponte, des mises-bas ou des éclosions.

Il est regrettable de constater l’indifférence avec laquelle a été accueilli l’appel fait dans les éditions antérieures de ce livre, bien que celles-ci aient été largement distribuées, autant par les soins du Ministère des Colonies que par l’Institut des Parcs Nationaux du Congo Belge. A l’exception des observations fournies par M. A.-J. JOBAERT, Lieutenant honoraire de chasse, et par le Major E. HUBERT, ancien conservateur-adjoint au Parc National Albert, et des précieuses images fixées par ce dernier, – tous deux fréquemment cités dans le texte qui suit, – presque aucun renseignement n’a été transmis.

L’appel adressé précédemment doit être complété. On remarquera qu’on s’est efforcé d’indiquer les noms des animaux en diverses langues indigènes. On les connaît insuffisamment. Toutefois, l’édition actuelle a pu être complétée par une série de noms vernaculaires qu’ont bien voulu nous communiquer les personnes suivantes, auxquelles l’Institut s’empresse d’exprimer ici sa sincère gratitude : [s’ensuit une liste de personnes, disponible dans la DOCUMENTA]

En terminant cette introduction, nous souhaitons que la cause de la protection des animaux sauvages, noble entre toutes, rallie toujours plus de fervents adeptes, car seul leur nombre pourra triompher des intérêts aveugles et des inerties.

V. Van STRAELEN

La dématérialisation est en cours et le PDF OCR du livre original est différent chaque jour dans notre DOCUMENTA…

[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : dématérialisation, transcription, édition et iconographie | sources : Documenta | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête © WWF France.


Abordons l’écoumène en Wallonie…

LEFEVERE S., La crevette grise (IRSN, 1960)

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Nous vous parlons d’un temps que les moins de vingt ans… En 1960, le Patrimoine de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique publiait ses Carnets du Service Educatif. Le numéro 11 était consacré à… la crevette grise (à télécharger dans la DOCUMENTA). Son auteur, Sylvain LEFEVERE, était assistant à l’IRSN et a déployé des trésors de pédagogie pour donner goût aux savoirs contenus dans l’opuscule. Jugez-en vous-même ci-dessous…


“Chers amis à terre,
Chacun de vous connaît les crevettes appétissantes, les pittoresques bateaux crevettiers, l’attroupement fébrile lors des ventes aux enchères à la minque [terme employé en Belgique pour désigner la ‘halle à marée’] ainsi que les pêcheurs crevettiers à la peau tannée par le vent et le soleil.

La crevette grise est très prolifique, quelle que soit la plainte répétée par la presse : “Les pêches crevettières ne rapportent plus rien.” Les jeunes femelles portent une ponte de douze à quinze cents œufs ; les plus vieilles crevettes par contre pondent neuf mille à quatorze mille œufs.

Mais, bien plus, des biologistes ont constaté que les crevettes peuvent pondre deux et même trois fois par an en mer du Nord allemande, pour autant que les conditions atmosphériques s’y prêtent. Le climat peut donc expliquer les mauvaises pêches. En outre, une ou plusieurs pontes réussissent parfois médiocrement. Les larves font partie du plancton et vivent donc dans les couches de surface où les changements climatiques sont les plus violents. Des répercussions néfastes ne se remarquent pas avant deux ans, les crevettes atteignant une taille commerciale au courant de la deuxième année. Fort heureusement, la Nature a prévu une grande prolifération.

Permettez-moi de laisser la parole au savant : le nom scientifique de la crevette, Crangon vulgaris signifie : Crevette commune. La crevette est un arthropode et plus particulièrement un crustacé. Tous les arthropodes ont une carapace dont les segments se soudent à la manière d’un soufflet d’accordéon. La croissance des crustacés s’effectue par petites étapes, car la carapace ne grandit pas. Au cours d’une vie de trois ans, la crevette change plus de trente fois de carapace.

Crangon vulgaris © WWF

Comme crustacés à grande queue (Macroures) je citerai, outre les crevettes, le cardinal des mers : le homard (Hontarus gammarus Linné), la langoustine (Nephrops norvegicus Linné), la langouste (Palinurus elephas Fabricius), le palémon variable (Palaemonetes varians Leach) qui est la crevette transparente des eaux saumâtres. Ajoutons : le bernard-l’hermite (Pagurus bernhardus Linné) qui protège son abdomen mou dans une coquille de Buccin ou de Pourpre ; le diogène (Diogenes pugilator Roux), petit bernard-l’hermite dont la pince gauche est plus grande et qui préfère la coquille de Nafica.

Comme brachyoures, crustacés à courte queue, nous connaissons les crabes : le tourteau comestible (Cancer pagurus Linné) ; le crabe enragé (Carcinus maenas Linné) ; le crabe nageur (Pofiunus holsatus Fabricius) et le pinnothère (Pinnotheres pisum Linné) que vous avez probablement déjà vu, car il vit en commensal entre les valves de la moule (Mytilus) ou de la buccarde (Cardium).

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Après tous ces renseignements scientifiques, je puis encore vous apprendre que la crevette est répandue dans une très grande aire géographique : les côtes est et ouest de l’Amérique et les côtes nord-ouest de I’Europe à partir de la mer Blanche jusqu’à la Méditerranée par la baie de Finlande. Malgré cette énorme étendue géographique, la pêche aux crevettes grises ne se pratique que dans les pays riverains de la mer du Nord (a l’exception de quelques ports français).

En tant que crevettier belge, je contribue annuellement à l’apport de deux mille tonnes de crevettes. Une belle crevette pèse environ 1 à 2 grammes. Il faut compter que le poids commercial représente seulement 30-50 % de la capture. Voilà qui fournit la preuve de la fécondité de la crevette.

Ce m’est un grand plaisir, chers amis, d’avoir écrit une introduction pour ce petit livre concernant la crevette et l’industrie de la crevette.”

Signé : Un crevettier de Zeebrugge


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition, correction et iconographie | source : IRSN | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : pêcheur de crevette à Oostduinkerke © stad Oostduinkerke ; © WWF ; © IRSN.


La Vie encore, en Wallonie-Bruxelles

LEFEVERE S., Le hareng (IRSN, 1960)

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Nous vous parlons d’un temps que les moins de vingt ans… En 1960, le Patrimoine de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique publiait ses Carnets du Service Educatif. Le numéro 9 était consacré au… hareng (à télécharger dans la DOCUMENTA). Son auteur, Sylvain LEFEVERE, était assistant à l’IRSN et a déployé des trésors de pédagogie pour donner goût aux savoirs contenus dans l’opuscule. Jugez-en vous-même ci-dessous…


Un banc de harengs vous écrit :

“Chers amis,

Nous avons la réputation d’être des poissons sociables. En effet, nous passons une grande partie de notre existence réunis en un immense groupe, que I’on appelle un banc de harengs. Ne croyez pas que nous restons toujours groupés sans nous quitter d’une nageoire. Nous aussi, nous aimons batifoler de temps à autre, happant une larve par-ci, pourchassant un copépode par-là. Mais, malheureusement nous avons tellement d’ennemis, que nous sommes obligés de nous réunir en bancs. Dès que nous apercevons un requin, un cabillaud, un colin, un marsouin ou un oiseau, houp, nous voilà rassemblés !

Ensemble, nous nous sentons en sécurité et nous devenons même intrépides. Les grands harengs peuvent s’échapper à une vitesse de 100 mètres à la minute ; mais en bancs nous préférons foncer sur I’ennemi pour le renverser. C’est la raison pour laquelle ces animaux rapaces se gardent de nous attaquer de front. Mais quels dégâts ne provoquent-ils pas dans notre arrière-garde, composée de plus jeunes harengs, moins rapides ! De plus, notre témérité coûte annuellement la vie à des milliers de nos congénères, qui s’accrochent par les ouïes dans les mailles de filets, ou selon I’expression technique “se maillent” dans les filets tendus par vos pêcheurs.

Voilà pourquoi, chaque année, des milliards de harengs passent dans I’estomac des humains. Or, une plus grande quantité encore est broyée en farine pour le bétail. Maints hectolitres d’huile de hareng sont transformés en graisses et, surtout en Allemagne, incorporés dans la margarine comme source de vitamines A et D. Que d’hectolitres d’huile encore sont employés dans les savonneries, les tanneries et les fabriques de linoléum !

Nous sommes des poissons de I’hémisphère septentrional froid. Nous n’aimons pas les courants marins chauds. Le Gulfstream, cet énorme courant chaud en provenance du golfe du Mexique, se ramifie fortement à travers notre aire d’habitation, l’Atlantique Nord et la mer du Nord. Ces transgressions d’eau chaude nous obligent à rester dans d’étroites zones froides, ce qui engendre évidemment la formation de bancs.

L’expérience, acquise par les harengs âgés nous est très précieuse. Comment les jeunes harengs pourraient-ils mieux trouver les plus riches prairies de plancton que sous la conduite des aînés ? Le plancton forme notre plat de résistance : nous apprécions surtout les copépodes, petits crustacés, et les sagittas, menus vermoïdes, encore appelés chétognathes. Comme ce plancton est ballotté et refoulé au gré des courants marins et qu’il se déplace parfois sur des kilomètres de distance, nous sommes forcés d’aller à la recherche de notre menu préféré. De petits groupes de harengs poussés par la faim confluent pour former un banc. Notre banc est parfois obligé de faire de véritables migrations afin de trouver sa nourriture.

Les harengs âgés sont également les meilleurs guides pour nous aider à retrouver les frayères où chaque année tous les harengs d’une même race et
âgés de trois à dix-huit ans se rassemblent pour frayer. Ces migrations vers les lieux de ponte se font par bancs massifs qui mesurent des kilomètres de long. C’est lors de ces rassemblements que les filets et les chaluts de vos pêcheurs ramènent le plus de harengs. Dans la mer du Nord, certaines races pondent au large et d’autres, qui préfèrent frayer dans des eaux moins salées, près de la côte.

© IRSN

L’alose elle, cette originale parente au corps bouffi, choisit son lieu de ponte en eau douce ! Pourtant elle passe bel et bien le reste de sa vie dans I’eau de mer, comme nous. Autrefois, l’alose venait frayer dans l’Escaut jusqu’à Termonde pendant le mois de mai. C’est pourquoi les Flamands la nomment “meivis” ou “poisson de mai”. Mais depuis plusieurs années l’alose ne visite plus ni le Rhin, ni la Meuse, ni l’Escaut, parce que les eaux de ces fleuves sont polluées par les industries riveraines.

Un autre cousin, le pilchard, fraie dans l’Atlantique du nord, où la teneur en sel est toujours plus forte qu’en mer du Nord. Pourtant, les jeunes du pilchard, qui s’appellent sardines, se hasardent parfois dans la partie méridionale de la mer du Nord par le Pas-de-Calais.

En revanche, l’esprot, un autre cousin encore, vient presque annuellement pondre dans vos eaux territoriales entre La Panne et Blankenberge, où l’élément est saumâtre. Qui ne connaît ce menu poisson, qui, délicieusement fumé, prend le nom de sprat ?

Au fait, nous [ne] sommes [pas] peu fiers de notre nom latin : Clupea harengus Linnaeus, 1758. Clupea est le nom latin de l’alose déjà connue au temps des Romains, dans le Pô et la Saône, où elle vient encore frayer annuellement. En 1758, le biologiste suédois LINNÉ latinisa le haut-allemand “harinc”, qui devint “harengus” ; nous nous appelons donc littéralement : alose du type hareng.

De tout temps, la famille des clupéides a eu une grande valeur commerciale. Pourquoi ? Tout bonnement parce que nous avons l’habitude de traîner un certain temps aux frayères où dès lors, on peut nous pêcher en masse. D’ailleurs, au moyen âge, nous constituions déjà une source fort importante
de revenus pour la côte flamande.

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L’histoire naturelle du hareng est extrêmement intéressante pour le monde scientifique ; notre histoire lointaine est liée à l’origine de tout poisson osseux. Les plus anciens poissons osseux fossiles ressemblent très fort à la larve du hareng. On les a trouvés dans les terrains siluriens d’Ecosse, de Norvège et du Canada, vieux de 300 millions d’années. Les ossements fossiles du hareng, auquel vous vous intéressez, ont été découverts à une époque plus proche dans les terrains crétacés, qui datent de 120 millions d’années.

Après vous avoir écrit tant de curiosités à notre sujet, nous vous souhaitons, chers amis, bonne lecture. Et avant de finir, nous tenons à vous rappeler que
nous constituons pour l’homme une riche source de graisses, d’albumines, de vitamines et d’oligoéléments. Enfin, n’oubliez pas non plus que, pendant la seconde guerre mondiale, nous avons contribué à sauver de la famine une bonne partie du peuple belge.”

Signé : Un banc de harengs de la mer du Nord méridionale


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition, correction et iconographie | source : IRSN | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © ICAF ; © IRSN.


La Vie encore, en Wallonie-Bruxelles

ELGAR : Picasso, époque cubiste (Paris : Fernand Hazan, 1957)

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1907. Picasso est seulement âgé de vingt-cinq ans, et il a néanmoins  derrière lui une œuvre considérable : plus de deux cents tableaux, des milliers de dessins, des gouaches, des pastels, des aquarelles, des gravures, quelques sculptures… Jusqu’alors a production s’était articulée autour de deux styles : les peintures de la période bleue et celles de la période rose. Citons encore, si l’on veut, la période nègre qui, commencée à la fin de 1906, ne devait durer que quelques mois : après le réalisme expressionniste et le maniérisme attendri des deux premiers cycles, une tendance nettement constructive se fait jour dans son œuvre. Sous l’influence de l’art africain ? Plutôt des bois sculptés de Gauguin, de l’ancien art ibérique. Quoi qu’il en soit, c’est dans la septième année du siècle que le jeune artiste espagnol, installé définitivement à Paris, rompt brusquement le charme où un excès de complaisance envers lui-même risquait de l’enfermer.

Toujours à la recherche de la création absolue, qui sera d’ailleurs à l’origine de ses décisions les plus imprévues, de ses volte-face, de ses foucades, et aussi de ses créations les plus fortes et les plus originales, Picasso éprouve irrésistiblement le besoin d’une nouvelle vision de l’univers et d’une nouvelle conception de la forme. Les Femmes nues enlacées (pl. 1), tableau exécuté à la fin de 1906, tandis qu’il procédait aux esquisses préparatoires des Demoiselles d’Avignon, indiquent déjà le sens de ses préoccupations. Les études qui suivront, – dites de la période nègre, – accusent cette abstraction plastique et ce schématisme hardi qui auront leur accomplissement dans les Demoiselles d’Avignon (1907), cette grande composition qui allait être célèbre dans la mesure où l’on a cru y voir pour la première fois énoncés les principes du Cubisme.

Or si cette toile marque un changement radical d’esthétique et dans la production individuelle du peintre et dans la peinture de l’époque, si elle signifie encore une libération soudaine à l’égard de l’illusionnisme naturaliste pratiqué jusqu’alors par Picasso, elle ne démontre nullement dans ce qu’elle a d’insolite qu’il ait inventé juste à ce moment-là ce qu’un critique acerbe appellera bientôt le Cubisme. La-Rue-des-Bois (1908), le Réservoir de Horta de Ebro (pl. 3) et le Portrait de Fernande (1909) nous paraissent d’un Cubisme bien moins discutable. Quand Louis Vauxcelles, le même qui, en 1905, avait baptisé par dérision Fauvisme, les tentatives de Matisse et de ses amis, parlera de cubes à propos des paysages que Braque exposait en 1909 chez Kahnweiler, plusieurs artistes parisiens semblaient orienter dans la même direction leur esprit aventureux : Braque, bien entendu, et Gleizes, Metzinger, Fernand Léger… N’empêche que Picasso et Braque s’affirmèrent tout de suite comme les maîtres incontestés du mouvement et les purs héros de la plus grande révolution plastique qu’on ait tentée depuis Paolo Uccello.

Quand nous avons fait du Cubisme, nous n’avions aucune intention de faire du Cubisme, mais d’exprimer ce qui était en nous.

Picasso

Braque s’est expliqué à peu près dans les mêmes termes. En vérité, la  nouvelle esthétique leur fut imposée, à l’un comme à l’autre, par la sensibilité de leur époque. Le désir instinctif d’un ordre nouveau, d’un nouvel inventaire du monde, d’une connaissance plus complète de la forme : telle est bien l’origine du Cubisme. Ajoutez à cela l’exemple fascinant offert par l’œuvre de Cézanne, exposée au Salon d’Automne de 1907, l’écho suscité par les mémorables paroles du maître, à savoir que tout dans la nature n’est que sphères, cônes et cylindres, et vous comprendrez que Picasso et Braque se soient soumis dès 1908 à une austère discipline, après la période des évanescences impressionnistes et celle, par trop exubérante et relâchée, du Fauvisme.

De fait, les premiers essais de Picasso et de Braque ne sont que l’application rigoureuse de la théorie cézannienne, avec cette différence toutefois que les volumes ne sont pas seulement géométriquement définis et exaltés, ils sont aussi disposés, non plus selon les lignes de fuite de la vision classique, mais par rapport à une perspective qui part de la toile pour rejoindre l’œil du spectateur. C’est en 1910 que le Cubisme se révèle dans toute son audace et sa vigueur. L’objet devient dès lors le thème exclusif de Picasso et de ses camarades ; l’objet ou la figure humaine, celle-ci n’étant pas autrement interprétée que la bouteille, le verre, le compotier, la guitare, le paquet de tabac : leurs motifs de prédilection.

Jamais, dans l’histoire de la peinture, on n’avait exercé systématiquement sur les choses les plus humbles, les plus familières, les plus prosaïques, expérience aussi hardie et avec une intelligence aussi hautaine. Que se proposait donc Picasso, ou plutôt que lui proposait son intuition ? C’était la représentation totale et simultanée, sur la surface à deux dimensions de la toile, de corps solides qui en ont trois ; c’était d’introduire sur un support plat une sensation de volume ; et cela, sans recourir au trompe-l’œil, à la perspective linéaire, au raccourci, au modelé, au clair-obscur, à toutes les astuces utilisées depuis la Renaissance avec une affligeante monotonie. Le destin du Cubisme est fait des solutions apportées par les peintres à ce problème majeur.

Après la phase cézannienne, on voit Picasso pousser ses investigations bien au-delà des apparences. Pour mieux en saisir la structure, il morcelle la forme en petites figures ténues, à peine colorées, fournissant ainsi plusieurs aspects du même modèle. Imaginez un objet dont on pourrait déployer les divers plans, de telle sorte qu’il nous montre en même temps sa surface, son dessus, son dedans, son dessous. Il ne s’agit plus désormais d’un objet perçu par l’œil, d’un fragment éphémère et contingent de la nature extérieure, mais de l’objet absolu, de l’objet en soi, tel qu’il existe réellement dans notre esprit, de l’objet dans son intégralité et sa pérennité indestructibles. Cette attitude foncièrement réaliste se trouve fort bien exprimée, par exemple, dans le Portrait d’Henry Kahnweiler (1910), l’Accordéoniste (1911) ou l’Aficionado (pl. 5).

Portrait d’Henry Kahnweiler (1910) © DP

Dans ces œuvres singulières la décomposition de la masse, la division de la forme en une multitude d’éléments graphiques imbriqués ou juxtaposés nous présentent, il faut bien l’avouer, des sortes de rébus difficilement déchiffrables, cette impression d’hermétisme étant accentuée par l’indigence délibérée de la couleur, la monochromie, l’absence de lumière.

Heureusement Picasso a tôt aperçu, et plus que tout autre, les périls d’une discipline qui portait l’analyse du réel jusqu’aux lisières du concept. Il réagit par la pratique du “papier collé”, qui pour avoir été d’abord un jeu et un défi lancé à soi-même, ne s’est pas moins révélée une découverte aux conséquences incalculables. Si le premier collage de Picasso date de 1911, c’est surtout à partir de l’année suivante qu’il se plaira à insérer un élément naturaliste dans une composition cubiste (pl. 6). Et comme le morceau de papier ou d’étoffe, le carton d’emballage, le sable, l’étoupe incorporés au dessin ou à la peinture sont des matériaux compacts et consistants, rebelles à la fragmentation analytique, que d’autre part l’excès d’intellectualisme provoquait la fuite de l’objet, le procédé du collage dirigea tout naturellement le Cubisme vers une expression moins émiettée, moins aride, plus souple, plus colorée, plus spontanée, beaucoup plus vivante.

C’est presque un nouveau langage qui va gagner de proche en proche la peinture tout entière et en modifier le dessin, le chromatisme et le rythme. Les lignes se dégagent, les aplats de couleurs s’étendent, les formes se clarifient, l’espace s’ordonne de manière intelligible. Le Cubisme entre alors dans ce qu’on a appelé sa phase “synthétique”. Dans la carrière de Picasso, c’est l’époque des Violons, des Joueurs de cartes, des Guéridons, des Arlequins, des natures mortes simulant le “papier collé” ; au lieu d’y intégrer des substances réelles il les reproduit avec exactitude, afin que le contraste entre le trompe-l’œil et les formes inventées détermine de nouveaux rapports plastiques (pl. 7 ). Nombreuses sont les natures mortes où sont ainsi minutieusement imités le bois, un titre de journal, une carte à jouer, un morceau de papier peint, de passementerie, de toile cirée. En tout cas, dès 1913, Picasso a abandonné le trait mince et court, les touches superposées ou mélangées, les tonalités neutres et sourdes. La ligne s’infléchit, la couleur se met à vibrer, les plans s’élargissent, l’architecture du tableau se simplifie. Renouvelé dans sa conception et ses moyens, le Cubisme parviendra allègrement à son apogée, en 1914.

La déclaration de guerre surprend Picasso à Avignon, où il passait ses vacances en compagnie de Braque et Derain. Elle mettait fin à l’expérience commencée sept ans plus tôt. Les Cubistes étant aux armées, Picasso reste seul pour essuyer critiques et sarcasmes, qui n’avaient fait que croître en virulence. Pourtant le Cubisme était déjà condamné dans son propre esprit. Cubistes encore les costumes qu’il exécute en 1917 pour le ballet Parade. Cubistes également l’Arlequin et le Violoniste de 1918. Cubistes, à tout le moins d’inspiration cubiste, les Trois musiciens de 1921, la Nature morte à la guitare de 1922, la Guitare au compotier et aux raisins de 1923 (voir les planches 8, 10, 12).

Ensuite, les rappels du vocabulaire et de la syntaxe cubistes se font de plus en plus rares : c’est le pichet dans Guitare, verre et compotier (pl. 13) ; ce sont les instruments de musique dans Nature morte à la mandoline (pl. I 4) et Nature morte au buste et à la palette (pl. 15). Ces ouvrages appartiennent déjà à un style tout différent, plus libre, plus désinvolte. Les résurgences cubistes
qu’on y décèle ne sauraient faire illusion. Si nombreux que soient encore les suiveurs de Picasso, peintres, architectes, décorateurs, le Cubisme est mort. Et c’est son principal instigateur qui lui a porté le coup décisif.

Les différentes planches évoquées dans le texte sont disponibles dans la version PDF de l’opuscule, à télécharger dans la DOCUMENTA…

Ainsi se comportera toujours Picasso. A peine a-t-il exploré les terres qu’il a conquises qu’il les abandonne, enrichies de tout ce qu’il y a semé, pour en défricher de nouvelles, prodigue chaque fois de ses forces, engageant dans chacune de ses initiatives toutes ses ressources de virtuosité et d’invention, sans cesse jeté en avant par ce tyrannique besoin de créer en se réfutant, qui n’est pas la moindre singularité de son génie.

Frank Elgar (1957)

 


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage et correction | source : ELGAR Frank, Picasso, période cubiste (Paris : Fernand Hazan, Petite Encyclopédie de l’Art, 1957) | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © MoMA ; © DP ; © Editions Fernand Hazan | L’intégralité de la plaquette est disponible dans le PDF (avec reconnaissance de caractères) que vous pouvez télécharger dans la documenta, en cliquant ici…


Admirer encore en Wallonie et à Bruxelles…

MARBEN : la méthode ICARE (1997-1999)

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La fin des années 1990 a été un âge d’or pour les intégrateurs informatiques, alors dénommés SSII (pour “Société de Services et d’Ingénierie en Informatique” – à prononcer “esse-esse-deux-zi”). L’arrivée de l’an 2000 et ses frayeurs millénaristes, l’imposition de l’EURO et les myriades de geeks qui cherchaient alors un job, sont autant de facteurs extérieurs qui ont affolé les directeurs informatiques des entreprises d’alors, les petites comme les multinationales. L’Union européenne, déjà dispendieuse, n’était pas non plus le moindre des clients pour ces tribus de consultants, regroupés en entreprises spécialisées, souvent pilotées par des groupes internationaux plus importants…

La réalité était souvent assez crue : ces unités techniques et commerciales installées dans les grandes villes d’administration (Bruxelles, Luxembourg, Strasbourg…), en relation généralement intime avec leurs clients, vivaient du courtage de talents… informatiques. Le responsable IT d’une organisation (le client) décidait à table (sic) avec le commercial d’une SSII (le fournisseur) de combien de PC support il aurait besoin pour les 6 mois à venir, de combien de DBA Oracle et de combien d’administrateurs système. La signature se faisait au pousse-café, en pérorant sur le nouveau logo-fantaisie de JAVA ou sur le dernier company meeting de chez BORLAND (avec leur boss costumé en Darth Vador, je vous prie !). Le lendemain, il revenait au directeur du recrutement de l’entreprise gagnante de luncher avec l’Account Manager de son partenaire dans l’intérim pour discuter des marges à réaliser sur la location (traite ?) des talents vendus. On appelait cela du body-shopping.

Tout le monde était très malin, gagnait beaucoup d’argent et jouait l’influence avant tout. Parallèlement, il était important pour ces “boîtes de consultance” d’avoir l’air un peu plus malin que les autres ; alors, on publiait des études, des livres blancs, des brochures incontournables… aujourd’hui oubliées et disparues. Nous avons retrouvé une de ces publications dont l’intérêt pour nous n’est pas tant de vanter les mérites d’une entreprise aujourd’hui disparue au sein d’un grand groupe international, mais plutôt de relever combien, sous couvert de créer un standard méthodologique, le texte en question propose une bonne introduction au marché de l’informatique aux novices que nous sommes. Si les informaticiens d’aujourd’hui, selon leur âge, reconnaîtront les acteurs et les concepts ou s’amuseront de certaines notions désuètes, le commun des mortels se verra initié à des termes-clefs comme : help desk, externalisation, régie, parcs multi-sites, Outsourcing, SLA pour Service Level Agreement et principe d’extension

Quelques extraits pour une mise en bouche du texte qui est intégralement disponible (PDF avec reconnaissance de caractères) dans notre documenta :

“Qui peut prétendre atteindre un objectif qu’il n’a pas défini?

Qualité et niveau du service. Nous avons vu quelles étaient les évolutions maîtresses des métiers de l’informatique. Une des plus importantes est le besoin exprimé par la majorité des acteurs informatiques d’obtenir :

    • une visibilité accrue sur leur parc informatique et son évolution face aux offres technologiques ;
    • les moyens d’offrir aux utilisateurs un support de qualité adapté à leurs besoins réels.

Il est difficile de répondre à ces attentes : le parc informatique évolue parfois – même au sein d’entreprises très “disciplinées” – de manière indépendante des choix stratégiques (il est si simple d’acquérir un PC), ce qui implique des interventions peu populaires auprès des utilisateurs pour restaurer un niveau de  service respectable. La méthode ICARE se base sur des principes simples, qui s’attaquent directement aux dysfonctionnements que nous avons évoqués au chapitre précédent.”

“C’est sur la base de ce Service Level Agreement (SLA) que sont déterminées les ressources humaines et matérielles qui seront mises en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés. Il est courant d’entendre “que pouvons-nous faire avec les moyens actuels ?“. Partir sur une telle base de réflexion n’offre que peu de perspectives de succès. Dans un Service Level Agreement se trouvent notamment les éléments suivants :

    • le champ d’action du Service Level Agreement, c’est-à-dire la définition des activités concernées ;
    • la définition des groupes de travail en charge de ces activités ;
    • les responsabilités de chaque groupe de travail, ainsi que la répartition des tâches ;
    • les objets techniques concernés par chaque activité (par exemple les logiciels supportés, non supportés, ou interdits) ;
    • la liste complète des services assurés ;
    • les conditions d’accès au service.”

  • L’illustration de l’article date de 1972 (nous avons triché) et montre une équipe de consultants en pleine discussion “cool“… © capgemini

L’intégralité du texte est disponible dans notre documenta, en PDF avec reconnaissance de caractères :


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