Touchant à toutes les disciplines artistiques, l’artiste travaille principalement la sculpture et la performance. Son motif principal est le corps humain, qui est fragmenté, déformé et transformé en objets picturaux. Alternant entre fluide et solide, son travail signale une fluidité et une hybridité des corps synthétiques et naturels.
Cette impression numérique d’une photographie retravaillée est tirée du livre ELLE.
Amorcé en 2012, régulièrement augmenté, notamment à Berlin en 2013 avec la version allemande de ELLE, ce livre d’artiste semble alimenter le travail de sculpture, d’installation et de peinture que Cléo Totti mène de front. C’est sur les corps des modèles et leurs panoplies d’attributs que s’exercent depuis quelques années la rage et l’excitation de Totti. Ce livre est un questionnement sur l’image des femmes, sur le corps des femmes exposés dans les magazines féminins. Cléo Totti transforme ces images et le corps devient support à la peinture.
Né en 1982, Joseph CHARROY vit à Bruxelles. Il travaille avec Florence Cats, sa compagne, en s’influençant l’un l’autre. Les photographies de Joseph et son travail de matière influencent la manière de dessiner de Florence alors que, de son côté, c’est en voyant les peintures de sa compagne qu’il a commencé à photographier en couleurs, alors qu’il privilégiait le noir et blanc.
En 2016, Joseph Charroy crée Primitive, une maison d’édition indépendante consacrée à l’édition de fanzines et de livres d’artistes, située à Bruxelles.
Cette photographie fait partie de l’exposition collective “JEUNE” proposée par Pauline Hisbacq & Rebekka Deubner dans le cadre de Photo Saint-Germain à Paris (novembre 2017). L’exposition proposait huit regards singuliers sur la jeunesse. Joseph Charroy a photographié des jeunes à une fête foraine qui s’installe tous les ans, à la fin de l’été, à Huy.
L’artiste aime utiliser des photos de différentes natures et différentes focales, parfois solarisées ou floues. Il utilise différentes vitesses et parfois des films périmés. Il a utilisé ici un polaroïd.
“On peut y voir quelque chose d’anachronique, mais il n’y a pas de volonté de faire “vieux”. Pour moi être anachronique, c’est avoir un autre rapport au présent.” (J. Charroy in BRUZZ.BE)
Née à Huy en 1992, Barbara Salomé FELGENHAUER est diplômée de l’atelier de photographie à l’ESA Saint-Luc à Liège en 2013 et de l’ENSAV La Cambre à Bruxelles en 2022. Elle obtient son master avec la mention grande distinction et le Prix de la Fondation Boghossian 2022 avec son projet Terrapolis. En 2023, elle est lauréate du Prix Fintro, Bruxelles. La même année, trois de ses photographies ont intégré la collection publique du BPS22 en 2023.
Elle travaille actuellement à Bruxelles dans son atelier au sein des Ateliers Mommen.
De la série “J’ai rêvé l’obscur”, d’après le livre Rêver l’obscur. Femmes, magie et politique de Starhawk, publié en 1982 aux USA.
“J’ai rêvé l’Obscur s’inspire librement d’écoféminisme et de ses dimensions païenne et spirituelle. Il propose une autre vision du monde inspiré de diverses croyances, fait de déesses, de vierges et de sorcières, de rocailles et de grottes, de mythes et de rêves… Ici, on parlera de puissance plutôt que de pouvoir. C’est l’univers des forces invisibles de la Nature, un monde où l’on (re)ferait corps avec la Terre. Il relie le spirituel au politique, le sacré au profane. Ce propos n’a aucune visée dogmatique. C’est une attraction, une spiritualité qui m’est propre.” d’après BARBARASALOMEFELGENHAUER.BE
Illustrateur, graveur, mais également guitariste, Jean-Claude SALEMI (né en 1950 à Casablanca, au Maroc) est spécialisé en linogravure comme en swing-musette, il est par ailleurs guitariste dans le groupe Swing-O-Box. D’où sa passion d’illustrations musicales, notamment aussi dans le livre Un Monde de Musiques édité par Colophon en collaboration avec La Médiathèque. Il est membre d’un atelier collectif de gravure et lithographie : l’Atelier RAZKAS et, dans ce cadre, participe à l’édition de plusieurs portfolios de gravures. (d’après JAZZINBELGIUM.BE)
Cet ensemble de croquis semblent réalisés sur le vif. Ils nous montrent des cyclistes engagés dans le célèbre Paris-Roubaix. La technique lithographique permet à Jean-Claude Salemi de s’exprimer d’un trait sûr et souple, agrémenté d’aplats et de lavis au pinceau.
FAYARD Sébastien, Sébastien Fayard va plaquer sa petite amie
(photographie, 20 x 25 cm, 2014)
Sébastien FAYARD est un comédien et performeur français vivant à Bruxelles. Il a étudié le secrétariat, la comptabilité, le cinéma, la musique, la photographie et le théâtre. Il collabore avec différents metteurs en scène, chorégraphes et artistes plasticiens dont la compagnie System Failure avec qui il se produit régulièrement sur scène. Depuis quelques années, il mène différentes recherches photographiques et vidéographiques et poursuit la série “Sébastien Fayard fait des trucs.” En parallèle, il décline ce projet en petits films dans une série appelée “Sébastien Fayard filme des navets” et sillonne les festivals de courts-métrages européens. (d’après l’ancien site officiel de l’artiste SEBASTIENFAYARDFAITDESTRUCS.COM)
Sébastien Fayard livre ici une série en cours, inédite, de clichés qui détournent, c’est le cas de le dire, des clichés. Le procédé est simple mais inusable : prendre les choses au pied de la lettre, exploiter les ambiguïtés et les doubles sens des phrases toutes faites, des métaphores éculées, des formules journalistiques, des poncifs en vogue. Faisant ses trucs, il en défait pas mal d’autres – des attentes, des snobismes, des poses et des postures, des idées reçues, des présupposés logiques. Pour bien comprendre il faut se méprendre, et accepter surtout un paradoxal et étroit entrelacs entre stupidité et lucidité. (d’après YELLOWNOW.BE)
Luc Van Malderen (1930-2018) est diplômé en 1951 de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et des Arts décoratifs. Il ouvre un bureau de création graphique en 1958, qu’il fermera en 1978 pour se consacrer à la peinture et à la sérigraphie. Professeur à l’ENSAV de La Cambre à Bruxelles, il exerce, tant en Belgique qu’à l’étranger, une activité de recherches et de diffusion des arts. Il a enseigné dans une vingtaine d’universités principalement aux USA (d’après CENTREDELAGRAVURE.BE).
L’univers iconographique revisite de façon ludique le thème de l’architecture, pour en dresser un inventaire rigoureusement subjectif. Comme le dit lui-même l’artiste : “Je ne suis pas un architecte. Je suis un fabricant d’objets qui représentent l’architecture via des fausses projections obliques, des schémas élémentaires, des configurations aléatoires (et parfois industrielles), des volumes naïfs…” (d’après CENTREDELAGRAVURE.BE)
Jack SELS (Anvers, 1922 – Anvers, 1970) est le type même du musicien autodidacte : quelques leçons de piano à l’âge de six ans et, pour le reste, un travail intensif en solitaire et sur le terrain ! Avant d’opter pour le ténor, il a apprivoisé l’ensemble de la famille des saxophones ; on ne s’étonnera donc pas qu’ayant intériorisé la sonorité et les particularités de chacun d’eux, il se révèle être un arrangeur particulièrement pertinent. Très tôt, il découvre le jazz et le jeu, moderne pour l’époque, de Lester Young qui influencera fortement la génération de Charlie Parker, Dizzie Gillespie, Miles Davis, etc.
Il commence à la fin de la guerre à se mêler au milieu du jazz anversois et fait ses débuts professionnels en 1945 au sein de l’orchestre de Mickey Bunner. C’est avec cet orchestre mais aussi avec différentes autres petites formations qu’il joue pour les Américains dans les hôtels et casinos de la côte belge. Il quitte ensuite la Belgique et séjourne quelques temps en Angleterre où il découvre le grand orchestre de Ted Heath. De retour au pays, il se met à fréquenter les jeunes loups du jazz belge de l’après-guerre, lequel compte trois noyaux géographiques principaux : Bruxelles, Liège et Anvers (Sels, Vanhaverbeke, Franckel…). Bientôt, ces trois centres s’interpénètrent et c’est de ces associations en tous sens que naît la grande “école” moderne du jazz belge.
Ainsi, Sels – qui a fait la connaissance de musiciens comme Christian Kellens, Bobby Jaspar, Jean Fanis,Sadi, etc. – effectue bientôt une tournée en France avec un orchestre composé notamment de René Thomas, Benoît Quersin, Jacques Pelzer et Jean Leclère. A la demande de Willy de Corte, président du Hot Club, il représente la Belgique lors de différents festivals, notamment aux Pays-Bas (La Haye, Amsterdam, etc.). Il rentre au pays pour participer au festival de Knokke en 1948, avec Toots Thielemans et Francis Coppieters. Et, peu après, l’occasion lui est donnée de réaliser son rêve : il monte un big band avec lequel il joue pour la Welfare. Big band malheureusement éphémère et rapidement dissous. Mais entretemps, comme les Liégeois des Bob-Shots, comme Toots, Jack Sels a reçu de plein fouet le choc du be-bop, sur disque d’abord puis en live lors du fameux concert du big band de Dizzy Gillespie à Bruxelles en 1948. Jack est séduit par cette nouvelle musique. Mais si le jazz de Parker (via Sonny Stitt) le bouleverse, son jeu à l’époque serait plutôt à rapprocher d’un des jeunes boppers disciples de Lester Young, Wardell Gray.
C’est pourtant dans la sphère “bop” que commence ce qui restera sans doute la grande aventure de Jack Sels : en 1949, toujours fasciné par le concert donné par Gillespie l’année précédente, il tente de monter en Belgique un big band de tendance bop et afro-cubaine. Fameuse histoire en réalité que ce All Stars Bop Orchestra, sans doute le premier essai de ce genre en Europe, essai réussi. Dans les rangs de cet All Stars, on trouve deux Américains, alors fixés en Belgique et en France : le saxophoniste Jay Cameron et le trombone Nat Peck (qui seront omniprésents en France pendant la décennie suivante) ; à leurs côtés, les jeunes as du jazz belge : Bobby Jaspar, Nick Fissette, Herman Sandy, Christian Kellens, Roger Asselberghs, Francis Coppieters, Jean (Ray) Warland, John Ward auxquels se joignent de nombreux et talentueux musiciens de pupitre, deux percussionnistes, et le maître d’œuvre bien entendu, Jack Sels, saxophone ténor, arrangeur, leader.
Le concert que donne cet orchestre à Anvers (Galeries Artes) en automne 1949 est l’événement majeur du moment. Comme l’écrit avec un humour grinçant Roland Durselen : “Ce concert est un événement historique dans l’histoire du Jazz belge. S’il s’était passé dans tout autre pays que le nôtre, il serait devenu un évènement international…” (Act. Mus. n° 65). Dans la salle, tous les musiciens qui ne sont pas sur scène écoutent fascinés leurs compagnons recréer à leur manière la magie du big band de Dia, mais aussi les audaces de Kenton et bien d’autres choses encore. Sur scène, les musiciens se donnent à fond pour permettre à Jack de gagner son pari. Ils ont tous revêtu de bon gré l’étrange uniforme choisi par le chef : une salopette bleue (symbolisant le travail de pionnier) et une lavallière (pour marquer le caractère artistique revendiqué par cette manifestation). Aux micros de présentation, un Wallon et un Flamand, Carlos de Radzitzky et Louis Vaes (président du Jazz Club d’Anvers).
Le répertoire est composé pour l’essentiel d’arrangements de Gil Fuller (l’arrangeur du big band de Gillespie) et de compositions de Jack Sels qu’il a lui-même arrangées et orchestrées : des pièces comme Boplero, Hipstérie, Bongola seront applaudies autant, si pas davantage, que les œuvres américaines. Car le concert est un succès. Presque un triomphe si l’on en croit les commentateurs. Hélas, un succès dans la sphère du jazz ne représente aucune garantie pour l’avenir. Cet orchestre splendide, qui a réussi à mettre au point un répertoire hyper-complexe en six ou sept répétitions et à le faire “passer” à un public loin d’être acquis d’avance (L’Actualité Musicale publiera en complément au compte rendu officiel de Durselen un petit texte reprenant les impressions d’un profane – un profane conquis au-delà de toute espérance !), cet orchestre donc, ne trouvera guère d’autres occasions de prouver sa valeur et il sera officieusement dissous peu après le concert (ce qui ne l’a pas empêché d’être en tête du référendum du Hot-Club de Belgique pour la saison 1949-1950).
Mais Sels ne s’avoue pas vite vaincu ; ayant entendu la musique de Miles Davis et les premières esquisses de cette musique de “fusion”, qu’on appellera le Third Stream, il se lance dans un nouveau projet tout aussi grandiose mais d’orientation quelque peu différente. Jack Sels and his Chamber Music entend élargir l’instrumentation traditionnelle du jazz en adjoignant aux cuivres, vents et rythmes habituels, non seulement des cordes, mais encore des bois (hautbois, bassons, flûtes). Côté jazz, on retrouve dans cet orchestre quelques piliers du jazz belge d’alors : Herman Sandy, Christian Kellens, Roger Asselberghs, Alex Scorier, Francy Boland, Jean Fanis, Benoît Quersin.
L’orchestre se produira aux Beaux-Arts à Bruxelles en février 1951 (il existe des enregistrements jamais édités de ce concert) ; si les titres joués lors du concert de l’All Stars Bop s’accordaient au contexte musical, on ne s’étonnera pas de rencontrer des thèmes appelés Pasiphaé, Menuet for two, The lady in the Castle, etc. Pourtant, la détermination de Sels ne suffira pas à percer le mur d’indifférence dont va être entouré le jazz dans les années qui suivent ces deux prestigieuses réussites. De 1951 à 1954, Jack Sels s’exile et vit un certain temps en Allemagne où il est toujours possible de jouer pour les Américains. Mais les Américains ne demandent plus nécessairement du jazz aux musiciens et l’Allemagne n’est certes pas à cette époque un paradis jazzique. Jack y jouera aux côtés de ses amis Etienne Verschueren, Willy Albimoor, Roger Vanhaverbeke et Rudy Frankel jusqu’à son retour en Belgique en 1954.
Pendant la seconde moitié des années 50, il reprend part à la vie du jazz belge qui consiste alors essentiellement en jam-sessions peu lucratives mais jubilatoires ; les plus jubilatoires étant sans doute celles de la Rose Noire à Bruxelles, de l’Exi-Club à Anvers, etc. Jack enregistre quelques musiques de films, de nombreux boogie-woogie (l’ère du rock’n’roll a commencé) et participe à au moins deux grandes séances : la première en 1958 pour l’album Jazz in Little Belgium (en quartette avec Fanis, Warland et Frankel), la seconde (en 1959) aux côtés du saxophoniste américain Lucky Thompson, de Sadi, etc. et d’où sortira le superbe 45 tours Bongo Jazz. C’est en 1958 que Sels commence à animer pour la BRT (radio) l’émission hebdomadaire Levende Jazz avec le trio Vanhaverbeke/Fanis/Frankel ; ce quartette (au sein duquel Frankel sera bientôt remplacé par Al Jones) se produit régulièrement dans les clubs de jazz.
Mais la plus grande émotion qu’il soit donné à Jack de connaître en cette fin des années 50 se situe sans doute pendant cette fameuse nuit de 1959 que L. Van Rijmenam a résumé dans une formule emphatique : “The night of the Prez and the Vice-Prez“. Jack va, en effet, participer pendant cette nuit à l’enregistrement d’une émission télévisée, puis à une jam monstre aux côtés de son maître de toujours, Lester Young, le Président, trois semaines à peine avant la mort de ce dernier. Il reste que, quelle que soit l’importance de ces quelques moments intenses, ils ne suffisent pas à assurer la subsistance d’un musicien. Et Jack Sels, un des trois ou quatre saxophonistes qui auront marqué l’histoire du jazz belge, se retrouve docker au port d’Anvers ! En 1961, il enregistre quelques titres avec le jeune Philip Catherine et les Américains Oliver Jackson et Lou Bennett ; puis, à partir de 1963, il enregistre via la BRT avec des formations comme Saxorama, The Clouds (Freddy Snijder), le trio d’Al Jones, etc., en vue des émissions Jazz Panorama. Certains de ces enregistrements seront plus tard réédités sur le label Vogel de Mon de Vogelhaere sous le titre quelque peu surfait de Complete Jack Sels.
Par l’intermédiaire de Juul Anthonissen, Sels travaillera de temps à autre aux côtés de Nick Fissette, Jean Fanis, Roger Vanhaverbeke et Al Jones. Mais jamais il ne pourra vivre vraiment de sa musique. Et son nom, qui était sur toutes les lèvres des fous de jazz de sa grande époque, ne signifie plus grand chose pour le public. Quand l’heure du renouveau sonnera, il sera hélas bien trop tard pour Jack Sels, décédé, presque anonyme, le 21 mars 1970 des suites d’une crise cardiaque. Dans Le Point du Jazz n° 3 (août 1970), Babs Robert écrira un Requiem for Jack auquel Robert Pernet joindra une discographie du grand saxophoniste anversois. Sadi, quant à lui, dédiera à Sels le thème Hittin’ the road qui, dans une version enregistrée avec René Thomas et le batteur américain Wally Bishop, sera publiée en complément de l’édition posthume des enregistrements réalisés en 1961. Roger Vanhaverbeke organisera tous les ans un Memorial Jack Sels…
[d’après OBJECTIFPLUMES.BE] Sarah CHEVEAU est née le 18 septembre 1986 à Blois, France. Elle a étudié à l’École de Recherche Graphique de Bruxelles.
J’aime jouer. Jouer avec tout. Les couleurs, les formes, les mots, les sons, mes mains, mes pieds et les chansons.
Enseignante d’art en secondaire pendant 6 ans, Sarah Cheveau est membre actif du collectif d’illustrateurs Cuistaxqui autoédite un fanzine pour enfants à Bruxelles. Elle écrit ses albums au cœur de ses ateliers et ses activités quotidiennes, par l’interaction directe avec les enfants. Ses thèmes sont le jeu, l’interactivité, la motricité et l’absurde. Elle utilise la technique du papier découpé, du feutre, de la peinture ; ses images sont simples, parfois abstraites ou expressives avec des couleurs très vives. Elle est lauréate d’une bourse de la Fédération Wallonie-Bruxelles (Bourse découverte, 2019).
1, 2, 3, on joue ?!
-..À quoi ?
– Mais à la marelle !
La marelle ! …craie dans une main, caillou dans l’autre, on a ripé quelques paires de chaussures en récréation! La version de Sarah Cheveau est une marelle à doigts ou, comment faire du jeu le plus vieux du monde un exercice d’illustration fort bien réussi. Voilà la marelle sortie de la cour, repensée, déconstruite, développée et surtout… colorée !
Des couleurs franches, des couleurs primaires qui attirent le regard et nous plongent dans le jeu. On y retrouve le style de Sarah Cheveau affiné dans divers projets précédents : une marelle peinte dans la cour du centre culturel Jacques Franck de Saint-Gilles, le magazine bilingue bruxellois Cuistax… Il y a un style reconnaissable dans tout cela. Hors les cours, la marelle de Sarah Cheveau, c’est une marelle de voyage, une aire de jeu portative. Nul besoin de caillou et d’ailleurs cette fois s’il atterrissait sur la case ciel, je ne passerais pas mon tour car Sarah Cheveau change les règles du jeu !
Le livre, dans la jolie collection Pim Pam Poum de Thierry Magnier, est destiné selon l’éditeur à développer entre autres la motricité fine chez les tout-petits. On revendique ici l’inspiration de Maria Montessori, une mention probablement intéressante pour les parents. La petite lectrice, le petit lecteur seront ravis de lire-jouer (joie des tout-petits) avec les doigts, de suivre les lignes, de sauter et de virevolter en suivant un parcours ludique bien mis en valeur grâce aux couleurs vives et au choix de faire ressortir les chemins des marelles par du vernis. Finalement, la marelle se transforme, c’est foufou, on s’envole, on danse, on chante. La marelle à doigts nous emporte. Les rires sont garantis (livre testé !).
Hélène Théroux
Sarah Cheveau se raconte…
[d’après CARGOCOLLECTIVE.COM] “Née en France dans le Loir-et-Cher je grandis joyeusement au milieu de 3 sœurs et de la campagne. A 18 ans, je m’envole pour Bruxelles où j’étudie l’illustration, la gravure et la vidéo à l’ERG (Ecole de Recherche Graphique), j’obtiens ensuite un master en Art puis l’Agrégation de l’Enseignement Secondaire Supérieur. Pendant 4 ans, je suis professeur d’art en plus de mon travail d’illustratrice. Aujourd’hui artiste et autrice à temps complet je suis aussi membre du collectif d’illustrateurs Cuistax avec lequel nous éditons un magazine pour enfant du même nom.
Pratique artistique
J’écris des albums jeunesses en interaction directe avec les enfants. Mes activités artistiques et pédagogiques forment ensemble mon rythme de création. Je propose des rencontres entre les matières, les idées, les lieux et les personnes lors de mes ateliers. Puis le moment de vie, le partage tisse lui-même des liens, créer des images, construit des ponts surprenants, des histoires ! C’est là mon domaine de recherche, de passion et d’amusement : lorsque quelque chose se passe, lorsque l’on vit (ensemble) et se racontent des histoires.
Collective
Depuis 6 ans, je suis membre active du collectif d’illustrateurs Cuistax avec lequel nous éditons un fanzine pour enfant ainsi que de petites éditions de posters et cartes en risographie. Nous réalisons aussi des commandes externes de graphisme et d’illustration, animons des ateliers créatifs et montons des expositions à Bruxelles et en Europe : France, Portugal, Luxembourg et Liège.
Pédagogique…
Une grande partie de mon temps est consacrée aux ateliers artistiques que j’effectue dans différentes structures bruxelloises, des bibliothèques et des écoles ; J’ai aussi enseigné pendant 5 ans en tant que professeur d’art en secondaire.
…et vivante
J’aime raconter, lire et chanter des histoires aux enfants. Je le fais à chacun de mes ateliers ainsi que l’été au sein du projet Lire dans les parcs à Bruxelles, organisé par le centre de la littérature jeunesse et les bibliothèques francophones de la ville…”
Nuit de chance (2023)
[LIVREHEBDO.FR] Futaie au fusain. S’enfoncer le soir tombé dans une forêt comporte sa part d’ombre… Un petit enfant vaillant tente l’aventure, frôlant en silence sous-bois et grands arbres. Parmi les apparitions furtives se faufilent un écureuil, un lièvre, et même toute une famille de cerfs. L’ultime hôte surgit, massif, hirsute, préhistorique, un brin plus menaçant, mais finalement la bête et l’enfant scelleront ensemble un pacte heureux. Les illustrations au fusain de Sarah Cheveau sont d’une profondeur saisissante, elles ont la texture, le tremblé et la couleur de la forêt la nuit. À la fin, l’artiste nous dit comment fabriquer du fusain et présente un riche nuancier d’essences de bois, du bouleau au mélèze doré en passant par l’hibiscus. Merveille des merveilles !
[RADIOFRANCE.FR/FRANCECULTURE, 31 janvier 2024] En littérature jeunesse comme en bande dessinée, il arrive que des personnages fassent l’objet de reprise après la mort de leur créateur. Ce fut le cas récemment d’Ernest et Célestine : on vous explique pourquoi on vous conseille de préférer l’original, les superbes albums de Gabrielle Vincent.
Ma chronique d’aujourd’hui part d’une colère à la lecture d’un livre paru il y a peu. La colère, c’est souvent le revers de la médaille de l’amour, on le sait bien, je vais essayer de vous dire les raisons de ma colère, mais surtout de cet amour dont elle est le pendant. L’album s’appelle Au bonheur des souris, c’est une nouvelle aventure d’Ernest et Célestine, ce grand ours et cette petite souris créés par Gabrielle Vincent. De son vrai nom Monique Martin, elle était née à Bruxelles en 1928, y est morte en 2000, et y a créé ces deux personnages mis en scène dans une vingtaine d’albums d’abord parus aux éditions Duculot, rachetées ensuite par les éditions Casterman. Le tout premier, paru en 1981, rencontra un succès immédiat dans le monde francophone et à l’international. Casterman nous propose donc aujourd’hui de découvrir une nouvelle histoire, inédite, dont le scénario a été confié à Astrid Desbordes, une autrice jeunesse remarquée pour l’album Mon amour notamment.
À qui appartiennent les personnages ?
C’est une pratique courante en bande dessinée : sont encore parus cet automne de nouvelles aventures d’Astérix, de Blake et Mortimer ou Lucky Luke, et, pour la première fois, une nouvelle aventure de Gaston Lagaffe – ce, alors même que Franquin s’était opposé de son vivant à ce que son personnage ne lui survive. Affaire qui a fait couler beaucoup d’encre, la fille et ayant droit de Franquin l’ayant portée devant les tribunaux. Cela soulève des questions passionnantes, que l’on pourrait résumer en ces termes : à qui appartiennent les personnages ? Je n’ai ni l’espace ni les compétences pour déplier ici cette dimension juridique, je me garderai bien de trancher la question de savoir s’il est en soi légitime ou non qu’un personnage survive à son auteur, je note simplement que la chose est à ma connaissance un peu moins courante dans l’univers de la littérature jeunesse.
Ernest et Célestine est un contre-exemple, la série n’en étant pas à sa première reprise puisque les personnages avaient déjà été les héros d’un film d’animation en 2012, sur un scénario de Daniel Pennac et des dessins de Benjamin Renner (qui a connu une suite, avec une autre équipe artistique, en 2022). J’avais trouvé le premier film très éloigné de l’univers de Gabrielle Vincent, mais il n’avait pas quant à lui suscité ma colère, car il était possible de le considérer au fond assez indépendamment de l’œuvre originale, notamment parce que les dessins de Benjamin Renner n’avaient rien à voir avec le trait de Gabrielle Vincent.
Des dessins originaux repris, calqués, copiés, remontés
Dans le cas de ce nouvel album, ce sont bien des dessins de Gabrielle Vincent elle-même, qui ont été repris, calqués ou copiés, j’imagine, ré-agencés en tout cas pour venir illustrer l’histoire signée Astrid Desbordes. Par exemple, le premier dessin de l’album est une reprise de celui qui ouvrait l’album intitulé La tante d’Amérique, avec simplement quelques détails, changés : une valise effacée, un violon ajouté, un cadrage saccagé, sans parler du rendu des couleurs, bien moins subtil que dans l’original. J’imagine que la chose est légale, mais j’avoue être extrêmement surprise que ce procédé soit possible et autorisé. Sur la couverture de l’album, il n’est même pas écrit “d’après Gabrielle Vincent“, c’est bien son seul nom qui apparaît, sans mention. Certains dessins n’ont par ailleurs pour le coup rien à voir avec la plume de Gabrielle Vincent : ils sont signés Marie Flusin, comme c’est indiqué, en tout petit, dans la page de garde du livre.
Une série de contresens qui dénaturent l’œuvre
L’histoire proposée pour ce nouvel album repose en outre sur une série de contresens qui dénaturent l’œuvre d’origine. Le premier est formel : le récit se présente ici sous forme d’un très long texte, bavard, didactique, là où les albums originaux reposaient sur une grande économie de mots, des éléments de dialogues courts, inscrits au-dessous d’un dessin qui guidait en premier lieu nos émotions.
Deuxième contresens : l’histoire commence ici parce que Célestine se fâche un jour de ne pas avoir eu le temps de se fabriquer un chapeau pour sortir avec Ernest. Elle se met en colère qu’il n’y ait, je cite, “jamais rien dans cette maison, (…) que des vieilleries d’ours.” Ernest finit par sortir sans l’attendre, et à son retour, il trouve une lettre lui annonçant qu’elle a décidé d’aller s’installer chez des amis qui vivent, eux, dans une maison luxueuse. Rien, dans ce point de départ, ne tient la route. Premièrement : jamais Ernest ne sortirait sans attendre Célestine, jamais il ne placerait son désir avant le plaisir de jouer avec la petite fille.
Ernest et Célestine, c’est l’histoire d’un amour inconditionnel, plus grand que l’océan, entre un père (adoptif, comme on l’apprend dans le bouleversant La naissance de Célestine) et cette petite souris trouvée dans une poubelle, qu’il recueille et aime dès lors plus que tout. Jamais Célestine ne choisirait non plus d’aller vivre loin d’Ernest, qui plus est pour une raison vénale. Ernest et Célestine vivent de peu, c’est vrai, mais ce sont les rois de la débrouille, de la récup’, de l’inventivité pour trouver malgré tout de quoi vivre heureux.
Des ours et des souris, une commune humanité
Enfin, troisième contresens, le plus grave : jamais Célestine ne renverrait ainsi Ernest à son essence d’ours. Dans l’univers de Gabrielle Vincent, les adultes sont des ours, les enfants sont des souris, mais les personnages sont liés par une commune et profonde humanité. Ours, souris, c’est la figure que prennent adultes et enfants, ce n’est jamais une espèce, encore moins une identité.
Dans l’histoire proposée par Astrid Desbordes, chacun y est au contraire sans arrêt renvoyé. Les parents des amis expliquent à Célestine que “les ours et les souris ne sont pas faits pour vivre ensemble” ; un personnage de souris adulte (ce qui est une absurdité en soi, j’insiste), un précepteur, lui dit aussi plus loin d’un air dépité : “si on mélange les ours et les souris, voilà ce que ça donne“. Pourquoi diable les auteurs de ces reprises ont-ils senti le besoin de diviser ainsi le “monde des souris” et celui des ours – idée déjà présente dans l’adaptation au cinéma imaginée par Daniel Pennac ? Je suppose que cela vient de l’envie d’ajouter de la noirceur à un univers considéré comme idyllique, mais c’est encore un contresens. Car si la relation entre Ernest et Célestine est emplie de douceur, c’est vrai, l’univers que décrit Gabrielle Vincent n’a rien d’angélique. La façon dont elle aborde la question de l’argent ou des différences sociales relève au contraire d’une grande finesse, hélas complètement absente de ce nouvel opus. On recommande donc d’aller se replonger sans modération dans la série des albums originaux, édités aujourd’hui par Casterman.
Mathilde WAGMAN
Fondation Monique Martin
Depuis sa création en 2012, la Fondation Monique Martin (Fondation belge reconnue d’utilité publique) a pour vocation la conservation, la valorisation et le rayonnement du patrimoine artistique et éthique de Monique Martin alias Gabrielle Vincent. En 2021, Ernest et Célestine ont fêté leurs 40 ans, avec deux expositions en partenariat avec la commune de l’artiste : Ixelles.
Bienvenue chez Ernest et Célestine (chapelle de Boondael, Ixelles), Ernest et Célestine : Voyage au pays des émotions (bibliothèque d’Ixelles). La première plus commémorative, la deuxième plus ancrée dans ces problématiques quotidiennes et altruistes qui tenaient tant à cœur à l’artiste.
En 2022, Wallonie Bruxelles International programme notre nouvelle exposition phare : Ernest & Célestine, et nous qui propose un focus sur le sens que cette œuvre à la fois poétique et engagée des années 1980 revêt en 2022.
À horizon 2030, la Fondation Monique Martin, et ses ambassadeurs énergiques Ernest et Célestine, forts de ce patrimoine artistique éthique très varié, souhaitent également participer à l’agenda fixé par l’ONU autour des Objectifs de Développement Durable. Pour les enfants de 1980 devenus acteurs du monde d’aujourd’hui et pour leurs enfants porteurs du monde de demain, Ernest et Célestine, c’est un peu la transcription à hauteur d’enfant des ODD (Objectifs de Développement Durables) fixés par l’ONU. Partage, entraide, tolérance, dé-consommation, recyclage, préservation de la planète, préoccupent, histoire après histoire, nos deux héros, ambassadeurs avant l’heure, d’un monde plus durable. […]
Monique Martin (1928-2000)
La peinture et le dessin. Monique Martin, alias Gabrielle Vincent, est une artiste belge. Née à Bruxelles en 1928, elle sort diplômée de l’académie des Beaux-Arts en 1951 et choisit de consacrer sa vie à la peinture et au dessin. En tant que peintre, elle explore longuement toute la richesse du noir et blanc : encre de chine, crayon, fusain… Elle explore aussi la couleur, à travers toutes les techniques, mais surtout l’aquarelle et le pastel. Sous le pseudonyme de Gabrielle Vincent, elle crée Ernest & Célestine en 1981. Avec Ernest, elle redonne naissance à son mentor artistique, qui fut l’une des personnes les plus importantes de son existence. Avec Célestine, c’est elle-même qu’elle fait renaître, en l’inventant à son image. Elle réalise aussi d’autres albums pour enfants et adultes, dont certains connaissent un grand succès international, notamment au Japon. Son style sobre et épuré plaît beaucoup. Le livre Un jour, un chien est considéré comme l’apogée de son talent.
Une artiste engagée. Monique Martin se détourne assez vite du milieu très fermé de l’Art et des expositions. Elle souhaite que son travail soit accessible pour tous et permette de procurer du bonheur aux gens, tout en transmettant des valeurs capitales pour elle. Femme éminemment engagée, elle est aussi en avance sur son temps. Dès les années 70, Monique Martin s’inquiète pour la planète et ses habitants. Son instinct la pousse à défendre une philosophie de développement durable. Elle exprime cette inquiétude dans son œuvre, que ce soit de manière plus sombre dans L’œuf ou de manière plus légère, tout à la fois tendre et humoristique avec Ernest & Célestine.
De nombreux prix. Ses livres, traduits dans une vingtaine de langues, reçoivent de nombreuses reconnaissances : meilleur livre de jeunesse au Salon du Livre de Montreuil (Au bonheur des ours), Sankei Children’s books Publications Prize du Japon (Un jour, un chien, L’oeuf), prix graphique de la Foire du Livre de Jeunesse de Bologne (La naissance de Célestine), Boston Globe-Horn Book Award (Un jour, un chien). Monique Martin décède le 24 septembre 2000, laissant à ses héritiers plus de 10.000 dessins et peintures. Des œuvres qui reflètent toute la lumière et l’émotion qu’elle a mises dans son travail.
Illustrateur, graveur, mais également guitariste, Jean-Claude SALEMI (né en 1950 à Casablanca, au Maroc) est spécialisé en linogravure comme en swing-musette, il est par ailleurs guitariste dans le groupe Swing-O-Box. D’où sa passion d’illustrations musicales, notamment aussi dans le livre Un Monde de Musiques édité par Colophon en collaboration avec La Médiathèque. Il est membre d’un atelier collectif de gravure et lithographie : l’Atelier RAZKAS et, dans ce cadre, participe à l’édition de plusieurs portfolios de gravures. (d’après JAZZINBELGIUM.BE)
Cette linogravure nous montre le bassin d’une piscine publique. Le Neptunium est la piscine communale de Schaerbeek, construite en 1953, certainement bien connue de Jean-Claude Salemi. A travers cette composition, l’artiste capture un moment de vie, croquant les divers usagers en pleine action de manière assez pittoresque.
Guy RAIFF est né à Etterbeek en 1953. A neuf ans, il reçoit sa première guitare et apprend ‘sur le tas’ avant d’étudier, de 1971 à 1974, au Conservatoire de Bruxelles. Il se met à la guitare de jazz en autodidacte et commence à jouer, dans un style influencé par Django Reinhardt, dans le groupe Douce Ambiance, à partir de 1976.
Il forme deux ans plus tard le Little Stuff Quartet, avec Alain Rochette, Alix Furnelle et Pierre Narcisse, et se tourne vers un jazz plus moderne. Dans les années qui suivent, on peut l’entendre quelquefois aux côtés de Charles Loos, Steve Houben, Lou Bennet et John Ruocco et, à partir de 1984, il se produit souvent en duo avec le contrebassiste Jean-Louis Rassinfosse.
Depuis 1986, Guy Raiff fait partie du quartette du tromboniste Phil Abraham, forme un trio avec José Bedeur et Luc Vandenbosch, et un duo avec le claviériste Roland Dechamp. Tous ces musiciens se produisent aussi en petites formations dont la composition change souvent et ou l’on retrouve aussi Marc Rosière, Jean-Luc Van Lommel, Alain Rochette et Jan De Haas.
Guy Raiff s’intéresse aussi a l’utilisation de l’ordinateur ; il a composé et interprété la musique du spectacle Crazy Blues Circus Théâtre de la Compagnie Pour Rire, en 1988. Depuis 1972, il pratique l’enseignement, notamment en cours privés et lors de stages de l’Académie Internationale de Wallonie. Mélodiste inspiré, Guy Raiff est un des rares guitaristes de sa génération à n’avoir guère subi l’influence du jazz rock, empruntant davantage au vocabulaire des grands guitaristes américains des années 50 et 60.
Jean Robert est né à Bruxelles en 1908 et décédé à Hilversum (Pays-Bas), en 1981. Il aborde la musique par l’intermédiaire de leçons privées de piano, pendant la première guerre mondiale. A douze ans, il entre dans une fanfare et y joue du clairon puis de la trompette. Parallèlement, il poursuit ses études ; il rencontre en 1926 Peter Packay qui lui fait découvrir les premiers disques de jazz disponibles chez nous, et notamment ceux de l’orchestre de Ted Lewis : Jean Robert tombe aussitôt sous le charme de cette musique nouvelle et il décide de s’y essayer lui aussi.
En 1927, il commence à jouer – comme pianiste – dans différents petits orchestres belges à coloration plus ou moins jazzy et passe professionnel. Mais très vite, l’écoute des disques de jazz le rend sensible aux accents d’un autre instrument : le saxophone. C’est à l’alto qu’il fera ses débuts sur l’instrument qui le rendra célèbre pour un temps. Poly-instrumentiste notoire, il pratique aussi au cours de sa carrière la clarinette, la guitare et un instrument disparu aujourd’hui et qui n’eut jamais que quelques représentants valables dans la sphère jazz : le saxophone basse qu’il découvre au Kursaal d’Ostende lors d’une prestation du fameux saxophoniste américain Adrian Rollini, compagnon de Bix Beiderbecke.
C’est dans l’orchestre de Peter Packay, The Red Robbins, qu’il enregistre ses premiers disques en 1928, pour la firme anglaise Edison Bell : des disques 20 cm qui, en raison notamment de déficiences techniques, ne connaîtront guère de succès. Jean Robert franchira à nouveau les portes des studios Edison Bell l’année suivante, cette fois au sein de l’orchestre de Chas Remue, autre grand pionnier du jazz belge. Mais entre les deux séances, il a fait une autre rencontre décisive : celle de Gus Deloof, encore peu connu mais déjà en prise directe avec le “vrai” jazz américain, celui de Louis Armstrong par exemple. Il perçoit rapidement l’écart qui sépare cette musique des artefacts généralement appelés “jazz” en Europe. Et tandis qu’il passe l’été 1929 au casino de Blankenberge aux côtés de Chas Remue, il s’applique à pénétrer l’esprit particulier de ses nouveaux disques fétiches.
On le retrouve dès 1931 au centre de tout le mouvement swing qui agitera la Belgique musicale des années 30. Ainsi, il fait partie des Racketeers de Gus Deloof dont Félix Robert Faecq produit les premiers enregistrements en cette même année. Jean Robert y côtoie la crème des mutants de l’époque : le trombone Josse Breyre – qui fera une carrière internationale – le saxophoniste Arthur Saguet, le bassiste Arthur Peeters et le fameux drummer Josse Aerts (une des premières “rythmiques” belges). le pianiste John Ouwerx, sans oublier Deloof lui-même, excellent trompettiste. Ainsi, bien avant l’arrivée sur la scène belge de Raoul Faisant, Victor Ingeveld et Bobby Naret, il y a dans notre pays un sax-ténor “qui en veut”.
De 1930 à 1932, Robert travaille dans l’orchestre d’Albert Sykes (Ostende de 1930 à 1932), jouant également l’hiver 1931-1932 en Egypte en petite formation (avec notamment Ouwerx et Aerts). Dès cette époque, les quelques rares observateurs de la scène jazz saluent le talent de Jean Robert. Ainsi, en 1932, dans son fameux Aux Frontières du jazz, Robert Goffin raconte cette anecdote étonnante : ” (…) Je considérais depuis longtemps Featherstonaugh comme le meilleur ténor européen quand voici quelques jours, je fis entendre quelques disques de Spike Hugues au célèbre ténor de couleur Eugène Sédric. Et, lorsque je lui fis part de ma considération pour le ténor anglais, Sédric de se récrier et de proclamer qu’il était indubitable que Jean Robert lui était supérieur à tous les points de vue…”
La même année, Robert rencontre quelques musiciens américains de renom (John Mitchell, June Cole, Ted Fields, membres des fameux Entertainers de Willie Lewis) et se rend en studio à leurs côtés au sein des Radiolans de Deloof. Puis, de 1932 à 1934, il dirige son propre orchestre à Bruxelles (Atlanta, Plaza, etc.) et sur la côte belge. un orchestre au sein duquel on retrouve presque tous les futurs “grands” du swing à la belge : Robert de Kers, Jean Omer, Chas Dolne, John Ouwerx. Les affaires devenant subitement plus difficiles à partir de 1934, Jean s’expatrie pour quelque temps, travaillant essentiellement en Hollande dans les orchestres de Henk Bruyns (A’dam), Freddie Rierman et ses Crachers Jacks (A’dam, R’dam), etc.
De retour en Belgique, il entre dans l’orchestre de Robert de Kers le temps d’une tournée aux Pays-Bas. En 1937, il monte une petite formation qui jouera au Cotton à Bruxelles, mais aussi en Suisse avec sa femme Betty en renfort au chant. Les membres de cet orchestre sont le pianiste Rudy Bruder, le bassiste Gene Kempf et le batteur Christian Serluppens, de solides éléments en réalité, et à cette époque, quelques-uns des solistes les plus “jazz” de Belgique. L’importance de Jean Robert, outre son grand talent d’improvisateur (sphère Hawkins, Berry, etc.), vient aussi de son goût pour la petite formation : en fait, pendant les années 30, on pourrait facilement dénombrer les petites formations jazzy en Belgique. La mode est aux grands orchestres et les petits orchestres de boîtes de nuit n’ont souvent qu’un sens du jazz fort relatif ; au contraire, la petite formation de Jean Robert préfigure la vogue du combo swing qui, pour différentes raisons, caractérisera la période de l’occupation et marquera vraiment le début du jazz “de solistes”.
Toujours en petite formation, on retrouve Jean Robert à la fin des années 30 au sein d’un trio qui achève d’asseoir sa réputation : il est en effet choisi pour remplacer Coleman Hawkins, alors établi aux Pays-Bas ; à ses côtés, une autre grande légende noire fixée en Europe, le pianiste Freddy Johnson. Robert travaillera avec ce trio du début de l’hiver 1938 au mois de janvier 1939, à Amsterdam, au fameux Negro Palace. Il engagera Freddie Johnson dans son propre combo à différentes reprises. Nul doute que cet épisode aura contribué à renforcer et à mûrir son jeu déjà plus évolué que celui de la grande majorité des jazzmen belges. Désormais, il se situe dans le peloton de tête des musiciens de jazz européens, comme Goffin l’avait pressenti sept ans auparavant. Coleman Hawkins parlera de lui comme du “meilleur improvisateur de jazz d’Europe” !
Jusqu’à la déclaration de guerre, il continuera à jouer aux Pays-Bas surtout, principalement au Carlton d’Amsterdam avec l’orchestre du violoncelliste russe Jascha Trabsky ; épisodiquement, il revient jouer quelques temps en Belgique, y remplaçant pendant trois mois Jean Omer au Bœuf sur le Toit et y côtoyant à nouveau Hawkins : avec le saxophoniste Victor lngeveld, qui s’était entre-temps imposé sur la scène belge, cela formait un triumvirat de saxophone pour le moins explosif ! Fin 1939, Jean Robert se remet à la petite formation et joue au Broadway de Bruxelles avec Jopie Kahn, Gene Kempf et Jackie Glazer.
Lorsque la guerre éclate, et à la faveur d’un nouveau modus vivendi qui s’installe en Belgique, il rentre dans le circuit, jouant à nouveau sur les deux tableaux : grande et petite formation. Il fait partie du big band réorganisé par Jean Omer pour le Bœuf sur le Toit, big band avec lequel il effectuera également une tournée de presque un an, et enregistrera quelques faces. Il joue et enregistre également avec le septette de Rudy Bruder, avec Gus Deloof etc. Il reprend la formule trio, d’abord avec Bruder et Glazer au Louisiana, et gravant enfin quelques faces avec Bruder et Jeff de Boeck (1941) ou Josse Aerts (1942) : le Jean Robert Hot trio restera comme un des grands foyers caractéristiques de cette explosion du jazz en Belgique pendant l’Occupation. Bernhardt et de Vergnies, dans leur Apologie du jazz, décrivent ainsi Jean Robert : “Jean Robert ( … ) est à mentionner parmi les grands solistes mondiaux. Il surpasse nettement tous les autres sax-ténors européens (…). On le reconnaîtrait entre mille au volume prodigieux de sa sonorité et à la fougue incandescente de son jeu. Sauvage, ardent, impulsif, son tempérament se déploie dans le jazz hot avec cette flamme, cet abandon, cette bravoure souveraine qui caractérise tant de nègres (et si peu de blancs il faut bien le dire) et que confère seul le sens inné de ce mode d’expression”.
Mais la grande période du trio sera malheureusement interrompue quand Jean Robert, réquisitionné pour le travail obligatoire, partira pour Berlin où il travaillera dans différentes formations (Willy Stock, Kurt Widman) dont la plupart n’ont plus rien à voir avec le jazz. Sombre période. Pour lui comme pour la plupart des musiciens, les premiers temps de la Libération se passeront sous le signe du jazz retrouvé : ainsi, après avoir joué aux côtés d’Hawkins et d’Ingeveld, il s’associe bientôt à un autre géant du saxophone ténor, Raoul Faisant, qui vient juste de “monter” à Bruxelles où on comprendra rapidement que ce provincial-là était de la race des grands du jazz. C’est au Cosmopolite et au Panthéon que les deux “maîtres” uniront leurs efforts pour produire un swing rarement atteint à ce degré dans notre pays.
Par ailleurs, il continue à travailler avec Jean Omer non seulement au Bœuf sur le Toit mais également à Cannes et plus tard (1948), à Monte-Carlo. Entretemps, il grave ses derniers disques (1947) à la tête d’une moyenne formation (trompette, tuba, 4 saxes et les rythmes, plus la chanteuse Yetti Lee). Bientôt, hélas, comme la plupart des jazzmen professionnels d’alors, il va devoir quitter le monde du jazz, devenu moins rentable que jamais, et passé de mode, pour poursuivre sa route dans l’univers tiède de la variété. Le jazz perd un de ses grands défenseurs européens : l’époque est proche où on retrouvera Victor lngeveld au sein des Chakachas. Raoul Faisant jouant pour les thés du Bon Marché, etc. Quant à la scène jazz, elle est désormais occupée par une autre génération, celle des Jaspar, Thielemans, Pelzer, Thomas, Sadi qui n’auront quant à eux d’autre alternative que de quitter la Belgique. Et le jazz passant la barrière du be-bop, l’écart se creusera d’autant entre Jean Robert et ses semblables et le monde des notes bleues.
La suite de son histoire c’est d’abord Cannes où il travaille comme saxophoniste et arrangeur pour l’émission Maurice Chevalier speaks to America (Jean Robert aura à cette époque l’occasion de jouer avec le bassiste français Louis Vola), puis à nouveau le Bœuf sur le Toit où il restera jusqu’au début des années 60, glissant quand il le pouvait quelques chorus de jazz entre deux mélodies dansantes. Par la suite, il se fixera définitivement aux Pays-Bas – où il avait connu tant de grandes heures jazzantes – y travaillant comme arrangeur pour différents orchestres tant pour la radio que pour la télévision (Piel Zonneveld, Jos Cleber, Charlie Nederfelt, Sander Sprong, etc.). Une rentrée dans l’anonymat typique d’une génération de musiciens européens qui auront ouvert toute grande la porte aux jeunes passionnés de l’ère suivante, leur faisant prendre conscience de l’enjeu artistique que constituait le jazz, un enjeu dont eux-mêmes n’auront hélas pu récolter les fruits.
Jean-Pol SCHROEDER
[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : transcription (droits cédés), correction et actualisation par wallonica.org | source : SCHROEDER Jean-Pol, Dictionnaire du jazz à Bruxelles et en Wallonie (Conseil de la musique de la Communauté française de Belgique, Pierre Mardaga, 1990) | commanditaire : Jean-Pol Schroeder | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : jazzinbelgium.be.
Pour cette œuvre, Isa Muls utilise la technique de l’aquatinte à l’ancienne – sa technique de prédilection. On saupoudre la plaque de cuivre avec de la colophane avant de la plonger dans l’acide. Ce sont ces grains qui donnent aux noirs une profondeur particulière. Un cliché de la police de Los Angeles datée de 1928 a été le déclencheur. Un homme armé en poursuit un autre dans une arrière-cour un peu glauque. L’aura… l’aura pas …? (d’après l’auteur)
[d’après BRUSSELSLIFE.BE, 14 juin 2015] Là où le reste du monde fait valser ses tartines un peu séchées dans un grille-pain ou les imbibent de lait et d’œuf avant de les perdre quelques minutes dans une poêle bien beurrée, les Bruxellois les transforment en bodding !
Il y a quelques années, le bodding était, comme les frites et les ballekes, une véritable institution bruxelloise. Aujourd’hui, pour dénicher ces restes de pains et de viennoiseries recuits après avoir été accommodés de rhum, d’eau, de cassonade, de sucre de gros calibre et de raisins, vous devrez pousser la porte des boulangeries traditionnelles de la capitale. On vous fait découvrir l’origine du bodding, la recette traditionnelle bruxelloise et certaines déclinaisons gourmandes à déguster !
Le bodding, wadesda ?
Bodding. Non, il ne s’agit pas de Paul Olaf Bodding (1865-1938), missionnaire chrétien aux Indes et éminent folkloriste-linguiste norvégien, ni de feu Robin Gibb (1949-2012) des Bee Gees surnommé “Bodding” dans son enfance… Le bodding dont on parle ici est l’une des spécialités culinaires bruxelloises, plus précisément un dessert. C’est une version du pudding réalisée avec des restes de boulangerie : du pain, des couques, etc. On y ajoute ensuite des œufs, du sucre candi, des raisins secs et du rhum dans sa variante brusseleir ! On obtient au final un cake avec la texture du fudge et le goût du pudding.
Aussi orthographié “bodink”, “bodding” serait une contraction du mot flamand “brood” [pain] et du mot anglais “pudding“, son origine remonterait au Moyen Âge. Il est aussi connu sous les noms de pain de chien ou gâteau du pauvre. En ligne, on nous apprend que le pudding au pain est également populaire dans les contrées anglo-saxonnes comme le Canada (principalement au Québec), les États-Unis et le Royaume-Uni. Le Mexique possède également un plat qui lui est proche avec le capirotada, consommé durant le Carême.
Véritable madeleine de Proust pour de nombreux Bruxellois, le bodding garnissait les tables du déjeuner et du goûter d’autrefois. Préparation facile et anti-gaspi par excellence, s’il a presque disparu des étalages des boulangeries (il n’est encore présent que dans certaines boulangeries traditionnelles), le bodding revient en force avec la tendance zéro déchet !
Si sa recette est aisée car à base de récup’, il n’en reste pas moins un gâteau bien calorique. Dessert ou gourmandise (appelez-le comme vous voulez), bodding classique ou agrémenté, servi avec du café (une “jat’café” comme on dit à Bruxelles), du thé ou du chocolat chaud, c’est un pur délice !
La recette du bodding à la bruxelloise
Totalement dans l’air du temps, la recette traditionnelle du bodding est facile à réaliser et permet de réutiliser les restes de pain et de couques que vous n’avez pas encore mangé. Il existe sans doute autant de recettes de bodding que de familles bruxelloises. Le principe reste toutefois le même… La recette bruxelloise classique est à base de raisins secs et de rhum. A vous d’adapter les grandes lignes qui suivent selon vos goûts et vos envies ! Elle est en tout cas parfaite pour cuisiner avec vos ketjes.
Ingrédients
1 kg de reste de pain et couques
10 cl de lait tiède
20 cl (une tasse) de café fort
150 g de raisins secs
4 œufs
6 cuillères à soupe de cassonade
6 cuillères à soupe de sucre semoule
1 cuillère à soupe de rhum brun
Préparation
Rassemblez tous vos restes de pains et couques : pains blanc, pains gris, cramiques, pistolets, croissants… tout le monde est le bienvenu ! Coupez le tout en petits morceaux avant d’arroser de lait et de café. Laissez tremper pendant une heure et demie. En même temps, faites tremper les raisins secs dans le rhum avec deux cuillères à soupe d’eau durant autant de temps. Après une heure et demie, égouttez le mélange de reste, de lait et de café. Ajoutez les œufs et les deux sucres aux raisins et au rhum. Mélangez. Incorporez le mélange aux restes et malaxez bien le tout. Versez la préparation dans un moule et cuire entre 90 et 120 minutes dans un four préchauffé à 150 degrés. Pour être réussi, votre bodding doit rester un petit peu mou et humide au cœur. Smakelijk !
Vous pouvez sinon accommoder votre bodding de bon chocolat belge à la place des raisins secs ou de pommes, au choix.
Où acheter du bodding à Bruxelles ?
On trouve encore du bodding sur quelques marchés et dans certaines boulangeries traditionnelles. Du côté de Koekelberg, Stockel et Jette, la belle portion revient à 2,95 € et quand on vous parle de belle portion : on vous promet d’être rassasié ! A Auderghem, on propose le bodding entier (900 gr) à 4 € ou le demi à 2 €.
Sébastien FAYARD est un comédien et performeur français vivant à Bruxelles. Il a étudié le secrétariat, la comptabilité, le cinéma, la musique, la photographie et le théâtre. Il collabore avec différents metteurs en scène, chorégraphes et artistes plasticiens dont la compagnie System Failure avec qui il se produit régulièrement sur scène. Depuis quelques années, il mène différentes recherches photographiques et vidéographiques et poursuit la série “Sébastien Fayard fait des trucs.” En parallèle, il décline ce projet en petits films dans une série appelée “Sébastien Fayard filme des navets” et sillonne les festivals de courts-métrages européens. (d’après SEBASTIENFAYARDFAITDESTRUCS.COM)
Sébastien Fayard livre ici une série en cours, inédite, de clichés qui détournent, c’est le cas de le dire, des clichés. Le procédé est simple mais inusable : prendre les choses au pied de la lettre, exploiter les ambiguïtés et les doubles sens des phrases toutes faites, des métaphores éculées, des formules journalistiques, des poncifs en vogue. Faisant ses trucs, il en défait pas mal d’autres – des attentes, des snobismes, des poses et des postures, des idées reçues, des présupposés logiques. Pour bien comprendre il faut se méprendre, et accepter surtout un paradoxal et étroit entrelacs entre stupidité et lucidité. (d’après YELLOWNOW.BE)
Marc Mestrez fait ses débuts dans les années 50 au sein d’orchestres jazzy, pour la danse essentiellement (New rector’s à Chaudfontaine, Jo Carlier, etc.). En 1959, il devient professionnel et entre dans la formation de Janot Moralès avec lequel il effectue plusieurs tournées. Parallèlement, il participe à différentes jam-sessions, se produit à Comblain avec Léo Souris et participe aux tournées Sabena avec Johnny Dover.
En 1963, il travaille à Bruxelles avec Johnny Renard puis entre dans le Big Band de la RTB (Segers). A la dissolution de cet orchestre, Marc Merciny part pour Beyrouth où il restera jusqu’en 1972. Il effectue. par la suite, différentes tournées avec l’orchestre de Caravelli ainsi qu’avec Shirley Bassey (Japon, Afrique) et accompagne Aretha Franklin à Paris. Vers 1975-1976, il part en tournée avec les musiciens de l’orchestre de Count Basie dirigé par Eddie Lockjaw Davis, en remplacement de Curtis Fuller ! Il entre ensuite au Big Band de la BRT et participe aux tournées des solistes de cet orchestre. A la suite d’un accident, il interrompt ses activités en 1987.
Léa MAYER (née en 1987) est diplômée de dessin de l’ENSAV La Cambre à Bruxelles en 2012 et vit à Bruxelles et Paris. Elle développe un travail autour des notions de perception, de connaissance et d’imagination dans notre quotidien. Le dessin sur différents supports, les installations dans l’espace et l’écrit lui servent pour étudier l’espace, le temps et les influences de notre histoire ou de notre éducation pour les appréhender. Chaque projet d’artiste est une recherche ouverte.
“Je vis une longue plage, pas de sable, mais de petites galets charmants. La mer plate sent bon. La mer touche la terre par de petites vagues et j’écoute le bruit que font les pierres lorsque la vague les atteint et coule sur elles. Il y a de l’air frais résultant des pins et d’un soleil radieux “.
La série Standby porte sur les images hypnagogiques : celles auxquelles on pense avant de s’endormir, celles que l’on construit et que l’on imagine pour se détendre juste avant l’endormissement. Ces images m’ont intéressé car elles sont très intimes et je pense qu’elles révèlent beaucoup sur le pouvoir des images sur notre corps et notre esprit. J’ai donc demandé à des gens via des forums Internet de me décrire ces images (en particulier celles qui sont récurrentes). La langue d’échange se fait en anglais. S’ensuivent des tentatives de représenter ces descriptions, comme les possibilités sont multiples, les formats, supports, mediums, temps de réalisations sont diversifiés.
Artiste-peintre, écrivain, poète et théosophe, Jean DELVILLE (est une figure majeure du domaine idéaliste du Symbolisme belge. Né le 19 janvier 1867, à Leuven (Belgique), il décède en 1953 à Forest-Bruxelles, le jour de son anniversaire, à l’heure même de sa naissance. Suivent quelques repères biographiques [pour en savoir plus, visitez JEANDELVILLE.INFO]
Avant 1900
Son talent est reconnu dès sa formation à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles où il s’est inscrit à l’âge de 13 ans, en 1879. À l’âge de 20 ans, en 1887, Delville dessine son Tristan et Yseult (MRBAB).
Ses thèmes iconographiques étaient jusqu’alors proches du réalisme social. Au Salon de l’Essor où il a commencé à exposer, il donne à voir, en 1889, ses premières études de nus pour le dessin monumental Le Cycle des passions.
Les années 1890 seront prolifiques pour le jeune Delville. L’artiste va se détacher petit à petit d’une influence réaliste et donner une orientation idéaliste à son œuvre. Dès 1892, il participe aux salons de la Rose+Croix à Paris, là où les artistes belges symbolistes sont reconnus. Il y présente son Orphée mort (en-tête de cet article, MRBAB). À la suite de cette expérience parisienne, Delville va devenir animateur-organisateur de salons à Bruxelles. Il sera membre fondateur de Pour l’Art en 1892.
En 1895, il expose Les Trésors de Satan et obtient une première reconnaissance institutionnelle avec le premier prix au grand concours de peinture, le Prix de Rome.
En polémiste qu’il était, Delville publie de nombreux articles dans les petites revues de l’époque pour défendre son art idéaliste. C’est à ce propos qu’il organise les Salons d’Art idéaliste à Bruxelles en 1896, 1897, 1898.
Au cours de ces mêmes années, pendant ses séjours à Rome, il conçoit L’École de Platon (Musée d’Orsay) qu’il termine à Bruxelles. Cette œuvre va le consacrer définitivement comme maître de l’Art idéaliste au salon d’art idéaliste de 1898. Il fonde la coopérative artistique qui pratiquait l’achat groupé de fournitures artistiques.
À partir de 1900
Delville publie La Mission de l’Art : Etude d’Esthétique Idéaliste en 1900 et peint L’Amour des âmes (Musée d’Ixelles). Il nourrit la volonté de continuer à produire des toiles de grands formats. Par idéal, l’artiste espère pouvoir les insérer dans des lieux publics afin d’en faire profiter un plus grand nombre.
Pour assurer des ressources financières plus régulières, il va s’investir dans une charge de professeur à la Glasgow School of Art où il conçoit L’Homme-Dieu (Groeningemuseum, Bruges) et Prométhée (ULB) ; puis en Belgique à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Marié avec Marie Lesseine en 1893, le jeune père veut offrir une vie décente à trois de ses six enfants déjà nés. En 1907, il obtient une commande de l’état belge. Commence alors, pour lui, une des périodes les plus heureuses de sa vie. Il peint dans son atelier de l’avenue des 7 Bonniers, à Bruxelles-Forest, les cinq immenses panneaux de La Justice pour la Salle des assises du Palais de Justice de Bruxelles. L’artiste termine ces panneaux en 1914.
La Première Guerre mondiale éclate, il décide de prendre le chemin de l’exil. À Londres il peint des esquisses pour Les Forces (Salle des pas perdus, Palais de Justice de Bruxelles) et La Belgique indomptable (collection privée).
Au milieu des années 1920, avec la création de la société d’art monumental, il conçoit avec cinq autres artistes de sa génération le projet des mosaïques des Arcades du Cinquantenaire, à Bruxelles. Dans l’état d’esprit d’après-guerre, Delville va peindre six panneaux autour du thème La Glorification de la Belgique. En 1924, il est élu membre de l’Académie de Belgique.
Libéré de sa charge professorale à la fin des années 1930, ses six enfants sont tous mariés, il rejoint à Mons sa nouvelle compagne. En 1940, alors qu’il est âgé de plus de 70 ans, Delville y peint parmi d’autres œuvres, La Roue du Monde (KMSK Antwerpen ). Jean Delville continuera à peindre et à écrire jusqu’à la fin de sa vie.
Je la revois avec les yeux de mon enfance,
la vieille cité calme et triste où je suis né.
Je m’y revois encor, enfant prédestiné
aux émois douloureux du rêve et du silence.
Je la revois avec mon cœur naïf et fier.
Des souvenirs dolents passent dans ma mémoire.
Je suis le héros vain d’une candide histoire,
où mon passé revit, comme si c’était hier.
Et voici le taudis de la maison natale !
Entre ses murs de chaux monta le premier cri
des souffrances que sont ma chair et mon esprit.
Et depuis l’heure où vint ma naissance fatale,
je sens que reste en moi, – l’homme par l’Art hanté –
l’enfant pauvre et obscur que j’ai toujours été.
Delville J., La Ville natale (in Les Splendeurs méconnues)
TÉMOIGNAGE : Jean Delville, mon grand-père
[ACADEMIA.EDU] La tête dans les étoiles, les pieds bien sur terre, Jean Delville notait souvent, en haut de sa correspondance, « en toute hâte » ou « au galop ». Au galop, donc, de 1867 à 1953, une vie et une œuvre aussi foisonnantes l’une que l’autre. Marié, père de famille nombreuse, tout à la fois peintre, écrivain et philosophe, homme de passions, intègre et idéaliste, mon grand-père a toujours mené plusieurs combats de front. Retracer cette vie n’est pas chose aisée. En 1941, il écrit lui-même à son ami journaliste Clovis Piérard, qui tente alors de l’inciter à rassembler ses souvenirs : « C’est maintenant surtout que je regrette d’avoir trop négligé – c’est le mot – de conserver tout ce qui se rapporte à ma carrière d’artiste. Mes études théosophiques m’incitèrent beaucoup à ne pas attacher trop d’importance à la personnalité extérieure. Ce qu’elles m’ont apporté de lumière dans ma vie intérieure – et ce qu’elles m’apportent d’ailleurs encore – a provoqué ce détachement des choses personnelles immédiates et qui fit de moi, dans la vie artistique, un isolé. »
Tout au long de sa vie, Jean a peint des autoportraits. Le premier est conçu alors qu’il a à peine vingt ans. Albert Ciamberlani, dans sa notice Jean Delville, membre de l’Académie, évoque ainsi la personnalité du jeune artiste : « Ceux qui l’ont connu à l’âge de vingt ans se souviennent qu’il était d’une beauté physique remarquable ; son regard était vif, ses cheveux noirs et longs. Sa fierté naturelle indomptable contrastant avec la modestie de ses origines, devant tout à lui-même, à sa confiance en soi et sa volonté de parvenir. Il avait de la voix, de la mémoire musicale, un style aisé et abondant ; il savait parler en public et s’annonçait déjà polémiste. »
À la fin de sa vie, dans l’un de ses derniers autoportraits, il se représente la chevelure blanchie mais encore léonine, le regard toujours perçant. Parlant de son enfance, il écrit alors : « J’étais un enfant solitaire, indépendant et même indiscipliné. On m’appelait le “rêveur.” Un ciel étoilé me plongeait dans le ravissement. J’en sentais profondément le mystère. J’avais aussi le pressentiment très vif de la souffrance de la vie. »
Enfance
Mon grand-père est né le 19 janvier 1867 à 2 heures du matin, rue des Dominicains à Louvain. Son acte de naissance indique qu’il est né de Barbe Libert, journalière, âgée de trente-trois ans et domiciliée impasse du Werf. Jean n’ayant pas été reconnu par son père, il portera le nom de sa mère jusqu’au mariage de celle-ci avec Victor Delville le 22 septembre 1877.
Victor et Barbe se sont rencontrés à Louvain avant de s’établir à Bruxelles en 1873. Pour le petit garçon, c’est la découverte d’une nouvelle famille. Le père de Victor, François Delville, « une sorte de géant », est chef tailleur dans l’armée belge. Jean raconte que c’est en sa compagnie qu’il rencontre pour la première fois un artiste : « Ce fut pour moi un véritable enchantement d’enfant encore inconscient de sa vocation. » Quant à l’oncle Henri Laboic, chef de musique du régiment des carabiniers, Jean écrit à son propos : « J’aimais beaucoup la musique étant gosse – toutes les musiques qui passaient dans les rues, je les suivais pour écouter –, j’éprouvais une grande admiration pour cet oncle. »
À l’école communale de la rue du Fort, à Saint-Gilles, Jean est un élève attentif, désireux d’apprendre et curieux, mais il n’apprécie guère l’atmosphère disciplinaire. Un jour, révolté face à un instituteur qui a blessé
un élève, il se dresse sur son banc, le traite de brute et, pour éviter son empoigne, s’échappe en bondissant vers la porte.
Plus tard, en section professionnelle à l’Athénée Bruxelles, sa vocation artistique semble se préciser avec les nombreux croquis dont il illustre ses cahiers. Bien qu’il réponde « médecin » quand on l’interroge sur ce qu’il souhaite devenir plus tard, il demande à son père d’adoption de pouvoir suivre les cours du soir à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles, où il est admis alors qu’il n’a pas encore treize ans. Passionné, travailleur, il progresse vite et est bientôt admis dans la classe de peinture de Jean-François Portaels, où il réussit à se placer premier à la fois en dessin d’après l’antique, en composition historique, en peinture et en figure. Poussé par son esprit d’indépendance, Jean s’en va alors chercher un coin à Forest pour peindre, inspiré par la nature encore sauvage et les magnifiques lumières des ciels toujours changeants. Fervent lecteur, il commence aussi à écrire des poèmes, qu’il publie à partir de 1888 dans La Wallonie d’Albert Mockel, dont il a fait la connaissance, et s’ouvre ainsi les portes de la culture littéraire.
Prémices d’une oeuvre
En 1885, mon grand-père réalise deux dessins dans un asile de nuit. Dans le premier, des hommes et des femmes dorment affalés sur deux tables tandis qu’à l’avant-plan d’autres sont couchés par terre. Dans le second, les figures endormies à même le sol deviennent le centre de la composition. Ces corps allongés et entrelacés annoncent les motifs et les figures de ses dessins dits des Las-d’aller et de sa première œuvre de grandes dimensions, Le Cycle passionnel.
À vingt ans, il perd Moederke – Jeanne Janssens, sa grand-mère maternelle, qui était très fière de dire : « Onze Janneke is een schilder. » Touché par son courage, sa philosophie et les chansons qu’elle composait, toute illettrée qu’elle soit, il l’a veillée seul, la dessinant sur son lit d’agonisante. Il dit de cette époque : « Or déjà j’avais senti que le réalisme n’était pas tout l’art. » Un dessin daté de 1887, Tristan et Yseult, illustre bien ce propos. C’est une composition triangulaire formée par les corps des amants et la coupe vidée du philtre d’amour que brandit Yseult. Leurs jambes sont entravées par un entrelacs de racines sombres d’où s’échappent des papillons lumineux. De l’arrière-plan, une lumière rayonne sur leurs deux corps allongés. La même année, Jean fait ses débuts en exposant à l’Essor, un cercle artistique bruxellois qui promeut une esthétique essentiellement réaliste et impressionniste.
Entre réalisme et symbolisme
Jean travaille sans relâche : « C’est à l’époque de mon premier atelier de Forest, cette vieille écurie humide où les rats et les souris se livraient à leurs ébats et où je travaillais des journées entières sans manger, que des esquisses me hantaient ; j’avais dessiné un grand tourbillon de corps nus entrelacés, roulant dans l’espace, supplice dantesque du cercle voluptueux. » Il parle là du Cycle passionnel, inspiré par La Divine Comédie de Dante, qu’il exposera en 1890 lors de la quatorzième exposition de l’Essor. Jean est dit « vagabond de l’art » car il tire son inspiration de tout : de la tradition réaliste, de la littérature, de sa propre imagination, des paysages qu’il traverse, des effets lumineux de l’aurore, de la nuit, du soleil et de la lune.
Le monde artistique de l’époque bouge, évolue. Le clivage de plus en plus marqué entre l’esthétique réaliste et une peinture plus intellectuelle provoque une scission au sein de l’Essor. Avec d’autres dissidents, Jean fonde en 1892 Pour l’art, un cercle à la vocation idéaliste et dont les principaux objectifs sont l’organisation de salons et de conférences. Début 1892, Ray Nyst, ami de Jean, affiche dans la revue Le Mouvement littéraire sa volonté d’introduire la Rose+Croix en Belgique : peu à peu, un mouvement intellectuel se construit au sein de ce cercle de l’intelligentsia bruxelloise, où la peinture d’idée fait son chemin. Entre les deux expositions de la Rose+Croix organisées par Joséphin Péladan et celles de Pour l’art, Jean se partage entre Paris et Bruxelles, où il s’affirme en tant qu’artiste de la veine symboliste. Ainsi, au Salon de la Rose+Croix du printemps 1893, les peintres belges sont bien présents, avec Jean Delville en tête de file, qui crée à cette époque plusieurs œuvres remarquables : Orphée mort, Mysteriosa, La Fin d’un règne. Son dessin L’Idole de perversité démontre sa capacité à produire des compositions d’une grande complexité symbolique.
Son activité poétique et essayiste s’affirme aussi. Il fait paraître en 1892 Les Horizons hantés, avec cette dédicace au comte de Villiers de L’Isle-Adam : « Vois, – toi seul peux me comprendre. » En 1893, Le Mouvement littéraire publie un extrait de son Dialogue entre nous qui reprend une citation de l’écrivain symboliste français : « Je n’enseigne pas : j’éveille. Nul n’est initié que par lui-même. » Jean a écrit cet ouvrage sous la forme de questions-réponses entre un sceptique et un initié, développant là une argumentation kabbalistique, occulte et idéaliste. Dialogue entre nous présente le cheminement de sa pensée et ses options prises comme homme et comme artiste, options qu’il développe grâce à ses lectures et aux cercles d’amis artistes et écrivains qu’il fréquente : José Hennebicq, Ray Nyst, Victor Rousseau et Albert Ciamberlani seront ses témoins lors de son mariage avec Marie Lesseine, le 9 octobre 1893.
Reconnaissance
Dans le contexte social de la fin de siècle, l’idée de la création d’une coopérative artistique voit peu à peu le jour. Dans le courant du mois de février 1894, c’est Jean qui anime les différentes réunions de lancement du projet. Le 2 mars, il écrit au peintre Jules Du Jardin que sa femme est depuis le matin « entrée en génisse » mais aussi qu’il a « envoyé à tous les périodiques une prière d’ouvrir la liste de souscription pour la coopérative et le communiqué aux quotidiens pour la convocation des actionnaires. » Raphaël, son premier fils, naît le lendemain. Dans son atelier de fortune de Forest, il réalise sa première peinture à l’huile de grand format, Les Trésors de Sathan. Les temps sont durs pour la famille Delville, qui vit dans un dénuement quasi total. Suivant le conseil de Victor Rousseau, Jean s’inscrit au concours du Prix de Rome de peinture, doté pour le lauréat d’une importante bourse pour un voyage en Italie. En juin 1895, il participe à la présélection et, en juillet, il évoque la « séquestration qu[’il] vi[t] depuis huit jours pour le concours de Rome en loge à Anvers. » Homme proactif, il se lance en même temps dans la promotion de son esthétique idéaliste et affronte les critiques de ses opposants. Il est déclaré lauréat du Prix de Rome de peinture en octobre. Peu après, Marie donne naissance à leur second fils, Élie. Puis son premier Salon d’Art idéaliste s’ouvre en janvier 1896. Il peut alors partir pour l’Italie.
Jean vit son départ pour Rome comme une délivrance. Accompagné de sa femme et de ses deux fils, il réside à l’Académie belge. Là, il noue amitié avec le compositeur flamand Lodewijk Mortelmans, Prix de Rome de musique. Le peintre va devoir se plier aux règles que tout lauréat se doit d’observer pour pouvoir percevoir ses subsides. Il étonne les lecteurs de ses rapports envoyés à l’Académie des sciences et des lettres par l’intérêt qu’il porte à la sculpture antique plus qu’à la peinture. En août 1896, dans deux lettres d’Italie publiées sous le titre Les Antiques à Rome dans La Ligue artistique, il fait part de l’émerveillement que lui inspire la statuaire grecque, qu’il découvre aux musées des Antiques du Vatican, du Capitole et des Thermes de Dioclétien. Il trouve là de quoi étayer ses recherches et ses thèses esthétiques : Orphée aux Enfers et L’École de Platon témoigneront de l’aboutissement éclatant de cette réflexion.
En 1897, Jean trouve encore le temps de publier son second recueil de poèmes, Le Frisson du Sphinx. Camille Lemonnier notera : « Quand Delville publia son Frisson du Sphinx, on vit que ses vers reflétaient l’éclat et la subtilité de son art. Il y apparut l’âme ardente et noble, nourrie de Renaissance, qu’il était dans son œuvre peinte. » Il entreprend des allers-retours entre Rome et la Belgique pour mettre sur pied les prochains Salons d’Art idéaliste. À Bruxelles, Marie donne naissance à leur troisième enfant, Elsa. En 1898, alors qu’il en est à terminer son École de Platon, pour laquelle il fait même des études de paons au jardin zoologique d’Anvers, il écrit le 12 février à Mortelmans : « Mon cher Ami, j’ai la douleur de vous faire savoir que notre cher petit ange Elsa n’est plus de ce monde depuis hier soir 11 heures 17. »
Une certaine sécurité financière aidant, Jean se lance dans la construction d’un atelier digne de ce nom et d’une petite maison, drève des Sept-Bonniers, dans le haut de Forest. « La famille va s’agrandir… Serait-ce notre petite Elsa qui veut revenir ? », écrit-il encore à Mortelmans. Eva naît le 3 mars 1899.
Il n’a cessé de publier des articles dans des revues pour défendre son esthétique idéaliste. En octobre 1899, la publication de son ouvrage La Mission de l’art représente en quelque sorte l’apothéose de ses recherches philosophiques et esthétiques. La Lumière, le titre symbolique de son éphémère revue, reflète bien l’idée d’un idéal vers lequel tend tout son art et que, à travers sa très belle œuvre L’Amour des âmes, il parvient à exprimer.
Théosophie
Toujours à la recherche de ce qu’il appelle une « rédemption financière », Jean n’obtient pas le poste de professeur qu’il espérait à l’Académie. Déçu, il part enseigner en Écosse, à la Glasgow School of Art, où une place de premier professeur lui est offerte. Son enseignement est reconnu du fait de la qualité des travaux que ses étudiants présentent lors des expositions annuelles des travaux d’élèves organisées par le gouvernement de Londres. Toutefois, le climat écossais et la santé de ses enfants, maintenant au nombre de cinq – se sont ajoutés Mira et Olivier –, ont raison de son enthousiasme. Il sent le besoin de rentrer en Belgique.
Jean peint sa toile de très grand format L’Homme-Dieu en espérant la voir intégrée dans un lieu public. Elle rejoindra la collection du musée Groeninge de Bruges. Son activité d’alors est fortement empreinte de théosophie. Ainsi, à propos de son Prométhée, dont il a fait une première étude à Glasgow, il écrit : « Ma conception de Prométhée est toute différente de tous les Prométhée connus. J’ai donné à cette figure son vrai sens ésotérique. Ce n’est pas le feu physique qu’il apporte à l’humanité, mais le feu de l’intelligence, symbolisé par l’Étoile à cinq points. »
Son expérience professorale de Glasgow est reconnue et appréciée : en janvier 1907, il est nommé premier professeur à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles. À quarante ans, Jean obtient la commande de cinq grands panneaux décoratifs pour la salle de la cour d’assises du palais de justice de Bruxelles. Ce travail doit s’étaler sur cinq à six ans. Le panneau central de 11 mètres sur 4,50 mètres, La Justice, la Loi et la Pitié, sera complété par deux compositions secondaires de 4 mètres sur 3 représentant Moïse avec les Tables de la Loi (La Justice de Moïse) et le Christ rédempteur (La Justice chrétienne). Deux autres panneaux symboliseront la justice terrifiante et torturante du passé (La Justice d’autrefois) et la justice compréhensive et psychologique de l’avenir (La Justice moderne).
Jean connaît alors un grand sentiment de bonheur. Cette commande améliore aussi sa stabilité financière : il décide d’agrandir sa maison en ajoutant une tour au sommet de laquelle il installe une chambre de méditation au plafond étoilé. Dans le jardin planté de peupliers d’Italie s’ébattent alors six enfants : la petite dernière, Annie, est née en 1909. Par ailleurs, son École de Platon a été acquise par le musée du Luxembourg, à Paris. Rasséréné, il peut alors peindre L’Oubli des passions.
Combattre, à nouveau
Lorsque la guerre est déclarée en 1914, mon grand-père vient de terminer son dernier panneau pour le palais de justice. Son médecin lui conseille de prendre du repos à la mer, son foie étant sérieusement atteint. Jean se résout à l’exil en Angleterre avec quatre de ses enfants. Les deux aînés partent à la guerre, dont ils reviendront miraculeusement indemnes.
À Londres, le conflit lui inspire une esquisse pour Les Forces, tableau qu’il terminera en 1924. L’un de ses poèmes, dédié aux soldats d’Albert Ier, est lu lors d’une fête de la Ligue patriotique et des amitiés françaises le 14 avril 1917 au Queen’s Hall de Londres : « Comme un torrent d’amour, de courage et d’honneur, ceux qui se sont battus dans la sainte colère, tel un fils furieux dont on frappe la mère, et que, pour la défendre, on voit soudain debout, pour défendre le sol patrial jusqu’au bout ! » À son retour en Belgique, Jean peindra Les Mères – un groupe de femmes errant sur le champ de bataille où elles retrouvent leurs fils morts. Son dessin La Charité anglaise évoque l’accueil fraternel des Britanniques, symboliquement représenté par la figure d’une femme ouvrant les bras aux exilés terrifiés qui débarquent sur les côtes anglaises.
« Éprouver le tourment de peindre ou de dessiner en même temps que la souffrance d’écrire est une expérience intime qui tient parfois du drame », confie-t-il. Il n’empêche : élu en 1924 membre titulaire de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, classe des beaux-arts, section peinture, Jean publiera de nombreux essais dans le Bulletin de l’Académie ainsi que des notices à propos d’artistes disparus dans Annuaire Belgique.
En 1923, mon grand-père travaille d’arrache-pied pendant six mois pour terminer sa très grande toile Les Forces, symbolisant l’opposition entre les forces destructrices de la guerre et les forces de la paix. Par ailleurs, il ne perd pas de vue son désir d’intégrer des œuvres monumentales dans un espace public. À Bruxelles, les galeries de l’hémicycle des Arcades du Cinquantenaire sont vides de décoration. Jamais à court d’idées, Jean pense à les doter de mosaïques chatoyantes. L’idée d’une œuvre collective autour de la glorification de la Belgique séduit ses confrères de l’art monumental : Albert Ciamberlani, Émile Vloors, Constant Montald, Omer Dierickx et Émile Fabry répondent à l’appel. Après de nombreuses difficultés pour parvenir à financer cet ouvrage de trente-six panneaux, la mosaïque de 120 mètres de long est mise en œuvre et terminée.
À soixante ans, Jean publie son quatrième recueil de poésie, Le Chant dans la clarté. Il pense alors faire paraître un nouveau volume, intitulé Hors des mondes, qui ne verra pas le jour mais dont subsistent aujourd’hui tous les poèmes manuscrits.
Sa vie à mons
À Émilie Leclercq, mon grand-père écrit : « Le dieu vaincu par l’amour, couleurs somptueuses… Une première idée du rythme plastique réalisé, la toile mesure 4 mètres de haut par 1,50 mètre de large et forme un panneau décoratif… L’œuvre a été inspirée par notre amour… » À soixante-six ans, il s’établit à Mons avec elle, sans cesser d’écrire, de peindre et d’exposer. « J’ai repris ma liberté d’âme ! », s’enthousiasme-t-il. De cette année 1933 date aussi Le Rêve d’amour, un grand triptyque qu’il exposera à la Société royale des beaux-arts. Encore combatif malgré son âge, il s’implique dans la défense des artistes en militant pour la création d’un conseil supérieur des beaux-arts.
Alors qu’il a pris sa pension de l’Académie des beaux-arts de Bruxelles en janvier 1938, ses contacts avec son ami Clovis Piérard s’intensifient à travers une collaboration journalistique régulière entre 1938 et 1939 dans le
journal La Province, dont Piérard est le directeur. La guerre sonnera la fin de cette association. Jean publie alors Au-dessus des neutralités, la conscience et, dans une lettre du 2 septembre 1939, lance à son ami : « Je suppose que la presse belge est encore une presse libre et qu’il est encore permis, malgré les recommandations, d’appeler un chat un chat, un Hitler un bandit et un Staline un scélérat… Je ne crois pas que notre neutralité ne va guère jusqu’à devoir se taire devant le crime. »
Il monte encore une exposition de ses dernières œuvres à la salle Saint-Georges de Mons et vient de terminer une toile de grand format, La Roue du monde, lorsque la ville est bombardée par les Allemands. Le 5 mai 1940, la Belgique est envahie. Le 15 mai, à soixante-treize ans, il part pour la France, dans l’Allier, où il assiste « à la déroute finale ». À son retour, les autorités allemandes le somment de justifier ses activités hors des frontières belges pour qu’il soit rétabli dans ses droits d’académicien. Choqué par ce nouveau conflit, il peint Le Fléau, travaillant autant que possible : dès qu’il aura du charbon pour chauffer son atelier, déclare-t-il alors, il commencera une grande toile, Les Âmes errantes.
Novateur selon son idéal
En 1944, Jean confie à Armand Eggermont : « J’essaie d’être novateur selon mon idéal et non selon une tendance particulière et de mode. Quand je dessine ou peins, ce qui me préoccupe le plus, c’est la mesure dans laquelle je peux exprimer un sentiment, une pensée, dans une forme plastique et une couleur expressive. Je conçois mon œuvre comme un poème. Je ne sépare pas la peinture de la poésie. » Dans une autre lettre qu’il lui a adressée un peu plus tôt, il s’étonne, non sans humour : « J’ai appris que la Coopérative artistique, s’étant souvenue que j’en suis son fondateur (il y a cinquante ans), a cru bon de placer mon effigie à l’étalage des magasins de la rue du Midi. Me voilà en pleine réclame commerciale : c’est un petit phénomène de me voir, moi, le moins pratique des hommes, fonder une institution utilitaire. »
Le 4 septembre 1944, le palais de justice de Bruxelles est bombardé. En réponse à un courrier d’un M. Bourguignon de la Coopérative artistique, il exprime son désarroi : « En hâte, ce mot pour vous dire que j’ai bien reçu votre lettre, laquelle m’a trouvé en pleine et douloureuse émotion de l’incendie du palais de justice et de la perte totale de ma principale œuvre décorative de la cour d’assises ! En effet, cinq grands panneaux ont disparu dans les flammes du palais ! Cinq belles années de ma vie d’artiste anéanties par les ignobles vandales d’Hitler… » Une nouvelle salle des assises sera conçue, où les esquisses des cinq panneaux remplaceront les œuvres détruites dans le bombardement. En 1946, son tableau Les Forces trouvera une place dans la galerie de la salle des Pas-Perdus, où il se trouve toujours.
Le retour à Bruxelles
Jean revient vivre à Bruxelles. Il confie dans une lettre à sa femme Marie : « Je sens déjà une grande ombre noire descendre sur toutes mes pensées : c’est le remords qui vient… » À M. Bourguignon, il écrit encore : « Je ne suis pas encore tout à fait remis du choc des émotions que j’ai subi, ces jours derniers, en m’évadant définitivement de Mons, où la rupture est totale, et de retrouver brusquement Mme Delville, ma pauvre femme, mes fils, mes filles et leurs enfants !… Il me faudra encore du temps pour remettre de l’ordre dans ma vieille vie d’artiste bouleversée. » Il peint alors La Vision de la paix, en quelque sorte son testament pictural. Mais, vaincu par l’âge, il commence à renoncer à certains projets.
Ainsi, le 15 août 1948, il informe Armand Eggermont : « Changement radical : je renonce définitivement à l’exposition de Forest. Motif : je ne vois pas la possibilité de remplir la salle. Trop de toiles manqueront et diminueront l’intérêt artistique. De plus, mon état de santé ne me permet plus de supporter les fatigues. » Néanmoins, il continue à publier des textes qui interrogent le devenir de l’art : Que sera l’art de demain ? ; L’Esthétique peut-elle devenir une science ? ; La Conscience artistique ; Les Valeurs esthétiques ; Le Rôle social de l’artiste.
À peine un an avant sa disparition, Jean se livre ainsi à M. Bourguignon : « Je deviens perclus de jour en jour !… Peut-être est-ce le commencement de la fin ? En tout cas, je dois vous dire un cordial adieu à vous tous et présenter mes meilleurs souhaits de prospérité à la Coopérative artistique en vous exprimant à tous mes plus profonds sentiments d’amitié ! » À quelques jours de sa mort, il est informé de la mise en place définitive des grandes esquisses de la Justice dans la nouvelle salle de la cour d’assises. Il décède à Forest le 19 janvier 1953, à un quart d’heure de son anniversaire de naissance.
Miriam DELVILLE
[Cet article est extrait du catalogue de l’exposition Jean Delville (1867-1953) présentée au musée Félicien-Rops, Province de Namur, du 25 janvier au 4 mai 2014 (production du service de la culture de la Province de Namur ; commissariat de l’exposition : Véronique Carpiaux, musée Félicien-Rops, Province de Namur, et Miriam Delville, succession Delville)]
Madame la mécène, Monsieur le mécène,
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Frédéric Jacquemin est né à Ixelles en 1965. Il fait des études musicales à l’Académie Grétry (Liège) de 1975 à 1981. Il découvre le jazz et participe au Séminaire de Jazz du Conservatoire de Liège de 1982 à 1983 et y suit les cours de Bruno Castellucci. Il commence à se mêler aux jam-sessions. De 1983 à 1985, il suit des cours particuliers avec Georges-Elie Octors. Il accompagne divers artistes de variété (dans ce créneau, il fera partie des formations de chanteurs locaux comme Jacques Hustin ou Alec Mansion, mais aussi de vedettes internationales comme Salvatore Adamo).
Il est engagé dans le Big Band du Jazz Club de Wégimont et s’initie au travail en grande formation. En 1985, il s’inscrit au Conservatoire de Bruxelles. En 1986 il parfait sa formation aux côtés du batteur français André Ceccarelli, joue avec le guitariste Robert Grahame. Son travail personnel est orienté vers la fusion mais aussi vers le jazz “classique”. Il devient le batteur régulier du quartette de Robert Jeanne et joue à l’occasion avec Guy Cabay, Jacques Pelzer, Jacques Pirotton, Steve Houben, Stéphane Martini, Gino Lattucca, etc. Frédéric Jacquemin est un batteur éclectique.
Jean-Pol SCHROEDER
Le batteur belge Frédéric Jacquemin est décédé à l’âge de 56 ans
[RTBF.BE, 7 septembre 2021] Batteur belge vivant à Paris, Fred Jacquemin voit le jour un trois juillet à Bruxelles. Il commence à jouer professionnellement, à la fois comme percussionniste à l’Opéra de Wallonie, et comme batteur dans les bals. Assez rapidement, il gagne sa vie, ce qui lui permet d’acheter et d’écouter de nombreux disques qui constitueront les bases de sa culture musicale.
En 1981, il rencontre le saxophoniste Pierre Vaiana, qui le pousse à s’inscrire au séminaire de jazz de Liège, où il restera quelques années, croisant de nombreux musiciens et/ou professeurs : Bill Frisell, Kermit Driscoll, Bruno Castellucci, Michel Hatzigeorgiou, Jean-Louis Rassinfosse…
En 1996, il fait une autre rencontre déterminante, celle du bassiste Thierry Fanfant, qui le présente à Michel Fugain avec qui il part en tournée. Au fil des rencontres professionnelles, il enchaîne les engagements, joue dans des émissions de télé (notamment celles de Nagui), et s’installe finalement à Paris en 1997. Il tourne ensuite avec de nombreux artistes de variété (Bernard Lavilliers, les L5, Pierre Rapsat, Sanseverino…), tout en travaillant avec de grands noms du jazz (Toots Thielemans, Judy Niemack, Lee Konitz, Michel Herr…).
Frédéric était membre du Quatuor Fabrice Alleman, une formation qui a reçu le Prix Nicolas Dor lors du Liège Jazz Festival en 1997 et a sorti le CD “Loop The Loop” sur le label Igloo un an plus tard. Lors du référendum belge sur le jazz organisé par les radios belges RTBF et VRT, cet album a été élu meilleur CD belge de l’année 1998. Un deuxième CD est sorti en 2004, intitulé “Côtés De La Vie“.
Frédéric Jacquemin était considéré comme un batteur talentueux, polyvalent, flexible et créatif. (d’après RTBF.BE)
Né à Mons en 1967, Fabrice Alleman se produit déjà à l’âge de 13 ans dans l’Harmonie de Ghlin où il joue de la clarinette. Il enregistre son 1er disque, un 45 tours El’ Berdelleu en 1984 avec un groupe de Dixieland. Très tôt influencé par le jazz, grâce au tromboniste Jean-Pol Danhier, il obtient son 1er Prix de clarinette et son 1er Prix de musique de chambre à l’âge de 18 ans. Service militaire en tant que musicien, il s’intègre aux Big Bands, musique de chambre ou groupe de blues. Laissant un temps la clarinette pour le saxophone, il démarre sur la scène belge du jazz grâce aux stages des Lundis d’Hortense puis s’inscrit au Conservatoire royal de Bruxelles en jazz et obtient son 1er Prix de saxophone en 1992.
Il enseigne la clarinette et le saxophone dans diverses Académies tout en menant multiples projets: Alleman-Loveri, avec le guitariste Paolo Loveri pour l’album Duo; Fabrice Alleman Quartet où il est entouré de Michel Herr, Jean-Louis Rassinfosse et Frédéric Jacquemin pour l’album Loop the Loop enregistré en studio et en live au Festival International de jazz à Liège est récompensé en ’98 par le prix “Nicolas d’Or” et élu “meilleur album jazz de l’année”. En 1998, Fabrice est consacré “meilleur saxophoniste soprano et ténor” au référendum des radios belges et la SABAM lui décerne le prix de la “Promotion Artistique Belge”.
Faisant preuve d’un éclectisme rare il multiplie les rencontres et les styles et joue notamment du blues dans le Calvin Owens Orchestra de 1992 à 1998, du rock, de la musique ethnique, du jazz moderne avec Stéphane Galland, Fabian Fiorini, Michel Hatzigeorgiou mais aussi de la variété avec Salvatore Adamo (album Adamo Live, 1996) ou encore avec le groupe de William Sheller et ses tournées en France et en Suisse.
De 1993 à 1998, il est membre du groupe Sax no End en tournée des festivals et concerts en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique et qui lui fera rencontrer le contrebassiste Jean Warland qu’il ne quittera plus : de 1999 à 2004 avec le groupe The “A” Train sextet puis avec le Jean Warland-Fabrice Alleman Duo qui se produira en Allemagne et en Belgique jusqu’à aujourd’hui. Une autre rencontre mémorable a lieu avant cela, en 1997 lorsqu’il accompagne le Quintet de Terence Blanchard et l’OPL de Luxembourg. Tournées du Alleman-Loveri Duo au Nicaragua, Suède, Italie en 1997, jusqu’en 2001, année du 2ème album du duo On the funny side of the strings auquel se marie subtilement un quatuor à cordes.
En 1999, carte blanche pour le Festival Cap Sud à Mons, et crée la première version du One Shot Band avec le violoniste Jean-Pierre Catoul, dont l’esprit novateur et la fraîcheur rebondiront lors d’une magnifique série de concerts de 1999 à 2001. En 1999, participation au Jaco Pastorius Project de Michel Hatzigergiou au Festival du Middelheim d’Anvers, et au Gaume jazz festival avec Toots Thielemans, Otello Molina… Suivront de nombreuses tournées en Belgique et à l’étranger. En 2004 le Fabrice Alleman Quartet sort son second album Sides of Life auquel se joignent le trompettiste Bert Joris et le guitariste Peter Hertmans ainsi qu’un quatuor à cordes. L’album est alors classé “Top CD” dans le magazine Jazzmosaiek.
En 2006 le Fabrice Alleman Quartet représente avec le groupe de Philip Catherine, la délégation belge au festival Warsaw Jazz Summers Days en Pologne et, cette même année, le trompettiste Randy Brecker se joindra au Quartet lors du festival international de jazz à Liège, pour donner un concert inoubliable sous les caméras de la RTBF. En 2004, il fera 8 concerts du Sanseverino Jazz Project à la maroquinerie de Paris, dont l’heureuse expérience poussera sans doute 2 ans plus tard Stéphane Sanseverino à rappeler Fabrice Alleman pour qu’il dirige et arrange, pour la scène, la section cuivres de son Sanseverino Big Band, gravé sur l’album Exactement en 2006. Parmi les diverses activités musicales de Fabrice Alleman, on notera également les nombreux enregistrements de musiques de film composées notamment par Michel Herr ou enregistrées avec le WRD Big Band à Cologne comme au festival de Leverkusen avec Nina Freelon, Hiram Bullock, Kenwood Dennard.
Le musicien a débuté sa carrière en 1990. A la suite de quelques workshops décisifs, notamment avec le saxophoniste américain Tim Ries, il intègre la section jazz du Conservatoire de Bruxelles (Steve Houben, Jean-Louis Rassinfosse, Richard Roussselet) et en 1992, il reçoit un premier prix en saxophone. La même année, il rejoint la Manhattan Shool of Music à New York, où il travaille avec Phil Woods, Toshiko Akiyoshi, Steve Salgle… Il joue dans différents groupes et styles (jazz, rock, funk, variétés…) et entre autres avec Adamo, William Sheller, Calvin Owens Blues Orchestra… Cependant ses préférences le portent vers le jazz, et il se produit avec les plus éminents jazzmen belges, Michel Herr, Steve Houben, Richard Rousselet, Bruno Castellucci, Jean Warland… Il enregistre son premier album en duo avec le guitariste Paolo Loveri en 1996 et vient de sortir Spirit One : Clarity.
Ce nouvel album est le premier volet d’un triptyque discographique intitulé Spirit, 3 albums indissociables dont deux restent à paraître. Ce premier album est librement inspiré du monde sonore de Chet Baker, une grande inspiration pour le saxophoniste Fabrice Alleman. Spirit One : Clarity, rassemble neuf compositions, des mélodies d’une sensibilité et d’une profondeur rares. Une musique simple, évidente, immédiate, comme celle de Chet.
Parmi les acolytes du saxophoniste, il y a le solide Jean-Louis Rassinfosse à la contrebasse et l’incroyable guitariste Philip Catherine, eux-mêmes grands complices de Chet Baker ! Le lumineux Nicola Andrioli les rejoint au piano et enfin, pour compléter l’équipe de haut vol, Mimi Verderame et Armando Luongo se partagent la batterie. Cerise sur le gâteau, le Budapest Scoring Orchestra s’invite sur deux morceaux.
Tous les styles ont leurs particularités, leurs bons et mauvais côtés. J’ai toujours éprouvé une préférence marquée pour les orchestres en grande formation de jazz pur, ainsi que pour certains orchestres de jazz symphonique exempts de commercialisme. La belle musique classique retient également mon attention…
Stan Brenders
Avec Fud Candrix et Jean Omer, Stan BRENDERS est sans conteste une des trois figures marquantes du jazz belge d’avant-guerre. Pianiste chevronné, concertiste classique, précurseur notoire, Brenders doit en effet surtout sa réputation à l’orchestre de jazz de l’INR qu’il dirigea pendant de longues années. Une fois cet orchestre dissous, son chef disparaîtra d’ailleurs purement et simplement de la scène jazz.
Né en 1904 à Bruxelles et y décédé en 1969, Constant “Stan” Brenders ne connaîtra jamais d’autres préoccupations que musicales. Adolescent, il entreprend des études au Conservatoire de Bruxelles, d’où il sortira couvert de lauriers (premiers prix de piano, de musique de chambre, d’harmonie, de contrepoint, 2e prix de fugue, etc.). Tout le prédestine à mener une carrière brillante de concertiste classique. Pourtant, dès 1925, après quelques concerts classiques, il “change de camp” et rejoint ces aventuriers suspects qui s’adonnent à la “musique de nègres” importée des Etats-Unis et dont la réputation dans les milieux classiques n’est en général guère flatteuse. C’est avec l’orchestre monté par son futur “rival” Fud Candrix et son frère, que Brenders fait ses premiers pas dans l’univers de la syncope.
Il découvre avec enthousiasme les rares disques de jazz que l’on peut se procurer en Belgique à cette époque : il écoute avec un plaisir tout particulier le pianiste Arthur Schutt, compagnon de voyage des Bix Beiderbecke, Joe Venuti, Red Nichols, etc. C’est aux côtés d’un autre grand pionnier du jazz belge, Chas Remue, qu’on retrouve le futur chef à l’Abbaye, un des lieux saints de la nouvelle musique. Petit à petit, Stan s’applique à conformer son approche du piano aux exigences du jazz (ou, pour être plus précis, à la musique jazzy que pratiquent alors neuf orchestres belges sur dix même s’ils se targuent du nom de “jazz- band”). Il s’introduit dans le jeune “milieu” jazz où dominent alors les figures de Félix-Robert Faecq et des étudiants Peter Paquet (Peter Packay) et Ernest Craps (David Bee), etc.
Lors de la première manifestation jazz quelque peu ambitieuse organisée à Bruxelles à l’Union Coloniale en 1926 – le premier “festival de jazz” belge peut-on dire -, Stan Brenders se produit comme soliste au même programme que le légendaire Bistrouille A.D.O. Mais le début de la grande aventure est pour l’année suivante : le 27 juin 1927, Brenders participe à l’historique session londonienne au cours de laquelle sont enregistrés les disques de New Stompers et de Chas Remue… C’est Faecq qui a conclu l’affaire avec la firme anglaise Edison Bell dont les studios sont ce jour-là envahis par sept musiciens belges… Une quinzaine de titres sont gravés parmi lesquels plusieurs compositions belges qui, souligne Robert Pemet, font bon ménage avec des thèmes signés King Olivier.
Au fil des années qui suivent, le nom de Stan Brenders commence à être connu des initiés et des producteurs et lorsque, en 1932, Franz André recrute un pianiste pour l’orchestre de l’INR, c’est à lui qu’il est fait appel. Dans le contexte de cet orchestre (classique) de 92 musiciens, il aura le privilège d’exécuter, pour la première fois sur le continent, le fameux Concerto en fa de Gershwin. Son goût pour le jazz symphonique ne l’empêche pas de savourer encore et toujours les créations des grands solistes américains. Art Tatum, par exemple, qui exerce sur lui une véritable fascination.
En 1936, quand il est question de constituer, toujours pour l’INR, un nouvel orchestre de jazz modelé sur les formations équivalentes existant déjà depuis des années aux Pays-Bas et en Angleterre, c’est à lui que l’on en confie la direction. Pour former son orchestre, Stan prend les meilleurs : le pianiste John Ouwerx, le batteur Josse Aerts, le saxophoniste Jack Demany, et encore Chas Dolne, Eddie Tower, David Bee, son ancien employeur Chas Remue… L’entrée officielle du jazz à la radio est un événement d’importance. Le jour de la première retransmission (19 janvier 1936), Félix-Robert Faecq écrit ces lignes révélatrices : “(… ) Je suis certain qu’en ce moment Brenders et Remue, en vivant une nouvelle minute historique du jazz belge, songent exactement comme moi à ces moments pathétiques de 1927 (enregistrements à Londres) car ils savent, eux aussi, ce qu’il a fallu d’efforts patients pour arriver à pouvoir réaliser ces deux premiers épisodes de l’histoire du jazz belge et ce que chacune de ces minutes poignantes a contenu et contient d’espoirs…”
L’orchestre devient bientôt une des premières formations du pays et à partir de 1938, les studios d’enregistrement (HMV, Telefunken…) lui ouvrent leurs portes fréquemment. Outre ses prestations régulières sur les ondes nationales, l’orchestre joue pour des radios étrangères (Hilversum, BBC, etc.) et participe à de nombreux galas. Le répertoire se compose de reprises d’airs américains en vogue (I gotrhythm, Margie, Solitude, etc.) sur des arrangements qui sont soit les originaux (que l’on pouvait se procurer sous forme d’imprimés), soit l’œuvre des quelques talentueux arrangeurs belges d’alors : Demany, Packay et consorts. Brenders lui-même est un compositeur prolifique : parmi ses œuvres, on retiendra I envy (que Nat King Cole enregistra avec l’orchestre de Nelson Riddle !), Optimisme, Trucky Trumps, etc.
La période de l’Occupation (1940-1944) est marquée par une intense activité tant sur le plan des émissions de radio que sur celui des enregistrements. L’orchestre est à ce moment renforcé par d’importants solistes comme Janot Moralès ou Albert Brinckhuyzen. Attiré, comme on l’a vu par la formule “jazz symphonique”, Brenders ajoute régulièrement au big band “traditionnel” une section de cordes. En 1942, l’orchestre va vivre une de ses plus glorieuses aventures : en effet, comme Fud Candrix, Stan Brenders est sollicité pour accompagner le grand Django Reinhardt, de passage en Belgique. Quelques disques Rythme, distribués au-delà des frontières, ont consacré cet événement. Comme la plupart des artistes qui se sont produits pendant la guerre (et plus encore peut-être parce qu’il travaillait pour l’INR, devenue sous le contrôle allemand Radio-Bruxelles) Stan Brenders est accusé à la Libération de collaboration avec l’ennemi et son orchestre est dissous.
Il est apparu plus tard que, sous couvert de ses activités, Stan Brenders était en rapport étroit avec la Résistance… Après la guerre, on le rencontrera encore quelques temps, se produisant seul au piano, comme à ses débuts – mais dans un contexte moins glorieux – ou à la tête d’une petite formation davantage apparentée à la musique douce qu’au jazz… Il continue à se tenir au courant des mutations que connaît alors la grande formation jazz aux Etats-Unis (et si le travail de Gillespie le laisse évidemment perplexe, les arrangements de Boyd Raeburn ou de Kenton lui font dresser l’oreille). De Bruxelles à Knokke, il se maintient ainsi dans le courant, vaille que vaille, jusqu’à la fin des années 50 à l’Archiduc (Bruxelles) surtout, qui devient son quartier général et un des derniers “piano-bars traditionnels”.
Mais d’autres noms occupent désormais le devant de la scène. Pendant les années 60, Stan Brenders refera surface, mais de l’autre côté de la “barrière” : pour la BRT, il animera en effet une nostalgique émission axée sur les orchestres d’avant-guerre : De Keuze van Brenders. Lorsqu’il s’éteint le 1er juin 1969, il n’y a cependant plus grand monde qui se souvienne de celui qui fut un des trois grands noms du jazz belge façon big band des années 30 et 40.
Raymond Chevreuille débute sa formation musicale à l’école de musique de Saint-Josse-ten-Noode puis entre au Conservatoire royal de Bruxelles pour l’étude de l’harmonie. Dans cette discipline, il obtient un second prix dans la classe de Gabriel Minet en 1922 et un premier prix dans la classe de François Rasse en 1924. Il quitte très rapidement l’institution pour parfaire son apprentissage en autodidacte.
Engagé à l’Institut National de Radiodiffusion en 1936, il y travaille comme spécialiste de la prise de son et y acquiert une solide compétence dans les domaines de l’orchestration et de l’acoustique musicale. Il donnera aussi quelques cours à l’école de musique de Saint-Josse-ten-Noode. En 1956, il devient directeur des programmes francophones, fonction qu’il occupera jusqu’à la retraite en 1966.
Raymond Chevreuille a composé tant pour le concert que pour le théâtre, l’opéra ou la radio avec le souci constant de sortir des sentiers battus en multipliant les recours à l’atonalité, la polytonalité ou la modalité, sans jamais s’obstiner à suivre une de ces voies exclusivement. C’est à l’expression qu’il accorde une importance primordiale; non pas dans un but spécifiquement descriptif, mais guidé par le besoin de suggérer ou d’évoquer des sentiments. Il en résulte un style encore proche de l’impressionnisme français, mais libéré du poids subjectif et incorporant des mélodies plus anguleuses et des harmonies plus denses.
C’est dans le cadre des Concerts Pro Arte, organisés à Bruxelles par Paul Collaer dans les années vingt, qu’il commence à s’intéresser à la musique contemporaine. Après s’être imprégné de l’œuvre de Richard Strauss et de celle d’Igor Stravinski, comme en ont témoigné quelques tentatives qu’il a préféré détruire, il inscrira ses premiers essais de composition dans la veine de l’expressionnisme viennois. C’est l’influence de Berg principalement qui le guidera et il sera un des premiers compositeurs belges à tenter l’écriture musicale sérielle.
Raymond Chevreuille s’autorise à signer son premier opus, un Quatuor à cordes, en 1928. Comme Schoenberg dans son deuxième quatuor opus 10, il ajoute une voix de soprano aux quatre archets. Son intérêt pour Berg est davantage sensible dans le Quatuor à cordes opus 5 (1934), surnommé par un critique Quatuor des aphorismes tant il rappelle la brièveté de Webern. Sa réputation s’installe assez rapidement et, dès 1934, il sera régulièrement joué au Festival de la Société internationale de Musique contemporaine. Le quatuor sera pour lui une forme privilégiée de recherches et de réflexions entre 1930 et 1945 ; il en composera six (op. 1, 5, 6, 13, 23, 32) ainsi qu’un quatuor de violoncelles (op. 24, 1942).
Au fil des opus, Raymond Chevreuille cherche un style propre en s’appliquant à la technique dodécaphonique et en tentant de se libérer des contraintes de la forme. En effet, si le compositeur s’est dans un premier temps conformé à la tradition d’une forme bien établie et structurée sur la base de l’opposition de thèmes, son goût pour l’expressionnisme de Berg l’a peu à peu mené à des conceptions plus libres au sein de compositions hantées par le monde des rêves, la psychologie, la solitude, les sentiments contradictoires. Raymond Chevreuille évoluera vers un langage chromatique qui s’appuie sur une hiérarchie de polarités, c’est-à-dire en accordant une prédominance à certains sons.
La musique pour orchestre occupe la plus grande place du catalogue de Raymond Chevreuille : trois concertos pour piano (op. 10, 1937; op. 50, 1952 ; op. 88, 1968), trois concertos pour violon (op. 19, 1941 ; op. 56, 1953 ; op. 86, 1965), deux concertos pour violoncelle (op. 16, 1940), un concerto pour trompette (op. 58/4, 1954), neuf symphonies (op. 14, 30, 47, 54, 60, 67, 68, 84, 95), des œuvres d’inspiration thématique dont Barbe Bleue (op. 42, 1949), Breughel, peintre des humbles (op. 82, 1963), Carnaval à Ostende (op. 72, 1959), Cendrillon (op. 33, 1946). Dans Breughel, peintre des humbles, il atteint toute sa mesure dans l’art de l’évocation sonore. Construite en cinq parties (Fanfare à la gloire de Breughel, le Repas de Noces, la Fenaison, les Jeux d’enfants, le Combat de Carnaval et de Carême), l’œuvre explore toutes les ressources de l’orchestre et adopte un style très contrôlé. Son double concerto pour saxophone et piano (à l’origine pour alto et piano, op. 34, 1946) révèle aussi une grande imagination thématique et une ingéniosité rythmique manifestement très sensible à l’influence du jazz.
La sensibilité de Raymond Chevreuille est très variée. Le climat poétique, souvent tendre, éthéré, se manifeste dans ses deux cantates, Evasions (1942) et Les saisons (1943), tandis que l’intensité dramatique ou l’expression grave caractérise surtout ses quatuors. Les œuvres plus proches de l’influence de Berg (la troisième symphonie, le deuxième concerto pour piano) sont d’un pessimisme plus amer. Cette diversité expressive se reflète également dans les choix de textes de Maurice Carême, Aragon, Franc-Nohain, Emile Verhaeren, saint François d’Assise, Joseph Weterings et P. de Clairmont.
Son intérêt pour l’orchestration et très probablement son expérience d’ingénieur du son ont éclairé ses choix très distingués en matière de couleurs instrumentales et d’alliages de timbres. C’est dans ce domaine qu’il a réalisé dans les années cinquante des combinaisons totalement inédites et très réussies. Dans ses deux grandes œuvres radiophoniques D’un diable de briquet op. 45 et L’Élixir du Révérend Père Gaucher op. 48 (d’après Alphonse Daudet, 1951), il a eu recours aux techniques expérimentales de musique électroacoustique. Raymond Chevreuille a également écrit un opéra de chambre, Atta Troll op. 51 (d’après H. Heine, 1952) et plusieurs ballets : Jean et les argayons op. 7 (1934), Cendrillon op. 33 (1946), Le Bal chez la potière op. 59 (1954).
Sa carrière de compositeur fut couronnée de nombreux prix et récompenses dont le Prix de l’Art populaire en 1944, le Prix de l’Académie Picard en 1946, le Prix Italia en 1950 pour D’un diable de briquet et il vit également son deuxième Concerto pour piano imposé au Concours Reine Elisabeth en 1952. Il reçut aussi de prestigieuses commandes, dont celle d’une symphonie par le Fonds Koussevitzky de la Library of Congress et celle d’une cantate sur des chants populaires belges, à la demande du Festival de Pittsburg. Raymond Chevreuille avait été élu membre de l’Académie royale de Belgique le 4 janvier 1973.
HENCEVAL Emile et al., Dictionnaire du jazz à Bruxelles et en Wallonie (Liège, Mardaga, 1991) avec des contributions de e.a. Jean-Pol SCHROEDER : “Réalisé par quelques-uns de nos spécialistes les plus qualifiés, ce Dictionnaire s’ouvre sur un chapitre historique, dû à Robert Pernet et Jean-Paul Schroeder, qui constitue une somme passionnante de recherches et de talent. Quant au Dictionnaire proprement dit, on y trouvera près de 300 notices de musiciens ou d’animateurs (écrivains, journalistes, producteurs), la plupart encore en activité, les autres disparus en laissant une trace marquante.
Les textes ont été établis sur base de questionnaires adressés aux intéressés, travail complété par des recherches historiques. Lorsque cela se justifie, la notice se termine par une discographie sélective. Un sort particulier, sous la forme de récits narratifs plus détaillés, a été naturellement réservé à nos “grands” jazzmen, tels René Thomas, Bobby Jaspar, et parmi les musiciens en activité : Toots Thielemans, Jacques Pelzer, Philip Catherine, Steve Houben, etc.
Le Dictionnaire du Jazz à Bruxelles et en Wallonie, travail de grande envergure, a été mené à terme par le Conseil de la Musique de la Communauté française de Belgique, un organisme dont les initiatives s’inscrivent plus volontiers dans une filiation traditionnelle, plus savante. Illustré par une quarantaine de photos, ce Dictionnaire, le premier du genre dans notre Communauté, représente une contribution concrète à l’un des objectifs que s’est assignés le Conseil de la Musique : œuvrer au rayonnement de la vie musicale à travers toutes les musiques.“
Le Dictionnaire du jazz à Bruxelles et en Wallonie a été publié sous l’égide du Conseil de la musique de la Communauté française de Belgique en 1991, chez Pierre Mardaga Editeur. Quelques contributeurs : Marianne Klaric (éditeur scientifique), Emile Henceval et Marc Danval (directeurs de publication, rédacteurs en chef) et les auteurs : Michel Derudder, Bernard Legros, Robert Pernet, Robert Sacré, Jean-Pol Schroeder.
L’ouvrage est aujourd’hui quasiment introuvable : Jean-Pol Schroeder nous a gracieusement autorisés à publier dans wallonica.org l’ensemble des notices auxquelles il avait contribué. C’est toujours ça de sauvé !
JONGEN, Marie, Alphonse, Nicolas, Joseph, organiste, pianiste, compositeur, chef d’orchestre et pédagogue, né à Liège le 14 décembre 1873 et décédé à Sart-lez-Spa (Jalhay) le 12 juillet 1953.
Deuxième des onze enfants nés du mariage d’Alphonse Jongen et de Marie Marguerite Beterman, le petit Joseph fait preuve, dès son plus jeune âge, d’un don très vif pour la musique. Après avoir reçu ses premières leçons de musique de son père, il est inscrit au Conservatoire royal de sa ville natale le 10 octobre 1881, par dérogation spéciale (il n’avait pas encore atteint l’âge de huit ans !), en même temps que son frère aîné Alphonse ; il y fera des études exceptionnellement brillantes, sanctionnées par un premier prix de fugue par acclamation en 1891 et, pour la formation instrumentale, par une médaille de vermeil (diplôme supérieur) pour le piano (1892) et pour l’orgue (1896).
Jongen a commencé à composer de la musique dès l’âge de treize ans, vivement encouragé par son père, et il ne s’arrêtera que deux ans avant sa mort… Notons également que son père a noté tous les titres de ses premières compositions dans un petit carnet, avec les dates et les éditeurs éventuels ; par la suite, Joseph Jongen prendra la relève et notera tout lui-même, ce qui nous permet, aujourd’hui, de disposer d’une source d’information sûre sur ses œuvres, ce qui est sans aucun doute un cas unique dans l’histoire de la musique. En été 1893, alors qu’il n’a pas encore vingt ans accomplis, il commence à écrire un quatuor à cordes, qu’il terminera (une première tentative l’année précédente n’avait pas abouti) et présentera l’année suivante au concours annuel de la classe des Beaux-Arts de l’Académie royale de Belgique et qui remportera le prix : ce coup d’essai fut, en réalité un coup de maître, et les membres du jury ne se sont pas trompés en couronnant l’œuvre d’un très jeune compositeur qui faisait déjà preuve d’une maîtrise étonnante. En octobre de la même année, il commence précocement et modestement sa carrière d’enseignant en devenant répétiteur (c’est-à-dire assistant) de la classe d’harmonie au Conservatoire royal de Liège et il restera en fonction jusqu’au 19 février 1898, date à laquelle il sera nommé professeur adjoint de la même classe.
Encouragé par ces succès, il se prépare au Grand Concours national de composition (appelé familièrement “Prix de Rome belge”), sous la férule de Jean-Théodore Radoux, directeur du Conservatoire royal de Liège. Il se présente au concours de 1895 et remporte le Second Prix, avec sa cantate dramatique Callirhoé ; deux ans plus tard, il se représente et remporte cette fois le Premier Grand Prix, avec sa cantate dramatique Comala : c’est la consécration pour un jeune compositeur de vingt-quatre ans, qui a déjà écrit une soixantaine d’œuvres, surtout vocales, mais aussi quelques pièces d’orgue qui ont déjà fait l’objet d’une publication par la Veuve Muraille, à Liège. La récompense de sa victoire est l’attribution d’une bourse de voyage de quatre annuités de 4.000 francs-or chacune pour lui permettre de séjourner à l’étranger en vue de parfaire sa formation et sa culture, en Allemagne, en France et en Italie.
En octobre 1898, Jongen quitte donc Liège pour Berlin, qu’il considère alors comme le principal centre musical en Europe. Il y rencontrera le violoniste Eugène Ysaÿe, qui lui commandera un concerto pour violon, que ce dernier ne jouera jamais… Il y rencontrera également les chefs d’orchestre Nikisch et Weingartner, de même que les compositeurs Gustav Mahler et Richard Strauss. Il découvre alors le concerto pour violon de Brahms, joué par Joachim, alors l’un des plus célèbres violonistes européens. Il assistera à la première des poèmes symphoniques Ein Heldenleben et Don Juan, sous la direction du compositeur Richard Strauss. Il compose une symphonie qu’il jugera lui-même “affreusement longue” (sous l’influence de Mahler ?) et séjournera quelques semaines à Bayreuth, pour faire le traditionnel “pèlerinage” wagnérien. De là, il passera ensuite à Munich, où il restera pendant quatre mois et où il composera son concerto pour violon à l’intention de son ami Émile Chaumont. Fin février 1899, il retourne à Berlin, où le violoncelliste liégeois Jean Gérardy, soliste favori de Nikisch, lui commande un concerto pour violoncelle.
Après quelques semaines, il rentre à Liège. La prochaine étape sera Paris, incontournable en cette année de l’Exposition universelle 1900. Il y fréquentera Vincent d’Indy et le milieu de la Schola Cantorum, mais aussi l’organiste Louis Vierne et le compositeur et organiste Gabriel Fauré. L’année suivante, il part pour Rome, où il se liera d’amitié avec Florent Schmitt, alors pensionnaire à la Villa Médicis. Il y écrira l’un de ses chefs-d’œuvres : le Quatuor avec Piano, opus 23, alors qu’il n’avait même pas de piano à sa disposition… En rentrant en Belgique, il fit un crochet par Paris et fit entendre sa nouvelle œuvre à Vincent d’Indy qui, très enthousiaste, l’invita à la présenter à la Société nationale de musique l’hiver suivant. C’est l’une de ses œuvres les plus jouées : pendant les années d’exil (1914-1919) en Angleterre, elle a été jouée plus de cent fois, toujours avec le plus grand succès. Une autre de ses œuvres les plus jouées et les plus populaires a été écrite la même année, en dix jours, pour se reposer de l’écriture de son quatuor avec piano : il s’agit de la Fantaisie sur deux noëls wallons, pour orchestre.
Rentré au pays, il reprend ses activités d’enseignant : son cours d’harmonie au Conservatoire royal de Liège, où il sera titularisé à la date du 30 mai 1911, mais aussi, à partir de 1905, des cours d’orgue, d’harmonie, de contrepoint et de fugue à la Scola Musicae de Schaerbeek, une école fondée par le Liégeois Théo Carlier, laquelle ambitionnait d’être au Conservatoire royal de Bruxelles ce que la Schola Cantorum était au Conservatoire national de Paris, mais qui n’eut qu’une existence éphémère. Quelques années plus tard, il enseignera les mêmes matières à l’Académie de musique d’Ixelles, fondée et dirigée par Théo Ysaÿe, le frère du célèbre violoniste. Au début de l’année 1907, il termine une œuvre originale : un trio pour violon, alto et piano, intitulé Prélude, Variations et Final, un titre qui rappelle une œuvre pour piano de César Franck. C’est l’une de ses œuvres les plus accomplies. à beaucoup d’égards. En 1908, il publie son Quatuor avec Piano, opus 23, à Paris, chez Durand et Fils, l’éditeur de Debussy, de Ravel et plus tard de Fauré. Désormais, sa musique sera beaucoup mieux diffusée et davantage jouée en France.
L’année 1909 est une année faste pour Jongen : il épouse, le 26 janvier, à l’hôtel communal de Saint-Gilles (Bruxelles), Valentine Ziane, une pianiste qu’il avait rencontrée chez Octave Maus, l’avocat et animateur de la vie musicale bruxelloise, fondateur du Cercle des XX et de La Libre Esthétique. Jongen lui avait déclaré sa flamme en musique avec une mélodie, Quand ton sourire me surprit et avait composé, pour célébrer leurs fiançailles, Soleil à Midi, une superbe pièce pour piano. Le jeune couple s’installa au n°3 de la place Loix, à Saint-Gilles (Bruxelles). De ce mariage naîtront trois enfants : Christiane, Josette et Jacques. Mais les parents de sa jeune épouse possédaient un jolie maison de campagne à Cockaifagne, un hameau de Sart-lez-Spa (aujourd’hui dans l’entité de Jalhay). Jongen y passera tous les étés (sauf pendant les années d’exil en Angleterre) et c’est dans un petit pavillon annexe qu’il composera désormais, pendant les congés scolaires, dans un environnement sain et particulièrement reposant.
Au début de l’année 1913, on crée, à La Libre Esthétique, deux de ses œuvres : la Sonate pour violoncelle et piano, dédiée à Pablo Casals, et les Deux Rondes wallonnes, pour piano. Quelques mois plus tard, il termine Impressions d’Ardenne, pour orchestre. En juillet, son concerto de violon est créé par Charles Herman à Scheveningen, avec un succès triomphal. En cette fin d’année, Jongen a maintenant 40 ans : il entre dans sa période de maturité et commence, sans s’en douter, la seconde moitié de son existence.
Mais le 4 août de l’année suivante, les armées allemandes envahissent la Belgique, dont l’Allemagne avait pourtant été, avec l’Angleterre, l’un des garants les plus sûrs de sa neutralité… Après quelques jours de flottement, et surtout après les massacres de civils, notamment à Dinant, les Jongen décident de quitter Bruxelles pour Westende, où les Ziane avaient une villa de vacances, puis, devant l’avancée des troupes ennemies, il partent pour Dunkerque, afin de gagner l’Angleterre. Une des sœurs de son épouse y était installée avec son mari à West Didsbury, près de Manchester. Plus tard, ils s’installeront à Londres, dans la commune de Saint Marylebone. Ils passeront presque tous les étés à Bornemouth, dans un petit cottage qui remplira le même rôle que celui de Cockaifagne, en offrant au compositeur la quiétude nécessaire à son travail de création. À Londres, Jongen rencontrera plusieurs musiciens belges émigrés comme lui en Angleterre. Devant la nécessité de gagner sa vie, il donne un grand nombre de récitals d’orgue et fonde, très rapidement, un groupe de musique de chambre dans lequel il joue la partie de piano : d’abord le Belgian Trio, avec le violoniste Désiré Defauw et le violoncelliste Léon Reuland, ensuite le Belgian Quartet, avec Désiré Defauw, le célèbre altiste anglais Lionel Tertis et le violoncelliste Émile Doehaerd. Ensemble, ils joueront plus de cent fois son Quatuor avec Piano, opus 23, avec un succès qui ne se démentira jamais. À propos de cette œuvre, il écrira : “J’ai connu là les plus vibrants succès de ma carrière. Après la première exécution de mon Quatuor avec Piano, c’était du délire : quatre, cinq, six rappels !!! “
En été 1915, il se remet à la composition et écrit une Suite pour alto et orchestre, à l’intention de son partenaire, l’altiste Lionel Tertis, qui ne la jouera pas ; c’est Maurice Vieux, le professeur d’alto du Conservatoire national supérieur de Paris qui la fera connaître au public après la Grande Guerre. En 1917, Jongen rencontre l’éditeur suisse Kling, qui venait de racheter la maison d’édition Chester ; ce dernier est très impressionné par ses œuvres récentes et lui propose de les éditer : après Paris, c’est Londres et tout le monde musical anglo-saxon qui s’ouvre maintenant à lui.
L’année suivante, il écrit deux superbes sérénades pour quatuor à cordes ; en octobre, il a la surprise et la grande joie de revoir son frère Léon, qui vient passer une semaine avec lui. Léon, qui vivait alors à Paris, se fera l’ambassadeur de son frère auprès des chefs d’orchestre parisiens, avec beaucoup d’efficacité et de succès, ce qui explique que beaucoup de ses œuvres orchestrales y furent jouées dans les meilleures conditions. Au même moment, Jongen écrit une autre de ses œuvres majeures : la Suite pour Piano en forme de Sonate, qui sera publiée par Chester deux ans plus tard. C’est une œuvre en quatre parties, dont chacune peut être jouée séparément. La deuxième partie, La neige sur la Fagne, est un rappel douloureux du bonheur perdu de Cockaifagne ; elle a ceci de particulier qu’elle est écrite sur trois portées au lieu de deux, comme c’est le cas de quelques œuvres pour piano de Debussy et de Ravel, deux compositeurs que Jongen appréciait de plus en plus.
Rentré en Belgique fin janvier 1919, Jongen ne peut pas réintégrer tout de suite la maison de la place Loix, qui avait été réquisitionnée par l’occupant et attribuée à d’autres locataires. Il passe quelques semaines dans la maison familiale du Mont-Saint-Martin à Liège, puis rue du Portugal à Saint-Gilles (Bruxelles), chez sa sœur Anna. Il apprend que son vieil ami le violoniste Émile Chaumonta pu sauver quelques meubles et surtout l’ensemble de ses manuscrits, qu’il n’avait pas pu emporter lors de sa fuite. Pour le remercier de cet acte de dévouement et de courage, il écrit à son intention un Poème héroïque pour Violon et Orchestre, opus 62. Chaumont avait également pris contact avec Léon Frings, le fondateur des Éditions Musicales de l’Art Belge, dès 1915 et lui avait suggéré de publier des œuvres de Jongen.
Le 11 août 1919, ce dernier signait ses premiers contrats de cession pour huit mélodies avec piano, ainsi que pour le Poème pour Violoncelle et Orchestre, dans sa version pour violoncelle et piano. Frings allait devenir son éditeur le plus important en Belgique ; comme il avait établi un excellent réseau de correspondants en Europe et au Canada, les œuvres de Jongen allaient connaître dorénavant une diffusion encore plus large.
Le 27 août 1920, Jongen était nommé professeur de fugue au Conservatoire royal de Bruxelles. Désormais, toutes ses activités pédagogiques auront lieu à Bruxelles et ses visites à Liège seront beaucoup moins fréquentes. Il enseignera la fugue pendant treize années scolaires, durant lesquelles trente-deux premiers prix furent attribués à ses élèves, dont deux avec grande distinction (l’un d’eux au violoniste Carlo Van Neste), et douze avec distinction, notamment aux compositeurs Léon Stekke et Sylvain Vouillemin, aux pianistes Rosane Van Neste (sœur du violoniste) et Suzanne Hennebert. En 1921, il était invité, pour la première fois, à faire partie du jury du Grand Concours de composition (Prix de Rome belge).
En ce qui concerne ses activités d’interprète, Jongen continue à jouer de l’orgue, notamment lors de l’inauguration de nouveaux instruments (ce sera le cas en 1930 pour l’orgue du Palais des Beaux-Arts et pour l’orgue de l’Exposition universelle de Liège, en 1940 pour l’orgue de l’I.N.R.-N.I.R.), mais en 1920, il est invité à diriger les concerts des Concerts Spirituels, une association de choristes et de musiciens amateurs fondée l’année précédente par un musicien médiocre et placée sous le patronage du cardinal Mercier. Très rapidement, il s’imposera comme chef d’orchestre et programmera des œuvres nouvelles, dont certaines seront exécutées pour la première fois en Belgique, sous sa direction : le Psaume XLVII de Florent Schmitt, le Cantique des créatures d’Inghelbrecht, Le Roi David d’Arthur Honegger, le San Francesco d’Assisi de Gian Francesco Malipiero ainsi que Le cantique des cantiques d’Enrico Bossi. Il cessera cette activité lorsqu’il sera nommé directeur du Conservatoire royal de Bruxelles en 1925, mais gardera un excellent souvenir du travail réalisé : “bien qu’avec un chœur d’amateurs et un orchestre à cette époque très médiocre, nous avons fait de la bonne besogne (…) et je puis affirmer que jamais nous n’avons eu d’exécution médiocre tant nous avons eu d’enthousiasme autour de nous.”
Les années vingt sont pour Jongen compositeur des années fastes et les chefs-d’œuvre se succèdent : le Troisième Quatuor, terminé en 1921, est créé le jeudi 15 février 1923 par le Quatuor Pro Arte dans la grande salle du Conservatoire royal de Bruxelles, de même que les Treize Préludes pour Piano, écrits en 1922, joués pour la première fois en public le même soir le dédicataire Émile Bosquet, et enfin, toujours le même soir, la Rhapsodie pour Piano et Instruments à vent, une œuvre d’un modernisme étonnant, dont certains passages font penser à Ravel et même à Stravinsky. L’année 1923 voit naître l’une de ses œuvres les plus réussies et les plus populaires, le Concert à cinq, pour harpe, flûte, violon, alto et violoncelle, opus 71, écrit pour le harpiste Marcel Grandjany, qui lui écrira : “Je tiens à vous dire (…) combien je suis heureux de jouer votre Concert à cinq en première audition à notre concert. Je suis absolument dans la joie d’avoir une œuvre de cette valeur au répertoire de mon instrument – la partie de harpe « sonne » merveilleusement bien”.
Jongen devait noter, dans ses Quelques réflexions au sujet de mes œuvres : “peut-être la plus jouée de toutes mes œuvres. Près de 800 fois par le seul groupe Le Roy”. Dans la notice consacrée à son frère Joseph, Léon Jongen complète en affirmant que l’œuvre a été jouée en outre 400 fois rien qu’aux États Unis… Cette même année, deux articles lui sont consacrés, l’un par Charles Van den Borren, dans Arts et Lettres d’aujourd’hui (n° 6, du 16 février 1923) et par Auguste Getteman dans la très influente Revue Musicale de Paris (1er juillet 1923). Dans les deux cas, la notice biographique est complétée par le catalogue des œuvres. L’année suivante, Jongen allait écrire une Sonate pour flûte et piano, pour le flûtiste français René Le Roy, qui avait donné avec Grandjany et d’autres la première audition publique de son Concert à cinq.
En août 1927, Jongen termina, à Cockaifagne, son dernier chef-d’œuvre : sa Symphonie concertante pour orchestre et orgue principal, opus 81, dédiée à son frère Léon et jouée pour la première fois en public le 11 février 1928 par lui-même à l’orgue, sous la direction de Désiré Defauw. Le vieil Eugène Ysaÿe, qui assistait à la première, lui écrivit trois jours plus tard pour lui dire son admiration et son enthousiasme : “Laissez-moi vous dire combien mon vieux cœur de musicien et de Wallon fut réjoui, ému, conquis par votre nouvelle symphonie (…) c’est un chef-d’œuvre, un monument qui fait honneur au pays tout entier et à la Wallonie en particulier (…) C’est attachant, varié, très personnel, riche en couleurs, plein d’harmonies curieuses (…) c’est nouveau mais en restant distingué, sans heurts violents (j’ai perçu un petit coin bitonal qui m’a fort diverti). La forme est claire, le plan bien dessiné et c’est tout le temps de la musique, de la bonne et saine musique qui parle, exprime, chante, intéresse constamment, suscite l’enthousiasme (…). Merci du tréfonds de mon cœur pour les fortes émotions que j’ai éprouvées (…)”.
Aujourd’hui encore, cette œuvre est jouée environ 300 fois par an rien qu’aux États-Unis, où elle jouit d’une incroyable popularité. En 1930, il écrivit sa meilleure œuvre pour orgue solo, sa Sonata Eroïca, pour l’inauguration des orgues monumentales de la grande salle (aujourd’hui Salle Henry Le Boeuf) du Palais des Beaux-Arts.
En 1934, à l’occasion de son soixantième anniversaire, mais aussi de la composition de son opus 100, Jongen fut fêté au Conservatoire par un concert de ses œuvres de musique de chambre et le lendemain par un concert de ses œuvres symphonique au Palais des Beaux-Arts, sous la direction du chef d’orchestre Erich Kleiber. Il reçut à cette occasion son portrait peint par l’artiste français Paul Charavel, médaille d’or au Salon des artistes français en 1927.
Parmi ses dernières œuvres, on notera trois morceaux de concours pour alto et piano, écrits à la demande de Maurice Vieux pour le concours public du Conservatoire national supérieur de Paris : Allegro appassionato, opus 79 (1925) ; Introduction et Danse, opus 102 (1935), et le Concertino, opus 111 (1940). On se souviendra que Jongen éprouvait pour Vieux un vif sentiment d’admiration et de reconnaissance, puisque c’était lui qui avait révélé au public sa Suite pour alto et orchestre, opus 48, après la défection de Lionel Tertis.
Le 10 mai 1940, les armées allemandes envahissaient, pour la seconde fois, la Belgique. Fuyant les bombes, les Jongen prirent, comme tant d’autres Belges, la route de l’exil et arrivèrent, après un voyage chaotique de dix-sept jours, à Mazères, dans l’Ariège, où ils trouvèrent un logement. C’est là que Jongen eut l’idée, pour tromper l’ennui et à la suggestion d’une amie fidèle, de commencer à écrire ses Souvenirs d’Enfance et de Jeunesse.
Après son retour à Bruxelles, Jongen s’efforça de reprendre la plume et de composer. Il écrivit alors quelques œuvres (chœurs et pièces pour piano, à destination de ses petits-enfants) qui connurent un grand succès. Il écrivit également quelques morceaux inédits pour différents instruments, pour les concours publics du Conservatoire royal de Bruxelles, à la demande de son frère Léon, qui lui avait succédé à la tête de l’institution. En 1943, il rencontra le pianiste Eduardo del Pueyo, qui lui demanda de lui écrire un concerto pour piano ; après des débuts très difficiles (Jongen était à l’époque très déprimé), il réussit à le terminer et il fut créé au Palais des Beaux-Arts le 6 janvier 1944, avec un succès triomphal. Il fut souvent joué par la suite par le dédicataire puis par d’autres pianistes. Quelques mois plus tard, ce fut au tour de la harpiste Mireille Flour de lui demander un concerto pour son instrument.
Depuis l’arrestation de son fils Jacques et de sa belle-fille France, tous deux actifs dans la Résistance et déportés vers Buchenwald, Jongen était dans un état de désespoir et de prostration inquiétant ; par bonheur, il reçut quelques mois plus tard des nouvelles de son fils, qui avait été libéré par les Américains et se trouvait à Weimar en bonne santé.
Sa joie fut indescriptible et lui donna des ailes pour achever le concerto commencé et abandonné, qu’il termina en quelques semaines. Après la Libération, la Société Libre d’Émulation de Liège lui rendit un hommage solennel à l’occasion de son septantième anniversaire (1943), qui n’avait pu être célébré pendant la guerre. Jongen écrivit encore un Trio à cordes pour le célèbre Trio Pasquier de Paris puis, pour célébrer le vingt-cinquième anniversaire de la création de la Société philharmonique de Bruxelles, une œuvre pour grand orchestre, Trois Mouvements symphoniques, opus 137, qui connut un incroyable succès lors de la première.
Après un été 1952 particulièrement heureux passé à Cockaifagne, Madame Jongen tomba malade et son état empira assez rapidement, ce qui perturba grandement la vie familiale. À son tour, Jongen commença souffrir d’une maladie intestinale (probablement un cancer) et il décéda à Sart-lez-Spa le 12 juillet 1953, quelques mois avant son quatre-vingtième anniversaire. Avec lui disparaissait l’un des compositeurs les plus doués de sa génération. En réalité, parti de l’héritage allemand et français, Jongen a trouvé très rapidement un langage musical personnel qu’il n’a pas cessé de développer en toute liberté, à l’écart des grands courants novateurs et des coteries, et c’est précisément cette liberté et cette indépendance que nous apprécions aujourd’hui dans son œuvre, qui compte plus de 140 numéros, où l’on trouve presque tous les genres (sauf l’opéra), avec une prédilection pour l’orgue, le piano et la musique de chambre. […]
Michel HERR est né à Bruxelles, en 1949. Directeur musical de l‘Act Big Band depuis sa formation, arrangeur et compositeur prolixe, sideman dont le curriculum ferait pâlir plus d’une pseudo-star du clavier, Michel Herr est aussi et peut-être surtout un soliste bouillonnant et imaginatif, un des artisans de la relève singulière qu‘a connu le jazz à la fin des années 70 et un des grands pianistes européens des années 80.
Rien ne destine au départ Michel Herr à la carrière de musicien de jazz. Pourtant, la musique n‘est pas absente de la maison où il grandit ; on y trouve même un piano qui, très tôt, attire les regards et les doigts de l’enfant. Ses parents lui font alors suivre des leçons de piano, des cours particuliers donnés par un professeur avec lequel Michel ne se trouve, hélas, guère d‘atomes crochus. L‘aventure tourne court. Michel Herr continue à pratiquer le piano, d‘oreille surtout. Le premier tournant se situe au tout début des années 60. Il a alors douze ans et il découvre la musique classique qui lui inspire bientôt une véritable passion. Mais, vers les quinze ans, après avoir entendu un disque du trompettiste New Orleans Teddy Buckner, il va se passionner pour le jazz. Il découvre un univers musical aux dimensions insoupçonnées.
Très vite, Michel Herr passe du Traditionnelau Moderne, subissant, comme tout amateur de jazz débutant, le choc Parker, le choc Monk, le choc Coltrane. Bien entendu, il tente de reproduire sur son instrument cette musique qui le fascine, mais il se heurte à de sérieux problèmes en face desquels il se sent désarmé. Il voudrait prendre des cours de jazz. Mais de tels cours n’existent pas en Belgique à cette époque et c‘est donc en parfait autodidacte qu‘il continue sa formation, écoutant un maximum de disques, transcrivant note après note les chorus qui l‘intéressent, prenant ainsi la voie suivie avant lui par les jazzmen des générations précédentes qui n‘avaient pas eux non plus de formation musicale académique. Il sait qu‘il aurait bon nombre de choses à apprendre d‘un Léo Flechet, d‘un Jean Fanis ou d’un Tony Bauwens ; mais sa sensibilité musicale l’entraîne plutôt vers la musique de Bill Evans et surtout vers celle des Chick Corea, Herbie Hancock, etc.
Entretemps, Michel Herr – qui ne pense pas encore au professionnalisme – est entré à l’Université, où il va disposer de beaucoup plus de temps libre qu’à l’époque des horaires fixes du secondaire. Il le met à profit pour parfaire sa formation en jazz et fait ses premiers pas, non comme musicien, mais comme critique ! Il devient titulaire de la chronique musicale de la revue Amis du Film et de la Télévision. En ces sombres années, les médias ont tourné radicalement le dos au jazz et, ironie du sort, Amis du Film– que rien ne destinait au départ à ce statut – devient un des périodiques les mieux documentés en matière de jazz ! Un coup d’œil sur les chroniques de Michel Herr permet de mieux cerner les orientations que prend sa passion pour le jazz, de mesurer l’ouverture d‘esprit qui était la sienne – ouverture d‘esprit qui est en fait dans l’air du temps : la musique dite “pop”atteint alors son degré maximal de sophistication et parmi les musiciens de jazz il en est plus d’un qui, déçus par le free-jazz, envisagent de s’orienter vers une musique de “fusion” dont Miles Davis est en train de fixer les règles.
Au menu des articles du critique Michel Herr, on trouve aussi bien les disques de Frank Zappa que ceux de Mingus, et les noms de Chris Mc Gregor, Keith Jarrett ou Phil Woods voisinent sans heurts avec ceux de Traffic, Emerson Lake and Palmer ou Jeff Beck, le tout dessinant un mouvement centripète au cœur duquel cohabitent – fusionnent – jazz, rock et blues, jazz-rock et rock-jazz, Mahavishnu et Blood Sweat and Tears, Weather Report et Chicago, Larry Coryell et Nucleus, Jean-Luc Ponty et Matching Mole ! Ouvert à ce nouveau courant, Michel Herr n’en reste pas moins attaché à une tradition plus strictement jazz, plus acoustique aussi.
Entre les études et la musique, entre l’Université et les clubs de jazz, son choix est désormais fixé. Envisageant dès lors la musique avec un tout autre regard, il se met en quête à travers l’Europe de ces “jazz clinics”, ces stages d’été qui manquent en Belgique et qui pourraient lui donner le petit coup de pouce nécessaire. En Suisse (où il travaille notamment avec Fritz Pauer), en Allemagne et partout où le pousse le vent jazz, il parfait ainsi son écolage et fait du même coup la connaissance de nombreux musiciens européens de sa génération qui cherchent dans la même direction que lui. En 1971, il participe au Festival de jazz de Loosdrecht (Pays-Bas) et en revient porteur de la palme du meilleur soliste ! Dès lors, les dés sont jetés : adieu l’Université.
En 1972, Michel Herr passe le cap du professionnalisme à une époque où tout le monde s’accorde à trouver cette orientation suicidaire ! Pour compenser la rareté des contrats disponibles en Belgique, il décide dès le départ de jouer sur plusieurs tableaux à la fois, quitte à s’astreindre à la règle des jazzmen des générations antérieures : la Route ! En Allemagne, il se retrouve au sein d’un groupe composé de jeunes musiciens rencontrés lors des clinics : parmi eux, un saxophoniste qui deviendra un de ses compagnons de route les plus réguliers, Wolfgang Engstfeld. Le groupe s’appelle Jazz Tracks et tourne de manière assez régulière en Allemagne et en Hollande. C’est avec Jazz Tracks que Michel Herr gravera son premier disque important.
Dans le même temps, en Belgique, où il s’est entretemps introduit dans le milieu des jazzmen, il forme un groupe pour lequel il compose une bonne partie du répertoire : Solis Lacus. A ses côtés un presque vétéran, le saxophoniste liégeois Robert Jeanne, un musicien qui s’est révélé au sein du groupe de Marc Moulin, Placebo, le trompettiste montois Richard Rousselet, et encore les bassistes Freddy Deronde puis Nicolas Kletchkowsky et les batteurs Félix Simtaine puis Bruno Castellucci. La musique de Solis Lacus, quoiqu’assez nettement teintée de binaire et utilisant largement l’éventail offert aux musiciens par l’électricité (piano Fender, basse électrique, etc.) n’est pas limitée aux poncifs habituels du genre (Solis Lacus aura une longévité exceptionnelle pour l’époque : trois ans environ). Davantage que le disque sorti en 1975, ce sont les échos de concerts conservés sur bande qui permettent de se faire une idée de ce qu’était la musique de ce groupe et du degré d’énergie et d’inventivité qui animait ses musiciens. Michel Herr au piano acoustique ou au Fender y démontre déjà des qualités mélodiques et harmoniques incontestables et un solide sens du phrasé jazz. Quant aux compositions, elles affectionnent les changements de rythmes, les climats incertains d’où s’échappent soudain de torrides chorus, les arrangements précis et incisifs. Solis Lacus est un des quelques groupes-clés qui marquent les premiers jalons de la relève.
Entretemps, Michel Herr continue à entretenir des contacts avec les musiciens européens de sa génération : en 1975, il passe quelques mois au sein du Chris Hinze Combination. Le flûtiste hollandais Chris Hinze est à l’époque au sommet de sa popularité et l’expérience (“ma première expérience vraiment pro” dira Michel Herr) se révèle fructueuse . Mais il sait qu’il lui reste beaucoup à apprendre : en 1976, il décide de faire lui aussi le voyage vers la mythique école de Berklee (Boston). Seuls Philip Catherine, Charles Loos et Pierre Vandormael y ont jusqu’alors représenté la Belgique. Il y restera peu de temps : “Je ne suis pas un produit de Berklee contrairement au bruit qui a déjà couru : j‘ai à peine passé quelques semaines à Berklee, à un moment où j’étais déjà professionnel… Je ne suis donc pas, loin de là, fabriqué par Berklee. Je me suis fabriqué par mon travail personnel et dans la meilleure école qui soit, celle de la scène, avec des musiciens de haute tenue… “
Cette précision est révélatrice de l’état d‘esprit avec lequel Michel Herr aborde la musique et le métier de musicien. Des musiciens de haute tenue, il va en effet en côtoyer plus d’un. En 1976, il participe au groupe Solsticede Steve Houben. En 1977, on peut l’entendre dans son propre trio, trio acoustique au sein duquel son piano, la contrebasse de Freddy Deronde et la batterie de Félix Simtaine produisent les musiques les plus authentiques et les plus nouvelles du moment sur notre territoire. Le disque Ouverture Eclair(1977) est une excellente illustration de ce travail décisif pour la carrière de Michel Herr : évoquant à certains moments dans les compositions le trio (acoustique) de Chick Corea. Construit uniquement sur base de compositions signées Michel Herr (certaines sont d’ailleurs encore à son répertoire aujourd‘hui), ce disque est sa première grande réalisation. Il marque aussi le premier jalon important du renouveau du disque de jazz en Belgique. Cette Ouverture éclairouvre toutes grandes les portes du jazz à un nouveau maître du clavier.
A partir de ce moment, Herr se voit proposer avec régularité des engagements comme sideman. Tous les solistes belges auront recours à ses services à une occasion au moins. Et les visiteurs de prestige notent désormais son nom dans leur agenda. Il participe régulièrement aux concerts de Mauve Traffic, le nouveau groupe de Steve Houben et il enregistre avec eux l’album Oh Boyqui ne rend malheureusement pas vraiment compte du punch réel de l’orchestre. Il s’agit ici de jazz électrique. Depuis le départ, Michel Herr mène sa carrière sur deux fronts différents. Ainsi, parallèlement au trio d‘Ouverture Eclair et à certaines expériences en sideman auprès de géants de la bop, il participe à des orchestres électriques comme Mauve Traffic ou comme High Energy dont il est co-leader avec le guitariste John Thomas. Ce groupe est en réalité pour lui l’occasion de mettre en valeur plusieurs facettes de son talent : les compositions jouées par le groupe donnent aussi libre cours à des improvisations musclées balisées par le travail pianistique de Mc Coy Tyner… Interrogé sur ses influences jazziques, Michel Herr cite en général les pianistes de Miles (Hancock, Corea, etc., et les groupes constitués par ces derniers) et le quartette de Coltrane avec Mc Coy Tyner.
En 1978 se situe la création d’un quartette dont Michel Herr sera co-leader avec le saxophoniste allemand Wolfgang Engstfeld, et qui va définitivement assurer sa réputation à travers l‘Europe jazz. Le Michel Herr-Wolfgang Engstfeld Quartet s’avérera par ailleurs une des formations européennes les plus stables, les plus solides et les plus originales qui soient : formé en 1978, le quartette existe toujours dix ans plus tard et a à son actif une nuée de concerts, de participations à des festivals importants, ainsi que trois albums qui peuvent à divers égards être considérés comme des pièces majeures de la discographie jazz européenne. Pour Perspective(1978), enregistré sous le label belge B. Sharp, les deux leaders sont entourés du bassiste allemand Wim Essed et du batteur belge Bruno Castellucci. Sur Continuous Flow (1980), paru sous le label allemand Mood, les sidemenne sont autres que le bassiste suédois Palle Danielsson et le batteur américain Leroy Lowe dont la subtilité s’accordera tellement bien à la sensibilité musicale de Michel Herr qu’en 1989, ce sera encore lui qu’il choisira pour reformer un trio. Enfin, Short Stories (Nabel 82) est enregistré par Engstfeld, Michel Herr, Leroy Lowe et deux bassistes jouant chacun sur la moitié de l’album, Deltev Beier et Isla Eckinger. La musique du quartette oscille entre la tradition post-bop (influences coltraniennes, etc.) et une approche plus “européenne”(romantisme éthéré, climat “planant”). Cette oscillation est la principale richesse de ce groupe-phare, à l‘écoute duquel plusieurs types de publics se reconnaissent. Et contrairement à certaines des productions “européennes“, les réalisations d’Engstfeld et Herr prouvent que leurs concepteurs savent ce que swinguer veut dire !
Ce quartette n’occupe pas Michel à plein temps : très demandé comme sideman et comme arrangeur, il va vivre en quelques années un nombre impressionnant d’aventures musicales. Tandis qu’à l’occasion il écrit pour des orchestres de renom comme le BRT Jazz-Orkest, les formations de l’Eurojazz, le MOR de Hamburg, etc., il se retrouve au centre de plusieurs formations majeures de la scène belge. Ainsi, en 1980, il est un des arrangeurs et un des solistes de Saxo 1000, le groupe-événement monté à l’occasion du Millénaire de la ville de Liège en l’honneur de René Thomas et de Bobby Jaspar. C’est plus ou moins à la même époque que commence l’épopée du Big Band belge de la relance : Act Big Band (appelé d’abord Act 12), l’enfant de Félix Simtaine. Dix ans plus tard, Michel Herr est plus que jamais le directeur artistique de cet orchestre modèle au sein duquel ont travaillé et travaillent un nombre impressionnant de solistes (voir Félix Simtaine), des vétérans comme Nicolas Pissette ou Jacques Pelzer aux jeunes prodiges qui envahissent la scène belge de la seconde moitié des années 80 ; Simtaine ne manque jamais d’ailleurs de rappeler au cours des concerts de l’Act, la place centrale qu’y occupe Michel Herr en tant que compositeur, arrangeur et soliste.
Michel Herr apparaît également au sein de quelques unes des principales formations belges de petite ou moyenne importance, créées après 1980 : Steve Houben Plus Strings, Richard Rousselet Quintet, Bert Joris Quartet, etc. Et tous les Américains en séjour plus ou moins prolongé en Belgique ont recours à ses services (Lou Mc Connell, John Ruocco, Joe Lovano, etc.). Il est impossible de citer tous les musiciens belges aux côtés desquels il s’est produit. On soulignera néanmoins son intégration au quartette européen de Toots Thielemans depuis 1984, ce qui lui vaudra une ouverture sur la scène internationale (festivals, concerts, etc.), et sa collaboration au groupe acoustique de Philip Catherine en 1986.
Au sein des rythmiques, Michel Herr sera associé successivement (liste non limitative) aux nombreux tandems Deronde/Simtaine, Rassinfosse/Simtaine, Yan de Geyn/Simtaine, Yan de Geyn/Pallemaerts, etc. Sur le plan international, on retiendra une tournée aux côtés du trombone Slide Hampton et des prestations avec des artistes comme Johnny Griffin, Joe Lovano, Joe Henderson, Archie Shepp, Jimmy Gourley etc. Cette hyper-activité laisse des traces discographiques importantes, quoique sans commune mesure avec sa réelle intensité et son étonnant foisonnement. Ainsi on s’étonne de trouver au crédit de Michel Herr aussi peu de disques enregistrés en tant que leader. Si on excepte les trois réalisations du quartette Herr-Engstfeld, on ne compte à ce jour que trois disques signés Michel Herr : Ouverture Eclair (1977), Good Buddies (1979) et Intuitions (1989). Même si l’on ajoute à ces disques l’enregistrement réalisé en co-leader avec Steve Houben (Houben/Herr meets Curtis Lundy/Kenny Washington) on n’arrive qu’à un nombre étonnamment réduit de productions. Une “modestie” qui surprend en comparaison avec l’orgueilleuse prolifération discographique qui caractérise certains musiciens de seconde ou de troisième zone ! Discret, pudique et peu porté sur l’exhibitionnisme médiatique, Michel Herr est resté jusqu’à présent aussi peu explicite sur sa conception personnelle de la musique (mais quel talent pour s’exprimer aussi puissamment à travers l’univers de ses compagnons/employeurs) que sur son itinéraire biographique.
Une évolution importante se fait pourtant au début de l’année 90. Si jusqu’ici Michel Herr s’est surtout consacré à servir la musique des autres, il semble bien décidé désormais à mettre également en lumière l’autre aspect de sa personnalité : celui, précisément, de “créateur” d’un univers sonore personnel. C’est dans ce sens que vont et sa dernière production (Intuitions) et ses déclarations récentes : “Je regrette parfois que, lorsque je joue en trio, les critiques restent au bar en se disant : «Michel Herr, on le connaît depuis quinze ans». En réalité, je crois qu’il y a toute une face de ma personnalité musicale qui n’apparaît que dans mon travail en tant que leader, au sein des groupes que je forme moi-même. C’est ça que je voudrais mettre davantage en évidence dans le futur. Je ne veux pas être qu’un accompagnateur demandé : je crois que j’ai plus à dire que ce qu’il m’estpossible de dire en accompagnant les gens. J’ai cette dimension supplémentaire à sortir» (Jazz in Time, n° 8).
Pour l’aider dans cette nouvelle direction Michel Herr s’est jusqu’à présent adjoint les services de quelques musiciens parmi les plus subtils de la jeune génération, en particulier deux bassistes, le Hollandais Hein Van de Geyn, prodigieux instrumentiste révélé il y a quelques années et devenu un des piliers de la scène européenne et l’Italien Ricardo Del Fra, compagnon de route du Chet Baker des dernières années. En duo ou en trio, Michel a trouvé en eux les interlocuteurs qu’il cherchait, ceux qui pourraient l’aider vraiment à faire émerger cette “dimension supplémentaire” qui attendait patiemment son heure. Au-delà des influences (d’Evans à Jarrett, de Kelly à Tyner, de Miles à Coltrane) au-delà d’une première maturité atteinte depuis longtemps déjà, est en train d’émerger le Michel Herr des années 90. Un des rendez-vous décisifs du jazz de demain.
Jean Nicolas Joseph ABSIL est né à Bon-Secours (Péruwelz), rue Crespelle (rue Émile Baijot) le 23 octobre 1893, et décédé à Uccle le 2 février 1974, puis inhumé le 20 avril au cimetière de Bon-Secours, où sa seconde épouse le rejoindra en juillet 1992.
Jean Absil étudie au Conservatoire de Bruxelles à partir de 1913. Il y suit studieusement tous les cours concernant les formes techniques de l’écriture musicale. Tenté d’abord par une carrière d’organiste, il s’oriente vers la composition avec Paul Gilson après la Première Guerre mondiale. Profondément marqué par les créations bruxelloises du Sacre du Printemps et du Pierrot lunaire, il s’intéresse aux différents courants de la musique contemporaine.
Prix de Rome en 1922, Absil se forge un langage très personnel, d’une modernité tempérée par une formation classique. Son besoin créateur est tel que son œuvre totalisera plus de 160 numéros d’opus comprenant des concertos, des symphonies, des ballets, des opéras, de la musique de chambre et de la musique instrumentale.
Il séjourne quelque temps à Paris, où il gagne le Prix Rubens en 1934, et fonde la Revue internationale de musique (1938). Chef du groupe La Sirène, il fait connaître la musique contemporaine. Son concerto imposé pour piano lors du premier Concours Ysaÿe de 1938 (ancêtre du Concours Reine Elisabeth) lui confère une renommée internationale.
Directeur, pendant 40 ans, de l’Académie de musique d’Etterbeek à laquelle il donna son nom en 1963, ce pédagogue incontesté a formé des générations de compositeurs ; il fut en effet également nommé professeur de fugue au Conservatoire Royal de Bruxelles et à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth. Il fut élu à l’Académie Royale de Belgique en 1955, et reçut le Prix Quinquennal du Gouvernement belge en 1964.
Compositeur, pédagogue et critique, Jean Absil était membre de l’Académie royale de Belgique. Son premier contact avec la musique se fait par l’apprentissage du bugle. Plus tard, il se hisse sur le banc de l’orgue à la basilique de Bonsecours, dont son père, François, est sacristain, et où il devient l’élève d’Alphonse Oeyen, lui-même élève d’Edgar Tinel. Il entre ensuite à l’Ecole Saint-Grégoire à Tournai. En 1913, on le retrouve au Conservatoire de Bruxelles où, malgré la recommandation de Louis De Looze, directeur de la Société de Musique de Tournai, mais vu qu’il a presque vingt ans, il est d’abord refusé par le directeur Léon Du Bois. C’est grâce à l’intervention de Mgr Ladeuze, recteur de l’Université catholique de Louvain, qu’il est accepté dans la classe d’orgue d’Alphonse Desmet et suit les leçons d’harmonie pratique d’Edouard Samuel.
Malgré la difficile période de la guerre, pendant laquelle il se voit forcé de subvenir à ses besoins, Jean Absil obtient en 1916 des premiers prix d’orgue et d’harmonie écrite (dans la classe de Martin Lunssen), suivis un an plus tard des prix de contrepoint et fugue avec Léon Du Bois. Ce brillant prix de fugue remporté d’emblée après quelques mois d’études ne le satisfait pas, mais Du Bois refuse de laisser le jeune homme se perfectionner dans ce domaine. Se tournant délibérément vers la composition, Jean Absil rencontre Paul Gilson en 1920 et suit avec ce dernier des cours de composition et d’orchestration. Sa première symphonie, d’allure encore quelque peu scolaire, est couronnée par le Prix Agniez tandis que sa cantate La guerre lui vaut un second Prix de Rome (1921), ce qui lui ouvre les portes du professionnalisme et subsidiairement celles de la direction de l’Académie de Musique d’Etterbeek qui aujourd’hui porte son nom.
En 1930, Jean Absil est appelé à enseigner l’harmonie au Conservatoire royal de Bruxelles, puis en 1939 la fugue. Il a ainsi l’occasion de former l’élite musicale du lendemain : parmi ses étudiants, on remarque entre autres de futurs directeurs de conservatoires, des compositeurs, des concertistes et des pédagogues comme Sylvain Vouillemin, Camille Schmit, Marcel Quinet, Henri Pousseur, Jacques Leduc, Arthur Grumiaux, Carlo Van Neste, Jenny Solheid, Jean-Claude Baertsoen, Max Vandermaesbrugge. Il espérait à juste titre une fin de carrière comme directeur du Conservatoire et sa déception fut grande lorsque, pour des raisons probables d’alternance linguistique, Marcel Poot fut nommé à la tête de l’établissement. Il ne deviendrait donc pas professeur “officiel” de composition, mais nombre de jeunes compositeurs le prirent comme mentor en allant le consulter dans son studio du 22, avenue du 11 Novembre à Etterbeek. On retrouve donc sous sa houlette privée des compositeurs, dont certains avaient déjà pu se forger une opinion de ses capacités d’enseignant au Conservatoire. Citons Marcel Quinet, Jacques Leduc, Paul-Baudouin Michel, Victor Legley, Jan Decadt ou Richard de Guide qui rédigera en 1965 une monographie consacrée au compositeur. Celle-ci le définit en tant que professeur : Absil ne correspond aucunement à la figure romantique d’artiste sentimental, mais laisse transparaître une sensibilité raffinée, une intransigeance absolue vis-à-vis des prérequis théoriques de l’écriture et une “redoutable intégrité”.
Parallèlement à l’enseignement, Jean Absil suit de près l’évolution de la musique contemporaine : il côtoie Paul Collaer et le Quatuor Pro Arte. Après l’obtention du Prix Rubens en 1934, il fait un séjour à Paris où il rencontre ses homologues français, notamment Florent Schmitt, et surtout le compositeur Pierre Octave Ferroud qui le pousse à fonder, à l’image du groupe parisien Le Titron, une société de jeunes compositeurs. Nouvel avatar aquatique, La Sirène, regroupe ainsi outre Absil de jeunes compositeurs comme Pierre Chevreuille, Marcel Poot ou André Souris.
Les préoccupations du compositeur sont également d’ordre critique et esthétique. Il rédige et publie en 1937 une brochure intitulée Les postulats de la musique contemporaine, que Darius Milhaud honore d’une préface. (…)
En 1938 il obtient le prix de composition pour le premier Concours Ysaÿe de piano, où son concerto, soutenu par l’interprétation d’Emil Guilels, remporte un véritable triomphe. Cette même année, il fonde, avec Stanislas Dotremont et Charles Leirens, La revue internationale de musique (RIM). Les contacts internationaux de ses collaborateurs et sa réputation grandissante à l’étranger font de cette initiative une entreprise appuyée par des personnalités internationales tels Daniel-Rops, Le Corbusier, André Maurois ou Marcel Dupré. Jean Absil y ouvre une section de “Documentation critique” dans laquelle on trouve l’analyse des œuvres nouvelles, une revue des livres et une revue des revues. (…)
La plume critique d’Absil ressuscite dès 1955, dans le Bulletin de la Classe des Beaux-Arts de l’Académie royale de Belgique qui l’accueille en tant que correspondant. Il y dénonce les anachronismes du Prix de Rome (1959), écrit les éloges d’académiciens disparus (1962, Raymond Moulaert; 1965, Joseph Ryelandt) et un article particulièrement intéressant sur Paul Hindemith (1964), qui avait été élu membre associé de l’Académie en 1956. La personne d’Hindemith est mise en valeur tant sur le plan théorique qu’esthétique et Jean Absil souligne les qualités du compositeur de Gebrauchsmusik qui met la musique savante dans les mains des amateurs, rôle qu’il endossera avec ses chœurs pour enfants ou ses pièces dédiées à la pratique en académies de musique. Entre-temps, il est devenu membre de l’Académie (1962). Il en devient président tout en dirigeant la Classe des Beaux-Arts (1968), ce qui traditionnellement lui permet d’écrire un discours qu’il consacre à l’humour en musique.
Au plan compositionnel, Jean Absil lit et analyse la musique de ses contemporains et tout en tenant compte des différents courants, mais sans en adopter aucun de manière systématique, se crée petit à petit un style personnel.
Dans son poème symphonique La mort de Tintagiles (op. 3, 1923-1926), d’après Maeterlinck, Absil utilise à la fois la polytonalité et l’atonalité, et fait usage du leitmotiv, technique qu’il abandonne par la suite. Sa Rhapsodie flamande (op. 4, 1928) fait hommage à l’enseignement de Gilson. Son Quatuor à cordes n° 1 (op. 5, 1929) marque un tournant dans son œuvre. Au contact de la musique de Schoenberg (particulièrement de son Pierrot lunaire), de Stravinsky, de Milhaud ou d’Hindemith, pour n’en citer que quelques-uns, l’écriture d’Absil se libère du joug de la scolastique et sa production devient plus originale. Il se met à élaguer le superflu, se libère du foisonnement orchestral – héritage de l’enseignement slavophile de Gilson – pour se soumettre à l’écriture exigeante de la musique de chambre. Ainsi, de 1929 à 1937, il n’écrit que peu d’œuvres orchestrales. Citons cependant son Concerto pour violon et orchestre n° 1 (op. 11, 1933) et sa Symphonie n° 2 (op. 26, 1936). Son écriture favorise l’autonomie des différentes voix, en leur donnant des cellules à déployer, tournant autour de quelques notes “polaires” qui ponctuent ce que l’on peut appeler le mode mélodique, tenant compte plus de l’aspect horizontal qu’harmonique. Ces cellules bourgeonnent spontanément dans une écriture contrapuntique. (…)
Sur le plan rythmique, le goût objectif, positiviste d’Absil ne l’autorise pas à écrire “flou”. Sa musique révèle une grande invention rythmique déjà présente dans son Trio à cordes. Les changements métriques ne manquent pas, mais il faut remarquer que les mesures à sept ou onze temps ne donnent pas une impression d’arythmie car elles s’adaptent parfaitement aux contours du phrasé. Cette métrique particulière est présente dans certaines musiques populaires dont il s’inspire. Pensons aux diverses pièces relevant des traditions roumaines, bulgares, brésiliennes ou chinoises. Notons au passage que le folklore lui fait souvent adopter la forme rhapsodique : Rhapsodie flamande (op. 4, 1928), Rhapsodie roumaine (op. 56, 1943), Rhapsodie brésilienne (op. 81, 1953), Rhapsodie bulgare (op. 104, 1960). La diversité rythmique est obtenue entre autres en juxtaposant des cellules paires et impaires qui impriment d’intéressants contrastes à sa musique.
Sur le plan structurel, Jean Absil reste classique, mais il se tourne fréquemment vers les formes qui ont précédé la sonate, celle-ci convenant moins bien au style contrapuntique et aux motifs mélodiques qu’il affectionne. Il s’oriente volontiers vers l’aria, la gigue, la chaconne, la passacaille, la suite ou encore les variations. L’esprit de la variation imprègne toute la facture de son second quatuor à cordes. On retrouve ce monothématisme dans la pratique de l’ostinato dans sa mélodie L’infidèle sur texte de Maeterlinck (op. 12, 1933). (…)
Signalons encore la Fantaisie concertante pour violon, op. 99, qui, proposée en 1959 au concours de composition du Concours Reine Elisabeth, remporte le prix à l’unanimité.
Pour terminer, dans un domaine allant des œuvres pédagogiques au répertoire de concert, Jean Absil se tourne vers les nouveaux instruments enseignés dans les établissements belges. C’est le cas de la guitare. On trouve son intérêt pour la guitare dans le choix des textes de ses premières mélodies : Guitare (Paul Brohée) et Autre Guitare (Victor Hugo). Pour aborder la technique complexe de cet instrument, il se fait conseiller par Nicolas Alfonso qui enseigne dès la fin des années cinquante, d’abord en Académies puis au Conservatoire royal de Bruxelles. Dans les nombreuses œuvres qu’Absil consacre à la guitare, on retrouve les caractéristiques formelles qui sont les siennes, mais avec un langage moins novateur qu’auparavant : Suite (op. 114, 1963), Pièces caractéristiques (op. 123, 1964), Sur un paravent chinois (op. 147, 1970), Petit bestiaire (op. 151, 1970)…
De l’œuvre d’Absil se dégage une impression de sobriété, un intellectualisme sans cérébralité, une rigueur de l’écriture, une parfaite connaissance des courants modernistes et l’emploi du matériau dodécaphonique, mais son écriture relève plus, comme il aimait à le revendiquer, d’un classicisme libertaire.
Benoît QUERSIN est né à Bruxelles, en 1927, et décédé à Vaison-la-Romaine (F), en 1992. Personnage aux multiples facettes, Benoit Quersin est avant tout le bassiste de cette génération de mutants (Jaspar, Thielemans, Thomas, Pelzer) qui changea la face du jazz belge à la fin des années 40. Sur cet instrument ingrat – peu de musiciens belges s’y illustrèrent jusqu’il y a quelques années – il accompagnera un nombre impressionnant de grands maîtres américains ou européens ; il jouera un rôle déterminant dans la diffusion et dans la propagation du jazz en Belgique.
Benoît Quersin grandit dans un environnement musical particulièrement riche : sa mère est pianiste, sa grand-mère, violoniste amateur. Il rencontre ainsi d’éminentes personnalités comme Bela Bartok ou Stefan Askenase ; c’est avec ce dernier qu’il prendra quelques leçons de piano. Cet environnement privilégié aurait pu le déterminer à entreprendre des études classiques poussées (sa sœur deviendra d’ailleurs professeur de violon au Conservatoire de Bruxelles). Mais c’est dans une autre direction qu’il va s’orienter. Peu avant la guerre, Quersin découvre le jazz. Il se sent aussitôt “attiré invinciblement” vers cette musique reproduite d’oreille à l’écoute des disques de Fats Waller, Louis Armstrong, etc. Une de ses idoles est le chef d’orchestre belge Fud Candrix, qu ‘il a pu applaudir quelque fois aux Beaux-Arts.
A la Libération, il possède les bases suffisantes pour monter un premier orchestre ; avec quelques voisins, musiciens amateurs comme lui (un trio : clarinette, piano, guitare), il s’attaque à Honeysuckle Rose et autres “saucissons” millésimés. Petit à petit, il va pénétrer dans le milieu du jazz belge, alors en ébullition (les Américains sont là et le jazz, pour quelques temps, est à la mode). Il fait (1947) la rencontre, décisive, d’un certain Jean Thielemans – il ne s’appellera Toots que plus tard – avec lequel il va jouer quelque temps. A cette époque, il est toujours pianiste et lorsqu’il se met à la contrebasse, il a déjà derrière lui une forte connaissance harmonique qui l’aidera à donner à son jeu de basse une richesse peu commune.
C’est avec Candrix que Quersin se met à la contrebasse et que, bientôt, il abandonne le piano pour se consacrer exclusivement au “gros violon”. Il obtient ses premiers engagements comme bassiste dans les orchestres de Big John (Jean-Pierre Vandenhoute), Jean Leclère, puis Francis Coppieters (au Versailles). Il découvre les disques de Charlie Parker et Dizzy Gillespie qui ont tôt fait de le convertir au be-bop, déjà familier aux quelques musiciens liégeois qui deviendront rapidement ses compagnons de route (Bobby Jaspar, Jacques Pelzer). En 1948, il subit comme tant d’autres le choc Gillespie qui le fait pénétrer pour de bon -en tout cas en tant qu’auditeur- dans l’univers be-bop.
C’est encore dans le cadre du be-bop que va se passer le premier épisode marquant de sa carrière : en 1949, Toots l’emmène avec lui au fameux Festival de Paris où les têtes d’affiche étaient tout simplement Charlie Parker et Miles Davis ! Au programme également, un autre orchestre belge : les BobShots (avec Jaspar et Pelzer précisément), première formation européenne à s’être attaquée à la nouvelle musique. On imagine que ce séjour parisien aura dû fonctionner comme un incroyable voyage initiatique. Bien mieux que sur disques, Quersin comprend, en regardant jouer Tommy Potter et le batteur Max Roach, quel travail colossal attend les bassistes et les batteurs belges s’ils veulent arriver à maîtriser ce nouveau langage.
De retour en Belgique, il se remet à jouer dans des orchestres souvent plus proches de la variété que du jazz. Toutes les occasions sont bonnes pour passer quelques jours à Paris, où se concentre à l’époque toute l’activité jazzique européenne ; ainsi en 1950, il assiste avec Alex Scorier et Roger Asselberghs à la fameuse Semaine du Jazz. En Belgique, il joue quelque temps dans le Jump College et suit Jack Sels dans quelques unes de ses expériences : il participera ainsi au Chamber Music de 1951 , ainsi qu’à un quintette dans lequel Sels a également engagé René Thomas et Jean Fanis.
Pendant ses séjours à Paris, il retrouve Bobby Jaspar, Sadi, et fait la connaissance d’Henri Renaud ; au fil des rencontres, il obtient un engagement de trois mois aux côtés de la chanteuse Lena Horne. Mais, s’il lui arrive encore d’accompagner des musiciens de tous styles, il a désormais choisi sa voie : en 1952, lors d’une interview publiée dans Jazz Hot, Quersin fait cette déclaration, qui témoigne d’une lucidité peu commune à l’époque : “… Le public préfère telle musique parce qu’elle est plus à sa portée (et cela n’a rien d’étonnant); mais que des individus prétendument informés du sujet, voire des critiques, contestent à une musique le droit d’évoluer et prétendent arrêter le cours de l’histoire à 1930 me paraît saugrenu (…) Ce n’est pas faire du modernisme à tout prix que de s’exprimer dans une langue qui corresponde à l’état actuel de la musique et à la sensibilité contemporaine. Armstrong est peut-être la personnalité la plus marquante du jazz, bon ! Mais n’arrêtons pas l’histoire pour cela. Ou bien alors, Van Gogh est un barbouilleur et Stravinsky un escroc…“
En 1950, Benoît Quersin décide de s’installer définitivement à Paris. Il y deviendra en peu de temps, avec Pierre Michelot et Jean-Marie Ingrand un des bassistes les plus demandés. Jusqu’en 1957, il déploie une activité intense. Il côtoie non seulement l’élite du jazz européen, mais aussi de nombreux musiciens américains. Ainsi, il joue et enregistre avec Sidney Bechet, Jonah Jones, Lionel Hampton, Lucky Thompson, Jay Cameron, Zoot Sims, Jon Eardley, Allen Eager, Kenny Clarke, Sarah Vaughan, Dizzy Gillespie, etc. Et bien sûr Chet Baker qui l’engagera pour sa tournée européenne. Avec des leaders de natures aussi différentes, il est rapidement porteur d’un bagage musical particulièrement riche. Parmi les musiciens européens qu’il faut ajouter à ce palmarès, citons Henri Renaud, Bobby Jaspar, Bernard Peiffer, Sadi, Jack Dieval, André Persiany, Stéphane Grapelli, René Thomas, Bob Garcia, Maurice Vander, Sacha Distel, Jimmy Deuchar, etc.
Mais, après cette période faste du jazz à Paris, la situation va se dégrader. Jaspar et Thomas sont aux Etats-Unis ; les contrats se font rares. Quersin rentre en Belgique en juin 1957. Pas un seul engagement en Belgique. Après un premier séjour de quelques mois en Afrique (hiver 1957-1958), il redevient un sideman très actif. Avec Jack Sels, il rejoint Lucky Thompson à Cologne pour l’enregistrement d’une session aujourd’hui historique (Bongo Jazz) ; avec Jacques Pelzer – un de ses partenaires privilégiés – il participe à l’enregistrement de l’album Jazz in Little Belgium (1958). II écrit la musique de plusieurs films (notamment pour Henri Storck), et il effectue quelques excursions de l’autre côté de l’Atlantique.
L’année 1958 sera un tournant décisif dans la carrière de Quersin : exclusivement musicien “pratiquant” jusque-là, il va s’attaquer aussi à la production et à la diffusion du jazz. On le retrouve à la tête d’un club de jazz qui deviendra au début des années 60 le plus important du pays : le Blue Note (à ne pas confondre avec son homonyme parisien) où vont défiler pendant quelques années les meilleurs jazzmen internationaux. Le nom de Benoît Quersin est alors connu bien au-delà des frontières belges et françaises et son carnet d’adresses ressemble plutôt à un bottin jazzique international ! 1959 : c’est le début de l’aventure de Comblain-la-Tour. Il s’y produira à de nombreuses reprises; avec Pelzer, il joue aussi au premier Festival d’Antibes (1960) et en Italie (1961 ).
C’est également en 1961 qu’il ajoute une nouvelle corde à son arc, en animant pour la RTB diverses émissions (Jazz-Actualités, Jazz in Blue). Il fait de nombreux reportages (Etats-Unis, Afrique) pour différents journaux, et il écrit pour Jazz Magazine, Le Monde, Le Soir Illustré, etc. En tant que musicien, il fait partie du quartette monté par Bobby Jaspar et René Thomas à leur retour des Etats-Unis, un quartette qui fera notamment les beaux soirs du Ronnie Scott’s de Londres (comme en témoigne un album récemment publié), du Blue Note et de nombreux autres clubs européens. C’est encore avec Thomas et Jaspar que Quersin enregistre un superbe album en Italie, et qu’il retrouve Chet Baker, le temps d’enregistrer l’album Chet is Back (1962).
A partir de 1963, il va progressivement réduire ses activités de musicien, et s’investir davantage dans son travail “paramusical”. II enregistre encore quelques disques fameux (notamment Meeting avec René Thomas et Jacques Pelzer). Sa réputation de spécialiste du jazz est désormais bien implantée dans les domaines de l’animation et de la diffusion En 1963, il devient conseiller, pour une durée de deux ans, de la Société Philharmonique et de la Discothèque Nationale de Belgique ; la même année, il obtient de la RTB que les différentes productions liées au jazz soient réunies en une réelle “Section jazz” dont il est le coordinateur.
Il anime plusieurs émissions de jazz sur les différents programmes de la RTB radio et est conseiller technique pour la radio flamande. Il interviewe les “grands maîtres” (Coltrane notamment). Cette “défense et illustration” du jazz tous azimuts reste, comme au moment de l’arrivée du jazz moderne en Europe, ouverte à toute évolution. Ainsi, après avoir défendu les boppers contre leurs détracteurs (tout en continuant à aimer aussi le jazz plus classique), il va se faire le défenseur du nouveau jazz qui déferle sur le vieux monde dans les années soixante ; dès 1962, il écrit pour Jazz Magazine ces quelques lignes qui attestent sa profonde intelligence de ce qu’est réellement l’originalité du jazz : “… Le jazz évolue tous les jours et continuera d’évoluer. Le jazz est passé en cinquante ans par tous les stades possibles. Après la musique folklorique, la musique populaire, la musique de variétés, nous arrivons aujourd’hui à un moyen plus original d’expression, une forme autonome de la musique, plus intellectuelle, qui se libère du système harmonique. Mais l’essentiel reste sauvegardé : le jazz continue d’être une expression directe de la sensibilité. Il a conquis ses lois propres, il est devenu un langage esthétique cohérent et autonome, comme la peinture, mais à part quelques échecs expérimentaux, il a su préserver la fraîcheur d’inspiration des premiers temps. Le jazz, à la différence d’autres formes d’art même musicales, est d’une création immédiate, qui s’opère dans l’instant et qui engendre son propre renouvellement. C’est pourquoi j’attache tant de prix et d’intérêt à la musique d’un John Coltrane, d’un Charlie Mingus, d’un Miles Davis, d’un Omette Coleman…”
Et pourtant, malgré cette passion pour l’évolution du jazz, c’est vers les racines, vers les sources profondes du jazz que Benoît Quersin va bientôt se tourner, définitivement. Les quelques voyages africains qu’il a effectués, notamment avec Jacques Pelzer, l’ont bouleversé et lui ont donné envie de connaître en profondeur cette musique envoûtante. En 1966, il est présent à Dakar, au Festival Mondial d’Art Nègre. L’année suivante, il part en mission pour trois mois au Cameroun, pour le compte du Musée Royal d’Afrique Centrale(Tervuren). De plus en plus, l’Afrique l’appelle. Pourtant, il continue quelque temps encore à assurer les différentes tâches qu’il a entreprises, notamment sur le plan radiophonique. En pleine crise du jazz, il lance avec Marc Moulin les émissions Cap de Nuit, puis Now, qui feront date dans l’histoire de la radio belge. Si le jazz reste prédominant, Quersin et Moulin ouvrent leurs programmes à d’autres types de musique (rock, ethnique), en leur donnant par ailleurs une dimension sociologique.
Mais l’Afrique finira par gagner la bataille. Avant d’avoir pu assister à la relève du jazz en Belgique – une relève à laquelle il a indirectement participé-, il coupe enfin le cordon ombilical qui le rattachait à l’Occident et part s’installer au Zaïre (Congo) où il produit un travail musicologique remarquable. A partir de 1973, il s’occupe de la Section Musicologique des Musées Nationaux du Zaïre, parcourant l’Afrique de village en village, récoltant des documents sonores fascinants, œuvrant avec détermination à préserver le patrimoine africain et à défendre l’authenticité sous toutes ses formes. Disques, livres, articles, conférences, organisation de tournées (notamment avec une troupe issue de la tribu Pende). Le jazz passe à l’arrière-plan, la passion reste ! En 1987, Marc Moulin et Fred Van Besien lui ont consacré un hommage télévisuel largement mérité. A cette occasion, Benoît Quersin a repris la guitare basse pour accompagner Toots, son compagnon des débuts, le temps d’un soir d’émouvantes retrouvailles au Bierodrome à Bruxelles. Puis il est reparti vers ces sources grondantes du jazz dont il est aujourd’hui un des plus éminents spécialistes.
Discographie sélective : nombreux enregistrements, notamment avec Henri Renaud (Blue Star – 1952) ; Bobby Jaspar (1953, 1955, 1962) ; Jack Dieval (1953, 1955, 1956) ; Sidney Bechet (1954) ; Jay Cameron (1955) ; René Urtreger (1955) ; Stéphane Grappelli (Barclay – 1955) ; Martial Solal (Vogue – 1955) ; René Thomas (Barclay – 1955) ; Chet Baker et Bobby Jaspar (1955- 1956) ; Lucky Thompson (1956) ; Jacques Pelzer (Decca – 1958).
Née en 1968, Elisabeth BRONITZ se forme à la peinture et à la scénographie à l’E.N.S.A.V. La Cambre. Elle apprend ensuite la gravure à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (notamment avec Kikie Crêvecoeur ou Roger Dewint). Elle participe à de nombreuses expositions personnelles ou collectives, notamment avec l’atelier Kasba auquel elle appartient depuis 2010.
Cette représentation d’un revolver .38 fait partie d’une série plus larges où Elisabeth Bronitz explore des icônes de notre société : “Flingues”, “Hôtesses” ou “Salon de coiffure”. L’aspect brut du travail de linoléum confère à l’image une plasticité qui éloigne le spectateur de la représentation littérale de l’objet. “Bronitz nous brosse le portrait d’un monde coloré dans lequel la réalité de l’autre passe par le filtre de son imaginaire”. (d’après E. Bronitz).
Monique DOHY est diplômée de l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles section graphisme et image. Depuis, elle développe son travail de gravure, participe à de nombreuses expositions collectives ou personnelles ainsi qu’à des stages ou des formations (art thérapie, atelier vocal…). Monique Dohy enseigne la gravure depuis 1997 à l’Ecole d’art de Wavre et à l’Académie d’Anderlecht (d’après ESPERLUETE.BE)
Dans cette composition abstraite, Monique Dohy joue avec les traits comme autant de fissures ou de veines qui zèbrent l’espace. La technique de l’eau-forte semble hybridée avec celle de la pointe sèche, car certains traits sont plus épais et “flous” alors que d’autres sont fins et nets.
Joachim Caffonnette naît en juillet 1989 de parents comédiens et passe les premières années de sa vie en tournée dans les festivals de théâtre à travers le monde. Après une éducation culturelle très éclectique, mélangeant arts graphiques et plastiques, écriture et des heures passées dans des salles de théâtre et derrière les consoles de son père, régisseur, il décide de s’engager dans l’étude du piano.
Dans l’optique de faire de la musique son activité principale, il choisit de finir son cursus scolaire en humanités artistiques au Conservatoire Arthur Grumiaux de Charleroi. C’est avec une grande distinction en piano, musique de chambre, harmonie et histoire de la musique qu’il en sort diplômé en 2008. Dans la foulée, il entre au Conservatoire Royal de Bruxelles dans la classe d’Eric Legnini. Lors des stages des Lundis d’Hortense et au contact de pianistes tels que Erik Vermeulen, Ron Van Rossum et Ivan Paduart, il choisit définitivement le jazz comme moyen d’expression.
Il monte un premier trio et un quartet avec lequel il est finaliste du concours Jazz Cat Rally en 2008. L’année suivante, il se produit à la tête de son trio dans les clubs bruxellois, wallons et dans certains festivals. Il monte un quintet en 2011 afin de pouvoir y jouer ses compositions. Le groupe est résident au Sounds Jazz Club et sort un EP au printemps 2014. Pour le festival Jazz Au Broukay 2013, il monte un nouveau trio. Très inspiré par la musique de Herbie Hancock, Joachim dirige le groupe d’hommage à cette légende du jazz, “Speak Low” dans une formule assez inattendue avec un trombone et un sax ténor en plus de la section rythmique.
Il se fait les griffes sur les scènes des clubs bruxellois, le Sounds Jazz Club en particulier qui lui offre 3 ans de résidence lui permettant de jouer, tester et d’apprendre le métier comme aucun conservatoire ne pourrait jamais le faire. Pratiquant toujours le périlleux exercice des standards, composant, jouant et arrangeant pour des ensembles de toutes tailles dans divers contextes, enseignant et perpétuel étudiant, engagé dans le milieu associatif et ardent défenseur de la culture et de ceux qui la font avec leur cœur, Joachim Caffonnette se forme à la composition durant 2 ans aux côtés de Kris Defoort, qui lui ouvre les yeux et les oreilles sur la musique contemporaine et sur l’attention aux détails qui peuvent transcender une composition. Il sort son premier disque en 2015, Simplexity et continue de mener sa barque dans le flot tumultueux qu’est la vie de tout artiste au XXIème siècle…
Ce jeune pianiste d’à peine vingt-six ans a grandi dans une famille à la fibre incontestablement artistique. Son père et sa mère sont tous deux comédiens et la musique était omniprésente au domicile des Caffonnette.
Ses parents estimaient qu’il était important qu’il apprenne à jouer d’un instrument et vu qu’un piano trônait au milieu du salon, le choix fut vite fait. Toutefois, peu de temps après, ce sont surtout les arts graphiques et plastiques qui attirent Joachim.
Pourtant, son intérêt pour la musique ne met pas longtemps à prendre le dessus. Ainsi, après un cursus scolaire en humanités artistiques au Conservatoire Arthur Grumiaux de Charleroi pour y étudier la musique classique (piano), il poursuit ses études au Conservatoire Royal de Bruxelles.
À l’instar de beaucoup de jeunes musiciens, il découvre l’endroit par excellence où apprendre la plupart des ficelles du métier, à savoir, les jam sessions du Sounds. Pendant de nombreuses années, il s’affiche immanquablement sur la scène tous les lundis soir. Ensuite, le club bruxellois The Music Village lui propose de gérer ses jam sessions.
En 2014, un premier mini-CD voit le jour avec le soutien de “Ça Balance“, une initiative culturelle émanant de la Province de Liège.
Lors de la première édition du Brussels Jazz Festival à Flagey (janvier 2015), il lui revient l’honneur d’organiser les jam sessions. Début 2015, il présente le premier CD officiel de son quintet, au titre révélateur : Simplexity. Par ailleurs, Joachim joue régulièrement en trio et en nonet, il se produit avec le Marco Llano Quintet et compose pour le cinéma et le théâtre.
“Quel(le) est…
… votre lieu préféré à Bruxelles ?
Outre les clubs de jazz incontournables que sont le Sounds et le Bravo, mon lieu préféré est la librairie Tropismes. Je peux y flâner des heures durant à la recherche du bouquin qui me comblera pendant quelques semaines. Il m’arrive même régulièrement de lire à la hâte le premier chapitre pour voir si l’histoire et le style me séduisent ou non. Le plus difficile pour moi est de me restreindre à un seul livre. Je préfère lire des romans policiers. J’ai bien entendu mes auteurs favoris mais j’aime faire de nouvelles découvertes. J’ai certes un faible pour les auteurs scandinaves et irlandais. C’est surtout l’aspect social dans leurs récits qui m’attire. Et comme il se doit, j’essaie de lire le plus d’auteurs belges possible.
… le dernier CD ou album que vous vous êtes offert ?
Je n’en achète pas tellement car j’aime réécouter souvent les mêmes albums pour en extraire la quintessence. Et croyez-moi, j’ai de quoi faire entre Bill Evans et Keith Jarrett. Je ne suis pas du genre à aller spontanément à la recherche de nouvelles choses. À cet égard, j’ai plutôt tendance à compter sur les conseils avisés de mes amis. Ce que je fais par contre, c’est d’assister régulièrement à des concerts. Ainsi, je me tiens informé de ce qui se passe sur la scène musicale à l’heure actuelle. Il y a de cela quelques années, j’ai par exemple pu voir à l’œuvre Gerald Clayton. Le lendemain, je me suis acheté “Two-Shade”. Mais le CD le plus récent que je me suis offert est “Space Time Continuum” du pianiste Aaron Diehl. Je l’ai découvert lors du concert de Cécile McLorin Salvant à Flagey début 2015. Ensuite, il nous a rejoints pour une petite séance d’improvisation. Cet artiste a non seulement une technique inouïe mais aussi une connaissance approfondie de la tradition. Personnellement, j’accorde d’ailleurs une énorme importance aux grands classiques.
… votre plus beau souvenir d’un concert récent ?
Comme concert dans son ensemble, je choisis un spectacle en duo de mes pianistes belges préférés, Bram De Looze et Pascal Mohy, solides sur toute la ligne. La prestation qui m’a toutefois le plus impressionné est le solo de Mark Turner lors d’un concert récent au Bravo avec le quartet de Jochen Rueckert. À vous couper le souffle – c’est dans ce cas tout à fait l’expression appropriée. Solidement structuré, extrêmement subtil et néanmoins porté par une énorme vague d’énergie.
… votre expression favorite du moment ?
Il s’agit d’une citation de Jean Cocteau : “L’art est un mensonge qui dit la vérité”. Tout artiste quel qu’il soit connaît ce sentiment. Il ne faut bien entendu pas interpréter cette citation dans son sens le plus explicite mais d’une certaine manière, c’est exact.
Outre la sortie de son nouvel album, ”Bittersweet Times”, le pianiste Joachim Caffonnette redonne vie au Sounds, légendaire club de jazz de Bruxelles.
Joachim Caffonnette naît en juillet 1989 de parents comédiens et passe les premières années de sa vie en tournée dans les festivals de théâtre à travers le monde. Dans l’optique de faire de la musique l’activité principale de son existence, il choisit de finir son cursus scolaire en humanités artistiques au conservatoire de Charleroi dont il sortira en 2008 avec une grande distinction en piano, musique de chambre, harmonie et histoire de la musique. Dans la foulée, il entre au Conservatoire Royal de Bruxelles où il étudiera avec Eric Legnini et ensuite la composition avec Kris Defoort. Après son entrée au conservatoire, il monte un premier Trio avec lequel il commence à se produire dans les clubs de jazz et dans certains festivals.
Troisième album en tant que leader
Sur son troisième album “Bittersweet Times“, troisième album, Joachim multiplie les textures autour d’une musique épurée qui met en exergue l’ambivalence entre les influences impressionnistes et l’héritage be-bop qui le caractérisent. Il s’entoure ici de musiciens de premier plan avec le contrebassiste de La Nouvelle-Orléans Jasen Weaver, le batteur israélien Noam Israeli, installé à New York depuis plusieurs années, et en invité, le trompettiste virtuose Hermon Mehari, originaire de Kansas City. Sur trois morceaux explorant un spectre sonore presque orchestral, se joignent au groupe Édouard Wallyn au trombone et Quentin Manfroy aux flûtes alto et basse. L’expression musicale de cet album est une recherche d’intensité, d’interaction perpétuelle et un plaisir communicatif à travers une écriture mélodique et contrastée naviguant entre swing et harmonies volantes.
Le Sounds résonne à nouveau
Pendant plus de 35 ans le Sounds à vibrer au rythme du jazz en voyant défiler la crème du jazz belge et international. Après sa fermeture, c’est un collectif, Buen Vivir, qui fait l’acquisition du 28 rue de la Tulipe, dans le but de le mettre au service de ses activités de résistance et de résilience en matière de droits humains. Mais la poursuite du jazz était essentielle aux yeux des nouveaux propriétaires et ils contactent le pianiste Joachim Caffonnette,
Le collectif se lance alors avec détermination dans son projet, redécore le club, transforme la carte, prépare l’avenir, lance un crowdfunding dont le succès fulgurant montre l’enthousiasme de la communauté et ré-ouvre en grande pompe ce 18 novembre 2021, pour écrire le second chapitre de ce club historique…
Issu de la dynastie des Kadjars, fondée en 1794 par Agha Mohammed, qui n’était alors qu’un chef de tribu, Naser ed-Din est né à Téhéran en 1831. Il succède à son père le 10 septembre 1848. Il entreprend aussitôt la répression du babisme (1849-1852) ; ce mouvement, créé par Sayid Ali Mohammed, tire son nom d’un mot arabe “bab”, signifiant “porte”. Son fondateur se proclame, en effet, “la Porte qui donne accès aux Vérités éternelles.” Il prône une doctrine plus libérale, se référant davantage à l’esprit qu’à la lettre de la loi, s’opposant au pouvoir du clergé et prêchant l’abolition de la répudiation de la femme.
Cette répression est probablement due à l’instigation des chefs religieux, des mollahs dont le pouvoir va croissant. En effet, si sous le règne du shah des progrès ont été fait sur la voie de la modernisation (télégraphe, poste, routes), le gouvernement central s’est toutefois affaibli, l’administration locale s’est détériorée, tout cela au profit du pouvoir religieux, mais aussi des grandes puissances européennes. Il faut nuancer l’image édulcorée du monarque telle que donnée par certains qui ne parlent que du développement de l’instruction et de la lutte contre la corruption. Le shah aime excessivement les bijoux et les femmes, ses extravagances le laissent toujours à court d’argent et, pour renflouer ses caisses, il accorde aux puissances étrangères d’importantes concessions.
Ainsi Amin Maalouf décrit-il celles accordées aux Russes et aux Anglais : “les Russes, qui avaient déjà le monopole de la construction des routes, venaient de prendre en charge la formation militaire. Ils avaient créé une brigade de cosaques, la mieux équipée de l’armée persane, directement commandée par les officiers du tsar ; en compensation, les Anglais avaient obtenu pour une bouchée de pain le droit d’exploiter toutes les ressources minières et forestières du pays comme d’en gérer le système bancaire ; les Autrichiens avaient, quant à eux, la haute main sur les postes.”
Si les intellectuels iraniens admirent les progrès techniques occidentaux, ils s’opposent à l’octroi de telles faveurs aux Européens, faveurs qui permettent à ces derniers d’influencer fortement la politique intérieure du pays. Ainsi, “le mécontentement de la bourgeoisie urbaine s’exprima dans des révoltes contre les concessions étrangères et par la formation d’un mouvement constitutionnaliste.” Le 1er mai 1896, Naser ed-Din est assassiné par un jeune nationaliste religieux.
Durant le demi-siècle que dure son règne, Naser ed-Din se rend trois fois en Europe : en 1873, 1878 et 1889. Le voyage de 1873 est intéressant parce que, à côté de la relation qu’en fait la presse locale, nous possédons également le récit du shah lui-même, dans son Journal de voyage en Europe, aujourd’hui traduit en français.
C’est en juin 1873 qu’il vient pour la première fois en Belgique, après avoir quitté Wiesbaden. Dès le passage de la frontière, le shah note que “en un instant, les gens, la langue, la religion, l’aspect du sol et des eaux, des montagnes et du terrain ont changé, et n’ont aucune ressemblance avec ceux de l’Allemagne. Les montagnes sont plus hautes et plus boisées ; il fait plus froid. Les gens sont plus pauvres. (…) Les gens de ce pays sont plus libres qu’en Allemagne.”
Il arrive à Spa, “une jolie petite ville, située au milieu de montagnes et de vallées”, le vendredi 13, à 7 heures du soir, et est accueilli à la gare par le bourgmestre, M. Peltzer, et le directeur des fêtes, M. Kirsch. Une voiture découverte l’emmène à l’Hôtel d’Orange au son du canon et parmi la foule qui l’acclame. A son arrivée à l’hôtel, une aubade lui est donnée par l’harmonie du Casino, qui sera suivie d’un concert au kiosque de la Promenade de Sept-Heures donné par les Montagnards Spadois“. Le shah rentre ensuite à pied, entrant dans les magasins dont il ne sort jamais les mains vides. Il est étonné par les vitrines : “Le devant des boutiques est fait d’une plaque de vitre d’un seul morceau, à travers laquelle on peut voir tous les objets exposés.”
Le lendemain, samedi 14 juin, le shah fait le tour des fontaines, en commençant par la Sauvenière. “Là, une femme avec des verres offre de l’eau aux gens. Ceux qui sont malades de l’estomac, ou trop maigres, surtout les femmes, viennent y boire de l’eau avant de déjeuner. (…) Beaucoup d’étrangers viennent ici, surtout des Anglais. J’ai bu un peu de cette eau. Elle a très mauvais goût. Dehors, à côté de la source, on voit une grande empreinte de pas sur une pierre. Le gouverneur me dit : “C’est une trace de pas de saint Marc [en fait, saint Remacle]“. C’est un des saints des Européens. “Si une femme qui ne peut être enceinte vient ici poser son pied dans cette empreinte de pas, elle devient enceinte !” C’est vraiment curieux. En Perse aussi, ces croyances sont fréquentes.” Le shah reprend sa promenade : “En sortant de là, nous sommes partis à cheval par une avenue différente pour nous rendre un autre hôtel et à une autre source. Je montais mon propre cheval et galopai pendant quelque temps dans la forêt et dans les allées. C’est ainsi que j’arrivai à l’hôtel. L’eau de cette source avait encore plus mauvais goût que la première.”
Le dimanche 15 juin, “le temps est nuageux et il pleut. On ne voit jamais le soleil dans cette région.” C’est également le jour de la Fête-Dieu, ce qui retient l’attention de Naser ed-Din. “Toutes les rues étaient décorées de lampes et d’arbustes dans des pots. Le sol était tapissé de feuillages et le prêtre principal était conduit à l’église en grande pompe. J’ai vu passer trois groupes : tout d’abord deux cents jolies jeunes filles, toutes vêtues de blanc, coiffées de dentelle blanche, des fleurs à la main ; puis deux ou trois cents autres plus jeunes, tenant chacune un bâton à l’extrémité duquel était attaché un bouquet de fleurs ; enfin des petits enfants, filles ou garçons, tous jolis et bien vêtus, portant des cierges ou de petit drapeaux de velours et d’or avec le visage de Sa Sainteté Maryam [la Vierge Marie].” Le soir, le shah assiste, au théâtre, à un spectacle de prestidigitation qui l’impressionne fortement.
Le lendemain, Naser ed-Din quitte Spa pour se rendre à Liège, en train. “On avait amené les wagons du roi des Belges [Léopold II]. Ce sont de forts beaux wagons. (…) Les trains belges sont excellents et très confortables. On y est un peu secoué, mais ils sont très rapides. Une heure plus tard nous sommes arrivés à Liège , qui possède d’importantes manufactures de fusils et de wagons de chemin de fer. De Spa jusqu’à Liège, on ne traverse que des montagnes, des vallées et des forêts. Nous sommes passés dans trois ou quatre trous [tunnels], dont l’un avait trois cents zar de long. Mais au-delà de Liège, c’est la plaine.(…) Liège est une grande ville, très peuplée, fort belle, tout entière construite à flanc de colline ou dans la vallée. Elle possède de beaux jardins avec des parterres de fleurs. Toutes les routes de Belgique sont pavées. Les plaines sont verdoyantes, cultivées et peuplées.”
Le shah se rend ensuite à Bruxelles où il est accueilli par Léopold II, “un homme de trente-huit ans, grand, assez maigre, avec une longue barbe blonde.” De là, il se rendra à Ostende où il embarquera pour l’Angleterre. Son passage dans notre pays inspirera la verve satirique du revuiste bruxellois Flor O’Squarr, également habitué de la ville d’eaux. Le premier acte de Quel plaisir d’être Bruxellois !, folie-vaudeville éditée en 1874, s’intitule Les Persans à Bruxelles et l’on y retrouve un monarque amateur de bijoux et de danseuses.
Naser ed-Din revient en Europe en 1878, mais il se rend uniquement à Paris. Il reviendra encore en 1889, pour assister à l’Exposition universelle de Paris, celle du centenaire de la Révolution. Il arrive à Spa le mercredi 27 juin où il est accueilli par une sérénade avant d’arpenter les rues, entrant dans les magasins comme à son habitude et à la grande joie des commerçants. Il loge cette fois à l’Hôtel Britannique, plutôt qu’à l’Hôtel d’Orange comme lors de son séjour précédent, parce qu’il souhaite occuper le même hôtel que le roi des Belges lorsqu’il se rend à Spa. Le lendemain, le shah consacre la journée à la visite des usines Cockerill en compagnie du roi Léopold II. De retour à Spa, il assiste le soir à la fête de nuit donnée en son honneur où l’on tire un imposant feu d’artifice. Il quitte la ville d’eaux le 1er juillet pour se rendre à Anvers où l’attend le roi, qui va le conduire au bateau. Ce sera son dernier voyage en Belgique.
Dernièrement, c’est en compagnie d’une autre grande figure singulière, la chanteuse Jeanne Lee, que Waldron a poursuivi sa quête introspective. La voix la plus secrète du jazz, sans doute, tout en cris suspendus et chuchotements, étirant immensément le temps de son souffle tenu ; et Waldron, fantomatique, toujours plus en retrait, toujours plus incisif dans l’épure de ses interventions, offrant du temps au temps en s’abandonnant sereinement à son flux, comme apaisé après toutes ces années. “C’est comme si j’avais toujours su que j’avais suffisamment de temps devant moi pour ne pas avoir à me dépêcher, pour pouvoir me répéter. C’est en prenant mon temps que j’ai exploré d’autres domaines de la musique. [LESINROCKS.COM]
L’album Soul Eyes (RCA Victor > BMG Ariola Belgium : 74321 538872) a été enregistré en studio en 1997 près d’Anvers (BE), à Schelle, à l’occasion du Jazz Middelheim (Anvers, BE) pendant lequel Waldron fêtait son anniversaire avec “sa” bande. Jeanne Lee -sombrement divine dans ce No More Tears– était descendue de La Haye où elle enseigne et Abbey Lincoln avait joué les prolongations après son concert de la veille.