OUWERX, Jean dit John (1903-1983)

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Jean (dit John) Ouwerx est né à Nivelles, en 1903, et décédé à Bruxelles en 1983. Il est élevé dans un climat baigné de musique classique. Pendant ses humanités dans un collège de Jésuites à Bruges, il apprend la musique. Au Conservatoire de Gand, il étudiera l’harmonie, le contrepoint et la fugue et se verra décerner un premier prix de piano. En 1918 (il n’a donc que quinze ans !) il compose un premier Concerto pour piano et orchestre en ré mineur. Mais son père ne veut pas entendre parler d’une carrière de musicien et il lui faut provisoirement y renoncer.

Il travaille comme journaliste, comme représentant en chapeaux (!), ouvre une laiterie… Entretemps, avec les soldats américains, les rythmes nouveaux ont fait leur apparition en Belgique et Ouwerx n’y est pas insensible. Ses préférences vont pourtant à l’époque à Debussy, Ravel, Stravinsky, Milhaud. A défaut de faire le métier de musicien, il tient la rubrique musicale dans la Flandre Littéraire. Puis, un jour, stimulé par un ami, il décide de laisser tomber chapeaux et fromages et de se consacrer enfin à sa seule vraie passion : la musique.

En 1923, il s’embarque à bord d’un paquebot de la fameuse Red Star Line, destination New York. Engagé comme pianiste, il est cloué au lit par le mal de mer, et ne pourra guère jouer pendant la traversée. Qu’importe, l’Amérique est au bout du chemin.. Mais il ne suffit pas de débarquer à New York pour trouver du travail comme musicien. Il trouve néanmoins un emploi d’organiste au Strand Palace. C’est là qu’il découvrira pour la première fois le spectacle à l’américaine. John Ouwerx restera quatre mois à New York, quatre mois pendant lesquels la musique de Gershwin et de Paul Whiteman, exercent sur lui une forte impression. De retour en Belgique, il commence à se produire dans différents contextes musicaux : chef d’orchestre au Théâtre du Marais, membre des concerts Pro Arte, etc. C’est à cette époque qu’il expérimente l’étrange orphéal, cet instrument inventé par l’acousticien Georges Cloetens, et qu’il révèle au public.

Ouwerx fréquente les concerts avant-gardistes de la Lanterne sourde tandis qu’il accompagne des cantatrices comme Clara Clairbert, dirige la revue No NO Nanette à l’Hippodrome d’Anvers, joue pour les ballets russes de la compagnie Doline-Nemchinova, trouvant encore le temps de composer pour le cinéma (par exemple pour René Clair, Marc Allégret, Léon Poirier, etc.). Un des épisodes marquants de cette période est évidemment l’exécution le 18 novembre 1927 pour la première fois en Europe, de la Rhapsody in Blue de Gershwin.

Entretemps, il a fait ses premiers pas dans le jazz, au sein d’orchestres amateurs, comme le Bistrouille Amateur Orchestra où jouent David Bee et Peter Packay ; le jazz le passionne à un tel point qu’il est un des premiers à donner des conférences sur le sujet. De 1928 à 1936, il voyage beaucoup (Hollande, Suisse, Italie, Espagne, Egypte) au sein d’orchestres aussi connus que ceux de G. Sykes ou du hongrois Marek Weber. Il se spécialise dans le style, en vogue depuis pas mal de temps aux Etats-Unis mais encore peu connu chez nous. Il commence aussi à fréquenter les studios : c’est ainsi qu’en 1931 déjà, il enregistre aux côtés de Gus Deloof.

Il est tout doucement en train de devenir un pianiste jazz dont on parle et que tous les orchestres se disputent. John Ouwerx travaille, notamment, avec René Compère, Jean Robert, Robert de Kers, et il monte sa propre formation, John Ouwerx and his Hot Music. En 1934, se déroule un épisode tout à fait significatif : Ouwerx est non seulement un excellent pianiste mais aussi un propagateur efficace du jazz. Il parvient à faire accepter au Conservatoire de Bruxelles un Concert de musique noire ! Il s’agit d’un duo de pianos dont les protagonistes sont Ouwerx lui-même et Constant Brenders ; ils commencent sagement leur concert par la Sonatine Transatlantique de Tansman puis, sans crier gare, les voilà qui se lancent dans un Tiger Rag particulièrement musclé. Scandale, indignation, déshonneur pour le Conservatoire. Les “Maîtres du Savoir Musical” sont outrés et bien décidés à empêcher de tels excès de se reproduire !

A partir de 1936, l’ère des grands voyages se termine : John est engagé dans l’orchestre de Stan Brenders. Il y restera jusqu’en 1944, enregistrant un grand nombre de disques sur lesquels il a souvent le loisir de montrer de quoi il est capable. A partir de 1937, il grave plusieurs disques à son nom, en petite formation ou en “piano-duo” (avec le pianiste Johnny Jack notamment). Pour le plaisir, il participe à différents concerts ou jam-sessions ; c’est ainsi qu’on le retrouve aux côtés de Fud Candrix au Sweet and Hot. En 1939, Ouwerx est mobilisé et se retrouve “adjudant de DCA”.

En 1940, à l’issue de la campagne des 18 jours, il refait surface, d’abord chez Jean Omer au Boeuf sur le Toit, puis à nouveau chez Brenders. Et les radios et les enregistrements reprennent. En 1942, il participe à la rencontre entre I’orchestre de Brenders et Django Reinhardt et grave quelques disques avec Hubert Rostaing et Alex Combelle. En 1944, I’orchestre de Brenders est dissous ; John Ouwerx rejoint alors Fud Candrix et participe à différentes petites formations. Mais le jazz est à l’aube d’une vie nouvelle : Ouwerx ne se joindra pas au camp des modernistes et comme beaucoup d’autres professionnels, le voilà confiné dans de fades thés dansants où la musique douce est de rigueur. Son nom s’efface tout doucement de l’histoire du jazz belge. Déçu et quelque peu aigri, Ouwerx à la question “Où va le jazz belge ?“, réponse mi-figue, mi-raisin : “A Steenockerzeel, en brouette !

Pendant les années 50, John Ouwerx fera de fréquents séjours au Congo, d’abord comme participant aux tournées Sabena, ensuite en qualité de directeur artistique d’une maison d’enregistrement. On possède quelques échos discographiques amusants qui témoignent de la rencontre entre la musique africaine et des solistes belges de passage (Candrix, Leclère, et même Jacques Pelzer). De retour en Belgique, il lui arrivera encore de remonter sur une scène aux côtés de Fud Candrix et en 1962, fugitif retour sous les feux de l’actualité, il jouera au festival de Comblain-la-Tour au sein d’un orchestre de “vieilles gloires” réuni pour la circonstance (Candrix, Bobby Naret, etc.). Parenthèse sans lendemain, la mode “rétro” n’ayant pas encore cours à cette époque.

En 1973, pourtant, John qui vient d’atteindre la septantaine, refait surface une dernière fois, en enregistrant avec Roger Van Haverbeke et Robert Pemet un album-souvenir sur lequel, de medley en medley, il fait revivre ces airs qui restent pour lui associés aux plus belles années de sa vie. Reste à espérer qu’un jour les disques enregistrés par John Ouwerx à sa grande époque seront réunis, dans leur forme originale, sur un album qui rendra justice à un de ces fougueux qui ont fait le jazz belge des années “avant le bop”.

Jean-Pol SCHROEDER


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : transcription (droits cédés), correction et actualisation par wallonica.org | source : SCHROEDER Jean-Pol, Dictionnaire du jazz à Bruxelles et en Wallonie (Conseil de la musique de la Communauté française de Belgique, Pierre Mardaga, 1990) | commanditaire : Jean-Pol Schroeder | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © collectiewijzer.be


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