Paul MAHOUX (né en 1959) est peintre. “Son œuvre se singularise par ses “journaux surmodelés” ; la presse est le matériau principal à partir duquel se créent ses peintures, manière de relier les soubresauts du monde et la perception intimiste qu’il a de ces événements. Il a également entamé un travail original de dialogue artistique avec le poète et romancier Pascal Leclerc matérialisé par les ouvrages inclassables “Vous êtes nous serez vous sommes” et “Septièmes Ciels”. Il est responsable de l’atelier d’illustration à l’Académie des Beaux-Arts de Liège.” (Art&Fact n° 31,2012, “Les années 1980 à Liège : art et culture”, p. 54).
Cette scène de guerre en Afghanistan fait partie d’une série intitulée “Le Chemin de croix” (2011), qui reprend des photos “surmodelées”, c’est-à-dire sur lesquelles l’artiste a redessiné. “Travaillant sur les quatorze stations en noir et blanc, Paul Mahoux a éprouvé le désir de faire coïncider un travail expérimental d’impression à celui d’une transformation de l’image. Sans dévoiler ici le processus complet du travail, disons qu’il s’agissait de mixer l’impression sur papier gris sombre et la présence de la gouache blanche, puis de moduler par infographie les densités de contrastes, la profondeur des noirs, avant de déterminer un format qui supporterait l’agrandissement.” (Alain Delaunois, Flux News n°66, p.21)
Steve HOUBEN est né à Liège, le 19 mars 1950 dans une famille de musiciens (une mère pianiste classique, un père jazzman amateur et un cousin qui se trouve être un des géants du jazz belge, Jacques Pelzer). Houben commence par tapoter sur le piano de la maison, puis se met à l’étude de la flûte traversière à l’âge de douze ans. Il chante aussi (son idole est alors Frank Sinatra !) dans un petit orchestre amateur. Bientôt, il découvre le jazz.
A l’âge où les adolescents de cette époque écoutent les groupes pop, Steve Houben se plonge dans l’univers de Chet Baker, Gerry Mulligan, Lee Konitz, Ray Charles. Il décide de faire plus ample connaissance avec son illustre cousin. C’est au Jazz Inn, à Liège, en 1966, qu’il entend pour la première fois le quartette Thomas-Pelzer. C’est le coup de foudre, tant pour la musique elle-même que pour ce milieu jazz qui le fascine d’emblée. Dès ce moment, il commence à fréquenter la maison du Thier-à-Liège où l’attendent les rencontres les plus colorées et les plus passionnantes. Pendant l’hiver 1968-1969, Steve Houben accompagnera son cousin à Paris, il y rencontre Archie Shepp, Ornette Coleman, Cal Massey, la crème des musiciens free américains.
C’est donc baigné de free-jazz (Pelzer lui-même donne dans la “New Thing” à cette époque) qu’il rentre à Liège. Et quand son cousin lui prête son saxophone en plastique (la grande mode à l’époque), c’est tout naturellement en jouant ce type de jazz éclaté qu’il va faire ses débuts au saxophone. li décide d’approfondir ses connaissances musicales et entre à cette époque au Conservatoire de Verviers où il décroche, quelques années plus tard, un premier prix de flûte et de musique de chambre.
Entretemps, lassé du free, il s’est remis à écouter les musiques les plus diverses, passant des nuits entières avec Guy Cabay à s’imprégner bien entendu de jazz mais aussi de musique technique, de musique classique, de soul music, etc. Il découvre également le jazz-rock de Weather Report. C’est du brassage de ces diverses influences que va naître le premier groupe important auquel va participer Houben : Open Sky Unit, qui démarre fin 1973. Autour de Steve Houben et de Jacques Pelzer, on trouve quatre musiciens de la jeune génération : Guy Cabay (vb), Janot Buchem (b), Micheline Pelzer (dm) et le pianiste américain Ron Wilson.
L’ère des jams est passée et Open Sky Unit est un groupe fixe, sérieux, qui prend le temps de mettre en place un répertoire de compositions originales (de Ron Wilson surtout). Le groupe – auquel se joint quelquefois le percussionniste Papa Oye Mc Kenzie – tiendra plus d’un an, une performance pour un orchestre jazz à cette époque. C’est avec O.S.U. que Steve Houben effectuera ses premières tournées (notamment en Tunisie) et enregistrera son premier disque. A la dissolution de l’orchestre, il monte avec Guy Cabay un nouveau groupe, orienté cette fois vers l’univers des standards : Merry-Go-Round.
A l’époque, Houben pense surtout à apprendre encore et encore. Le 31 décembre 1975, il s’envole vers les USA afin d’y suivre les cours du fameux Berklee College of Music, considéré alors comme le nec plus ultra de l’apprentissage du jazz. Boston sera pour lui l’occasion non seulement d’étudier (essentiellement l’arrangement et la composition) mais aussi de jammer, tous les soirs, en compagnie de dizaines de musiciens venus de tous les horizons. C’est avec quelques-uns d’entre eux qu’il monte le groupe Solstice, avec lequel il revient en Belgique en 1977. On y trouve trois musiciens belges : Michel Herr (p), Janot Buchem (b) et Steve Houben, et trois Américains : John Thomas (g), Eddie Davidson (dm) et Greg Badolato (ts, ss). Avec eux, Houben enregistre au studio Dickenscheid son premier album en tant que leader, invitant même Chet Baker en personne à se joindre au groupe pour un des morceaux.
Après une série de concerts en Belgique et en Hollande, Houben et Badolato repartent pour Boston. Nouvelles leçons (il aura notamment l’occasion d’étudier avec Michael Gibbs, Herb Pomeroy, Steve Grossman, etc.), nouvelles jams (notamment en compagnie du guitariste Mike Stem, encore inconnu à l’époque, et d’aînés comme George Coleman) et nouveau retour au bercail en 1978 avec un groupe constitué cette fois de 80 % d’Américains : il s’agit de Mauve Trafficoù l’on retrouve Houben et Badolato entourés du bassiste Kermit Driscoll, du batteur Vinnie Johnson et de Bill Frisell, qui deviendra par ses idées nouvelles un des grands noms du jazz des années 80.
Mauve Traffic connaîtra un succès considérable, succès personnel aussi pour Steve Houben. Le groupe propose un jazz fortement coloré de funk, inspiré de la musique des Brecker Brothers, une musique pleine de punch et d’énergie qui va séduire toute une frange nouvelle du public, hostile au jazz jusque là. Le groupe se maintiendra pendant deux ans environ, avec quelques interruptions et quelques renforts : Michel Herr ou Denis Luxion, par exemple. Entretemps, en 1979, Houben a mis à profit son expérience des écoles de jazz américaines pour créer, avec Henri Pousseur, le Séminaire de Jazz du Conservatoire de Liège, une première en Belgique. Les premiers instructeurs du Séminaire seront d’ailleurs les musiciens de Mauve Traffic, Steve Houben se réservant les cours de saxophone et d’harmonie.
Parallèlement à cette activité pédagogique, il entamera, après Mauve Traffic, une période free-lance qui va asseoir sa réputation, non seulement en Belgique mais à l’étranger. Il se produit simultanément dans une multitude d’orchestres belges : Saxo 1000, Act Big Band, Rousselet Quintet (tournée en Afrique), New Bop Friends, Lemon Air, Tenth Gate, etc. Hors de Belgique, il joue dans le Big Band de Peter Herboltzheimer, dans l’orchestre de l’U.E.R. dirigé, à Londres, par Kenny Wheeler, à Prague aux côtés du pianiste Emil Vicklicky, en Tunisie avec Safi Boutella, etc. C’est pendant cette période d’activité intense qu’il enregistre un superbe LP en compagnie de Chet Baker, et que, à l’autre bout du spectre, il pratique une musique plus expérimentale en duo avec Bill Frisell à Paris, ou avec Garett List à Liège et Bruxelles.
A l’occasion, il reforme l’un ou l’autre quartette éphémère à son nom mais il faut attendre 1983 pour le retrouver au centre d’un projet personnel d’envergure : Steve Houben+Strings apparaît d’ailleurs comme l’événement de cette année 1983. Ce vieux rêve de presque tous les solistes de jazz – se faire accompagner par un orchestre à cordes – Steve Houben le réalise avec, d’une part les pianistes/compositeurs Michel Herr et Dennis Luxion, le vibraphoniste Guy Cabay, le bassiste Michel Hatzigeorgiou et le batteur Mimi Verderame, et d’autre part, un ensemble de 14 violons et violoncelles dirigés par Georges Elie Octors. L’entreprise est couronnée de succès, et ce, auprès d’un public assez large, ce qui achève de faire de lui un des seuls musiciens de jazz belges dont le nom soit connu au-delà du cercle des aficionados.
Bientôt, il commence à travailler en duo avec le pianiste Charles Loos, produisant un jazz de chambre intimiste qui lui aussi séduira un large public. Houben fréquente également avec régularité les studios d’enregistrement, s’y affirmant tantôt comme un bopper averti (Houben/Herr meets Lundy/Washongton), comme un partisan de l’aventure musicale (B. Mottart : Weirdo’s Dance) ou comme un défenseur de l’esthétique européenne (Juvia de Diederick Wissels, Paolo Radoni, etc.). Il accompagne les chanteuses Maurane (Trio Houben/Loos/Maurane) et Viktor Laszlo puis, en 1986, il se lance dans un nouveau méga-projet : Cocodriloconcrétise son désir de se frotter aux synthétiseurs. Avec les claviéristes Olivier Truan (Suisse) et Diederick Wissels et de nouveau Hatzigeorgiou et Verderame, il met au point un répertoire soigné et policé, reposant sur une infrastructure électronique sophistiquée où l’improvisation n’a pour ainsi dire pas de place. Cocodrilo, qui avait tout pour plaire aux amateurs de fusion, n’eut cependant pas le succès escompté ; Houben doit annuler une tournée au Japon et il revient bientôt à une formule plus traditionnelle.
En 1987, il monte un des meilleurs groupes qu’il ait jamais eu jusque là : avec Diederick Wissels au piano (acoustique cette fois), Hein Van de Geyn (le prodigieux bassiste hollandais) et le jeune batteur Dré Pallemaerts, il produit une musique néo-bop de haut niveau. En tant que soliste, il est désormais un des seuls spécialistes européens de la flûte (avec Nicolas Stilo et quelques autres) et remarquable par un phrasé hérité de Parker via Cannonball Adderley, mais actualisé d’une façon européenne et déjà très personnelle. On le retrouve encore dans diverses combinaisons en compagnie du pianiste français Michel Graillier, puis aux côtés du trompettiste yougoslave Dusko Goykovich, du contrebassiste italien Ricardo Del Fra et du batteur américain Al Levitt, pour l’enregistrement d’un très bel album de standards encore inédit à ce jour. Fin 1988, après un engagement à Bangkok avec Jacques Pirotton, Sal La Rocca et le jeune batteur américain Rick Hollander, il est invité, signe de reconnaissance suprême, à se produire dans le big band de Gerry Mulligan.
A l’occasion de l’année Adolphe Sax, en 1994, Steve Houben a enregistré “Steve Houben invite…” avec un septet comprenant 4 saxos. Il a également enregistré avec le Pirotton/Houben/Pougin Trio ainsi que d’autres groupes dont il est le leader. Il apparaît notamment aux côtés d’Ivan Paduart dans True Story.
En 2000, Steve Houben reçoit le “Django d’Or” du jazz belge. En février 2001, Toots Thielemans l’invite à ses côtés au Théâtre de la Monnaie, à l’occasion de sa “carte blanche”. En compagnie de Michel Herr, de la soprano Julie Mossay et de l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie, il crée le projet “An American Songbook”. Steve Houben est élu à l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique en mai 2010. En 2016, il reçoit le titre d’officier du Mérite wallon.
Steve Houben a également toujours manifesté un grand intérêt pour les musiques du monde. Avec Alain Pierre, il est notamment membre du groupe belgo-tunisien Anfass, avec lequel il a enregistré et joué de nombreux concerts en Europe et en Tunisie. Il a également formé, avec le percussionniste Didier Labarre, le groupe Cuban Breeze. Son travail avec le groupe Panta Rhei ou avec le compositeur brésilien Marito Correa sont d’autres exemples de son ouverture vers d’autres styles musicaux.
“Ce travail témoigne de la lente évolution des mentalités relative à l’éducation des filles et reflète les conditions de l’instruction qui leur a été dispensée dans nos régions. Cette histoire s’inscrit dans la vaste Histoire en blanc du deuxième sexe.
Il a paru aux auteures, toutes trois retraitées de l’Enseignement officiel, qu’à Liège, plus qu’ailleurs, cette part d’Histoire en blanc restait à rechercher et à transmettre. Le présent travail veut modestement contribuer ce défrichage essentiel ; il s’adresse à un public aussi large que possible. C’est pourquoi elles ont resitué leurs découvertes dans les faits qui s’y rapportent à chaque époque, conscientes que ces rappels contextuels permettent d’éclairer plus nettement la condition faite aux femmes dans le monde masculin qui l’environne.”
Une journée de commémoration en hommage à Marcel Hicter disparu il y a tout juste quarante ans. Cet homme a profondément marqué la démocratie culturelle à travers une conception de la culture et une approche de la politique culturelle très avant-gardistes.
A l’instar de l’homme, cette commémoration, sera orientée vers l’avenir et dans l’action. Accompagner les jeunes dans une démarche d’approche à la démocratie culturelle n’est pas chose facile. D’une part, elle demande un engagement personnel et d’autre part, la réalité de terrain reste souvent abstraite.
La culture n’est pas la connaissance, ni l’érudition ; c’est une attitude, une volonté de dépassement personnel total, de son corps, de son cœur, de son esprit, en vue de comprendre sa situation dans le monde et d’infléchir son destin.(…) Cette culture-là bannit la tour d’ivoire, exige vers les autres une attitude d’accueil, de dialogue ; notre humanisme doit être celui du coude à coude, de l’homme qui commence à l’autre ; c’est la participation, c’est l’action, c’est la prise de conscience du besoin de s’exprimer, la maîtrise du ou des moyens de cette expression (…). C’est pourquoi la culture sans les œuvres est une culture morte.
En fait de maison, c’est d’une maison close qu’il s’agit. Les personnages, à l’air las, sont pour la plupart des ivrognes et des prostituées, dans un décor sordide : guirlande minable, mégots épars confèrent à l’ensemble un faux air de fête finissante. Le tableau présente une sorte d’instantané dans lequel les participants posent pour une photo de famille.
Dans cette “famille” qui paonne, à proximité d’un miroir et d’une porte entr’ouverte, on peut voir un pastiche des “Ménines” de Velasquez que Botero a beaucoup étudié à son arrivée en Europe, à Madrid.
On retrouve le même schéma de construction pyramidale, dominée ici par le couple enlacé. La pyramide confère une assise solide à l’ensemble, ce sont des formes qui pèsent par opposition aux formes qui volent, pour reprendre l’image du critique d’art catalan Eugenio d’Ors. Il ne faut pas perdre de vue que Botero étant également sculpteur, le travail sur le volume est pour lui quelque chose de concret et familier. Lors de son premier séjour à Paris, au Louvre, il a d’ailleurs été fasciné par la puissance de la masse des sculptures égyptiennes.
On observe toujours, chez Botero, une dilatation, une inflation des corps tandis que les traits du visage restent, quant à eux, de taille normale, ce qui augmente la monumentalité des personnages. C’est un procédé devenu caractéristique de son style, que Botero utilise depuis la “Nature morte à la mandoline” (1957) qui a marqué le début de son succès.
Les personnages occupent ici tout l’espace et, pourtant, leur existence est anecdotique. Pour preuve de leur inconsistance, le miroir ne reflète qu’une infime partie d’un corps. On retrouve souvent cet usage du miroir, témoignage de vanité, dans l’oeuvre de Botero et, notamment, dans “La Chambre” (1979) où figure également le sosie de “la dame en vert” de “La Maison de Raquel Vega”.
Botero pose sur ses personnages un regard d’une ironie douce, à la fois voyeur et complice, qui n’est pas sans rappeler Velasquez, une fois encore. Les formes disproportionnées, dans les rapports des figures entre elles, établissent une sorte de hiérarchie par la mise en évidence de certaines, à l’instar de la perspective héroïque de l’art égyptien. A l’extrême-gauche, sous le miroir, apparaît une petite fille aux ongles peints en rouge comme ceux de la femme à laquelle elle s’accroche. Ce mimétisme suggère son avenir.
La femme à la robe jaune-dorée arbore un faux air « chic », elle porte un anneau (alliance ?), tient une cigarette de la main gantée d’une mitaine tandis l’autre est occupée par un verre vide (en apparence du moins – tout n’est qu’apparence dans ce monde). Sa montre indique presque sept heures (sept heures du soir ou sept heures du matin, après une soirée bien arrosée ?).
La femme plus âgée, au duvet sous le nez, devant la porte entr’ouverte, est peut-être la mère maquerelle, Raquel Vega elle-même. Sa main plonge dans la poche du client qu’elle est en train de plumer, assez maladroitement d’ailleurs : quelques pièces tombent. Cette scène n’est pas sans rappeler “La Diseuse de bonne aventure” de Georges de La Tour, où l’on retrouve également un personnage naïf entouré d’une vieille femme et de jeunes femmes de petite vertu.
Le couple, couple d’un soir vraisemblablement, voire d’un instant, se compose d’un homme, le client, qui craint de toute évidence d’être reconnu par le spectateur : il esquisse un rapide mouvement pour se cacher derrière sa partenaire et lance un regard en coin, inquiet. Ses gestes ailleurs inconvenants (une main sur un sein, l’autre qui dévoile une jarretelle) manifestent clairement ses intentions, voire ce qu’il considère comme son dû.
L’attitude de la fille, quant à elle, traduit la passivité en même temps qu’un geste de lascivité (le bras qui enlace) que l’on devine convenu. Mais, ce faisant, elle révèle des poils sous son aisselle. Ceux-ci ont un caractère sexuel fortement marqué, cette toison en évoquant évidemment une autre. On notera encore, derrière le couple, l’apparition d’un bras tenant un verre vide, suggérant la présence d’un autre fêtard dont l’anonymat est respecté et faisant pendant au buveur qui se tient de l’autre côté, sur lequel nous reviendrons plus tard.
Le second couple se compose d’un homme débraillé, à la barbe naissante et aux yeux rougis. A son bras s’accroche une fille, plus petite, que l’on peut imaginer adolescente et qui, avec la petite fille placée de l’autre côté, représenterait ainsi les différents âges de la vie de la prostituée. A l’avant-plan, la fille agenouillée, vêtue d’une combinaison noire, a les ongles peints en vert. Simple originalité ? Subtile perversion ? Michel Pastoureau nous rappelle que le vert est aussi une “couleur dangereuse”, celle du diable et des sorcières, celle dont était généralement vêtu Judas dans les mystères, au Moyen-Age.
En outre, le fait qu’elle soit assise au sol, comme le chien, qui porte aussi un vêtement noir, peut être interprété comme un geste de soumission. De plus, à portée de main, se trouvent deux bananes, l’une verte et l’autre jaune, fruits souvent utilisés par Botero avec une symbolique évidente. Dispersées plus loin autour d’elle, des pommes évoquent encore, si besoin en était, le péché originel.
Revenons enfin au buveur, seul personnage à ignorer le spectateur. Comme deux autres figures, il tient un verre vide, trop petit pour une main trop grande, il en va de même pour la bouteille. Faut-il y voir l’allégorie d’une soif inextinguible, un désir jamais assouvi ? Ces personnages insatiables, abusant de l’alcool (verres vides), du tabac (mégots jonchant le sol), du sexe sans doute, se révèlent, malgré leur imposante stature et leur apparente impassibilité, touchants parce que vulnérables dans leurs travers, leurs faiblesses, cherchant probablement à oublier leur condition d’humains, la vanité, sinon la vacuité, de leur existence.
[…] Le vainqueur du groupe des héros menacés de banalisation est Héraclès [ou Hercule].
Il est descendant de Persée du côté paternel aussi bien que maternel. Amphitryon, son père, est fils de Persée, tout comme Électrion, père de la mère du héros, Alcmène. Mais, de plus, sur le plan symbolique, Héraclès, tel Persée, est descendant de Zeus. Suivant la fable, Zeus s’est uni à Alcmène en prenant figure d’Amphitryon.
Dans le mythe de Persée, le symbolisme de la descendance de Zeus fut complété par l’oracle, destiné à exposer la situation essentielle du héros et son destin. Dans l’histoire d’Héraclès, l’oracle se trouve remplacé par un trait symbolique qui n’est pas moins significatif pour le sort futur du héros.
Héra se montre jalouse des faveurs accordés par Zeus à une femme terrestre. La déesse demeure hostile à l’enfant né de cette union. Son acharnement contre Héraclès est le point central qui détermine tous les détails de la fabulation et qui renferme, par là même, la clef de la traduction.
Avant d’entrer dans l’explication des détails, il importe donc de voir ce que signifie cette constellation de motifs centraux : la jalousie d’Héra et la querelle qui éclate entre Zeus et son épouse à l’occasion de la naissance d’Héraclès.
Les divinités étant des idéalisations de qualités humaines, leurs attitudes, en l’espèce l’infidélité de Zeus et la jalousie d’Héra, doivent être en rapport avec les qualités de l’âme humaine. Or, Zeus est la suprême idéalisation du père mythique, symbole de l’exigence spirituelle, et son amour pour une femme terrestre fait de lui le « père » d’un héros, vainqueur mythique. Chez les Grecs, l’image de l’union de la divinité-esprit avec la femme mortelle revêt l’aspect d’une infidélité, parce que la narration représente cette union sous une forme charnelle. (Le sens profond du symbolisme de la filiation apparaît en toute clarté à partir du mythe chrétien où le héros-vainqueur est, sur le plan mythique, fils de la divinité-esprit et de la mère-vierge, ce qui élimine toute allusion à la fécondation charnelle.)
Tout comme l’infidélité de Zeus, la jalousie d’Héra se rapporte, suivant le sens caché, à des qualités de l’âme humaine. Zeus représente la qualité suprême : l’esprit de l’homme et sa puissance fécondatrice ; Héra préside à l’amour affectif et son image inclut un trait psychologique : l’exigence de l’affection féminine, jalouse de la fécondité spirituelle ressentie comme une trahison. Un motif mythique résume ce trait en racontant la punition infligée à Héra pour sa jalousie querelleuse : Zeus la suspend à une chaîne d’or entre Ciel et Terre. La déesse demeure ainsi attachée par la chaîne d’or (symbole de sublimité) à la sphère spirituelle, tout en s’en trouvant exclue. On peut, en effet, dire de l’amour affectif qu’il est suspendu entre ciel et terre, entre le sublime et le terrestre, et ce n’est qu’en se purifiant de toute forme de jalousie que l’amour trouve sa forme parfaitement sublime. Le mythe dit alors d’Héra qu’elle est de nouveau admise dans le ciel de l’esprit.
C’est cette opposition entre Zeus et Héra, entre la force de l’esprit et le don de l’amour, qui se reflète dans le mythe d’Héraclès et qui déterminera le sort du héros.
Fils mythique de Zeus, Héraclès est prédestiné à être vainqueur sur le plan essentiel. Il est héritier de la force d’esprit, et à cet égard le mythe le représente doté d’une force de beaucoup supérieure à celle des autres mortels. Mais Héraclès n’est pas fils d’Héra : privé du don de la déesse, il demeure toute sa vie rebelle à la liaison d’âme, seule capable de sublimer l’impétuosité du désir sexuel. La querelle qui, sur le plan symbolique, éclate entre Zeus et Héra au sujet d’Héraclès est donc représentative pour un conflit réel qui se livre pendant toute sa vie dans l’âme du héros : le conflit entre la puissance exceptionnelle de son élan spirituel et son penchant pour la dépravation sexuelle, trait le plus fréquent de banalisation. On verra que toutes les autres formes du pervertissement se trouvent exclues du caractère d’Héraclès, ce qui, d’une part, le laisse apparaître comme investi de forces surhumaines et ce qui, d’autre part, ne souligne que davantage la difficulté de son combat contre sa faiblesse, des plus humaines. Celle-ci apparaît sur le plan de la narration comme une manifestation de sa force débordante, d’où l’erreur qui exclut de son image toute imperfection.
Le fait que le dérèglement affectif, symbolisé par l’inimitié d’Héra, est l’unique source de faiblesse du héros se trouve souligné par divers épisodes symboliques qui s’étendent sur l’enfance et l’adolescence du héros et qui, complétant l’exposition de sa situation essentielle, le montrent en triomphateur de la vanité et de la tendance dominatrice.
Enfant, Héraclès étrangle deux serpents qui s’approchent de son berceau. La force qui permet au fils préféré de l’esprit-Zeus de résister à la vanité, déformation de l’esprit, est innée. L’enfant est allaité par Athéné. Il boit si avidement que le lait jaillit, ce qui est donné comme origine de la voie lactée. Les étoiles sont symboles de la vie sublime. Tout un monde de sublimité surgira de l’élan inné du héros, nourri dès l’enfance par la combativité spirituelle dont le symbole est Athéné. Suivant une autre version, non moins significative, Héra donne par erreur le sein à l’enfant. Il ne parvient qu’à tirer quelques gouttes, avant que la déesse le reconnaisse et le repousse. Mais il a quand même profité du don d’Héra, de la nourriture d’âme : il surmontera sa faiblesse initiale.
Le fait que la tendance dominatrice, la tyrannie exercée à l’égard du monde (qui s’ajoute habituellement, chez les héros menacés de banalisation, à la débauche, à la tyrannie des désirs sexuels) ne jouera pas un rôle déterminant dans l’histoire d’Héraclès se trouve figuré par un thème symbolique dont le développement déroule toute la perspective du problème : Zeus décide de donner au monde un souverain juste et fort, ordonnateur de la vie. Le dieu suprême jure que ce rôle échouera à celui qui naîtra au moment précis que lui, roi du destin, se réserve de fixer d’avance. Or, le moment précis fixé par Zeus est l’heure prévue pour la naissance de son fils Héraclès. Celui-ci apparaît ainsi comme prédestiné par l’esprit à établir sur terre le règne de la justice. Cependant, le souverain juste ne pourrait être que l’homme le plus exceptionnel parmi tous, réunissant en lui les dons de Zeus et d’Héra, la force d’esprit et l’équilibre de l’âme.
L’inimitié d’Héra s’oppose à la volonté de Zeus, et, pour déjouer son dessein, la déesse retarde la naissance d’Héraclès. A l’heure prévue naît Eurysthée, homme sans histoire héroïque, figuration du règne conventionnel. Zeus est lié par son verdict ; Eurysthée reçoit le règne, et Héraclès ne sera que son serviteur. Tant que ne sera pas réalisée l’exigence d’Héra, tant que l’âme humaine demeurera soumise au dérèglement affectif, le monde continuera à vivre sous le joug de la banalité. Héraclès, le héros prédestiné par l’esprit-Zeus à ordonner la vie, mais exposé par la disgrâce d’Héra à la menace de se banaliser, demeurera assujetti au règne extérieur de la convention banale. Il sera appelé à mener individuellement et anonymement son combat de libération. (Le thème de « l’envoyé de l’esprit » rappelle une symbolisation analogue dans le mythe chrétien. Le héros-vainqueur qui réalisera l’accomplissement ne régnera pas réellement sur le monde. Son règne ne sera pas de ce monde. Il ne sera souverain que sur le plan essentiel. Ordonnateur spirituel de la vie, il sera appelé « la Lumière du monde».)
Devenu adolescent, Héraclès est averti par l’oracle d’Apollon, divinité de la sagesse, qu’il doit se garder de détrôner Eurysthée. Or, la fable précise qu’Héraclès est frappé de cette interdiction à cause de son crime contre Mégare, crime qui est, on le verra, le signe indubitable de son manque de maîtrise de soi. L’oracle d’Apollon, la voix de la sagesse, lui enseigne donc de chercher à dominer non pas le monde mais sa propre faiblesse. Bien qu’Eurysthée soit souverain contre la volonté même de l’esprit, Héraclès, conseillé par le dieu qui préside à l’harmonie des désirs, doit éviter de se laisser entraîner dans des· combats extérieurs qui ne pourront que le détourner de la lutte héroïque contre l’ennemi essentiel : sa propre insuffisance. Tant qu’il combattra plutôt Eurysthée que sa propre imperfection qui l’a exclu du règne, il ne sera lui-même qu’usurpateur. Il n’accomplira pas son destin en dominant le monde, mais en maîtrisant ses désirs.
Héraclès ne se soumet pas d’emblée à ce présage. Une représentation mythique le montre, essayant d’arracher à Apollon son trépied. Le héros ne peut être en conflit avec le dieu delphien, il ne peut vouloir le destituer de l’insigne de sa sagesse prévoyante, qu’en raison de l’oracle le concernant. L’image laisse entrevoir que ce n’est pas sans combat contre la voix de la sagesse (qui, en réalité, parle en lui-même) qu’Héraclès a accepté le conseil apollinien. L’histoire du héros montre qu’il a su renoncer à la tentation dominatrice, et c’est en état de servitude à l’égard d’Eurysthée que le héros accomplira ses travaux, symbole de purification. En vue d’exprimer que le penchant dominateur n’est plus son danger, Héraclès, sous l’aspect de combattant de l’esprit, sera représenté revêtu de la peau du lion vaincu. Tandis que le taureau symbolise la force brutale de la tendance dominatrice, le lion en figure la férocité mais aussi l’allure majestueuse. La peau du lion tué devient significative de la victoire sur la tentation de domination perverse. Cette même signification se trouve exprimée par les attributs d’Héraclès purificateur. L’arme dont il se sert est l’arc apollinien qui envoie les flèches, symbole des rayons solaires. La blessure causée par ses flèches est inguérissable : elles sont trempées dans le sang de l’hydre, monstre tué par Héraclès et qui symbolise, on le verra, un aspect de la banalisation. Mais l’attribut prédominant d’Héraclès est la massue, l’arme qui, maniée par le héros-purificateur, devient l’insigne de l’écrasement de la tendance dominatrice et des monstres qui la figurent.
Il semble qu’il soit devenu parfaitement clair qu’il importe de distinguer deux aspects du symbole “Héraclès” : le héros, fils de Zeus, combattant de l’esprit, et l’homme marqué par la disgrâce d’Héra, menacé de banalisation sous forme de débauche.
Le trait le plus caractéristique du héros ; vainqueur du serpent dès l’enfance, est qu’il n’exalte pas vaniteusement son élan de combativité spirituel et qu’il ne le transforme pas en agressivité extérieure. C’est précisément pour cette raison qu’il sera apte à s’attaquer à sa propre faiblesse initiale et à la surmonter. Assujetti aux conditions imposées par le milieu ambiant (Eurysthée), Héraclès doit accomplir sa libération essentielle et intérieure. Ce qui importe d’après la sagesse de l’oracle, ce n’est pas la révolte contre Eurysthée, mais la réconciliation avec Héra. Les combats mythiques, affrontés par le héros en vue de son propre affranchissement, dépassent de loin cette portée individuelle ; ils possèdent la valeur exemplaire la plus authentique. La situation intrapsychique ainsi mise en relief est une des plus typiques qui soient, bien que le conflit entre l’esprit et le débordement sexuel se passe généralement sur le plan le plus secret de l’exaltation imaginative et ne trouve la plupart du temps que des pseudo-solutions banales et conventionnelles. Le mythe d’Héraclès isole le conflit afin d’en souligner l’ampleur, mais il le lie également par toutes ses ramifications à la constellation psychique entière (déterminée par l’ensemble des pulsions), ce qui permet d’en dégager la solution essentielle. Selon l’intention profonde du mythe, Héraclès est ainsi non seulement un symbole de la libération individuelle ; il devient le héros purificateur par excellence, grâce à sa force exceptionnelle et exemplaire qui lui permet d’exterminer à lui seul plus de fléaux et de monstres (symboles des vices) que n’importe quel autre héros, en accomplissant les travaux imposés, figuration de la difficulté de son combat libérateur.
La narration entremêle les deux aspects du symbole “Héraclès” : le héros purificateur et l’homme défaillant fréquemment victime de sa faiblesse. Afin d’éviter la confusion, il est indispensable de séparer le plus clairement possible ces deux thèmes du mythe et de les envisager l’un après l’autre. Ce n’est qu’ainsi qu’il deviendra possible de comprendre leur fusion finale dans le symbolisme de la victoire.
Les exploits d’Héraclès, illustration de son élan spirituel, indiquent d’une manière symbolique sa lutte inlassable contre les perversités des pulsions corporelles : tyrannie et débauche. Dans tous ces combats symboliques, Héraclès reste vainqueur. Ses défaites, par contre, ne sont racontées qu’en marge de la symbolisation : elles n’ont qu’un caractère épisodique, réel et passager, et ne forment dans le mythe qu’un arrière-plan destiné à illustrer plus spécialement la faiblesse à vaincre. Les victoires symboliques d’Héraclès se trouvent condensées dans des travaux au nombre de douze qui possèdent tous une signification purificatrice.
Héraclès étouffe le Lion de Némée, et il dompte le Taureau de Crète, symboles à signification suffisamment relatée. Il capture vivant le Sanglier d’Erymanthe, symbole clair de la débauche effrénée (porc sauvage), ce qui indique qu’avant son triomphe final sur son imperfection la plus caractéristique, le héros s’est déjà montré, à l’occasion, capable sinon de la « tuer », du moins de la dominer. Héraclès affronte victorieusement les Amazones, symbole représentatif de l’un des deux aspects du choix néfaste qui concerne nécessairement soit la femme trop nerveuse, soit la femme trop banale. Or, les Amazones sont symboliquement caractérisées comme “femmes-tueuses d’homme” : elles veulent se substituer à l’homme, rivaliser avec lui en le combattant au lieu de le compléter. Puisque tout symbolisme se rapporte à la vie de l’âme, l’Amazone, tueuse-d’âme, ne peut être que la femme rivalisant d’une manière malsaine (hystérique) avec la qualité essentielle qui seule intéresse le mythe : l’élan spirituel. Cette rivalité épuise la force essentielle propre à la femme, la qualité d’amante et de mère, la chaleur d’âme. Il est pourtant des femmes dont la force spirituelle dépasse tout naturellement celle de la majorité des hommes. L’exclusivité du choix ne prend de l’importance que chez l’homme ou la femme doués de qualités qui dépassent la norme et qui pour se déployer demandent la complémentarité, et, ce que le mythe stigmatise par le symbole « Amazone » (ce que la femme névrosée réalise), c’est l’absence de la qualité spécifiquement féminine et la prédominance d’une rivalité exaltée, purement imaginative, avec la qualité masculine. Le symbole “Héraclès, vainqueur de la reine des Amazones”, exclut de l’histoire du héros attiré par la banalisation, l’attrait envoûtant d’un type féminin qui est plus généralement le danger des héros sentimentaux.
La plupart des travaux d’Héraclès symbolisent d’une manière plus générale la lutte contre la banalisation.
Héraclès nettoie les écuries d’ Augias, symbole du subconscient. La boue indique la déformation banale. Le héros fait passer le fleuve Alphé au travers d’écuries immondes, ce qui est un symbole de purification ; il emmène les bœufs luisants, symbole de sublimation. Le fleuve est symbole de la vie qui s’écoule, et ses accidents sinueux figurent les événements de la vie courante. Le symbole « fleuve » fait partie du symbolisme de l’eau dont les deux autres aspects sont l’immensité de la mer et le marais stagnant. La boue excrémentielle est une variante du marais. Irriguer l’écurie par le fleuve signifie : purifier l’âme (le subconscient) de la stagnation banale grâce à l’activité vivifiante et sensée, afin de libérer les boeufs luisants, donc pour atteindre la vie sublime. [Il peut être rappelé que l’ensemble du symbolisme de l’eau est plus vaste encore : le soleil (esprit) fait que l’eau de la mer s’évapore : il sublime la vie. Évaporée, l’eau se condense en nuage et retombe sur terre sous forme de pluie fécondatrice. Par l’intermédiaire du soleil, l’ensemble du symbolisme de l’eau se trouve lié à celui du feu sous ses formes significativement correspondantes : illuminante (luisante), utilitaire ou dévorante.]
Héraclès tue l’Hydre de Lerne, serpent à têtes multiples qui repoussent à mesure qu’on les coupe. Les multiples têtes du monstre à corps de serpent figurent les vices multiples (tant sous forme d’aspiration imaginativement exaltée que d’ambition banalement active), vices dans lesquels se “prolonge” le “corps” du pervertissement, la vanité. Vivant dans le marais, l’Hydre est plus spécialement caractérisée comme symbole des vices banaux. Tant que le monstre vit, tant que la vanité n’est pas dominée, les têtes, symbole des vices, repoussent, même si, par une victoire passagère, on parvenait à couper l’une ou l’autre. Pour vaincre le monstre, Héraclès doit au glaive, l’arme de la combativité spirituelle, adjoindre le flambeau qui sert à cautériser les blessures, afin qu’une fois coupées, les têtes ne puissent plus repousser. Le flambeau est symbole de purification sublime.
Le héros s’attaque ensuite à Géryon, géant à trois corps, indice des trois formes de perversité : vanité banale, débauche et domination. Cette même signification se trouve exprimée d’une façon plus explicite par le combat contre Antée. C’est l’Anti-Dieu, l’adversaire de l’esprit, symbole clair de banalisation. Ses forces renaissent chaque fois que, vaincu et trébuchant, il touche la terre. L’image représente les désirs banaux qui, à chaque nouveau contact avec la « terre » (en tant que celle-ci est figurative des jouissances terrestres), s’exaltent imaginativement et récupèrent une nouvelle vigueur de passion et d’activité banale. Le héros vaincra Antée en l’écrasant dans ses bras, alors qu’il le soulève du sol, ce qui est une image de sublimation.
Héraclès tue Diomède, qui jette en pâture à ses chevaux les hommes tombés entre ses mains. Le cheval étant symbole de la perversité, les chevaux mangeurs d’homme figurent la perversité qui dévore l’homme : la banalisation, cause de la mort de l’âme.
Avec ses flèches, symboles de spiritualisation, le héros chasse les Oiseaux du lac Stymphale. Leur vol obscurcit le soleil. Tel le marais, le lac est symbole de stagnation. Les oiseaux qui s’élèvent du lac sont une figuration de l’envol des désirs pervers et multiples. Sortis du subconscient où ils stagnent, entrés en état d’exaltation imaginative, les désirs multiples se mettent à voltiger, et leur affectivité perverse finit par obscurcir l’esprit.
Héraclès, après avoir poursuivi toute une année la Biche aux pieds d’airain, finit par l’attraper vivante. Cet exploit, qui semble le plus facile, lui coûte le plus d’effort et de temps. La biche, tel l’agneau, symbolise la qualité d’âme opposée à l’agressivité dominatrice. Les pieds d’airain, lorsqu’ils sont attribués à la sublimité, figurent la force de l’âme. L’image représente la patience et la difficulté de l’effort à accomplir pour atteindre la finesse et la sensibilité sublime ; et elle indique également que cette sensibilité sublime (biche), bien qu’opposée à la violence, se trouve être d’une vigueur exempte de toute faiblesse sentimentale (pieds d’airain). Cette même signification de difficulté de la sublimation adhère au symbolisme des Pommes d’or des Hespérides. Afin de les trouver, le héros doit aller jusqu’à l’autre bout du monde. La pomme est symbole de la terre, des désirs terrestres, et l’or est le symbole de la sublimation des désirs. Dans sa dernière tâche, Héraclès dompte le Cerbère, le chien-gardien du Tartare. Le symbole a trouvé son explication à l’occasion de la traduction du mythe de Thésée.
Le récit fabuleux des victoires d’Héraclès est complété et contrasté par divers épisodes qui content l’histoire de ses défaillances. Mais le caractère défaillant du héros se trouve, de plus, exprimé par une image symbolique qui recouvre l’ensemble de ses inconduites. Cette compression symbolique représente Héraclès, adversaire séduit par Dionysos. Le héros se laisse entraîner à abuser du vin offert par le dieu-séducteur et lui lance un défi de démontrer lequel des deux, en buvant, résistera le plus longtemps. Vaincu, Héraclès est contraint de suivre un certain temps le cortège de Dionysos, expression symbolique de ses chutes périodiques. Héraclès-buveur et même ivrogne ainsi que le motif plus clair encore, Héraclès outrageant des femmes, sont des sujets fréquents de la représentation artistique. Les images “Héraclès-ivrogne” et “Héraclès-jouisseur” possèdent une signification identique. Le symbole de l’insatiabilité dionysiaque abrite la signification de l’homme débauché. Le vin étant symbole de force d’âme et de vigueur de vie, l’incontinence figure la faiblesse initiale du héros et son incapacité de liaison d’âme et de choix juste.
Symboliquement illustrée par sa défaite devant le dieu-séducteur, l’insatiabilité dionysiaque du héros se réalise par des chutes répétées dont les plus importantes se trouvent résumées par son attitude à l’égard de trois femmes : le crime contre Mégare ; la déchéance dans son aventure avec Omphale ; et l’infidélité à l’égard de Déjanire.
Adolescent, Héraclès épouse Mégare. Héra le frappe de folie furieuse. L’image de la folie « envoyée par Héra » indique que c’est la liaison qui le rend furieux. L’absence du don d’Héra lui fait ressentir tout lien comme une contrainte insupportable, son insatiabilité le rend rebelle à la liaison au point que, dans un accès de fureur, Héraclès détruit le mobilier, incendie la maison et ne recule pas devant le crime abject de tuer ses propres enfants avant d’abandonner sa femme. La nature de l’imperfection du héros, symbolisée par l’inimitié d’Héra, ne pourrait guère trouver une illustration plus saisissante. Toute la vie future d’Héraclès ne sera que l’expiation de ce crime.
Cependant, devenu adulte, dans la force de l’âge, après l’accomplissement de maints travaux purificateurs, déjà revêtu de la peau du lion, insigne de sa combativité victorieuse, Héraclès succombe de nouveau à la tentation, qui, cette fois, pour ne plus être de nature dionysiaque et pour ne plus trouver un dénouement criminel, conduit le héros dans la banalisation sous sa forme la plus plate, voire même ridicule. Héraclès devient esclave d’Omphale. Le mythe montre comment le héros, subjugué par le charme de sa maîtresse, tombe dans la plus odieuse bassesse. L’ascendant que la femme banale prend sur l’esprit d’Héraclès l’avilit à tel point qu’il accepte avec soumission les plus dégradantes brimades. Tandis que, pour se travestir et pour se moquer de son soupirant, Omphale revêt la peau symbolique du lion et s’empare de l’arme héroïque, de la massue, Héraclès, assis à ses pieds et paré d’une robe orientale (ce qui rappelle le bonnet phrygien de Midas) s’essaie à filer la laine tout en supportant avec béatitude les caprices et le mépris de son amante qui s’amuse à le souffleter de sa sandale. [Si l’aventure n’était pas d’un style trop réaliste, on serait tenté d’introduire le symbolisme “pied-âme”. La sandale symboliserait la trivialité de l’âme d’Omphale et les soufflets exprimeraient le sort général infligé par l’âme de la femme banale à l’âme de l’homme qui subit son emprise.] Quoi qu’il en soit, l’image dans son ensemble représente la défaite complète du “disgracié d’Héra” qui sombre dans la débauche écrasante et épuisante.
Héraclès subit l’emprise de maintes autres femmes. Mais toutes ses aventures, sa vie entière, sa faiblesse et sa force se trouvent résumées dans l’épisode final qui rapporte l’amour du héros pour Déjanire. Aussi le mythe abandonne-t-il le mode d’expression à prédominance allégorique qui a pu suffire pour les épisodes précédents. Ayant souligné par le relâchement de sa forme d’expression l’importance accessoire des défaillances passagères, la fabulation mythique dans l’histoire décisive de Déjanire s’élève de nouveau à la précision voilée et à la profondeur significative qui ne sont propres qu’à l’image de nature symbolique et à double entente. L’épisode terminal se trouve être, à un certain égard, le pendant de l’aventure de l’adolescence. Dans les deux cas, Héraclès se lie à la femme de son choix en l’épousant. Le crime contre Mégare est l’illustration la plus parfaite de l’incontinence ; l’amour pour Déjanire sera l’ultime élan vers une libération, déjà préparée par les travaux expiatoires. La liaison avec Déjanire acquiert ainsi dans l’ensemble du mythe une importance dominante : la signification d’une épreuve susceptible de démontrer -par la réussite ou par l’échec- si la force combative du héros est enfin parvenue à surmonter la malédiction qui plane sur son sort, la faiblesse qui a fait de lui l’esclave d’Omphale : l’incontinence, cause de son crime contre Mégare.
Cette portée mythiquement profonde de la liaison terminale, la signification d’une épreuve du héros qui résume toute sa vie, se trouve soulignée par un trait symbolique : pour conquérir Déjanire (la vierge), le héros doit la disputer à Achéloüs. Or, Achéloüs est la personnification d’un fleuve ; il figure donc la vie courante, la vie qui s’écoule : il est le symbole de la vie passée du héros. Rien de plus significatif à cet égard que le fait qu’Achéloüs, au cours du combat, se transforme en serpent et en taureau. Vainqueur de la vanité et de la domination tout au long de sa vie, Héraclès est suffisamment armé pour triompher de l’adversité qui s’oppose à son union avec Déjanire. Mais saura-t-il rester fidèle à lui-même et à sa victoire, c’est-à-dire au choix qui est le sien ? Il est plutôt de mauvais augure qu’ Achéloüs ne soit vaincu que sous la forme du serpent et du taureau.
Et, en effet, le motif du fleuve-obstacle se répète sous une autre forme, révélant clairement le péril qui depuis toujours menace le héros, péril qu’il n’a pas vaincu en Achéloüs (c’est-à-dire : au cours des combats qui marquent sa vie) et qui ne tardera pas à menacer la nouvelle union.
Emmenant Déjanire, Héraclès est obligé de traverser une large rivière. Gagner l’autre rive du fleuve-obstacle est symbole du changement de position essentielle dans la vie, de transformation de l’attitude perverse en attitude sublime. Or, pour traverser le fleuve, Héraclès se fait aider par le Centaure Nessus qui prend Déjanire sur son dos. Toute la situation est déterminée par ce symbole : le Centaure qui apporte son secours à la traversée du fleuve-vie, représente le danger banal qui accompagne le héros à travers toute sa vie. Endommagées, ses forces d’âme ne suffisent pas pour porter à la rive de la sublimité la femme choisie. Mais l’image montre, de plus, que Déjanire, elle aussi, ne peut de ses propres forces traverser l’épreuve symbolique. Elle saura moins encore remplir la tâche sublime, sens de la liaison qui consisterait à soutenir l’âme défaillante du héros par son amour confiant. Portée par la banalité, par Nessus, Déjanire est d’un trait caractérisée comme femme banale. Le choix définitif du héros est faux. Héraclès a su vaincre l’Amazone ; il succombe à la séduction de Déjanire qui se révélera également -mais à sa manière et dans un autre sens- comme une « tueuse-d’âme ».
Le danger qui guette le couple se trouve précisé par le développement de la situation caractérisée par l’aide du Centaure : Nessus s’apprête à violer Déjanire. C’est encore la banalité sous forme de débauche qui menace de souiller la liaison. Héraclès, ayant gagné l’autre rive (symbole de l’accomplissement sublime), se défend contre la traîtrise du Centaure (danger persistant de banalisation) à l’aide de ses flèches, arme de sublimité. Mais cette victoire tardive sur le monstre auquel le héros s’est imprudemment confié au lieu de le combattre ne saura plus définitivement éliminer le péril. Nessus parvient à préparer sa revanche. Il trempe dans son sang une tunique (il la pénètre de l’essence même de la banalité) et l’offre à Déjanire, promettant que, le jour où elle perdrait l’amour de son époux, elle pourrait le reconquérir en lui faisant porter cette robe. Peu confiante à l’égard de sa propre force d’attraction sublime et, partant, à l’égard de la fidélité d’Héraclès, dupe de la promesse de la banalité, Déjanire accepte le présent.
La situation conflictuelle de cette aventure terminale se trouve ainsi clairement exposée : le héros a en partie surmonté sa faiblesse initiale ; il est parvenu au choix exclusif, preuve du désir devenu ardent de se libérer de l’insatiabilité grâce à la limitation libératrice. Mais la symbolisation prend surtout soin de mettre en relief -par tous les détails de l’histoire du Centaure- les trop nombreux traits négatifs dont le désir de libération demeure entaché malgré toute son ampleur. A la faiblesse partiellement persistante du héros correspond celle de Déjanire, qui, à peine sauvée de l’outrage banal, n’hésite pas à accepter le présent funeste, l’emportant tel un talisman. Héraclès et Déjanire (le héros combattant et la vierge à conquérir) se complètent plutôt par les indices de leur faiblesse que par leur force. Ils ne sauront remplir le sens de l’union : l’aimantation mutuelle de l’âme, susceptible de la revigorer. Dépourvue de son sens, l’union ne saura durer.
Le mythe se précipite vers le dénouement. Héraclès subit l’emprise d’une autre femme ; il tombe amoureux de Jole et Déjanire lui envoie la tunique. A peine Héraclès s’en est-il paré, que le venin dont elle est imprégnée commence son oeuvre. Son corps en est pénétré, et sa chair en est brûlée. Il voudrait arracher la robe, mais elle lui reste collée à la peau. La chair symbolise les désirs charnels. La chair brûlée par le venin symbolise les désirs charnels, enflammés et devenus passion (exaltation imaginative). Le sang venimeux du Centaure, caractérisé par sa tentative de viol, est le venin de la débauche. La passion « brûlante » dont Héraclès est victime après avoir revêtu la tunique est donc l’exaltation imaginative de sa perversion sexuelle. La tunique ne peut que transmettre son venin à celui qui la porte et, par là même, augmenter le vice initial d’Héraclès, sa tendance à la banalisation sous forme de débauche. Cet effet sera d’autant plus destructif que “la tunique gardée par Déjanire” est le symbole de l’insuffisance de la liaison. Déjanire, de toute évidence, envoie la tunique en souvenir, espérant qu’elle réveillera les imaginations de regret ; mais le symbole de l’insuffisance de son épouse ne peut qu’aiguiser les souvenirs d’aversions et enflammer davantage l’imagination vicieuse du héros. La confiance que Déjanire a mise dans le cadeau n’est que signe de l’étroitesse banale de son âme et de son esprit. Pénétré plus que jamais du vice, en proie à la passion qui brûle sa chair, à la corruption “qui colle à sa peau”, Héraclès n’abandonnera pas Jole pour revenir à son épouse Déjanire. L’effet est l’inverse de la promesse perfide du Centaure et de l’espoir crédule de Déjanire.
Cependant, l’effet est aussi contraire au désir de revanche du Centaure. Le monstre banal, vaincu par le héros, ne parviendra pas à devenir son vainqueur.
L’image qui montre Héraclès essayant d’arracher la tunique venimeuse représente l’excès du désarroi dans lequel l’a conduit son conflit intérieur. Portée à l’extrême, la situation initiale, le conflit déchirant entre l’insatiabilité de l’élan (le don de Zeus) et l’insatiabilité du vice (la disgrâce d’Héra et, partant, l’emportement dionysiaque), exige une solution, et c’est l’élan qui l’emporte. La menace de la plus lamentable défaite provoque le sursaut victorieux, préparé par toute une vie pleine de combats. Le héros ne veut pas rester enrobé par la banalité. Loin d’être séduisante, l’imagination vicieuse que le souvenir enflamme est aussitôt transformée en élan invincible, en l’appel tourmenteur de l’esprit, en culpabilité envahissante et brûlante. La robe de la banalité collée à sa peau ne parvient qu’à détruire sa “chair”, siège de sa faiblesse. L’âme indomptée du héros se désole de sa déchéance et c’est l’ampleur sans borne de son tourment qui fera surgir l’unique espoir de libération : la désolation le rend clairvoyant à l’égard de sa faute initiale ; elle dresse devant lui le “miroir de vérité”. En lui plus rien ne subsiste que le regret conscient de son imperfection, regret qui remplit son être tout entier. Il ne ressent plus rien que l’horreur de sa contre-nature perverse et banale. L’attrait de la débauche est entièrement détruit et englouti dans cette horreur, dans ce regret sublime. La débauche, symboliquement collée à sa chair, n’est dès lors que tourment, brûlure insupportable. Rien ne peut effacer ce tourment, si ce n’est l’aspiration qui s’enflamme jusqu’à consumer la faiblesse de la chair, l’impureté de l’âme. Seule la morsure brûlante de la perversité, lorsqu’elle est devenue insupportable, peut inspirer l’envie de ne plus reculer devant le feu de purification et d’accomplir le sacrifice sublime de soi.
Comprenant qu’il ne pourra pas se libérer de la malédiction d’Héra, de l’imperfection de son âme, par des victoires passagères mais uniquement· par le sacrifice entier de sa contre-nature perverse, Héraclès est prêt à s’offrir lui-même en holocauste.
Figurant la libération de l’âme par la consomption du corps, le mythe se sert d’une image qui montre Héraclès dressant un bûcher afin de se jeter dans le feu. La flamme du brasier qui monte vers le ciel se trouve opposée au feu de la passion qui dévore l’âme (le feu dévorant a été auparavant représenté parle sang venimeux du Centaure, monstre banal, suivant le symbolisme “sang égale âme” et, partant, “sang venimeux égale âme perverse”). Zeus lui-même lance son éclair pour allumer la flamme purificatrice. Ce n’est pas la foudre punitive ; c’est l’éclair illuminateur. Le sacrifice sublime est accompli à l’aide de Zeus : il est l’oeuvre de l’esprit.
La banalisation étant sur le plan symbolique figurée par “la mort de l’âme” ; la purification suprême de la banalisation se trouve symboliquement exprimée par “l’immortalisation de l’âme”. Suivant la conséquence de l’image, le héros périt dans la flamme ; d’après la signification profonde, il est sauvé. Il survit corporellement, puisque le brasier qui le consume n’a qu’une signification symbolique. Le héros continue à vivre, mais il survit, psychologiquement parlant, dans l’état d’élévation : héros-vainqueur, il a, pour le reste de sa vie, surmonté son imperfection, la malédiction d’Héra, la tentation dionysiaque. Le mythe exprime cet état d’élévation psychique par l’image de l’ascension et de l’entrée dans la “vie éternelle”, symbolisme formé par opposition à “la mort de l’âme” (puisque l’état psychique d’élévation réelle peut être considéré comme inchangeable à partir de la purification et jusqu’à la mort réelle, l’ascension symbolique et l’entrée dans la “vie éternelle” peuvent être rapportées aussi bien à la purification durant la vie qu’à la fin de la vie purifiée). Suivant l’image mythique, Zeus reçoit son fils préféré. Son âme purifiée par le sacrifice sublime, son esprit de combattant indompté, est symboliquement élevé dans les régions olympiennes : Héraclès devient une divinité. Il est dorénavant le représentant idéalisé de la force combative, le symbole de la victoire (et de la difficulté de la victoire) sur l’âme humaine et ses faiblesses. Ainsi, se trouve finalement exclue du symbole “Héraclès” toute l’imperfection qui caractérise son histoire, et, en raison de la signification impérissable de son accomplissement, l’image d’Héraclès-vainqueur demeure préservée de toute altération et de tout vieillissement. Conformément à cette signification d’impérissable, le héros divinisé épouse Hébé, la déesse qui sert le nectar et l’ambroisie aux divinités de l’Olympe, symbole des qualités spirituelles et sublimes. Hébé détient la nourriture qui conserve force et jeunesse aux qualités de l’âme et de l’esprit. Se liant à jamais à la dispensatrice de la force incorruptible ; Héraclès a enfin su accomplir le choix juste, Hébé est fille d’Héra. Le symbolisme indique donc également la réconciliation avec Héra que le héros a glorifié aussi bien par la profondeur de ses tourments que par sa victoire finale. […]
BANALISATION : “Le terme banalisation est actuellement passé dans le langage courant. Banaliser un problème, un fait social, c’est le rendre anodin, lui enlever sa vraie signification, sa dimension réelle. Banaliser le crime ou la torture, c’est en parler sans angoisse ni émotion, comme allant de soi, les considérer comme la norme.
Dans son premier ouvrage, Psychologie de la motivation, publié en 1947, Paul Diel, créateur du terme – il faut le souligner – l’utilise en lui donnant une signification d’une toute autre ampleur. Avant tout, ce concept s’applique à l’homme : la banalisation est un état psychique des plus fréquents et des plus mécompris. Ce qui le caractérise est la perte plus ou moins définitive du désir qui, malgré l’ignorance qu’on en a, s’avère indispensable à la survie sensée de l’individu. C’est le désir d’harmonie intérieure, appelé dans la terminologie diélienne : le désir essentiel.
Car il est essentiel, c’est une évidence, d’ordonner, d’organiser, d’harmoniser la multiplicité des (im)pulsions, des tensions intérieures, des désirs matériels, sexuels et spirituels qui naissent sans discontinuer au cœur de chaque individu. Cette nécessité n’est imposée par personne, si ce n’est par l’exigence intime de trouver la satisfaction, besoin commun à toutes les formes de vie. Les besoins matériels et sexuels sont des valeurs de satisfaction biologiquement justifiées. La fonction de l’esprit harmonisateur est de leur accorder l’importance qu’ils méritent, de les satisfaire dans leur exigence vitale ; mais aussi d’être suffisamment fort pour dissoudre -sublimer- leurs excès en raison de l’exigence naturelle d’harmonie.
Dans la banalisation, les désirs matériels et sexuels de l’individu se trouvent exacerbés, exaltés et faussement justifiés aux dépens du désir essentiel ; ces impulsions primaires ont alors tendance à se multiplier, à se déchaîner, sous forme d’avidité insatiable, d’arrivisme, de course aux titres, aux honneurs, au pouvoir, mais aussi sous forme de déchaînement sexuel pris pour libération du moralisme et de l’embourgeoisement.
La banalisation propose la réalisation sans scrupule des désirs exaltés. Dans cette optique, la libération de tout sentiment authentique de culpabilité devient l’idéal. La banalisation érigée en ” idéal ” est justifiée par des théories pseudo-scientifiques, idéologiques, littéraires ; elle se veut l’expression de la plus grande intensité vitale.” [d’après Jeanine SOLOTAREFF sur LEMONDE.FR]
FIFI, alias Philippe SADZOT, né en 1969, vit et travaille à Liège. Professeur à l’Ecole Supérieure des Arts Saint-Luc de Liège, il y enseigne la bande dessinée et le dessin. Observateur désabusé mais tendre du quotidien, il remplit de récits et d’images les carnets de croquis qui ne le quittent jamais. Ceux-ci deviennent la matière de ses bandes dessinées, publiées dans des fanzines auto-édités ou sous forme d’albums chez divers éditeurs alternatifs, comme Six pieds sous terre ou l’Employé du moi. Sa dernière série en cours s’intitule “Carnets d’un aventurier de l’ordinaire” et paraît chez Coiffeur pour dames.
Les six cases qui composent cette linogravure rappellent le travail de bande dessinée de Fifi. Dans un environnement urbain saturé de voitures, déambulent des passants dont les visages caricaturaux, parfois presque cubistes, sont à la limite de l’humanité, mais dont les expressions détachées, patelines, créent un profond sentiment de normalité. Visages, voitures, façades, toits, bus, ce “Souvenir d’Herstal” est profondément urbain, vignettes saturées ne laissant que peu de respiration.
“Une sculpture hyperréaliste d’un nouveau-né de 5 mètres de long… L’effet est saisissant ! C’est ce que vous pourrez découvrir dès vendredi au musée de la Boverie à Liège avec l’expo “ceci n’est pas un corps“, une exposition consacrée à l’hyperréalisme, ce courant artistique né aux Etats-Unis dans les années 60. L’exposition présente une quarantaine de sculptures de corps à l’apparence parfois plus vraie que nature. Parmi les œuvres, plusieurs artistes internationaux de renom sont représentés comme Duane Hanson, John De Andrea, George Segal, Ron Mueck, Paul McCarthy… Un voyage artistique fascinant coproduit par l’agence Tempora. Cette exposition remarquable fait le tour du monde : après Bilbao, le Mexique, l’Australie et Rotterdam, l’expo “hyperrealism sculpture” ouvre ses portes à Liège.
Résine, bronze, peintures à l’huile et… cheveux humains
Un regard, une ride, un bleu sur la peau… L’illusion du corps humain est souvent bluffante. François Henrard, directeur de projet chez Tempora : “il y a par-dessus le bronze, quelquefois des dizaines de couches de peintures, en général, de la peinture à l’huile avec parfois des ajouts de cheveux, souvent des cheveux humains. On les prend parfois au modèle même pour donner cet aspect hyperréaliste.“
L’artiste new-yorkaise Carole Feuerman a débuté fin des années 70. Elle est célèbre pour ses sculptures hyperréalistes de nageuses. Présente à Liège, elle commente sa technique : “le tissu du maillot est en résine, les gouttes d’eau sont en résine. Le corps, le langage corporel dit tellement de choses. L’hyperréel exprime plus que le réel“.
Intitulé Ave Maria, le salut fasciste de 3 bras tendus hyperréalistes de l’italien Maurizio Cattelan interpelle le spectateur. Loin des cires des musées Tussaud’s, le corps questionne la société. Selon François Henrard, “l’hyperréalisme s’inscrit dans une longue tradition qui commence avec l’art grec. On a toujours représenté le corps humain mais les intentions des anciens grecs, même les intentions des hyperréalistes précurseurs et celles des artistes d’aujourd’hui changent. Et c’est intéressant de voir comment ce même corps — qui lui, a très peu changé – est représenté de manière très différente à chaque fois.” L’exposition est agrémentée de portrait vidéo de plusieurs artistes. Profonde, ludique et accessible, à Liège, l’exposition Hyperrrealism Sculpture. Ceci n’est pas un corps est une grande, très grande exposition qui nous rend un peu plus vivant.” [Lire l’article original d’Erik Dagonnier sur RTBF.BE (20 novembre 2019)]
Avec une sélection d’une quarantaine de sculptures hyperréalistes d’artistes internationaux de premier plan (Paul McCarthy, George Segal, Ron Mueck, Maurizio Cattelan, Berlinde De Bruyckere, Duane Hanson, Carole Feuerman, John De Andrea…), l’exposition “Hyperrealism Sculpture. Ceci n’est pas un corps” rend compte de l’évolution de la figure humaine dans la sculpture de ce courant des années 1970 à nos jours. La sélection met en évidence différents problèmes clés dans l’approche de la représentation du réalisme figuratif afin de souligner la façon dont la vision de notre corps a évolué sans cesse…
Multidisciplinaire, Benoît JACQUES (né en 1958) publie depuis 1989 (dessin, écriture, papier…), dessine pour la presse anglaise et française et développe un travail artistique. Il fonde sa propre maison d’éditions, Benoît Jacques Books. En 2012, il a obtenu le Grand Prix Triennal de littérature de jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’illustration l’a amené à la pratique de la gravure, la linogravure, dans un premier temps et la lithographie comme en témoigne sa collaboration avec Bruno Robbe en 2007. Le bestiaire compte parmi les thèmes de prédilection de son monde imaginaire.
L’œuvre fait partie d’une suite d’estampes sur le thème du bestiaire. Parmi le cheval, la vache, l’oiseau, etc., voici le chat. Le changement d’échelle entre l’animal et l’homme, la différence de couleur et d’aplat (l’animal semble inscrit dans la scène par transparence) nous questionne sur la nature animale (un esprit en nous ? un monstre – au sens d’une étrangeté ?). Ce chat est définitivement différent des objets humains qui l’entourent. Le traitement n’est pas sans rappeler l’art ethnique ou l’art brut.
Pierre HOUCMANT (1953-2019) s’inscrit à 19 ans à l’Institut Supérieur des Beaux-arts Saint-Luc de Liège, où il suit les cours du photographe Hubert Grooteclaes jusqu’en 1974. La photographie commerciale ne le séduit guère. Seule la photographie créative l’attire. Occupé par une série qu’il a nommée “Interversions”, il expose beaucoup à l’étranger. Toutefois, la fréquentation de plasticiens influencés par Marcel Duchamp fait basculer ses intérêts vers des réalisations où le concept prime sur l’émotion. Au début des années 1990, il s’intéresse à l’image du corps qu’il fragmente. Parallèlement, il réalise une série de portraits d’écrivains.
Cette photographie fait partie de la série “Interversions”. Elle présente des portraits de femmes fragmentés, reliés à des éléments plastiques. La poésie de la composition laisse au regardeur le soin d’imaginer une narration ou la rêverie de la contemplation. C’est un tirage argentique sur papier baryté.
Victor VASARELY (1908-1997) est un artiste français d’origine hongroise représentant de l’art optique ou Op Art. De 1928 à 1930, il découvre l’art abstrait et les constructivistes russes avec l’enseignement du Bauhaus de Budapest. À l’ère de la reproductivité technique, il aspire à donner une base strictement scientifique et théorique à son art. En 1944, il tente de concilier les résultats de ses observations systématiques sur les illusions optiques obtenues par un traitement graphique avec sa conception de l’art. Exécutant des variations sur l’abstraction géométrique, il aboutit à ses propres modules optiques qu’il fait breveter. A travers l’application de procédés sériels, l’œuvre d’art doit être reproductible et réalisable dans le plus grand nombre de médiums possibles. (d’après GALERIES-BARTOUX.COM)
Cette œuvre est une sérigraphie proche du travail de Victor Vasarely à la fin des années 40, début des années 50. Le jeu sur les lignes, les masses en noir, blanc et gris évoque très fort “Akka”, une œuvre à la gouache de 1949. A cette époque, Vasarely n’a pas encore investi le champ de l’Op Art pour lequel il produira ses œuvres les plus connues du grand public, très colorées et visuellement proches de l’art numérique.
LES TONTONS RACLEURS est un duo créatif d’artistes sérigraphes. Maud Dallemagne (1982) et Nicolas Belayew (1982), diplômés en arts plastiques de l’Ecole de recherche graphique (Erg — Bruxelles), explorent les possibilités offertes par la sérigraphie en tant qu’outil d’expérimentation. Etablis à Charleroi (et Liège) en Wallonie, ils développent une pratique artistique multidisciplinaire en complicité avec d’autres créateurs et ouvrent cette démarche à la participation du public. Ils sont également actifs dans les domaines du graphisme, de l’illustration et de la peinture en lettre.
Dans cette image, qui s’inscrit dans une série de portraits (voir “Le Montagnard” dans la collection de l’Artothèque), le travail de surimpression d’images et de motifs produit un récit par associations de matières et de couleurs. Entre distance et proximité se forme une narration poétique, dans laquelle même le portrait peut être imaginé comme une couche de surimpression. Le quadrillage, qui fait penser aux grilles de calculs, évoque ici l’esprit ou encore un espace abstrait. Entre plaisir des associations de motifs et intervention riche de sens sur la photographie du portrait, l’interprétation est libre.
Parfois la nuit fait peur. Parce que l’absence de lune accroît son épaisseur, parce que le silence y est différent. Même le parcours le plus familier, le plus anodin, ressemble à une épreuve initiatique. Le square, éclairé d’une hésitante lueur bleutée, est privé de ses occupants habituels : renards et SDF ont renoncé ce soir à faire les poubelles. Au loin, on pourrait entendre les crissements de freins d’un train de nuit sur le plan incliné. Mais seul le silence répond à l’absence. Dès lors, quand une jeune fille dont les mèches blondes s’échappent d’un bonnet de laine s’aventure sur le sentier, on est en droit de craindre le pire. Et on a bien raison. L’ombre jaillit de l’obscurité, le cri étouffé au fond de la gorge épargne le silence. On a peur de la mort mais, au final, le désir du mâle est bien plus redoutable.
Retrouvez-la, inspecteur, retrouvez-la vite. Combien de fois l’ai-je déjà entendue, cette supplique de parents désespérés. Marie est une fille sérieuse, une étudiante appliquée, sans histoires. Mais que savent vraiment les parents de la vie de leurs enfants ? Que savent-ils de cette parcelle d’eux-mêmes qui leur échappe chaque jour un peu plus depuis la naissance. Que connaissent-ils d’ailleurs d’eux-mêmes et l’un de l’autre, ces parents ? Elle empruntait ce chemin tous les jours, depuis des années, et prenait toujours soin de dissimuler ses longs cheveux blonds sous un bonnet ou une capuche afin de ne pas paraître provocante. Comme si le destin avait besoin d’être provoqué. Comme si les causes étaient toujours à ce point évidentes. Quand mon chat est mort, personne n’avait jamais imaginé qu’il puisse être allergique aux souris.
Parfois je voudrais être autre chose qu’un flic qui recherche des enfants disparus. Qui est obligé de fouiller dans la vie des gens, les secrets de famille, les trahisons. Qui découvre encore chaque jour les recoins les plus sombres de l’âme humaine et que l’abjection, comme la bêtise, est probablement sans limite. Personne n’en sort indemne. Même si elles retrouvent leur enfant vivant, les familles y ont perdu en innocence. Et moi, j’ai un problème avec la perte. Ma mère est morte, ma femme m’a quitté. Seuls restent les kilos superflus, mais j’ai trop besoin de bière pour anesthésier mon empathie. “La gendarmerie est un humanisme” écrivait Houellebecq.
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La rouille a tout envahi. L’usine désaffectée, les rails, les wagonnets et jusqu’à l’âme des ouvriers contraints au chômage. Avant, l’air était rendu pestilentiel par le dioxyde de soufre. Aujourd’hui, tout pue la misère. Les devantures des derniers magasins ouverts affichent des enseignes où l’italien le dispute à l’arabe ou au turc, dans une concurrence fraternelle empreinte d’une tristesse délavée. Quand passe une jeune métisse, on se prend à rêver d’ailleurs, du soleil que beaucoup portent encore dans leurs veines et que plus personne ne voit jamais briller. On songe à la mer et l’on regarde ondoyer cette jeunesse aussi loin que porte le regard, c’est-à-dire au bout de la rue. Et, dès qu’elle a tourné au coin, on se résigne. Personne ne voit donc la voiture qui s’arrête, les mains gantées aux gestes rôdés qui embarquent la fille. Personne n’entend la portière qui se referme sur son adolescence.
Nayah après Marie, deux disparitions de mineures à deux semaines d’intervalle. La première blanche, blonde, enlevée dans un quartier résidentiel middle-class. La seconde, métisse, dans la banlieue industrielle. Pas de message aux familles, pas de cadavre retrouvé, aucun point commun apparent. Que puis-je faire avec ça, à quelle espèce de tordu ai-je encore affaire ? Un délinquant sexuel probablement. Dans notre société, la jeunesse nourrit les fantasmes et la misère sexuelle est grande. J’en sais quelque chose, moi qui ne baise plus que des putes depuis des années. Et Cindy, quand on fait la fermeture du bar ensemble.
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Par la fenêtre de mon bureau – oui, mon bureau a une fenêtre, c’est le privilège des chefs – par la fenêtre de mon bureau donc, je regarde la nuit tomber sur la ville. Je me souviens d’une époque où elle était moins laide, moins pauvre, moins dangereuse. Nous passions des nuits entières dans les rues chaudes de la cité sans autre crainte que de ne pas avoir assez à boire et de ne pas trouver de fille pour finir la soirée. Mais ce temps-là est révolu, le monde a irrémédiablement changé. Ou bien est-ce moi qui suis définitivement trop vieux. J’ai soudain l’impression d’être un Batman nostalgique veillant sur une Gotham City de seconde zone. D’ailleurs, puisque je vais quand même passer une nuit blanche sur ce dossier, je descendrais bien chez Fred, le libraire de la rue, à la conversation certes limitée mais sympa. Histoire de faire un stock de boissons énergisantes aux myrtilles – pour bosser, ça marche mieux que la bière. Et je m’achèterais un manga, un hentai plus précisément, un divertissement auquel Fred m’a initié. Mes nuits sont aussi laides que mes jours.
C’était inéluctable, c’est arrivé cinq jours plus tard. Une troisième disparition d’adolescente, une gamine vaguement gothique, certainement paumée. Nasty, un diminutif de Nastassja, au double sens d’un goût douteux. La presse en fait maintenant ses gros titres. Agonisante, elle ne maintient ses tirages qu’en cultivant paranoïa et poujadisme. On vit une époque formidable. Si j’étais cynique, je dirais qu’au moins, avec celle-ci, les parents ne me mettront pas la pression : ils ont disparu bien avant leur fille. Je ne trouve aucune logique aux actes de ce pervers, aucun point commun entre les victimes autre que l’âge et le sexe. Et s’il les choisit au hasard, en fonction de ces seuls critères, alors je sais pertinemment bien que cela peut durer longtemps. J’ai un goût âcre dans la bouche, comme une furieuse envie de bière.
Ma vie est prévisible. C’est parfois inquiétant, souvent rassurant. C’est ce qui faisait dire à mon père que je manquais d’ambition. Là, j’ai fini la soirée au Baile Atha Cliath, enchaînant les chopes jusqu’à la fermeture et bien au-delà encore, avec Cindy. Puis elle m’a ramené chez elle et nous avons baisé avec la frénésie de deux désespérés qui veulent s’assurer qu’ils sont encore en vie. Et c’est quand je commence à être rassuré sur ce plan que mon portable se met à vibrer. Putain, c’est pas vrai ! Je regarde Cindy qui m’offre sa croupe. Je pense qu’elle est assez saoule pour se laisser sodomiser, l’appel attendra demain. Mon père avait tort : je n’ai d’ambition qu’en érection.
Inspecteur, on a retrouvé le sac à dos de la fille sur les lieux de l’enlèvement. Si vous voulez y jeter un coup d’œil, appelez-nous, disait le message des collègues. Pour une fois que je tiens un indice, je ne vais pas le lâcher, c’est sûr. Alors, il contient quoi ce sac noir, orné de têtes de morts et de pentagrammes inversés ? Trois fois rien : du tabac, du papier à cigarette, un sachet d’herbe, un paquet de chewing-gums. Et un manga.
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Alors, ça y est, inspecteur, tu as trouvé ? Eh oui, toutes ces gamines sont passées dans ma boutique, toutes sont venues se fournir en mangas. Toutes celles-là et toutes celles dont tu n’as rien su. Tu n’en reviens pas, tu ne comprends pas, n’est-ce pas, comment ce petit libraire sympa mais un peu limité, que tu regardes avec condescendance, peut être cet assassin qui t’a si longtemps échappé. Viens, je t’attends. Je vais te montrer ma collection : Ayumi et Chikako en train de se caresser mutuellement – c’est Marie dans le rôle d’Ayumi, tu la reconnais ? Hatsuko dans la fameuse scène où elle fait l’amour avec un poulpe – et tu sais quoi, inspecteur, le plus dur, ça a été de trouver le poulpe ! Puis la petite Izumi et son olisbos géant. Et Mana, et Takamya,…
Pour certains, l’art imite la vie. Pour moi, c’est le contraire. Je rends à l’art la place qu’il mérite en transcendant de médiocres existences. Te crois-tu vraiment supérieur à moi, toi qui ne baises que des putes, toi qui as été incapable de retenir ta femme, qui es incapable d’en garder une seule ? Moi, je les conserve. Toutes. Elles sont là avec moi, pour toujours. Tu peux regarder, tu peux toucher, je ne suis pas jaloux. Non, je ne suis pas jaloux parce que je vaux bien mieux que toi et ta petite vie de fonctionnaire. Moi, je vis mes rêves.
Léon WUIDAR (né en 1938) est un artiste multiple : peintre, graveur, dessinateur, illustrateur de livres… Très attiré par l’architecture, persuadé de la complicité entre l’architecte et le plasticien, il réalise de nombreuses intégrations pour divers édifices publics (restaurant universitaire du Sart-Tilman, lambris émaillés au CHU à Liège et dans une crèche à Paris, grille en façade du Centre administratif du MET à Namur…). Si les compositions de Léon Wuidar reposent sur l’ordonnance des formes géométriques, des lignes et des couleurs, leur structure interne est stimulée par une dynamique empruntée aux jeux de mots (le cadavre exquis le passionne), aux jeux de formes (le Tangram chinois, les anciens almanachs sans textes), à la conception d’objets de tradition artisanale. (d’après MUSEEROPS.BE)
Sérigraphie issue d’un recueil collectif intitulé “Sept abstraits construits” rassemblant des estampes de Marcel-Louis Baugniet, Jo Delahaut, Jean-Pierre Husquinet, Jean-Pierre Maury, Victor Noël, Luc Peire et Léon Wuidar (imprimeur et éditeur : Heads & Legs, Liège). Lors de sa parution, en novembre 1987, le recueil complet fut présenté à la Galerie Excentric à Liège dans le cadre d’une exposition intitulée “Constructivistes Belges”. (d’après CENTREDELAGRAVURE.BE)
Née en 1990 à Ploemeur en Bretagne, Laurie-Anne ROMAGNE réside actuellement à Liège. Elle a pratiqué la photographie d’abord de manière autodidacte, puis elle a quitté la France pour la Belgique, afin de réaliser trois années d’études de photographie à l’Ecole supérieure des Arts Saint-Luc à Liège.
Diplômée photographe, elle est aujourd’hui spécialisée dans la photographie d’auteur, et réalise des commandes photographiques diverses aussi bien pour des entreprises que pour des particuliers. Son travail est intimiste, elle nous emmène vers un univers poétique et introspectif. Éclectique, elle pratique le numérique, l’argentique, mais aussi la gomme bichromatée, technique d’impression inventée dans la seconde moitié du XIXe siècle à partir d’un mélange de gomme arabique, d’eau, de pigments et de bichromate de potassium. Composition d’image obtenue par la superposition successive de plusieurs couches colorées exposées, rincées et séchées plusieurs fois, ce procédé minutieux et répétitif, lent et artisanal, débouche sur des résultats à chaque fois uniques, impossibles à reproduire à l’identique, d’une matière granuleuse et d’apparence picturale.
Cette impression photographique est réalisée par la technique de la gomme bichromatée. Cette manière de faire, très délicate, permet un rendu pictural. Ainsi, la nuée d’oiseaux dans le ciel semble réalisée au crayon, tant le grain du papier se donne à voir.
La gomme bichromatée est une technique d’impression photographique inventée au milieu du XIXe siècle. C’est en mélangeant de la gomme arabique, de l’eau, un pigment de couleur (noir, jaune, rouge, etc.) et du bichromate de potassium que l’on obtient la formule nécessaire pour faire apparaître une image. La gomme bichromatée est en définitive une composition d’images, obtenue par la superposition successive de plusieurs couches colorées exposées.
La première étape consiste à étaler la formule bien dosée sur une feuille de papier adaptée, puis de laisser sécher.
Chaque couche de formule appliquée est exposée sous une lampe UV, avec un négatif posé par-dessus, puis dépouillée dans un bac d’eau froide afin que les pigments non fixés se dégagent par eux-mêmes.
Chaque dépouillement s’effectue à la main avec une série d’outils à adapter soi-même (ex. pinceau, brosse douce), ce qui constitue une phrase de création indéniable et d’interprétation, loin du mouvement mécanique et de la reproduction à l’infini.
Il suffit ensuite de laisser sécher le papier, puis de recommencer le procédé. Une gomme est terminée lorsqu’elle est composée de suffisamment de couches colorées pour révéler une image détaillée.
Le moindre détail a son importance (composition de la formule, température de la pièce, distance entre la lampe UV et le papier, température de l’eau, etc.). Ainsi, chaque gomme bichromatée est une création unique, de la même manière qu’une peinture. Il faut compter en moyenne une journée pour réaliser une gomme bichromatée.
Thierry WESEL est né en 1959 à Gemena (Congo-RDC). Après des études en Histoire de l’Art et Archéologie à l’Université de Liège, il réalise plusieurs scénographies pour le Théâtre de la Cornue à Liège de 1987 à 1989. D’autre part, il suit pendant quatre ans le cours de sérigraphie de Fernand FLAUSCH à l’Académie royale des Beaux-Arts de Liège…
“Créateur d’atmosphères étranges, il recompose les architectures existantes par l’emploi de couleurs vives en contraste avec des tons sombres.” [Centre de la gravure]
“Dans La Poétique, Aristote remarque “la poésie est plus philosophique et plus noble que la chronique : la poésie traite du général, la chronique du particulier.” L’art de Thierry Wesel nous parle – avec humour parfois, avec lucidité toujours – du temps qui passe, de ce qu’il transforme, de ce qu’il laisse, de ce qu’on oublie. Un fragment, le commun du quotidien, l’insignifiant, saisi par la sélection du cadrage, altéré par les sortilèges acidulés de la sérigraphie, nous apparaît alors, grâce à lui, dans toute son évidence. [Philippe Delaite]
Cette sérigraphie est imprimée à partir d’une photographie réalisée en banlieue liégeoise. L’artiste met en avant un décor urbain assez banal et terne, les véhicules à l’avant plan semblent tout droit sortis des années 80. Le titre, ou sous-titre, nous renvoie par sa forme à une production télévisuelle.
Temps de lecture : 2minutes > Julie Graziani (dr.)
Novembre 2019. Julie Graziani, éditorialiste française proche de l’extrême-droite fait sensation en intervenant à propos d’une mère divorcée, vivant avec deux enfants et bénéficiant du SMIC [NDLR : Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance, en France] :
Qu’a-t-elle fait pour se retrouver au SMIC, a-t-elle bien travaillé à l’école ou suivi des études ? Et si on est au SMIC, faut peut être pas non plus divorcer dans ces cas là…
D’aucuns évoquent une stratégie de la droite extrême visant à élargir la ‘fenêtre d’Overton‘ (l’étendue des sujets jugés acceptables dans le débat public) afin de banaliser des propos tenus par e.a. le clan Le Pen en France. Pour mieux comprendre…
“[…] c’est le monde de l’information, ou ce qu’il en reste, qui s’est twitterisé, comme si Twitter devenait le mode normal de commentaire de l’actualité, non pas uniquement en raison de la forme brève, mais pour la dimension arbitraire et subjective qui permet l’énonciation de tous les avis.
Cette évolution marque l’avènement du troisième âge du commentaire d’actualité. Il y eut jadis à l’époque des fondateurs, un régime de certitude où l’on avait la sensation de dire des choses scientifiques sur la réalité sociale, une certitude qui est progressivement partie en lambeaux. Puis on est passé à un régime d’opinion, où les idéologies, les valeurs avaient droit de cité. Mais là aussi ce régime-là s’est fait la malle. Voilà l’avènement du régime de l’avis ! J’ai un avis, un avis lié à ma subjectivité, ce qui me traverse l’esprit au moment où je vous parle — “les smicards ne devraient pas divorcer”, “les policiers devraient tirer sur les jeunes violents”, “c’est ce que je pense et voilà tout” — le régime de l’avis emporte tout, ce que je pense du divorce, des violences urbaines, des voyages spatiaux. […]” [FRANCECULTURE.FR : écouter ici l’émission de Guillaume Erner, datée du 6 novembre 2019…]
Rencontre exceptionnelle avec François GEMENNE, à l’occasion de la parution de l’Atlas de l’Anthropocène, aux éditions Presses de Sciences Po. Voici le premier atlas réunissant l’ensemble des données scientifiques sur la crise écologique de notre temps. Co-auteur de cet Atlas avec Aleksandar Rankovic (préface de Jan Zalasiewicz et postface de Bruno Latour), François Gemenne viendra nous parler de la transformation majeure que notre époque doit affronter : changement climatique, érosion de la biodiversité, évolution démographique, urbanisation, pollution atmosphérique, détérioration des sols, catastrophes naturelles, accidents industriels, crises sanitaires, mobilisations sociales, sommets internationaux, méga feux de forêts (Amazonie, Sibérie)…
François Gemenne est chercheur du FNRS à l’Université de Liège, où il dirige l’Observatoire Hugo, centre de recherche qui étudie les mouvements de population causés par les dégradations de l’environnement. Membre du GIEC, il est spécialiste des questions de géopolitique de l’environnement, qu’il enseigne à Sciences Po et à l’Université libre de Bruxelles.
La rencontre sera animée par Laura Beuker, chargée de projets à la Maison des Sciences de l’Homme de l’Université de Liège.
Premier abstrait géométrique en Belgique après 1945, Jo DELAHAUT (1911-1992) rejoint aussi, par l’absolue contention formelle de son œuvre, la nouvelle peinture américaine des années soixante (courant hard edge). Après des cours de dessin à l’Académie des Beaux-Arts de Liège (1928-1934), il est licencié en histoire de l’art de l’Université de Liège (1935) et docteur en 1939 (“Le néo-classicisme en Belgique”). En 1954, il signe avec Bury, Elno et Séaux le manifeste du Spatialisme : la couleur doit émerger du plan pour imprégner l’espace même de la vie. (d’après Brayer, Marie-Ange, in BALAT.KIKIRPA.BE)
Sérigraphie issue d’un recueil collectif intitulé “Sept abstraits construits” rassemblant des estampes de Marcel-Louis Baugniet, Jo Delahaut, Jean-Pierre Husquinet, Jean-Pierre Maury, Victor Noël, Luc Peire et Léon Wuidar (imprimeur et éditeur : Heads & Legs, Liège). Lors de sa parution, en novembre 1987, le recueil complet fut présenté à la Galerie Excentric à Liège dans le cadre d’une exposition intitulée “Constructivistes Belges”. Cette contribution de Jo Delahaut illustre bien le travail sur les formes et les couleurs de l’artiste, magnifié par les aplats impeccables permis par la sérigraphie. (d’après Centre de la Gravure et de l’Image imprimée)
Dès le début de sa carrière, Jacques CHARLIER s’inscrit dans les grands mouvements des années 1960, dont le Pop Art. Avec Marcel Broodthaers, il fréquente les galeries belges les plus en vue, imprégnées d’art minimal et conceptuel. Dès 1975, Charlier continue sa carrière seul. Il interroge et remet en question avec humour le système de l’art. Il s’approprie tous les médias : la peinture, la photographie, l’écriture, la BD, la chanson, l’installation. Il se met en scène en personnage flamboyant et joue avec les codes de la publicité et des médias. (d’après MAC-S.BE)
Cette affiche met en scène une pin-up habillée en écolière arborant un pinceau et une palette de couleurs, qui pose fièrement devant son tableau. L’image se présente comme une caricature de publicité. Elle est réalisée en 2003 pour une exposition à la Neuer Aachener Kunstverein à Aachen. The Belgian Effect, “l’effet belge”, c’est celui provoqué par cette mise en abyme ironique d’une authentique peinture de Jacques Charlier représentant … Jean-Claude Van Damme et intitulée “Be aware”, slogan du célèbre acteur. La photographie a été réalisée par Laurence Charlier.
Eline Van Dam alias ZELOOT, est une illustratrice hollandaise, née en 1974. Elle étudie la peinture à l’école d’art de La Haye avant de tout lâcher pour aller travailler dans une ferme. En découvrant l’univers des comics et de la bande dessinée US, elle se remet à dessiner des affiches, des posters de concerts et des tee-shirts. (d’après LEZILUS.FR)
Cette image fait partie du premier portfolio édité par Ding Dong Paper (collectif d’éditeurs liégeois constitué de François Godin et Damien Aresta). Cette composition, présentant un personnage féminin déformé, est typique du travail de Zeloot : coloré, ludique, dynamique et basé sur la déformation, le motif et la répétition.
Patrick CORILLON (né à Knokke en 1959) vit et travaille à Paris et à Liège. Il suit les cours de l’Institut des Hautes Études en Arts plastiques à Paris et reçoit le prix de la Jeune peinture belge en 1988. Artiste reconnu internationalement, il expose notamment à la Documenta IX (Kassel, Allemagne) en 1992. Son travail a été montré dans des institutions telles que la Tate Gallery, le Centre Georges Pompidou, le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, la Fondation Gulbenkian à Lisbonne, le Musée du Grand Hornu, etc. (d’après CORILLON.NET)
Cette planche présente un jeu de cartes avant découpe. Ce travail fait partie d’une série de trois jeux commandés par la galerie liégeoise Les Drapiers à trois artistes issus de trois générations différentes : Léon Wuidar, Patrick Corillon et Benjamin Monti.
“Un manuscrit vieux de 1000 ans relatant les bienfaits de la phytothérapie (médecine par les plantes) vient d’être mis en ligne par la Bibliothèque Nationale du Royaume-Uni.
Une mine d’or pour les adeptes de la phytothérapie, qui a soigné et soigne encore certains maux de la manière la plus naturelle qu’il soit et ce, depuis des siècles ! Contrairement à l’homéopathie qui a été déclarée inefficace par la Haute Autorité de la Santé (FR), la phytothérapie est bel et bien reconnue par tous, comme une alternative à la médecine classique. De nombreux médicaments issus de laboratoires sont d’ailleurs à base de plantes !
Le manuscrit est écrit en vieil anglais, et il faut être au moins anglophone voire historien pour en déchiffrer les secrets ! Il est en fait une traduction d’un guide du IVème siècle écrit par un herbier, Pseudo-Apulée. Ce livre indique l’utilisation des plantes dans un cadre médical pour les humains et pour les animaux. Des annotations ajoutées au fil des siècles (XIème au XVIème siècle) viennent également étoffer les connaissances acquises au cours du temps.
La médecine par les plantes a longtemps été la seule médecine utilisée pour soigner (et guérir) l’être humain. La médecine classique utilisant des procédés chimiques qui n’étaient pas connus il y a 1000 ans évidemment. Les remèdes naturels étaient donc concoctés par les « sages » des villages et administrés comme seul et unique médicament.
Toutes les parties des plantes peuvent être utilisées (feuilles, racines) et de plusieurs manières (tisanes, cataplasmes ou absorption), […], il faut cependant veiller à un dosage précis et connaître scrupuleusement les effets secondaires que certaines plantes pourraient provoquer. Certaines plantes sont même mortelles, il ne faut donc pas jouer au petit sorcier sans s’aider de livres sérieux ou consulter un phytothérapeute, spécialisé dans ce domaine.
Attention cependant, nous ne faisons pas ici, l’apologie de la phytothérapie prétextant qu’elle peut soigner tous les maux et toutes les maladies mais elle permet une alternative aux petits tracas quotidiens : romarin contre les maux de tête, radis noir pour les maux intestinaux, arnica contre les ecchymoses ou hamamélis pour soulager les brûlures par exemple. Certaines maladies ne seront jamais soignées par les plantes mais celles-ci peuvent soulager les maux adjacents et apporter un certain confort aux malades.
Aujourd’hui, l’avènement du bio, le retour aux remèdes naturels, aux emballages zéro déchet ajoutés à la prise de conscience des populations face à une pollution grandissante pourrait faire revenir la phytothérapie sur le devant de la scène !” [NEOZONE.ORG, article du 18 juillet 2019]
Mandragore (Ms cod vind 93, XIIIe)
“L’Herbarius du pseudo-Apulée est un herbier illustré rédigé en latin probablement au IVe siècle et attribué très tôt à un auteur nommé Apulée. Il a connu une large diffusion au Moyen Âge puisque nous avons gardé une soixantaine de manuscrits qui comportent l’herbier en totalité ou en fragments. Autour de 1481 parut sa première édition, ce qui en fit le tout premier herbier totalement illustré imprimé. Pourtant, il reste assez méconnu et nous avons encore beaucoup d’incertitudes sur son auteur, son origine et sa composition.” Pour en savoir plus, consulter le doctorat de Mylène Pradel-Baquerre (Université Paul-Valéry – Montpellier, FR)…
Un jour, la Terre
A inventé l’Amour
En embrassant le Feu.
Son ventre mouillé d’Eau,
Elle l’a confié au Ciel
Pour qu’il forge chaque jour,
Le matin de nous deux,
L’eau mariée de nos yeux,
Le feu sauvage de nos ventres,
La terre confiante sous nos pas
Et le vent qui nous porte.
Brigitte CORBISIER, née en 1946, est diplômée de l’Académie royale des Beaux-Arts de la Ville de Liège, est graveur et plus récemment auteur d’animations vidéo où elle met en scène des gravures et croquis animés. Incisant le zinc, creusant le plexiglas, la pointe sèche est son instrument de prédilection, parfois combinée à l’aquatinte ou encore à la linogravure. Inspirée par la nature, et essentiellement la terre, c’est son jardin au quotidien qui s’illustre par étape dans ses œuvres.
Brigitte Corbisier dessine un flux graphique mêlant des motifs organiques (caracoles) et aquatiques, du texte (“Les caracoles ne caracolent pas, elles glissent entre deux eaux”), des matières et des couleurs. Les mots du texte poétique et les images s’entrelacent et se répondent dans un va-et-vient sémantique et graphique.
Carl Havelange est historien, photographe, maître de recherches au FNRS et enseignant en histoire culturelle à l’Université de Liège. Il s’intéresse tout particulièrement à l’histoire du regard et des cultures visuelles. Il est notamment l’auteur de “De l’oeil et du monde, une histoire du regard au seuil de la modernité” (Fayard, 1998). Désormais il travaille plus électivement, par le texte et par l’image, sur la question du portrait et ne cesse d’explorer les moyens d’une expression sensible où “arts” et “sciences” puissent pleinement s’accorder. (d’après LES IMPRESSIONS NOUVELLES.COM)
L’auteur dit du paysage qu’il “est le monde que le regard organise, un espace de projection ou peut-être d’imprégnation, zone franche, territoire d’indétermination où l’esprit bascule, un paysage est toujours silencieux, il est d’une éblouissante blancheur. Un paysage est l’endroit de la disparition, le théâtre d’anciennes opérations dont on voudrait garder la mémoire. On ne sait jamais pourquoi il inspire une telle tristesse ou alors une telle jubilation, un paysage n’existe pas.” (“Démesures du paysage”, Yellow Now, 2012)
“La foire d’octobre de Liège bat son plein. Sur le champ de foire, il y en a pour tous les goûts. Si vous n’êtes pas friands d’attractions vous vous rabattrez certainement sur la nourriture. Parmi les différents mets proposé peut-être que vous craquerez pour une spécialité liégeoise bien connue : le lacquemant.
Le lacquemant, une star de la Foire de Liège.
Certains les aiment mous, d’autres les préfèrent plus croquants ou encore avec beaucoup de sirop. Dans tous les cas le lacquemant est l’une des stars de la foire de Liège. Les forains les vendent comme des petits pains.
Le lacquemant, plus d’un siècle d’histoire.
Le lacquemant plaît aux Liégeois. Aujourd’hui présenté comme une spécialité culinaire de la région le lacquemant a pourtant été créé à Anvers… il y a plus d’un siècle. Le lacquemant a été créé en 1903 par Désiré Smidts, aussi connu sous le nom de Désiré de Lille. Il crée la recette de la gaufrette alors qu’il travaille pour Berthe Lacquemant à Anvers. Désiré Smidts donne à sa création le nom de son employeuse. Lorsqu’il revient à Liège, Désiré Smidts invente un sirop pour son Lacquemant. La gaufrette du lacquemant s’inspire de la gaufre fourrée lilloise. Celle-ci s’accompagne du sirop qui fait le goût si spécial du lacquemant. Une recette qui est toujours bien gardée aujourd’hui.
Le lacquemant, plusieurs déclinaisons
Avec le temps la recette a évolué et chaque forain propose des variations diverses. L’orthographe de la pâtisserie varie également avec plusieurs versions qui cohabitent entre les différents stands. Mais une seule orthographe a été retenue par le dictionnaire Larousse en 2009. Dans tous les cas -qu’il s’écrive avec un cq ou avec un k– ce n’est pas ça qui fait le goût du lacquemant. Un mets sucré qui peut s’apprécier chaud ou froid et qui a une saveur toute particulière en octobre…”
“Né durant un été de l’année 1996 au Congo, de deux parents d’origine burundaise, Bakari est l’aîné d’une famille de deux enfants. Arrivé en Belgique à l’âge de 7 ans, il est tout de suite baigné dans la musique grâce à ses parents qui laissent tourner les CD de Bob Marley et Koffi Olomidé dans leur modeste appartement.
C’est à l’âge de 10 ans que Bakari tombe littéralement amoureux du rap en découvrant le morceau N°10 du rappeur Booba. Il joue alors le morceau à longueur de journée, plus tard, il devient fan d’artistes tels que 50 Cent, Nas, ou encore T.I. qu’il écoute en boucle.
J’ai tout écouté. Du rap, du blues, de la pop, du R’n’B, de la variété française et même du rock. Petit, j’ai été bercé par la rumba et autres musiques d’Afrique Centrale qui tournaient en boucle à la maison. J’ai découvert le rap un peu plus tard avec 50 Cent.
Il commence à gribouiller ses premiers textes à l’âge de 14 ans et rentre en studio un an plus tard sans jamais prendre la musique au sérieux. Ce n’est qu’en 2015, et bien des morceaux plus tard, qu’il commence à prendre la musique au sérieux, encouragé par ses amis d’enfance. Durant l’été 2014, il donne une performance assez énergique lors de la première partie du rappeur Gandhi (aujourd’hui G.A.N). C’est à la fin de cette scène qu’il eut la révélation et qu’il se dit pour la première fois que c’est ce qu’il veut faire de sa vie.
En 2016, le jeune artiste décide de former le duo Nü Pi avec le rappeur liégeois Obeeone. Cependant, après plusieurs morceaux en ligne ainsi que plusieurs scènes, Bakari ressent le besoin de retourner seul en studio et de retrouver la fougue qui le caractérisait et qui faisait qu’il était tant apprécié.
Tapi dans l’ombre et n’ayant d’autre compagnon que son inspiration et sa musicalité, il s’est ensuite isolé pour préparer son come-back à l’abri des regards.” [d’après MYCOURTCIRCUIT.BE]
En 2019, il sort Mélodie dont le clip officiel est réalisé par Adrien Döminique Cronet, qui avait déjà réalisé la vidéo de lancement de quatremille.be…
“Début du XXe siècle : la campagne contre la gestion de l’État indépendant du Congo sous le roi des Belges Léopold II bat son plein. Partie d’Angleterre, elle s’étend à l’Europe continentale et aux États-Unis. En France, Charles Péguy prend position. En Angleterre, Conan Doyle dénonce les conditions réservées aux indigènes dans la récolte du caoutchouc. Aux Etats-Unis, Mark Twain est sollicité pour écrire un pamphlet. Ce sera, en 1905, Le soliloque du roi Léopold (King Leopold’s Soliloquy), dans lequel le grand humoriste met en scène un monarque monologuant contre ses critiques et sur sa mission civilisatrice. Cette charge virulente et baroque est, depuis, devenue un classique de la littérature anticolonialiste.
Adaptée au théâtre par Jean-Pierre Orban et la Compagnie Point Zéro, elle a connu un succès considérable en 2005 en Belgique et provoqué un nouveau débat sur les débuts de la colonisation du Congo ex-belge. Elle est ici précédée d’un avant-propos de l’historien Benoît Verhaegen et accompagnée d’une introduction qui resitue le Soliloque dans l’œuvre de Mark Twain et décrit le mouvement international ayant poussé Léopold II à céder le Congo à la Belgique.
Un maître des lettres américaines
Connu en Europe pour Les Aventures de Tom Sawyer adapté pour les enfants, Mark Twain est l’auteur d’une œuvre immense : récits autobiographiques et de voyage, essais, contes et romans tels que Les Aventures de Huckleberry Finn d’où “toute la littérature moderne découle” selon Hemingway. Aujourd’hui, on découvre de plus en plus ses textes politiques où, sans se départir de son humour, il s’attaque notamment aux tentations impérialistes tant de l’Europe que des Etats-Unis.” [d’après EDITIONS-HARMATTAN.FR]
ISBN 2-7475-6175-5
TWAIN Mark, Le Soliloque du roi Léopold (Paris : L’Harmattan, 2004 ; avant-propos de Benoît Verhaegen ; traduction et introduction de Jean-Pierre Orban)
Extrait : “Le roi est à mille lieues du monde ordinaire. Et du haut de sa grandeur, que voit-il ? Des multitudes d’êtres humains dociles courber le dos et se soumettre au joug, aux exactions d’une douzaine d’autres êtres humains qui ne sont ni supérieurs ni meilleurs qu’eux-mêmes, qui sont, en somme, pétris dans la même argile… La race humaine !“
“A travers une sélection de 120 planches originales et une scénographie immersive, le Piconrue -Musée de la Grande Ardenne dévoilera, dès le 12 octobre, l’univers singulier du dessinateur et raconteur d’histoires Jean-Claude Servais.
Amoureux de la Gaume et de l’Ardenne, Servais nous transporte dans son univers où se côtoient réel et fantastique. Son coup de crayon sensible et précis révèle son attachement à la terre, à la faune et à la flore, à la vie simple loin de la fièvre du monde civilisé, à l’imaginaire et aux mystères de la forêt et surtout à la femme, qu’il croque sous les traits d’héroïnes libres, rebelles et sensuelles…
Servais s’impose comme un artiste incontournable dès les années 80′ avec La Tchalette, Tendre Violette, Isabelle… Après 40 ans de carrière et autant d’albums à succès, tant en Belgique qu’à l’étranger, il est considéré comme l’un des auteurs majeurs du 9e art belge et est devenu un véritable symbole dans sa région.” [PICONRUE.BE]
“Ce week-end du 25, 26 et 27 octobre 2019 se déroulera la seconde édition du Parcours d’Artistes de Sainte-Walburge. Le parcours débutera par le vernissage de l’exposition témoin le vendredi 25 octobre à 18h30 au Théâtre le Moderne et à la Galerie Photographique Ouvertures. L’exposition témoin permettra de découvrir une oeuvre de chacun des artistes participants et ainsi de programmer les visites chez ceux qui les touchent le plus. Lors de ce parcours, vous pourrez découvrir le talent de 46 artistes, peintres, photographes, sculpteurs, scénaristes, illustrateurs, plasticiens, céramistes, qui exposeront leurs œuvres dans 23 lieux répartis dans le périmètre du quartier. Les artistes présents : Sophie Bernard, Marc Bernard dit “Ptit Marc”, Héloïse Berns, Alexia Bertholet, Christiane Bours, Vincent Brichet, Laurence Brose, David Bruce On Rocks, Vanessa Cao, Françoise Ceyssens, Sophie Conradt, Cécile Cornerotte, Marcel Coulon, Pierre Daubit, Nathalie De Corte, Lloyd Dos Santos Dias, Michel Dusard, Anne Feller, Hélène Fontaine, Cathy Ganty, David Geron, Sophie Giet, Olivier Gonzato, Valérie Henrotay, Bénédicte Henry, Ludivine Herrmann, Eva Herrmann Brose, Halinka Jakubowska, Ania Janiga, Raoul Jasselette, Sarah Joveneau, Raphaël Kirkove, Raymond Klein, Mélody Lambert, Lilla Lazzari, Miryam Lebrun, Christine Lejeune, Nicole Meubus, Janine Moons, Nathalie Pieters, Thierry Salmon, José Sterkendries, Friede Voet, Pascale Werres, Bénédicte Wesel (illustrée ci-dessus), Arlette Wintgens, Go JeuneJean.
Informations pratiques : le parcours chez les artistes et l’exposition témoin au Théâtre le Moderne (rue Sainte-Walburge, 1 – 4000 Liège) seront accessibles les samedi et dimanche de 14h à 18h. Une carte reprenant les différents lieux d’exposition sera à votre disposition au Théâtre, chez les artistes et sur la page Facebook de l’événement.”
Lire l’article original sur CULTURELIEGE.BE (article du 19 septembre 2019)