Cet exposé propose une introduction à la thérapie diélienne, associant principes et déroulement concret. La différence fondamentale entre cette psychanalyse introspective méthodique et toutes les autres appellations psychanalytiques est mise en exergue : le refoulement pathogène est actuel, et concerne l’avertissement surconscient des limites individuelles, la coulpe vitale.
Pourquoi entreprendre une thérapie?
De nos jours, dans nos sociétés occidentales, depuis Freud, l’idée que l’insatisfaction intime, l’absence de ce paradis terrestre que nous croyions nous être dû, puisse trouver un soulagement auprès d’un “psy” est bien établie. Les troubles de l’humeur, de la personnalité, du comportement, de l’adaptation, manifestés par un individu, déclenchent chez son entourage dérangé une pression pour qu’il “consulte”. Dans certains milieux intellectuels, ne pas être engagé dans un “travail sur soi” est même devenu une marque de banalité, voire d’arriération, qu’il convient d’éviter à tout prix.
S’il y a bien des motifs conventionnels, et bien des motifs exaltés, pour chercher une telle assistance, il y aussi des motifs authentiques : authentiques car la désorientation actuelle est grande, et les souffrances qu’entraîne cette dernière bien réelles, multiformes et omniprésentes.
Il y a un profond progrès évolutif en principe, dans la confiance accordée à une science du psychisme, supposée sous-tendre les conseils du praticien, comparée à la confiance accordée naguère au prêtre de sa religion de naissance, porte-parole et interprète d’un dogme. Mais quel “psycho-praticien” choisir parmi l’offre foisonnante ? Et ce foisonnement d’écoles n’est-il pas le signe, le symptôme patent de l’absence d’une science unificatrice?
On s’en remettra aux recommandations d’un parent ou ami (le bouche à oreille) peut-être, au hasard le plus souvent (je vais là parce que le cabinet est situé commodément pour moi). On se fiera à la réputation, et si on en a les moyens financiers, on acceptera de la payer très cher, dans une naïve survalorisation matérialiste.
Et l’on continuera de traîner son mal de vivre et son angoisse, le psy contemporain n’ayant ni plus ni moins d’efficacité que le prêtre d’autrefois ou d’aujourd’hui en son confessionnal : en partie soulageant selon le degré de bon sens qu’aura su conserver le gourou de notre choix, mais le plus souvent aggravant, car psys et prêtres sont des catégories particulièrement exposées à la perte du bon sens.
Qu’est ce qui différencie la thérapie diélienne de toutes les autres ?
Elle est une psychanalyse, car voyant dans le refoulement la cause dynamique de l’angoisse pathologique, conformément à l’intuition fondatrice de Freud, elle cherche le soulagement libérateur dans une analyse des profondeurs extra-conscientes de la psyché, le travail de défoulement.
Elle se distingue de toutes les formes de psychanalyse qui ont rapidement divergé à partir du freudisme originel, en définissant que ce qui est pathologiquement refoulé de manière dynamique n’est ni le souvenir d’un traumatisme accidentel, ni des désirs sexuels ou matériels socialement inavouables, mais la vérité sur soi et sur les conditions de l’existence.
Diel a nommé coulpe vitale ou culpabilité essentielle la lucidité de l’individu à l’égard de ses propres limites et du sens de la vie. Il a identifié une instance extra-consciente inspiratrice en chacun de sa relative lucidité, qu’il a appelée surconscient, et dont il a montré la nécessité vitale. Le surconscient-guide est en effet l’analogue évolué de l’instinct animal. Le refoulement de la coulpe vitale crée le subconscient, instance caractérisée par les ambivalences de la valorisation. C’est le processus pathogène fondamental : en abrégé, c’est la vanité dans sa signification profonde (le vide).
La psyché, la vie psychique, notre monde intérieur, notre intentionnalité, est constituée de l’ensemble de nos désirs retenus et valorisés, en attente de leur satisfaction, devenus ainsi les motifs de notre comportement (de nos actions futures). Chacun de nos motifs est un centre énergétique qui se situe dans le “cadre pulsionnel”, c’est à dire une réponse à l’incitation nutritive élargie (matérialité), propagative élargie (sexualité), ou orientatrice élargie (spiritualité). La psyché est libre d’angoisse dans la mesure où ces trois pulsions à fondement biologique peuvent être satisfaites en harmonie, c’est à dire sans préjudice de l’une sur l’autre. Cet état n’est possible que dans la mesure où les motifs eux-mêmes sont harmonisés.
Il en résulte que notre activité psychique essentielle consiste en une constante délibération : si notre intellect conscient est la forme d’imagination représentative tournée vers le monde extérieur, par laquelle nous délibérons pour surmonter les obstacles que ce dernier oppose à la satisfaction de nos désirs, un plan de délibération plus profond nous est indispensable pour trier les motifs, les revaloriser, les dissoudre ou les renforcer, de sorte à re-concentrer notre énergie intentionnelle vers les promesses de satisfaction les plus valables. Cette délibération profonde organisatrice de notre intentionnalité constitue l’activité valorisatrice de l’esprit. Elle définit ce qu’est l’esprit humain.
Toute psychanalyse invite implicitement à observer notre vie intérieure, autrement dit à une introspection. Diel reconnaissait à Freud un grand talent introspectif, car comment le psychologue peut-il deviner ce qui se passe dans le for intérieur d’autrui, sinon par projection de ce qu’il trouve dans sa propre délibération ? L’erreur de Freud a été de dogmatiser jusqu’à l’absurde sa théorie pansexuelle.
Diel a “élevé l’introspection au rang d’une méthode” pour reprendre l’appréciation d’Einstein. C’est cette méthode introspective qui engendre la technique analytique diélienne : grâce à elle, l’introspection peut éviter en principe le danger de la morbidité subjective, et atteindre l’objectivité assainissante.
Cette méthode, Diel l’a construite de définition en définition, ce qui est tout à fait caractéristique de la démarche scientifique qui découvre peu à peu les contenus de son champ de recherche, et comprend la nécessité de les cerner le plus précisément et concisément possible, en termes d’un langage conceptuel communicable et par là transmissible. Les contenus sont dans ce cas ceux de notre monde intérieur, les éléments de notre incessante délibération. Diel a pu d’autant mieux découvrir simultanément les articulations légales entre ces éléments, les lois du fonctionnement psychique, qu’il pouvait s’appuyer sur des définitions claires. Toutes ces découvertes de Diel ont été le fruit de son introspection systématique, mais aussi le fait d’un génie scientifique extraordinairement puissant.
Ainsi, en thérapie diélienne, le patient est assez tôt invité à reconnaître ce qui meuble son monde intérieur, grâce au puissant éclairage de cette terminologie, et à comprendre peu à peu les rouages, les tenants et les aboutissants, qui déterminent son “humeur” fluctuante entre profondeurs de l’angoisse et sommets de la joie.
La thérapie ne consiste pas en l’administration d’une “pilule” magique assortie d’exercices quasi-rituels, ni en la recherche d’un hypothétique “abréaction” des traumatismes enfouis. La thérapie consiste à apporter au patient le moyen expérimental théoriquement bien établi, de l’assainissement progressif de sa délibération profonde. Le dialogue entre le thérapeute et son apprenti est un combat contre les résistances subconscientes qui s’opposent au défoulement de la coulpe vitale, et l’adhésion peu à peu renforcée par l’expérience répétée du profond soulagement éprouvé à ce défoulement responsable. C’est une véritable ré-éducation de l’esprit, le plus souvent au long cours, visant l’autonomie dans l’auto-contrôle introspectif.
L’acquis psychologique devient peu à peu une seconde nature positive qui s’exprime spontanément dans les circonstances de la vie, sans que le travail conscient d’analyse et dissolution des faux-motifs n’ait plus à s’interposer entre excitation et réaction. Par contre, cet acquis s’est forgé peu à peu à travers ce travail analytique supervisé par le thérapeute. Il est encore définissable comme une capacité développée à trouver la solution juste au calcul de satisfaction. Il accroît la satisfaction essentielle, satisfaction de l’élan avec la solution du grand calcul, en y subordonnant sans la négliger la satisfaction accidentelle, solution du petit calcul.
La thérapie diélienne conduit effectivement vers la santé psychique, terrain le plus favorable au maintien de la santé somatique. Mais il ne s’agit pas d’un état statique : d’une part chacun doit faire face quotidiennement au flux des circonstances accidentelles qui s’opposent à sa quiétude; d’autre part, notre psychisme recherche l’intensité, l’éveil intensif, solution juste à l’inquiétude fondamentale devant la mort. La santé psychique se fonde dans l’acceptation du combat difficile inhérent à la vie, laquelle nous met au défi d’harmoniser les excitations comme les incitations.
Nous acceptons ce combat d’autant mieux que nous mesurons notre force, c’est à dire que nous défoulons notre coulpe vitale (que nous diminuons notre vanité). Nous constatons alors que nos forces se développent dans cette même mesure (l’exercice développe la musculature et sa coordination, le fonctionnement crée l’organisation). Nous récupérons l’énergie précédemment bloquée dans la tâche exaltée, et nous re-concentrons celle que nous avions dispersée dans la banalisation. Notre pulsion spirituelle se satisfait réellement dans cette supervision régulatrice de nos pulsions matérielle et sexuelle.
La joie de vivre est la récompense de ce déploiement de notre élan. C’est un état d’âme détaché des circonstances heureuses ou malheureuses, fondé dans l’auto-estime pour notre accomplissement de la tâche vitale. Cet état d’âme n’est jamais établi une fois pour toutes, mais plus nous l’avons goûté, plus nous le regretterons : notre assurance-vie (essentielle) c’est la méthode acquise, car ce fil d’Ariane nous guidera à nouveau vers le défoulement de notre coulpe vitale.
Le déroulement d’une séance
Idéalement, chaque séance devrait se solder pour le patient par un sentiment de soulagement relatif. C’est l’expérience répétée de ce soulagement qui peu à peu confortera l’adhésion et débordera la résistance. La cause angoissante actuelle étant un faux motif refoulant et refoulé, ce soulagement résulte de la sublimation de l’exaltation qui entretient ce faux motif, rectification du calcul de satisfaction du patient rendue possible par sa compréhension des explications de l’analyste, c’est à dire le travail commun de spiritualisation.
La première séance consacre nécessairement une bonne partie du temps à l’information du thérapeute sur la biographie du patient, et à l’indispensable initiation du patient à la méthode (le choc de surprise préconisé par Diel). Mais cette séance comme les suivantes entrera dans “le vif du sujet” avec l’écoute de la plainte dominante du patient au moment présent.
C’est là le “matériau brut”, subjectif, sur lequel peut travailler l’analyste, et qu’il cherchera à préciser en conduisant un interrogatoire qui a pour but de démêler réalité et interprétation dans le récit des situations intriquées, contraintes ou provocations réellement subies, et fausses réactions typiques.
Dans un deuxième temps, l’analyste proposera à son patient une révision plus objective de la situation irritante et/ou angoissante, en faisant la part de la responsabilité de ce dernier dans la dramatisation, l’amplification affective de sa réaction. Il y réussira en s’appuyant sur sa connaissance longuement éprouvée des lois du fonctionnement psychique, et en particulier du cadre catégoriel de la fausse motivation : l’analyste doit maîtriser le calcul psychologique pour arriver à expliquer séance après séance à l’analysé comment les errements subconscients de son calcul de satisfaction déterminent les états dont il souffre.
En effet, l’affectivité du patient s’exprime nécessairement selon l’un des quatre pôles ambivalents de la décomposition de sa valorisation de lui-même et de son ambiance : sur-valorisation vaniteuse et dévalorisation coupable de lui-même, dévalorisation accusatrice et survalorisation sentimentale de l’autre, de l’ambiance. “L’essentiel n’est pas ce qui nous arrive, mais la façon dont nous le vivons” répétait Diel. Le but de l’analyste est donc d’attirer l’attention introspective du patient sur l’essentiel de sa réaction, quand ce dernier est conforté par toutes les conventions à rester fixé sur les circonstances accidentelles, et à l’interprétation affective qu’il se croit justifié à en faire.
Le combat est souvent difficile à mener pour gagner la réceptivité du patient : c’est là que l’analyste doit puiser toute sa force de conviction dans l’expérience du bien qu’il a pu se faire lui-même en défoulant sa coulpe vitale, en attaquant et en diminuant sa propre vanité. Comme Diel l’a formulé : “Quiconque voudrait s’arroger la compétence [de thérapeute] sans cette sincérité, sans l’effort d’auto-objectivation, serait vitalement puni pour son manque de sentiment de responsabilité, il serait tenu pour responsable par la vie.”
L’analyse complète des faux-motifs ayant envenimé la situation du patient, met en effet en évidence la déficience essentielle de ce dernier. Pour que la culpabilité essentielle réveillée ne s’exalte pas, pour que Méduse ne pétrifie pas d’angoisse l’introspecteur novice, les explications doivent jouer le rôle du miroir de la vérité, et à ce titre inlassablement montrer le lien légal entre vanité et culpabilité exaltée, entre l’euphorie de l’exaltation imaginative sur soi, et les affres elles aussi imaginatives du désespoir envers soi.
La parade la plus efficace à ce risque d’effondrement coupable en séance est la chaleur d’âme du thérapeute, fondée dans la certitude que c’est le côté le plus authentique du patient qui l’a conduit à entreprendre l’aventure de l’analyse, dans l’espoir de surmonter ce mal-être vital qui l’accompagne depuis l’enfance, parce qu’il est depuis l’enfance perturbé par sa vanité. Fondée également dans le souvenir de ses propres affres, surmontées en connaissance de cause, ce qui est le véritable sentiment de compassion.
Mais l’erreur capitale à éviter par le thérapeute est d’entrer dans une relation sentimentale avec son patient, échange secret, subconscient, de flatteries, qui se renversera immanquablement en déception mutuelle haineuse : ce renversement ambivalent de motifs vaniteusement falsifiés, est la véritable cause du phénomène que la psychanalyse conventionnelle a appelé “contre-transfert”.
Chaque séance consiste donc pour une part à démontrer ainsi “sur le terrain”, au patient, par l’analyse au moyen du calcul psychologique, des situations vécues, l’intérêt fondamental qu’il y a à diminuer ses évasions vaniteuses et leurs fausses justifications, car c’est la clé du soulagement de ses angoisses coupables, le chemin unique de la reconstruction d’une estime de soi pondérée.
Mais un temps suffisant doit aussi être consacré à la traduction d’un ou plusieurs rêves du patient, selon la productivité de ce dernier. En effet, d’une part le rêve contient pour le thérapeute une information directe sur l’état de la délibération extra-consciente du patient, qui lui permet d’apprécier les progrès ou les reculs de l’acquis, d’anticiper les rechutes, mais aussi les franchissements d’étapes. D’autre part le patient se retrouvant deviné en profondeur, y reçoit chaque fois une démonstration de la puissance de pénétration de la méthode, et un contact émouvant avec son moi essentiel, partagé entre séductions de la vanité, et appels de l’élan, résistance et adhésion, négatif et positif.
La traduction des rêves : principe et exemple
La traduction méthodique des rêves, une des plus grandes découvertes de Diel, est l’un des aspects les plus originaux et captivants de la thérapie diélienne: elle donne un accès direct, pour qui se laisse émouvoir, au sentiment du mystère de la vie et de son sens immanent. Rappelons en brièvement le principe : le rêve est une fonction vitale pour notre psychisme qui ne peut se ressourcer, se ré-harmoniser, sans assimiler, “digérer” les excitations apportés par la vie diurne, mais aussi valoriser ses propres incitations pour arriver à sélectionner ses réactions. Les neurophysiologues ont montré que le rêve intervient durant les phases de sommeil appelé “paradoxal” car alors que tous les autres paramètres physiologiques caractérisent l’endormissement le plus profond, l’encéphalogramme indique une intense activité corticale. Les sujets réveillés systématiquement pendant ces phases, ne tardent pas à présenter des troubles de l’humeur.
Diel a postulé que le rêve est une poursuite de la constante délibération diurne mi-consciente de l’individu à la recherche de sa satisfaction : de l’accalmie non seulement par rapport aux excitations accidentelles, mais encore de l’inquiétude vitale essentielle. Pendant le sommeil profond, la motricité est complètement inhibée, de même que les perceptions sensorielles. L’être est entièrement retranché dans son monde intérieur. Sa délibération se poursuit dans le mode archaïque du langage symbolique : il la met en scène avec les décors, les objets, les personnages du monde extérieur qu’il a intériorisés. De cette pièce de théâtre il est le héros, et tous les acteurs à la fois. Le scénariste est le moi extra-conscient tour à tour subconscient ou surconscient, selon que l’emporte la tendance innée au refoulement vaniteux de la coulpe vitale (le “péché originel de la nature humaine“) ou l’appel non moins inné de l’élan vital à l’élucidation.
Au réveil, nous gardons un souvenir plus ou moins fugitif de ces aventures nocturnes, de ces mythes individuels selon l’expression de Diel, et nous pouvons en restituer un récit tout comme si nous l’avions réellement vécu dans le monde extérieur. Ce récit énigmatique a de tout temps fasciné l’homme, défié son esprit avide d’explications. Aux époques pré-scientifiques le rêve était considéré comme un message des dieux, indiquant au rêveur comment s’orienter face aux circonstances de sa vie. La croyance en un caractère prémonitoire du rêve est tardive, plutôt caractéristique de la décadence post-mythique, et son angoisse nerveuse ou banale devant l’avenir. Freud inaugura l’approche scientifique du rêve avec son intuition que ce dernier reflète les conflits intrapsychiques inconscients. Il considère l’interprétation des rêves comme “la voie royale vers l’inconscient”. Mais sa méthode associative laisse une trop grande place à l’arbitraire, et notamment il l’assujettira entièrement à sa théorie pansexuellle. Ses suiveurs continuent cette laborieuse gymnastique, ou bien le plus souvent abandonnent l’ambition de comprendre le rêve.
Diel assoit quant-à lui une méthode de traduction, et non plus d’interprétation, en comprenant que le langage symbolique est le mode primitif d’expression du psychisme humain, évolutivement antérieur au langage conceptuel. Ce langage est commun aux mythes, rêves collectifs fondateurs des cultures, aux rêves individuels, et finalement aux symptômes psychopathiques caractéristiques de la gamme des états individuels involués, régressés à force de refoulement. Diel munit sa méthode de critères très rigoureux, et notamment celui de la signification universelle et intemporelle d’un symbole authentique, de sorte qu’une fois dégagée cette signification “archétypale”, elle reste la même dans n’importe quel mythe ou rêve (pied > âme ; serpent > vanité…) . Une image symbolique est formée par un emprunt analogique au monde extérieur, pour exprimer un élément du dynamisme intra-psychique.
La traduction méthodique commence par une définition de l’objet extérieur et de sa fonction, au plan de la réalité. Cette définition permet d’induire la signification au plan symbolique. Le plan linguistique apporte souvent une nuance complémentaire, et permet généralement de confirmer la transposition symbolique. L’examen des images sur les trois plans permet en principe d’extraire toute l’information contenue dans le rêve, ce témoignage introspectif extraconscient du rêveur à l’usage de lui-même. La méthode diélienne de traduction scrute le récit image après image, phrase après phrase. En effet, ce récit exprime le fil de la délibération du sujet, fluctuant en général entre erreur et vérité, exaltation aveuglante et spiritualisation-sublimation, résistance et adhésion enfin, dans le cas d’un psychisme exposé aux propositions de la vérité scientifique sur le fonctionnement psychique et le sens de la vie. Le fonctionnement psychique est un incessant calcul de satisfaction. Les inconnues de ce calcul largement dérobé au contrôle conscient peuvent être reconstituées avec certitude grâce au calcul psychologique. C’est aussi le calcul psychologique qui fournit le guide sûr de la traduction des rêves. L’exemple suivant en donnera un aperçu.
Exemple de traduction
Femme, 72 ans, début d’analyse. Dépressive : “Je suis au bord de la mer. Je marche le long de la plage. Il y a devant moi un homme et une femme que je connais.”
Sur le plan de la réalité, l’étendue et la profondeur de la mer ne sont pas perceptibles. La mer est donc symbole de la vie dont l’origine et la finalité nous dépassent, dont nous ne pouvons sonder la profondeur. La rêveuse est mise par l’analyse devant la proposition d’approfondissement, c’est à dire de prendre connaissance de ses motivations extra-conscientes. Mais elle est au bord de cet approfondissement : elle n’a pas pour l’instant embarqué pour le “voyage d’Ulysse”, ou plongé dans l’exploration sous-marine, l’exploration de son subconscient. Elle “ne se mouille pas”, se contentant de marcher le long de la plage, comme en promenade sur le plan de la réalité. La plage est une étendue sablonneuse, limite de la terre ferme, périodiquement couverte par la marée, battue par les vagues, dénuée de végétation. Elle symbolise le sablonneux des désirs multiples et par là inféconds, caractérisant l’état de banalisation auquel elle se cantonne (relativement à l’exigence de son élan). La rêveuse reste ainsi partagée entre la proposition d’approfondissement et la relative sécurité douillette de son état actuel. Pourtant, elle suit un couple : symboliquement le couple mythique esprit (l’homme) – matière (la femme). Ce couple elle le connaît surconsciemment, elle le connaît aussi consciemment et conceptuellement en tant qu’elle est exposée par son analyse à la théorie du fonctionnement psychique. Percevoir ce couple devant elle, la devançant, marchant devant, est donc l’expression symbolique d’un début d’adhésion aux explications proposées qui pourraient la guider dans la vie.
“La mer a un aspect insolite et menaçant. Je vois venir au loin un énorme vague noire qui s’enroule et retombe. Elle s’élève très haute. J’ai peur.”
Sur le plan de la réalité, la mer peut en effet devenir menaçante sous l’effet d’une tempête, ou en propageant un raz de marée. Mais à ce stade de sa délibération la rêveuse commence à s’angoisser devant son propre monde intérieur, angoisse qu’elle projette sur la vie entière. Le phénomène qu’elle décrit est illogique, car même l’onde solitaire d’un tsunami n’est pas noire : c’est son propre “vague à l’âme” , le vague de ses imaginations exaltées qui l’assaille en angoisse coupable. Sur le plan linguistique cette vague est “énorme”, hors-normes, car elle déborde ses valorisations conventionnelles. La couleur noire symbolise la perversion. L’enroulement évoque le serpent, symbole constant de la vanité. C’est la pseudo-élévation qui retombe de haut en elle : l’image symbolise le renversement de ses supériorités imaginatives en culpabilité exaltée selon la loi d’ambivalence. L’image condense ainsi l’accès d’angoisse dépressive, d’angoisse sans nom, sans cause extérieure.
“Tout à coup le couple se précipite dans l’eau au secours de quelqu’un qui se noie et que je n’avais pas aperçu.”
En réalité, dans une telle situation il serait peu probable que les deux partenaires d’un couple se portent simultanément au secours d’un tiers en danger : l’image exprime donc le caractère indissociable de ce couple esprit/matière et théorie/expérience qui figure son adhésion confiante en la psychologie. Comme tous les personnages du rêve, celui qui se noie représente un aspect d’elle-même, son élan, qui menace de sombrer dans les profondeurs subconscientes, d’être englouti par cette vague d’angoisse : il reste anonyme pour elle (quelqu’un), et inaperçu. Le problème n’était pas monté au niveau conscient, jusqu’à l’intervention des valorisations salvatrices de la psychologie, qui semble la surprendre, la réveiller de son auto-hypnose angoissée.
“J’hésite à aller les assister mais ils sortent le noyé sur la plage.”
Sur le plan de la réalité cette hésitation révèle un manque de courage, une sorte de frilosité égocentrique. Sur le plan symbolique, c’est toute son hésitation devant l’invite de l’analyse à se prendre en charge, à se responsabiliser devant la menace essentielle de mort de l’élan: elle voudrait bien que l’analyste armé de la théorie et de l’expérience la tire d’affaire, comme si elle s’adressait passivement à un médecin, mais elle hésite à nouveau à “se mouiller”. Et pourtant sa culpabilité essentielle lui indique bien ce qu’elle aurait à faire, c’est à dire collaborer activement avec l’analyste. Le rêve se termine cependant sur un soulagement puisque l’image implique que le noyé a été sorti de l’eau, avec un “mais” d’opposition qui suggère que malgré son hésitation le sauvetage est accompli. Sorti sur la plage, c’est encore un “noyé” qu’il faut encore probablement ranimer.
Ce sera tout le travail ultérieur de cette très longue analyse, par laquelle cette patiente parviendra à une réelle autonomie pour surmonter dynamiquement par l’introspection méthodique sa tendance dépressive chronique, dont elle souffrait depuis le début de l’âge adulte, s’étant laissé écraser par une mère abusive et très conventionnelle.
Le travail personnel : bonne pratique et écueils
Chez certains, l’analyse répond à une demande ponctuelle, un état angoissé causé par une perte momentanée de leur bon sens naturel, sous l’influence des conventions ambiantes, ou d’une menace extérieure pour leur base matérielle ou sexuelle. Un nombre relativement réduit de séances suffira à contre-valoriser les faux-motifs sous-tendant cette désorientation, et rétablir une combativité autonome, sans plus d’approfondissement.
Mais chez le nerveux ou le névrosé, qui n’ont pas eu le bon sens en partage, le travail à investir pour véritablement acquérir l’autonomie introspective est bien plus considérable. Il est au moins comparable à celui que l’on consent couramment pour acquérir une spécialisation professionnelle. En sus des séances régulières d’analyse, au delà des premiers mois généralement nécessaires à un relatif soulagement et le cas échéant à une réadaptation extérieure, il sera préconisé à ces patients l’ouverture d’un cahier d’auto- analyse, et d’y consacrer un temps de travail “quotidien” qui deviendra, si certains écueils sont évités, synonyme d’un profond plaisir de ressourcement.
C’est cette pratique du cahier d’exercices qui développera véritablement chez ceux qui en comprennent l’importance, l’acquisition de “l’esprit du calcul psychologique”, tout comme la résolution de nombreux exercices reste le seul moyen authentique de maîtriser les disciplines scientifiques comme les mathématiques ou la physique.
Les exercices introspectifs sont les mêmes que ceux qu’orchestre le thérapeute en séance. Ils consistent en la remémoration puis l’analyse des impondérables: vexations, irritations, ruminations accusatrices, angoisses d’opinion, sentiments d’infériorité, euphories, obsessions… La méthode d’analyse est le calcul psychologique, qui revient à resituer ces ressentiments persistants dans le cadre des quatre catégories, et à discerner leurs transformations fluctuantes de l’un à l’autre de chacun des pôles.
Le calcul psychologique bien mené nous fournit ainsi chaque fois une nouvelle preuve du refoulement agissant de notre coulpe vitale, et rétablissant notre objectivité nous incite à cesser de nous justifier faussement. Loin d’un ressassement stéréotypé, c’est en réalité à chaque fois une redécouverte surprenante des subtilités et de la légalité de notre fausse motivation. Ce grand calcul nous permet de nous représenter clairement le prix que nous payons à continuer de caresser imaginativement de fausses promesses de satisfaction, et de découvrir le soulagement résultant de leur abandon : il est le cheminement de spiritualisation préparatoire à la sublimation, laquelle rétablit l’harmonie intime (accord avec soi et l’ambiance, acceptation de l’inchangeable et regain d’énergie pour changer le changeable).
L’écueil principal à éviter est de faire de ce travail personnel une poursuite perfectionniste. L’introspection redevient alors morbide. Le motif central en est la tâche exaltée principielle, la tâche exaltée de perfection, devenue tâche exaltée de psychologie. Le thérapeute y sera particulièrement attentif, tout en acceptant que cette mécompréhension soit presque inévitable.
En effet, comme Diel l’a clairement indiqué, le nerveux confronté à la formulation du sens de la vie mais restant insuffisamment conscient de l’emprise de sa tâche exaltée d’incarner l’idéal, sacrifie plus ou moins rapidement ses tâches exaltées secondaires (artistique, politique, religieuse, altruiste…) mais “condense” sa tâche exaltée sur le travail analytique. Ce faisant il en souffre plus intensément encore, d’une part, et d’autre part, se coupant du soutien des conventions régnantes par l’estime conventionnelle qu’il pouvait auparavant en espérer, il facilite la tâche de contre-valorisation au thérapeute.
Ce dernier s’attachera patiemment à rectifier la pratique introspective de son patient en revenant toujours sur le motif juste pour s’analyser (se libérer des ruminations, de la culpabilité exaltée, retrouver sa bonne humeur), et sur la règle d’or qui consiste à ne chercher les faux-motifs que devant des illogismes.
Ainsi, déconseiller l’auto-analyse au patient de crainte qu’il ne s’exalte serait une erreur profonde du thérapeute, qui risque fort de faire tourner court la thérapie: si la vanité vexée du patient en porterait probablement une part de responsabilité, c’est une fausse- justification trop facile pour le thérapeute, qui aurait alors en vérité dénié au patient son espoir le plus profond, celui de racheter son échec vital passé par le redéploiement de son élan.
C’est là une gestion très délicate, car dans les phases initiales de l’analyse, ou des phases de rechute, l’exaltation à “extirper” la vanité peut en effet prendre des proportions alarmantes, et une “diète” au moins temporaire du travail personnel peut s’imposer. Mais les séances devront en prendre le relais avec d’autant plus d’intensité, visant prioritairement à déraciner la culpabilité exaltée du patient et la surtension vaniteuse ambivalente. Le contrôle régulier du cahier personnel, et la correction amicale mais sans complaisance des auto-analyses constituent bien évidemment le moyen de surveillance et de prévention de telles exaltations, tout comme le moyen naturel du suivi des progrès.
Puisque ne s’adressent à la psychanalyse introspective que presque exclusivement des nerveux et des névrosés, et que leur guérison est synonyme de prise de conscience et abandon de leur tâche exaltée, il faut considérer cette phase de fixation de la tâche exaltée sur le travail analytique comme une étape nécessaire à franchir. Le calcul psychologique judicieusement employé en tirera parti, même si le degré de vanité du patient retarde la maturation durablement libératrice.
Tout comme ce premier écueil est déterminé par le pôle coupable (culpabilité exaltée) du cadre catégoriel, les autres écueils prévisibles par le calcul psychologique ressortent des trois autres catégories : ce sont les risques de voir l’introspection insuffisamment méthodique et authentique dévier vers une euphorisation en supériorité vaniteuse, vers une interprétativité accusatrice, ou vers de bonnes intentions sentimentales…
Un écueil fréquemment introduit par la vanité de l’intellectuel est par exemple l’analyse formelle : il s’agit alors de montrer à l’analyste que l’on maîtrise la théorie et le calcul psychologique. Ces analyses donnent une impression de pertinence et de cohérence psychologique. Mais ce pseudo-introspecteur n’est pas sincère. Il donne le change. Ces personnes généralement sont plus promptes à analyser les autres, leur entourage, et en fait à manipuler envers eux le scalpel de la psychologie, qu’à se faire un bien authentique. Toutefois, si elles produisent des rêves, ces faux-motifs seront révélés. L’absence de rêves prolongée sera comme toujours l’indice d’une résistance qui alertera le thérapeute.
Ce cahier est donc en principe un outil très utile pour la conduite des séances, le thérapeute venant alors évaluer l’auto-analyse et la corriger si nécessaire: c’est évidemment nécessaire au début, et de moins en moins à mesure que l’acquis se consolide.
Les phases de l’analyse
Une analyse passe généralement par des “hauts et des bas”, une alternance d’élévations et de chutes : mais pour prendre une image mathématique, une analyse bien menée, avec un parient réceptif, se traduira pour ce dernier par une “courbe d’état d’âme” ressemblant à un “sinusoïde amortie” dont la valeur médiane tendrait à croître continûment avec le temps, tandis que la période d’oscillation diminuerait. Autrement dit, avec les progrès de l’analyse l’exaltation se greffera moins sur l’enthousiasme et donc ne s’égarera plus dans des “hauts” vertigineux, tandis que les désespoirs ambivalents à de telles exaltations et leur succédant forcément seront de moins en moins profonds et durables à mesure que la technique d’élucidation et contre-valorisation s’affine. Le psychisme de plus en plus libéré des exaltations nerveuses et banales devient une “demeure” de plus en plus agréable à vivre.
Le tableau qui suit est schématique et ne doit pas être pris à la lettre. Chaque thérapie se déroulera en réalité selon une séquence spécifique, dépendant de la constellation du patient, de son âge, des conditions extérieures, des accidents de sa vie…. Pourtant, un tel schéma de référence garde un sens, car il est dans ses grandes lignes déterminé par la légalité du fonctionnement psychique. En ce sens, le connaître présente une utilité pour les thérapeutes comme pour les patients.
Ces derniers sont bien sûr les premiers concernés par les progrès de leur thérapie: ils le sont de tout leur être, conscient et extra-conscient. En témoignent ce que l’on appelle les “rêves de bilan” qui émaillent le cours de toute thérapie diélienne. Du reste, c’est la traduction des rêves qui fournit le “baromètre psychologique” le plus sûr à travers toute une thérapie.
La rencontre avec les conceptions théoriques et les valorisations concrètes de la psychanalyse introspective est un choc profond pour quiconque. La vanité peut arc-bouter, créant toutes sortes de réactions de fuite et leurs fausses-justifications. Mais si l’élan emporte, surtout au point de s’engager dans la thérapie, c’est porté par l’espoir responsable : l’individu entrevoit l’ampleur de sa faute essentielle, et donc la possibilité de surmonter une souffrance qui dépend avant tout de lui-même. Ce choc d’espérance induit ainsi un état initial d’élévation.
Mais les idéologies conventionnelles, spiritualistes ou matérialistes, règnent sur la psyché du débutant bien plus qu’il ne veut l’admettre : elle induiront une première vague de résistance, et donc une chute dans des doutes angoissés. Le travail analytique s’attachera alors à démontrer les erreurs de ces conventions, et toutes leurs conséquences insatisfaisantes. Si l’adhésion l’emporte, le patient éprouvera un regain d’élan, une nouvelle phase d’élévation.
Cependant, la tâche exaltée est profondément ancrée dans la constellation du nerveux. Comme déjà évoqué, s’il a déjà suffisamment évolué pour désinvestir dans les promesses fallacieuses de la politique, des religions ou de la scène artistique (les tâches exaltées secondaires), il devra généralement traverser cette phase assez longue dans laquelle sa tâche exaltée principielle (devenir un saint) se reconstitue et s’intensifie en tâche exaltée de psychologie: les obsessions coupables, les symptômes, les accès de déchaînement banalisant vont se présenter comme échappatoires subconscients à l’imposition écrasante elle aussi subconsciente d’incarner l’idéal de lucidité et de sublimité. C’est une rechute.
Mais la souffrance coupable s’intensifie tant, et l’intervention thérapeutique s’y attache avec une telle précision, que le poids absurde de la tâche exaltée devient plus conscient, et le patient commence à la dissoudre plus authentiquement : c’est à nouveau une élévation, et cette fois sur un plan plus profond et durable.
Le nerveux relativement libéré de la tâche exaltée d’esprit et de l’ascétisme prend goût à la réalisation de ses désirs matériels et sexuels naturels. Mais le désir de rattraper le temps perdu peu s’exalter au point que ces désirs terrestres en viennent peu à peu à occuper tout le “terrain” car les véritables satisfactions de la spiritualisation-sublimation sont encore mal conçues. Le sujet se disperse dans une chute banale.
Le regret de l’harmonie perdue, ou une difficulté accidentelle, ou la traduction des rêves si l’analyse se poursuit, réveillent à nouveau l’élan du patient, qui se reprend dans un effort de re-concentration de ses sentiments, et de limitation de ses désirs terrestres pour mieux les intensifier. Il revient à une phase d’élévation.
Sa délibération s’oriente de plus en plus vers la réussite intérieure, limitant l’investissement dans la réussite extérieure au juste nécessaire pour maintenir le niveau d’aisance matérielle jugé suffisant. Les avantages de la limitation à cet égard en termes de temps et liberté gagnés deviennent plus clairs. Sa vie d’esprit réactivée lui permet de voir la vie plus largement et profondément. Éventuellement, Il reconstruit ou amplifie sélectivement sa culture, non plus pour en faire étalage ou assurer sa supériorité sur les autres, mais pour mieux asseoir sa nouvelle maturité, nourrir sa capacité à valoriser juste et à ressentir profondément.
L’autonomie méthodique étant acquise, la personne poursuit son harmonisation à travers les inévitables accidents de sa vie… Le regret de l’harmonie perdue activera chaque fois que nécessaire l’analyse consciente des faux motifs, qui se seront manifestés par une symptomatique désormais bien connue : l’hygiène intérieure active et consciemment délibérée est devenue un motif central.
Le vieillissement et l’approche de la fin de vie exigeront toujours plus de force d’acceptation : jusqu’au bout de la route la thérapie réussie nous aura armés pour le combat essentiel qui vise à toujours retrouver la joie de vivre, à éprouver toujours mieux le sens de la vie.
La durée de l’analyse
L’intensification des résistances, soutenues par toutes les conventions déterminent malheureusement souvent une fuite prématurée. L’angoisse d’abandonner la tâche exaltée , la béquille, pseudo-adaptation vitale du nerveux ou névrosé l’emporte.
Pour ce qui est de l’analyse qui réussit, la durée est très variable selon l’individu et sa demande : quelques semaines ou mois s’il s’agit seulement de rétablir l’orientation perturbée chez un être de bon sens, quelques années chez un nerveux pour se libérer de la tâche exaltée, se réadapter socialement et au plan familial, et acquérir une autonomie de l’auto-contrôle, a priori plus longtemps chez un névrosé.
L’analyse d’approfondissement pour qui envisage d’aider autrui, si tant est qu’il ou elle en a le goût et le talent psychologique, demande au moins d’accéder au stade de dissolution de la tâche exaltée, et une maîtrise avérée de la traduction des rêves. Cependant, la supervision par un analyste plus expérimenté reste indispensable.
Conclusion
Dans le cadre limité de cette présentation je n’ai pu bien sûr traiter mon sujet de manière exhaustive. Par exemple, j’ai très peu évoqué la variété des symptômes névrotiques. Ce n’est pas qu’ils n’aient pas à être pris au sérieux par le thérapeute : au contraire le calcul psychologique permet à ce dernier d’en comprendre la signification symbolique et de diagnostiquer avec précision les faux-motifs qui les entretiennent. Mais Diel a montré qu’il n’est pas nécessaire de les attaquer “de front” sachant qu’ils disparaîtront à mesure que le calcul de satisfaction du patient s’assainit. La démonstration expérimentale répétée de la justesse de la théorie est la voie la plus sûre d’induire cet assainissement.
Après l’oeuvre fondatrice, puis les contributions de Jeanine Solotareff [2], Il reste bien des livres à écrire pour documenter d’un point de vue diélien la variété des pathologies individuelles, leur évolution favorable grâce à la thérapie, ainsi que les erreurs à éviter : espérons que les générations futures de thérapeutes diéliens, y pourvoiront. Soyons confiant qu’un jour, la méthode sera tellement comprise et universellement pratiquée qu’il ne sera même plus nécessaire de préciser “diélien” ou “introspectif“. Les dinosaures ont bien disparu…
Une conférence de Hervé TOULHOAT,
Association de Psychanalyse Introspective, API
Bibliographie
- Paul Diel, Psychologie de la motivation (Paris, 1947 – voir en particulier la deuxième partie “l’application thérapeutique“)
- Jeanine Solotareff, L’aventure intérieure (Paris, Payot, 1991)
- Jeanine Solotareff, La conquête de soi (Paris, Ellebore, 2006)
Issu d’un milieu artistique, Hervé Toulhoat est né à Quimper en 1954. Ingénieur chimiste, il a été Directeur-adjoint de la Direction Scientifique d’un grand organisme de recherche public. Chercheur réputé en catalyse, il est auteur de nombreuses publications scientifiques. Élève de Jeanine Solotareff, il est aussi depuis de longues années un praticien averti de la méthode introspective de Paul Diel, le fondateur de la psychologie de la motivation. Hervé Toulhoat est une des chevilles ouvrières de l’Association de Psychanalyse Introspective (API).
A propos et autour de Paul Diel, ailleurs dans la wallonica…
- DIEL P., Le symbolisme dans la mythologie grecque (Paris : Payot, 1952) : Héraclès, vainqueur de la Banalisation
- THONART : Monstre (2017)
- DIEL, Paul (1893-1972)
- DIEL : Psychologie et langage (conférence, 1958)
- DIEL : Motivation et comportement (conférence, 1958)
- TTC : les erreurs de pensée (étude anonyme)
- THONART : Vanité (2017)
- TOULHOAT : La thérapie diélienne. Une psychanalyse méthodiquement introspective.
- SOLOTAREFF : textes
- DIEL : Psychologie et vie (conférence, 1958)
- Dépression : le mécanisme de la dépression (étude anonyme)
D’autres discours…
- Pourquoi il faut haïr les journalistes
- OLIVER : De la force et du temps (“Of Power and Time”, essai, 2016)
- Terme français : déclinisme
- CENTRE d’ACTION LAÏQUE (Liège) : Manuel d’autodéfense intellectuelle – La novlangue managériale (2020)
- Comment notre jugement moral change quand on change de langue
- DESPRET V., Au bonheur des morts
- LE BRETON : Avec les smartphones, la conversation en péril ?
- NIETZSCHE F., Œuvres (2020)
- ECO : Philosopher, c’est régler ses comptes avec la mort
- THONART : extrait de “Être à sa place” – 07 – Chaos par l’absurde (2024)
- PENA-RUIZ : Le clou de l’âme