Nuages de Mazzolla – Mauro Staccioli

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Minuscule village traditionnel, Mazzolla est perché sur un promontoire toscan (alt. 351 m), à 6 km de Volterra (province de Pise, IT). Fort de moins de 50 habitants mais de beaucoup plus de brebis bien sonores, le hameau abrite une des créations du plasticien Mauro STACCIOLI, lui-même natif de Volterra (1937-2018).

Depuis l’été 2009, 16 œuvres du sculpteur sont ainsi disséminées dans la campagne toscane environnant la cité médiévale. L’exposition dénommée Luoghi d’Esperienza ponctue le paysage de “lieux d’expérience” où l’intervention du créateur est généralement monumentale. Sur cette photo, la Chiesa di San Lorenzo de Mazzolla est virtuellement traversée par un arc-boutant d’acier baptisé Attraversando la storia (2009).

L’excellente trattoria locale (Trattoria Albana) louant des appartements dans la plus haute maison du hameau, il est presque possible de voir une autre oeuvre de Staccioli au départ de la terrasse d’un de ceux-ci. Senza titolo (trad. Sans titre, 1997) est un gigantesque anneau de fer et de ciment (6m de haut) ouvert sur les vallons des abords de Volterra, au détour d’un des multiples lacets routiers dont la Toscane a le secret.

© Patrick Thonart

Et c’est après un violent orage de début de soirée, le 5 août 2010, que le cliché de nuages ci-dessus a été pris. Les deux couleurs dominantes y évoquent de manière troublante les tons des angelots traditionnels de la peinture toscane du Quattrocento. De la nature de la représentation de la nature…

Patrick Thonart


[LALIBRE.BE, 1 octobre 2003] Reprise dans le catalogue officiel d’Europalia-Italie sans être pour autant une initiative de la Fondation propriétaire du label, l’exposition louviéroise de Mauro Staccioli est l’exemple d’un accrochage qui, loin de cadenasser l’oeuvre d’un artiste, lui permet d’être rayonnante au-delà même non pas de ce qu’elle est en soi mais de ses potentialités escomptées.

Reconnu chez nous à la faveur de l’érection en 1998, à Watermael-Boitsfort, de cet Equilibrio sospeso qui a revigoré et quasi redessiné le rond-point de l’Europe de la riante petite commune des confins de la Forêt de Soignes, Staccioli peut, à 66 ans, aux côtés d’un Richard Serra par exemple, être tenu pour une tête d’affiche de la sculpture internationale. Ses interventions in situ peuplent, depuis longtemps, l’imaginaire de piétons et automobilistes des quatre coins du monde. Elles sont multiples par leurs aspects idéalement différenciés, “triangles inversés, arcs tendus vers le ciel, cercles et polyèdres en rupture d’équilibre”. Avec partout cette même patte très perceptible d’un créateur qui non seulement n’a pas froid aux yeux, mais s’avère être un expert à nul autre pareil en calculs de forces d’attraction et de pesanteurs.

Comme le prouve instantanément l’exposition, Staccioli est aussi un maître dans l’art de concevoir des sculptures en symbiose totale avec leur environnement. C’est ainsi que, dans les pièces parfois exiguës du Musée Ianchelevici, il est parvenu à donner de l’air et de la monumentalité à des installations qui, requérant une mise en situation franche et ouverte, auraient pu paraître coincées sans la touche recréatrice d’univers de qui les a conçues pour dynamiser l’espace, en synthétiser les tensions.

Agressivité et quête d’équilibre

Né à Volterra en 1937, Staccioli avait 23 ans quand, renonçant à la peinture post-informelle de ses débuts, il s’en vint à la sculpture. Une sculpture très vite conçue en accord avec l’espace à l’entour, le lieu déterminant en quelque sorte la sculpture. Première intervention urbaine en 1972, dans sa ville natale.

C’est l’époque aussi où, tout en élaborant une écriture tridimensionnelle assujettie aux formes géométriques, Staccioli se met à charger ses installations d’une agressivité en rapport avec une situation politique et sociale italienne que l’artiste dénonce et stigmatise par des formes pointues, tranchantes, incisives. Revenu depuis à un langage davantage linéaire, le sculpteur italien élabore des cercles, des sphères, des formes polyédriques comme lorsqu’il conçoit une installation en cinq polyèdres peints aux couleurs fondamentales, en hommage aux enfants des cinq continents.

Une version plus petite de ce jeu de volumes est à voir à La Louvière, réalisée en fer anodisé. Si la notion même de tension et d’équilibre est au centre des recherches spatiales de Staccioli, l’une de celles-ci l’a conduit à élaborer une pièce éphémère en bois recouverte d’une pellicule de ciment, à l’intention du Musée Ianchelevici. Par ailleurs, préparations aux formes sculptées, des croquis et surtout de grands dessins très purs et très directs y rayonnent, œuvres abouties.

Il nous faut insister aussi sur la qualité des images des installations in situ saisies par le photographe Enrico Cattaneo, ami de longue date de Staccioli. Des photos qui donnent aux sculptures une seconde vie indépendante de leur rayonnement spatial. Elles sont emblématiques du regard d’un créateur sur l’architecture des choses et des rencontres. Remarquable !

Roger Pierre Turine

Des œuvres de Staccioli étaient au château de Seneffe en 2014 © CFWB

[INFOS QUALITE] statut : validé (initialement publié en collaboration avec agora.qc.ca) | mode d’édition : rédaction, partage et iconographie | sources : agora.qc.ca ; maurostaccioli.org ; lalibre.be | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Patrick Thonart  | crédits illustrations : © Patrick Thonart ; © CFWB ; © MILL | Et pour en savoir plus sur Ianchelevici dans wallonica.org…


Formes et autres non-formes…