La folie de la princesse Charlotte de Belgique, soeur de Léopold II, impératrice du Mexique
La princesse Charlotte, fille de Léopold Ier, épousa Maximilien, frère de l’empereur d’Autriche, un des principaux monarques à l’époque. Sur l’insistance de Napoléon III, Maximilien accepta d’occuper le trône impérial du Mexique. L’aventure échoua et Maximilien fut passé par les armes par les Mexicains. Il aurait pu abdiquer à temps et éviter cette exécution mais la princesse Charlotte s’obstina et l’en dissuada de telle façon qu’apparaît déjà la naissance de sa folie.
La princesse Charlotte a souffert de paranoïa et de schizophrénie. Lorsque Napoléon III réalisa l’échec du corps expéditionnaire français (trente mille hommes) dans l’essai de pacification du Mexique et décida d’abandonner l’aventure, la princesse Charlotte fit le voyage du Mexique en Europe et força par deux fois les portes de Napoléon III afin d’intervenir en faveur de son époux et ce, de façon extravagante. Psychotique, elle souffrait de la folie des grandeurs, à tout prix et contre toute réalité. Elle intervint également dans le même but auprès du pape, allant jusqu’à saisir brutalement la tasse de chocolat du souverain pontife et l’avaler, morte de faim, tant elle craignait d’être empoisonnée.
A l’époque, on connaissait mal la schizophrénie qui était soignée vaille que vaille. De nos jours, avec les progrès du scanner et les neuroleptiques, on aurait pu soigner Charlotte ou, en tout cas, atténuer les effets pervers de ses dérèglements. Les facteurs génétiques semblent intervenir dans le cas des psychoses ainsi qu’un parallèle entre génie et folie. Ainsi, une des filles de Léopold II, Louise, devint folle, de même que la fille de Victor Hugo et celle de Claudel. Léopold II lui-même possédait un caractère très spécial. Dernier parallèle d’ordre médical, le père de Charlotte, Léopold Ier, était âgé de 52 ans lors de sa naissance ; un tel âge, chez un père, favorise de discrètes particularités génétiques.
Charlotte était une enfant surdouée : elle lisait à l’âge de quatre ans, en français et en anglais. Adolescente, elle possédait “l’idéal du pouvoir“, à 18 ans, elle avait “la frénésie du décorum“. Au Mexique, se succèdent les manifestations d’un faste impérial : ils débarquent avec une suite de 85 personnes, 500 malles et un carrosse rococo. Le goût du faste s’allie au goût du pouvoir et à la volonté sincère mais aveugle d’apporter “le bien“. Tout Mexicain pris les armes à la main sera néanmoins passé par les armes. D’où le sort qui sera réservé à l’empereur Maximilien.
Napoléon III possédait des créances importante sur le Mexique, il espérait se voir remboursé par l’exploitation du pays et organiser un empire extra-européen. Ce projet allait faire exploser chez Charlotte la réalisation de ses objectifs trop grandioses et en complète contradiction avec un édifice chimérique. Charlotte souffre d’un contraste entre une brillante et généreuse intelligence et une perception aveugle des contingences de la réalité. Agressive, irritable, nerveuse, paranoïaque, elle viendra plaider en vain la cause de Maximilien en Europe.
En janvier 1868 – Charlotte a 28 ans – le corps de Maximilien est ramené en Europe. Charlotte alternera alors les périodes de calme relatif et des périodes de grande agitation. Elle vivra. au château de Tervueren, détruit en 1879 par un incendie, puis au château de Bouchout. Née en 1840, elle mourra d’une complication de bronchite en 1927, à 87 ans.
La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte est le résumé d’une conférence donnée par le Dr Emile MEURICE et organisée en mars 2011 par la CHiCC : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne…
Issu de la dynastie des Kadjars, fondée en 1794 par Agha Mohammed, qui n’était alors qu’un chef de tribu, Naser ed-Din est né à Téhéran en 1831. Il succède à son père le 10 septembre 1848. Il entreprend aussitôt la répression du babisme (1849-1852) ; ce mouvement, créé par Sayid Ali Mohammed, tire son nom d’un mot arabe “bab”, signifiant “porte”. Son fondateur se proclame, en effet, “la Porte qui donne accès aux Vérités éternelles.” Il prône une doctrine plus libérale, se référant davantage à l’esprit qu’à la lettre de la loi, s’opposant au pouvoir du clergé et prêchant l’abolition de la répudiation de la femme.
Cette répression est probablement due à l’instigation des chefs religieux, des mollahs dont le pouvoir va croissant. En effet, si sous le règne du shah des progrès ont été fait sur la voie de la modernisation (télégraphe, poste, routes), le gouvernement central s’est toutefois affaibli, l’administration locale s’est détériorée, tout cela au profit du pouvoir religieux, mais aussi des grandes puissances européennes. Il faut nuancer l’image édulcorée du monarque telle que donnée par certains qui ne parlent que du développement de l’instruction et de la lutte contre la corruption. Le shah aime excessivement les bijoux et les femmes, ses extravagances le laissent toujours à court d’argent et, pour renflouer ses caisses, il accorde aux puissances étrangères d’importantes concessions.
Ainsi Amin Maalouf décrit-il celles accordées aux Russes et aux Anglais : “les Russes, qui avaient déjà le monopole de la construction des routes, venaient de prendre en charge la formation militaire. Ils avaient créé une brigade de cosaques, la mieux équipée de l’armée persane, directement commandée par les officiers du tsar ; en compensation, les Anglais avaient obtenu pour une bouchée de pain le droit d’exploiter toutes les ressources minières et forestières du pays comme d’en gérer le système bancaire ; les Autrichiens avaient, quant à eux, la haute main sur les postes.”
Si les intellectuels iraniens admirent les progrès techniques occidentaux, ils s’opposent à l’octroi de telles faveurs aux Européens, faveurs qui permettent à ces derniers d’influencer fortement la politique intérieure du pays. Ainsi, “le mécontentement de la bourgeoisie urbaine s’exprima dans des révoltes contre les concessions étrangères et par la formation d’un mouvement constitutionnaliste.” Le 1er mai 1896, Naser ed-Din est assassiné par un jeune nationaliste religieux.
Durant le demi-siècle que dure son règne, Naser ed-Din se rend trois fois en Europe : en 1873, 1878 et 1889. Le voyage de 1873 est intéressant parce que, à côté de la relation qu’en fait la presse locale, nous possédons également le récit du shah lui-même, dans son Journal de voyage en Europe, aujourd’hui traduit en français.
C’est en juin 1873 qu’il vient pour la première fois en Belgique, après avoir quitté Wiesbaden. Dès le passage de la frontière, le shah note que “en un instant, les gens, la langue, la religion, l’aspect du sol et des eaux, des montagnes et du terrain ont changé, et n’ont aucune ressemblance avec ceux de l’Allemagne. Les montagnes sont plus hautes et plus boisées ; il fait plus froid. Les gens sont plus pauvres. (…) Les gens de ce pays sont plus libres qu’en Allemagne.”
Il arrive à Spa, “une jolie petite ville, située au milieu de montagnes et de vallées”, le vendredi 13, à 7 heures du soir, et est accueilli à la gare par le bourgmestre, M. Peltzer, et le directeur des fêtes, M. Kirsch. Une voiture découverte l’emmène à l’Hôtel d’Orange au son du canon et parmi la foule qui l’acclame. A son arrivée à l’hôtel, une aubade lui est donnée par l’harmonie du Casino, qui sera suivie d’un concert au kiosque de la Promenade de Sept-Heures donné par les Montagnards Spadois“. Le shah rentre ensuite à pied, entrant dans les magasins dont il ne sort jamais les mains vides. Il est étonné par les vitrines : “Le devant des boutiques est fait d’une plaque de vitre d’un seul morceau, à travers laquelle on peut voir tous les objets exposés.”
Le lendemain, samedi 14 juin, le shah fait le tour des fontaines, en commençant par la Sauvenière. “Là, une femme avec des verres offre de l’eau aux gens. Ceux qui sont malades de l’estomac, ou trop maigres, surtout les femmes, viennent y boire de l’eau avant de déjeuner. (…) Beaucoup d’étrangers viennent ici, surtout des Anglais. J’ai bu un peu de cette eau. Elle a très mauvais goût. Dehors, à côté de la source, on voit une grande empreinte de pas sur une pierre. Le gouverneur me dit : “C’est une trace de pas de saint Marc [en fait, saint Remacle]“. C’est un des saints des Européens. “Si une femme qui ne peut être enceinte vient ici poser son pied dans cette empreinte de pas, elle devient enceinte !” C’est vraiment curieux. En Perse aussi, ces croyances sont fréquentes.” Le shah reprend sa promenade : “En sortant de là, nous sommes partis à cheval par une avenue différente pour nous rendre un autre hôtel et à une autre source. Je montais mon propre cheval et galopai pendant quelque temps dans la forêt et dans les allées. C’est ainsi que j’arrivai à l’hôtel. L’eau de cette source avait encore plus mauvais goût que la première.”
Le dimanche 15 juin, “le temps est nuageux et il pleut. On ne voit jamais le soleil dans cette région.” C’est également le jour de la Fête-Dieu, ce qui retient l’attention de Naser ed-Din. “Toutes les rues étaient décorées de lampes et d’arbustes dans des pots. Le sol était tapissé de feuillages et le prêtre principal était conduit à l’église en grande pompe. J’ai vu passer trois groupes : tout d’abord deux cents jolies jeunes filles, toutes vêtues de blanc, coiffées de dentelle blanche, des fleurs à la main ; puis deux ou trois cents autres plus jeunes, tenant chacune un bâton à l’extrémité duquel était attaché un bouquet de fleurs ; enfin des petits enfants, filles ou garçons, tous jolis et bien vêtus, portant des cierges ou de petit drapeaux de velours et d’or avec le visage de Sa Sainteté Maryam [la Vierge Marie].” Le soir, le shah assiste, au théâtre, à un spectacle de prestidigitation qui l’impressionne fortement.
Le lendemain, Naser ed-Din quitte Spa pour se rendre à Liège, en train. “On avait amené les wagons du roi des Belges [Léopold II]. Ce sont de forts beaux wagons. (…) Les trains belges sont excellents et très confortables. On y est un peu secoué, mais ils sont très rapides. Une heure plus tard nous sommes arrivés à Liège , qui possède d’importantes manufactures de fusils et de wagons de chemin de fer. De Spa jusqu’à Liège, on ne traverse que des montagnes, des vallées et des forêts. Nous sommes passés dans trois ou quatre trous [tunnels], dont l’un avait trois cents zar de long. Mais au-delà de Liège, c’est la plaine.(…) Liège est une grande ville, très peuplée, fort belle, tout entière construite à flanc de colline ou dans la vallée. Elle possède de beaux jardins avec des parterres de fleurs. Toutes les routes de Belgique sont pavées. Les plaines sont verdoyantes, cultivées et peuplées.”
Le shah se rend ensuite à Bruxelles où il est accueilli par Léopold II, “un homme de trente-huit ans, grand, assez maigre, avec une longue barbe blonde.” De là, il se rendra à Ostende où il embarquera pour l’Angleterre. Son passage dans notre pays inspirera la verve satirique du revuiste bruxellois Flor O’Squarr, également habitué de la ville d’eaux. Le premier acte de Quel plaisir d’être Bruxellois !, folie-vaudeville éditée en 1874, s’intitule Les Persans à Bruxelles et l’on y retrouve un monarque amateur de bijoux et de danseuses.
Naser ed-Din revient en Europe en 1878, mais il se rend uniquement à Paris. Il reviendra encore en 1889, pour assister à l’Exposition universelle de Paris, celle du centenaire de la Révolution. Il arrive à Spa le mercredi 27 juin où il est accueilli par une sérénade avant d’arpenter les rues, entrant dans les magasins comme à son habitude et à la grande joie des commerçants. Il loge cette fois à l’Hôtel Britannique, plutôt qu’à l’Hôtel d’Orange comme lors de son séjour précédent, parce qu’il souhaite occuper le même hôtel que le roi des Belges lorsqu’il se rend à Spa. Le lendemain, le shah consacre la journée à la visite des usines Cockerill en compagnie du roi Léopold II. De retour à Spa, il assiste le soir à la fête de nuit donnée en son honneur où l’on tire un imposant feu d’artifice. Il quitte la ville d’eaux le 1er juillet pour se rendre à Anvers où l’attend le roi, qui va le conduire au bateau. Ce sera son dernier voyage en Belgique.
L’histoire du hula est intimement mêlée à celle de Hawaii, son évolution suit celle du pouvoir politique ainsi que les mutations de la société. La situation de la danse avant la découverte des îles par les Européens demeure bien évidemment inconnue, faute de témoignages écrits ou iconographiques. Seuls les récits des premiers explorateurs, dont James Cook qui découvrit l’archipel en 1778, permettent d’appréhender la réalité. Cook lui-même n’a pu assister à une cérémonie de hula, il écrit : “Nous ne vîmes pas les danses dans lesquelles ils se servent de leurs manteaux et bonnets garnis de plumes ; mais les gestes des mains que nous vîmes à d’autres occasions, quand ils chantaient, nous montrèrent qu’elles doivent ressembler à celles des îles méridionales, bien qu’il y ait moins d’art dans leur exécution. “
Ce n’est qu un demi-siècle plus tard, avec Willlam Ellis, que vont apparaître les premières descriptions de la danse et que le terme de hula, alors transcrit “hura“, va faire son apparition dans la langue anglaise. La danse et le chant, qui composent le hula, forment un tout indissociable, à caractère sacré. La danse ne constitue donc pas un divertissement, accessible à tous, mais bien un rite, confié à un corps de danseurs spécialement éduqués et entraînés, soumis à la stricte observance de tabous (kapu, en hawaiien). Si, à l’origine, les interprètes étaient aussi bien des hommes que des femmes, seuls les hommes pouvaient pratiquer le hula durant les cérémonies du culte au temple. Ce n’est que plus tard, lorsque les guerres, puis les cultures, occupèrent trop les hommes pour leur permettre de consacrer les années d’entraînement rigoureux nécessaires à la formation d’un danseur de hula, que les femmes prirent leur place.
Nathaniel B. Emerson fait le récit d’une scène d’initiation de danseurs de hula ; ainsi découvre-t-on que, le jour précédent son admission dans la corporation, peu avant minuit, le danseur se plongeait, en compagnie des autres, dans l’océan. Ce “bain de minuit” était soumis à un rituel bien particulier : la nudité totale, considérée comme “l’habitat des dieux“, était requise et, à l’aller comme au retour, il n’était permis que de regarder devant soi; se retourner, regarder à gauche ou à droite était formellement proscrit.
Les dieux auxquels les danses étaient consacrées, dans l’espoir de se les concilier, étaient nombreux mais, parmi ce panthéon, Laka était considérée comme la protectrice (“au-makua“) du hula ; des sacrifices lui étaient offerts, des prières et des chants lui étaient dédiés qui révèlent l’étendue de son domaine : “Dans les forêts, sur les crêtes des montagnes se tient Laka, Séjournant à la source des brumes, Laka, maîtresse du hula…”
Le terme de hula est en fait un terme générique, regroupant une variété de styles dont le nom évoque généralement les gestes ou les instruments utilisés. Ainsi, par exemple, en est-il du hula kala’au, les kala’au étant des bâtons de bois, de longueurs inégales, que l’on frappe l’un contre l’autre. William Ellis en donne une description précise : “Cinq musiciens avancèrent d’abord, chacun avec un bâton dans la main gauche, de cinq ou six pieds de long, environ trois ou quatre pouces de diamètre à une extrémité et se terminant en pointe de l’autre. Dans sa main droite, il tenait un petit bâton de bois dur, de dix à neuf pouces de long, avec lequel il commença sa musique, en frappant le petit bâton sur le grand, battant la mesure tout le temps avec son pied droit sur une pierre, placée sur le sol, à côté de lui, dans ce but. “
Autre danse décrite par Ellis, le hula solennel ou hula ‘ala’apapa est accompagné du ipu huta, “une grande calebasse, ou plutôt deux, une de forme ovale d’environ trois pieds de haut, l’autre parfaitement ronde très soigneusement attachée à celle-ci, ayant aussi une ouverture d’environ trois pouces de diamètre au sommet”, toujours selon Ellis. On peut encore citer le hula noho i lalo (danse assise), le hula pa’i umauma (où l’on frappe sur une caisse), le hula pahu (danse du tambour), le hula kuolo (danse agenouillée), le hula’uli ‘uli…
Les instruments le plus couramment utilisés sont donc les bâtons de bois (kala’au), la calebasse (ipu hula), le tambour (pahu hula) composé d’un rondin évidé sur lequel est tendue une peau de requin, la gourde-hochet (‘uli’uli), les bracelets en dents de chiens (kupe’e niho ‘ilio), le bambou (pu’ili)… En fait, les trois grandes familles d’instruments sont représentées par les quelque dix-sept instruments dénombrés par les musicologues.
Intimement liée à la religion, la danse va suivre son déclin. La société hawaiienne, soumise à un système de kapu strict, va progressivement connaître une mutation. Kamehameha Ier avait réussi pour la première fois l’unification de l’archipel (vers 1795), accroissant son prestige et celui de la fonction royale. À un système politique fort et autoritaire correspondait une religion omniprésente aux mains d’un clergé puissant ; le roi est alors assimilé aux divinités. À la mort de Kamehameha Ier, en 1819, son fils Liholiho règne sous le nom de Kamehameha II. Le jeune roi est soumis à la pression de sa mère et de l’épouse favorite du roi défunt, Kaahumanu, qui cherchaient à affaiblir le pouvoir des prêtres. En effet, la religion est un obstacle à l’ambition de ces femmes, puisque les kapu les excluent, notamment, des débats politiques. Ainsi Kamehameha II décidera-t-il l’abandon de la religion de ses ancêtres et ceci avant même l’installation des premiers missionnaires. Ces derniers, à leur arrivée, trouveront donc une société en pleine mutation, à la recherche de nouvelles valeurs et s’implanteront d’autant plus facilement.
Les missionnaires vont introduire les chants religieux, les hymnes qui vont séduire les Hawaiiens pour qui ce type d’harmonie est inconnu. Les hommes d’église vont jouer de cette fascination pour mieux introduire leur religion ; les Hawaiiens vont apprendre ces hymnes (appelés par eux himeni) par cœur, avec l’influence que l’on devine sur leurs compositions musicales ultérieures et même sur l’orchestration des hula traditionnels. De plus, les missionnaires vont user de leur influence pour interdire le hula, jugé obscène en raison de la lascivité de certains de ses gestes.
A partir de cet instant, l’occidentalisation de la musique hawaiienne est inéluctable : de nouveaux instruments sont introduits par les immigrants (la guitare, venant de la côte ouest des États-Unis, la braguinha, venant de Madère, et désormais appelée ukulele) Cet instrument, qui passe pour typiquement hawaiien, est donc une importation récente. Le roi Kamehameha V lui-même décide de s’attribuer un orchestre royal à l’instar des souverains européens ; il demande au gouvernement prussien de lui envoyer un chef-d’orchestre confirmé : c’est ainsi que Heinrich Wilhelm Bergerdébarque à Hawaii, en 1872. Berger, naturalisé Hawaiien en 1879 et surnommé le “Père de la musique hawaiienne”, va arranger à l’occidentale de nombreux chants hawaiiens et composer bon nombre d’œuvres “dans le style hawaiien”, achevant le processus d’occidentalisation de la musique.
C’est également dans la seconde moitié du XIXe siècle que va affluer la main-d’oeuvre d’origine étrangère, en raison notamment de l’essor de la production du sucre. En effet, les Hawaiiens considéraient qu’ils avaient assez de terres pour satisfaire leurs propres besoins. Le labeur monotone des plantations ne les attirait nullement ; ainsi décida-t-on de faire venir des Chinois en leur offrant des contrats de travail à long terme. Il en ira de même des Japonais, des Philippins, des Portugais… Les mariages mixtes vont très vite se multiplier et Hawaii va devenir une société pluri-culturelle, perdant aussi de son identité.
Le règne de David Kalakaua (1874-1891) se caractérise par une “renaissance hawaiienne”. Le roi, soucieux de ses prérogatives, fait promulguer une nouvelle constitution qui restaure l’autorité royale. De même, il suscite un retour aux valeurs hawaiiennes traditionnelles. Sous son règne, le hula, agonisant parce que jugé obscène par les missionnaires, ressuscite. Un pan entier de la culture hawaiienne est néanmoins à jamais perdu et, malheureusement, cette renaissance finira avec la disparition du souverain.
Sa soeur, la reine Liliuokalani, est elle-même compositrice, mais elle opère une sorte de synthèse entre les thèmes hawaiiens anciens et les influences occidentales qui aboutit à une production assimilable à de la variété. Sa création la plus célèbre, Aloha Oe est un “hit” à Hawaii depuis plus de quatre-vingts ans. Malgré les conseils de son entourage, la reine Liliuokalani cherchera à poursuivre, sur le plan politique, le projet de son frère : renforcer le pouvoir royal. Les Américains, dont les intérêts financiers dans le royaume sont d’importance, voient cela d’un mauvais œil. En janvier 1893, avec l’aide des marines, un groupe de citoyens américains renverse la reine et la contraint à abdiquer. Un gouvernement provisoire est constitué par des citoyens américains, qui proclame la république. Le 14 juin 1900, Hawaii devient, malgré elle, un territoire américain.
L’américanisation achèvera l’acculturation : désormais, c’est le jazz qui domine la scène musicale et les airs traditionnels sont accommodés à cette sauce. Sur le continent américain, les danseurs de hula se produisent en attraction dans les music-halls et les cirques. Hollywood récupère le hula, dont elle fait un accessoire de sa machine à fabriquer du rêve. Elvis Presley interprétera le Aloha Oe de la reine Liliuokalani et, dans les années ’50, le hula va inspirer une nouvelle mode, celle du hula hoop (le terme fait son entrée dans la langue anglaise en 1958). Le 21 août 1959, Hawaii devient le cinquantième état des Etats-Unis.
Il faut attendre les années ’70 pour voir se dessiner une réaction à cette acculturation massive. De jeunes Hawaiiens cherchent à retrouver les chants et les gestes de leurs ancêtres et, en quête d’authenticité, questionnent les anciens. C’est seulement à cette époque que les mouvements corporels retrouvent de cette lascivité qui les avait fait proscrire par les missionnaires. Mais faute de témoignages suffisants, ces reconstitutions, comme celles de l’époque de Kalakaua, sont hypothétiques. Aussi d’aucun préfèrent-ils créer de nouvelles chorégraphies, inspirées de la tradition ; par exemple, une nouvelle version de la cérémonie d’initiation est instituée, basée en partie sur les récits d’Emerson. Cela atteste néanmoins d’une volonté, de la part d’une population jeune, devenue minoritaire sur le territoire de ses ancêtres, de retrouver son identité et d’en assurer la pérennité.
Parallèlement, le développement du tourisme, devenu la première source de revenu de l’archipel, favorise l’éclosion de spectacles soi-disant traditionnels ; on assiste ainsi à une évolution paradoxale : d’une part des spectacles “grand public” livrant une imagerie hollywoodienne et, d’autre part, de nouvelles écoles de hula cherchant à retrouver une gestuelle et, partant, une philosophie proches de la tradition.
Cet article est une version remaniée d’un article publié dans la revue “Art&fact” n°11 (1992), sous le titre “Le Hula, splendeur et misère de la danse à Hawaii“, où l’on trouvera les notes et références bibliographiques.
“Il y a dix ans, le 13 décembre 2006, la RTBF interrompait ses programmes télévisés pour annoncer l’indépendance de la Flandre. Le docu-fiction “Bye Bye Belgium” avait pour ambition de sensibiliser le public francophone belge aux enjeux de la crise communautaire. Ce fut un électrochoc qui n’a pas manqué de créer une vive polémique.
Ce soir-là, l’émission Questions à la une s’interrompt brutalement. “Ceci n’est peut-être pas une fiction” : voilà le texte qui sert de préambule à ce programme très spécial. François De Brigode annonce : “L’heure est grave, excusez-nous pour cette interruption“…
L’émission a lieu en direct, mais tout ce qui est dit a soigneusement été écrit à l’avance. D’entrée de jeu, devant le Palais royal, Frédéric Gersdorff annonce le départ du Roi. Cette fuite d’Albert II est le premier ingrédient qui va inquiéter les téléspectateurs. Très vite s’y ajoute l’annonce, par Christophe Deborsu, de la déclaration d’indépendance de la Flandre : “A l’instant où je vous parle, la Belgique a cessé d’exister“.
Alain Gerlache, ancien chef du service politique, débarque sur le plateau et cela achève d’augmenter la tension : le docu-fiction réalisé par la RTBF est crédible, peut-être trop crédible.
“Ceci est une fiction”
Un centre d’appel avait été prévu, afin de rassurer le public inquiet, mais il est littéralement pris d’assaut. Au départ la RTBF pensait que l’affichage du logo de l’émission “Tout ça” permettrait d’aider le téléspectateur à prendre ses distances. Mais manifestement cela ne suffit pas. Des indices et des clins d’œil sont donnés alors. Rien n’y fait. On finit donc par écrire en toutes lettres le sous-titre “Ceci est une fiction” et ce mot est répété sans cesse par le présentateur.
Une scène qui a marqué les mémoires est celle où on voit un tram forcé de s’arrêter à la frontière de la Flandre. Seul le conducteur était complice. Les passagers semblaient trouver presque normal de quitter leur tram bruxellois pour entrer docilement dans un bus flamand.
Dix ans après, François De Brigode se souvient de la “tension permanente” qu’il a ressentie pendant l’émission : “J’étais dans une situation littéralement schizophrénique parce que je continuais à présenter le scénario écrit de “Bye Bye Belgium” tout en étant obligé de faire référence à l’actualité qui se déroulait. Il y avait un flot de critiques du monde politique et du monde économique, qui tiraient à vue sur l’émission“.
Le directeur général de la télévision de l’époque Yves Bigot raconte aujourd’hui qu’il voyait “se dérouler minute après minute la réelle transgression de ce que l’on faisait. Comme je suis français, j’étais peut-être encore plus stressé que ne l’étaient mes confrères belges parce que je savais qu’en France on ne pourrait pas faire cela. Je savais que c’était interdit“.
Au sein du call-center, Gérald Vandenberghe répondait aux appels : “Il y a d’abord eu des insultes. Dans un deuxième temps, il y avait des gens qui avaient un discours plus concret, qui nous faisaient des reproches plus précis, tout en étant assez virulents. En fin de soirée, on obtenait des félicitations pour notre audace. Petit à petit j’ai quand même eu l’impression que quand même, quelque part, nous avions réussi notre coup“.
Une nouvelle forme d’écriture télévisuelle
C’est clair, l’émotion a été bien plus forte qu’imaginé par le concepteur de l’émission, Philippe Dutilleul. Pour lui comme pour la RTBF, le lendemain, c’est l’heure des justifications : “Le volume de l’émotion nous a un peu surpris. Mais nous n’avions pas fait cette émission pour l’émotion, mais surtout pour la réflexion. Nous voulions initier une nouvelle forme d’écriture télévisuelle où, dans un documentaire fiction sur un sujet qui concerne l’ensemble de l’opinion publique et de la société belge, on décrit un scénario le plus réaliste possible, mais aussi le plus décalé” expliquait-il.
A l’époque, le débat est vif autour de la déontologie journalistique. Trente-huit personnes ont introduit une plainte auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Après délibération, le CSA adresse un avertissement à la RTBF qui, selon lui, “n’a pas pris les mesures nécessaires pour empêcher la confusion dans le chef d’une partie de ses téléspectateurs“, ce qui est contraire à son règlement d’ordre intérieur.
La ministre de tutelle de la RTBF Fadila Laanan convoque l’administrateur général de la RTBF Jean-Paul Philippot. Il sera amené à s’expliquer devant le parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Une motion y sera votée, qui sera notamment à l’origine de la création du Conseil de déontologie journalistique.
Le pari a plutôt été gagné
Mais aujourd’hui le regard des spécialistes sur “Bye Bye Belgium” est beaucoup moins critique. Selon Jean-Jacques Jespers, professeur de journalisme à l’ULB, “la vraie question est de savoir si une chaîne de service public qui a une très forte crédibilité dans le domaine de l’information ne joue pas un jeu dangereux en mettant en jeu cette crédibilité dans ce type de programme. Et 10 ans après, on se rend compte que le pari a plutôt été gagné : cela a suscité dans l’opinion un débat très intéressant autour de l’avenir de nos institutions. Dans cette mesure-là, on peut juger que le bilan est globalement positif“.
Dix ans après, l’administrateur général de la RTBF n’éprouve ni regret ni fierté : “Ce n’est certainement pas un regret. Si c’était à refaire, je le referais, mais en prenant des précautions pour éviter que, à l’interpellation -qui est notre rôle-, on n’ajoute pas un surcroît d’émotion, qui n’a pas sa place“…
Docu-fiction de la télévision publique belge sur l’implosion de la Belgique, Bye Bye Belgium (nom de code : Tout ça (ne nous rendra pas la Belgique)) est une émission spéciale de la RTBF diffusée le 13 décembre 2006 ; c’est un faux documentaire de la chaîne de télévision généraliste publique belge francophone, La Une, considéré par la chaîne comme un docu-fiction, et qualifié de canular par une partie de la presse. Alors que les téléspectateurs, qui viennent de regarder le Journal télévisé, et s’apprêtent à suivre deux reportages de l’émission Questions à la Une à forte connotation communautaire et aux titres polémiques, “Va-t-on supprimer les indemnités de chômage en Wallonie ?” et “Les Flamands sont-ils plus corrompus que les Wallons ?”, une édition spéciale diffusée en direct à partir de 20h21 interrompt la programmation au début de laquelle le présentateur vedette du journal télévisé annonce la déclaration unilatérale d’indépendance de la Flandre… [source : RTBF.BE]
“Début du XXe siècle : la campagne contre la gestion de l’État indépendant du Congo sous le roi des Belges Léopold II bat son plein. Partie d’Angleterre, elle s’étend à l’Europe continentale et aux États-Unis. En France, Charles Péguy prend position. En Angleterre, Conan Doyle dénonce les conditions réservées aux indigènes dans la récolte du caoutchouc. Aux Etats-Unis, Mark Twain est sollicité pour écrire un pamphlet. Ce sera, en 1905, Le soliloque du roi Léopold (King Leopold’s Soliloquy), dans lequel le grand humoriste met en scène un monarque monologuant contre ses critiques et sur sa mission civilisatrice. Cette charge virulente et baroque est, depuis, devenue un classique de la littérature anticolonialiste.
Adaptée au théâtre par Jean-Pierre Orban et la Compagnie Point Zéro, elle a connu un succès considérable en 2005 en Belgique et provoqué un nouveau débat sur les débuts de la colonisation du Congo ex-belge. Elle est ici précédée d’un avant-propos de l’historien Benoît Verhaegen et accompagnée d’une introduction qui resitue le Soliloque dans l’œuvre de Mark Twain et décrit le mouvement international ayant poussé Léopold II à céder le Congo à la Belgique.
Un maître des lettres américaines
Connu en Europe pour Les Aventures de Tom Sawyer adapté pour les enfants, Mark Twain est l’auteur d’une œuvre immense : récits autobiographiques et de voyage, essais, contes et romans tels que Les Aventures de Huckleberry Finn d’où “toute la littérature moderne découle” selon Hemingway. Aujourd’hui, on découvre de plus en plus ses textes politiques où, sans se départir de son humour, il s’attaque notamment aux tentations impérialistes tant de l’Europe que des Etats-Unis.” [d’après EDITIONS-HARMATTAN.FR]
TWAIN Mark, Le Soliloque du roi Léopold (Paris : L’Harmattan, 2004 ; avant-propos de Benoît Verhaegen ; traduction et introduction de Jean-Pierre Orban)
Extrait : “Le roi est à mille lieues du monde ordinaire. Et du haut de sa grandeur, que voit-il ? Des multitudes d’êtres humains dociles courber le dos et se soumettre au joug, aux exactions d’une douzaine d’autres êtres humains qui ne sont ni supérieurs ni meilleurs qu’eux-mêmes, qui sont, en somme, pétris dans la même argile… La race humaine !“