Légende des trois mages qui ont visité la grande voûte et découvert le centre de l’idée

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Jules BOUCHER, né le 28 février 1902 et mort le 9 juin 1955, est un écrivain franc-maçon, occultiste et alchimiste français. Il est entré en maçonnerie à l’âge de 41 ans, c’est-à-dire pendant l’occupation allemande. Initié en 1943 à la loge clandestine “L’arche d’alliance” de la Grande Loge de France à l’orient de Paris, il fut membre de plusieurs loges de cette obédience.

Occultiste du XXème siècle, magicien et théurge, dont La symbolique maçonnique, publiée pour la première fois en 1948, fut un véritable best seller des loges jusqu’à nos jours“, il fut le disciple de l’alchimiste Fulcanelli et le fondateur, en 1948, de l’Ordre Martiniste Rectifié. En 1951, il fut victime d’une grave attaque cardiaque qui le tint éloigné de tous pendant les quatre dernières années de sa vie. Il repose au cimetière d’Ivry-Parisien.


“Longtemps après la mort d’Hiram et de Salomon et de tous leurs contemporains, après que les armées de Nabuchodonosor eurent détruit le royaume de Juda, rasé la ville de Jérusalem, renversé le Temple, emmené en captivité la population non massacrée, alors que la montagne de Sion n’était plus qu’un désert aride où paissaient quelques maigres chèvres gardées par des Bédouins faméliques et pillards, un matin, trois voyageurs arrivèrent au pas lent de leurs chameaux. C’étaient des Mages, des Initiés de Babylone, membres du Sacerdoce Universel, qui venaient en pèlerinage et en exploration aux ruines de l’ancien sanctuaire. Après un frugal repas, les pèlerins se mirent à parcourir l’enceinte ravagée. L’écrasement des murs et les fûts des colonnes leur permirent de déterminer les limites du Temple. Ils se mirent ensuite à examiner les chapiteaux gisants à terre, à ramasser les pierres pour y découvrir des inscriptions ou des symboles. Pendant qu’ils procédaient à cette exploration, sous un pan de mur renversé et au milieu des ronces, ils découvrirent une excavation. C’était un puits, situé à l’angle sud-est du Temple. Ils s’employèrent à déblayer l’orifice. Après quoi, l’un d’eux, le plus âgé, celui qui paraissait le chef, se couchant à plat ventre sur le bord, regarda dans l’intérieur. On était au milieu du jour, le Soleil brillait au zénith et ses rayons plongeaient presque verticalement dans le puits. Un objet brillant frappa les yeux du Mage. Il appela ses compagnons qui se placèrent dans la même position que lui et regardèrent. Evidemment, il y avait là un objet digne d’attention, sans doute un bijou sacré. Les trois pèlerins résolurent de s’en emparer. Ils dénouèrent leurs ceintures qu’ils avaient autour des reins, les attachèrent les unes au bout des autres et en jetèrent une extrémité dans le puits. Alors deux d’entre eux, s’arc-boutant se mirent en devoir de soutenir le poids de celui qui descendait. Celui-ci le Chef, empoignant la corde, disparut par l’orifice. Pendant qu’il effectue sa descente, nous allons voir quel était l’objet qui avait attiré l’attention des pèlerins. Pour cela, nous devons remonter plusieurs siècles en arrière, jusqu’à la scène du meurtre d’Hiram. Quand le Maître eut, devant la porte de l’Orient, reçu le coup de pince du second des mauvais Compagnon, il s’enfuit pour gagner la porte du Sud ; mais tout en se précipitant il craignit, soit d’être poursuivi, soit – ainsi que cela devait arriver – de rencontrer un troisième mauvais Compagnon. Il enleva de son cou un bijou qui y était suspendu par une chaîne de soixante-dix-sept anneaux, et le jeta dans le puits qui s’ouvrait dans le Temple, au coin des côtés Est et Sud. Ce bijou était un Delta d’une palme de côté fait du plus pur métal, sur lequel Hiram, qui était un initié parfait, avait gravé le nom ineffable et qu’il portait sur lui, la face en dedans, le revers seul, exposé aux regards, ne montrant qu’une face unie. Pendant que, s’aidant des mains et des pieds, le Mage descendait dans la profondeur du puits, il constata que la paroi de celui-ci était divisée en zones ou anneaux faits en pierres de couleurs différentes d’une coudée environ de hauteur chacun. Quand il fut en bas, il compta ces zones et trouva qu’elles étaient au nombre de dix. Il baissa alors son regard vers le sol, vit le bijou d’Hiram, le ramassa, le regarda et constata avec émotion qu’il portait inscrit le mot ineffable qu’il connaissait lui-même car il était, lui aussi, un initié parfait. Pour que ses compagnons qui n’avaient pas comme lui la plénitude de l’initiation, ne puissent le lire, il suspendit le bijou à son col par la chaînette, mettant la face en dedans, ainsi qu’avait fait le Maître. Il regarda ensuite autour de lui et constata, dans la muraille, l’existence d’une ouverture par laquelle un homme pouvait pénétrer. Il y entra, marchant a tâtons dans l’obscurité. Ses mains rencontrèrent une surface qu’au contact, il jugea être de bronze. Il recula alors, regagna le fond du puits, avertit ses compagnons pour qu’ils tiennent fermement la corde et remonta. En voyant le bijou qui ornait la poitrine de leur chef, les deux Mages s’inclinèrent devant lui ; ils devinèrent qu’il venait de subir une nouvelle initiation. Il leur dit ce qu’il avait vu, leur paria de la porte de bronze. Ils pensèrent qu’il devait y avoir là un mystère ; délibérèrent et résolurent de partir ensemble à la découverte. Ils placèrent une extrémité de la corde faite des trois ceintures sur une pierre plate existant auprès du puits et sur laquelle on lisait encore le mot “Jakin”. Ils roulèrent dessus un fût de colonne où l’on voyait le mot “Boaz”, puis s’assurèrent qu’ainsi tenue la corde pouvait supporter le poids d’un homme. Deux d’entre eux firent ensuite du feu sacré à l’aide d’un bâtonnet de bois dur roulé entre les mains et tournant dans un trou fait dans un morceau de bois tendre. Quand le bois tendre fut allumé, ils soufflèrent dessus pour provoquer la flamme. Pendant ce temps, le troisième était allé prendre, dans les paquetages attachés en croupe des chameaux, trois torches de résine qu’ils avaient apportées pour écarter les animaux sauvages de leurs campements nocturnes. Les torches furent successivement approchées du bois enflammé et s’enflammèrent elles-mêmes au feu sacré. Chaque Mage, tenant sa torche d’une main, se laissa glisser le long de la corde jusqu’au fond du puits. Une fois là, ils s’enfoncèrent, sous la conduite de leur chef dans le couloir menant à la porte de bronze. Arrivés devant celle-ci le vieux Mage l’examina attentivement à la lueur de sa torche. Il constata dans le milieu, l’existence d’un ornement en relief ayant la forme d’une couronne royale, autour de laquelle était un cercle composé de points au nombre de vingt-deux. Le Mage s’absorba dans une méditation profonde, puis il prononça le mot “Malkuth” et soudain la porte s’ouvrit. Les explorateurs se trouvèrent alors devant  un escalier qui s’enfonçait dans le sol. Ils s’y engagèrent, la torche toujours à la main en comptant les marches. Quand ils en eurent descendu trois, ils rencontrèrent un palier triangulaire, sur le côte gauche duquel commençait un nouvel escalier. Ils s’y engagèrent et, après cinq marches, ils trouvèrent un nouveau palier de même forme et mêmes dimensions. Cette fois, l’escalier continuait du côté droit et se composait de sept marches. Ayant franchi un troisième palier, ils descendirent neuf marches et se trouvèrent devant une deuxième porte de bronze. Le vieux Mage l’examina comme la précédente, et constata l’existence d’un autre ornement en relief représentant une pierre d’angle, entourée aussi d’un cercle de vingt-deux points. Il prononça le mot “Iésod” et la porte s’ouvrit à son tour. Les Mages entrèrent dans une vaste salle voûtée et circulaire, dont la paroi était ornée de neuf fortes nervures partant du sol et se rencontrant en un point central du sommet. Ils l’examinèrent à la lueur de leurs torches, en firent le tour pour voir s’il n’y avait pas d’autres issues que celle par laquelle ils étaient entrés. Ils n’en trouvèrent point et songèrent à se retirer ; mais leur chef revint sur ses pas, examina les nervures les unes après les autres, chercha un point de repère, compta les nervures et soudain il appela. Dans un coin obscur il avait découvert une nouvelle porte de bronze. Celle-là portait comme symbole un Soleil rayonnant, toujours inscrit dans un cercle de vingt-deux points. Le chef des Mages ayant prononcé le mot “Nefzah”, elle s’ouvrit encore et donna accès dans une deuxième salle. Successivement, les explorateurs franchirent cinq autres portes également dissimulées et passèrent dans de nouvelles cryptes. Sur l’une de ces portes, il y avait une Lune resplendissante, une tête de lion, une courbe molle et gracieuse, une règle, un rouleau de la loi, un œil et enfin, une couronne royale. Les mots prononcés furent successivement “Hod”, “Tiphereth”, “Chesed”, “Geburah”, “Chochmah”, “Binah” et “Kether”. Quand ils entrèrent dans la neuvième voûte, les Mages s’arrêtèrent surpris, éblouis, effrayés. Celle-là n’était point plongée dans l’obscurité. Elle était, au contraire, brillamment éclairée. Dans le milieu étaient placés trois lampadaires d’une hauteur de onze coudées, ayant chacun trois branches. Les lampes, qui brûlaient depuis des siècles, dont la destruction du royaume de Juda, le rasement de Jérusalem et l’écroulement du Temple n’avaient pas entraîné l’extinction, brillaient d’un vif éclat, illuminant d’une lumière à la fois douce et intense tous les recoins et tous les détails de la merveilleuse architecture de cette voûte sans pareille taillée à même le roc. Les pèlerins éteignirent leurs torches dont ils n’avaient plus besoin, les déposèrent près de la porte, ôtèrent leurs chaussures et rajustèrent leurs coiffures comme dans un lieu saint, puis ils s’avancèrent en s’inclinant neuf fois vers les lampadaires. A la base du triangle formé par les lampadaires, se trouvait un autel de marbre blanc cubique de deux coudées de haut. Sur la face supérieure de l’autel, étaient gravés à l’or pur, les outils de la Maçonnerie : la Règle, le Compas, l’Equerre, le Niveau, la Truelle, le Maillet. Sur la face latérale gauche, on voyait les figures géométriques : le Triangle, le Carré, l’Etoile à cinq branches, le Cube. Sur la face latérale droite, on lisait les nombres : 27, 125, 343, 729, 1331. Enfin, sur la face arrière, était représenté l’Acacia symbolique. Sur l’autel était posée une pierre d’agate de trois palmes de côté. Au dessus, on pouvait y lire, écrit en lettres d’or, le mot “Adonaï”. Les deux Mages, s’inclinèrent, pour vénérer le nom de Dieu ; mais leur chef, relevant au contraire la tête, leur dit : “II est temps pour vous de recevoir le dernier enseignement qui fera de vous des Initiés parfaits. Ce nom n’est qu’un vain symbole qui n’exprime pas réellement l’idée de la Conception Suprême”. II prit alors à deux mains la pierre d’agate, se retourna vers ses disciples en leur disant : “Regardez, la Conception Suprême, la voilà … Vous êtes au Centre de l’idée”. Les disciples épelèrent les lettres lod, Hé, Vau, Hé et ouvrirent la bouche pour prononcer le mot, mais il leur cria : “Silence ! c’est le mot ineffable qui ne doit jamais être prononcé”. II reposa ensuite la pierre d’agate sur l’autel, prit sur sa poitrine le bijou du Maître Hiram et leur montra que les mêmes signes s’y trouvaient gravés. “Apprenez maintenant, leur dit-il, que ce n’est pas Salomon qui fit creuser cette voûte hypogée, ni construire les huit qui la précèdent, pas plus qu’il n’y cacha la pierre d’agate. La pierre fut placée par Henoch, le premier de tous les Initiés. l’Initié Initiant, qui ne mourut point, mais qui survit dans tous ses fils spirituels. Henoch vécut longtemps avant Salomon, avant même le déluge. On ne sait à quelle époque furent bâties les huit premières voûtes et celle-ci creusée à même le roc”. Cependant, les nouveaux grands Initiés détournèrent leur attention de l’autel et de la pierre d’agate, et regardèrent le plafond de la Salle qui se perdait à une hauteur prodigieuse. Ils parcoururent la vaste nef où leurs voix éveillaient des échos répétés. Ils arrivèrent ainsi devant une porte, soigneusement dissimulée et sur laquelle le symbole était un vase brisé. Ils appelèrent leur Maître et lui dirent : “Ouvre-nous encore cette porte, il doit y avoir un nouveau mystère derrière — Non, leur répondit-il, il ne faut point ouvrir cette porte. Il y a là un mystère, mais c’est un mystère terrible, un mystère de mort. — Oh, tu veux nous cacher quelque chose, le réserver pour toi ; mais nous voulons tout savoir, nous l’ouvrirons donc nous-mêmes”. Ils se mirent alors à prononcer tous les mots qu’ils avaient entendus de la bouche de leur Maître ; puis comme ces mots ne produisaient aucun effet, ils dirent tous ceux qui leur passèrent par l’esprit. Ils allaient renoncer, quand l’un d’eux dit enfin : “Nous ne pouvons cependant pas continuer à l’infini”. Et sur ce mot : “En Soph”, la porte s’ouvrit violemment, les deux imprudents furent renversés sur le sol, une tornade s’engouffra sous la voûte, éteignant les lampes magiques. Le Maître se précipita sur la porte, s’y arc-bouta, appela ses disciples à l’aide. Ils accoururent, s’arc-boutèrent avec lui, et leurs efforts réunis, parvinrent enfin à refermer la porte. Mais les lumières ne se rallumèrent pas. Les Mages, plongés dans les ténèbres les plus profondes se rallièrent à la voix de leur Maître qui leur dit : “Hélas, cet événement terrible était à prévoir. Il était écrit que vous commettriez cette imprudence. Nous voici en grand danger de périr dans ces lieux souterrains ignorés des hommes. Essayons cependant d’en sortir, de traverser les huit voûtes et d’arriver au puits par lequel nous sommes descendus. Nous allons nous prendre par la main et nous marcherons jusqu’à ce que nous retrouvions la porte de sortie. Nous recommencerons dans toutes les salles jusqu’à ce que nous soyons arrivés au pied de l’escalier de vingt-quatre marches. Espérons que nous y parviendrons”. Ils firent ainsi … Ils passèrent des heures d’angoisse, mais ils ne désespérèrent point. Ils arrivèrent enfin au pied de l’escalier de vingt-quatre marches. Ils le gravirent en comptant 9, 7, 5 et 3 et se retrouvèrent au fond du puits. Il était minuit, les étoiles brillaient au firmament ; la corde des ceintures pendait encore. Avant de laisser remonter ses Compagnons, le Maître leur montra le cercle découpé dans le ciel par la bouche du puits et leur dit : “Les dix cercles que nous avons vus en descendant représentaient aussi les voûtes ou arches de l’escalier ; la dernière correspond au nombre onze, celle d’où a soufflé le vent du désastre, c’est le ciel infini avec les luminaires hors de notre portée qui le peuplent”. Les trois Initiés regagnèrent l’enceinte du Temple en ruines ; ils roulèrent de nouveau le fût de colonne sans y voir le mot “Boaz”. Ils détachèrent leurs ceintures, s’en enveloppèrent, se mirent en selle. Puis, sans prononcer une parole, plongés dans une profonde méditation sous le ciel étoilé, au milieu du silence de la nuit, ils s’éloignèrent au pas lent de leurs chameaux, dans la direction de Babylone.”

Légende extraite de BOUCHER Jules, La symbolique maçonnique (Paris, Dervy, 1948)


Plus de franc-maçonnerie…

GRIMM : La jeune f​ille sans mains

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La jeune fille sans mains (film de Sébastien Laudenbach, 2016, lire plus à ce propos en fin d’article)

Il était une fois, il y a quelques jours, à l’époque où la farine des villageois était écrasée à la meule de pierre, un meunier qui avait connu des temps difficiles. Il ne lui restait plus que cette grosse meule de pierre dans une remise et, derrière, un superbe pommier en fleur. Un jour, tandis qu’il allait dans la forêt couper du bois mort avec sa hache au tranchant d’argent, un curieux vieillard surgit de derrière un arbre.
“- A quoi bon te fatiguer à fendre du bois ? dit-il. Ecoute, si tu me donnes ce qu’il y a derrière ton moulin, je te ferai riche.
– Qu’y a-t-il, derrière mon moulin, sinon mon pommier en fleurs ? pensa le meunier. Il accepta donc le marché du vieil homme.
– Dans trois ans, je viendrai chercher mon bien, gloussa l’étranger, avant de disparaître en boitant derrière les arbres. ”
Sur le sentier, en revenant, le meunier vit son épouse qui volait à sa rencontre, les cheveux défaits, le tablier en bataille.
” Mon époux, mon époux, quand l’heure a sonné, une pendule magnifique a pris place sur le mur de notre maison, des chaises recouvertes de velours ont remplacé nos sièges rustiques, le garde-manger s’est mis à regorger de gibier et tous nos coffres, tous nos coffrets débordent. Je t’en prie, dis-moi ce qui est arrivé ? ” Et, à ce moment encore, des bagues en or vinrent orner ses doigts tandis que sa chevelure était prise dans un cercle d’or. “Ah”, dit le meunier, qui, avec une crainte mêlée de respect, vit alors son justaucorps devenir de satin et ses vieilles chaussures, aux talons si éculés qu’il marchait incliné en arrière, laisser la place à de fins souliers. “Eh bien, tout cela nous vient d’un étranger, parvint-il à balbutier. J’ai rencontré dans la forêt un homme étrange, vêtu d’un manteau sombre, qui m’a promis abondance de biens si je lui donnais ce qui est derrière le moulin. Que veux-tu, ma femme, nous pourrons bien planter un autre pommier…
– Oh, mon mari ! gémit l’épouse comme foudroyée. Cet homme au manteau sombre, c’était le Diable et derrière le moulin il y a bien le pommier, mais aussi notre fille, qui balaie la cour avec un balai de saule. ” Et les parents de rentrer chez eux d’un pas chancelant, répandant des larmes amères sur leurs beaux habits.
Pendant trois ans, leur fille resta sans prendre époux. Elle avait un caractère aussi doux que les premières pommes de printemps. Le jour où le diable vint la chercher, elle prit un bain, enfila une robe blanche et se plaça au milieu d’un cercle qu’elle avait tracé à la craie autour d’elle. Et quand le diable tendit la main pour s’emparer d’elle, une force invisible la repoussa à l’autre bout de la cour.
“Elle ne doit plus se laver, hurla-t-il, sinon je ne peux l’approcher.” les parents et la jeune fille furent terrifiés. Quelques semaines passèrent. La jeune fille ne se lavait plus et bientôt ses cheveux furent poisseux, ses ongles noirs, sa peau grise, ses vêtements raides de crasse. Chaque jour, elle ressemblait de plus en plus à une bête sauvage.
Alors le diable revint. La jeune fille se mit à pleurer. Ses larmes coulèrent tant et tant sur ses paumes et le long de ses bras que bientôt ses mains et ses bras furent parfaitement propres, immaculés. Fou de rage, le diable hurla : “Coupe-lui les mains, sinon je ne peux m’approcher d’elle !” Le père fut horrifié : “Tu veux que je tranche les mains de mon enfant ? – Tout ici mourra, rugit le Diable, tout, ta femme, toi, les champs aussi loin que porte son regard :” Le père fut si terrifié qu’il obéit.
Implorant le pardon de sa fille, il se mit à aiguiser sa hache. Sa fille accepta son sort. “Je suis ton enfant, dit-elle, fais comme tu dois.” Ainsi fit-il, et nul ne sait qui cria le plus fort, du père ou de son enfant. Et c’en fut fini de la vie qu’avait connue la jeune fille.
Quand le diable revint, la jeune fille avait tant pleuré que les moignons de ses bras étaient de nouveau propres et de nouveau, il se retrouva à l’autre bout de la cour quand il voulut se saisir d’elle. Il lança des jurons qui allumèrent de petits feux dans la forêt, puis disparut à jamais, car il n’avait plus de droits sur elle. Le père avait vieilli de cent ans, tout comme son épouse. Ils s’efforcèrent de faire aller, comme de vrais habitants de la forêt qu’ils étaient. Le vieux père proposa à sa fille de vivre dans un beau château, entourée pour la vie de richesses et de magnificence, mais elle répondit qu’elle serait mieux à sa place en mendiant désormais sa subsistance et en dépendant des autres pour vivre.
Elle entoura donc ses bras d’une gaze propre et, à l’aube quitta la vie qu’elle avait connue. Elle marcha longtemps. Quand le soleil fut au zénith, la sueur traça des rigoles sur son visage maculé. Le vent la décoiffa jusqu’à ce que ses cheveux ressemblent à un amas de brindilles. Et au milieu de la nuit elle arriva devant un jardin royal où la lune faisait briller les fruits qui pendaient aux arbres. Une douve entourait le verger et elle ne put y pénétrer. Mais elle tomba à genoux car elle mourait de faim. Alors, un esprit vêtu de blanc apparut et toucha une des écluses de la douve, qui se vida. La jeune fille s’avança parmi les poiriers. Elle n’ignorait pas que chaque fruit, d’une forme parfaite, avait été compté et numéroté , et que le verger était gardé ; néanmoins, dans un craquement léger, une branche s’abaissa vers elle de façon à mettre à sa portée le joli fruit qui pendait à son extrémité. Elle posa les lèvres sur la peau dorée d’une poire et la mangea, debout dans la clarté lunaire, ses bras enveloppés de gaze, ses cheveux en désordre, la jeune fille sans mains pareille à une créature de boue. La scène n’avait pas échappé au jardinier, mais il n’intervint pas, car il savait qu’un esprit magique gardait la jeune fille. Quand celle-ci eut fini de manger cette seule poire, elle retraversa la douve et alla dormir dans le bois, à l’abri des arbres.
Le lendemain matin, le roi vint compter ses poires. Il s’aperçut qu’il en manquait une, mais il eut beau regarder partout, il ne put trouver le fruit. La jardinier expliqua : “La nuit dernière, deux esprits ont vidé la douve, sont entrés dans le jardin quand la lune a été haute et celui qui n’avait pas de mains, un esprit féminin, a mangé la poire qui s’était offerte à lui.” Le roi dit qu’il monterait la garde la nuit suivante. Quand il fit sombre, il arriva avec son jardinier et son magicien, qui savait comment parler avec les esprits. Tous trois s’assirent sous un arbre et attendirent. A minuit, la jeune fille sortit de la forêt, flottant avec ses bras sans mains, ses vêtements sales en lambeaux, ses cheveux en désordre et son visage sur lequel la sueur avait tracé des rigoles, l’esprit vêtu de blanc à ses côtés. Ils pénétrèrent dans le verger de la même manière que la veille et de nouveau, un arbre mit une branche à la portée de la jeune fille en se penchant gracieusement vers elle et elle consomma à petits coups de dents le fruit qui penchait à son extrémité. Le magicien s’approcha d’eux, un peu mais pas trop.
“Es-tu ou n’es-tu pas de ce monde ?” demanda-t-il. Et la jeune fille répondit : “J’ai été du monde et pourtant je ne suis pas de ce monde.” Le roi interrogea le magicien : “Est-elle humaine ? Est-ce un esprit ?” le magicien répondit qu’elle était les deux à la fois.
Alors le cœur du roi bondit dans sa poitrine et il s’écria : “Je ne t’abandonnerai pas. A dater de ce jour, je veillerai sur toi.” Dans son château, il fit faire, pour elle une paire de mains en argent, que l’on attacha à ses bras. Ainsi le roi épousa-t-il la jeune fille sans mains.
Au bout de quelque temps, le roi dut partir guerroyer dans un lointain royaume et il demanda à sa mère de veiller sur sa jeune reine, car il l’aimait de tout cœur. “Si elle donne naissance à un enfant, envoyez-moi, tout de suite un message.” La jeune reine donna naissance à un bel enfant.
La mère du roi envoya à son fils un messager pour lui apprendre la bonne nouvelle. Mais, en chemin, le messager se sentit fatigué, et, quand il approcha d’une rivière, le sommeil le gagna, si bien qu’il s’endormit au bord de l’eau. Le diable sortit de derrière un arbre et substitua au message un autre disant que la reine avait donné naissance à un enfant qui était mi-homme mi-chien. Horrifié, le roi envoya néanmoins un billet dans lequel il exprimait son amour pour la reine et toute son affection dans cette terrible épreuve. Le jeune messager parvint à nouveau au bord de la rivière et là, il se sentit lourd, comme s’il sortait d’un festin et il s’endormit bientôt. Là-dessus le diable fit son apparition et changea le message contre un autre qui disait : “Tuez la reine et son enfant.” La vieille mère, bouleversée par l’ordre émis par son fils, envoya un messager pour avoir la confirmation. Et les messagers firent l’aller-retour. En arrivant au bord de la rivière, chacun d’eux était pris de sommeil et le Diable changeait les messages qui devenaient de plus en plus terribles, le dernier disant : “Gardez la langue et les yeux de la reine pour me prouver qu’elle a bien été tuée.”
La vieille mère ne pouvait supporter de tuer la douce et jeune reine. Elle sacrifia donc une biche, prit sa langue et ses yeux et les tint en lieu sûr. Puis elle aida la jeune reine à attacher son enfant sur son sein, lui mit un voile et lui dit qu’elle devait fuir pour avoir la vie sauve. Les femmes pleurèrent ensemble et s’embrassèrent, puis se séparèrent. La jeune reine partit à l’aventure et bientôt elle arriva à une forêt qui était la plus grande, la plus vaste qu’elle avait jamais vue. Elle tenta désespérément d’y trouver un chemin. Vers le soir, l’esprit vêtu de blanc réapparut et la guida à une pauvre auberge tenue par de gentils habitants de la forêt. Une autre jeune fille vêtue d’une robe blanche, la fit entrer en l’appelant Majesté et déposa le petit enfant auprès d’elle. “Comme sais-tu que je suis reine ? demanda-t-elle.
– Nous les gens de la forêt sommes au courant de ces choses-là, ma reine. Maintenant, reposez-vous.”
La reine passa donc sept années à l’auberge, où elle mena une vie heureuse auprès de son enfant. Petit à petit, ses mains repoussèrent. Ce furent d’abord des mains d’un nourrisson, d’un rose nacré, puis des mains de petite fille et enfin des mains de femme.
Pendant ce temps, le roi revint de la guerre. Sa vieille mère l’accueillit en pleurant. “Pourquoi as-tu voulu que je tue deux innocents ?” demanda-t-elle en lui montrant les yeux et la langue ? En entendant la terrible histoire, le roi vacilla et pleura sans fin. Devant son chagrin, sa mère lui dit que c’étaient les yeux et la langue d’une biche, car elle avait fait partir la reine et son enfant dans la forêt.
Le roi fit le vœu de rester sans boire et sans manger et de voyager jusqu’aux extrémités du ciel pour les retrouver. Il chercha pendant sept ans. Ses mains devinrent noires, sa barbe se fit brune comme de la mousse, ses yeux rougirent et se desséchèrent. Il ne mangeait ni ne buvait, mais une force plus puissante que lui l’aidait à vivre. A la fin, il parvint à l’auberge tenue par les gens de la forêt. La femme en blanc le fit entrer et il s’allongea, complètement épuisé. Elle lui posa un voile sur le visage. Il s’endormit et, tandis qu’il respirait profondément, le voile glissa petit à petit de son visage.
Quand il s’éveilla une jolie femme et un bel enfant le contemplaient. “Je suis ton épouse et voici ton enfant.” Le roi ne demandait qu’à la croire, mais il s’aperçut qu’elle avait des mains. “Mes labeurs et mes soins les ont fait repousser”, dit la jeune femme. Alors la femme en blanc tira les mains en argent du coffre dans le quel elles étaient conservées. Le roi se leva étreignit son épouse et son enfant et, ce jour-là, la joie fut grande au cœur de la forêt. Tous les esprits et les habitants de l’auberge prirent part à un splendide festin. Par la suite, le roi, la reine et leur fils revinrent auprès de la vieille mère, se marièrent une seconde fois.


© Shellac – Les Films Sauvages – Les Films Pelléas

La jeune fille sans mains est également devenu un film d’animation de Sébastien LAUDENBACH (2016), présenté au festival ACID de Cannes (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) en 2016 et commenté dans TELERAMA.FR par Cécile MURY (article du 12 mai 2016). Elle y parle de “la cruauté humaine dessinée avec grâce” et en propose un extrait exclusif, différent de la bande-annonce officielle ci-dessous.


D’autres symboles…

Académie de musique GRETRY

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André-Modeste GRETRY

Fondée en 1929, l’Académie Grétry est un établissement d’enseignement secondaire artistique à horaire réduit (ESAHR), agréé et subsidié par la Communauté française de Belgique qui rémunère directement le corps professoral. Elle a été fondée à Liège par trois notables liégeois : Jean

WARROQUIERS – Auguste VAULET – Pierre SIMON. Elle compte une septantaine de professeurs. Outre les diverses disciplines qu’elle enseigne – formation musicale, instruments, danse classique et contempora​ine, formation vocale (chant) et arts de la parole – l’Académie est chargée depuis 1976, par le Ministère de l’Education Nationale, d’organiser des cours d’enseignement secondaire en « humanités artistiques ». Depuis 1989, l’Académie Grétry est installée dans le bâtiment de l’ancienne maternité de Bavière, qui a été classé en 2008 à l’initiative du Ministre Jean-Claude Marcourt. L’Académie GRÉTRY accueille donc aujourd’hui trois catégories d’élèves : (a) ceux qui désirent devenir de bons amateurs ; (b) ceux qui cherchent à préparer leur entrée dans l’enseignement supérieur artistique et (c) ceux qui désirent allier enseignement artistique et enseignement général pendant leurs humanités (danse classique – danse contemporaine – arts de la parole et du théâtre)…

Plus d’infos sur le site de l’Académie de musique GRETRY

EXPO | Rétrospective Rik WOUTERS

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Rétrospective WOUTERS aux Beaux-Arts 2017

Figure de proue du fauvisme brabançon, Rik Wouters laisse une œuvre éclatante et colorée, loin des drames qui ont marqué son existence jusqu’à sa disparition prématurée en 1916, à l’âge de 34 ans. Rik Wouters a dominé tant la peinture, la sculpture que le dessin : son parcours extraordinaire l’érige aujourd’hui en Maître incontournable de l’Art moderne en Belgique. La rétrospective qu’organisent les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, en partenariat avec le Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers, est exceptionnelle. Pour la première fois, ces deux musées rassemblent en une seule exposition la plus importante collection d’œuvres de l’artiste belge le plus illustre du début du XXe siècle. Des prêts rares de collections privées et de grands musées internationaux complètent l’ensemble. Cette exposition majeure clôture les hommages liés au centenaire de la mort de l’artiste. L’art de Rik Wouters, c’est avant tout une abondance de couleurs et des sujets authentiques, simples, touchants. Par son langage visuel, la construction de ses sujets et la richesse lumineuse de sa palette, il a développé un style d’avant-garde, tout en ayant été associé à Ensor, puis Cézanne ou encore Renoir. Rik Wouters fut rapidement apprécié par ses contemporains ; son talent fulgurant, fauché dans sa jeunesse par la Grande Guerre puis la maladie, nous lègue un héritage artistique fascinant et magistral…

Continuer sur le site des Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles (BE)
L’exposition est accessible jusqu’au 2 juillet 2017

Une approche intégrée de l’enseignement et de l’éducation – Carnet de bord d’une expérience de terrain

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CAL SERAING (Renaud ERPICUM) – couverture 2015

Cet ouvrage est un outil destiné aux enseignants, aux professionnels de l’éducation et, d’une manière générale, à tous ceux qui s’intéressent à la question de l’enseignement. Il dresse un panorama des activités mises en place par le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège dans le quartier du Molinay, à Seraing. L’association, implantée au Molinay depuis une quinzaine d’années, a notamment mis sur pied deux projets : les Ateliers de Soutien à la Réussite et les Ateliers du Mercredi. Les premiers offrent, en étroite collaboration avec les enseignants, un soutien scolaire personnalisé aux enfants qui en ont besoin. Les seconds permettent aux jeunes de vivre les valeurs laïques et d’expérimenter concrètement des éléments de démocratie, de participation et de coopération. Cet ouvrage très pratique ne se contente pas de présenter les projets : il contient des comptes-rendus de situations vécues, des analyses, des réflexions, des essais et leurs recadrages ainsi que des outils. Il est le reflet d’une expérience en forme de projet pilote et, pourquoi pas, un vecteur d’inspiration pour des actions à plus grande échelle. Il aborde ainsi de nombreuses thématiques, parmi lesquelles deux sont particulièrement capitales aux yeux du Centre d’Action Laïque de la Province de Liège : une école de l’égalité et le vivre ensemble.​..

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THONART (Cléa) : aquarelle

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MURAKAMI : textes

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Haruki MURAKAMI (né en 1949)

Des hommes sans femmes
(in Des hommes sans femmes, nouvelles, 2017, extr.)

Il est très facile de devenir des hommes sans femmes. On a juste besoin d’aimer profondément une femme et que celle-ci disparaisse ensuite. En général (comme vous le savez), elles auront astucieusement été emmenées par de robustes marins. Ils les auront enjôlées avec de belles paroles et entraînées en un tournemain jusqu’à Marseille ou jusqu’en Côte d’Ivoire. Nous ne pouvons presque rien faire face à cela. Il arrive aussi que les marins n’y soient pour rien, et qu’elles se suppriment volontairement. Face à cela aussi, nous sommes impuissants. Et les marins également.

D’une manière ou d’une autre, nous voilà devenus des hommes sans femmes. En l’espace d’un instant. Et dès que vous êtes un homme sans femmes, les couleurs de la solitude vous pénètrent le corps. Comme du vin rouge renversé sur un tapis aux teintes claires. Si compétent que vous soyez en travaux ménagers, vous aurez un mal fou à enlever cette tache. Elle finira peut-être par pâlir avec le temps, mais au bout du compte elle demeurera là pour toujours, jusqu’à votre dernier souffle. Elle possède une véritable qualification en tant que tache, et, à ce titre, elle a parfois officiellement voix au chapitre. Il ne vous reste plus qu’à passer votre vie en compagnie de ce léger changement de couleur et de ses contours flous.


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WEGMAN : Polaroïds

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EXPO | Jeanloup SIEFF : Les années lumière + Borinage, 59

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(c) Jeanloup SIEFF

​«Les gens qui ne me connaissent pas se font de fausses idées à mon sujet. Ils s’imaginent que je suis un peu orgueilleux, un peu dilettante, un peu distant… mais ils se trompent, je le suis totalement.» Elégance et légèreté, classicisme et sensualité sont quelques qualificatifs pour évoquer les photographies de Jeanloup Sieff (1933-2000). Reporter indépendant, un temps membre de l’agence Magnum – il reçoit en 1959 le Prix Niépce pour son reportage sur le Borinage – c’est cependant dans la photographie de mode qu’il va s’illustrer. Réalisées principalement pour de prestigieuses revues de mode telles Harper’s Bazaar, Elle, Vogue ou British Mode, ses photographies s’émancipent pourtant de la commande par l’originalité des cadrages, la densité des impressions et le choix du grand angle qui les rend immédiatement reconnaissables. Car il y a bien un style Sieff avec ses femmes-icônes portant les créations de prestigieux couturiers, ses nus féminins saisis dans leur troublante intimité, ses paysages déserts qui sont le visage solitaire de ce photographe pratiquant l’amitié avec les vedettes de l’écran ou de la politique qu’il rend si proches, s’effaçant derrière le modèle. Sieff épure sa photographie, en conservant les lignes maîtresses, les coulant dans des noirs profonds, rejoignant l’esthétique d’une époque, les «Trente Glorieuses» qu’il incarne à la perfection.

Au Musée de la photographie de Charleroi (BE) jusqu’au 5 mai 2017…

EHRMANN : textes

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EHRMANN, Max (1912-1945)
Calligraphie de Desiderata
Calligraphie de Desiderata

Une légende urbaine veut que ce texte ait été trouvé dans l’église Saint-Paul de Baltimore, USA, il y a plus de deux siècles. Il aurait été laissé dans cette église en 1692 par un auteur inconnu. La vérité est ailleurs : le véritable auteur s’appelle Max Ehrmann (1872-1945). Il l’a écrit en 1927 (publication en 1948 dans une collection intitulée Les poèmes de Max Ehrmann, page 165). La légende vient du fait que le recteur de St Paul a repris ce texte sur un flyer portant l’en-tête de son église et sa date de fondation, à savoir 1692, date qui fut ensuite confondue avec celle du poème.

Desiderata (1927, alias “Le manuscrit de Baltimore”)

Allez tranquillement parmi le vacarme et la hâte, et souvenez-vous de la paix qui peut exister dans le silence.
Sans aliénation, vivez autant que possible en bons termes avec toute personne.
Dites doucement et clairement votre vérité.
Écoutez les autres, même le simple d’esprit et l’ignorant ; ils ont eux aussi leur histoire.
Evitez les individus bruyants et agressifs, ils sont une vexation pour l’esprit.
Ne vous comparez avec personne : vous risqueriez de devenir vain ou vaniteux. Il y a toujours plus grand et plus petit que vous.
Jouissez de vos projets aussi bien que de vos accomplissements. Soyez toujours intéressé à votre carrière, si modeste soit-elle ; c’est une véritable possession dans les prospérités changeantes du temps.
Soyez prudent dans vos affaires, car le monde est plein de fourberies.
Mais ne soyez pas aveugle en ce qui concerne la vertu qui existe ; plusieurs individus recherchent les grands idéaux ; et partout la vie est remplie d’héroïsme.
Soyez vous-même. Surtout n’affectez pas l’amitié. Non plus ne soyez cynique en amour, car il est en face de toute stérilité et de tout désenchantement aussi éternel que l’herbe.
Prenez avec bonté le conseil des années, en renonçant avec grâce à votre jeunesse.
Fortifiez une puissance d’esprit pour vous protéger en cas de malheur soudain. Mais ne vous chagrinez pas avec vos chimères. De nombreuses peurs naissent de la fatigue et de la solitude.
Au-delà d’une discipline saine, soyez doux avec vous-même. Vous êtes un enfant de l’univers ; pas moins que les arbres et les étoiles, vous avez le droit d’être ici. Et qu’il vous soit clair ou non, l’univers se déroule sans doute comme il le devrait.
Soyez en paix avec Dieu, quelle que soit votre conception de lui. Et quels que soient vos travaux et vos rêves, gardez dans le désarroi bruyant de la vie, la paix dans votre âme.
Avec toutes ses perfidies, ses besognes fastidieuses et ses rêves brisés, le monde est pourtant beau.
Prenez attention. Tâchez d’être heureux.

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MONTAIGNE : textes

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Michel EYQUEM, seigneur de Montaigne dit MONTAIGNE (1533-1592)

Essais, III, 13, De l’expérience​

​Notre grand et glorieux chef-d’oeuvre, c’est vivre à propos. Toutes autres choses, régner, thésauriser, bâtir, n’en sont qu’appendicules et adminicules, pour le plus.

Les Essais en français moderne (Quarto)

Essais, III, 8, Sur l’art de la conversation

Nous n’aimons pas la rectification​ [de nos opinions] ; il faudrait [au contraire] s’y prêter et s’y offrir, notamment quand elle vient sous forme de conversation, non de leçon magistrale. A chaque opposition, on ne regarde pas si elle est juste​, mais, à tort ou à raison, comment on s’en débarrassera. Au lieu de lui tendre les bras, nous lui tendons les griffes. Je supporterais d’être rudoyé par mes amis : “Tu es un sot, tu rêves”. J’aime qu’entre hommes de bonne compagnie on s’exprime à cœur ouvert, que les mots aillent où va la pensée. Il faut fortifier notre ouïe et la durcir contre cette mollesse du son conventionnel des paroles. J’aime une société et une familiarité forte et virile et une amitié qui trouve son plaisir dans la rudesse et la vigueur de son commerce, comme l’amour le fait dans les morsures et les égratignures sanglantes.


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75 EPUB Gallica sélectionnés par le ministère de l’Education nationale français

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Le saviez-vous ? Gallica propose plus de 3 600 EPUB à télécharger gratuitement. Le ministère de l’Education nationale en a sélectionné 75 à destination des enseignants et des élèves de Lettres, tous genres confondus (roman, théâtre, poésie, conte, etc.) en littératures française et étrangère. Balzac, Baudelaire, Cervantès, Dante, Dickens, Dumas, Flaubert, Maupassant et bien d’autres : remplissez sans plus tarder vos tablettes de classiques !​

Lire la suite de l’article d’Isabelle DEGRANGE sur le blog de la BNF (28 novembre 2016)

BENHAMOU : La franc-maçonnerie pour les nuls en 50 notions clés

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[ISBN-10: 2412028869]
BENHAMOU Philippe, La franc-maçonnerie pour les nuls en 50 notions clés (Paris, First, 2017)

Philippe BENHAMOU est franc-maçon, membre de la Grande Loge de France depuis 1990. En 2005, il publie avec l’auteur américain Christopher Hodapp La Franc-maçonnerie pour les nuls aux Editions First. Le succès de ce livre destiné autant aux profanes qu’aux francs-maçons l’entraîne vers les joies de l’écriture.

Auteur, il s’imagine écrivain et rédige des nouvelles tirées de son expérience dans le monde ordinaire du travail quotidien (Mais que se passe-t-il derrière la porte fermée du bureau de votre collègue ?) ou inspirées par l’imaginaire symbolique du monde maçonnique.

Philippe Benhamou est chroniqueur régulier dans l’émission mensuelle 2 colonnes à la 1 : première et unique émission de webradio en direct sur la Franc-Maçonnerie, le symbolisme et l’ésotérisme (Radio DTC). Il collabore régulièrement à des revues d’histoire et de vulgarisation sur la franc-maçonnerie dans le but de mieux la faire connaître, de la démystifier mais aussi et surtout d’en montrer la beauté et la richesse symbolique.

Ses deux livres préférés sont Martin Eden de Jack London et Bouvard et Pécuchet de Flaubert. Le premier parce qu’il aime les marins qui écrivent et le deuxième parce qu’il dit qu’il va finir par leur ressembler.

Source : Babelio

Pour plonger plus profondément sous le tumulus…

CAVAIGNAC : Les questions-réponses rouges (Dervy, 2018)

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La franc-maçonnerie – 101 questions sans un tabou (Dervy, 2018)

ISBN 97910 242 0252 5

Un jeu conçu, écrit et réalisé par : Yasmine Bonhomme, François Cavaignac et Valeria Cassisa. Ce jeu est constitué de 101 cartes réparties en trois domaines auxquels est associée une couleur pour les différencier :
. rouge pour ce qui se rapporte aux valeurs, à l’institution,
. vert pour ce qui se rapporte à l’histoire,
. bleu pour ce qui se rapporte aux symboles.

Questions rouges (1, niveau débutant)

      1. Où peut-on lire l’inscription “Si ta curiosité t’a conbuit ici, va-t’en !” ?
      2. Un membre d’extrême-droite peut être franc-maçon : vrai ou faux ?
      3. Qu’est-ce qu’une obédience ?
      4. Comment se nomme le moment où un candidat est auditionné par une Loge ?
      5. Qu’est-ce que la capitation ?
      6. Comment s’appelle le responsable d’une obédience ?
      7. Qu’est-ce que les agapes ?
      8. Comment s’appelle le travail présenté en loge par un franc-maçon ?

Questions rouges (2, niveau intermédiaire)

      1. Comment appelle-t~on les textes qui décrivent les cérémonies maçonniques ?
      2. Que promet de faire l’Apprenti  avec “zèle, constance et régularité” ?
      3. De quelle couleur sont les Loges où se réunissent les Apprentis, les Compagnons et les Maîtres ?
      4. La franc-maçonnerie et la religion sont incompatibles : vrai ou faux ?
      5. Que symbolise le compas ? a. L’intégrité ; b. La précision ; c. L’esprit humain ; d. La rationalité ; e. La pureté.
      6. Lequel de ces termes ne se rapporte pas à l’équerre ? a. La droiture ; b. L’équilibre ; c. L’esprit humain ; d. La matière.
      7. Comment positionner l’équerre et le compas pour indiquer le degré auquel la Loge est ouverte ?
      8. En quoi consiste le “tuilage” ?

Questions rouges (3, niveau avancé)

      1. Quelles sont les Trois Grandes Lumières de la franc-maçonnerie ?

Réponses rouges (1, niveau débutant)

      1. Où peut-on lire l’inscription “Si ta curiosité t’a conbuit ici, va-t’en !” ?
        C’est parmi les différentes citations qui figurent sur les murs du Cabinet de réflexion que l’on peut lire cette formule. Isolé dans la pénombre de ce petit local, le candidat est incité à descendre en lui-même, à faire le point sur son histoire personnelle et à réfléchir à ses engagements futurs, comme cela lui est demandé à travers le testament philosophique. Cette première étape de la cérémonie d’initiation est inconnue de la maçonnerie anglaise et semble avoir été introduite en France dans les années 1770, sous l’influence du mouvement occultiste. Elle fait correspondre le passage dans le Cabinet de réflexion à l’épreuve de la terre, les trois autres éléments (eau, air, feu) se retrouvant dans la cérémonie d’initiation elle-même.
        Le Cabinet de réflexion est la première épreuve rituelle de purification qui engage le processus personnel de questionnement sur soi-même.
      2. Un membre d’extrême-droite peut être franc-maçon : vrai ou faux ?
        Faux ! Les valeurs humanistes de tolérance, de respect de l’autre, de solidarité, et l’attachement aux Droits de l’homme prônés par la franc-maçonnerie libérale et adogmatique suffisent à montrer l’incompatibilité entre ces deux options : un membre d’un parti politique d’extrême-droite ne peut en aucun cas être membre de la franc-maçonnerie. Devant la progression des idées populistes, le Grand Orient de France a ajouté, dans le texte du serment prêté par l’Apprenti lors de l’initiation, une disposition rappelant cette contradiction absolue. Toutefois, dans notre monde postmoderne, qui remet en cause beaucoup de certitudes, une certaine porosité est parfois constatée, notamment dans certains milieux occultistes.
      3. Qu’est-ce qu’une obédience ?
        Une obédience, c’est un regroupement de Loges qui se sont associées pour bénéficier d’une gestion matérielle commune et d’une pratique homogène des rituels. Peu à peu, les obédiences se sont structurées au point de devenir de puissantes organisations administratives et initiatiques, chacune effectuant, selon sa philosophie institutionnelle et sa dimension historique, une répartition des pouvoirs entre ces deux domaines. Les grandes obédiences, telles que le Grand Orient de France, la Grande Loge de France, la Grande Loge Nationale Française, la Grande Loge Féminine de France, disposent d’un patrimoine immobilier, de moyens d’information (revues, publications, sites internet) et d’accès aux médias. Un “Grand Orient” est une fédération de Loges souveraines pratiquant des rites différents ; une “Grande Loge” est une fédération de Loges pratiquant un même rite, les membres adhérant à l’obédience.
      4. Comment se nomme le moment où un candidat est auditionné par une Loge ?
        Dans la procédure de recrutement de la franc-maçonnerie, il s’agit du « passage sous le bandeau ». Cette occasion est particulière, car le candidat, les yeux recouverts d’un bandeau, ne peut voir aucun des membres de la Loge. Il doit répondre alors à une série de questions qui lui sont posées, mais aucune discussion ne doit s’engager entre lui et les interrogateurs. Il s’agit de mieux connaître le candidat et de mieux appréhender ses motivations. On lui demande d’être sincère, d’avoir des intentions pures et de montrer un caractère ferme. Cette étape, qui est une tradition maçonnique intangible, peut surprendre par son caractère secret. Elle permet en fait d’assurer une discrétion totale de part et d’autre : le candidat peut changer d’avis si la démarche l’inquiète et les membres de la Loge sont préservés de toute indiscrétion. Considérée comme une épreuve initiatique, elle constitue pour tout maçon un moment inoubliable et très intime.
      5. Qu’est-ce que la capitation ?
        La « capitation » est le nom maçonnique de la contribution financière que chaque membre actif d’une Loge doit verser à l’obédience afin d’assurer son fonctionnement et ses moyens d’action. Le montant en est fixé chaque année par les délégués de toutes les Loges lors de l’assemblée générale appelée Convent. Parallèlement, tout franc-maçon doit participer aux dépenses de fonctionnement courant de sa Loge, notamment les frais immobiliers – liés au statut de locataire ou de propriétaire – et les frais de gestion relatifs à tout regroupement associatif. Cette quote-part pour la Loge est plus couramment appelée
        cotisation. Toutefois, dans le langage courant, les deux termes ont tendance à devenir synonymes.
      6. Comment s’appelle le responsable d’une obédience ?
        Le Grand Maître. Ce titre honorifique est courant dans de nombreux ordres (religion, chevalerie, décorations), confréries et organisations (jeu d’échecs et arts martiaux). Il est manifestement emprunté au Moyen Âge où il a été attribué pour la première fois au XIIIème siècle à l’ordre des Hospitaliers. Les francs-maçons l’ont perpétué et l’utilisent dans quantité d’obédiences à travers le monde, avec certaines variantes quant aux attributs qualificatifs. Le Grand Orient de France, soucieux de ne pas pérenniser des titres rappelant trop le passé monarchique, l’a remplacé par la formule Président du Conseil de l’Ordre à la fin du XIXème siècle , mais il a fallu le réintroduire au xxème siècle, car l’usage s’était maintenu parmi les frères. En revanche, l’interpellation protocolaire de Sérénissime Grand Maître est désormais supprimée.
      7. Qu’est-ce que les agapes ?
        C’est le repas qui suit traditionnellement toute tenue maçonnique. Avant de se séparer, les maçons aiment partager un moment de commensalité et de convivialité entre eux. En Angleterre, les premières Loges de 1717 portaient le nom de la taverne où elles se réunissaient. Dans ses Constitutions (1723), Anderson y fait allusion et recommande aux frères de conserver un comportement digne durant ces moments de détente. En France, la coutume s’est transmise, correspondant largement au tempérament national. L’opinion publique, devant la multitude de restaurants accueillant les agapes maçonniques, a longtemps pensé, aux XVIII et XIXèmes siècles, que la franc-maçonnerie était une société bachique. Ironie de l’histoire : le terme, comme plusieurs autres en franc-maçonnerie, est emprunté au vocabulaire ecclésiastique qui désignait étymologiquement le repas fraternel des premiers chrétiens.
      8. Comment s’appelle le travail présenté en loge par un franc-maçon ?
        Une planche. La réflexion spéculative ayant remplacé le travail manuel des maçons opératifs dans la maçonnerie moderne, les maçons sont amenés à s’exprimer par écrit, malgré l’attachement de certains à une forme de tradition orale. Le terme de planche s’est généralisé pour désigner tout écrit maçonnique, qu’il provienne à titre individuel d’un maçon, d’une Loge ou d’une obédience. Ainsi toute présentation en Loge d’un travail est-il une planche. Antérieurement, les formules pièce d’architecture, planche à tracer ou planche tracée étaient utilisées, mais la simplicité et la commodité de la forme planche se sont imposées. La locution morceau d’architecture, considérée comme plus proche du métier d’origine, connaît un regain d’emploi dans plusieurs courants traditionalistes.

Réponses rouges (2, niveau intermédiaire)

      1. Comment appelle-t~on les textes qui décrivent les cérémonies maçonniques ?
        Les rituels. Les cérémonies maçonniques obéissent à des règles qui ont été codifiées au fur et à mesure des évolutions philosophiques des obédiences. Les textes qui reprennent l’ensemble des séquences à mettre en oeuvre sont appelés des rituels. Chaque degré maçonnique a un rituel particulier correspondant aux connaissances symboliques requises par ce degré. Le terme a manifestement été emprunté à l’Église catholique pour qui le rituel est un livre décrivant la liturgie que le prêtre et les fidèles doivent suivre en fonction du calendrier. Le texte considéré comme le premier rituel maçonnique est le Manuscrit d’Édimbourg (1696) qui contient une série de questions/réponses que les frères doivent s’adresser, ainsi que le rite particulier du “mot du maçon.” Le rituel représente la formalisation textuelle du rite, évitant ainsi une déperdition qui peut accompagner souvent la transmission
        orale.
      2. Que promet de faire l’Apprenti  avec “zèle, constance et régularité” ?
        Il promet de travailler ainsi à l’oeuvre de la franc-maçonnerie. Cette affirmation – qui est une ferme résolution puisqu’elle fait partie du serment prêté par l’Apprenti lors de son initiation – rappelle un aspect central de la méthode maçonnique. Par principe, la franc-maçonnerie estime que le travail est l’un des devoirs essentiels de tout homme, qu’il soit manuel ou intellectuel. Ainsi, symboliquement, toute Loge est un chantier en activité et tout maçon un ouvrier. Ce travail, tant sur soi-même que pour s’intégrer dans le groupe, doit être effectué sans relâche, car il s’agit de la recherche du perfectionnement spirituel et moral de l’humanité. Une célèbre formule du rituel rappelle, à la fermeture des travaux, que “de longs et pénibles efforts seront encore nécessaires ; […] L’heure du repos n’est donc
        pas arrivée.”
      3. De quelle couleur sont les Loges où se réunissent les Apprentis, les Compagnons et les Maîtres ?
        La maçonnerie symbolique des trois premiers grades est traditionnellement désignée comme la maçonnerie bleue. On se perd en conjectures chez les historiens et symbolistes pour trouver l’origine de cette appellation. Il est d’abord noté que cette expression est essentiellement française et peu répandue dans le monde anglo-saxon, même si elle est reprise aux États-Unis. Il semble que ce soit au milieu du XVIIIème siècle que cette couleur se soit imposée sur les tabliers, empruntée peut-être à certains anciens ordres de chevalerie français et anglais. Une explication plus symbolique est également avancée : le Temple maçonnique devant représenter l’univers, il était alors évident que le bleu ciel de la voûte céleste était la couleur qui se justifiait. Par glissement métonymique, le qualificatif s’est étendu aux trois grades traditionnels.
      4. La franc-maçonnerie et la religion sont incompatibles : vrai/faux ?
        Vrai et faux !
        L’histoire montre que la franc-maçonnerie a des racines religieuses incontestables : catholicisme des bâtisseurs médiévaux  protestantisme des fondateurs modernes, influence du syncrétisme chrétien issu de la Renaissance et de la tradition Juive. Les Constitutions d’Anderson (1723) demandent toutefois aux maçons de laisser chacun pratiquer librement sa religion, sans en parler en Loge. En 1877, le GODF a supprimé l’obligation de faire référence à une quelconque transcendance en érigeant le principe de la liberté absolue de conscience. L’Église, de son côté, interdit à tout fidèle, sous peine d’excommunication, d’être franc-maçon. Dans les faits, le questionnement du sens de la vie travaillé dans les Loges se rapproche des interrogations religieuses. Malgré les rappels des obédiences expliquant que la franc-maçonnerie n’est pas une religion, de nombreux francs-maçons***
      5. Que symbolise le compas ? a. L’intégrité ; b. La précision ; c. L’esprit humain ; d. La rationalité ; e. La pureté.
        c. L’esprit humain.
        Systématiquement associé à l’équerre, le compas est l’instrument initial qui permet de tracer des plans complexes avec précision ; l’articulation de ses branches lui confère une souplesse et une mobilité technique sans égales. Par convention symbolique, il représente l’esprit humain et se trouve être toujours associé à l’équerre, montrant ainsi combien le franc-maçon doit être équilibré dans sa recherche. Au grade de Maître, il est entrouvert à 45 degrés, soit la moitié de l’angle droit formé par l’équerre ; lorsqu’il est ouvert à 90 degrés, on dit qu’il devient l’équerre juste.
      6. Lequel de ces termes ne se rapporte pas à l’équerre ? a. La droiture ; b. L’équilibre ; c. L’esprit humain ; d. La matière.
        c. L’esprit humain.
        Outil opératif indispensable, l’équerre permet de tracer des angles droits sur les plans et de poser les pierres de façon rectiligne lors de l’édification du bâtiment. Cet instrument, avec lequel aucune construction de travers n’est autorisée, a été repris par les francs-maçons spéculatifs pour indiquer la droiture qu’ils doivent manifester dans leurs travaux. Parallèlement, par convention, l’équerre représente la matière. Progressivement, elle s’est imposée comme l’emblème de la conscience, de la rectitude et de l’équilibre, devenant alors l’un des attributs du Vénérable de la loge. Sa dimension méthodologique est attestée : le maçon à la recherche de la
        Vérité doit ordonner son raisonnement sur des bases solides dont les arguments s’ajustent pleinement les uns à la suite des autres. En maçonnerie, elle est systématiquement associée au compas.
      7. Comment positionner l’équerre et le compas pour indiquer le degré auquel la Loge est ouverte ?
        Les maçons utilisent la conjonction de l’équerre et du compas pour indiquer le grade auquel travaille la Loge.
        Au grade ou degré d’Apprenti, l’équerre est placée au-dessus du compas. L’équerre recouvre les deux branches du compas > Équerre sur le compas : la matière domine l’intellect.
        Au grade ou degré de Compagnon, les deux instruments sont entremêlés. Une branche du compas est placée sur l’équerre, tandis que l’autre est disposée sous celle-ci > Équerre et compas entrecroisés : le maçon a progressé, mais il est en position intermédiaire.
        Au grade ou degré de Maître, le compas est placé sur l’équerre >  Compas sur équerre : l’intelligence a pris le dessus surla matière.
      8. En quoi consiste le “tuilage” ?
        Le « tuilage » consiste à vérifier qu’un frère visiteur est porteur de la qualité maçonnique. En France, les maçons ont toujours été particulièrement attentifs à la protection des tenues devant d’éventuelles intrusions malveillantes. Reprenant les postures traditionnelles de la maçonnerie, ils ont appliqué la procédure du tuilage. Il est donc demandé au frère de prouver qu’il connaît les “mots, signes et attouchements” spécifiques au grade qu’il détient (formules des questions/réponses, âge rituel, mots de passe, etc.). Ces éléments de reconnaissance sont obligatoirement communiqués lors de toute cérémonie d’initiation et d’élévation de grade à l’impétrant. C’est le frère Expert – autrefois le frère Couvreur – qui est chargé de ce contrôle. Le mot provient du terme “tuileur”, ouvrier qui, dans les métiers du bâtiment, assure la couverture du gros oeuvre et, par extension, la protection du Temple.

Réponses rouges (3, niveau avancé)

      1. Quelles sont les Trois Grandes Lumières de la franc-maçonnerie ?
        La formulation « Trois Grandes Lumières» renvoie à l’association du livre, de l’équerre et du compas. La plupart du temps, le livre, dénommé le Volume de la Loi Sacrée, est une Bible, mais il peut s’agir aussi du Règlement général de l’obédience, d’un ouvrage profane auquel la Loge accorde une valeur prééminente ou encore d’un Livre blanc. Le livre constitue la référence que doit respecter tout maçon. l’équerre et le compas représentent les outils essentiels de la construction opérative, porteurs chacun d’une signification symbolique forte. Le regroupement de ces trois symboles manifeste toute l’étendue du travail maçonnique, autant intellectuel que matériel. Tout récipiendaire doit prêter serment sur ces trois objets réunis qui traduisent également l’idéalisation du métier comme valeur supérieure.

[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : dervy-almora.fr | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête © Le Lombard.


Plus de symboles en Wallonie…

Chanson d’Union

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      1. Frères et Compagnons
        De la Maçonnerie,
        Sans chagrin jouissons
        Des plaisirs de la vie ;
        Munis d’un rouge bord,
        Que par trois fois un signal de nos verres
        Soit une preuve que d’accord
        Nous buvons à nos Frères. (bis)
      2. Le monde est curieux
        De savoir nos ouvrages ;
        Mais tous nos envieux
        N’en seront pas plus sages.
        Ils tâchent vainement
        De pénétrer nos Secrets, nos Mystères ;
        Ils ne sauront pas seulement
        Comment boivent les Frères. (bis)
      3. Ceux qui cherchent nos Mots ,
        Se vantant de nos Signes,
        Sont du nombre des sots,
        De nos soucis indignes.
        C’est vouloir de leurs dents
        Prendre la Lune dans sa course altière.
        Nous-mêmes serions ignorants,
        Sans le titre de Frère. (bis)
      4. On a vu, de tout temps,
        Des Monarques, des Princes,
        Et quantité de Grands,
        Dans toutes les Provinces,
        Pour prendre un Tablier,
        Quitter sans peine leurs armes guerrières,
        Et toujours se glorifier
        D’être connus pour Frères. (bis).
      5. L’Antiquité répond
        Que tout est raisonnable,
        Qu’il n’est rien que de bon,
        De juste & d’agréable
        Dans les Sociétés
        Des vrais Maçons & légitimes Frères :
        Ainsi buvons à leurs santés,
        Et vidons tous nos verres. (bis)
      6. Joignons-nous main en main,
        Tenons-nous ferme ensemble,
        Rendons grace au Destin
        Du nœud qui nous assemble :
        Et soyons assurés
        Qu’il ne se boit, sur les deux Hémisphères,
        POINT DE PLUS ILLUSTRES SANTES,
        QUE CELLES DE NOS FRERES. (3 fois)

[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage et iconographie | sources : mvmm.org | contributeur : Patrick Thonart.


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CAVAIGNAC : Les questions-réponses bleues (Dervy, 2018)

Temps de lecture : 31 minutes >

La franc-maçonnerie – 101 questions sans un tabou (Dervy, 2018)

ISBN 97910 242 0252 5

Un jeu conçu, écrit et réalisé par : Yasmine Bonhomme, François Cavaignac et Valeria Cassisa. Ce jeu est constitué de 101 cartes réparties en trois domaines auxquels est associée une couleur pour les différencier :
. rouge pour ce qui se rapporte aux valeurs, à l’institution,
. vert pour ce qui se rapporte à l’histoire,
. bleu pour ce qui se rapporte aux symboles.

Questions bleues (1, niveau débutant)

      1. Que désigne le “salaire” ?
      2. De quoi le profane doit-il se dépouiller ?
      3. Quel symbole exprime la dualité ?
      4. Pourquoi les francs-maçons portent-ils des gants blancs ?
      5. Quelle valeur est inséparable de l’éthique maçonnique ? a. La fidélité ; b. L’amitié ; c. La tolérance ; d. La sincérité.
      6. Quels outils de l’Apprenti sont indissolublement liés ?
      7. Quel outil permet de vérifier qu’un plan est horizontal ?
      8. Que symbolise le fil à plomb ? a. La droiture et l’équilibre ; b. La force et la progression ; c. L’impartialité et la logique.
      9. La ruche est un symbole maçonnique : vrai ou faux ?
      10. A quelle heure débutent et se finissent les travaux des maçons ?
      11. Selon la formule consacrée, que faut-il rassembler ?
      12. Quelle est la particularité de l’épée flamboyante ?
      13. L’expression tableau de Loge est plus correcte que tapis de Loge : vrai ou faux ?
      14. Le sablier est-il un symbole maçonnique ?
      15. Le langage maçonnique est symbolique : vrai ou faux ?
      16. Que représente la chaîne d’union ?
      17. A partir de quels éléments s’effectue le signe de l’Apprenti ?
      18. Quel symbole figure derrière le plateau du Vénérable ?
      19. Que représente le Grand Architecte de l’Univers ?
      20. Le levier est un symbole maçonnique : vrai ou faux ?

Questions bleues (2, niveau intermédiaire)

      1. Qu’est-ce qui doit être juste et parfait ? a. Le Vénérable ; b. La Loge ; c. La tenue ; d. Le Temple.
      2. Pour avertir qu’un profane est susceptible d’entendre ce qui est dit, quelle expression les maçons utilisent-ils ?
      3. Où peut-on voir des lacs d’amour ?
      4. En quoi consiste le secret maçonnique ?
      5. Comment est orientée une Loge ?
      6. Que symbolisent les grenades au sommet des colonnes bu temple ? a. L’amitié ; b. La connaissance ; c. La fécondité ; d. La fraternité.
      7. Que représentent les éléments gravés sur la planche à tracer ?
      8. A quel endroit du tableau de Loge ne figure pas de fenêtre ?
      9. Quel outil symbolise l’affection fraternelle ?
      10. À quelles occasions la corde est-elle utilisée ?
      11. Quelle erreur s’est glissée dans cette présentation vestimentaire du profane pour son initiation ? a. Sein gauche dénudé ; b. Genou droit découvert ; c. Pied droit déchaussé.
      12. Quel est le sens de l’initiation maçonnique ?
      13. Quel est le symbole cosmique présent dans tout temple maçonnique ?
      14. Quelles sont les trois purifications pratiquées au cours de l’initiation ?
      15. Pourquoi le crâne est-il un symbole en franc-maçonnerie ?
      16. Quels symboles remplacent les grenades sur le tableau de Loge du  compagnon ?
      17. Que désigne l’expression enfants de la veuve ?
      18. Que signifie la formule secrète V.I.T.R.I.O.L. ?
      19. Quelle est la formule secrète du grade d’Apprenti ?
      20. Qu’est-ce qu’un symbole ?
      21. Que veut dire l’expression : “être libre et de bonnes moeurs” ?

Questions bleues (3, niveau avancé)

      1. Lequel de ces outils n’est pas un bijou mobile ? a. La perpendiculaire ; b. Le niveau ; c. Le compas ; d. L’équerre.
      2. Quel emblème est associé à chaque Officier Dignitaire ?
      3. Comment appelle-t-on l’association du Soleil et de la Lune ?
      4. Que désigne l’Orient pour un franc-maçon ?
      5. Combien de marches l’Apprenti et le Compagnon doivent-ils gravir  chacun pour accéder au temple ?
      6. Que signifient les deux lettres inscrites sur les colonnes ?
      7. À quel mythe philosophique célèbre est assimilée l’initiation maçonnique ? a. Le mythe de la caverne ; b. Le mythe de Gygès ; c. Le mythe de Prométhée ; d. Le mythe de Faust.
      8. Pourquoi la franc-maçonnerie utilise-t-elle le symbolisme ?
      9. Quels sont les faux amis du symbole ?
      10. Pourquoi les grades se voient-ils attribuer chacun un âge particulier ?
      11. Quel mois marque le début du calendrier maçonnique ?
      12. Quels symboles du Cabinet de réflexion sont absents de la liste  suivante ? Crâne humain, ossements, cruche d’eau, miroir, sablier, sel, pain, mercure, soufre.
      13. Quelles sont les fonctions du symbole ?
      14. Pourquoi appelle-t-on la porte du temple la porte basse ?
      15. Lequel de ces outils n’est pas un bijou immobile ? a. Le maillet ; b. La pierre brute ; c. La pierre cubique à pointe ; d. La planche à tracer.

Réponses bleues (1, niveau débutant)

      1. Que désigne le “salaire” ?
        L’expression régulièrement utilisée par les francs-maçons lorsqu’ils sont satisfaits d’une tenue est “J’ai touché mon salaire” ou “J’ai bien reçu mon salaire.” Ils expriment ainsi leur contentement à l’égard d’une cérémonie rituellement réussie, d’une planche enrichissante ou de débats intéressants. La formule augmentation de salaire, quant à elle, veut dire passer au degré supérieur : d’Apprenti à Compagnon et de Compagnon à Maître. L’emploi du terme salaire évoque intuitivement une référence aux maçons médiévaux rémunérés quotidiennement pour leurs tâches. Il semble, toutefois, que cette locution soit une pénétration de l’esprit ouvriériste, qui a touché la franc-maçonnerie française au cours du XIXème siècle, les locutions chantier et atelier étant propices à une analogie de ce type. Mais personne auJourd’hui ne songerait à remettre en cause cette expression largement passée dans les moeurs maçonniques.
      2. De quoi le profane doit-il se dépouiller ?
        De ses métaux. Le dépouillement des métaux est l’un des symboles les plus caractéristiques de l’initiation maçonnique. Le rituel précise que le profane doit, avant le commencement de la cérémonie, se défaire de tous les objets métalliques qu’il porte sur lui. Par cette prescription il est invité à apprendre à se détacher des éléments matériels qui obstruent la vie humaine, un sens figuré étend cette demande aux préjugés intellectuels et moraux ainsi qu’aux considérations sociales. Ce principe oblige le récipiendaire à accepter l’égalité de tous dans la Loge, à penser désormais par lui-même et à éviter de laisser transparaître une quelconque supériorité issue de sa situation profane D’une grande portée méthodologique, ce principe implique une dimension psychologique évidente qui justifie l’abandon de toute passion susceptible de troubler l’ordre de la Loge.
      3. Quel symbole exprime la dualité ?
        Il s’agit du pavé mosaïque, symbole type des binaires qui émaillent l’enseignement maçonnique. Dans chaque Temple, un rectangle central est formé d’un damier alternant des dalles carrées noires et blanches. Le symbolisme de cette pièce est double : d’une part, il comprend l’alternance des couleurs avec le blanc et le noir, d’autre part, il rappelle la dualité apparente qui particularise souvent la vie humaine. Enfin, au plan moral, suivant l’affectation classique, il évoque le Bien et le Mal. Le symbolisme du pavé mosaïque est très riche et nourrit de nombreuses réflexions maçonniques d’autant que c’est sur lui que le tapis de Loge est déployé à chaque ouverture des travaux. Selon la tradition maçonnique, le pavé mosaïque figure au centre du Temple un espace sacré sur lequel il est absolument interdit de marcher tant que la tenue est en cours.
      4. Pourquoi les francs-maçons portent-ils des gants blancs ?
        Lors de son initiation, l’Apprenti reçoit deux paires de gants blancs : l’une pour son usage personnel en Loge, l’autre pour la personne qu’il estime le plus. Cet usage semble très ancien en franc-maçonnerie, car on le note dès les années 1740. La blancheur est évidemment symbole de pureté : pureté de l’esprit du maçon et pureté de ses actions. Les gants blancs représentent aussi un objet rituel : c’est une obligation pour le maçon d’en être vêtu pendant la tenue, tout comme du tablier. Ces deux symboles étaient des accessoires opératifs qui protégeaient des éclats de la pierre en cours de taille. Enfin, ils rappellent en permanence les engagements pris. Au niveau collectif, ils dégagent une impression de sérénité et ils ne sont ôtés que pour la cérémonie de la chaîne d’union.
      5. Quelle valeur est inséparable de l’éthique maçonnique ? a. La fidélité ; b. L’amitié ; c. La tolérance ; d. La sincérité.
        c. La tolérance. Dans le contexte de luttes politiques et religieuses de l’Angleterre des XVIIème et XVIIIème siècles, l’idée de tolérance émerge grâce à des philosophes tel Locke (1632-1704), repris sur le continent par Voltaire (1694-1778). Dans ses Constitutions (1723), Anderson explique que la franc-maçonnerie est un lieu où des hommes qui n’étaient pas prédisposés à se connaître pourront travailler ensemble, si on laisse à chacun ses propres opinions, et si chacun se comporte en homme loyal et probe. Toutes les obédiences maçonniques revendiquent de nos jours la pratique de la tolérance, devenue une vitrine essentielle vis-à-vis du monde profane. La tolérance est inséparable de l’éthique maçonnique ; elle est souvent difficile à vivre, car elle oblige à considérer que l’autre détient une part de vérité ; elle permet le travail de maîtrise de soi tout en autorisant aussi la liberté d’être soi. Sa seule limite est de savoir si l’on peut tolérer l’intolérance.
      6. Quels outils de l’Apprenti sont indissolublement liés ?
        L’Apprenti a pour mission première de dégrossir la pierre brute, c’est-à-dire de donner une forme au bloc de pierre que lui-même représente, et d’en supprimer les aspérités afin de l’insérer convenablement dans l’édifice en construction. Les deux outils indispensables à ce travail sont le maillet et le ciseau. De nombreuses interprétations symboliques sont accordées à chacun de ces outils considérés isolément, mais l’intérêt pour l’Apprenti réside dans l’indissolubilité pratique de ce tandem. En effet, séparés, le ciseau et le maillet sont impuissants. Dès lors il faut retenir l’acception traditionnelle qui veut que le maillet soit la volonté agissante, symbole d’énergie et de puissance, et que le ciseau, quoique instrument passif, doit être affûté en permanence pour être efficace. Enfin, la conjonction de ces deux outils implique une manière de faire – angle de frappe respectif-, donc une intellectualisation de l’action.
      7. Quel outil permet de vérifier qu’un plan est horizontal ?
        Tous les métiers qui ont besoin de vérifier l’horizontalité d’un plan ou d’une droite utilisent le niveau comme instrument de mesure. Les ouvriers médiévaux dont est issue la franc-maçonnerie ne dérogeaient pas à ce moyen. Le niveau du maçon est ainsi constitué d’un triangle – la plupart du temps en bois – au sommet duquel est accroché un fil à plomb ; les deux branches de ce triangle sont reliées par un élément transversal marquant la ligne horizontale. Il est nécessaire, quelle que soit la hauteur de l’édifice. Devenu un symbole très fort dans la franc-maçonnerie moderne, il est l’insigne du Premier Surveillant, rappelant que toute construction est fondée, pour être solide, sur la stabilité et l’équilibre. Il représente l’égalité qui préside aux travaux et aux comportements des francs-maçons ; toute élévation intellectuelle et symbolique en dépend.
      8. Que symbolise le fil à plomb ? a. La droiture et l’équilibre ; b. La force et la progression ; c. L’impartialité et la logique.
        a. La droiture et l’équilibre. Le fil à plomb est l’un des instruments les plus caractéristiques du métier de maçon, car il est lié à la hauteur, qui est elle-même le propre de toute construction d’édifice. Aucun mur ne peut être élevé sans un fil à plomb. Outil de base permettant de vérifier la verticalité, il est également d’une simplicité enfantine, celui-ci étant constitué d’un fil tendu par un poids, généralement en plomb, métal connu pour sa relative résistance à la corrosion. Il est dès lors aisé d’en comprendre la signification symbolique utilisée par les maçons spéculatifs : il est l’attribut du Second Surveillant vérifiant la verticalité du travail de l’Apprenti, donc sa rectitude et son équilibre ; il est la marque de l’indispensable recherche en soi et en profondeur afin de se construire par une élévation régulière et constante. Le fil à plomb, qui pend de la voûte étoilée, symbolise aussi l’axe du monde autour duquel est orientée la Loge.
      9. La ruche est un symbole maçonnique : vrai ou faux ?
        Vrai ! La ruche, indissociable des abeilles. a été un symbole maçonnique très employé au XVIIIème siècle et au début du XIXème siècle. Elle figure sur de nombreux tabliers (comme sur celui offert par Helvétius à Voltaire le jour de son initiation, le 7 avril 1778), diplomes ou accessoires divers. Sous le Premier Empire, l’abeille étant l’un des emblèmes de Napoléon les maçons l’utilisèrent souvent comme une marque de loyalisme. Des revues maçonniques portèrent ce nom, L’Abeille maçonnique (1829-1830) et La Ruche maçonnique (1865). La ruche est largement tombée en désuétude depuis, bien que son symbolisme ne soit pas incompatible avec les orientations républicaines de la franc-maçonnerie à partir du milieu du XIXème siècle. Elle figure la Loge où le maçon doit extraire le meilleur de lui-même pour l’idéal commun, elle représente le travail perrnanent et par conséquent la persévérance.
      10. A quelle heure débutent et se finissent les travaux des maçons ?
        Les travaux commencent à midi et se terminent à minuit. Cette formule, qui est fractionnée entre l’ouverture et la fermeture des travaux à chaque tenue maçonnique, suscite toujours l’étonnement des jeunes initiés. L’explication spontanée et naturaliste consiste à constater qu’à midi le soleil est au zénith et répand la pleine lumière, ce qui permet effectivement le travail. Mais entre le coucher du soleil et minuit, il faut également relever que les travaux se dérouleraient dans l’obscurité, ce qui peut s’avérer difficile ! Cette formule donne lieu à des interprétations fumeuses où le symbolisme le plus débridé fait intervenir la lune ou la crucifixion du Christ ! Plus prosalquement, ce décalage symbolique des horaires nécessite de la part du maçon une prise de conscience du temps obligeant à une certaine distanciation au regard du réel. La formule rejoint en cela le travail de recherche propre à l’initiation.
      11. Selon la formule consacrée, que faut-il rassembler ?
        Il faut rassembler ce qui est épars. Parmi les nombreuses formulations du rituel qui marquent la démarche initiatique, celle-ci est souvent reprise comme un leitmotiv. Elle est spécifique du grade de Maître, car elle rappelle, en arrière-fond, le démembrement du corps du Maître Hiram et, plus avant encore, le mythe d’Isis et d’Osiris. Mais elle rejoint aussi une définition traditionnelle de la franc-maçonnerie (Constitutions d’Anderson) qui permet à des hommes que rien n’aurait prédisposé à se rencontrer à réfléchir ensemble dans une Loge. Sa signification classique est celle de l’idéal universel de la maçonnerie qui doit travailler au rassemblement des hommes, à la prise en compte de la diversité, à la conciliation des contraires. Si socialement cette formule est harmonieuse, sa traduction philosophique qui vise à la construction de l’Unité reste plus discutable. Symboliquement, la formule enjoint à l’initié de dépasser le strict niveau des apparences.
      12. Quelle est la particularité de l’épée flamboyante ?
        L’épée flamboyante dispose d’une lame ondulée depuis la garde jusqu’à la pointe. Elle est apparue tardivement en franc-maçonnerie (début du XIXème siècle) et cette innovation semble être empruntée à l’iconographie chrétienne par référence à un passage de la Bible où sont citées des épées de feu (Genèse, Ill, 24). Dès lors, les ondulations traduiraient les vibrations de toute flamme. L’épée flamboyante représente alors symboliquement la lumière intérieure et les vibrations de la vie. Elle joue un rôle déterminant dans la pratique maçonnique, car elle est obligatoirement utilisée par le Vénérable pour consacrer tout récipiendaire. En matière ésotérique, toute transmission s’accompagne de vibrations. Enfin, cette épée n’est pas une arme : elle est tenue de la main gauche par le Vénérable.
      13. L’expression tableau de Loge est plus correcte que tapis de Loge : vrai ou faux ?
        Faux. Les deux expressions sont synonymes. On peut toutefois supposer que la forme « tableau de Loge» a précédé celle de « tapis de Loge » Dans les débuts de la maçonnerie spéculative (ou moderne), les francs-maçons prirent l’habitude de dessiner sur le sol – à la craie ou avec du charbon – les symboles spécifiques du grade pratiqué (Apprenti, Compagnon ou Maître). Cet acte était censé transformer n’importe quel local où se réunissaient des maçons en Temple maçonnique. Le tableau était ensuite effacé à la fin de chaque tenue. Il semble que progressivement une toile peinte ait été utilisée par souci de commodité, ce qui a justifié le glissement synonymique vers le mot
        «tapis». L’habitude du dessin manuscrit du tableau a disparu avec la création de locaux spécifiques durant le XIX’ siècle, mais la pratique renaît de nos jours.
      14. Le sablier est-il un symbole maçonnique ?
        Oui, le sablier est un symbole maçonnique. À ce titre, il est présent dans le Cabinet de réflexion avec d’autres symboles (ossements, crâne et faux) pour rappeler en permanence au maçon la brièveté de la vie. L’écoulement rapide et la fluid ité des grains de sable illustrent le caractère passager de l’existence. Le maçon en retire donc la nécessité de relativiser les choses terrestres, mais aussi de saisir la plénitude de l’instant vécu. Ce relativisme et cet épicurisme ne font pas obstacle à l’engagement dans un idéal de solidarité, de fraternité et d’harmonie universelle. Très prisé des symbolistes et des ésotéristes, le sablier n’apparaît guère qu’au grade d’Apprenti, comme un rappel de l’évidence matérielle avant le travail d’approfondissement propre à la démarche maçonnique.
      15. Le langage maçonnique est symbolique : vrai ou faux ?
        Vrai ! Les francs-maçons, même les plus rationalistes, reprennent à leur compte avec aisance les formules des rituels empreintes de symbolisme. Le langage rituélique, destiné à permettre une prise de conscience du franc-maçon et une ouverture universelle au monde, utilise volontiers des formulations métaphoriques et allégoriques fondées sur des images ainsi que des fables ou récits, souvent imaginaires, à portée morale (paraboles ou apologues). Progressivement, une véritable imprégnation culturelle saisit le franc-maçon qui en vient à glisser dans son langage courant des formules rituelles apparemment anodines. Cela explique la surprise de personnes profanes qui constatent que deux interlocuteurs qui ne se connaissaient pas font preuve soudainement d’une proximité complice.
      16. Que représente la chaîne d’union ?
        La chaîne d’union consiste à former un cercle en se tenant par les mains dégantées et avec les bras croisés, celui de droite passé sur celui de gauche. Ce rite symbolise une chaîne destinée à montrer la solidarité qui doit prévaloir entre les membres de la Loge. La portée de cette cérémonie s’étend à tous les maçons du monde. Elle rappelle l’universalité de cette démarche à travers tous les Rites, tous les pays, dans le passé comme dans le futur. Elle réitère l’idéal de fraternité comme oeuvre indispensable de l’engagement maçonnique. L’une des
        premières manifestations rituelles d’intégration pour un Apprenti est celle de son insertion dans la chaîne d’union. L’interruption du rite se fait par une triple pression des mains et un triple balancement des bras sur commandement du Vénérable. Elle est effectuée à la fin de chaque tenue et parfois dans des moments où la communion des membres se justifie (joie ou douleur).
      17. A partir de quels éléments s’effectue le signe de l’Apprenti ?
        La formulation traditionnelle pour décrire le signe du maçon est la suivante : “par équerre, niveau et perpendiculaire.” Outre la référence symbolique aux outils de base du métier opératif au Moyen Âge, il a une signification morale : le maçon, dans ses actes, doit être juste et équitable, tout en travaillant à s’élever et à élever les autres. Par ce signe, le franc-maçon rappelle également qu’il préférerait “avoir la gorge tranchée que de manquer à son serment.” La gestuelle a toujours représenté un élément important de la pratique en Loge et de la reconnaissance entre maçons. De nombreux signes existent, spécifiques à chaque grade, dont un signe d’horreur, connu pour être propre au grade de Maître, ainsi qu’un signe de détresse, répandu durant les guerres napoléoniennes.
      18. Quel symbole figure derrière le plateau du Vénérable ?
        Parmi les nombreux symboles qui décorent un Temple maçonnique,  figure, à l’Orient, derrière le siège du Vénérable et placé au-dessus de lui afin qu’il soit visible de tous, un triangle appelé également “delta lumineux” (par homologie avec la forme majuscule de la lettre grecque “delta“). Généralement, ce delta contient un oeil, d’où émane, parfois, un rayonnement. Le triangle est la représentation traditionnelle de l’équilibre et l’oeil manifeste de son côté la vigilance et la conscience. Situé dans l’axe central du Temple et à égale distance du Soleil et de la Lune, le delta lumineux correspond à l’autorité morale que doit avoir le Vénérable nimbé de la lumière qui se lève à l’est, et devant maintenir l’équilibre de la Loge. Souvent, les trois côtés du delta sont assortis d’une formule, la plus courante étant la devise républicaine : “Liberté, Égalité, Fraternité.”
      19. Que représente le Grand Architecte de l’Univers ?
        C’est en 1723, dans les Constitutions d’Anderson, que le terme apparaît pour la première fois en franc-maçonnerie. Anderson utilise la formule : “Adam, notre premier ancêtre, créé à l’image de Dieu, le Grand Architecte de l’Univers […]“. L’unification des Loges anglaises en 1813 introduit l’obligation de croire en Dieu, “Glorieux Architecte de l’Univers du Ciel et de la Terre.” Cette position va engendrer la querelle du Grand Architecte de l’Univers :  en 1877, le Grand Orient de France supprime cette obligation, provoquant une scission avec la maçonnerie anglo-saxonne et américaine. De nos jours, la libre interprétation individuelle de ce symbole ne constitue plus un sujet d’affrontement. La grande diversité des options philosophiques proposées par les obédiences permet à chacun de s’orienter vers la Loge de son choix, en fonction de ses priorités personnelles.
      20. Le levier est un symbole maçonnique : vrai ou faux ?
        Vrai ! Cet outil, très utilisé par les maçons médiévaux pour soulever et mouvoir des pierres de grosses proportions, est l’un des symboles spécifiques du grade de Compagnon. C’est un instrument qui multiplie la force de celui qui l’utilise, ce qui nécessite une certaine expérience et justifie qu’il n’apparaisse pas au niveau de l’Apprenti. D’une simplicité déroutante (une barre de fer sur un point d’appui), il ne nécessite que la volonté du constructeur pour être opérant. Au niveau symbolique, il est systématiquement associé à la règle, laquelle permet de son côté la mesure. Il est considéré comme l’emblème de la puissance qui compense la faiblesse, comme le moyen de surmonter un obstacle et comme l’obligation de contrôler l’action et l’effort

Réponses bleues (2, niveau intermédiaire)

      1. Qu’est-ce qui doit être juste et parfait ? a. Le Vénérable ; b. La Loge ; c. La tenue ; d. Le Temple.
        b. La Loge. Les plus anciens rituels mentionnent que, pour qu’une Loge puisse régulièrement procéder à l’ouverture des travaux ou à des initiations, il faut qu’au moins sept membres de la Loge soient réunis. De plus, la compos1t1on requise est tradit1onnellement établie ainsi : “Trois la gouvernent” (le Vénérable Maître et les deux Surveillants) ; “Cinq l’éclairent” (aux trois précités s’ajoutent l’Orateur et le Secrétaire) ; enfin, “Sept la rendent juste et parfaite” (la seule obligation pour ces deux autres membres, c’est d’être au moins Compagnons). Le chiffre sept fait référence à la valeur hautement symbolique de perfection qui lui est traditionnellement accordée depuis des temps très anciens dans la plupart des cultures humaines et qui a été reprise par la franc-maçonnerie
      2. Pour avertir qu’un profane est susceptible d’entendre ce qui est dit, quelle expression les maçons utilisent-ils ?
        L’expression consacrée est : « il pleut ! » Elle apparaît dans plusieurs rituels anciens du XVIIIème siècle, elle est utilisée quels que soient les obédiences ou les Rites. À l’origine, cette métaphore signifie que le Temple doit être couvert, c’est-à-dire constituer un ensemble complètement clos, à l’abri des éléments extérieurs. La pluie est donc la preuve du contraire. Cette expression a été étendue à toute situation où des maçons peuvent se trouver en présence de profanes, y compris dans la rue. De par son caractère simpliste, sinon naïf, et la plupart du temps décalé, car il ne pleut pas systématiquement, elle prête souvent à étonnement et à confusion lorsqu’elle est captée par des personnes ignorantes de ce code langagier.
      3. Où peut-on voir des lacs d’amour ?
        Sur les tableaux d’Apprenti et de Compagnon figure une corde à noeuds – également appelée houppe dentelée – qui en fait le tour. Cette corde est directement issue de la corde à treize noeuds des bâtisseurs médiévaux, instrument indispensable aux mesures et aux repères nécessaires à tout arpentage et à toute construction. Dans la symbolique maçonnique, les noeuds ont été transformés en lacs d’amour : ils sont plus déliés et prennent la forme d’un 8 allongé ou du symbole mathématique de l’infini. Ils signifient l’union fraternelle indissoluble qui caractérise les francs-maçons entre eux ; ils représentent à la fois la fraternité et la solidité de toute chaîne. Par un glissement de sens, cette corde est assimilée à la chaîne d’union, qui est un rite – c’est-à-dire une action cérémonielle et non plus une représentation – maçonnique universel.
      4. En quoi consiste le secret maçonnique ?
        Cette disposition est l’une de celles qui, dès le commencement, ont le plus fait fantasmer les antimaçons. notamment l’Église catholique. Elle a pour origine la préservation des secrets techniques de fabrication des mortiers au Moyen Âge où la concurrence était âpre. Étendue à la franc-maçonnerie spéculative, elle a souvent été enfreinte, révélations et divulgations ayant lieu de tout temps. AuJourd’hui, outre le secret du contenu symbolique des grades, le secret maçonnique prend deux formes : d’une part, l’interdiction de révéler l’appartenance maçonnique d’un autre maçon afin de ne pas lui nuire, et, d’autre part, la défense de révéler ce qui est vu et dit dans le Temple. Au fond, il s’agit de préserver la liberté de tout homme de réfléchir avec qui il veut et comme il le souhaite, dans une démarche personnelle et intérieure.
      5. Comment est orientée une Loge ?
        Les édifices sacrés (les églises et les temples) sont orientés de deux façons : soit leur entrée est à l’est, le chœur se trouvant alors à l’ouest, car le soleil doit pouvoir pénétrer dans le corps de la construction, soit leur entrée est à l’ouest, tandis qu’à l’intérieur les fidèles tournés vers l’orient évoquent l’attente du soleil levant. La détermination des points cardinaux dépend de l’orient pris comme point de référence (orientation) pour les chrétiens, le soleil levant rappelle la résurrection du Christ. Pour leur part, les Temples maçonniques ont, symboliquement, toujours leur entrée à l’ouest, le siège du Vénérable étant à l’Orient, car il est censé représenter la Lumière qui illumine l’ensemble de l’édifice. Mais le Temple représente également le cosmos avec la voûte étoilée figurée au plafond. Une formule traditionnelle mentionne que, dans sa longueur, le Temple va de l’Occident à l’Orient, dans sa largeur, du Septentrion au Midi et, dans sa hauteur, du Nadir au Zénith.
      6. Que symbolisent les grenades au sommet des colonnes bu temple ? a. L’amitié ; b. La connaissance ; c. La fécondité ; d. La fraternité.
        c. La fécondité. Chacune des deux colonnes du Temple est surmontée  par trois grenades entrouvertes. Ce fruit d’origine orientale, qui est comestible alors que les racines de l’arbre sont toxiques, dont les grains sont savoureux alors qu’ils sont difficiles à séparer, dont la couleur est rouge alors que les graines baignent dans une pulpe transparente, donne lieu à de nombreuses interprétations. Si certains auteurs maçons y voient le symbole de l’amitié, donnant alors la priorité à la liaison entre les grains, la plupart lui confèrent, toutefois, la représentation de la fécondité dans une conception plus  intuitive et traditionnelle, rappelant ainsi la mission que la Bible attribue aux hommes de croître et de se multiplier. Quant aux thèmes de la connaissance et de la fraternité, parfois rencontrés, ils découlent de raisonnements ésotériques plutôt complexes.
      7. Que représentent les éléments gravés sur la planche à tracer ?
        Le symbole de la planche à tracer est constitué d’un rectangle à l’intérieur duquel figurent un carré dont les droites se croisent à chaque angle et la lettre X, dénommée aussi croix de Saint-André. Ces deux signes sont les matrices qui permettent, par déclinaison, de constituer l’alphabet maçonnique. Longtemps utilisé au XVIIIème siècle, celui-ci est parfois réemployé de nos jours. La planche à tracer concerne essentiellement le grade de Maître qui est seul capable d’établir des plans. Mais elle figure aussi sur les tableaux d’Apprenti et de Compagnon afin que son existence soit connue même si son usage est encore énigmatique à ces degrés. Ce symbole est bien évidemment issu des métiers médiévaux du bâtiment et sa dénomination même traduit l’importance du dessin dans l’expression maçonnique. Très souvent, plutôt que d’employer le verbe écrire, c’est la formulation tracer une planche qui est usitée.
      8. A quel endroit du tableau de Loge ne figure pas de fenêtre ?
        Les tableaux de Loge d’Apprenti et de Compagnon contiennent chacun trois fenêtres grillagées – de nombreuses interrogations subsistent sur les raisons de l’existence d’un grillage – systématiquement placées l’une à l’Orient, la deuxième au Midi et la troisième à l’Occident. Le seul endroit où il n’y a pas de représentation
        de fenêtre est donc au nord. L’explication traditionnelle repose sur l’assimilation de la position des fenêtres par rapport à la course du soleil, celui-ci ne passant Jamais au nord. De plus, cela correspond à la situation des Apprentis qui sont assis sur la colonne du nord, endroit symboliquement le moins éclairé de la Loge. On leur signifie ainsi qu’ils sont encore dans l’ombre et que le chemin vers la véritable conscience initiatique se fait par l’accès aux grades de Compagnon et de Maître.
      9. Quel outil symbolise l’affection fraternelle ?
        La truelle. Elle est l’outil indispensable au maçon. En permettant de gâcher le mortier et en étalant le ciment, elle établit le lien matériel entre les pierres. Sa forme triangulaire la rend précieuse pour affiner la pose et réaliser ainsi l’unité et la solidité de l’édifice. Elle est depuis toujours le symbole de la fraternité qui prévaut entre les francs-maçons, ainsi que l’emblème universel des sentiments de bienveillance envers le monde profane. La truelle est particulièrement mise en valeur par le Rite Français tandis qu’elle a été oubliée par le Rite Écossais Ancien Accepté. Sans la citer explicitement, Anderson, dans les Constitutions (1723), rappelle que l’amour fraternel est le ciment et la gloire de cette ancienne fraternité qu’est la maçonnerie.
      10. À quelles occasions la corde est-elle utilisée ?
        Cet instrument très ancien, tressé depuis les premiers temps pour toutes sortes d’opérations techniques (liens, tractions, guidages, etc.) a été repris par la franc-maçonnerie sous deux formes. D’abord, celle de la corde au cou : lorsque le récipiendaire est introduit dans le Temple pour la cérémonie d’initiation, il porte une corde à noeud coulant autour du cou, en signe d’humilité, qui lui rappelle symboliquement l’état d’esclavage dans lequel il est, et ce qui l’attend au cas où il trahirait ses engagements. Ensuite, celle de la corde à noeuds : instrument classique des chantiers opératifs, elle sert à tracer des plans, à mesurer dans les actions d’arpentage. Elle symbolise la nécessaire précision et rectitude que doit mettre en oeuvre le maçon dans son travail. Elle a été transposée sous la forme de la houppe dentelée.
      11. Quelle erreur s’est glissée dans cette présentation vestimentaire du profane pour son initiation ? a. Sein gauche dénudé ; b. Genou droit découvert ; c. Pied droit déchaussé.
        c. Pied droit déchaussé. Lorsqu’il pénètre dans le Temple, se courbant au passage de la porte basse, le récipiendaire a les yeux bandés et une corde autour du cou ; son bras gauche, son sein gauche et son genou droit sont découverts, il porte une pantoufle ou une chaussette au pied gauche. Cette séquence rituélique vise principalement à montrer au futur Apprenti – on n’est Apprenti maçon que lorsque l’on a prêté serment – que, après être passé par le Cabinet de réflexion où il a été confronté à la mort, il est encore dans un état d’infériorité et de dénuement manifestes. Cet habillement débraillé figure le vieil homme qui doit disparaître par l’accomplissement de l’initiation.
      12. Quel est le sens de l’initiation maçonnique ?
        L’initiation est un phénomène anthropologique universel mis en oeuvre par la franc-maçonnerie et est porteuse d’une grande subjectivité. Elle est auJourd’hui la clé de voûte de la franc-maçonnerie donnant lieu à des interprétations nombreuses, divergentes et parfois opposées, chaque franc-maçon, selon sa conception philosophique, ayant sa définition personnelle. Toutefois, on s’accorde à penser que c’est un long processus évolutif d’éveil à la conscience, reprenant à la fois la fonction de rite de passage et d’acte de socialisation. Il s’agit également d’un processus actif et personnel, car c’est l’individu qui doit se réaliser pleinement par l’enseignement et la méthode qui lui sont transmis. Enfin, spiritualistes et rationalistes se rejoignent pour admettre que l’initiation maçonnique concerne le sens de la condition humaine et son harmonie avec le monde.
      13. Quel est le symbole cosmique présent dans tout temple maçonnique ?
        La voûte étoilée. La dimension universelle de la franc-maçonnerie se traduit par l’ouverture du Temple vers le ciel, représenté de nuit et constellé d’étoiles. Ce symbolisme, classique dans la plupart des religions, a été manifestement repris dans une perspective contemplative, le franc-maçon étant ainsi confronté en permanence à une méditation sur la notion d’infini dépassant la condition humaine. Philosophiquement, cet usage confirme aussi son caractère naturaliste qui se retrouve également dans de nombreux autres symboles. La voûte étoilée, un symbole très riche permettant d’avoir accès à la notion d’infini, se retrouve dans le symbolisme de la grotte (mythe platonicien de la caverne) ou dans l’usage chevaleresque de la voûte d’acier (accueil d’un frère en Loge par tous les frères tenant une épée pointée vers le haut).
      14. Quelles sont les trois purifications pratiquées au cours de l’initiation ?
        Comme les trois mousquetaires, il y en a quatre en réalité, mais, par commodité, on parle de trois purifications, car la première se déroule en dehors du Temple. Depuis la plus haute antiquité, certains philosophes, tel Empédocle, ont proposé une explication du monde fondée sur quatre éléments : la terre, l’air, l’eau et le feu. Par l’intermédiaire du courant alchimiste qui l’a reprise, cette théorie s’est introduite en franc-maçonnerie Ainsi, lors de son passage dans le Cabinet de réflexion, l’impétrant est-il purifié par la terre avant de l’être par l’air, l’eau et le feu durant la cérémonie. Ces trois purifications sont concrétisées matériellement par l’envoi d’un souffle sur le visage, par le trempage d’une main dans un récipient d’eau et par le passage d’une flamme devant les yeux, ce qui, en raison des yeux bandés, constitue toujours des moments de surprise intense.
      15. Pourquoi le crâne est-il un symbole en franc-maçonnerie ?
        L’initiation maçonnique ayant pour but de transformer l’homme afin de l’éveiller à la conscience universelle et à l’harmonie, le symbolisme ne manque jamais de faire appel aux figurations traditionnelles de la mort. Ainsi apparaissent les ossements humains, le sablier, la faux et évidemment le crâne. Ces symboles sont présents dans le Cabinet de réflexion, mais le crâne, en raison de sa dimension symbolique exceptionnelle dans les différentes cultures humaines, occupe une place spécifique. Il est très probable également que la vogue des vanités au XVIIème siècle baroque ait influencé les premiers rédacteurs des rituels spéculatifs. On retrouve souvent le crâne posé sur le plateau du Vénérable durant les tenues des trois premiers degrés comme un rappel constant de l’inéluctable brièveté de la vie. De même, au grade de Maître et dans certains hauts grades, sa présence constitue un élément fondamental du rituel.
      16. Quels symboles remplacent les grenades sur le tableau de Loge du  compagnon ?
        Les sphères. Elles prennent place au-dessus de chacune des deux colonnes J et B en remplacement des grenades propres au grade d’Apprenti. L’une des sphères représente le globe terrestre, et l’autre la sphère céleste. L’emprunt de ce symbole sphérique aux sciences de la Renaissance est évident, car il n’est pas utilisé antérieurement ni cité dans la Bible. Quoique signe de modernité, il a été pérennisé dans la maçonnerie anglaise depuis le milieu du XVIIIème siècle. Il a pour but de montrer au Compagnon que sa recherche n’a pas de limite et doit s’étendre à toutes les dimensions de l’univers. Dans le prolongement de cette approche, il s’agit de montrer que l’Ordre maçonnique est véritablement universel.
      17. Que désigne l’expression enfants de la veuve ?
        Ce sont les maçons qui se désignent ainsi. Cette expression est fort répandue et admise dans le monde maçonnique alors que personne n’en connaît ni l’origine exacte ni la date précise de première utilisation, malgré de nombreux travaux de recherche. La signification majoritairement retenue est issue de la Bible (1 Rois, VII, 14). “Le roi Salomon envoya chercher Hiram de Tyr, fils d’une veuve de la tribu de Nephtali.” Tout maçon s’assimile à Hiram dont il perpétue le destin ; tout maçon est donc enfant de sa veuve. Des interprétations historiques, ésotériques et symboliques n’ont toutefois pas manqué : la franc-maçonnerie serait veuve de la mort de Jacques de Molay,  le dernier Grand Maître des Templiers, ou il s’agirait d’une reprise du mythe d’Isis, veuve d’Osiris. Des interprétations hermétistes et kabbalistiques existent aussi.
      18. Que signifie la formule secrète V.I.T.R.I.O.L. ?
        Il peut être surprenant de voir utiliser par des personnes attachées à l’harmonie universelle et au pacifisme un terme dont le sens classique désigne l’acide sulfurique, liquide corrosif à la réputation parfois criminelle. Il s’agit en fait d’une formule ésotérique en usage chez les alchimistes depuis au moins le XIIIème siècle. L’acronyme condense une formule latine : “Visita lnteriora Terrae Rectificandoque lnvenies Occultum Lapidem“, soit “Visite l’intérieur de la Terre et, en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée.” La franc-maçonnerie l’a empruntée au courant alchimiste, et l’emploie dès le Cabinet de réflexion pour signifier au candidat qu’il aura toujours à s’interroger sur sa propre nature intime, l’introspection étant la base de toute démarche de construction de soi, sous réserve d’être capable de rectifier. L’expression est très répandue chez les maçons en quête d’effort permanent.
      19. Quelle est la formule secrète du grade d’Apprenti ?
        Je ne sais ni lire, ni écrire…” Cette formule, qui fait partie des mots, signes et attouchements, est révélée à l’Apprenti lors de son instruction. À la demande “Donnez-moi le mot sacré”, il lui faut répondre par cette formule qu’il devra connaître par cœur. Il s’agit de transmettre un mot qui représente un symbole du grade, en épelant chacune de ses lettres : l’interrogateur donne la première, l’Apprenti la seconde et ainsi de suite. Cette modalité de transmission a une grande portée symbolique et philosophique : elle signifie que la connaissance est nécessairement fractionnée et que nul ne peut affirmer détenir pleinement la vérité. Cette formule secrète est structurante dans la démarche maçonnique, des maçons de longue date l’employant régulièrement Elle rappelle à l’impétrant que les connaissances acquises dans le monde profane ne suffisent pas pour accéder à la connaissance et qu’il doit acquérir de nouveaux langages.
      20. Qu’est-ce qu’un symbole ?
        Étymologiquement, le mot sumbolon veut dire en grec ancien “objet brisé.” C’était un signe de reconnaissance dont deux personnes qui avaient noué une relation d’hospitalité conservaient chacune une partie (la plupart du temps, un tesson d’argile). Dans un autre sens, le mot désignait à Athènes le jeton de présence pour les membres de l’assemblée du peuple ou pour les juges. Enfin, de façon extensive, le mot a désigné toute marque de reconnaissance, utile notamment dans les relations commerciales. Employé dans un sens figuré, il est devenu de manière courante la représentation d’une idée à travers un objet : un arbre représente la vie, la blancheur traduit l’innocence, une fleur signifie la beauté, une colombe est synonyme de paix. Adopté par les religions à mystères de l’Antiquité, le mot, dont les potentialités de sens sont infinies, a été repris par la franc-maçonnerie.
      21. Que veut dire l’expression : “être libre et de bonnes moeurs” ?
        C’est l’un des critères d’admission traditionnels en franc-maçonnerie : le candidat est supposé être libre et de bonnes moeurs. Cette formule est un résumé commode, passé depuis lors dans les rituels, des conditions fixées par les Constitutions d’Anderson (1723) dont le texte original est le suivant: “Les personnes admises membres d’une Loge doivent être hommes de bien et loyaux, nés libres et d’âge mûr et discret. ni esclaves, ni femmes, ni hommes immoraux et scandaleux, mais de bonne réputation.” La liberté requise est de nature économique, la personne devant assumer sa propre subsistance. La notion de bonnes moeurs ne concerne pas uniquement la conduite publique, mais s’applique aussi aux vertus personnelles telles que la sincérité, l’humilité et la maîtrise de soi. Enfin, l’exclusion des esclaves et des femmes reste un phénomène historiquement daté ; la franc-maçonnerie a rapidement lutté, dès le XVIIIème siècle, pour leur émancipation et leur liberté.

Réponses bleues (3, niveau avancé)

      1. Lequel de ces outils n’est pas un bijou mobile ? a. La perpendiculaire ; b. Le niveau ; c. Le compas ; d. L’équerre.
        c. Le compas.  Malgré toute sa valeur symbolique, le compas n’est pas un bijou mobile. La distinction entre bijoux mobiles et bijoux immobiles (6 au total) reste obscure en tant que telle, mais elle a pris une importance rituélique certaine, car elle apparaît dans les plus anciens textes maçonniques de la fin du XVIIème siècle. Les trois bijoux mobiles rappellent le rôle essentiel que doivent jouer les trois Lumières de la Loge. Le Vénérable porte l’équerre, car ses actions doivent être conformes à la Justice et à la droiture ; le 1er Surveillant porte le niveau afin d’assurer une parfaite égalité entre les maçons ; le 2nd Surveillant arbore la perpendiculaire pour que les Apprentis apprennent à travailler en restant d’aplomb sur des fondations stables et à s’élever avec rectitude. Les bijoux sont d’usage en franc-maçonnerie, car ils permettent d’authentifier la fonction exercée par son porteur.
      2. Quel emblème est associé à chaque Officier Dignitaire ?
        Le Collège des Officiers comprend dix frères et sœurs pour administrer une Loge. Chaque fonction se voit attribuer un symbole spécifique, généralement brodé sur leur sautoir.
        Vénérable : une équerre, signe de rectitude.
        ler Surveillant : un niveau, symbole d’égalité.
        2ème Surveillant : une perpendiculaire, recherche de l’élévation (verticalité).
        Orateur : un livre ouvert avec le mot “Loi”, car c’est lui qui fait appliquer les règlements.
        Secrétaire : deux plumes croisées, symbole de l’écriture.
        Trésorier : deux dés croisées, signe de protection des moyens financiers.
        Hospitalier : une bourse, pour récolter les aides en faveur des membres défavorisés.
        Grand Expert : un glaive croisé avec une règle et un œil, car il fait respecter le rituel qu’il doit connaltre parfaitement.
        Maître des Cérémonies : deux glaives croisés et une canne.
        Couvreur: un glaive en position verticale, poignée en bas, pour défendre l’entrée du Temple.
      3. Comment appelle-t-on l’association du Soleil et de la Lune ?
        Les “deux luminaires”. L’association entre le Soleil et la Lune est immémoriale, liée à l’alternance mécanique de ces deux astres dans la
        vie naturelle et reprise par le symbolisme universel. Par tradition, le Soleil est actif et placé à droite en regardant l’Orient de façon à éclairer la colonne du midi, il représente le feu. La Lune est l’élément passif, placée à gauche, devant la colonne des Apprentis, et représente l’eau. Ce couple symbolique indissociable donne lieu à des interprétations infinies fondées sur le naturalisme le plus simple jour et nuit, blanc et noir, Bien et Mal, etc. Les premiers textes de la maçonnerie moderne évoquent également une triade avec le Maître de la Loge. le Soleil gouverne le jour, la Lune la nuit et le Maître la Loge.
      4. Que désigne l’Orient pour un franc-maçon ?
        Le mot a trois significations :
        l. Un sens naturel compris par tout le monde, initié ou non : c’est la direction d’où vient la lumière. Cette notion a une importance fondamentale en franc-maçonnerie : être initié, c’est avoir reçu la Lumière.
        2. Un sens figuré : c’est la partie du Temple où siège le Vénérable Maître. Le Temple est toujours, symboliquement, orienté de l’Orient à l’Occident et le Vénérable, censé apporter la Lumière à la Loge, prend place à l’endroit où celle-ci apparaît.
        3. Un sens administratif : c’est la localisation géographique de la Loge. Plutôt que d’utiliser le terme de « ville » pour indiquer le lieu où est installée une Loge, les francs-maçons la situent par l’expression traditionnelle “Orient de…”
        Enfin, la formule Orient éternel signifie le décès d’un frère et traduit le lieu symbolique qu’il est présumé avoir atteint dans sa recherche de l’idéal maçonnique.
      5. Combien de marches l’Apprenti et le Compagnon doivent-ils gravir  chacun pour accéder au temple ?
        Respectivement 3 et 5 marches. La notion d’escalier, qui ne peut exister que par la présence de marches, signifie traditionnellement la montée progressive vers la connaissance. Le chiffre 3 étant attribué au grade d’Apprenti et le chiffre 5 à celui de Compagnon, il est normal que symboliquement le nombre de marches corresponde au chiffre de chaque grade. Au niveau de l’Apprenti, les trois marches représentent une étape fondamentale, car celles-ci sont l’une des nombreuses marques du passage ascensionnel du monde profane vers le monde initiatique, des ténèbres vers la lumière. L’accès au grade de Compagnon complète cette élévation. Une vision plus ésotériste considère que les trois marches de l’Apprenti traduisent les trois plans de l’Homme : corps, âme et esprit.
      6. Que signifient les deux lettres inscrites sur les colonnes ?
        Les deux colonnes représentent l’un des symboles les plus forts de la franc-maçonnerie ; elles sont considérées comme un élément essentiel de toute architecture, et comme l’une des particularités du Temple de Salomon, idéal indépassable de toute construction. Sur l’une des colonnes est inscrite la lettre « J », initiale du mot hébreu Jakin qui signifie « il établira », sur l’autre colonne est inscrite la lettre « B », initiale du mot hébreu Boaz qui signifie « en force ». De nombreuses controverses entre exégètes bibliques, historiens, archéologues et autres spécialistes des rituels ont eu lieu quant à l’emplacement des colonnes et à l’interprétation de ces termes. Selon
        ses convictions personnelles, le maçon considère que la combinaison des deux termes représente Dieu dans une conception spiritualiste, le Grand Architecte de l’Univers dans une vision symboliste, ou encore lui-même dans une perspective rationaliste.
      7. À quel mythe philosophique célèbre est assimilée l’initiation maçonnique ? a. Le mythe de la caverne ; b. Le mythe de Gygès ; c. Le mythe de Prométhée ; d. Le mythe de Faust.
        a. Le mythe de la caverne. La référence très souvent évoquée est celle du mythe de la caverne de Platon (La République, livre VII). Dans ce texte, Platon décrit la condition de l’homme à la recherche de la connaissance et de son émancipation. L’homme est prisonnier de son état, enchaîné et soumis à des illusions qui augmentent son ignorance ; il perçoit des ombres d’objets sur la paroi de la caverne et des reflets de l’extérieur. Pour atteindre la réalité du monde, il doit se libérer de ses liens. La caverne est donc le lieu symbolique universel de la renaissance. Par ces différentes interprétations possibles (cosmogonique avec le rôle du soleil et de la lumière, philosophique avec le travail de libération et d’éducation nécessaire à l’acquisition de la liberté), cette allégorie dont la portée est universelle contient de nombreux éléments propres au phénomène de l’initiation.
      8. Pourquoi la franc-maçonnerie utilise-t-elle le symbolisme ?
        Depuis la plus haute antiquité, les religions à mystères (Égypte, Grèce, Moyen-Orient) et les courants ésotéristes ont utilisé le symbolisme pour transmettre leur enseignement. En parallèle, il est acquis aujourd’hui par les historiens que les constructeurs médiévaux ne se contentaient pas d’exécuter un programme dicté par l’Église, mais avaient, à partir de leurs outils et des oeuvres d’art qu’ils produisaient, une interprétation très large de leur travail, parfois iconoclaste. Ayant réussi intellectuellement l’amalgame de ces deux mouvements de pensée, la franc-maçonnerie a donc tout naturellement utilisé le symbolisme comme moyen de réflexion ; mais cela ne s’est fait que progressivement, les grands textes maçonniques du Moyen Age étant orientés plutôt sur les règles du métier. C’est à partir de la fin du XVIIIème siècle que les rituels ont vraiment pris une consistance symbolique.
      9. Quels sont les faux amis du symbole ?
        Selon les auteurs symbolistes, il faut distinguer le symbole dans sa définition de toute une série de notions voisines :
        L’emblème : c’est une figure visible, adoptée conventionnellement pour représenter une idée (ex. : le drapeau est l’emblème de la patrie),
        L’attribut : c’est une image servant de signe distinctif (ex . : la balance, attribut de la Justice),
        L’allégorie : c’est la représentation d’un mot abstrait par une image (ex. : une femme ailée est l’allégorie de la victoire),
        La métaphore : c’est une comparaison implicite imagée (ex. : « L’or du soir qui tombe »),
        La parabole : c’est un récit contenant une signification morale, proche de l’apologue, qui est une fable imaginaire ayant aussi une portée morale,
        Le symptôme : c’est un signe traduisant une perturbation ou un conflit.
      10. Pourquoi les grades se voient-ils attribuer chacun un âge particulier ?
        Chaque degré se voit attribuer un âge symbolique exprimé en années : l’Apprenti a trois ans, le Compagnon cinq ans et le Maître sept ans et plus. Chacun de ces chiffres correspond au nombre symbolique du grade. La fixation d’un âge symbolique est plus importante que les maçons ne le croient souvent eux-mêmes : il s’agit de savoir se distancier du monde profane, conformément à l’un des enseignements de l’initiation, et de savoir évacuer son histoire personnelle pour le bien du groupe que représente la Loge. C’est aussi l’un des moyens d’affirmer l’égalité entre tous et d’avancer vers davantage de fraternité. Le rituel formalise expressément cette situation, ce qui permet de façon anodine de vérifier si une personne a été ou non initiée ; à la question: “Quel âge as-tu ?”, il faut répondre par l’âge maçonnique et non par l’âge civil.
      11. Quel mois marque le début du calendrier maçonnique ?
        C’est le mois de mars qui débute l’année maçonnique et le mois de février qui la termine. La franc-maçonnerie a repris l’agencement du calendrier républicain romain avant la réforme de Jules César. Par tradition, les maçons utilisent l’ère maçonnique pour dater leurs activités. Généralement, l’année est dénommée “Année de la Vraie Lumière” (A:.V:.L:.). Comme la légende fait remonter l’origine de la maçonnerie à la création du monde, c’est la chronologie biblique qui a été retenue. On ajoute donc quatre mille ans à la date de l’année civile en cours – dite “Ère vulgaire” (E:.v:.) – pour fixer la date maçonnique. Par cette singularité, la franc-maçonnerie veut montrer l’importance de la problématique du Temps, notion qui reste l’une des grandes interrogations de la philosophie et de la science. Ainsi l’année 2017, année du tricentenaire de la maçonnerie moderne, correspondait-elle
        à l’année 6017.
      12. Quels symboles du Cabinet de réflexion sont absents de la liste  suivante ? Crâne humain, ossements, cruche d’eau, miroir, sablier, sel, pain, mercure, soufre.
        À tous ces symboles auxquels le candidat est confronté dans le Cabinet de réflexion doivent être ajoutés la faux et le coq. La faux est le symbole classique de la mort qui met fin à la vie de façon radicale et souvent imprévisible. Elle complète ici le crâne, les ossements et le sablier pour indiquer, d’une part, la brièveté du passage sur terre et, d’autre part, la nécessité de la mort profane pour préparer une nouvelle vie après l’initiation. Le coq est une présence plus originale, les animaux étant peu représentés en franc-maçonnerie. Animal dynamique, courageux et fort, il traduit la vigilance attendue du candidat ainsi que le retour de la lumière du jour après la nuit. On notera parallèlement que l’ensemble de ces symboles a une signification alchimique évidente, montrant ainsi l’influence qu’a eue ce courant de pensée sur la franc-maçonnerie.
      13. Quelles sont les fonctions du symbole ?
        Pour les francs-maçons, le symbole est un moyen d’accès fondamental à la connaissance. Son utilisation permet d’atteindre un autre plan de conscience que l’évidence rationnelle, car il a la faculté d’admettre la coexistence des contraires, thème abordé depuis la plus haute antiquité par les philosophes. Il laisse la possibilité à l’individu de s’exprimer librement en dehors de toute contrainte culturelle. Spontanéité, sensibilité, affectivité sont les maîtres mots. Le symbole a pour fonction de traduire le vécu profond de l’être. La pensée symbolique est ainsi une pensée de l’imaginaire ; elle fonde son déroulement sur l’intuition, l’analogie et les correspondances. Le symboliste appréhende le réel directement par les sens.
      14. Pourquoi appelle-t-on la porte du temple la porte basse ?
        Le Temple est orienté dans le sens est-ouest, l’est étant l’Orient où siège le Vénérable Maître de la Loge. La porte du Temple se trouve donc à l’Occident, l’endroit de contact avec le monde profane plongé dans l’obscurité. Par tradition, les maçons estiment que cette porte doit être “étroite et basse”, pour signifier combien le passage vers la lumière initiatique nécessite d’efforts. La commodité de langage a transformé la formulation en “porte basse”. Le franchissement de cette porte, qui s’effectue la corde au cou, lors de la cérémonie d’initiation, oblige l’impétrant à se courber en deux en signe d’humilité. Ce moment difficile est souvent ressenti avec intensité et il est, parfois, assimilé à la venue au monde de l’enfant sortant du ventre de sa mère.
      15. Lequel de ces outils n’est pas un bijou immobile ? a. Le maillet ; b. La pierre brute ; c. La pierre cubique à pointe ; d. La planche à tracer.
        a. Le maillet. En dépit de sa valeur symbolique fondamentale en franc-maçonnerie, le maillet ne fait pas partie des “bijoux immobiles”. La distinction entre bijoux mobiles et bijoux immobiles (6 au total) reste obscure en tant que telle, mais elle a pris une importance rituélique certaine, car elle apparaît dans les plus anciens textes maçonniques de la fin du XVIIème siècle. Les trois bijoux immobiles sont la pierre brute, la pierre cubique à pointe et la planche à tracer. La pierre brute permet à l’Apprenti d’apprendre à travailler et, au plan moral, de polir ses propres aspérités ; la pierre cubique à pointe sert au Compagnon à finaliser ce travail d’Apprenti, afin de s’intégrer dans la Loge avec justesse et précision ; enfin, la planche à tracer est spécifique du Maître qui sait réaliser des plans et donner l’exemple du travail accompli. Les bijoux sont d’usage en franc-maçonnerie, car ils permettent d’authentifier la fonction exercée par son porteur.

[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : dervy-almora.fr | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête © Le Lombard.


Plus de symboles en Wallonie…

CAVAIGNAC : Les questions-réponses vertes (Dervy, 2018)

Temps de lecture : 17 minutes >

La franc-maçonnerie – 101 questions sans un tabou (Dervy, 2018)

ISBN 97910 242 0252 5

Un jeu conçu, écrit et réalisé par : Yasmine Bonhomme, François Cavaignac et Valeria Cassisa. Ce jeu est constitué de 101 cartes réparties en trois domaines auxquels est associée une couleur pour les différencier :
. rouge pour ce qui se rapporte aux valeurs, à l’institution,
. vert pour ce qui se rapporte à l’histoire,
. bleu pour ce qui se rapporte aux symboles.

Questions vertes (1, niveau débutant)

      1. Quel est le rôle du Vénérable ?
      2. Combien y a-t-il de degrés en franc-maçonnerie ?
      3. Il existe des monuments maçonniques à Paris : vrai ou faux ?
      4. Comment s’appelle la réunion des francs-maçons en Loge ?
      5. Qu’est-ce qu’une Loge ?
      6. Pourquoi les francs-maçons portent-ils un tablier ?
      7. Sous quel nom est plus connue l’étoile à cinq branches ?
      8. Quel est le modèle du Temple maçonnique ?
      9. Existe-t-il un lien entre l’alchimie et la franc-maçonnerie ?
      10. Que signifient les initiales REAA ?
      11. Des scientifiques ont participé à la naissance de la franc-maçonnerie moberne : vrai ou faux ?

Questions vertes (2, niveau intermédiaire)

      1. La franc-maçonnerie et les arts sont incompatibles : vrai ou faux ?
      2. D’où vient l’appellation de «franc-maçon» ?
      3. Quel est le nom de la célèbre Loge où fut initié Voltaire ? a. La Candeur ; b. Les Neuf Soeurs ; c. L’Union.
      4. Pourquoi des épées servent-elles dans les cérémonies maçonniques ?
      5. L’Égypte est une source historique de la franc-maçonnerie : vrai ou faux ?
      6. A partir de quelle année les femmes ont-elles pu entrer au Grand Orient de France ? a. 1869 ; b. 1900 ; c. 1914 ; d. 2009 ; e. 2010.
      7. Quel a été l’apport de la franc-maçonnerie à la République [française] ?

Questions vertes (3, niveau avancé)

      1. À quelle date et où la franc-maçonnerie modeme est-elle née ?
      2. À quel théorème célèbre fait référence le bijou de Vénérable Maître ? a. Au théorème de Thalès ; b. Au théorème de Pythagore ; c. Au théorème d’Euclide ; d. Au théorème d’Archimède.
      3. Quelle a été la première obédience en France à être mixte ?
      4. Qui a dit : « Un maçon est obligé, par son engagement, d’obéir à la loi morale ; et s’il connaît bien l’Art, il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux » ?
      5. Quel est l’intrus parmi ces mythes maçonniques ? a. Hiram ; b.  Salomon ; c. Prométhée ; d. Les Templiers ; e. La tour de Babel.
      6. Qui n’a jamais été franc-maçon ? a. Le marquis de Sade ; b. Napoléon I ; c. Victor Hugo ; d. Louise Michel ; e. Léon Blum ; f. Joséphine Baker.
      7. Par quels mots se termine cette formule célèbre : “Les francs-maçons
        sont partout et…” ?
      8. Pourquoi existe-t-il plusieurs Rites ?
      9. La franc-maçonnerie joua un rôle majeur dans la Révolution française : vrai ou faux ?
      10. La devise de la République est d’origine maçonnique : vrai ou faux ?

Réponses vertes (1, niveau débutant)

      1. Quel est le rôle du Vénérable ?
        Comme dans toutes les institutions, il est nécessaire d’organiser le fonctionnement des individus selon les objectifs collectifs. Pour ce faire, les maçons désignent, chaque année, le président de leur loge. Véritable patron de la Loge, il porte le titre de « Vénérable ». Investi de la confiance de ses frères et soeurs, il a pour mission d’assurer la direction de la Loge, tant au niveau administratif (correspondances, convocations, maintien de la discipline interne, etc.) qu’au niveau symbolique et rituélique. C’est lui qui assure la transmission initiatique et la transmission des grades. Une telle autorité morale implique sagesse et discernement afin de concilier en permanence la variété des opinions. Il est assisté d’un Collège des Officiers de neuf membres, chacun d’eux ayant une fonction particulière.
      2. Combien y a-t-il de degrés en franc-maçonnerie ?
        La franc-maçonnerie symbolique comprend universellement 3 degrés : Apprenti, Compagnon et Maître. Ces degrés proviennent de la tradition opérative classique ; mais, dans les années 1730, une légende particulière, la légende d’Hiram, a été insérée dans le grade de Maître, traduisant ainsi dans les faits le passage au spéculatif de la maçonnerie moderne. La progression initiatique postérieure à la maîtrise, appelée également hauts grades ou degrés supérieurs, propose, selon les rites, un nombre de degrés différent Ainsi, par exemple, en tenant compte des trois premiers degrés précités, le Rite Français comprend 7 degrés, le Rite Écossais Rectifié 8 degrés, le Rite Écossais Ancien Accepté 33 degrés et les Rites égyptiens (Memphis-Misraïm) 33, 90 ou 99 degrés, selon les cas. À chaque degré correspond une légende, un enseignement ou une valeur morale ou philosophique propre.
      3. Il existe des monuments maçonniques à Paris : vrai ou faux ?
        Faux ! Les romans de Dan Brown ont popularisé l’idée que les francs-maçons avaient marqué de leur empreinte l’urbanisme occidental en insérant dans l’architecture des symboles ésotériques repérables par les seuls initiés. Paris, en raison de son prestige historique de Ville Lumière, est sujet à ce type de recherche. En vérité, les constructeurs modernes francs-maçons se sont contentés de glisser çà et là, discrètement, des décors allusifs, sans dévoiler de manière appuyée leur appartenance. Parallèlement, tout décor antiquisant donne lieu immédiatement à interprétation. Le monument des Droits de l’homme du Champ-de-Mars, la Grande Arche de la Défense, la pyramide du Louvre, le Panthéon, la réplique de la statue de la Liberté, l’axe de la Concorde avec l’obélisque de Louxor, la tour Eiffel ou encore le fronton de l’Assemblée nationale font fantasmer les ésotéristes patentés sans qu’aucun plan d’ensemble ne puisse être déduit de ces éléments disparates.
      4. Comment s’appelle la réunion des francs-maçons en Loge ?
        Les francs-maçons se réunissent en tenue, terme générique pour  désigner une réunion maçonnique. On ignore son étymologie exacte (religieuse ou judiciaire). Normalement, toute Loge tient deux tenues par mois, au cours desquelles la présence est obligatoire (sauf excuses). Une vingtaine de tenues ont lieu durant l’année maçonnique qui court de septembre à juin (il n’y a pas de tenues pendant les vacances). Certaines tenues sont réservées à des manifestations spécifiques : initiation de profanes, élévation à un grade, tenue funèbre, etc. Il existe également des tenues blanches, qui permettent d’accueillir des profanes. Dans une tenue blanche fermée, les participants sont maçons et le conférencier est profane ; dans une tenue blanche ouverte, les présents sont à la fois maçons et profanes, mais le conférencier est obligatoirement maçon.
      5. Qu’est-ce qu’une Loge ?
        Si l’étymologie du mot est incertaine (origine allemande ou  italienne), sa signification, en revanche, est attestée. Au Moyen Âge, il s’agit d’un local de chantier où les ouvriers pouvaient remiser leurs outils et se mettre également à l’abri. Par glissement, le terme a désigné le local où les francs-maçons se réunissent rituellement, puis, par élargissement, il a désigné le groupe de maçons lui-même qui pratique dans ce lieu. La Loge est la cellule de base de la franc-maçonnerie. Elle est à la fois une personne morale et une entité administrative obédientielle. Elle est identifiable par un titre distinctif et un lieu d’implantation. Les maçons ne peuvent travailler maçonniquement que dans une Loge, lieu où s’exerce pleinement la conscience collective d’appartenance. Lorsqu’un profane est initié, la Loge d’accueil demeure sa Loge mère.
      6. Pourquoi les francs-maçons portent-ils un tablier ?
        Le tablier est unanimement considéré par les maçons comme le symbole du travail. Issu des tailleurs de pierre médiévaux, il permet de se protéger des éclats de pierre. Il a progressivement été normalisé
        en franc-maçonnerie : il est composé d’un rectangle de cuir et d’une bavette triangulaire. li permet aussi de représenter le grade de celui qui le porte. Aux grades d’Apprenti et de Compagnon, il est blanc ; au grade de Maître, il est orné de décors, symboles et couleurs particuliers, en fonction de l’obédience et du rite pratiqué. Le port du tablier est obligatoire en Loge, aucun maçon ne pouvant être admis à l’ouverture des travaux s’il n’en dispose pas. Il traduit l’idéal de glorification du travail que les maçons présentent comme un de leurs principes fondamentaux.
      7. Sous quel nom est plus connue l’étoile à cinq branches ?
        C’est l’étoileflamboyante, qui est l’un des symboles essentiels du grade de Compagnon, mais dont la signification symbolique est universelle. Connue depuis la plus haute Antiquité, elle était révérée des Égyptiens et des Pythagoriciens. Elle a aussi été utilisée par les constructeurs médiévaux (tailleurs de pierre et architectes) et, ensuite, par les ésotéristes, tant ses capacités interprétatives sont nombreuses. Elle contient non seulement la représentation de l’Homme (on peut y inscrire un corps humain avec la tête et les quatre membres) mais ses propriétés géométriques et mathématiques révèlent qu’elle contient également la valeur du Nombre d’or. Dans le Temple, elle figure soit au Nord, soit à l’Orient, arborant parfois la lettre “G”. Cette initiale désigne le mot anglais God (Dieu), mais la maçonnerie française lui laisse une largesse d’interprétation : Géométrie, Génération, Gravitation, Gnose, etc.
      8. Quel est le modèle du Temple maçonnique ?
        Le Temple de Salomon. Selon la Bible, le chantier débuta à partir de 959 av. J.-C. et dura sept ans. La construction multiplia les prouesses techniques et esthétiques : pierres dégrossies en carrière et montées sur place sans l’intervention d’aucun outil de fer, lambris de cèdre recouverts d’or, parquetage en cyprès, candélabres d’or boiseries sculptées de chérubins et de motifs floraux, etc. Pour les francs-maçons, c’est le chantier exemplaire, l’expression symbolique de la perfection : le Temple représente le cosmos, signe d’universalité. Les églises médiévales ont souvent repris sa configuration (parvis, lieu saint et sanctuaire) avec une gradation de l’espace sacré. Avant la fin du XVIIème siècle, le Temple de Salomon était déjà idéalisé et spiritualisé dans la culture européenne. Sa valeur mythique indéniable explique son emprunt dans le corpus symbolique maçonnique en cours de constitution à ce moment-là.
      9. Existe-t-il un lien entre l’alchimie et la franc-maçonnerie ?
        Oui, car la franc-maçonnerie a emprunté plusieurs idées et symboles aux différents courants de pensée pratiqués en Occident. Il y a d’abord eu une proximité philosophique à travers la recherche personnelle de la maîtrise de soi et d’un perfectionnement du monde. Ensuite, à partir du XVIIIème siècle, de nombreux maçons ont simultanément pratiqué l’alchimie et ont diffusé des idées hermétistes au sein de l’Ordre. Enfin, plusieurs symboles alchimiques sont présents en franc-maçonnerie dont les trois principes alchimiques que sont le soufre, le sel et le mercure qui figurent dans le Cabinet de réflexion. Le soufre est le feu qui anime, c’est-à-dire l’esprit, le sel est la matière qui soutient, c’est-à-dire la science, le mercure est la forme des choses, représentée par le coq, attribut d’Hermès. Sans oublier la formule de forme alchimique, également présente dans le Cabinet de réflexion, V.I.T.R.I.O.L.
      10. Que signifient les initiales REAA ?
        Rite Écossais Ancien Accepté. Dès les premiers temps de la  franc-maçonnerie moderne, au début du XVIIIème siècle, certains maçons ont revendiqué une antériorité en pratiquant des grades dits écossais. Ils soutenaient que ces grades trouvaient leur origine en Ecosse, ce pays ayant été le premier à avoir admis dans les Loges opératives des hommes ne faisant pas partie du métier de maçon. Peu à peu, ce courant « écossais » s’est structuré en créant des grades spécifiques, et le regroupement de ceux-ci en 1801, à Charleston (États-Unis), grâce à l’apport de maçons français, a donné naissance à un Rite auquel on a donné le nom d’Écossais Ancien Accepté. Le terme d’écossais rappelle l’origine initiatique, celui d’ancien traduit l’antériorité historique et la forme, celui d’accepté remémore l’acceptation de membres spéculatifs. Dans la maçonnerie anglo-saxonne, le REAA est, uniquement, un système de hauts grades.
      11. Des scientifiques ont participé à la naissance de la franc-maçonnerie moberne : vrai ou faux ?
        Vrai ! Les fondateurs de la Grande Loge de Londres, en 1717, étaient pour la plupart férus de sciences expérimentales et très influencés par la Royal Society, société savante anglaise fondée en 1660. Jean-Théophile Désaguliers, corédacteur des Constitutions d’Anderson et troisième Grand Maître en 1719, était expérimentateur de Newton, ayant publié plusieurs études de haut niveau sur la mécanique, l’électricité, l’optique, les mathématiques. Le chevalier de Ramsay, auteur d’un discours fondateur en 1736, n’hésite pas à fixer comme objectif à cette franc-maçonnerie moderne l’union “de la vertu et de la science.” La démarche maçonnique et la recherche scientifique ont un certain nombre de points communs (recherche de la vérité, usage de la raison et du doute), ce qui à permis à de très nombreux scientifiques depuis le XVIIIème siècle de pratiquer la maçonnerie.

Réponses verte (2, niveau intermédiaire)

      1. La franc-maçonnerie et les arts sont incompatibles : vrai ou faux ?
        Faux. Dès l’origine, les maçons ont été sensibles à toutes les formes d’art. Ils se répartissent dans tous les domaines, cherchant l’inspiration et la beauté. Il faut se souvenir que la franc-maçonnerie était aussi appelée l’Art royal. Dans la musique : Mozart (1756-1791). Dans la littérature : Goethe (1749-1832), W. Scott (1777-1832), R. Kipling (1855-1936), sir A. Conan Doyle (1859-1930). Au théâtre, en France, on a pu recenser, au XIXème siècle, plus de quarante auteurs dramatiques francs-maçons. Au cinéma, aux États-Unis : J. Ford (1894-1973) et F. Capra (1897-1997). Les comédiens et artistes maçons sont nombreux, mais ils cultivent la discrétion. On peut toutefois citer le célèbre clown A. Zavatta (1915-1993) et la famille de peintres Vernet : Claude Joseph Vernet (1714-1789), son fils Carle Vernet (1758-1836) et son petit-fils, Horace Vernet (1789-1863), qui fut dignitaire du Suprême Conseil de France.
      2. D’où vient l’appellation de «franc-maçon» ?
        Trois étymologies sont en concurrence, sans que les preuves  documentaires aient pu jusqu’à présent les départager. Pour les uns, le terme, apparu en Angleterre au cours du XIVème siècle, serait la contraction du mot free-stone mason, c’est-à-dire tailleur de pierre franche [Pierre franche : calcaire à grains fins, facile à découper et à graver au ciseau et au marteau] ; pour les autres, le mot est de portée juridique et non plus technique : le mot franc signifierait libre et aurait trait à l’organisation des métiers, l’ouvrier de l’époque louant ses services à titre individuel sur un chantier ; enfin, le terme s’appliquerait au métier et signifierait la franchise, notamment fiscale, qui pouvait être accordée à la pratique des francs métiers. La tendance majoritaire actuelle tend à donner l’avantage à la première définition.
      3. Quel est le nom de la célèbre Loge où fut initié Voltaire ? a. La Candeur ; b. Les Neuf Soeurs ; c. L’Union.
        b. Les Neuf Soeurs. Elle fut fondée en 1776. Le titre distinctif des Neuf Soeurs fait référence aux Muses, les neuf soeurs du Parnasse. Issue du Parti philosophique qui représentait alors l’expression la plus vivante et la plus accomplie de l’Encyclopédie et des Lumières, cette Loge se consacra à la culture des sciences, des lettres et des arts. Elle fut fondée et dirigée par l’astronome Jérôme de Lalande (1732-1807). Elle eut une certaine influence dans le soutien français à la Révolution américaine et eut en son sein de nombreux hommes de renom, notamment Benjamin Franklin (1706-1790), le naturaliste Lacépède (1756-1825), le musicien Piccinni (1728-1 800) et les peintres Jean-Baptiste Greuze (1725-1805) et Joseph Vernet (1714-1789). Elle initia Voltaire le 7 avril 1778, quelques semaines avant son décès survenu le 30 mai.
      4. Pourquoi des épées servent-elles dans les cérémonies maçonniques ?
        L’usage de l’épée est essentiellement lié au développement de la franc-maçonnerie française au milieu du XVIIIème siècle. De nombreux aristocrates fréquentant les Loges souhaitaient conserver cet attribut de leur ordre tandis que les bourgeois, dans le but d’imiter la noblesse, en acceptaient la présence. En outre, la référence chevaleresque dans les rituels justifiait l’épée. Dans un but d’égalité, la coutume s’installa de ne plus porter l’épée sur le côté, mais de garder le baudrier. L’épée est l’emblème particulier du Couvreur et de l’Expert, elle est utilisée en plusieurs occasions dans les cérémonies. Elle est la plupart du temps tenue de la main gauche pour manifester davantage le soutien que l’action belliqueuse. Son symbolisme est riche : elle évoque les idées de justice, de courage, de protection et d’autorité, tandis que les francs-maçons spiritualistes (francs-maçons chrétiens) l’identifient à la croix.
      5. L’Égypte est une source historique de la franc-maçonnerie : vrai ou faux ?
        Faux ! Historiquement, la franc-maçonnerie n’a pas son origine dans l’ancienne Égypte. Mais dans l’imaginaire occidental, l’attrait de l’Orient égyptien, largement entretenu par la culture biblique, mêlé à l’ésotérisme présumé de la période pharaonique ont donné naissance, à l’occasion de l’expédition de Napoléon en 1799, à une mouvance rituélique directement inspirée de l’Égypte, considérée comme le berceau religieux de la Tradition primordiale. Au début du XIXème siècle, plusieurs rites se revendiquent d’une origine – historique ou philosophique – égyptienne : Rite de Misraïm et Rite de Memphis. Finalement, ces deux rites s’unifient en 1887, sous la houlette de Garibaldi, Grand Maître du Grand Orient d’Italie. Malgré de nombreuses vicissitudes (scissions en chapelles rivales, notamment) qui ont émaillé son histoire, le Rite égyptien a connu un réveil vivifiant à la fin du XXème siècle, même au sein du Grand Orient de France.
      6. A partir de quelle année les femmes ont-elles pu entrer au Grand Orient de France ? a. 1869 ; b. 1900 ; c. 1914 ; d. 2009 ; e. 2010.
        e. À partir de 2010. La question de la mixité préoccupe depuis longtemps le Grand Orient de France : elle a été posée pour la 1ère fois au Convent de 1869 et, de 1900 à 1914, elle a été présentée 72 fois sans succès. Le Convent de 2009, malgré des avis partagés, a fait évoluer les choses en votant qu’il ne pouvait y avoir de discrimination de sexe dans le recrutement du GODF, ce qui de facto permettait l’accès des femmes. Plusieurs Loges avaient anticipé ce mouvement en initiant des femmes, contrairement au règlement général, suscitant ainsi beaucoup d’interrogations. Prenant acte de cette situation, et dans le souci manifeste de laisser à chaque membre sa liberté de conscience, le Convent 2010 a confirmé le vote de 2009. Contrairement aux prévisions pessimistes de certains, ce passage à la mixité n’a pas provoqué de démissions massives. Désormais, un flux régulier de demandes féminines arrive au GODF où chacun peut pratiquer la maçonnerie.
      7. Quel a été l’apport de la franc-maçonnerie à la République [française] ?
        Grâce à la réflexion effectuée dans les Loges -particulièrement dans celles du Grand Orient de France qui a joué un rôle majeur en France entre 1880 et 1914-, de nombreuses lois de progrès ont stabilisé le régime et réglé à la fois la question sociale et la question religieuse. On peut ainsi citer les lois sur l’enseignement primaire obligatoire, laïque et gratuit (1882 et 1886) ; sur les libertés publiques (1881 liberté de réunion ; 1884 : organisation communale et légalisation du divorce ; 1901 : liberté d’association) ; sur la séparation des Églises et de l’État (1905) ; sur la protection sociale (1886 : développement des caisses de retraites vieillesse ; 1892 : réglementation et limitation du travail des femmes et des enfants ; 1910 : retraites ouvrières et paysannes) ; sur la législation du travail (1884 autorisation et légalisation des syndicats professionnels). Plus proche de nous, plusieurs francs-maçons ont participé activement à la légalisation du droit à l’avortement (loi Veil, 1975).

Réponses VERTES (3, niveau avancé)

      1. À quelle date et où la franc-maçonnerie modeme est-elle née ?
        Depuis une trentaine d’années, les recherches menées par les historiens ont permis de préciser plusieurs points, mais la question reste encore obscure à certains égards. la franc-maçonnerie spéculative moderne est formellement constituée lorsque, en 1717, quatre Loges anglaises (Londres et Westminster) décident de fonder la Grande Loge de Londres. En 1723, un texte spécifique, les Constitutions d’Anderson, organise le fonctionnement de cette nouvelle institution en présentant l’histoire légendaire du métier de maçon, les règlements généraux et obligations s’imposant aux maçons et les valeurs auxquelles ils doivent se référer. Mais cette origine uniquement anglaise est remise en cause aujourd’hui par la découverte de pratiques maçonniques antérieures (XVIIème siècle) en Écosse et en Irlande. En revanche, dans l’état actuel des connaissances, la franc-maçonnerie moderne est née dans les îles Britanniques.
      2. À quel théorème célèbre fait référence le bijou de Vénérable Maître ? a. Au théorème de Thalès ; b. Au théorème de Pythagore ; c. Au théorème d’Euclide ; d. Au théorème d’Archimède.
        a. Au théorème de Pythagore. Le bijou accroché au sautoir du Vénérable est une équerre dont les mesures qui la constituent vérifient le théorème de Pythagore. Le bijou qu’arborent les Vénérables d’honneur, ces anciens Vénérables distingués par la Loge pour leur action maçonnique, pousse plus loin la référence. En effet, une représentation géométrique du théorème figure dans un carré suspendu aux branches de leur équerre. Ce théorème de géométrie euclidienne prouve que “le carré de l’hypoténuse d’un triangle rectangle est égal à la somme des carrés des longueurs des deux autres côtés.” Les applications de cette démonstration ont été historiquement très importantes. Pour les francs-maçons, ce bijou symbolise toute la science maçonnique que doit posséder celui qui en est porteur.
      3. Quelle a été la première obédience en France à être mixte ?
        Le Droit Humain. En 1882, la Loge Les Libres-Penseurs du Pecq, ayant décidé d’être autonome, initie Maria Deraismes, journaliste et militante des Droits de la femme et de l’enfant. qui a mené des campagnes en faveur des droits civils et politiques avec le Dr Georges Martin, sénateur et franc-maçon Elle devient ainsi la première femme franc-maçonne en France, en violation des règles traditionnelles de la franc-maçonnerie, mais dans le but avoué d’établir l’égalité intellectuelle et sociale des femmes. Elle fonde à son tour, dix ans plus tard, en 1893, une Grande Loge Symbolique Écossaise mixte de France en initiant une quinzaine de ses amies et relations et en leur faisant approuver la constitution d’une nouvelle obédience. En 1901, cette obédience se transforme en Ordre maçonnique mixte international Le Droit Humain.
      4. Qui a dit : « Un maçon est obligé, par son engagement, d’obéir à la loi morale ; et s’il connaît bien l’Art, il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux » ?
        Il s’agit de la première phrase de l’article 1 des Obligations d’un franc-maçon, dites Constitutions d’Anderson. En 1721, le pasteur Anderson est chargé de rédiger un texte organisant et unifiant les pratiques de la toute nouvelle Grande Loge de Londres et de Westminster créée en 1717. Ce règlement est publié en 1723, et débute par l’extrait précité. Il a donné lieu, depuis lors, à d’innombrables interprétations, notamment avec l’installation progressive d’une franc-maçonnerie moderne, éloignée des dogmes religieux. Les tenants de la Tradition maintiennent qu’un athée est systématiquement stupide et un libertin irréligieux. Les partisans de la maçonnerie libérale soutiennent, quant à eux, que le contexte culturel et moral de l’époque n’autorisait guère d’autres conceptions. Il a fallu attendre les années 1860 pour que, en Belgique et en France, des maçons athées fassent émerger l’idée qu’une franc-maçonnerie adogmatique était possible.
      5. Quel est l’intrus parmi ces mythes maçonniques ? a. Hiram ; b.  Salomon ; c. Prométhée ; d. Les Templiers ; e. La tour de Babel.
        c. Prométhée. C’est un mythe grec qui ne se retrouve nulle part dans les textes maçonniques médiévaux ou modernes même si plusieurs Loges l’ont pris comme titre distinctif en raison de sa dimension philosophique universelle. En revanche, Hiram, créé au début du XVIIIème siècle en Angleterre, est le mythe fondateur de la franc-maçonnerie moderne. Salomon, quant à lui, est porteur d’un double mythe : celui de la construction du Temple, idéal absolu de tout maçon, et celui de la sagesse, source de justice. La tour de Babel, empruntée également à la culture biblique, rappelle la culpabilité de l’homme comme problématique éternelle et la recherche d’un langage universel. Enfin, les Templiers sont au coeur de l’un des plus célèbres hauts grades, le 30ème degré du REAA.
      6. Qui n’a jamais été franc-maçon ? a. Le marquis de Sade ; b. Napoléon I ; c. Victor Hugo ; d. Louise Michel ; e. Léon Blum ; f. Joséphine Baker.
        b. Napoléon Ier ; c. Victor Hugo ; e. Léon Blum. Les francs-maçons se laissent aller parfois à revendiquer l’appartenance de certaines célébrités, mais ce sont surtout les anti-maçons qui fantasment à l’envi sur une adhésion supposée à l’Ordre. Napoléon ler n’a jamais été initié bien qu’il ait supervisé et encadré le développement de la franc-maçonnerie. Victor Hugo et Léon Blum non plus, ils sont ce que les maçons appellent des faux frères. En revanche, Sade fut initié en 1780 (Loge Les Amis de la Liberté, à Paris), mais ne put guère fréquenter sa Loge en raison de ses nombreux internements ; Louise Michel fut initiée en 1903 (Loge La Philosophie sociale à Paris) et Joséphine Baker à la Grande Loge Féminine de France (date et titre distinctif  de la Loge non communiqués par l’obédience).
      7. Par quels mots se termine cette formule célèbre : “Les francs-maçons sont partout et… ?
        …la franc-maçonnerie nulle part.” L’idée que, en raison du secret maçonnique, les francs maçons ne se dévoilent pas permet le fantasme complotiste selon lequel ils infiltreraient tous les secteurs de la société. Le rôle politique historique de la maçonnerie en France a longtemps accrédité cette idée. Mais on peut penser que la formulation est davantage esthétique que réelle. Prise au pied de la lettre, elle laisse penser, en effet, qu’on ne discerne nulle part la présence de la franc-maçonnerie. Or, les obédiences maçonniques sont des assoc1at1ons déclarées, elles ont pignon sur rue et disposent de moyens d’information publics (sites Internet, revues, émissions radios, etc.), un nombre croissant de publications maçonniques présentent les idéaux humanistes et les Grands Maîtres participent régulièrement à des émissions de télévision.
      8. Pourquoi existe-t-il plusieurs Rites ?
        La matière première rituélique provient de la maçonnerie opérative pratiquée en Écosse entre 1690 et 1730. Dans les années 1750, des maçons irlandais catholiques créent un Rite dit des Anciens, par opposition au rite établi à Londres en 1717, dit des Modernes. Ce sont des éléments empruntés aux traditions symboliques et ésotériques datant de la Renaissance qui enrichissent la confection de ces Rites. Parallèlement, les hauts grades se développent en France et en Allemagne avec une composante ésotérique et chevaleresque. Entre 1760 et 1780, les maçons organisent, codifient et uniformisent ces Rites. Ainsi, selon les modalités de travail et les orientations philosophiques des rédacteurs qui adaptent les textes aux conditions régionales, historiques et culturelles des pays, on a abouti à une certaine variété des Rites maçonniques : le REAA, le Rite Écossais Rectifié, le Rite Français, le Rite Suédois, le Rite Émulation, le Rite de Memphis-Misraïm, etc.
      9. La franc-maçonnerie joua un rôle majeur dans la Révolution française : vrai ou faux ?
        Faux ! Ce point d’histoire a donné lieu à tous les fantasmes possibles tant il a été débattu, notamment après les écrits du père jésuite Barruel (1741-1820), qui soutint la thèse conspirationniste selon laquelle la Révolution avait été préparée de longue date par les francs-maçons dans le but de détruire l’ordre ancien, monarchique et religieux. La vérité historique oblige à indiquer que plusieurs francs-maçons jouèrent un rôle actif dans les événements, mais que les maçons se répartirent dans tous les partis et mouvances politiques, certains n’échappant pas à la guillotine. Pendant la Terreur (1793-1794), les maçons furent contraints de cesser leurs activités. La franc-maçonnerie fut en fait particulièrement touchée par la Révolution : près de 600 Loges existaient en 1789, à peine une soixantaine en 1800.
        Beau succès pour une institution supposée tirer les ficelles de l’Histoire !
      10. La devise de la République est d’origine maçonnique : vrai ou faux ?
        Vrai et faux ! Les francs-maçons se sont toujours attribué un rôle  décisif dans l’élaboration et la reconnaissance de cette devise. Le triptyque Liberté, Égalité, Fraternité est apparu dans le débat public vers 1790. Il a une origine diffuse en tant que formule unifiée, car l’idée de fraternité était ignorée des cahiers de doléances et n’était pas inscrite dans la Déclaration de 1789. C’est en 1848 que l’inclusion du mot fraternité a été admise comme d’origine maçonnique et que la IIème République l’adopte comme devise officielle. En 1880, la IIIème République la reprend comme symbole officiel. Le Grand Orient de France précisait, en 1849, que “sa devise a été de tous temps. Liberté, Égalité, Fraternité.” Ce ternaire ne s’est véritablement introduit dans les Loges qu’après 1860, avant de devenir l’acclamation obligatoire de
        début et de fin des travaux maçonniques.

[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : dervy-almora.fr | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête © Le Lombard.


Plus de symboles en Wallonie…

APOLLINAIRE : textes

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Guillaume APOLLINAIRE (1880-1918)

Lettre à Lou (1915)

[…] Lou, encore une fois je veux que tu ne te fasse pas menotte trop souvent. Je vais être jaloux de ton doigt. Je veux que tu me dises quand tu t’ais (sic) fait menotte et que tu résistes un peu. Je serai obligé de te corriger. Tu ne fais aucun effort de ce côté. Tu es merveilleusement jolie ; je ne veux pas que tu te fanes en t’épuisant par les plaisirs solitaires. Je veux te revoir épatamment fraîche, sans quoi tu recevras des claques comme un écolier qui s’est branlé au lieu d’apprendre ses leçons. Quand on était au collège on faisait un trou à sa poche droite, on passait la main et on faisait ça pendant toute l’étude. Yeux cernés. Mais je ne veux pas qu’une grande fille comme toi qui a un cul superbe et a déjà fait cornard son mari, se branle comme un petit garçon pas sage. Si tu fais ainsi, c’est le fouet que tu auras, ma gosse, le fouet pour te mater. Tu auras beau faire métalliser ton derrière, je te fesserai jusqu’au sang, de manière que tu ne puisses plus t’asseoir. Tu cul payera pour ton petit con, ma chérie. Je te désire éperdument. Je n’en puis plus. Je ne sais si on me donnera une permission pour Nice avant longtemps. Il me tarde que tu sois là. Si tu savais comme j’ai envie de faire l’amour, c’est inimaginable. C’est à chaque instant la tentation de saint Antoine, tes totos chéris, ton cul splendide, tes poils, ton trou de balle, l’intérieur si animé, si doux et si serré de ta petite sœur, je passe mon temps à penser à ça, à ta bouche, à tes narines. C’est un véritable supplice. C’est extraordinaire, ce que je peux te désirer. Tu m’as fait oublier mes anciennes maîtresses à un point inimaginable. Pourtant elles étaient jolies. Je ne les vois plus que comme de la m..de. L’Anglaise qui était épatante, blonde comme la lune, des tétons épatants, gros et fermes et droits, qui bandaient dès qu’on les touchait et la mettaient de suite en chaleur, un cul mirobolant énorme et une taille mince à ravir. Elle n’est plus rien. Marie L. ravissamment faite, un des plus gros derrières du monde et que je transperçais avec un âcre plaisir. Elle n’est pas plus que du crottin. Toi seule, mon Lou adoré, ma chère captive, ma chère fouettée, toi seule existes. Mon Lou je me souviens de notre 69 épatant à Grasse.

Quand on se reverra on recommencera. Si ça continue, je me demande si je ne serai pas obligé de me faire menotte moi aussi en ton honneur. C’est tout de même malheureux d’être privé de toi. Le désir au fur et à mesure qu’il s’accroît devient un supplice. Je te couvre de baisers partout, tes chers pieds que j’aime tant je leur fais petit salé, entre chaque doigt, je remonte le long du mollet que je mordille, tes belles cuisses, je m’arrête au centre et parcours longtemps de la langue la cloison qui sépare tes deux trous adorés. Je les adore toutes, les neufs portes sacrées de ton corps, la vagin royal où bouillonne la cyprine voluptueuse que tu me prodigues ô chéri et d’où s’épanche l’or en fusion de ton pipi mignon, l’anus plissé et jaune comme un Chinois où pénétrant je t’ai fait crier de douleur âcre, la bouche adorable où ta salive a le goût des fruits que j’aime le mieux, les deux narines où j’ai mis ma langue et qui ont une saveur salée délicieusement délicate et ces deux oreilles si chaudes, si nerveuses. Les neuf portes de ton corps sont les entrées merveilleuses du plus beau, du plus noble palais du monde. Que je l’aime ma chérie. J’oubliais tes deux yeux chauds et salés comme la mer et plus profonde que ses gouffres. Neuf portes, ô mes neuf muses, quand vous entrouvrirai-je encore ? Ma chérie, ma chérie, tu ne peux pas imaginer à quel point je te voudrais. Dis-moi quels sont ces amis à toi qui sont maintenant à Nice. Lou, je ne veux pas que tu t’ennuies, amuse-toi je ne veux pas que tu t’embêtes, mais je ne veux pas non plus que tu ailles plus loin que tu ne dois, et ça tu le sais toi-même. Mais Lou pas trop de menotte. Écris, fais quelque chose. Je t’embrasse, je t’aime, je t’adore, je te suce, je te baise, je t’encule, je te lèche, je te fais feuille de rose, boule de neige, tout tout tout absolument tout mon adorée, je te prends toute. Ton Gui.


Mon ptit Lou adoré
Je voudrais mourir un jour que tu m’aimes
Je voudrais être beau pour que tu m’aimes
Je voudrais être fort pour que tu m’aimes
Je voudrais être jeune jeune pour que tu m’aimes
Je voudrais que la guerre recommençât pour que tu m’aimes
Je voudrais te prendre pour que tu m’aimes
Je voudrais te fesser pour que tu m’aimes
Je voudrais te faire mal pour que tu m’aimes
Je voudrais que nous soyons seuls dans une chambre d’hôtel à Grasse pour que tu m’aimes
Je voudrais que nous soyons seuls dans mon petit bureau près de la terrasse couchés sur le lit de fumerie pour que tu m’aimes
Je voudrais que tu sois ma sœur pour t’aimer incestueusement
Je voudrais que tu eusses été ma cousine pour qu’on se soit aimés très jeunes
Je voudrais que tu sois mon cheval pour te chevaucher longtemps longtemps

Je voudrais que tu sois mon cœur pour te sentir toujours en moi
Je voudrais que tu sois le paradis ou l’enfer selon le lieu où j’aille
Je voudrais que tu sois un petit garçon pour être ton précepteur
Je voudrais que tu sois la nuit pour nous aimer dans les ténèbres
Je voudrais que tu sois ma vie pour être par toi seule
Je voudrais que tu sois un obus boche pour me tuer d’un soudain amour.

Poèmes à Lou (1947)


Citez-en d’autres :

STEGNER : textes

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STEGNER, Wallace (1909-1993)

Vue cavalière (The Spectator Bird, 1976, extr.)

La représentation la plus exacte que je connaisse de la vie est proposée par Bede le Vénérable : c’est cet oiseau qui entre dans le hall éclairé, y volette quelques instants, puis ressort dans la nuit. Mais Ruth [l’épouse du narrateur] ​est dans le vrai. Ce n’est pas rien -et cela peut être tout- que de s’être trouvé un compagnon oiseau avec qui se reposer sous les combles pendant qu’au dessous libations, rodomontades, déclamations et échauffourées vont bon train ; un congénère dont on prenne soin, auquel on aille chercher des graines et des vermisseaux ; un congénère qui soignera vos bobos, lissera vos plumes ébouriffées et pleurera sur vos plaies et vos bosses quand vous volerez par accident dans quelque chose qui vous dépasse.

[…] Il y a en nous une part de sensibilité qui ne prend pas une ride. Si nous pouvions desquamer la peau de sa corne protectrice, et que nous en ayons le désir, apparaîtrait alors un être sur lequel le temps n’a fait que glisser, lisse comme au premier jour, vulnérable, tantôt chagrin, tantôt folâtre, et insoucieux des conséquences-tout un jeu d’émotions aussi incontrôlables que les érections de l’adolescence.
C’est cette créature toute d’émotivité que Ruth essaie sans trop y croire de mettre à nu chez moi. M’amener à reconnaître des aspirations et des peurs, quand bien même elle s’en trouverait menacée, l’autoriserait à me pardonner et à avoir pitié de moi; or, comme elle a du mal à me faire recevoir sans broncher ses marques d’affection, pardon et pitié ne sont pas de peu d’importance.
Si elle parvient à réussir cette modeste tâche, après avoir été incapable au bout de tant d’années de me façonner à son idée, elle pourra se consacrer généreusement à ma personne sans craindre d’être en train de déverser du sable dans un trou à rat.
M’amener à lui déballer tout ce qui est enfui lui permettrait d’avoir barre sur moi aussi sûrement que si elle avait amassé mes rognures d’ongles et autres boucles de cheveux.
Suis-je injuste ? Assurément. Tout en me protégeant contre les circonstances, ou contre moi-même, je feins de me garder d’elle.

Citez-en d’autres :

RONSARD : textes

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Pierre de RONSARD (1524-1585)

Bonjour mon cœur, bonjour ma douce vie
Bonjour mon œil, bonjour ma chère amie!
Hé! Bonjour ma toute belle,
Ma mignardise, bonjour
Mes délices, mon amour,
Mon doux printemps, ma douce fleur nouvelle,
Mon doux plaisir, ma douce colombelle,
Mon passereau, ma gente tourterelle!
Bonjour ma douce rebelle.

Hé, faudra-t-il que quelqu’un me reproche,
Que j’ai vers toi le cœur plus dur que roche,
De t’avoir laissée, maîtresse,
Pour aller suivre le Roi,
Mendiant je ne sais quoi,
Que le vulgaire appelle une largesse ?
Plutôt périsse honneur, court et richesse,
Que pour les biens jamais je te relaisse,
Ma douce et belle déesse.

[mis en musique par Roland de Lassus en 1564]

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16 octobre 2016 : Discours de Paul MAGNETTE contre le CETA

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Le Parlement de Wallonie a posé son veto à la signature de l’accord commercial entre l’UE et le Canada. Le processus s’en trouve bloqué“, titre Libération, le 14 octobre 2016. C’est ensuite avec le discours reproduit ci-contre que le Ministre-Président wallon, Paul MAGNETTE (photo), a expliqué la prise de position de sa région contre la signature du CETA par les instances européennes.

Monsieur le Président, chers collègues,

C’est pour notre Parlement et la Wallonie, un moment extrêmement important.

Ce dont nous parlons, ici, ce n’est pas seulement d’un traité commercial entre l’Union européenne et le Canada. Ce dont nous parlons, ici, c’est de toute la philosophie des échanges commerciaux tels qu’ils se construiront pour les 10, 15, 20 ou peut-être 30 prochaines années.
Cela tombe sur le traité CETA mais la discussion que nous avons, au-delà de toute l’amitié qui nous lie aux Canadiens, est dans le fond une discussion de principe, est une discussion évidemment politique et même, à certains égards, une discussion philosophique. Sur le sens même de ce qu’est le commerce et sur la manière dont il faut le mener. C’est pour cela qu’il y a dans ce débat tant de gravité.
Je commencerai comme vous, Monsieur Jeholet, par vraiment me réjouir du fond du cœur de la qualité des débats que nous avons eus dans ce Parlement sur ces sujets et qui font que ces débats qu’aujourd’hui, nous pouvons très sereinement assumer notre opposition à l’égard de l’ensemble de nos partenaires qu’ils soient européens ou canadiens.
Il y a très peu d’autres parlements qui ont mené un débat aussi riche que le nôtre. Il y a eu un débat très fort aussi au Parlement néerlandais. Je me suis entretenu hier soir encore avec la ministre néerlandaise du Commerce extérieur qui m’a confié qu’un certain nombre de difficultés que nous rencontrons, elle les rencontre également dans son propre Parlement.
Il y a eu un débat également à la Chambre basse du Parlement autrichien qui a lui aussi été très approfondi. Là aussi, le Chancelier autrichien avec qui je me suis entretenu, à plusieurs reprises, m’a dit la même chose: «Plus on débat, plus on analyse, plus effectivement les parlementaires se posent des questions».
S’il y a un débat, ici, en Wallonie, et s’il y a des réticences, ici, en Wallonie, ce n’est pas parce que nous sommes plus bornés que les autres, ce n’est pas parce que nous prendrions plaisir à être le «petit village gaulois», ce n’est pas parce que nous rêvons d’autarcie. C’est tout simplement parce que dans cette Région, il y a deux particularités que l’on rencontre assez peu, ailleurs en Europe. La première particularité, c’est que la Wallonie a toujours été une terre de grande vitalité démocratique. Nous avons des organisations syndicales, des mutualités, des associations, dans tous les secteurs, extrêmement actives, dynamiques, vigilantes, mobilisées qui ont étudié ce texte avec beaucoup de sérieux, qui ont consulté les meilleurs experts, qui ont remis des avis et qui ont alimenté nos propres travaux. Cette vitalité démocratique de notre propre population, nous ne pouvons pas en faire fi; nous ne pouvons pas le balayer du revers de la main sous prétexte que nous risquons d’être isolés. Être isolés de sa propre population, être isolés de ses propres citoyens, à une époque, au début du XXIe siècle, où la démocratie est déjà tellement profondément en crise, ce serait au moins aussi grave que d’être diplomatiquement isolés. Nous devons faire en sorte que ces liens très forts que nous avons soient préservés. C’est un premier élément du débat.
Deuxièmement, nous sommes — cela nous a été rappelé, ici, par M. le Professeur Koen Lenaerts, par ailleurs Président de la Cour de justice de l’Union européenne — l’une des très rares régions en Europe qui a constitutionnellement le même privilège, en termes de droit international, que les parlements nationaux. Nous avons, le Gouvernement wallon a le pouvoir de signer et donc aussi de ne pas signer un traité et votre Parlement a le pouvoir de ratifier et donc aussi celui de ne pas ratifier un traité.
Ceci donne évidemment une très grande gravité à nos débats. Si nous n’avions pas ce privilège, nous n’aurions pas le panel de caméras, venues des quatre coins de l’Europe. Pas grand monde ne se soucierait de l’avis de la Wallonie, si l’avis de la Wallonie n’était pas décisif.
Nous avons donc, de ce point de vue-là, une responsabilité politique majeure. Tout l’art de la politique, c’est de savoir utiliser ces responsabilités. Dire, comme Mme Defrang-Firket: «Nous avons un pouvoir formidable, nous avons une société civile qui s’est mobilisée, c’est très bien. Mais enfin bon, à quoi bon, laissons tomber, signez, ratifiez et puis allons de l’avant et ignorons tout le travail que nous avons fait», ce se serait remettre en cause nos propres compétences constitutionnelles et notre propre vitalité démocratique. À quoi sert alors un parlement, s’il faut de toute façon signer, s’il faut de toute façon ratifier?
À l’inverse, dire: «Mettons tout cela à la poubelle, cela ne sert à rien de discuter», ce serait non seulement confirmer un isolement complet mais ce serait aussi ne pas utiliser pleinement le pouvoir qui est le nôtre.
Bien sûr, nous utilisons pleinement ce pouvoir mais nous l’utilisons pour obtenir quelque chose, pas juste pour crier non, pas juste pour dire que nous ne sommes pas d’accord. Pas d’accord, pas d’accord, pas d’accord! Quand on a dit qu’on n’était pas d’accord, il faut ensuite dire ce que l’on veut et il faut utiliser le rapport de force que l’on a construit pour obtenir des concessions qui vont dans le sens de ce que sont nos inspirations et de ce que sont les aspirations de notre population. C’est cela la politique et c’est cela que nous sommes en train de faire. C’est difficile mais malgré tout, il faut aller au bout de cet exercice.
Bien sûr, nous ne sommes pas contre le commerce. Bien sûr, nous ne sommes pas contre le Canada. Si l’on pouvait déjà s’épargner ces caricatures, si l’on pouvait s’épargner ces simplismes, l’on gagnerait non seulement beaucoup de temps mais on gagnerait aussi beaucoup de la qualité des relations avec nos partenaires européens, avec nos partenaires canadiens.
Bien sûr que les Canadiens sont nos amis. Bien sûr que nous regrettons finalement que cette discussion — je l’ai dit — qui est une discussion de principe qui tombe sur ce traité avec le Canada, lequel est certainement l’un des pays les plus proches de nous au monde, qui tombe sur ce traité qui est certainement l’un des plus avancés aujourd’hui au monde. Ce n’est pas parce que nos amis sont nos amis et ce n’est pas parce que ce traité est moins mauvais que d’autres que nous devrions renoncer à exercer notre responsabilité et notre devoir de vigilance démocratique.
Nous sommes un partenaire commercial important du Canada. L’année dernière, nous avions d’ailleurs un excédent commercial de 115 millions vis-à-vis du Canada. C’est la preuve que l’on commerce très bien avec le Canada et que, même sans le CETA, nous ne sommes pas en train de nous refermer sur nous-mêmes, de nous «racrapoter», comme certains le disent et le prétendent.
Je reviens du Japon. J’ai passé trois jours à défendre nos entreprises présentes sur place pour les aider à exporter davantage, à essayer d’attirer chez nous des investisseurs étrangers. Je n’ai pas deux discours. Je suis convaincu que la Wallonie doit être une Wallonie ouverte. Je suis convaincu que la Wallonie doit exporter et qu’elle doit attirer des investissements étrangers. Je sais que, pour ce faire, nous avons besoin d’instruments juridiques.
À nouveau, cela ne veut pas dire que l’on doit tout accepter, que l’on doit se priver du pouvoir que nous avons d’avoir un véritable examen critique.
Sachons faire la part des choses. Nous ne sommes pas contre le commerce. Nous ne sommes pas contre le Canada. Je dirais d’ailleurs que c’est justement, Madame Defrang-Firket, parce que les Canadiens sont nos amis que nous pouvons nous permettre de leur dire que nous ne sommes pas d’accord avec un certain nombre de choses.
Je n’aime pas quand la discussion, tout d’un coup, commence à glisser vers la menace, comme on a pu l’entendre ces derniers jours: «Attention, il y aura des conséquences. Attention, il y aura des rétorsions» et cetera. Je n’aime pas cela du tout. Je trouve que ce n’est pas digne d’un débat démocratique. Je n’aime pas non plus quand cela commence à glisser tout doucement vers des choses qui s’apparentent à de l’injure. J’espère que, justement parce que nous sommes des amis, nous pouvons éviter entre nous les menaces et les propos plus ou moins injurieux; que nous pouvons nous dire les choses franchement, en toute sincérité, en toute compréhension réciproque.
Quand on a un ami qui a des difficultés, on l’écoute et on essaie de comprendre ses difficultés. On essaie de voir avec lui comment on peut les surmonter ensemble. Cela vaut autant dans les relations diplomatiques bilatérales que dans la vie de tous les jours. C’est le message que nous voulons faire passer.
Nos difficultés sont bien connues.
Elles sont d’abord sur la forme.
Je vous rejoins, Madame Ryckmans et Monsieur Hazée, là-dessus assez largement. Vous avez été applaudis d’ailleurs sur les bancs de la majorité à certains moments. Il y a un vrai problème avec la manière dont on négocie ces traités commerciaux. Ceux qui, aujourd’hui, ne le comprennent pas, sont en train de préparer une crise du commerce bilatéral exactement équivalente à celle que nous avons connue il y a 15 ans avec la crise du commerce bilatéral.
En 2001, souvenez-vous, l’OMC nous a dit: «On ouvre le site de Doha, un nouveau grand cycle de libéralisation multilatérale.» Formidable, ouvert, on fait de grandes négociations secrètes, mais on prépare une petite salle dans le coin où les ONG peuvent faire semblant d’être tenues informées et, de temps en temps, on vient leur faire coucou en leur demandant si cela va, si elles veulent encore un peu d’eau, encore un peu de café, mais sans rien leur donner comme véritable élément d’information et sans débat. Cela ne marche pas et cela ne marchera plus jamais. Les rounds de Doha sont enlisés depuis 15 ans.
C’est pour cela que nous faisons aujourd’hui des discussions bilatérales. C’est justement parce que le multilatéral ne fonctionne plus que l’Europe essaie de renouer des relations avec les partenaires les plus proches, avec le Canada, avec le Japon, demain avec les États-Unis et de le faire sur d’autres bases, de le faire en incluant dans ses relations des normes, des règles sociales, environnementales, de respect des droits de l’homme, de respect de l’exception culturelle qui sont plus fortes et beaucoup plus solides que celles que l’on peut trouver dans les traités de libéralisation multilatéraux. C’est pour cela que nous devons, si nous sommes progressistes et si nous sommes ouverts au monde, si nous voulons, nous, Européens, continuer de jouer un rôle sur la scène mondiale, nous devons défendre l’idée de traités bilatéraux qui fixent des normes et des standards élevés.
Moi, je ne suis pas, Monsieur Gillot, pour dire: «On met le traité à la poubelle». Cela veut dire que l’on met le traité à la poubelle et puis quoi? Rien. Puis, on aura exactement ce que l’on a encore aujourd’hui: des multinationales avec parfois des chiffres d’affaires supérieurs au PIB de certains États membres qui pensent qu’elles peuvent fixer la loi, des multinationales qui recourent à des juridictions privées ou à la menace du désinvestissement, à la menace de retrait, à la menace de rétorsion. C’est cela, le monde réel d’aujourd’hui.
C’est ce que nous voulons éviter, ce dont nous voulons sortir, précisément en édictant des règles socio-économiques et environnementales à l’échelle mondiale, qui transposent dans les relations entre les États ce que nous sommes parvenus à construire dans le chef de nos États décennie après décennie au nom de longs combats sociaux. Les droits sociaux ne sont pas venus comme cela en une fois. Les normes environnementales ne sont pas venues comme cela en une fois. Elles sont le résultat d’une longue mobilisation de la société, qui s’est traduite à un moment donné par une législation.
Il en va exactement de même à l’échelle internationale.
Si nous voulons, demain, qu’il y ait de vraies normes sociales, si nous voulons que les conventions de l’OIT soient applicables, respectées, contraignantes, si nous voulons qu’il y ait de vraies règles en matière des droits de l’homme, du développement durable, il faut faire un travail de négociation pour obtenir un premier traité qui fixe les standards si hauts que cela deviendra la norme européenne. C’est l’enjeu fondamental du CETA.
C’est pour cela que nous devons dire «non» pour négocier. Non pas «non» pour tout saborder et donner un coup de pied dans la fourmilière, mais «non» pour créer un rapport de force qui nous permette d’obtenir plus de normes sociales, plus de normes environnementales, plus de clauses de respect des services publics et qui nous permette, demain, de dire: «Voilà le standard européen». Quand l’Union européenne ouvrira une négociation avec le Japon, avec les États-Unis ou avec n’importe qui d’autre, c’est à partir de ce standard-là que l’on discutera. C’est cela l’enjeu fondamental et c’est pour cela qu’aujourd’hui, ces débats sont aussi forts.
Une telle négociation, on ne peut évidemment pas la mener selon les méthodes habituelles. On ne peut pas faire du nouveau avec les méthodes à l’ancienne. «Un mode de pensée qui a produit les problèmes d’aujourd’hui ne peut pas produire les solutions de demain», disait en substance Albert Einstein. C’est toute la manière de faire des négociations commerciales qui doit changer.
Dans le traité « Vers la paix perpétuelle », Emmanuel Kant disait: «Toutes les actions relatives au droit d’autrui, dont la maxime n’est pas susceptible de publicité, sont injustes». C’est devenu un principe fondamental du droit international. En d’autres termes, tout ce que l’on n’a pas à cacher, on ne doit pas le cacher.
Si l’on n’a rien à cacher dans ces accords commerciaux, si vraiment le CETA est bon pour les petites et moyennes entreprises, si le CETA est bon pour les agriculteurs, si le CETA est bon pour les services publics, si le CETA est bon pour la croissance, alors pourquoi faut-il le négocier en secret ? Pourquoi n’a-t-on pas la confiance de le faire devant les citoyens ? Il y a là une contradiction fondamentale dans la méthode. Elle s’est appliquée depuis le début.
Madame Defrang-Firket, ce n’est pas que nous nous soyons réveillés après 10 ans. Un mandat d’une vingtaine de pages a été donné en 2009. Il fixe les balises et le cadre. Entre 2009 et 2015, la Commission négocie au nom de l’Union européenne, c’est son rôle, mais ne rend pratiquement aucun compte, ne donne pratiquement aucune information sur ce que sont ces négociations en cours. Puis, on arrive en 2015 en disant: «Bonjour, voilà, c’est fini». Les 20 pages sont devenues 1.600 pages et maintenant on vous demande de dire amen. Non, c’est précisément ce qui ne marche pas. C’est précisément parce que nous ne pouvons plus accepter cette manière de faire de la négociation commerciale que nous avons, dès septembre 2015, dès que les textes nous ont été connus, tiré la sonnette d’alarme.
Je ne vais pas vous refaire l’interminable liste des contacts que nous avons eus depuis plus d’un an, mais je voudrais rappeler quand même que c’est le 18 septembre 2015 que j’ai indiqué à la ministre québécoise des Relations internationales ces difficultés que nous avions avec le CETA. C’est quelques jours plus tard, le 2 octobre 2015, il y a plus d’un an, que je me suis rendu au bureau de Mme Malmström, la commissaire en charge du Commerce, au Berlaymont, pour lui expliquer très clairement les difficultés que nous avions avec ce traité. Tout au long de l’année, nous n’avons pas cessé d’avoir des contacts avec nos partenaires européens, avec la Commission, avec le Canada, mais tout cela n’a pratiquement rien donné.
La première réunion de coordination intrabelge a eu lieu le 6 juillet 2016. Entre octobre et juillet, pendant 10 mois, il ne s’est rien passé. Tout à coup, en juillet 2016, on a commencé à se dire: «Tiens, ces Wallons ont l’air déterminés. Ces Wallons ont l’air de savoir ce qu’ils veulent et ils ont l’air de vouloir aller au bout. Il va donc falloir commencer à discuter avec eux».
Quelques jours plus tard, j’appelais le Premier ministre québécois, M. Couillard, en lui disant: «Je comprends que ce soit difficile de tout renégocier, mais comprenez que nous avons, dans une résolution, énoncé quelques balises fondamentales et nous voudrions pouvoir rediscuter sur ces balises dans un instrument juridique à définir. Cela peut être un protocole, cela peut être une convention additionnelle, cela peut être une déclaration interprétative, du moment que c’est juridiquement contraignant». À ce moment-là, on m’a dit: «Pourquoi pas, cela pourrait être une bonne idée», mais rien n’a suivi.
J’ai répété ceci fin septembre à l’envoyé spécial de M. Trudeau, M. Pettigrew, et aux ambassadeurs, mais il a fallu attendre le 4 octobre pour que l’on donne oralement les premiers éléments de ce qu’était la table des matières d’une éventuelle déclaration interprétative, en nous disant: «S’il vous plaît, nous sommes déjà en retard, essayez d’être d’accord pour le 11 octobre, en tout cas, au grand plus tard pour le 18 octobre qui est la réunion du COREPER». Que nous est-il arrivé — qui nous a été présenté oralement — seulement le 6 ou le 7 octobre en soirée, dans une version partielle et dont nous recevons encore chaque jour des petits compléments.
Tous les jours, je reçois un petit bout de déclaration interprétative en plus, avec un peu l’idée: «Allez, ce n’est pas assez, tiens, en voilà encore un petit morceau, un petit morceau, vous finirez bien par dire oui».
Mais cela ne va pas. Sur la méthode, cela ne va pas. Je le répète et je l’ai redit. Je l’ai redit hier au président Hollande, je l’ai dit hier soir au président de la Commission, Jean-Claude Juncker; je l’ai dit à tous ceux qui ont eu la gentillesse et la courtoisie de m’appeler pour me poser la question de la situation de la Wallonie. Nous voulons bien discuter, mais nous voulons nous mettre autour d’une table, en toute transparence, dans le respect des règles démocratiques.
Nous voulons pouvoir dire: «Nous, Wallons, voici les balises que nous voulons absolument retrouver dans un traité» et c’est seulement à l’issue d’une telle négociation, et si les partenaires européens et canadiens rencontrent l’essentiel de nos préoccupations, que nous pourrons vous dire: «Oui, c’est un traité qui fixe des standards très élevés et il mérite d’être défendu».
Mais à l’heure qu’il est, je n’ai toujours pas de réponse. J’ai appelé, ce matin encore, le ministre fédéral des Affaires étrangères, Didier Reynders, pour lui expliquer cette piste. J’ai senti un intérêt. J’espère que nous pourrons avancer dans cette direction; c’est fondamentalement ma volonté. Mais il faut, pour cela, qu’il y ait une vraie volonté de changer la méthode et de démontrer, en bout de course au moins — mieux vaut tard que jamais — que face à des régions qui ont des difficultés, et nous sommes moins isolés qu’on le pense. Bien sûr, personne n’ose sortir le premier, c’est toujours le même jeu, on se dit que celui qui sortira le premier sera celui qui se fera blâmer, c’est lui qui aura les mesures de rétorsion, c’est lui qui sera mis sous pression. Beaucoup attendent en se disant: «Tiens, les Wallons vont-ils sortir les premiers, ce qui me permettra de ne pas devoir sortir puisque tout le processus sera paralysé»; petit jeu tout à fait classique.
Je peux vous dire que, des très nombreux entretiens bilatéraux que j’ai eus, que des réticences il y en a dans au moins quatre ou cinq États membres et que la Commission européenne en est parfaitement consciente!
Il n’y a que dans un jeu politique belgo-belge que l’on essaie de faire croire qu’il n’y a que la Wallonie qui a des réticences avec ce traité, à ce stade.
Si la situation est celle-là, mettons-nous à table, clairement, en toute transparence discutons; voyons si nos demandes, légitimes, peuvent être rencontrées.
Les demandes que vous avez formulées, dans vos résolutions  je ne me cache pas devant le Parlement – demander au Parlement de faire un travail d’analyse, d’auditionner, de recevoir, de se prononcer, de fixer des balises dans une résolution, c’est un élément de vitalité démocratique plutôt que de se cacher. Je n’ai pas besoin du prétexte du Parlement. Je veux pouvoir démontrer que je m’appuie sur une majorité parlementaire très large et qui dépasse le cadre de la majorité.
Quand on dit: «Nous avons des difficultés avec l’ICS, le fameux mécanisme d’arbitrage tel qu’il est toujours là», on est loin d’être les seuls. Lisez l’arrêt de la cour constitutionnelle allemande d’hier soir qui dit: «Oui, l’Allemagne peut signer, mais pas ce mécanisme d’arbitrage et quoi qu’il arrive, il ne pourra pas entrer en vigueur, même pas de manière provisoire». La cour constitutionnelle allemande est quand même une institution qui pèse en Europe. Si elle le dit, c’est que ce ne sont pas seulement nous, les petits Wallons, qui avons un problème avec ce mécanisme. Elle retient exactement les mêmes critiques d’un risque de privatisation rampante de la justice que nous avons émises, que vous avez émises dans vos résolutions.
Quand nous disons: «La déclaration interprétative est pleine de bonnes intentions», c’est vrai. Les messages politiques qui sont exprimés sont des messages qui rencontrent nos aspirations, sur les droits de l’homme, sur l’exception culturelle, sur la protection des normes environnementales, sur le conventions de l’OIT, sur le droit du travail, sur la capacité de réguler, sur le principe de précaution, et autres, puisqu’il en arrive des nouvelles pages tous les jours. Tous ces éléments vont dans le bon sens, qui rencontrent ce qu’ont été nos aspirations.
Mais telle, qu’elle est formulée aujourd’hui, cette déclaration interprétative n’est pas suffisante; elle ne nous donne pas suffisamment de garanties.
Je ne vais pas entrer ici dans un débat de juristes, les expertises que nous avons demandées à différents cabinets d’avocats et différents universitaires nous disent qu’une déclaration interprétative peut, quand elle est écrite d’une certaine manière, avoir une force juridique totalement contraignante si elle est acceptée par les deux parties, opposable aux tiers, reconnue comme étant opposable aux tiers et si elle est libellée de manière très précise elle a exactement la même valeur que le traité lui-même.
Si l’on dit dans la déclaration interprétative, à l’article 30, alinéa 5: «Il faut comprendre tel mot comme ayant tel sens», cela a tout à fait la même valeur juridique qu’un amendement. C’est, de fait, un amendement au traité.
La question n’est pas «Faut-il une déclaration interprétative ou un autre instrument juridique?». La question c’est «Comment libelle-t-on ces observations?». C’est ce que j’ai dit aussi à tous ceux qui m’ont appelé. Si vous acceptez que nous rouvrions la discussion, nous demanderons que l’on relibelle, que l’on reformule un certain nombre de remarques qui sont dans la déclaration interprétative, que l’on en apporte quelques autres complémentaires.
Je suis convaincu que beaucoup d’autres États européens, pour avoir eu de nombreux contacts, nous soutiendront parce qu’eux aussi, aspirent à avoir des clauses beaucoup plus précises en matière de protection des services publics, de protection des droits du travail.
C’est ce message-là que nous devons faire passer. Politiquement, ce n’est pas facile, évidemment que ce n’est pas facile. On prend des risques, quoi que l’on fasse. On prend le risque soit de s’isoler de sa population. Si l’on veut se dire «Ne nous prenons pas pour plus importants que nous sommes, acceptons le traité tel quel, ce n’est déjà pas si mal. Tant pis pour les quelques petites imperfections». Je crois que l’on ne fera que renforcer la défiance déjà très profonde dans le personnel politique et on ne fera que renforcer la défiance encore plus profonde à l’égard des négociations internationales et du commerce.
On peut se dire, à l’inverse: «Disons non, un point c’est tout, puis allons faire un feu d’artifice, en se réjouissant d’avoir fait échouer le bateau CETA. Et quoi demain? Demain tant pis». Cela ne me paraît pas non plus être une position de responsabilité politique.
Par contre, on peut dire non mais expliquer pourquoi on dit non et expliquer à quelles conditions nous accepterions de négocier à nouveau. Cela a toujours été notre position et cela reste notre position.
Ce que je dirai, à l’ensemble de ceux qui me poseront la question, ce que j’ai dit et que je confirmerai au ministre fédéral des Affaires étrangères tout à l’heure, c’est ceci: aujourd’hui, le Parlement wallon a réexaminé la déclaration interprétative. De nouveaux documents arrivent aujourd’hui, arriveront encore sans doute demain, peut-être lundi. Nous continuerons de les examiner, parce que c’est ce sérieux, c’est cette rigueur dans l’analyse qui nous donnent de la crédibilité dans notre démarche. Toutefois, aujourd’hui, à l’analyse, ceci ne donne pas de garanties suffisantes.
Comme je m’y étais engagé formellement devant vous, je ne donnerai pas les pleins pouvoirs au Gouvernement fédéral et la Belgique ne signera pas le CETA le 18 octobre.
Je ne prends pas ceci comme un enterrement, je ne prends pas ceci comme un veto sans condition, je prends ceci comme une demande de rouvrir des négociations pour que de légitimes attentes d’une société civile organisée, transparente, qui ont été exprimées avec force, puissent être entendues par les dirigeants européens et pour que nous puissions ensemble contribuer, non seulement à notre prospérité mais aussi à reconstruire la confiance politique entre les citoyens et leurs élus.

Texte intégral du discours prononcé devant le parlement wallon,
par Paul MAGNETTE, Ministre-Président wallon, le 14 octobre 2016

ARAGON : textes

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Elsa TRIOLET et Louis ARAGON
Les mains d’Elsa

(in Le fou d’Elsa, 1963)

Donne moi tes mains pour l’inquiétude
Donne moi tes mains dont j’ai tant rêvé
Dont j’ai tant rêvé dans ma solitude
Donne moi tes mains que je sois sauvé
Lorsque je les prends à mon propre piège
De paume et de peur de hâte et d’émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fond de partout dans mes mains à moi
Sauras tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m’envahit
Sauras tu jamais ce qui me transperce
Ce que j’ai trahi quand j’ai tressailli
Ce que dit ainsi ce profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d’aimer qui n’a pas de mots
Sauras tu jamais ce que les doigts pensent
D’une proie entre eux un instant tenue
Sauras tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d’inconnu
Donne moi tes mains que mon coeur s’y forme
S’y taise le monde un moment
Donne moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement

Les yeux fermés

(in Le fou d’Elsa, 1963, extrait)

Ne ferme pas les yeux Je suis
De ce côté de tes paupières
Je ne puis entrer dans la nuit
Où vont tes regards sans lumière
A quoi souris-tu devant moi
Quelle ombre en toi marche et te touche
Ah j’ai peur de ce que tu vois
Et d’ailleurs que tourne ta bouche
[…]

Citez-en d’autres :

PROUST : textes

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Proust, Marcel (1871-1922)

Du côté de Guermantes (1920-21)

Nou​s disons bien que l’heure de la mort est incertaine, mais quand nous disons cela, nous nous représentons cette heure comme située dans un espace vague et lointain, nous ne pensons pas qu’elle ait un rapport quelconque avec la journée déjà commencée et puisse signifier que la mort — ou sa première prise de possession partielle de nous, après laquelle elle ne nous lâchera plus — pourra se produire dans cet après-midi même, si peu incertain, cet après-midi où l’emploi de toutes les heures est réglé d’avance. On tient à sa promenade pour avoir dans un mois le total de bon air nécessaire, on a hésité sur le choix d’un manteau à emporter, du cocher à appeler, on est en fiacre, la journée est tout entière devant vous, courte, parce qu’on veut être rentré à temps pour recevoir une amie; on voudrait qu’il fît aussi beau le lendemain; et on ne se doute pas que la mort, qui cheminait en vous dans un autre plan, au milieu d’une impénétrable obscurité, a choisi précisément ce jour-là pour entrer en scène, dans quelques minutes…

Citez-en d’autres :

VAN DAMME : textes

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V​AN DAMME, Jean-Claude (né en ​​1960 à Berchem-Sainte-Agathe)

Si tu travailles avec un marteau-piqueur pendant un tremblement de terre, désynchronise-toi, sinon tu travailles pour rien.

T’as pas besoin d’un flash quand tu photographies un lapin qui a déjà les yeux rouges.

Dans les magasins de lingerie, on ne voit pas de calendriers avec des photos de garage.

Selon les statistiques, il y a une personne sur cinq qui est déséquilibrée. S’il y a 4 personnes autour de toi et qu’elles te semblent normales, c’est pas bon.

Moi, Adam et Eve, j’y crois plus, tu vois, parce que je suis pas un idiot : la pomme, ça peut pas être mauvais, c’est plein de pectine…

Si t’es perdu dans la forêt et que tu restes immobile pendant deux ans, il va pousser de la mousse sur un côté de tes jambes. C’est le Nord.

L’air est fait d’oxygène CO2.

Si tu tues un tueur, le nombre de tueurs dans le monde reste identique.

Quand t’es con, tu sais pas que t’es con puisque t’es con… alors que quand t’es pas con, tu sais que parfois t’es con.

Si tu téléphones à une voyante et qu’elle ne décroche pas avant que ça sonne, raccroche.

Le chômage existe parce qu’il y a du travail. S’il n’y avait plus de travail, il n’y aurait plus de chômage. Le problème est donc le travail.

Si tu dors et que tu rêves que tu dors, il faut que tu te réveilles deux fois pour te lever.

Je suis fasciné par l’air. Si on enlevait l’air du ciel, tous les oiseaux tomberaient par terre… Et les avions aussi… En même temps, l’air tu peux pas le toucher… ça existe et ça existe pas… Ça nourrit l’homme sans qu’il ait faim… It’s magic… L’air c’est beau, en même temps tu peux pas le voir, c’est doux et tu peux pas le toucher… L’air, c’est un peu comme mon cerveau…

Si tu as peur du noir mais que tu te sens mieux en fermant les yeux, c’est que tu as peur du jour.

La lumière crée de l’ombre et l’ombre est la conséquence de la lumière, mais, si la lumière disparaît, c’est l’ombre qui brille.

Si tu invites des gens qui ont tous le même groupe sanguin à une fête, mais que tu le leur dis pas, ils vont parler d’autre chose.

© Clémentine Mélois

Jean-Claude van Damme a également eu les honneurs de Clémentine Mélois, l’artiste française qui a “épilé l’Origine du monde” : une consécration…


S’amuser encore en Wallonie-Bruxelles…

MAQUET Albert (1922-2009)

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Né en 1922 à Liège. Professeur à l’Université de Liège où il est titulaire de la chaire d’italien. Auteur d’études relatives aux lettres italiennes et françaises (notamment d’un essai sur Albert Camus) et d’articles de critique littéraire dialectale.

Œuvres wallonnes – Poésie
      • Saminne, Liège, L’Horizon nouveau, 1941, 16 p.
      • Djeû d’apèles [Jeu d’appeaux], Liège, L’Horizon nouveau, 1947, 112 p. (avec traduction).
      • A l’ toumêye dès djoûs [Au hasard des jours], dans le collectif Poèmes wallons 1948, Liège, L. Gothier et fils, 1948, pp. 51-53 (avec traduction).
      • Lûre èl sipèheûr [Luire dans le noir] en édition bilingue avec Henri Espieux.
      • Lutz dins l’escur, poèmes provençaux et wallons avec traduction française et un avant-propos de René Nelli, Paris, Pierre Seghers, 1954., 40 p.
      • Come ine blanke arièsse [Comme une arête blanche], Namur, Les Cahiers wallons, 1975, 24 p. (ec traduction).
Œuvres wallonnes – Théâtre
      • L’êrdiè sins solo [L’arc-en-ciel sans soleil], 1 acte (collab. E. Petithan), 1952.
      • Li tèlèfone, 2 tableaux, 1977.

d’après PIRON M., Anthologie de la littérature wallonne (1979)


Lu
(in Djeû d’apèles. Jeux d’appeaux. Poèmes en wallon liégeois avec traduction  française en regard, Ougrée, chez l’auteur, 1947)

​​I m’a trové l’ôte djoû tot seû avou mès ponnes.
I m’a loukî doûcemint èt s’a-st-achou d’lé mi.
Adon n’s-avans foumî tote nosse toûbac’ èssone,
mins nins pus’ onk qui l’ôte nos n’avans måy moti.​​

Poqwè, vî camaråde, èstez-v’ dèdja èvôye ?
Èt mi, poqwè fåt-i qu’ dji v’s-åye lèyî ‘nn’aler ?
Asteûre qui vo-v-rila co ‘ne fèye so tchamp so vôye,
dji n’sé nin çou qui m’ dit qui dj’ vin dè piède mi fré.​

MAQUET A., Djeû d’Apèles

Citez-en d’autres :

REVERDY : textes

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REVERDY, Pierre
REVERDY, Pierre (1889-1960)​​

Tard dans la vie (​1960, paru dans La liberté des mers)​​

Je suis dur
Je suis tendre
Et j’ai perdu mon temps
A rêver sans dormir
A dormir en marchant
Partout où j’ai passé
J’ai trouvé mon absence
Je ne suis nulle part
Excepté le néant
Mais je porte caché au plus haut des entrailles
A la place où la foudre a frappé trop souvent
Un cœur où chaque mot a laissé son entaille
Et d’où ma vie s’égoutte au moindre mouvement


Citez-en d’autres :

Perles du BAC… et d’ailleurs

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Désespoir (Williams)
  • Le génie de la Renaissance Italienne : Mickey l’ange
  • Comme souvent, le peuple s’en est pris à un bouc et mystère
  • Les Américains ont perdu la guerre du Nuocmam
  • Noé et son arche se sont échoués sur le mont Arafat
  • Il fut condamne après un procès en bonnet de forme
  • Le marché capitaliste est régulé par la loi du plus fort et de la demande
  • Staline fit déporter la classe des paysans enrichis : les goulags
  • Jean Moulin fut, lui aussi, victime de la barbie nazie
  • Le calendrier révolutionnaire commence en primaire
  • Vendémiaire correspond à la saison des vidanges
  • Les français sont de plus en plus intéressés par leur arbre gynécologique
  • Le Tsar a perdu le pouvoir malgré les occases
  • Le Vietnam est la capitale du Liban
  • Les escargots sont homosexuels
  • La génétique arrivera un jour a clowner les gens
  • L’hypopotamus est le siège du système neurovégétatif
  • L’oxydant chrétien
  • Un collectionneur de timbres est un pédophile
  • Louis XVI avait trahi la France. La preuve : il était protege par des Suisses
  • La tendance à aller vers le soleil s’appelle l’hélicotropisme
  • La médecine preventive soigne la maladie en amont ; la médecine curative en avalant
  • Le cachet de la poste faisant mal au foie
  • Le gouvernement de Vichy siégeait à Bordeaux
  • Les liquides sont incompréhensibles
  • En 1934, Citroën révolutionne la construction automobile en sortant la traction a vent
  • Les sacrifices humains étaient courants chez les pazteques
  • L’éther est un produit très volubile
  • La terre rote sur elle-même
  • On ne peut pas nationaliser tous les étrangers
  • Le général sudiste Bruce Lee
  • Lénine et Stallone
  • A la conference de Versailles, pour les Français : Clemenceau ; pour les Anglais : Boy George
  • D’après le calendrier hébraïque, on est en 5757 après Jesus-Christ
  • Les Romains ont sacrifié le Christ sans lui laisser le temps d’aller a l’église
  • Napoleon III était le neveu de son grand-père
  • Le chèvre est un fromage fait avec du lait de brebis
  • Les Allemands nous ont attaqués en traversant les Pyrénées à Grenoble
  • Le métré est la dix-millionième partie du quart de méridien terrestre, pour que ca tombe juste on a arrondi la terre
  • Le soleil a cessé de tourner autour de la terre le jour où on a menacé de le brûler
  • La force de Coriolis provoque des cyclones dans les lavabos
  • Le cerveau a deux hémisphères, l’un pour surveiller l’autre
  • Le cerveau a des capacités tellement étonnantes qu’aujourd’hui pratiquement tout le monde en a un
  • Quand il voit, l’œil ne sait pas ce qu’il voit. Il envoie une photo au cerveau qui lui explique
  • Toute bactérie a deux doigts : un pour marcher, l’autre pour manger
  • Les végétaux fixent l’oxygène grâce aux globules verts
  • La concurrence était tellement âpre qu’il n’y en avait que cinq dans les dix premiers
  • Un pilote qui passe le mur du son ne s’en rend pas compte : il n’entend plus rien
  • La datation au carbone 14 permet de savoir si quelqu’un est mort à la guerre
  • Un litre d’eau à 20° plus un litre d’eau à 20° égalent deux litres d’eau à 40°
  • Privé de frites, Parmentier inventa la pomme de terre
  • Déjà avant guerre, Mercedes fabriquait des Volkswagen
  • Les passagers de première classe ont moins d’accidents que les passagers de deuxième classe
  • Le chauffage au gaz revient moins cher mais disjoncte tout le temps
  • Castor a pris le pouvoir grace à une guérilla urbaine dans les campagnes
  • Depuis Archimède, les bateaux flottent
  • Les continents dérivent, peinards
  • L’indice de fécondité doit être égal à deux pour assurer le renouvellement des générations parce qu’il faut être deux pour faire un enfant. On peut s’y mettre à trois ou quatre mais deux suffisent
  • Trente personnes travaillent a l’usine, plus les ouvriers
  • Les riches bouffent le gâteau ; les pauvres se contentent des miettes. Plus le gateau est gros plus les miettes sont grosses
  • En 2020, il n’y aura plus assez d’argent pour les retraites à cause des vieux qui refusent de mourir
  • Moise appela Dieu qui sortit d’un nuage et lui dit : “Qu’est-ce que
    tu veux ?”
  • Un prévenu est quelqu’un qu’on a mis au courant
  • Un ver solitaire est un ver qui vit tout seul à la campagne
  • Tous les spermatozoïdes ont un fouet, mais seul le plus fort parvient à ses fins
  • Les ouvriers Japonais commencent leur journée de travail en hurlant des slogans comme : “japonais un jour, japonais toujours”
Et une pensée émue pour le corps médical…
  • Surtout marquez-moi bien la posologie sur la boîte, car je ne sais pas lire.
  • Mon mari prend une quantité gastronomique de médicaments.
  • J’ai un ongle de pied incarcéré.
  • Il fait tellement chaud dans votre pharmacie, qu’on se croirait dans un zona.
  • Depuis que j’ai la pré-ménopause, j’ai des mensualités tous les deux mois.
  • Mon fils est tombé de mobylette : il a le bras pleins d’esquimaux.
  • Je veux un remède de cheval, pour aller plus facilement à la selle.
  • Mon cardiologue va me poser un pince main cœur.
  • J’ai failli faire une conclusion intestinale.
  • On va me faire une césarienne, le bébé ne passe pas par voie orale.
  • On m’a fait une hyposuccion.
  • On m’a fait passer un ULM.
  • Je vais bientôt passer une colomboscopie.
  • Je vais me faire opérer d’un christ aux yeux verts.
  • A l’hôpital, ils m’ont fait un ketchup complet.
  • Mon mari sera prochainement opéré d’une hernie fiscale.
  • Je vous jure, mon médecin m’a parlé de douleurs interpostales !
  • J’ai mal dans le bas du dos. Je crois que j’ai attrapé un bungalow.
  • Mon mari a eu un problème respiratoire à l’anesthésie, on a du l’entuber.
  • Je voudrais un hémophile indien.
  • On m’a dit que vous aviez de la pommade à l’harmonica.
  • Je voudrais une paire de bas de conclusion.
  • Avez-vous la pilule du surlendemain ?
  • On parle beaucoup de la grippe à vierge.
  • J’ai vu ma gynécologue, elle ma fait un ” tutti-frutti “.
  • Que dois-je faire, mon fils fait une érection allergique ?
  • Je voudrais des pastilles pour la gorge. Depuis que mon mari est mort, je n’ai plus rien à sucer…

S’amuser encore…

Anonyme (à notre connaissance…) : textes

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Le mensonge donne des fleurs mais pas de fruits.


L’armée, c’est le crétinisme de comptoir élevé au rang de discipline olympique.


Gagnez du temps, mangez de l’argent.


Citez-en d’autres :

10 plantes dépolluantes pour purifier l’air intérieur

Temps de lecture : < 1 minute >

“La pollution intérieure serait responsable de 99.000 décès par an en Europe. Elle provient des produits parfumés comme l’encens, les bougies ou les huiles essentielles, mais aussi des produits ménagers, déodorants, laque ou vernis. Mais que peut-on faire contre cette pollution ? Il existe des plantes très efficaces qui raffolent de ces polluants.

Bioépuration

Les plantes « respirent » par un phénomène qu’on appelle la photosynthèse qui leur permet de réduire naturellement le CO2. Mais en plus de ce mécanisme connu, certaines plantes et fleurs épurent l’air environnant. C’est ce qu’on appelle la « bioépuration » ou « purification par le vivant ». Les plantes qui en sont capables purifient l’air en stockant les produits chimiques toxiques dans leurs cellules ou en les transformant. Les scientifiques utilisent alors le terme de phytoremédiation, du grec phyto qui signifie plante et remédiation qui signifie remise en état. Quelles plantes choisir ? Malheureusement, toutes les plantes et fleurs n’ont pas cette fonction de purification de l’air face aux produits toxiques.

Voici une sélection de dix plantes, arbustes et fleurs qui seront bénéfiques pour votre intérieur :

  1. le chrysanthème ;
  2. le chlorophytum ;
  3. le dragonnier ;
  4. le ficus ;
  5. la fleur de lune ;
  6. la fougère de Boston ;
  7. la sansevière ;
  8. le palmier bambou ;
  9. l’aloes ;
  10. le flamant rose…”

Plus de détails dans l’article 10 plantes dépolluantes pour purifier l’air intérieur (la Rédaction, LESOIR.BE du 16 mars 2016)

Plus de presse…

HOWARD, MOORE & BUSH : Zootopia (2016)

Temps de lecture : < 1 minute >
(c) Disney

A Zootopia, une métropole où cohabitent harmonieusement toutes les espèces animales, Judy Hopps, une adorable jeune lapine, fait son entrée dans la police de la ville et tente de s’imposer au milieu des gros durs de la profession. Pour prouver l’étendue de ses capacités, Judy se charge d’enquêter sur une difficile affaire de disparition. Mais elle se voit alors obligée de collaborer avec Nick Wilde, un renard malin, loquace et arnaqueur émérite. Accompagnée de ce compère à la langue bien pendue, Judy se retrouve bientôt confrontée à un événement mystérieux lorsque des animaux reviennent soudainement à l’état sauvage… (voir la fiche du film sur TELERAMA.FR)


Plus de cinéma…

ARNO : Lettre à Donald Trump (2016)

Temps de lecture : 5 minutes >
HINTJENS, Arnold Charles Ernest alias ​ARNO (né en 1949)
Arno

Monsieur Trump,
Hier sur CNN, tu as catalogué Bruxelles de « hellhole ». À vrai dire, ça m’a fait rire, parce que je n’ai jamais fait l’expérience d’une telle fournaise. Cela fera bientôt 33 ans que j’habite dans « the capital of Europe », et je ne compte pas décamper d’aussitôt. Même un chien enrhumé le sentirait à des kilomètres : Bruxelles, c’est ma ville. Dans ma vie, j’ai habité un peu partout : à Londres, à Amsterdam, à Paris. Et en hiver, je m’exile souvent à la mer pour quelques jours. Mais la ville d’Ostende n’est rien d’autre que la fille de Bruxelles. Difficile donc de dire que je m’éloigne vraiment.
Nous sommes plus d’un million à habiter dans cette ville où l’on rencontre le monde entier et où toutes les nationalités se côtoient et s’entremêlent. Parfois, je rentre chez moi le soir sans me souvenir dans quelle langue s’est déroulée ma dernière conversation. J’étais à New York l’année passée d’ailleurs. En terrasse à la Meat Factory, le menu était bilingue anglais-français : je m’y suis senti comme chez moi.
Je ne pense pas que tu sois passé souvent par Bruxelles. Pour pas mal de Flamands et de Wallons, ça vaut également, en fait : ils pensent qu’ils doivent échanger leurs billets contre une monnaie étrangère quand ils descendent du train à la Gare Centrale. Bruxelles est une ville qui en inspire plus d’un : cela explique aussi pourquoi tant d’artistes atterrissent ici. Lemmy de Mötorhead y a habité. Quand Edith Piaf voulait sortir, elle venait à Bruxelles. Le chanteur de Joy Division y est tombé amoureux. On peut y être connu ou célèbre et pourtant rester anonyme. En tout cas, on m’adresse plus souvent la parole ici qu’à Paris. Il m’est arrivé de voir passer Madonna en vélo Rue Dansaert, et de remarquer David Bowie assis tout seul à une table en terrasse : personne ne le dérangeait. Bryan Ferry donnait ses interviews à l’Archiduc, sans être submergé par les foules. Faut l’essayer ailleurs qu’à Bruxelles, ça. Nous n’avons pas de « Star System » comme le vôtre aux Etats-Unis. Pour beaucoup de jeunes créatifs, Bruxelles est le nouveau Berlin : un lieu où ils peuvent se développer. Cinéma, salles de concert, théâtre, danse… toute la ville est culture.
Autre chose : Bruxelles est une des rares villes au monde où l’on peut consommer de l’alcool dès le petit matin. Pas dans un café, hein : dans une poissonnerie. Quand je sors avec des amis étrangers, ils n’en croient pas leurs yeux : c’est du jamais vu pour eux. Je connais des cafés et des bars dont les propriétaires ont paumé la clé de la porte d’entrée il y a des années. Nous avons notre cul dans une énorme motte de beurre ici, mec.
En même temps, je ne mentirai pas : Bruxelles est probablement la ville la plus laide au monde. C’est un gros bordel, et ça pue la merde. Mais c’est l’odeur d’une bonne merde. Quand j’ai déménagé vers Bruxelles, je me suis souvent réveillé avec un gros mal de tête – et ce n’était pas à cause de l’alcool, parce qu’à l’époque, je ne buvais pas encore. C’était à cause de l’odeur. Bruxelles est une « sale beauté ». Oui, il y a plein de trucs qui ne tournent pas rond ici, chaque grande ville a ses problèmes. Il y a beaucoup de jeunes chômeurs d’origine étrangère, il y a du racisme partout : chez les blancs-bleus belges, mais aussi dans d’autres communautés. Des gros cons, on en trouve partout : aucune communauté ne pourra en revendiquer l’exclusivité. Pour moi, la rue appartient à tous ceux qui ont deux narines, qu’il soit Juif, Arabe, Eskimo ou Africain. Peut-être as-tu peur de tous ces gens, et est-ce pour cela que tu dis que Bruxelles est l’enfer ?
Car en toute franchise : je trouve que toi, tu es un bonhomme dangereux, un psychopathe. Un type qui se met à bander dès qu’on lui accorde un peu d’attention. Quelqu’un qui verrait bien un retour aux années 1930, aussi, une époque à laquelle il y a avait une grosse crise et où tout le monde avait peur. S’est alors profilé un type moustachu en Allemagne, suivi d’un autre avec une moustache plus impressionnante encore, en Russie. Hitler et Stalin : tu les connais, n’est-ce pas ? Ta drôle de chevelure montre selon moi clairement que tu as été taillé dans le même bois.
Les Américains que je connais habitent New York, Los Angeles, Miami et Washington, et ils ne sont pas du tout impressionnés par ton discours. Mais il y a apparemment beaucoup d’Américains assez crédules qui adhèrent à tes propos ultraconservateurs. Quand les choses vont mal et que les gens ne sont pas rassurés, il est beaucoup plus facile de leur faire croire que tout est de la faute de l’autre. L’Histoire se répète, et on sait jamais comment une vache finira par attraper un lièvre. Mais ce que je sais, c’est que beaucoup d’Américains ont assassiné des populations entières de villages vietnamiens, et qu’il y a eu plus d’attentats à Paris qu’à Bruxelles. Et aussi que dans n’importe quelle grande ville américaine, chaque jour, plus de personnes sont tuées que chez nous. Tout ça « grâce » à la loi sur la possession d’armes – soutenue par les Républicains, d’ailleurs. S’il devait y avoir un « hellhole » sur cette Terre, il serait bien là me semble-t-il.
Tout le rapportage sur Bruxelles et Molenbeek dans les médias étrangers est d’ailleurs sérieusement sous influence. Il y a quelques semaines, un journaliste néerlandais est venu faire un reportage dans ma rue. Il disait que tous les magasins ferment leur porte à 18h pour des raisons de sécurité. C’est du bullshit pure souche. À la longue, on a l’impression que nous vivons dans une zone de guerre. C’est mauvais pour les cafés et les restos. Juste après les attentats à Paris, le chiffre d’affaires à Bruxelles a chuté de 85%. Je voulais donner une tournée générale dans un café, mais il n’y avait personne – bizarre. Quand à Bruxelles, il y a un truc qui merde, c’est la faute aux politiques : des gens aux grosses moustaches et aux drôles de chevelures.
Pour le moment, je donne beaucoup d’interviews à l’étranger, et tout le monde me demande quelle est la situation à Molenbeek. Molenbeek est devenue plus célèbre que la Belgique. Et quand je réponds que là aussi, il y a de l’eau qui sort des robinets, oui, on me regarde bizarrement. S’il y a des crapules qui se baladent à Molenbeek, il ne faut pas avoir pitié d’eux, non. Mais 95% de la population est constitué de gens accueillants et propres sur eux-mêmes. On y trouve plein de chouettes coins.
Juste une dernière chose : j’espère que tu sais que Jésus était Bruxellois ? James Ensor en a fait un beau petit tableau : la Joyeuse Entrée du Christ à Bruxelles. On peut l’admirer dans un musée à Los Angeles. Faudrait que t’ailles voir ça.
Salut en de kost,

Arno


Citez-en d’autres…

Terme français : déclinisme

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Chez les intellectuels, l’idée de la chute est en pleine ascension. Le déclinisme est l’idéologie montante. Se présentant comme les martyrs d’une pensée unique introuvable (en général, on désigne par là les idées de la gauche), des penseurs le plus souvent très marqués à droite tiennent le haut du pavé en multipliant les prédictions catastrophiques. Tous ? Non, une petite escouade résiste à ce délitement général. Ils cherchent non à jouer les Bisounours du futur mais à donner une définition neuve du progrès.

Laurent Joffrin, Libération, 10 juin 2015

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L’ombre de l’extrême droite en Wallonie : le CEPIC

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Isoloirs © ULB

Plusieurs organisations néofascistes ou d’ultradroites ont été citées dans le cadre des enquêtes sur les « années de plomb » belges. « RésistanceS », en collaboration avec le mensuel belge « Avancées », vous propose une courte présentation de celles-ci.

Le Centre politique des indépendants et cadres chrétiens (CEPIC)

Le CEPIC se définissait comme un mouvement politique « en réaction à l’organisation et à la structuration de l’aile démocrate-chrétienne » (centre-gauche) du parti social-chrétien. Constitué de différents courants réactionnaires (conservateur, bourgeois et national-libéral) du PSC, il fut actif de 1972 à 1982 avec le soutien dès ses débuts du président Charles-Ferdinand Nothomb. Ses animateurs, qui se retrouvaient au Cercle des Nations, se prenaient pour des « croisés » de la civilisation occidentale. Ils défendaient un programme économique ultralibéral pour s’opposer à l’esprit « collectiviste » de l’époque.

Dirigé par Paul Vanden Boeynants (qui en deviendra son président en 1977), le baron Benoît de Bonvoisin, Jean-Pierre Grafé, José Dessertes, feu Jean Breydel, Cécile Goor, Joseph Michel, Paul Vankerkhoven et bien d’autres, le CEPIC, lors de son premier congrès en 1975, reçut les encouragements de Léo Tindemans (le premier ministre CVP de l’époque).

Cette aile droite du PSC était liée au mensuel d’extrême droite « Nouvel Europe magazine » et au Front de la jeunesse (FJ). En 1982, le président du PSC Gérard Deprez ordonna la dissolution du CEPIC. Une partie de ses membres restèrent au parti catholique, une autre s’en ira au PRL et une troisième mit sur pied une nouvelle formation politique, le Parti libéral chrétien qui devra ensuite changer de nom sous la pression du PRL.

Il faut dire que le nom du CEPIC, associé à l’extrême droite, revenait régulièrement à la une de l’actualité dans le cadre d’investigations sur des dossiers dits « chauds ». Paul Latinus, le chef du groupe secret néonazi WNP, avait même été protégé par certains de ses leaders. Plus tard, le Parti des forces nouvelles (un groupuscule néonazi issu du Front de la jeunesse) accusera le CEPIC de lui avoir piqué son programme politique écrit en 1975, d’avoir confisqué « l’énergie militante des nationalistes » et détourné les « résultats des actions » du FJ d’après l’article « Au royaume pourri de Belgique » publié dans son mensuel « Forces Nouvelles », n° 80, en 1990.

Aujourd’hui, les anciennes gloires du CEPIC se sont éparpillées dans la nature. Certaines ont définitivement abandonné la politique. D’autres poursuivent le combat. Ainsi, à l’heure actuelle on retrouve des “cepistes” dans les directions des principaux partis d’extrême droite. « L’esprit Cepic » se retrouve également dans le journal politico-satirique « Pan ».

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