Et il lui sembla qu’elle était comme la mer, toute en sombres vagues s’élevant et se gonflant en une montée puissante jusqu’à ce que, lentement, toute sa masse obscure fût en mouvement et qu’elle devint un océan roulant sa sombre masse muette. Et, tout en bas, au tréfonds d’elle-même, les profondeurs de la mer se séparaient et roulaient de part et d’autre, en longues vagues qui fuyaient au loin, et, toujours, au plus vif d’elle-même, les profondeurs se séparaient et s’en allaient en roulant de chaque côté du centre où le plongeur plongeait doucement, plongeait de plus en plus profond, la touchant de plus en plus bas ; et elle était atteinte de plus en plus profond, de plus en plus profond, et les vagues d’elle-même s’en allaient en roulant vers quelque rivage, la laissant découverte ; et, de plus en plus près, plongeait l’inconnu palpable, et de plus en plus loin roulaient loin d’elle les vagues d’elle-même qui l’abandonnaient, jusqu’à ce que soudain, en une douce et frémissante convulsion, le fluide même de son corps fût touché ; elle se sut touchée ; tout fût consommé ; elle disparut. Elle avait disparu, elle n’était plus, elle était née : une femme.
L’amant de Lady Chatterley (1928)
“Le roman le plus connu de D.H. Lawrence. Son succès repose sur l’idée que c’est le chef-d’œuvre de la littérature érotique, l’histoire d’une épouse frustrée, au mari impuissant, et qui trouve l’épanouissement physique dans les bras vigoureux de son garde-chasse. Mais l’importance du livre est dans la peinture d’un choc historique et social qui constitue le monde moderne. Entre la communauté rurale anglaise et le monde industriel, c’est tout le tissu d’un pays qui se déchire. La forêt du roman, où vit Mellors, le garde-chasse, représente le dernier espace de sauvagerie et de liberté ; lady Chatterley l’y retrouve et s’y retrouve, tout en voyant basculer son univers habituel. Ce roman poétique doit être lu comme un mélange de voyage initiatique, de descente aux enfers, comme une grande lamentation sur l’état de l’Angleterre, aux échos bibliques. L’intrigue amoureuse séduit à une première lecture ; mais le roman a une valeur historique et symbolique…” (en savoir plus via GALLIMARD.FR)
En 2006, Pascale Ferran (FR) adapte au cinéma une version antérieure du roman (Lady Chatterley et l’homme des bois) dont Jacques MANDELBAUM dira dans LEMONDE.FR (31 octobre 2006) : “La transposition de Pascale Ferran ne tire pas ses qualités du parfum de scandale provoqué, à l’époque, par la charge érotique du roman. Resserré autour de la relation entre les deux amants, le film tient au contraire tout entier dans la manière, admirable, dont est mis en scène leur insensible rapprochement, surmonté le grand écart social, culturel et physique qui fonde la mutuelle attirance de la belle fiévreuse et de la brute suspicieuse. Pour dire le vrai, on aura très rarement vu au cinéma l’amour et le sexe, la réticence et l’abandon, l’attente et la jouissance, le sentiment et la chair aussi bien filmés qu’à travers le lent apprivoisement de cet homme et de cette femme, pour cette raison qu’ils sont manifestement pensés, et donc filmés, ensemble. La beauté primitive et sensuelle qui habite le film, l’attention qu’il porte à la nature et à la matérialité des choses, aux couleurs, aux tons et aux rythmes changeants à travers lesquels se noue et se consomme la rencontre entre ces deux personnages, tout cela contribue à rendre caduques les questions de morale et de pudeur qui se posent ordinairement en la matière…”
Plus d’amour ?
- GODELIER : Jamais et nulle part la famille n’a été le fondement de la société
- PHILOMAG.COM : Platon, Le banquet (extraits)
- DOR : textes
- HUGO V., Les Contemplations (1856, 1973)
- THONART : textes
- THONART : La lumière est si joyeuse (2014)
- FERRAT : Je vous aime (1971)
- LE BAISER : Avant d’être affectif et amoureux, il était politique
- RONSARD : textes
- Trois raisons de (re)lire “L’art de la joie” de Goliarda Sapienza (1924-1996)
- HOPKINS : textes