Lasagne de souvenirs en prose poétique et de poèmes écrits ces trente dernières années, ce livre inclassable permet une plongée au cœur de l’histoire tourmentée de l’île de Chypre dans la seconde moitié du XXe siècle en même temps qu’il nous fait vivre, de digression en digression à l’instar du Tristram Shandy de Sterne, l’extraordinaire aventure de ce Chypriote grec qui, d’île en île, se retrouve coupé de sa langue maternelle et livré en quelque sorte à la langue impériale.
Né au milieu du siècle dernier, il est kidnappé par son père en 1957 et laissé à Manchester, chez des parents qui ne parlent qu’anglais. Il rejoint ainsi la grande confrérie littéraire d’auteurs venant d’anciennes colonies britanniques : son anglais sera mâtiné d’hellénismes dans une joyeuse tradition créole. Un poste d’enseignant le mène au Guyana, ce morceau continental de la Caraïbe, et de là vers la multiplicité fascinante de l’Inde. Les visites à sa mère le conduisent dans l’île de Beauté en Mer de Chine. La quête du Jardin des Hespérides et ses contacts révolutionnaires le détournent vers la péninsule ibérique.
Si le récit du héros de Sterne tourne longtemps autour du moment de sa conception, celui de Stephanides est captif de l’été ’57, son dernier été sur l’île dans la Mer du Milieu. Dans les deux cas, c’est une captivité féconde, puisque chaque page ajoute en profondeur à notre compréhension de l’univers du narrateur. Les poèmes qui s’interposent entre les quatre sections en prose leur font un écho où la densité de la langue est plus perceptible encore. Où nous nous rapprochons encore davantage de ce “lieu ténu” où s’effacent les frontières entre nos modes de perception, entre nos mondes.
STEPHANIDES Stephanos, The Wind under my Lips (Athènes : Rodakio, 2018, bilingue anglais-grec), est traduit en français par Christine Pagnoulle. Pour en savoir plus sur l’auteur (si vous lisez l’anglais), le mieux est de visiter son blog. Stephanides est un Chypriote né en 1949 ; il est auteur, poète, traducteur, critique et, parmi d’autres choses encore, cinéaste documentariste. Après de longues années de voyage, il est rentré à Chypre et enseigne dans son université depuis 1991. Sur son blog, il partage le texte original de la traduction que nous publions ici :
- le Fragment 1, publié en anglais (2009) sous le titre The Wind under my Lips, dans le journal littéraire chypriote Cadences, pour être ensuite traduit en grec par Despina Pirketti dans l’ouvrage Our Fathers, conçu par le photographe Menelaos Pittas ;
- le Fragment 2, publié en anglais (2011) sous le titre Winds Come From Somewhere, dans le périodique Kunapipi ;
- le Fragment 3, publié en anglais (2015) sous le titre A Litany in my Slumber, dans la revue CounterText.
La traduction française, réalisée par notre consoeur Christine Pagnoulle, est en cours d’édition, patience ! Elle comprend :
Lisez, lisez, il en restera toujours quelque chose…
- Rétablir des passerelles : ode aux traducteurs et traductrices
- OLIVER : De la force et du temps (“Of Power and Time”, essai, 2016)
- DE LUCA E., Montedidio (2003)
- MONTAIGNE : Les Essais en français moderne (GALLIMARD, Quarto, 2009)
- FABRY : Le journal du Nightstalker (2020)
- DEWISME, Charles-Henri, alias Henri VERNES (1918-2021)
- VIENNE : Caillou (2020)
- PHILOMAG.COM : Sei Shônagon, Notes de chevet (X-XIe siècle)
- VIENNE : Le Bleu russe (2017)
- RONSARD : textes
- Shirin contemplant le portrait de Khosrô (1494-1495)