CHAR : textes

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Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n’est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima ?

Il cherche son pareil dans le vœu des regards. L’espace qu’il parcourt est ma fidélité. Il dessine l’espoir et léger l’éconduit. Il est prépondérant sans qu’il y prenne part.

Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s’inscrit son essor, ma liberté le creuse.

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n’est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima et l’éclaire de loin pour qu’il ne tombe pas ?

René Char, extrait de Éloge d’une soupçonnée

Enregistrée en 1965, la voix de Char recrée ici la profondeur du poème, sans vraiment faire justice à sa musicalité…

 

La lucidité est la blessure la plus proche du soleil.

Feuillets d’Hypnos, Fragment 169 (1943-1944)

L’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant.

Recherches de la base et du sommet (1965)


Né le 14 juin 1907 à l’Isle-sur-Sorgue, René CHAR fut très proche du surréalisme et participa activement à la Résistance pendant la dernière guerre. À partir de 1945, il consacre sa vie à une œuvre poétique qui lui vaut une audience internationale. Il est mort à Paris le 19 février 1988. [GALLIMARD.FR]

L’indépendance, René Char en fera une religion, indissociable de son engagement politique : après la défaite de la France en 1940, il entre dans la Résistance. Dès lors, sa poésie exprime sa révolte, sa liberté, à l’image de Fureur et Mystère, son recueil majeur. Retour sur sa vie et son oeuvre.

Dans l’ensemble cet homme est fait de dynamite dont les explosions sont hâlées de douceur calme” écrivait Nicolas de Staël à Jacques Dubourg en 1951. Dynamite et douceur, fragilité et robustesse, fureur et mystère, on imagine le choc des contraires d’où “jaillit la foudre au visage d’écolier“. On peut vivre les poèmes de René Char comme des déflagrations ; alors on mesure l’espace infini entre un texte comme Affres, détonation, silence, de l’homme en résistance et l’auréole légère du poème Congé au vent : “elle s’en va le dos tourné au soleil couchant.” On marchera aussi sur ces chemins “aux herbes engourdies face au mont Ventoux, ou bien près de la Sorgue, ou encore vers le village perché.

Avec Claude Lapeyre, qui fut le compagnon attentif de ces trajets dans les garrigues, à Pernes-les Fontaines, et près de l’Isle-sur-la-Sorgue, on captera l’air très matinal d’une Provence âpre ; à l’écoute du martin-pêcheur, ou bien de l’alouette, “extrême braise du ciel et première ardeur du jour.” René Char, en résistance s’appelle Alexandre ; il a rejoint le maquis près de Cereste, “pareil, dit-il, à un chien enragé, enchaîné à un arbre plein de rires et de feuilles” ; on entendra sa voix sonore saluer à la radio, ses compagnons exécutés. “J’étais un révolté et je cherchais des frères.” Parmi ces frères, ces ” alliés substantiels “, comme il les nommera, il y a aura Georges Braque, Victor Brauner, Man Ray, Picasso, Veira da Silva, Nicolas de Staël, tous réunis dans “l’atelier du poète“. L’oeuvre poétique de René Char est paru dans la Pléiade. [FRANCECULTURE.FR]


[INFOS QUALITÉ] statut : validé | Source : gallimard.fr ; youtube.com ; franceculture.fr | mode d’édition : partage, documentation et iconographie | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : René Char en avril 1984 © Serge ASSIER.


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