[DAARDAAR.BE, 31 mai 2022] Alors que la Belgique triomphe à Cannes, Tijmen Govaerts, l’acteur malinois de Tori et Lokita, accuse le politique: “Si nous voulons garder en Flandre des réalisateurs tels que ceux qui ont été primés à Cannes, il va falloir investir en eux.“
Quelle belle édition du Festival de Cannes pour notre pays. Quatre films belges ont pu y être projetés en première mondiale et, cerise sur le gâteau, trois d’entre eux ont été récompensés ce samedi soir. L’acteur flamand Tijmen GOVAERTS, 28 ans, à l’affiche du film primé des frères DARDENNE Tori et Lokita, profite de ce moment de gloire pour rappeler aux politiques leurs responsabilités. “Si nous voulons éviter que cela n’arrive qu’une fois tous les cinquante ans, il faut plus d’argent.”
Tijmen Govaerts s’était rendu à Cannes au début de la semaine passée pour assister à la première de Tori et Lokita. Mais ce samedi soir, c’est depuis son divan, chez lui, qu’il a suivi la cérémonie des récompenses. L’acteur a vu le film des frères Dardenne, où il interprète un narcotrafiquant, gagner un prix spécial décerné à l’occasion du 75e anniversaire du festival. Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen ont, pour leur part, empoché le Prix du jury avec Les huit montagnes, et Lukas Dhont le Grand Prix avec Close.
Trois sur trois pour la Belgique. “C’est totalement dingue, s’exclame Govaerts. Pour un si petit pays, c’est vraiment exceptionnel. Mais ces films ne sont pas arrivés là par hasard. Ils ont été réalisés par des gens qui osent raconter de “petites” histoires, une particularité bien belge qu’ils contribuent à entretenir. Ils ne visent pas des ventes gigantesques avec des films hollywoodiens, et c’est justement ce qui, paradoxalement, attire un large public.”
Aucun politique flamand présent
L’acteur malinois, récemment à l’affiche de la série Twee Zomers diffusée sur la chaîne publique flamande, a partagé une réflexion sur Instagram peu après la cérémonie. “Ouvrez vos yeux, les politiques, et consacrez davantage d’intérêt et de moyens à la culture, pour que la fête puisse durer. Et si vous voulez être de la fête, la prochaine fois, venez au festival. Nous n’y avons vu aucun responsable politique flamand, et c’est bien dommage !“
“Je me demande si les ministres se rendent compte de ce qu’il s’est passé, réagit Govaerts. Bien sûr, ils ne manqueront pas d’exprimer leurs félicitations et leurs compliments sur les réseaux sociaux ni de souligner que la Flandre a été géniale, mais dans la pratique, ils ne font pas assez. Cela faisait si longtemps qu’aucun film flamand n’avait été sélectionné pour la compétition, et tout à coup, trois films belges étaient à l’affiche. Quel dommage que vous ne compreniez pas qu’il faut absolument être présent. Pour montrer que c’est important pour vous et pour attirer à nouveau les gens au cinéma. Surtout lorsque l’on est ministre de la Culture, comme monsieur Jambon. Se rend-il compte de l’importance de l’événement ?” Notons que du côté wallon, Elio di Rupo a bien fait le déplacement à Cannes pour la première mondiale de Tori et Lokita.
Investissements
Govaerts pose également la question de l’agent : “Bien entendu, les réalisateurs sont déjà soutenus par le gouvernement flamand. Je ne nie pas le bon travail réalisé, mais il faut plus d’argent. Surtout si l’on veut éviter de n’être récompensés qu’une fois tous les cinquante ans. Combien de films produit-on en Flandre chaque année ? Une demi-douzaine ? En France, ils en sont à une centaine.“
Le Fonds flamand pour l’audiovisuel accorde des fonds aux réalisateurs, mais le nombre de ces fonds par an est très limité. Il est possible d’en faire plus, juge Govaerts : “Le budget de la culture représente une part infime, risible même, du budget flamand. Et pourtant, le gouvernement a tellement de mal à l’augmenter.“
Si Govaerts comprend bien que tous les réalisateurs ne peuvent pas bénéficier de subventions à n’importe quelle condition, il souligne néanmoins l’importance d’avoir des réalisateurs visionnaires. “Si nous voulons conserver en Flandre les bons réalisateurs, comme ceux qui viennent d’être primés, il faut investir en eux. Et j’utilise le verbe “investir” à dessein, car le mot “subventions” n’est pas le bon.“
Non aux copies de films américains
D’après Govaerts, il y a trop de contrôle sur le type de films qu’il faut faire. “Les pouvoirs publics ont une idée fixe sur ce que doit être un film, mais si des réalisateurs comme les frères Dardenne gagnent des récompenses, c’est justement parce qu’ils s’échinent à ne pas tenir compte de ce que l’on attend d’eux, et parce qu’ils développent leur propre vision. J’espère que nous pourrons continuer de financer de petites histoires sociales qui changent notre vision du monde et qui nous font réfléchir. Au lieu de copier les films américains qui foisonnent déjà dans les programmes des salles obscures. Lukas (Dhont, ndlr) a démontré avec Girl que des films non conformistes peuvent aussi connaître un grand succès commercial, contrairement à ce que l’on aurait pu croire sur papier.“
Tori et Lokita sera disponible dans les salles belges dès la fin septembre. Le film raconte l’histoire de deux jeunes venus d’Afrique luttant contre les circonstances impitoyables de leur exil en Belgique. Govaerts pense-t-il que l’œuvre attirera un grand public ? “Je pense que chaque film raconte une histoire qui n’a pas encore été racontée, d’une manière dont elle n’a jamais été racontée, peut attirer un public nombreux. Du moins, s’il est soutenu par les bonnes personnes. Et si les gens sont encouragés à aller au cinéma.“
d’après Eline Debie (traduit par Fabrice Claes)
[INFOS QUALITÉ] statut : validé | mode d’édition : partage | sources : daardaar.be, un site listé dans notre page Magazines | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Patrick Thonart | illustration de l’article : Tori et Lokita des frères Dardenne © Films du Fleuve–Savage Films ; © festival-cannes.com.
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