ANGELI : Monochrome Irrégulier ocre/jaune (1998, Artothèque, Lg)

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ANGELI Marc, Monochrome Irrégulier ocre/jaune (pochoir -tempéra, pigments et matériaux naturels, n.c., 1998)

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Marc Angeli © art-info.be

Né à Bruxelles en 1954, Marc ANGELI étudie la peinture et le dessin à l’Académie des Beaux-Arts de Liège. Il reçoit le prix Jules Raeymackers, (Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts, Bruxelles). Professeur de peinture à l’Ecole Supérieure des Arts Ville de Liège (1977-2014), il participe en outre à maintes expositions personnelles et collectives en Belgique et à l’étranger. Nombre d’œuvres de l’artiste ont été acquises par des collections publiques, institutionnelles et privées.

Depuis la fin des années 80, l’artiste poursuit une démarche picturale singulière, une peinture proche de son histoire utilisant des matériaux naturels qui résonnent en lui et révèlent son rapport nostalgique à la nature. Dans cette œuvre, pigments en poudre et couleurs minérales sont mélangés de manière artisanale et sensuelle à des éléments organiques : pollen, œuf, curcuma et miel. Par cette démarche sensible et l’exploration de techniques anciennes qui se réfèrent à l’histoire de la peinture, Marc Angeli nous donne à voir, à découvrir de nouvelles textures et vibrations surprenantes et inattendues. (Texte de Graziella VRUNA).

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Marc Angeli ; art-info.be | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

GILET : Wald (2007, Artothèque, Lg)

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GILET Martina, Wald
(xylogravure, 60 x 50 cm, 2007)

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Martina GILET est née à Bonn en 1963. Elle effectue des études d’ingénieur en tannerie en Allemagne, est diplômée en 1985. Elle s’installe à Pepinster en Belgique en 1996, puis suit les cours de peinture et de gravure à l’Académie des Beaux-Arts de Verviers, dont elle est diplômée en 2010. Aujourd’hui elle travaille principalement la gravure, mais aussi la peinture, les photos et les pastels (d’après CULTUREPLUS.BE).

Cette gravure sur bois aux teintes vertes et blanches rappelle la peinture impressionniste, autant par son thème que par sa tendance à la picturalité. Le spectateur distingue les formes représentées, identifie les motifs floraux et végétaux, mais goûte également à la matérialité de la couleur. L’artiste travaille sur les superpositions des plages de couleurs qui se révèlent par transparence.

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Martina Gilet ; cultureplus.be | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

GOFFIN : Sans titre (2013, Artothèque, Lg)

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GOFFIN François, Sans titre
(photographie, 40 x 40 cm, 2013)

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François Goffin © contretype.org

François GOFFIN est né en 1979, dans le Condroz. Il fait des études de photographie au 75 à Bruxelles, “mais ça démarre surtout après”, avec sa première exposition à la galerie Contretype à Bruxelles. Il expose la même année notamment au Centre culturel de Marchin et à la Biennale de la Photo d’architecture à La Cambre. En 2007, il prend part à l’exposition Et le bonheur !” (Biennale de photographie en Condroz) et expose au Centre Wallonie-Bruxelles de Paris et au Museu de Arte Brasileira de Sao Paolo (Brésil) dans le cadre de l’exposition CO2 – Bruxelles à l’infini initiée par Contretype. En 2008, il remporte avec la série “Réminiscence” le Prix Médiatine 2008 et expose la série Les choses simples au Centre culturel de Namur. En 2009 paraît sa première monographie aux Editions Yellow Now. (d’après CONTRETYPE.ORG)

“L’air de rien, François Goffin fait ses images ; ou pour être plus précis, on peut dire qu’il les recueille sur le chemin d’une vie qui est la sienne. Mais ces choses vues, ces endroits, ces visages, regardent aussi les autres. […] Pour lui, ce sont les événements les plus normaux en apparence qui sont les plus étranges. Les plus sidérants, même. Dans ce travail, pas d’invention, de reconstitution, mais une attention nerveuse et joyeuse à ce qui est. Une image peut-être en effet regardée comme un seul vers de poésie, ou une petite phrase glanée au hasard d’un livre. Un seul regard pour de multiples résonnances spirituelles.” (d’après VINALMONT.BE)

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © François Goffin ; contretype.org | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

TEMOIGNAGE : Carnets de prisonnier

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Carnets de prisonnier de Raymond Vienne © Philippe Vienne

Ces carnets sont le récit d’un jeune officier de 30 ans, marié, père d’un petit garçon de 4 ans, envoyé au front puis retenu en captivité, loin des siens. L’envoi de courrier étant strictement limité, ces cahiers sont destinés à consigner, régulièrement et parfois longuement, souvenirs, pensées, états d’âme, avant qu’ils ne s’estompent dans la mémoire, et ceci avec l’espoir avoué de les donner à lire à son épouse au jour du retour.

Écrits entre l’hiver 1941 et le printemps 1943, dans une promiscuité souvent difficile et avec une santé défaillante, malgré les moments de découragement, ces textes restent porteurs d’espérance. Et, on le verra, d’une ouverture  fraternelle au monde et à l’autre.

A une époque où certains oublient trop facilement que la guerre peut être à nos portes (la Yougoslavie, c’était il y a 30 ans déjà), oublient qu’un jour les “réfugiés” furent leurs parents, leurs grands-parents, dans ces temps d’obscure mémoire sélective, les témoignages de ceux qui ont vécu l’horreur d’une guerre prennent toute leur dimension.

Philippe VIENNE

“Quant aux souvenirs de la “campagne”, je m’aperçois qu’ils se sont déjà bien estompés. Ce dont je me rappelle surtout, c’est d’avoir ressenti des émotions ne correspondant nullement à celles que j’avais imaginées avant. Sentiment de soulagement – et non de tristesse, à nous voir précipités dans l’action ; impression de sécurité  – et non d’isolement, à se sentir le rouage d’une immense machine qui ne fonctionnait pas si mal que beaucoup l’ont dit, et surtout la sensation d’être soutenu – et non abandonné, par des forces inconnues et insoupçonnées qui vous donnent confiance et courage.

Des impressions de tristesse et de désolation, j’en ai eu comme tout spectateur de cette chose monstrueuse qu’est la guerre et je déplorerai toujours d’avoir été le témoin de cette grande misère humaine. J’ai vécu l’affolement des pauvres gens abandonnant leurs foyers dans un grand déchirement, la souffrance des longues caravanes de “réfugiés” dépourvus de tout, l’angoisse des femmes, la triste fatigue des enfants et des vieillards ; j’ai vu les villages et les petites villes abandonnés, déserts, parfois en ruines, toujours meurtris, et je n’ai jamais pu entrer dans l’une ou l’autre maison sans avoir l’impression de violer une sépulture ou de commettre un sacrilège.”  

Raymond Vienne (vers 1930-1931) © Philippe Vienne

“C’est l’hiver – et quel hiver ! On est encore relativement chauffé, mais c’est la vie de chambrée – et quelle chambrée ! – dans toute sa fatigante et énervante atmosphère… 32 m2, 6 lits doubles, 4 armoires, 3 tables et 12 tabourets, et 10 occupants en moyenne qui discutent, et rediscutent, et disputent et redisputent, et cuisinent, et jouent aux cartes et ne savent pas me f… la paix ! On est crispé, tendu, les nerfs à fleur de peau, et il faut – il le faut absolument – il faut se taire. (…) Mais pourquoi diable alourdir encore une situation déjà si pénible ? “

“Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce long exil et emprisonnement a développé chez moi un désir fou et extrêmement vif de voyager dès que ce sera possible. Il y a trop de belles choses à voir et on ne peut vraiment ignorer les richesses qui sont le patrimoine de toute l’humanité. Quand on a entrevu ce qu’on ignore, quand on a un peu ouvert son esprit, on se rend compte qu’on n’est pas un homme, un “humaniste”, si l’on se cantonne à son petit village. (…) Je voudrais côtoyer ces peuples différents, sentir battre leurs pouls, connaître un peu leurs mœurs, apprécier les richesses de leur architecture et de leurs musées. (…) il ne me paraît pas possible de finir ma vie sans avoir été m’émouvoir devant les chefs-d’œuvre de la Renaissance italienne. Rome, Florence, on ne peut tout de même pas ignorer cela ! Non, ce n’est pas possible. Et c’est peut-être cette ignorance des masses, cette absence de communion des âmes dans l’espace et dans le temps, qui permet des catastrophes comme celle qui sévit maintenant. “

Correspondance de prisonnier © Philippe Vienne

“(…) somme toute, je suis aussi heureux que possible, surtout quand je considère les grandes misères qui sévissent, et dont certains remous viennent jusqu’à moi : misères physiques et morales des pauvres soldats prisonniers pour qui la captivité n’a pas été tendre, ni même simplement supportable ! D’autres décriront certainement mieux que je ne pourrais le faire la grande pitié et la longue souffrance de ceux-là ! Si au moins, leur sacrifice pouvait ne pas être inutile, et servir à l’enfantement d’un monde moins cruel et moins égoïste !  “

Raymond VIENNE


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : rédaction | source : carnets de prisonnier de Raymond Vienne (collection privée) | commanditaire : wallonica.org | auteur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Philippe Vienne


D’autres du blog de bord, de notre tribune partagée…

VRANCKEN, Roger (1920-2004)

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Guitariste, né à Liège en 1920, il débute en amateur dans les orchestres de Gene Dersin (1937) et de Lucien Hirsch (1938-1939). Il se produit également au Cotton (Liège) dans la formation de Gus Deloof (1939). Puis, ayant décidé de faire de la musique son métier, il signe son premier contrat professionnel avec le Rector’s Club en mai 1940, contrat interrompu aussitôt par l’arrivée des troupes allemandes.

Au début de l’Occupation, Roger VRANCKEN travaille dans différents bars liégeois, notamment avec le pianiste Vicky Thunus. Il effectue ensuite un séjour au sein de l’orchestre de Jean Omer au Bœuf sur le Toit (Bruxelles) et enregistre ses premiers disques avec cet orchestre en 1941. La même année, alors qu’il commence à se faire une certaine réputation dans les milieux du jazz, il sera l’un des premiers guitaristes belges (avec Frank Engelen) à adopter la guitare électrique. De même, fasciné par Django Reinhardt et Eddie Lang, il fera partie de l’avant-garde qui, en Belgique, sortira la guitare du rôle de simple instrument d’accompagnement.

De retour à Liège, il travaille avec Gaston Houssa, Jean Paques, etc. et devient un des piliers du «noyau swing» qui s’est constitué autour du saxophoniste Raoul Faisant. Dans sa passion pour le jazz, il vit avec Faisant (au Mondial, à l’Observatoire, … ) les heures les plus intenses de sa carrière musicale. Il participe ainsi à l’initiation des jeunes Bobby Jaspar, Jacques Pelzer et surtout René Thomas, dont il est un des premiers – et seuls – professeurs. Sous son nom de guerre (Roger Hodge), Vrancken dirige à la même époque son propre quartette (Hodge-Franck Quartet). Il ralentit ses activités la dernière année de l’Occupation puis, à la Libération, il joue pour les troupes anglaises puis américaines, jusqu’en première ligne.

Il participe bientôt au groupe vocal Les Cherokees aux côtés de Bob Jacqmain, Yetti Lee et Luce Barcy, et enregistre avec cet ensemble en compagnie de l’orchestre d’Ernst Van’t Hoff. De retour à Liège, il travaille au Cotton dans une formation mixte jazz-tzigane. Il travaille encore à Anvers et à Charleroi pendant quelque temps puis décide d’arrêter le professionnalisme, ne se produisant plus que très épisodiquement (notamment avec Robert Grahame, dans le café qu’il reprend au cours des années 50).

En 1959, il décide de tenter un come-back à l’occasion du premier festival de Comblain-la-Tour (où il sera accompagné par les jeunes Jean Lerusse, Willy Donni, etc.). Ce sera pour retomber aussitôt après dans un anonymat dont il ne sortira plus, ne reprenant sa guitare que pour quelques répétitions, hélas sans suite, avec la petite formation swing de Michel Dickenscheid. Il décédera à Seraing, en 2004, à l’âge de 84 ans.

Jean-Pol Schroeder


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : transcription (droits cédés) | source : SCHROEDER Jean-Pol, Dictionnaire du jazz à Bruxelles et en Wallonie (Conseil de la musique de la Communauté française de Belgique, Pierre Mardaga, 1991) | commanditaire : Jean-Pol Schroeder | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : anciensdecomblain.com | remerciements à Jean-Pol Schroeder


More Jazz !

DURO : Je suis un nuage #5 (s.d., Artothèque, Lg)

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DURO Julie-Marie, Je suis un nuage #5
(photographie, 60 x 90 cm, s.d.)

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© juliemarieduro.com

Née en 1984, Julie-Marie DURO vit et travaille entre Luxembourg et Liège. Après des études en philosophie et journalisme à l’Université de Liège et de Nice, ainsi que quelques années passées dans le secteur privé, elle s’est tournée vers la photographie. Son travail est particulièrement influencé par les narrations documentaires subjectives, les récits de famille et problématiques mémorielles. Elle entreprend actuellement une thèse en Arts et sciences de l’art à l’Université de Liège sur l’indétermination de l’expérience mémorielle au travers des narrations photographiques de l’absence.

Cette photographie fait partie d’une série narrative intitulée Looking for my Japanese Family”. L’auteure part à la recherche d’un mystérieux oncle au Japon, fils de son grand-père et d’une jeune Japonaise. “Fouiller la mémoire individuelle et collective, celle de la famille et puis petit à petit, celle des autres… […] “Looking for my Japanese family” est le récit fragmenté de cette enquête où la réalité cède parfois la place à la fiction ; un récit où s’entremêlent mon parcours et les vies que j’imagine pour cette famille japonaise que je ne connaîtrai peut-être jamais.” (Julie-Marie Duro)

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Julie-Marie Duro ; juliemarieduro.com | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

VIENNE : Les plans inclinés de Liège, de Henri Maus à Calatrava (CHiCC, 2018)

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La gare de Liège-Hauteurs à Ans

LE ou LES plans inclinés ? On dit “rue DU Plan Incliné”. Pourquoi ce nom ? Parce que là débute une longue côte vers Ans ? Mais il existe des côtes un peu partout sans que l’on parle de plan incliné.

Remontons dans le temps, à la création de la Belgique en 1830. Le premier gouvernement est conscient que notre port d’Anvers ne pourra vivre que si les marchandises peuvent y arriver facilement. D’où l’idée de créer un réseau de chemin de fer le reliant au bassin industriel de Liège et à l’Allemagne, en évitant la Hollande, puis plus tard au bassin de Charleroi. Cette entreprise énorme est rapidement décidée. Le réseau aura pour centre Malines, et le premier train roulera entre Bruxelles et Malines en 1835. Le réseau se développe rapidement et, dès 1840, le rail arrive à Ans, appelée Liège-Hauteurs.

Et puis ? Il faut descendre en ville et plusieurs tracés sont proposés. Le plateau d’Ans est à environ 175 mètres d’altitude, la Meuse à 60 :  la difficulté est évidente. L’adhérence et la puissance des locomotives de l’époque ne leur permettent pas de gravir cette rampe de 3%. Le tracé définitif, qui est toujours d’actualité, est bien apparent sur une carte datant d’entre les deux guerres : deux lignes droites de part et d’autre de la gare du Haut-Pré. Les ingénieurs Simons et De Ridder, qui ont en charge l’établissement du réseau, confient à un jeune ingénieur du nom de Henri Maus la tâche de résoudre la difficulté.

Avec l’aide d’Hubert Brialmont, il a l’idée d’appliquer un système de traction par câbles à partir d’une machine fixe. Ce n’est pas la première fois qu’un tel principe est appliqué – il y a des précédents en Angleterre – mais ici, il y a une particularité. Il s’agit en fait de deux plans inclinés : Liège -Haut-Pré et Haut-Pré – Ans reliés par une courbe en faible pente, où se trouve placée une machinerie unique, d’où économie d’énergie et de main d’œuvre. De plus, cette réalisation restera longtemps la plus longue sur une ligne importante. La construction a déjà commencé à la fin de l’année 1838 et les premier trains de marchandises circulèrent le 18 avril 1842. Les trains de voyageurs furent admis le 1er mai 1842. Et c’est en 1843 que la ligne atteignit Verviers et la frontière prussienne !

Un wagon spécial lesté et muni de freins puissants à patins était attelé à l’arrière de la rame. Il agrippait le câble au moyen de ses deux pinces et la poussait jusqu’au Haut-Pré. Là, la rame franchissait la courbe sur son élan puis, par le même système, agrippait le câble pour monter le second plan incliné, jusqu’à Ans. La machinerie avait une puissance de 160 CV, portée plus tard à 248 CV. La corde, initialement en chanvre, fut remplacée par la suite par un câble d’acier. La vitesse était limitée à 20 km/h. A la descente, ce wagon-traîneau freinait le convoi grâce à quatre patins qui pouvaient être appliqués contre les rails.

Vers 1870, la puissance des locomotives est devenue suffisante et commence alors le système des allèges. Une locomotive à l’arrière aide le train à monter jusqu’à Ans puis l’abandonne. Une des premières allèges fut le type 20 Etat. Différents modèles de locomotives se sont succédés, mais le plus célèbre fut le type 98 SNCB, des ex-T16 prussiennes reçues en dédommagement après la Première Guerre ; et les types 99, très semblables, construites par Cockerill, ou La Meuse pour le Nord-Belge, en 1931-1932. Cette dernière compagnie a été reprise par la SNCB le 10 mai 1940, un hasard de l’histoire.

Ces machines étaient munies à l’avant d’un attelage spécial qui pouvait être dételé en marche ce qui n’imposait plus un arrêt à Ans. Un jour est arrivé ce qui devait arriver : le décrochage n’a pas fonctionné et la pauvre allège a été emmenée à 120 km/h. On n’a pu arrêter le train qu’à Voroux-Goreux et la locomotive était hors d’usage !

En 1939, la circulation va être interrompue. Le viaduc du Val-Benoît a été miné par l’armée mais, au mois d’août, la foudre tombe sur le pont qui saute. Depuis 1930, on avait commencé des travaux pour établir une déviation pour les trains de marchandises. Le chantier avait été retardé par manque de finances mais, en travaillant jour et nuit, la ligne 36A sera rapidement terminée. Elle part de Kinkempois et rejoint la ligne 36 à Voroux-Goreux, en passant par le viaduc de Renory, celui du Horloz et une série de tunnels.

L’électrification va tout changer en 1955, mais un événement va avoir une incidence sur les plans inclinés : la grève de l’hiver 1960-1961. Dans un climat insurrectionnel, les voies sont gardées jour et nuit par des militaires en armes car on craint des sabotages.

Revenons aux trains. Les automotrices peuvent monter seules les plans inclinés. Pour les autres trains, c’est une machine de la série 22, ou une série 23, qui sert d’allège. Elle est munie de tampons élargis et d’un système ingénieux : une sorte de lentille placée sur le butoir droit, est remplie d’un liquide relié à un manomètre placé devant le pare-brise de la loco. Il indique ainsi la force appliquée à l’arrière du train, car l’allège n’est plus attelée. Ce système est maintenant abandonné.

Depuis l’apparition des séries 13 et 18 plus puissantes, trois fois celle des 22 puisque aptes à rouler à 200 km/h, les trains qu’elles remorquent peuvent souvent monter sans allège. Les rames sont des rames réversibles et la loco est toujours du côté Bruxelles pour tirer le train plutôt que le pousser. Certaines rames de voitures à deux étages, trop lourdes, ont une loco en permanence à chaque extrémité, commandée à distance par la loco de tête.

La gare des Guillemins conçue par l’architecte Calatrava apparaît (bas-gauche) dans le film de science-fiction “Les Gardiens de la galaxie” de 2014 © Marvel

Et les trains à grande vitesse, ICE ou Thalys que l’on voit régulièrement dans la gare des Guillemins conçue par l’architecte catalan Calatrava ? Munis d’une motrice à chaque extrémité, ils avalent sans sourciller les plans inclinés à 120 km/h jusqu’au Haut-Pré et 140 au-delà, par leur seule puissance. Mais ceci est une autre histoire….

Robert VIENNE


La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte de Robert VIENNE a fait l’objet d’une conférence organisée en mai 2018 par la CHiCC : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne

Plus de CHiCC ?

HILGERS : Vol/Migration n°28 (s.d., Artothèque, Lg)

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HILGERS Claire, Vol/Migration n°28
(technique mixte, 65 x 32 cm, s.d.)

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Claire HILGERS est née en 1955 à Berchem-Sainte-Agathe. Après une licence en Sciences économiques, elle se forme à la gravure et à la peinture à l’ Académie des Beaux-Arts de Watermael-Boitsfort. En 1983, elle participe à la création de l’atelier de gravure collectif Razkas qui compte aujourd’hui douze membres.

Les diverses recherches créatives de Claire Hilgers concernent des thèmes récurrents : les souvenirs de lieux ou d’instants vécus, la contemplation d’éléments de la nature dans ses détails infimes, et aussi l’image du corps. Ici, c’est une évocation de la nature à travers les diverses visions d’un héron, mais aussi une réminiscence japonaise, par la disposition verticale et la thématique.

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Claire Hilgers | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

HERD, Henri dit Constant-le-Marin (1884-1965)

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Constant-le-Marin et sa ceinture d’or © thyssens.com

Henri HERD naît à Liège, rue Porte-aux-Oies, en Outremeuse, le 2 août 1884. Son père, Guillaume, est d’origine prussienne, tout comme sa mère Helena Treffer. Mais, même si entre eux ils parlent plus volontiers allemand, leurs onze enfants s’expriment aussi en wallon et en français. Le couple Herd exploite un café populaire en Outremeuse.

En 1901, à l’âge de 17 ans, Henri entame sa formation à la lutte dans une petite salle de la rue Pierreuse, à Liège. Deux ans plus tard, il est déjà en finale des championnats amateurs de la Cité Ardente, battu seulement par son coach, Jules Depireux. L’année suivante, il prend part, avec des centaines d’autres, à un tournoi dont il sort vainqueur dans la catégorie des poids lourds.

C’est à l’occasion de l’Exposition universelle de Liège, en 1905, qu’Henri Herd participe à son premier tournoi en tant que professionnel. Il opte alors pour le pseudonyme de Constant-le-Marin, en l’honneur de son idole Constant Lavaux dit “Constant-le-Boucher”, lutteur florennois. Son surnom “le marin” traduit son ambition de faire le tour du monde grâce à la lutte. Il sera assez vite exaucé : sa réputation et son succès vont croissant. Troisième (ou quatrième) au championnat d’Europe, en 1906, et deuxième en 1907, il devient champion du monde, en 1910, à Buenos Aires. Au terme d’un combat épique de quatre heures, il s’empare de la ceinture d’or d’un kilo devant un public de 35 000 spectateurs, après avoir vaincu le Français Paul Pons, surnommé “le Colosse” et premier champion du monde professionnel.

Champion à nouveau en 1913, Henri Herd poursuit sa route vers la gloire et autour du monde, comme il l’espérait, remportant de nombreux tournois en Amérique du Sud et du Nord, aussi prestigieux que bien rémunérés. Ainsi, à Montréal : L’arèna (sic) Westmount est le site du plus important match de lutte jamais présenté à Montréal, un combat à saveur internationale entre le Belge Constant Le Marin et le Polonais Stanislaus Zbyszko. Constant Le Marin et Stanislaus Zbyszko se partagent une bourse record (à Montréal) de 10 000 $.” (Le Devoir, 26 mai 1913)

Lorsque l’Allemagne envahit la Belgique en août 1914, bien qu’exempté de service militaire par un tirage au sort favorable, Constant se présente à l’armée comme volontaire. Promu au grade de maréchal des logis, il participe à la campagne du Corps expéditionnaire belge des Autos-Canons Mitrailleuses (ACM) sur le Front de l’Est, en compagnie du poète Marcel Thiry et de son frère Oscar ainsi que de Julien Lahaut, futur leader communiste.

Les autos blindées sont envoyées ensuite en Galicie (région de l’empire autrichien, aujourd’hui partagée entre la Pologne et l’Ukraine) où elles vont principalement affronter les forces autrichiennes. Selon Marcel Thiry, Constant-le-Marin, en raison de son titre mondial, jouissait d’une énorme popularité auprès des soldats russes, il leur avait appris à pousser en français son cri de guerre : “On va leur couper la tête !”  

Combattant toujours avec la même hargne, il sera gravement blessé en juillet 1917, lors d’une attaque que rapporte Thiry : “Constant le Marin (…) commande à présent une blindée à coupole fermée, que les Russes ont fournie pour remplacer son auto-mitrailleuse perdue en septembre à Svitselniki. Voulant attaquer presque à bout portant, et malgré la grêle de projectiles qui tambourinent sur son blindage, il entreprend d’arracher les barbelés avec l’étrave de sa machine, pour aller écraser de son feu les mitrailleuses. Mais le lourd engin, presque aveugle quand tous les volets sont obturés au maximum, s’embarrasse dans l’écheveau d’acier. Des fusils antitanks ont dû être amenés par les ennemis ; voici que le blindage perce, les balles ricochent à l’intérieur de la petite forteresse sur les parois des tourelles qui deviennent un enfer. Le chauffeur Godefroid s’affaisse, mortellement atteint ; le servant Guillot est blessé (…) Constant lui-même gravement frappé de trois balles. (…) le grand corps gémissant du champion du monde de lutte sera ramené, avec les plus grandes peines.”

Suite à ces blessures, Constant sera rapatrié, en compagnie d’Oscar Thiry et d’autres. Il recevra neuf citations et sera décoré à cinq reprises, dont quatre fois de la Croix de Saint-Georges. Comme ses compagnons d’armes, Constant-le-Marin aura combattu pour trois états différents : la Belgique du roi Albert, la Russie du tsar Nicolas II, puis aux côtés de l’Armée rouge de Lénine.

Malgré ses sérieuses blessures, Henri Herd reprend, après la guerre, son entraînement et sa carrière de lutteur, utilisant une méthode de revalidation toute personnelle mais visiblement efficace. En effet, il est encore champion du monde, en 1921 (à Paris) et en 1924 (à Buenos Aires). Auréolé de ces exploits, il parcourt à nouveau le monde, profitant de combats rémunérateurs.

Constant-le-Marin par Jacques Ochs

Mais il semble que ce ne soit pas sa seule récompense, comme l’évoque le Pourquoi Pas ?, “(Constant) ne dédaigne pas, en franc Liégeois qu’il est, de humer, çà et là, les roses bien pommées qui ne manquent pas de sertir le laurier, ornement sympathique mais un peu bien sévère. Les roses sud-américaines ont un parfum chaud et poivré qui n’a rien de répugnant, et le bon Constant eut, au pays des Incas, de belles soirées et de belles nuits.”

Enfant d’Outremeuse, c’est néanmoins à Cointe qu’il s’établit, à partir de 1925. Gravement endommagée par les bombardements en 1944, sa villa sera reconstruite après la guerre et existe toujours au 34 de l’avenue de la Laiterie. Constant-le-Marin s’entraîne dans le parc de Cointe où beaucoup de gens viennent admirer ses démonstrations de force. On le croise également s’y promener régulièrement avec son chien, Tom. La légende veut qu’un jour il ait déraciné à mains nues un arbre que les jardiniers du parc ne parvenaient pas à arracher !

Ancienne villa de Henri Herd © Philippe Vienne

Durant les années précédant la Seconde Guerre, Raymond Gilon rapporte que Henri Herd avait coutume, en été, d’aller camper au bord de l’Ourthe à Sainval (Tilff), avec un ami lutteur. Là, ils s’amusaient à faire chavirer les barques des filles, qu’ils secouraient aussitôt. Ses sorties régulières à l’Eden étaient également célèbres : “Constant le marin entrait dans la salle de danse de l’Eden, foulant le tapis rouge lentement, presque majestueusement, s’assurant d’un regard circulaire que toute l’assemblée l’admirait. Il se dirigeait vers sa table du bord de piste réservée depuis le début de la soirée avec son seau à glace et la bouteille de champagne.”

Lorsqu’éclate la Seconde Guerre, Henri Herd se porte à nouveau volontaire mais est refusé par l’armée en raison de son âge. Quittant alors la Belgique pour la France, en 1940, il s’occupe d’un centre pour réfugiés à Paris. Il descend ensuite à Bordeaux où il attrape le dernier navire en partance pour l’Argentine, une fois encore, mais dans un autre contexte. De retour à Liège en 1946, il ouvre, en Outremeuse, un établissement nommé le Café des Lutteurs dont le sous-sol était aménagé en gymnase et où plusieurs générations de jeunes Liégeois viendront s’initier à la lutte gréco-romaine et, plus tard, au catch.

årvô Constant-le-Marin © provincedeliege.be

Henri Herd décède à Liège, le 4 novembre 1965, à l’âge de 81 ans, et est enterré dans le caveau familial au cimetière de Robermont. En Outremeuse, rue Porte-aux-Oies, un årvô (passage voûté) porte une plaque commémorative. Et, depuis 2014 (centenaire de la Première Guerre Mondiale), un géant à l’effigie de Constant-le-Marin participe aux fêtes du 15-Août en Outremeuse. Sorti en 2015, le film d’animation Cafard, du réalisateur Jan Bultheel, s’inspire largement et librement de la vie de Constant-le-Marin.

Philippe VIENNE

Interview de Constant-le-Marin en 1959

Bibliographie
  • GILON R., Les carnets de la mobilisation (38-40), Liège, 1990, pp 150-151
  • PORTUGAELS L., Constant-le-Marin et les autos-canons de 1914-1918, dans La Libre, 29 novembre 2004
  • SCHURGERS P., Cointe, au fil du temps…, Liège, 2006
  • THIRY M., Le tour du monde en guerre des autos-canons belges, 1975
  • THYSSENS H., Cécile Brusson, sur thyssens.com
  • Pourquoi Pas ? du 19 janvier 1934
  • Le Devoir du 26 mai 1913

[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : rédaction | commanditaire : wallonica.org | auteur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © thyssens.com ; Pourquoi Pas ? ; Philippe Vienne ; provincedeliege.be


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VIENNE : Le Longdoz, hier et aujourd’hui (CHiCC, 2019)

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“Je me trouvais à la gare de Jonfosse – pardon, Liège-Carré – qui n’est plus qu’un point d’arrêt quand une voix céleste a annoncé que le train venant de Hasselt à destination de Liège-Guillemins, Visé et Maastricht arrivait. C’est, en effet, la même rame qui relie ces deux villes limbourgeoises. Pour des raisons de tension, elle peut continuer sur le territoire néerlandais, l’inverse ne serait pas possible. Par contre, avant l’électrification en 1985, c’était un autorail néerlandais qui assurait ce service. Et précédemment, on prenait le train à la gare de Longdoz qui a aujourd’hui disparu.

Liège en 1649

Longdoz ? Ce terme signifie un “long pré” et, de fait, sur la carte de 1649,on voit qu’au delà de Tour-en-Bèche, c’est la campagne jusqu’au pied de la Chartreuse. C’est l’arrivée du chemin de fer qui va tout changer. La compagnie du Nord Belge a obtenu la concession de la ligne Namur-Liège avec terminus, dans une gare qu’elle va construire en 1857, au Longdoz. La ligne y arrive en 1851. Les mêmes financiers, les frères Rothschild, créent la compagnie du Liège-Maestricht (orthographe de l’époque), partant de cette même gare, à partir de 1861. Après 5 ans, c’est le Nord Belge qui en assurera la gestion mais cela reste deux entités distinctes. Liège-Maestricht sera repris par l’Etat en 1899 et le Nord Belge par la SNCB, seulement le… 10 mai 1940 !

La gare ne recevra plus de voyageurs en 1960. Le terrain sera acheté par la Ville de Liège en 1969, le bâtiment démoli en 1975 et la première galerie commerciale inaugurée en 1977.

L’installation d’une gare crée un nouveau quartier au bout de la rue Grétry toute neuve : cafés, hôtels, commerces et habitations. Mais la présence de vastes terrains libres et la proximité du chemin de fer attirent également de nombreuses industries – nous sommes en pleine révolution industrielle.

Un des premiers industriels à s’installer – il y en aura d’autres et nous ne les citerons pas tous – sera la firme Dothée qui fabrique du fer blanc, en 1846. Elle sera reprise dans le complexe d’Espérance-Longdoz.  Cette dernière quittera le site en 1961-1963 pour s’installer à Chertal, dans une usine ultra-moderne pour l’époque. Elle fusionnera avec Cockerill en 1970, avec le sort que l’on sait. Le bâtiment qui abritait les bureaux est maintenant occupé par l’Ecole Supérieure d’Action Sociale. Une toute petite partie de l’usine, celle qui avait abrité les établissements Borgnet, deviendra la Maison de la Métallurgie. Le reste sera rasé et on y a construit la Médiacité.

Médiacité Liège (architecte : Ron Arad) © Philippe Vienne

Une autre usine importante est Englebert en 1877. Elle fabrique des articles en caoutchouc, surtout des pneus. En 1958, l’entreprise américaine Uniroyal crée une alliance avec le groupe belge Englebert pour ses activités en Europe. Cette division est baptisée Uniroyal en 1966. En 1979, Uniroyal vend cette division et ses quatre usines de Belgique, Allemagne, France et Écosse à Continental.

Pieux Franki était installée rue Grétry. Elle a été fondée en 1909 par M. Edgar Frankignoul associé à M. Armand Baar. La firme existe toujours au parc industriel de Flémalle mais fait partie d’un groupe plus important. Le siège est devenu une résidence services.

La firme Jubilé a été créée en 1804, rue des Champs, par M. Van Zuylen. En vue des 75 ans de la Belgique, elle créa en 1905 un cigare nommé Jubilé qui devint le nom de la société. Elle fit faillite en 1979. Les locaux sont maintenant occupés par Pôle Images, rue de Mulhouse, une reconversion dans un domaine actuel.

Autre firme de tabac, TAF s’installa dans l’ancienne usine Englebert de la rue Grétry en 1975 mais fit faillite en 1979.  Colgate-Palmolive occupait des locaux rue des Champs. C’était une ancienne savonnerie fondée en 1881 qui avait conclu, en 1931, un accord avec le groupe américain pour fabriquer ses produits chez nous. Elle partit aux Hauts-Sarts de 1976 à 2013. Nadin Motor, qui s’occupe de rénovation de moteurs, est installée rue Natalis depuis 1931 et s’y trouve toujours.    

Vue depuis le parc des Oblats © Robert Vienne

Nous terminerons au bout du quartier dans le parc public, bien réaménagé par la Ville, dans le domaine de l’ancien couvent des Oblats qui jouxte la Chartreuse, près de l’église St-Lambert – seul souvenir de notre évêque. Un endroit de calme et de verdure bienvenu, bien loin du passé industriel que nous venons d’évoquer.”

Robert VIENNE


La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte de Robert VIENNE a fait l’objet d’une conférence organisée en mai 2019 par la CHiCC : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne

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VIENNE : La Meuse à travers Liège (CHiCC, 2016)

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© Philippe Vienne

“Tous les Liégeois ont déjà vu une gravure ou un tableau représentant la Meuse au boulevard de la Sauvenière, au Moyen-Age bien sûr, mais jusqu’à quand ?  Je vais essayer de vous répondre.

A Liège, la Meuse que l’Ourthe vient de rejoindre s’étale dans la vallée en de multiples bras. Les premières habitations s’étaient établies aux environs de la place St-Lambert, les rives du fleuve étant marécageuses. Une petite rivière, aujourd’hui cachée, la Légia qui descendait d’Ans, venait rejoindre la Meuse. Elle longeait les remparts qui existent toujours à Hocheporte (rues des Remparts et des Fossés) puis traversait la place St-Lambert en se divisant en deux bras. L’enceinte de Notger ne protégeait pas la ville mais le Publémont, Mont St-Martin, où l’évêque et sa cour pouvaient se réfugier en cas d’attaque, par exemple des Normands venus par le fleuve. 

Liège en 1649

Dès le Moyen-Age, la ville prit de l’ampleur, toujours traversée par les différents bras de la Meuse. Cette situation durera jusqu’au XIXe siècle. Sur cette carte, je voudrais vous montrer à droite, dans le quartier St-Léonard, un bassin perpendiculaire au fleuve et situé hors des remparts, Hors-Château. Plus bas sur la carte, une petite tour attire notre attention : c’est la Tour-en-Bêche et elle nous conduit en Outremeuse, quartier populaire aux rues étroites, parfois insalubres avec la présence de tanneries et de moulins, tels le moulin à papier. 1853 voit la création de la Dérivation. Le confluent est reporté à Droixhe mais la Dérivation peut aussi évacuer l’excès d’eau de la Meuse en cas de crue. Le comblement des canaux au XIXe siècle assainira le quartier et le dotera de beaux boulevards tels que le boulevard Saucy et le boulevard de la Constitution. 

Revenons en ville, en Vinâve-d’Ile puisque le centre de la ville est une île. Intéressons-nous à un de ces ponts et la place proche : c’est le Pont-d’Ile et la place aux Chevaux, actuelle place de la République Française.

Boulevard de la Sauvenière

Sur cette gravure ancienne, on voit que les maisons ont un accès direct à l’eau par les caves. Pour les piétons, il faut passer par derrière, par la rue Basse-Sauvenière, aujourd’hui interrompue. Elle partait du pied de Haute-Sauvenière et aboutissait au Thier de la Fontaine, pour se prolonger par la rue Sur-la-Fontaine jusqu’au Pont-d’Avroy. Certaines entrées attestent encore que cette rue était l’accès principal aux immeubles.

Différents noms de rues rappellent aussi le passé : Saint-Jean-en-Isle, où l’on retrouve une maison existant déjà en 1637 (le bourgmestre Sébastien Laruelle y fut assassiné) et  Saint-Martin-en-Ile, près de la cathédrale. Cela nous amène à découvrir le Pont-d’Avroy, donnant accès à la rue Saint-Gilles et à ce faubourg. 

Il faut attendre 1809, sous le régime français, pour que les autorités décident de rétrécir la rivière de la Sauvenière, d’abord, et d’y créer un quai pour faciliter le halage. C’est ensuite le tour de la rivière d’Avroy en 1819, donc sous le régime hollandais. Le delta situé aux environs des actuelles rues de la Régence et de l’Université fut remblayé en 1827. Sauvenière et Avroy furent voûtés entre 1831 et 1844.  Pierre-Lambert de Saumery, dans “Les Délices du pays de Liège” (ouvrage publié de 1738 à 1744) parlait déjà du lieu “le plus agréable de la ville, propre à délasser l’esprit et à charmer les sens”.

Le Petit-Paradis en 1880

Le plan Kümmer, du nom de l’ingénieur des Ponts-et-Chaussées, avait proposé en 1848 le redressement du cours du fleuve du Petit-Paradis (la chapelle sera détruite en 1881) à Droixhe, et la création du bassin de Commerce. En 1876, le plan Blonden propose la suppression du bassin de Commerce, peu pratique, pour créer le parc d’Avroy et les Terrasses tels que nous les connaissons aujourd’hui.

Liège connaît encore de graves inondations en 1926. Pour y remédier de façon définitive, de grands travaux ont été entrepris : nouveaux barrages, création de stations de pompage et de digues. L’A.I.D.E. est créée en 1928 pour gérer les stations de pompage et, à présent, d’épuration.

On ne peut omettre de parler des travaux importants effectués sur le cours de l’Ourthe en amont de son confluent. Les préparatifs de l’Exposition Universelle de 1905 entraîneront une modification profonde du quartier de Fétinne. Le canal de l’Ourthe a été ouvert jusqu’à Comblain en 1857, la suite du projet étant abandonnée car le chemin de fer le remplace avantageusement.

Le boulevard Emile de Laveleye, avant 1905 et aujourd’hui

Le cours de l’Ourthe est redressé en supprimant le Fourchu Fossé qui devient le boulevard Emile de Laveleye. Le comblement d’un autre bras permet de créer les boulevards de Douai, de Froidmont et Poincaré. Le bief Marcotty, près du moulin et du pont levant du même nom, disparaît aussi en grande partie. Il n’en reste que le début, près du pont sur le canal, actuellement sauvegardé.

L’exposition peut alors s’installer sur les terrains nouvellement conquis. Une partie de l’exposition se tient à Cointe, desservie par le tram dont le dépôt se situait avenue de l’Observatoire (actuel arrêt nommé “Ancien Dépôt”). Après l’exposition, les constructions sont rapidement démolies pour mettre en valeur les terrains. Une photo montre la construction de la première maison du boulevard Emile de  Laveleye. A l’arrière-plan, les rues de Verviers et avenue du Luxembourg. De cette époque date aussi l’école communale de Cointe (1911) qui ressemble au pavillon de la Ville de Liège. L’architecte Joseph Lousberg était le même et certains des matériaux auraient été réutilisés. De cette exposition, il nous reste le pont de Fragnée et le musée de la Boverie.”

Robert VIENNE


La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte de Robert VIENNE a fait l’objet d’une conférence organisée en avril 2016 par la CHiCC : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne

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VIENNE : Canal de Meuse et Moselle, canal de l’Ourthe, un projet ambitieux (CHiCC, 2017)

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Canal de l’Ourthe à Angleur © Philippe Vienne

“De tous temps, les fleuves ont été les voies les plus utilisées pour le transport des marchandises. L’idée de les faire communiquer entre eux par des canaux s’est donc imposée très tôt. Sur une carte, on note que la distance entre la  Meuse et le Rhin n’est pas très grande. Déjà, les  Romains, sous l’empereur Claude, avaient commencé des travaux. Philippe II, au XVIIe siècle, fit creuser la “Fosse Eugénienne”, du nom de sa fille, qui passait par Venlo et RheinbergUn siècle plus tard, Frédéric le Grand, roi de Prusse, conçut un projet passant au nord du duché de Limbourg. Napoléon aussi s’intéressa à la question. 

Nous sommes à présent sous le régime hollandais qui réunit les Pays-Bas, la Belgique actuelle et le Luxembourg en un seul pays. Un nouveau projet est présenté en 1825 à l’initiative de la Société du Luxembourg, filiale de la Société Générale, fondée en 1822 sous l’impulsion de Guillaume Ier dont le Luxembourg est une propriété personnelle. L’idée est toute différente. Des gisements de minerai ont été découverts dans le Luxembourg.  Il serait intéressant de le transporter tant vers le bassin lorrain que vers le bassin liégeois.  En plus, les produits luxembourgeois, notamment pierre, cuirs et bois utilisés en grande quantité dans les mines liégeoises, pourraient être exportés vers Liège, un atout pour l’économie de cette région très pauvre.

Au lieu de creuser un canal de bout en bout, on utiliserait les rivières en les canalisant. Côté belge, l’Ourthe permet de se rapprocher de la frontière luxembourgeoise. Sur l’autre versant, on rejoindrait la Sûre par le ruisseau d’Hachiville à Hoffelt, la Wiltz, la Clerve et la Sûre de Göbelsmühle à Wasserbillig. Pour franchir la limite de partage des eaux entre les bassins de la Meuse et du Rhin, un tunnel devrait être creusé. Ces travaux commencèrent en 1827 sous la conduite de l’ingénieur belge Rémi De Puydt, en même temps que certains aménagements du cours de l’Ourthe.

La révolution va tout changer. Guillaume Ier n’a plus autorité sur ce qui se passe en Belgique et le Luxembourg doit faire face aussi à des mouvements insurrectionnels et à des visées d’annexion de la part de la Prusse. Son sort définitif ne sera réglé que par le Traité des XXIV articles en 1839. Les travaux sont interrompus en 1831 et abandonnés en 1839. 1130 mètres de tunnel sont déjà percés, soit la moitié.

Canal de l’Ourthe à Angleur et pont Marcotty © Philippe Vienne

En 1846, la Grande Compagnie du Luxembourg obtient la concession du chemin de fer de Namur à Arlon et de Marloie à Liège, mais elle doit aussi achever le canal jusqu’à La Roche. Cela ne fut fait finalement que jusqu’à Comblain-au-Pont, en 1857. La navigation sera arrêtée en 1917 en amont d’Esneux et continuera encore entre Tilff et Angleur durant la guerre 1940-1945.

Nous pouvons aujourd’hui suivre le RAVeL le long du canal de Liège à Comblain pour y découvrir des témoins de cette histoire : murs, écluses, maisons…”

Robert VIENNE


La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte de Robert VIENNE a fait l’objet d’une conférence organisée en mai 2017 par la CHiCC : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne

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SERVAIS-DECLAYE : Auguste Buisseret : Wallon, Libéral, Ministre, Bourgmestre de Liège (CHiCC, 2019)

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Auguste Buisseret © Connaître la Wallonie

En collaboration avec la CHiCC, nous publions ici le synopsis de la conférence de May SERVAIS-DECLAYE à propos de son livre : Auguste Buisseret, mon grand-père (1888-1965) : Wallon, Libéral, Ministre, Bourgmestre de Liège (Bruxelles : Centre Jean Gol, 2019).

“Né en 1888 à Beauraing dans une famille modeste, Auguste Buisseret réussit, par son intelligence, son travail et sa force de caractère à devenir un brillant avocat au barreau de Liège et un homme politique influent. Homme de conviction, il a participé à tous les combats du XXème siècle. Entré au parti libéral en 1914, il défendit des patriotes devant les conseils de guerre de l’occupant, ce qui lui valut une condamnation à mort. Militant wallon actif, il dirigea, dès sa création en 1923, le journal La Barricade, qui devint plus tard L’Action wallonne. Il prônait le fédéralisme. Échevin des Finances et des Régies industrielles (1934-1937), il redressa les comptes publics, et, entre autres, soutint la création du port autonome de Liège. Très tôt alerté par la doctrine nationale socialiste, membre de l’Association juridique internationale (1929-1939), il n’hésita pas à aller en Allemagne, en Roumanie, en Grèce, défendre des victimes des régimes totalitaires. Échevin des Beaux-Arts et de l’Instruction publique (1937-1941), il acheté à la vente aux enchères de Lucerne neufs tableaux d’art dit dégénéré, fleurons du Musée d’Art moderne de Liège (30 juin 1939). Il venait d’être élu Sénateur de l’arrondissement de Liège pour la 1ère fois.

Résistant pendant la seconde guerre, arrêté, puis relâché, menacé de mort, il passa clandestinement à Londres où il fut conseiller juridique du gouvernement Pierlot/Spaak. Après la Libération, il participa à la reconstruction de la Belgique comme Ministre de l’Intérieur (1945-46), de l’Instruction publique (1946-47), puis des Travaux Publics (1949-50). Ministre des Colonies de 1954 à 1958, dans un gouvernement socialiste-libéral, il a poursuivi le développement du Congo et du Ruanda-Urundi en s’opposant à toute discrimination au sein de la société belgo-congolaise naissante. Pour mieux former les Africains et leur donner l’accès à l’université, il a créé un enseignement officiel à trois niveaux pour tous. Il leur a ouvert des lieux jusque-là réservés aux Européens, il a renforcé leur protection sociale, lancé une vaste réforme de la justice et organisé les premières élections communales en 1957. Il a été choisi comme Bourgmestre de Liège en janvier 1959 dans une coalition PSC-libérale. Sa notoriété, sa force de conviction, l’élégance de son verbe contribuèrent à rendre son lustre à la cité mosane, en particulier lors de la visite du Prince Albert et de la Princesse Paola (11 juin 1959) et à l’occasion de chaque fête de Wallonie. Son collège et lui modernisèrent la ville par des travaux d’envergure. Ils surent faire face avec détermination aux grèves de 1960/61. En août 1963, miné par la maladie qui devait l’emporter, il dut donner sa démission.”

May SERVAIS-DECLAYE


La biographie d’Auguste BUISSERET est également documentée dans l’Encyclopédie du Mouvement wallon (Charleroi, 2001, t. II) et donc sur CONNAITRELAWALLONIE.WALLONIE.BE


La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte de May Servais-Declaye a fait l’objet d’une conférence organisée par la CHiCC : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne

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JEANNE, Robert (né en 1932)

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Robert Jeanne © Jean Schoubs

Robert Jeanne est né à Liège, en 1932. Musicien autodidacte, il découvre Charlie Parker à la fin des années 40 et se passionne pour le jazz, fréquente la Laiterie d’Embourg et, après y avoir assisté à quelques jams mémorables réunissant Jacques Pelzer, René Thomas et Bobby Jaspar, décide de devenir musicien. Il débute avec des orchestres amateurs locaux, notamment les Bop Lighters en 1952, entre en contact avec Thomas et Pelzer et, dès 1955, participe à plusieurs concerts en Belgique et en Allemagne en leur compagnie. Il découvre Stan Getz et Al Cohn qui deviendront ses principaux modèles.

A fin des années 50, il forme son propre ensemble (répertoire be-bop et cool), le New Jazz Quintet, avec Milou Struvay à la trompette. Réduit à un quartette (Robert Jeanne, Léo Flechet, Jean Lerusse, Félix Simtaine), ce groupe se maintiendra des années durant. Entretemps, Robert Jeanne participe à de nombreux festivals et tournois (Spa, Zurich, Comblain, Dunkerque, Vienne,… ). Il s’efface de 1962 à 1966 car il se lance dans la course automobile.

En 1966, il replonge de plus belle, avec son quartette mais aussi, assez régulièrement, en compagnie de René Thomas ou du trompettiste Richard Rousselet. De 1971 à 1973, il joue dans le groupe de Jack Van Poli, Cosa Nostra, avec notamment le trompettiste américain Charlie Green (prestation au Festival de Prague). En 1974, il est membre du Solis Laeus de Michel Herr. Il travaille aussi avec le pianiste flamand Koen de Bruyn (1976) et, en 1978, il se produit avec Jacques Pelzer dans la comédie musicale “No No Nanette”, au Centre lyrique de Wallonie.

Il s’intègre pendant un moment à l’Act Big Band de Félix Simtaine puis participe (1980) au groupe Saxo 1000, monté en hommage à René Thomas et Bobby Jaspar. En 1982, il forme un nouveau quartette avec Fléchet et des jeunes musiciens. En 1983, il enregistre son premier disque en tant que leader (“Second Live”) avec Léo Flechet, André Klénes et Stefan Kremer .

Peu à peu son quartet se modifie au gré du passage de musiciens tels que Pirly Zurstrassen, Erik Vermeulen, Sal La Rocca, José Bedeur, Frédéric Jacquemin. Nouveau disque en 1992, avec Mimi Verderame, Sal La Rocca (et Frédéric Jacquemin. En 1994, il entre dans le Chapuis Street Big Band et, en 1996, dans l’octet mis sur pied par Mimi Verderame, Jazz Addiction Band. En 1998, il participe au Festival de Jazz de Saint-Louis, au Sénégal, en quartet avec Mimi Verderame, Sal La Rocca et Ivan Paduart. Et, en 1999, une tournée au Nicaragua avec le même quartet. Musicien de jazz et architecte, il est l’exemple rare d’une double carrière, très riche, accomplie en professionnel exigeant.

d’après Jean-Pol SCHROEDER et IGLOORECORDS.BE 


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : transcription (droits cédés) et compilation | source : SCHROEDER Jean-Pol, Dictionnaire du jazz à Bruxelles et en Wallonie (Conseil de la musique de la Communauté française de Belgique, Pierre Mardaga, 1991) | commanditaire : Jean-Pol Schroeder | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : Jean Schoubs | remerciements à Jean-Pol Schroeder


CHABLE : Oaxaca, Issa Mexique (2012, Artothèque, Lg)

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CHABLE Thomas, Oaxaca, Issa Mexique
(photographie, n.c., 2012)

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement
à l’Artothèque Chiroux de la Province de Liège ?

Thomas Chable © contretype.org

Thomas CHABLE est né en 1962 à Bruxelles. Il étudie la photographie à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts Saint-Luc à Liège. Il voyage ensuite en Asie, en Afrique et en Europe (Mali, Burkina Faso, Tanzanie, Slovénie, Turquie orientale, Palestine,…) et livre plusieurs séries (“Odeurs d’Afrique”, “Expectative bosniaque”, “La ville en éclats” à Istanbul, “Borderline” en Palestine). En 1998, son premier livre “Odeurs d’Afrique/Scent of Africa” est publié (Contretype/La Lettre volée). Un second livre, intitulé “Brûleur” paraît en 2006 (100 Titres/Yellow Now). (d’après CONTRETYPE.ORG)

Cette photo en noir et blanc est issue d’une série réalisée lors d’une résidence à l’Institut de la culture de Veracruz (Mexique) en compagnie des plasticiens liégeois Jean-Pierre Husquinet et André Delalleau et du sculpteur Luc Navet. On y voit, dans une composition frontale, une série de portails en enfilade. Autour de ces portails, les ombres de feuillages dessinent sur un mur clair une composition pointilliste. Une forte lumière émane de l’ultime ouverture au centre de la scène, par ailleurs entièrement baignée dans un brouillard qui estompe les formes. Une atmosphère énigmatique émane de cette scène fortement évocatrice.

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Thomas Chable ; contretype.org  | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

LEDURE : Sans titre (2013, Artothèque, Lg)

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LEDURE Elodie, Sans titre
(série “Apnée”)
(photographie, n.c., 2013)

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement
à l’Artothèque Chiroux de la Province de Liège ?

Elodie Ledure © Babelio

Photographe liégeoise née en 1985, Elodie LEDURE conjugue dans son travail personnel une forte attirance pour les beautés incongrues du paysage et l’expression d’un sentiment singulier face aux volumes, au bâti, à l’environnement construit. […] Elle a résidé en Suisse et en République tchèque, tâté de la photographie de plateau et de la presse d’actualité. Exposée régulièrement en Belgique, en France (Festival Circulations), aux Pays-­Bas, elle signait en 2014 avec Apnée“, chez Yellow Now, son premier livre personnel, peu de temps après avoir achevé une imposante mission sur l’architecture à Liège (éd. Mardaga). (CONTRETYPE.ORG)

“Sous ses dehors francs, le travail d’Élodie Ledure est un labyrinthe. Il faut se donner le temps de la réflexion et tenter de trouver, dans une intuition somnambule, la clé des doutes, leur résolution paisible, le grand dehors au bout des tunnels. […] Une façon de se déceler intimement, de se rencontrer soi dans la contemplation du monde externe, dans toute la fascinante opacité de ses apparences, de ses énigmes de surface, dans l’illusion de sa profondeur – mais toujours orientée par l’appel de l’air libre.” (Emmanuel d’Autreppe)

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Elodie Ledure ; Babelio | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

GRAHAME, Robert (1940-2018)

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Robert GRAHAME est né à Liège en 1940. Dès son enfance, il se met à l’harmonica, puis monte avec son frère un trio vocal. Il découvre le jazz, notamment en fréquentant la famille de René Thomas. Vers 1954, il se produit dans différentes formations de bal comme harmoniciste, puis comme bassiste. Lors de son premier engagement important, comme chanteur, dans l’orchestre de Fernand Lovinfosse, ce dernier lui apprend les premiers rudiments de guitare.

En 1958, il rencontre Jacques Pelzer et les “modernes” liégeois et devient vite un habitué des jam-sessions. Parallèlement, il travaille comme guitariste/chanteur dans l’orchestre de Pol Baud. Il joue dans différentes formations amateurs liégeoises et se produit à plusieurs reprises au Festival de Comblain, où il est remarqué par les critiques français (cité comme révélation dans Jazz Magazine).

Par l’intermédiaire de Jacques Pelzer, il fréquente bientôt les plus grands jazzmen (Lee Konitz, Chet Baker, Bill Evans, Stan Getz… ) et jamme en leur compagnie. En 1966, il monte un quartette avec le saxophoniste Eddie Busnello. Par la suite, il se partage entre le jazz et le “métier”, la variété, travaille comme musicien de studio et compose pour des chanteurs de variété. Il garde néanmoins un contact permanent avec le jazz à travers jams et petits concerts.

Pendant les années 80, il réapparaît plus régulièrement sur les scènes jazz, s’entourant soit de ses anciens compagnons (Bedeur, Liégeois, etc.) soit des musiciens de la jeune génération. Robert Grahame fut un des artisans de la relève du Festival de Comblain pour lequel il a assuré, chaque année, la programmation. Il décède en novembre 2018.

d’après Jean-Pol SCHROEDER


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : transcription (droits cédés) | source : SCHROEDER Jean-Pol, Dictionnaire du jazz à Bruxelles et en Wallonie (Conseil de la musique de la Communauté française de Belgique, Pierre Mardaga, 1991) | commanditaire : Jean-Pol Schroeder | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : jazzinbelgium.com | remerciements à Jean-Pol Schroeder


More Jazz…

TEMOIGNAGE : Une liégeoise en juin 1940…

Temps de lecture : 7 minutes >

Yvonne (enfant) avec sa mère devant leur maison, rue Monulphe à Liège (BE)

Avant 1914, l’internationalisme avait pour chantres en Belgique des personnalités comme le prix Nobel de la Paix Henri La Fontaine et Paul Otlet, inventeur de la Classification Décimale Universelle (la CDU qui règne sur le classement des livres dans nos bibliothèques de Wallonie et de Bruxelles ; plus d’infos au Mundaneum de Mons). Ce dernier écrivait : “Il est à noter que l’internationalisme de notre époque n’est pas seulement un système idéal ; il repose sur un ensemble de réalités. Ce sont  : l’expansion de l’homme à travers toute la terre ; le réseau de communications qu’il a établi pour le transport des personnes et des marchandises ; l’économie devenue mondiale dans toutes les branches du travail, dans l’industrie, le commerce et la finance ; les sciences, les lettres et les arts constituant graduellement, de toutes les pensées nationales et ethniques, une pensée mondiale, grâce aux voyages, aux publications, aux congrès, aux expositions, enfin la formation d’unités politiques de plus en plus considérables substituant un gouvernement unifié à une infinité de souverainetés secondaires, ou fédérant les peuples par des ententes de plus en plus nombreuses et étendues“. Bref : si tu connais l’autre, tu ne lui fais pas la guerre.

En ce sens, ce qui est aujourd’hui baptisé “la crise migratoire” aurait désolé ces deux pionniers des organisations internationales. Qui plus est, on oublie souvent trop confortablement que beaucoup des réfugiés qui quittent leur pays sont en fait chassés par la guerre et que c’est une situation que nos grands-parents ont connue au quotidien, lors du dernier conflit mondial.

Le témoignage ci-dessous ne décrit pas encore de circonstances aussi horribles que celles qui ont déplacé des populations entières au Sud et à l’Est de la Méditerranée, loin de leur maison et de leurs proches. Reste que cette lettre de ma grand-mère maternelle, la liégeoise Yvonne Bertrand, à ses parents (lettre datée du 4 juin 1940, le début de la guerre en Belgique), par sa spontanéité et sa proximité, peut redonner une troisième dimension -la dimension humaine- à une représentation souvent malsaine des réfugiés, qui les anonymise, en les limitant aux deux dimensions des photos de presse, voire en les noyant dans des échantillonnages statistiques… ou dans les eaux de la Méditerranée. A qui profite le crime ? La question doit être posée chaque jour.

Patrick Thonart


4 juin 1940

Mes parents chéris,
Bon et Bonne,

Je joins une lettre aussi. J’espère que le tout vous parviendra. Je suis toujours chez ma belle-mère, car c’est trop cher de vivre chez moi avec Charlie [son fils] – Tout va très bien ici et Annie [sa future fille, Yvonne est enceinte] aussi – Je n’ai absolument aucune nouvelle de Max [son mari] mais son ami Charles *** a été descendu et est prisonnier ; peut-être saurais-je quelque chose par là – Je n’espère pas, car, au moment de la guerre, ils n’étaient pas ensemble et je ne pense pas qu’ils aient pu se rejoindre. Jean, l’aîné d’ici, est revenu, maintenant on attend Romu, qui est le plus jeune (18 ans) et qui est parti à vélo – Le ravitaillement se fait normalement ici et jusqu’à présent nous n’avons eu à souffrir de rien. J’ai mon billet de chemin de fer jusqu’à Liège, car le samedi 11 mai, j’ai voulu aller chez vous. Malheureusement, à Louvain, nous avons dû revenir à Bruxelles, parce que les voies étaient coupées.

A la première occasion, je ferai partir ces lettres ; peut-être que d’ici là, j’aurai encore beaucoup à écrire – J’espère que vous allez tous bien, je n’ose presque plus quitter la maison de peur de rater de vos nouvelles ! Que fait Papa ?

Mille baisers de Charlie et Vonnette

Yvonne chez ses parents, rue Monulphe, à Liège, avec son fils Charles et sa fille Annie (landau).

Voilà à l’instant que Ghislaine arrive – Pensez si je suis contente d’avoir de vos nouvelles – Je vais répondre en ordre à toutes vos questions. Le samedi 11 mai, j’ai voulu partir pour Liège, j’ai pris le train de 14:30 et me voilà en route avec Charlie et ma valise, jusque Louvain où le train s’est arrêté quatre fois parce que les avions bombardaient – Arrivés à Louvain, on nous apprend que la ligne a été bombardée à Tirlemont et que le train ne va pas plus loin, donc il fallait revenir à Bruxelles – A dix personnes, nous avons cherché après une auto qui pourrait nous conduire à Liège, mais il n’y a pas eu moyen de rien trouver, force nous fut de rentrer dans la gare pour Bruxelles – A peine étions-nous dans le train que l’on vient bombarder Louvain. Nous sommes restés dans l’abri jusque 21:00, heureusement, un militaire m’a aidée, tout le temps, il a porté Charlie ; enfin nous sommes partis et arrivés à Bruxelles vers minuit, je suis bien rentrée et Charlie et moi avons dormi le lendemain jusque midi, donc tout était bien, j’ai encore mon ticket, de cette façon je peux aller à Liège dès que possible.

Je n’ai aucune nouvelle de Max depuis la guerre ; le jour de la guerre, il était à la maison, car il avait réussi son examen et pouvait rester jusque la semaine suivante (mardi) à la maison – A six heures du matin, il est parti avec son ami Guy *** qui était arrivé chez nous entre-temps et, depuis, je ne sais plus rien – Je pense qu’il est parti en France, parce que son Capitaine a été conduit en France par notre voisin, et je suppose qu’ils devaient donc se réunir là-bas – Je regarde tous les jours dans les listes de prisonniers, mais je n’ai rien vu, s’il était pris, il serait inscrit, parce que un ami, Charles ***, est prisonnier et je l’ai vu sur la liste ; le garçon était à Tirlemont au moment de la guerre et il a été descendu tout de suite ; il est brûlé à la figure, aux bras et aux jambes, mais rien de grave. Demain, j’irai chez sa femme, peut-être aurais-je des nouvelles de Max.

Charlie va bien,  il a eu la rougeole et est maintenant guéri ; cela n’a duré qu’une semaine ; il trouvait très drôle d’être tout rouge. Je ne le mets plus à l’école parce que j’ai trop peur, s’il y avait une alerte, de ne pas l’avoir près de moi ; je vais promener tous les jours avec lui, comme ça il a beaucoup d’air et je l’ai toujours près de moi, c’est plus sûr. Mon oncle Paul lui a acheté 1 kg de raisins et bananes, vous pensez s’il est heureux. Il ne manque de rien – J’ai rencontré ce matin une connaissance qui m’a donné quelques objets de layette pour Annie, je suis bien contente : c’est toujours cela.

Je ne touche rien de Max. J’ai droit à cinq francs par jour de l’Assistance publique, c’est tout. Seulement Paul m’a donné, hier, de l’argent et m’a dit qu’il reviendrait dans un mois, alors, dit-il, si les trains roulent, tu iras à Liège et je te dirai comment on pourra tous s’arranger. Voilà.

Yvonne, fin des années 30

Il n’y a rien, ici, pour le transport des lettres, sauf quelques particuliers qui veulent bien s’en charger moyennant finance. Je vous renvoie le billet de 50 francs, puisque Paul m’a donné pour vivre, peut-être en aurez-vous plus besoin que moi puisque vous êtes plusieurs.

Est-ce que Gillet [wallonica : usines Gillet Herstal, fleuron industriel du bassin liégeois et fabricants de motos de 1919 à 1959, aux côtés des FN et des Saroléa] ne va pas reprendre pour le compte des Allemands ?

Pour ma part, je vais très bien et Annie aussi. Je ne sais pas si ce sera une acrobate mais je vous assure qu’elle fait de fameux exercices, elle ne reste pas une minute tranquille. L’autre jour, on demandait à Charlie où était sa petite sœur et il répond : “Annie, et bien, elle est dans mon ventre !” Certainement qu’il a entendu une conversation et qu’il l’a répétée à peu près.

Donc, si tout va bien, d’ici un mois, je serai chez vous, je vous assure que je serai rudement contente, quoique tout le monde nous gâte ici. Je crois que j’ai tout dit, avant que Ghislaine ne parte, j’aurai peut-être encore des nouvelles. Faites bien des compliments à tous et pour vous, beaucoup de millions de baisers.

Charlie et Vonnette

Encore un petit mot. Je suis allée chez les amis de Max aux nouvelles, mais je n’ai rien. Des deux aviateurs qui sont partis avec lui (Guy *** et Paul ***) on n’a aucune nouvelle. Ceux qui étaient restés en Belgique sont prisonniers ou blessés et j’ai eu de leurs nouvelles donc, je suppose que Max est en France et que c’est pour cette raison que je ne sais rien. Charlie est très, très gentil et me demande toujours si les trains sont encore cassés pour aller à Liège – Yolande va porter la lettre à Anvers, car elle en a encore d’autres pour un tas de gens – Charlie ne veut plus quitter son costume de reps bleu, car il trouve qu’il y a deux poches : il faut le voir se promener les mains en poche !

Je n’ai plus de nouvelles pour le moment – Je viens de voir dans le journal qu’un service était établi Bruxelles-Liège – Je vous envoie le journal, c’est en haut de la dernière page – Maintenant, je crois que c’est tout – Je vous embrasse tous bien fort.

Charlie et Vonnette

Tombe d’Yvonne au cimetière de Robermont (Liège, BE)

Agir encore…

ISRAEL : Forêt rouge (s.d., Artothèque, Lg)

Temps de lecture : 2 minutes >

ISRAEL Solal, Forêt rouge
(photographie, 47 x 60 cm, s.d.)

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement
à l’Artothèque Chiroux de la Province de Liège ?

Tout jeune photographe (né à Bruxelles en 1993), Solal ISRAEL a étudié la photographie à l’Ecole supérieure des arts “Le 75” à Bruxelles. Sa démarche entreprend un processus de réflexion autour de la propriété et de la lisibilité de l’image. Décliné dans ses différents projets, ce processus se présente aujourd’hui sous la forme d’une série transversale où temporalité et matière, supports et sujets, se mêlent. Depuis 2012, il a participé à de nombreuses expositions et résidences en Belgique et à l’étranger (Grèce, Equateur, Japon…).

Solal Israel aborde la photographie avec un mélange déconcertant d’exigence, de rigueur et de liberté inventive. Plusieurs séries, entamées pour la plupart dès ses études à l’ESA “Le 75”, ont pris forme au fil du temps au point de pouvoir à présent s’entrecroiser : récit autobiographique d’une rupture, chronique émouvante de la disparition de sa grand-mère, détournement de photos trouvées (…) Se révèlent aussi bien un sens à la fois classique et ludique du paysage, en tant que genre extrêmement codé, et une approche pleine de gravité du portrait. (d’après CONTRETYPE.ORG)

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Solal Israël | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

FAISANT, Raoul (1917-1969)

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Si l’on n’y prend garde le nom même de Raoul FAISANT, que d’aucuns continuent de considérer comme le père du “jazz wallon”, sera bientôt passé définitivement dans l’oubli, lui que l’on tenait dans les années quarante comme l’un des ténors européens. Sic transit gloria….

Né à Flémalle-Haute, en 1917, il s’intéresse dès son plus jeune âge à la musique. Sa famille, une modeste famille ouvrière, ne s’opposait certes pas à cette inclination précoce : au début du siècle, le grand-père de Raoul avait joué au sein du célébrissime orchestre américain de John-Philip Sousa, celui-là même qui apporta aux Belges les premiers accents de musique syncopée en 1900. A six ans, les parents Faisant offrent à leur fils des leçons de piano avec un professeur particulier. Après la flûte et le hautbois, le jeune homme finit pas adopter le saxophone, alto d’abord, ténor ensuite.

Dès 1932, il se produit dans des orchestres de bal et laisse tomber ses études. Il entre pour un temps en usine – aux Tubes de la Meuse -, pour se retrouver bientôt dans la rue, après avoir participé à un piquet de grève. Doté d’une oreille et d’un sens harmonique et mélodique peu communs, il s’est mis à jouer cette musique américaine que diffuse au compte-gouttes l ‘I.N.R. : le jazz.

Raoul Faisant écoute le jazz avec une passion qui dépasse l’intérêt superficiel que lui portent la majorité des musiciens liégeois du moment. Exception faite de Victor lngeveld, déjà parti pour Bruxelles, d’Albert Brinckhuyzen, que Faisant a entendu au sein du Rector’s Club, et puis de Bobby Naret et de Jacques Kriekels avec lequel il va vivre, en 1937, une période de service militaire dont les nuits se passeront bien souvent en jam-sessions furieuses, les premières d’une longue série.

Démobilisé, de plus en plus absorbé par la magie de l’improvisation, il devient professionnel, se produisant à Liège, soit dans les bars du Carré (L’Enfer, par exemple), soit dans des orchestres de bal, celui d’Antoine Barzazzi entre autres. Mais, il n’a pas encore trouvé d’interlocuteurs partageant sa passion pour le jazz, car au bal, on n’improvise pas. Survient alors la guerre. A Liège, comme ailleurs, c’est le début de quatre longues années d’Occupation qui, paradoxalement, vont permettre à Faisant de faire exploser toute cette musique qui est en lui.

Les années de guerre

En 1940, il est au Caveau, dans un orchestre de femmes. Dans cette ambiance soyeuse et feutrée, Faisant prouve dès cette époque qu’il est le musicien le plus authentiquement jazz de la région. S’il est conscient de ses propres progrès, il n’imagine sans doute pas qu’il est déjà devenu le modèle d’une nouvelle génération. C’est en banlieue, à Jemeppe, dans un café appelé La Redoute, qu’il va enfin se trouver pour la première fois des accompagnateurs musclés, aptes à le faire avancer dans la voie du jazz . Willy et Johnny Stoffels, deux musiciens noirs qui ont échoué dans la région, lui donnent des ailes, l’un en lui fournissant un support harmonique enfin consistant à la basse, l’autre en créant pour lui le cadre rythmique qu’aucun batteur n’avait pu lui procurer jusque là.

La Redoute devient vite le lieu de rendez-vous obligé des rares amateurs de jazz, ou de bonne musique tout simplement. C’est à La Redoute que Faisant va rencontrer celle qui sera sa compagne, Reine, saxophoniste elle aussi. Mais c’est une autre histoire. Il reste que La Redoute est le point de départ de l’escalade de Faisant vers les sommets. En 1942 et 1943, entouré de quelques solides comparses avec lesquels il forme un noyau swing des plus percutants, il va faire le tour des établissements de Liège, y semant la bonne nouvelle du jazz contre vents et marées.

Sa sonorité est déjà remarquable par son ampleur et sa puissance, jointes à des dons exceptionnels pour l’improvisation. Entretemps, les Allemands ont interdit la danse; mais cette interdiction, outre qu’elle tolère bon nombre de dérogations, n’est pas de nature à décourager ni les musiciens du noyau swing ni les danseurs. Avec son ami Roger Vrancken, guitariste d’élite, il commence à “bricoler”, cherchant les combinaisons harmoniques les mieux appropriées, les arrangements rythmiques les plus percutants, toutes ces petites choses qui transforment une chansonnette en un morceau swing ! Pendant la soirée, bien sûr, on ne joue pas que du jazz, il faut satisfaire tout le monde. Mais, malgré cela, le noyau swing, de chorus sulfureux en blues lancinants, offre aux Liégeois plus de jazz qu’ils n’en ont jamais entendu.

Outre leurs prestations professionnelles dans des établissements comme L’Observatoire, le Mondial ou L’Etage, Raoul Faisant, Jean Evrard, Roger Vrancken, Victor Baselle, bientôt rejoints par les jeunes Maurice Simon et René Thomas (quinze ans à l’époque), se retrouvent également après journée (after hours) pour des jam-sessions torrides – chez la danseuse Mary Drom par exemple. Et là, plus question de concessions ! Quelques étudiants sont parfois admis dans ces cénacles, ils ont pour noms Jacques Pelzer ou Bobby Jaspar et ils ne perdent jamais une occasion de s’enivrer de la fascinante musique nouvelle.

Faisant est aussi amené, pendant l ‘Occupation, à se produire au sein de grandes formations : il jouera occasionnellement avec Gene Dersin, dès 1942 (mais le big band de Dersin a déjà un excellent ténor soliste en la personne de Jacques Kriekels). Il travaille dans l’orchestre de Gus Deloof qui l’emmène en tournée à Bruxelles et jusqu’en France et le fait participer à quelques séances d’enregistrements. Jusque-là, tout va plutôt bien. Les choses ne se gâtent que lorsque Faisant est réquisitionné pour le travail obligatoire en Allemagne.

Il imagine alors différents stratagèmes pour échapper à l’engrenage et il finit par se retrouver, sous un faux nom, en route vers la Hollande au sein de l’orchestre d’Hubert Simplisse. Et quel orchestre ! Un simple coup d’oeil sur les membres de cette formation donne à penser que, si le leader est accordéoniste, le musette ne doit pas être la seule musique au programme : il y là, outre Raoul Faisant, le trompettiste Jean Evrard, le pianiste Maurice Simon, René Thomas à la guitare, Clément Bourseault à la basse et le batteur hollandais Henk Van Leer. A Amsterdam vont avoir lieu quelques concerts où, malgré la censure allemande (pas d’improvisation, pas de musique anglaise ou américaine), le jazz est au premier rang.

A Liège, le climat général s’est refroidi : la tension est plus forte entre occupant et occupé. Bientôt, Jean Evrard est arrêté et déporté. Faisant ralentit ses activités, il joue encore au Caveau en 1944. Enfin, les Américains arrivent. Commence alors, pour Faisant et pour le jazz tout entier, un âge d’or de quelques années. Faisant – qui vient de passer de 72 à 120 kg – semble être partout à la fois : à Liège, à Bruxelles, en tournée pour les Américains. En 1944, pour Radio Heidelberg, version U.S., il joue avec Vicky Thunus. A Bad Norheim, il retrouve Jean Evrard et, ensemble, ils entreprennent un tournée des restcamps. René Thomas, plus “reinhardtien” que jamais, les seconde la plupart du temps.

Bruxelles et l’après-guerre

En 1945, Faisant s’installe à Bruxelles. On accueille à bras ouverts celui que la presse appelle “le crack liégeois”. Lui et son épouse hébergent pendant de longs mois René Thomas et Sadi. Faisant joue au Métropole dans l’orchestre de Dersin, monté à Bruxelles lui aussi ; au Cosmopolite, dans la formation du trompettiste Joe Lenski. En 1946, les Américains font à Faisant des offres alléchantes, qu’il décline : il vient de se marier et il ne désire pas compromettre déjà ce début de vie de famille.

Entretemps, sa réputation s’est établie dans toute la Belgique et jusqu’en Allemagne – où il est classé numéro un dans différents référendums – et en France : dans le numéro huit de la revue française Jazz Hot (nouvelle série), Faisant est présenté comme “un extraordinaire virtuose du saxophone, s’exprimant aussi bien au soprano qu’au ténor et jouant remarquablement de la clarinette”. En 1947, Don Byas, classé deuxième saxophoniste après Coleman Hawkins au célèbre référendum américain “Esquire”, est à Bruxelles : lui et Faisant vont se livrer une nuit entière à un véritable “combat des chefs” dont Faisant sortira vainqueur. Il est, pense-t-on, à l’aube d’une toute grande carrière.

Pendant tout ce temps, Faisant n’a jamais perdu le contact avec Liège : il y est revenu à différentes reprises, notamment en avril 1946 pour une  monstre organisée par le Hot Club de Belgique au Mondial, jam au cours de laquelle Faisant avait partagé l’affiche avec ses anciens élèves réunis au sein des Bob Shots ! Il y était revenu également pour deux engagements importants, l’un aux Dominicains (avec d’autres élèves : Sadi, Jean Fanis, Maurice Simon), l’autre au Cotton. Il avait effectué une nouvelle tournée avec Gus Deloof. Mais, au moment de la rencontre avec Byas, les beaux jours sont presque finis pour lui et c’est définitivement, et plus en vedette, qu’il va bientôt revenir à Liège.

En effet, le jazz est à un tournant décisif de son histoire : déjà, la parole de Charlie Parker a frappé de plein fouet les jeunes Pelzer, Jaspar, Sadi, Thomas. Le grand public, qui n’avait accroché au jazz que comme à une mode passagère, sans le comprendre, s’émoustille désormais à l’écoute de rengaines pseudo-exotiques. Ceux qui veulent vivre du jazz se condamnent à la bohème ou à l’exil. Les autres arrêtent le métier ou se contraignent à jouer, de mode en mode, d’autres musiques. Faisant alternera entre ces deux dernières options, exerçant tantôt un autre métier (commerçant, cafetier), se produisant à d’autres moments dans les orchestres les plus ringards pour gagner sa vie. Mais, toujours, il parviendra à pimenter une soirée musicale fade de traits fulgurants et inattendus.

Le déclin

Pendant les années 50, il jouera dans les orchestres de Jean St-Paul, Jimmy Cordy, Maurice Bastin, Jean Sauer et bien d’autres. Malgré l’incompréhension croissante qui l’entoure (les amateurs de jazz ne jurent que par le moderne, les autres ne veulent que du cha-cha-cha puis plus tard du rock’n roll, du twist, etc.), il est toujours aussi perfectionniste. Exigeant pour lui-même, il ne l’est pas moins avec ses partenaires ou avec ses élèves. En 1957, la chance lui tend les bras une seconde fois : un organisateur de spectacles s’étant souvenu de lui ou l’ayant découvert lors d’un des rares concerts qu’il donnait encore pour des associations, lui fait signer un contrat de quatre mois pour la Finlande. Il se produira principalement à Helsinki, à la Cabane du Pêcheur, un cabaret chic pour diplomates et hommes d’affaires.

Soudain, c’est comme si tout était à nouveau possible : on lui propose un contrat pour Moscou, un autre pour Calcutta et Bombay. Mais Faisant décline, pour des raisons familiales. Dès lors, la vraie descente aux enfers va commencer. Ironie du sort, au Festival de Knokke en 1958, c’est Raoul Faisant, venu pour y gagner sa vie dans un orchestre commercial (pour la danse), qui sauvera au pied levé le concert de Coleman Hawkins, trop ivre pour pouvoir s’en sortir seul. Un moment de triomphe pour mieux replonger dans l’oubli au début de ces années 60 qui furent, pour le jazz, les plus tristes et les plus accablantes.

Pas une seule fois le nom de Faisant n’apparaîtra à l’affiche du Festival de Comblain, de 1959 à 1966. “On prenait Raoul Faisant pour un vieux con, je ne m’en mordrai jamais assez les doigts” avoue Milou Struvay, étoile montante de cette même époque. Et pendant que bons et mauvais jazzmen jouent dans le Grand Pré de Comblain, Faisant, bougon, travaille au Casino de Chaudfontaine, refusant bien souvent de se lever pour prendre un solo. Après avoir assisté, étrangement indifférent, à la révolution bop, il entend, sans les écouter vraiment, les premiers débordements free, lui qui avait sans doute été le premier musicien européen à maîtriser vraiment les harmoniques supérieurs.

En 1965, Faisant sera pour la dernière fois le héros de la fête dans cette ville de Liège qu’il n’a jamais quittée : le gala des “25 ans de jazz en Wallonie” organisé au Trocadéro, c’est un peu un hommage à celui que Nicolas Dor présente, quand il entre sur scène, comme le «père spirituel de tout le jazz wallon». Faisant prouvera ce soir-là qu’il est toujours un grand musicien : point d’orgue de cette soirée, un “Body and Soul” qui en étonna plus d’un dans la salle, où beaucoup de spectateurs entendaient le nom de Faisant pour la première fois !

Après ce dernier soir triomphal, il rentre dans l’ombre pour de bon. Et comme les juke-boxes ont remplacé un peu partout les orchestres, il connaît des jours de plus en plus difficiles. Une triste journée de 1969, il assiste aux obsèques de Maurice Simon, tué lui aussi par l’indifférence. Quelques semaines plus tard, alors qu’il joue à la frontière française – et le saxophoniste italien Gianni Basso se souvient que certains soirs, il pouvait encore jouer comme un dieu – Raoul Faisant meurt. Jusqu’à la fin, il aura combattu pour cette musique qui l’avait séduite 30 ans plus tôt. La presse locale évoquera discrètement la disparition d’un des plus grands jazzmen européens, qui ne laissa même pas derrière lui, en guise de consolation, quelques disques-témoins à la mesure de son génie.

 Jean-Pol Schroeder


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : transcription (droits cédés) | source : SCHROEDER Jean-Pol, Dictionnaire du jazz à Bruxelles et en Wallonie (Conseil de la musique de la Communauté française de Belgique, Pierre Mardaga, 1991) | commanditaire : Jean-Pol Schroeder | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : jazzinbelgium.com | remerciements à Jean-Pol Schroeder


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JANSSIS : Chien au bord de la mer (2013, Artothèque, Lg)

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JEANSSIS Jean, Chien au bord de la mer
(photographie, tirage à la gomme bichromatée, n.c., 2013)

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à l’Artothèque Chiroux de la Province de Liège ?

Jean Janssis © Le Dauphiné Libéré

Né en 1953, Jean JANSSIS est licencié en philologie romane (Université de Liège, 1975). Il s’initie à la photographie, en autodidacte, dès l’année suivante. Il passe le Jury d’Etat en photographie dix ans plus tard, mais il se définit en tant qu’artiste par une première exposition personnelle à Bruxelles, en 1980. Sa technique de prédilection est la gomme bichromatée. Comme le dit Pierre Bastin : “les photographies de Jean Janssis rejoignent l’esthétique pictorialiste. La gomme reste bien une technique de distanciation pour transformer le réel en image, une technique de dépouillement par l’évacuation d’une grande part du réel par le jeu du clair-obscur.” Jean Janssis est également professeur à l’Ecole Supérieure des arts Saint-Luc de Liège. [d’après LAGALERIE.BE]

Le rendu très singulier de cette photographie est dû à sa technique particulière : la gomme bichromatée, technique artisanale non argentique qui donne un aspect pictural à l’image. Le gros plan sur le chien et l’oblique de l’horizon créent une étrange sensation d’instabilité, de même qu’il instille une présence très forte à cette image.

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Jean Janssis ; Le Dauphiné Libéré | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

LITT : Sans titre (2016, Artothèque, Lg)

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LITT Matthieu, Sans titre
(photographie, 60 x 75 cm, 2016)

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© Matthieu Litt

Matthieu LITT (né en 1983) est un photographe basé en Belgique, dont le travail s’axe sur des projets personnels. Il a obtenu un baccalauréat en graphisme et photographie à l’ESA St Luc à Liège. En 2015, il a assisté à une masterclass de Visual Storytelling avec Alec Soth et, en 2016, il a rejoint un cours de Taiyo Onorato lors de l’ISSP (International Summer School of Photography) en Lettonie.

Matthieu Litt s’intéresse principalement à la notion de distance et comment il peut la briser et l’explorer, visuellement, en brouillant les frontières et les points de repère entre une image prise dans son environnement proche et une autre de loin. Cette image est issue de la série “17501”. Elle rend compte de la diversité que l’on peut trouver en Indonésie, où chacune des 17.501 îles de l’archipel peut s’apparenter à un monde en soi dans cette constellation.

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Matthieu Litt | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

LOGIST : La vie au lendemain de ma vie avec toi…

Temps de lecture : 3 minutes >  

 

La vie au lendemain de ma vie avec toi
ne sera pas moins douce
ne sera pas moins belle
juste peut-être un peu plus courte
peut-être aussi moins gaie

La vie au lendemain de ma vie avec toi
ne sera pas ceci ne sera pas cela
ne sera pas souci ne sera pas fracas
ne sera pas couci ne sera pas couça
ne sera pas ici ne sera pas là-bas
Ma vie sera séquelle, sera ce qu’elle sera
ou ne sera plus rien

Certains jours, par défi,
je ferai de petits voyages sur nos traces
je ferai de petits voyages sur nos pas

Et là je te ferai de petites fidélités
tant pis si tu l’apprends
si tu dois m’en vouloir
si jamais tu m’en veux de te l’avoir appris
entre ces lignes-ci

J’irai revoir des lieux que nous aimions ensemble
Je ne tournerai pas en rond

Si ça ne tourne pas rond
je prendrai nos photos
dans la boite à chaussures
sous le meuble en bois blanc
et je regarderai encore
par-dessus l’épaule du bonheur
combien tu étais belle
comment nous étions beaux

J’achèterai un chat
que j’appellerai Unchat
en hommage à l’époque où j’en étais bien sûr
incapable à tes yeux

Le thé refroidira ; personne pour le boire
L’été refleurira ; personne pour y croire

Je ne vais rien changer à l’ordre de mes livres
déplacer aucun meuble
J’expédierai nos cartes
qui disaient le destin
mais jamais l’avenir
à nos meilleurs amis
J’allongerai les jours
Je mettrai des tentures dans la chambre à coucher pour allonger
un peu également
le sommeil de mes nuits
mes nuits au lendemain de mes nuits avec toi

La vie au lendemain de ma vie avec toi
je la veux simple et bonne
je la veux douce et lisse
comme le plat d’une main qui ne possède rien
et ne désigne qu’elle.

Karel LOGIST , Si tu me disais Viens (2007)


LOGIST Karel, Si tu me disais Viens (Bruxelles : Editions Ercée, 2007)

Un livre-sésame, un livre-talisman. Il lève le voile sur un art d’aimer contemporain, littéral et pudique, quotidien et secret. Pas de pathos, loin de là. Une manière sobre de gérer ses blessures, de les négocier comme on dit aujourd’hui, où tout, paraît-il, se négocie, même la perte de la prunelle de ses yeux. Faillite d’un amour, déréliction, lente remontée à la surface du goût à la vie, premières brasses et embrasses dans la confiance affective retrouvée. Karel Logist est le chantre en demi-teinte des petits matins paumés, où les besognes des techniciens de surface sont de pauvres consolations au sentiment d’avoir le cœur en serpillière. Il parle de la vie devenue séquelle d’une vie rêvée que l’on croyait exaucée. De la solitude qui est la rançon des envolées que leurs extases n’empêchent pas de se fracasser. Le poète a l’air de composer des rengaines, du Léo Ferré revu par Florent Pagny puisqu’il les cite, mais il compense la musique absente par une fabuleuse maîtrise du style, qu’exaltent les images banales, que rythment les cadences cassées. Miles Davis, mais au petit matin, sur les bords de la Meuse, à la hauteur de l’île Monsin… Un grand poète s’adresse à tous, sans se renier. Cela n’arrive pas tous les jours. Qu’on se le dise.” [Jacques De Decker, Le Soir, 30 mars 2007]


Karel LOGIST est né le 7 juillet 1962 à Spa, en Belgique francophone. Depuis son premier recueil Le séismographe, en 1988, il a publié une douzaine de livres chez différents éditeurs (Les Eperonniers, l’Arbre à paroles, Le Cherche-midi, Ercée ou La Différence). Plusieurs ont été distingués (prix de la revue [vwa], prix Robert Goffin, prix Marcel Thiry, prix du Parlement de la Communauté française, etc.). Documentaliste à l’Université de Liège depuis vingt ans, il mêle à l’écriture de ses carnets de doute, en prose comme en vers, l’air et l’écho du temps qui passe. Sa poésie raconte qu’il apprécie les gens, la mer, l’humour, l’enfance et le soleil. Parce qu’il aime aussi le mouvement, la rencontre et les écrivains, Karel Logist est avec Serge Delaive, Marc Lejeune, Carl Norac et Gérald Purnelle, un des moteurs du collectif littéraire Le Fram.
Dernièrement, l’éditeur Le Castor Astral a publié Tout emporter, une anthologie personnelle (1988-2008) qui lui a valu l’improbable prix François Coppée de l’Académie française… Logist est également critique littéraire, nouvelliste et animateur d’ateliers d’écriture poétique. Par-dessus tout, Karel Logist déteste la routine, faire des choix et savoir de quoi demain sera fait.” [Maison de la poésie d’Amay]

Pour mieux connaître Karel LOGIST, visitez son site et lisez la présentation complète du poète, par son ami Gérald PURNELLE…


Lire encore…

MAHOUX : Kaboul (2010, Artothèque, Lg)

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MAHOUX Paul, Kaboul
(impression numérique, 50 x 50 cm, 2010)

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Paul Mahoux © Fluxnews

Paul MAHOUX (né en 1959) est peintre. “Son œuvre se singularise par ses “journaux surmodelés” ; la presse est le matériau principal à partir duquel se créent ses peintures, manière de relier les soubresauts du monde et la perception intimiste qu’il a de ces événements. Il a également entamé un travail original de dialogue artistique avec le poète et romancier Pascal Leclerc matérialisé par les ouvrages inclassables “Vous êtes nous serez vous sommes” et “Septièmes Ciels”. Il est responsable de l’atelier d’illustration à l’Académie des Beaux-Arts de Liège.” (Art&Fact n° 31,2012, “Les années 1980 à Liège : art et culture”, p. 54).

Cette scène de guerre en Afghanistan fait partie d’une série intitulée “Le Chemin de croix” (2011), qui reprend des photos “surmodelées”, c’est-à-dire sur lesquelles l’artiste a redessiné. “Travaillant sur les quatorze stations en noir et blanc, Paul Mahoux a éprouvé le désir de faire coïncider un travail expérimental d’impression à celui d’une transformation de l’image. Sans dévoiler ici le processus complet du travail, disons qu’il s’agissait de mixer l’impression sur papier gris sombre et la présence de la gouache blanche, puis de moduler par infographie les densités de contrastes, la profondeur des noirs, avant de déterminer un format qui supporterait l’agrandissement.” (Alain Delaunois, Flux News n°66, p.21)

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Paul Mahoux ; Fluxnews | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

HOUBEN, Steve (né en 1950)

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Steve Houben, avec le Rhoda Scott Quartet (2016) © Jean-Louis Piraux

Steve HOUBEN est né à Liège, le 19 mars 1950 dans une famille de musiciens (une mère pianiste classique, un père jazzman amateur et un cousin qui se trouve être un des géants du jazz belge, Jacques Pelzer). Houben commence par tapoter sur le piano de la maison, puis se met à l’étude de la flûte traversière à l’âge de douze ans. Il chante aussi (son idole est alors Frank Sinatra !) dans un petit orchestre amateur. Bientôt, il découvre le jazz.

A l’âge où les adolescents de cette époque écoutent les groupes pop, Steve Houben se plonge dans l’univers de Chet Baker, Gerry Mulligan, Lee Konitz, Ray Charles. Il décide de faire plus ample connaissance avec son illustre cousin. C’est au Jazz Inn, à Liège, en 1966, qu’il entend pour la première fois le quartette Thomas-Pelzer. C’est le coup de foudre, tant pour la musique elle-même que pour ce milieu jazz qui le fascine d’emblée. Dès ce moment, il commence à fréquenter la maison du Thier-à-Liège où l’attendent les rencontres les plus colorées et les plus passionnantes. Pendant l’hiver 1968-1969, Steve Houben accompagnera son cousin à Paris, il y rencontre Archie Shepp, Ornette Coleman, Cal Massey, la crème des musiciens free américains.

C’est donc baigné de free-jazz (Pelzer lui-même donne dans la “New Thing” à cette époque) qu’il rentre à Liège. Et quand son cousin lui prête son saxophone en plastique (la grande mode à l’époque), c’est tout naturellement en jouant ce type de jazz éclaté qu’il va faire ses débuts au saxophone. li décide d’approfondir ses connaissances musicales et entre à cette époque au Conservatoire de Verviers où il décroche, quelques années plus tard, un premier prix de flûte et de musique de chambre.

Entretemps, lassé du free, il s’est remis à écouter les musiques les plus diverses, passant des nuits entières avec Guy Cabay à s’imprégner bien entendu de jazz mais aussi de musique technique, de musique classique, de soul music, etc. Il découvre également le jazz-rock de Weather Report. C’est du brassage de ces diverses influences que va naître le premier groupe important auquel va participer Houben : Open Sky Unit, qui démarre fin 1973. Autour de Steve Houben et de Jacques Pelzer, on trouve quatre musiciens de la jeune génération : Guy Cabay (vb), Janot Buchem (b), Micheline Pelzer (dm) et le pianiste américain Ron Wilson.

L’ère des jams est passée et Open Sky Unit est un groupe fixe, sérieux, qui prend le temps de mettre en place un répertoire de compositions originales (de Ron Wilson surtout). Le groupe – auquel se joint quelquefois le percussionniste Papa Oye Mc Kenzie – tiendra plus d’un an, une performance pour un orchestre jazz à cette époque. C’est avec O.S.U. que Steve Houben effectuera ses premières tournées (notamment en Tunisie) et enregistrera son premier disque. A la dissolution de l’orchestre, il monte avec Guy Cabay un nouveau groupe, orienté cette fois vers l’univers des standards : Merry-Go-Round.

A l’époque, Houben pense surtout à apprendre encore et encore. Le 31 décembre 1975, il s’envole vers les USA afin d’y suivre les cours du fameux Berklee College of Music, considéré alors comme le nec plus ultra de l’apprentissage du jazz. Boston sera pour lui l’occasion non seulement d’étudier (essentiellement l’arrangement et la composition) mais aussi de jammer, tous les soirs, en compagnie de dizaines de musiciens venus de tous les horizons. C’est avec quelques-uns d’entre eux qu’il monte le groupe Solstice, avec lequel il revient en Belgique en 1977. On y trouve trois musiciens belges : Michel Herr (p), Janot Buchem (b) et Steve Houben, et trois Américains : John Thomas (g), Eddie Davidson (dm) et Greg Badolato (ts, ss). Avec eux, Houben enregistre au studio Dickenscheid son premier album en tant que leader, invitant même Chet Baker en personne à se joindre au groupe pour un des morceaux.

Après une série de concerts en Belgique et en Hollande, Houben et Badolato repartent pour Boston. Nouvelles leçons (il aura notamment l’occasion d’étudier avec Michael Gibbs, Herb Pomeroy, Steve Grossman, etc.), nouvelles jams (notamment en compagnie du guitariste Mike Stem, encore inconnu à l’époque, et d’aînés comme George Coleman) et nouveau retour au bercail en 1978 avec un groupe constitué cette fois de 80 % d’Américains : il s’agit de Mauve Traffic où l’on retrouve Houben et Badolato entourés du bassiste Kermit Driscoll, du batteur Vinnie Johnson et de Bill Frisell, qui deviendra par ses idées nouvelles un des grands noms du jazz des années 80.

Mauve Traffic connaîtra un succès considérable, succès personnel aussi pour Steve Houben. Le groupe propose un jazz fortement coloré de funk, inspiré de la musique des Brecker Brothers, une musique pleine de punch et d’énergie qui va séduire toute une frange nouvelle du public, hostile au jazz jusque là. Le groupe se maintiendra pendant deux ans environ, avec quelques interruptions et quelques renforts : Michel Herr ou Denis Luxion, par exemple. Entretemps, en 1979, Houben a mis à profit son expérience des écoles de jazz américaines pour créer, avec Henri Pousseur, le Séminaire de Jazz du Conservatoire de Liège, une première en Belgique. Les premiers instructeurs du Séminaire seront d’ailleurs les musiciens de Mauve Traffic, Steve Houben se réservant les cours de saxophone et d’harmonie.

Steve Houben et Jean-Pierre Froidebise © Foyer culturel de Sprimont

Parallèlement à cette activité pédagogique, il entamera, après Mauve Traffic, une période free-lance qui va asseoir sa réputation, non seulement en Belgique mais à l’étranger. Il se produit simultanément dans une multitude d’orchestres belges : Saxo 1000, Act Big Band, Rousselet Quintet (tournée en Afrique), New Bop Friends, Lemon Air, Tenth Gate, etc. Hors de Belgique, il joue dans le Big Band de Peter Herboltzheimer, dans l’orchestre de l’U.E.R. dirigé, à Londres, par Kenny Wheeler, à Prague aux côtés du pianiste Emil Vicklicky, en Tunisie avec Safi Boutella, etc. C’est pendant cette période d’activité intense qu’il enregistre un superbe LP en compagnie de Chet Baker, et que, à l’autre bout du spectre, il pratique une musique plus expérimentale en duo avec Bill Frisell à Paris, ou avec Garett List à Liège et Bruxelles.

A l’occasion, il reforme l’un ou l’autre quartette éphémère à son nom mais il faut attendre 1983 pour le retrouver au centre d’un projet personnel d’envergure : Steve Houben+Strings apparaît d’ailleurs comme l’événement de cette année 1983. Ce vieux rêve de presque tous les solistes de jazz – se faire accompagner par un orchestre à cordes – Steve Houben le réalise avec, d’une part les pianistes/compositeurs Michel Herr et Dennis Luxion, le vibraphoniste Guy Cabay, le bassiste Michel Hatzigeorgiou et le batteur Mimi Verderame, et d’autre part, un ensemble de 14 violons et violoncelles dirigés par Georges Elie Octors. L’entreprise est couronnée de succès, et ce, auprès d’un public assez large, ce qui achève de faire de lui un des seuls musiciens de jazz belges dont le nom soit connu au-delà du cercle des aficionados.

Steve Houben © lesfestivalsdewallonie.be

Bientôt, il commence à travailler en duo avec le pianiste Charles Loos, produisant un jazz de chambre intimiste qui lui aussi séduira un large public. Houben fréquente également avec régularité les studios d’enregistrement, s’y affirmant tantôt comme un bopper averti (Houben/Herr meets Lundy/Washongton), comme un partisan de l’aventure musicale (B. Mottart : Weirdo’s Dance) ou comme un défenseur de l’esthétique européenne (Juvia de Diederick Wissels, Paolo Radoni, etc.). Il accompagne les chanteuses Maurane (Trio Houben/Loos/Maurane) et Viktor Laszlo puis, en 1986, il se lance dans un nouveau méga-projet : Cocodrilo concrétise son désir de se frotter aux synthétiseurs. Avec les claviéristes Olivier Truan (Suisse) et Diederick Wissels et de nouveau Hatzigeorgiou et Verderame, il met au point un répertoire soigné et policé, reposant sur une infrastructure électronique sophistiquée où l’improvisation n’a pour ainsi dire pas de place. Cocodrilo, qui avait tout pour plaire aux amateurs de fusion, n’eut cependant pas le succès escompté ; Houben doit annuler une tournée au Japon et il revient bientôt à une formule plus traditionnelle.

En 1987, il monte un des meilleurs groupes qu’il ait jamais eu jusque là : avec Diederick Wissels au piano (acoustique cette fois), Hein Van de Geyn (le prodigieux bassiste hollandais) et le jeune batteur Dré Pallemaerts, il produit une musique néo-bop de haut niveau. En tant que soliste, il est désormais un des seuls spécialistes européens de la flûte (avec Nicolas Stilo et quelques autres) et remarquable par un phrasé hérité de Parker via Cannonball Adderley, mais actualisé d’une façon européenne et déjà très personnelle. On le retrouve encore dans diverses combinaisons en compagnie du pianiste français Michel Graillier, puis aux côtés du trompettiste yougoslave Dusko Goykovich, du contrebassiste italien Ricardo Del Fra et du batteur américain Al Levitt, pour l’enregistrement d’un très bel album de standards encore inédit à ce jour. Fin 1988, après un engagement à Bangkok avec Jacques Pirotton, Sal La Rocca et le jeune batteur américain Rick Hollander, il est invité, signe de reconnaissance suprême, à se produire dans le big band de Gerry Mulligan.

d’après Jean-Pol SCHROEDER

“An American Songbook” © orcw.be

A l’occasion de l’année Adolphe Sax, en 1994, Steve Houben a enregistré “Steve Houben invite…” avec un septet comprenant 4 saxos. Il a également enregistré avec le Pirotton/Houben/Pougin Trio ainsi que d’autres groupes dont il est le leader. Il apparaît notamment aux côtés d’Ivan Paduart dans True Story.

En 2000, Steve Houben reçoit le “Django d’Or” du jazz belge. En février 2001, Toots Thielemans l’invite à ses côtés au Théâtre de la Monnaie, à l’occasion de sa “carte blanche”. En compagnie de Michel Herr, de la soprano Julie Mossay et de l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie, il crée le projet “An American Songbook”. Steve Houben est élu à l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique en mai 2010. En 2016, il reçoit le titre d’officier du Mérite wallon.

Steve Houben a également toujours manifesté un grand intérêt pour les musiques du monde. Avec Alain Pierre, il est notamment membre du groupe belgo-tunisien Anfass, avec lequel il a enregistré et joué de nombreux concerts en Europe et en Tunisie. Il a également formé, avec le percussionniste Didier Labarre, le groupe Cuban Breeze. Son travail avec le groupe Panta Rhei ou avec le compositeur brésilien Marito Correa sont d’autres exemples de son ouverture vers d’autres styles musicaux.

d’après JAZZINBELGIUM.BE


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : transcription (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org | source : SCHROEDER Jean-Pol, Dictionnaire du jazz à Bruxelles et en Wallonie (Conseil de la musique de la Communauté française de Belgique, Pierre Mardaga, 1990) | commanditaire : Jean-Pol Schroeder | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : Jean-Louis Piraux ; Foyer culturel de Sprimont ; lesfestivalsdewallonie.be ; orcw.be | remerciements à Jean-Pol Schroeder


More Jazz…

JACQUES : Sans titre (Grand bestiaire) (2007, Artothèque, Lg)

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JACQUES Benoît, Sans titre (Grand bestiaire)
(gravure couleur, 31 x 45 cm, 2007)

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Benoît Jacques en 2019 © La Montagne

Multidisciplinaire, Benoît JACQUES (né en 1958) publie depuis 1989 (dessin, écriture, papier…), dessine pour la presse anglaise et française et développe un travail artistique. Il fonde sa propre maison d’éditions, Benoît Jacques Books. En 2012, il a obtenu le Grand Prix Triennal de littérature de jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’illustration l’a amené à la pratique de la gravure, la linogravure, dans un premier temps et la lithographie comme en témoigne sa collaboration avec Bruno Robbe en 2007. Le bestiaire compte parmi les thèmes de prédilection de son monde imaginaire.

L’œuvre fait partie d’une suite d’estampes sur le thème du bestiaire. Parmi le cheval, la vache, l’oiseau, etc., voici le chat. Le changement d’échelle entre l’animal et l’homme, la différence de couleur et d’aplat (l’animal semble inscrit dans la scène par transparence) nous questionne sur la nature animale (un esprit en nous ? un monstre – au sens d’une étrangeté ?). Ce chat est définitivement différent des objets humains qui l’entourent. Le traitement n’est pas sans rappeler l’art ethnique ou l’art brut.

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Benoît Jacques ; La Montagne | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

HOUCMANT : Sans titre (1987, Artothèque, Lg)

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HOUCMANT Pierre, Sans titre
(série “Interversions”)
(photographie, 50 x 40 cm, s.d.)

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Pierre Houcmant © Dominique Houcmant "Goldo"

Pierre HOUCMANT (1953-2019) s’inscrit à 19 ans à l’Institut Supérieur des Beaux-arts Saint-Luc de Liège, où il suit les cours du photographe Hubert Grooteclaes jusqu’en 1974. La photographie commerciale ne le séduit guère. Seule la photographie créative l’attire. Occupé par une série qu’il a nommée “Interversions”, il expose beaucoup à l’étranger. Toutefois, la fréquentation de plasticiens influencés par Marcel Duchamp fait basculer ses intérêts vers des réalisations où le concept prime sur l’émotion. Au début des années 1990, il s’intéresse à l’image du corps qu’il fragmente. Parallèlement, il réalise une série de portraits d’écrivains.

Cette photographie fait partie de la série “Interversions”. Elle présente des portraits de femmes fragmentés, reliés à des éléments plastiques. La poésie de la composition laisse au regardeur le soin d’imaginer une narration ou la rêverie de la contemplation. C’est un tirage argentique sur papier baryté.

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Pierre Houcmant ; Dominique Houcmant “Goldo” ; Tristan Discry | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

WUIDAR : Sans titre (1987, Artothèque, Lg)

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WUIDAR Léon, Sans titre
(série “Sept abstraits construits”)
(sérigraphie, 62 x 52 cm, 1987)

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Léon Wuidar © Librairie Pax

Léon WUIDAR (né en 1938) est un artiste multiple : peintre, graveur, dessinateur, illustrateur de livres… Très attiré par l’architecture, persuadé de la complicité entre l’architecte et le plasticien, il réalise de nombreuses intégrations pour divers édifices publics (restaurant universitaire du Sart-Tilman, lambris émaillés au CHU à Liège et dans une crèche à Paris, grille en façade du Centre administratif du MET à Namur…). Si les compositions de Léon Wuidar reposent sur l’ordonnance des formes géométriques, des lignes et des couleurs, leur structure interne est stimulée par une dynamique empruntée aux jeux de mots (le cadavre exquis le passionne), aux jeux de formes (le Tangram chinois, les anciens almanachs sans textes), à la conception d’objets de tradition artisanale. (d’après MUSEEROPS.BE)

Sérigraphie issue d’un recueil collectif intitulé “Sept abstraits construits” rassemblant des estampes de Marcel-Louis Baugniet, Jo Delahaut, Jean-Pierre Husquinet, Jean-Pierre Maury, Victor Noël, Luc Peire et Léon Wuidar (imprimeur et éditeur : Heads & Legs, Liège). Lors de sa parution, en novembre 1987, le recueil complet fut présenté à la Galerie Excentric à Liège dans le cadre d’une exposition intitulée “Constructivistes Belges”. (d’après CENTREDELAGRAVURE.BE)

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Léon Wuidar ; Librairie Pax | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

WESEL : J’ai pas besoin d’un titre ! J’ai besoin d’une pensée (s.d., Artothèque, Lg)

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WESEL T., J’ai pas besoin d’un titre ! J’ai besoin d’une pensée
(sérigraphie, 30 x 70 cm, s.d.)

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© Thierry Wesel

Thierry WESEL est né en 1959 à Gemena (Congo-RDC). Après des études en Histoire de l’Art et Archéologie à l’Université de Liège, il réalise plusieurs scénographies pour le Théâtre de la Cornue à Liège de 1987 à 1989. D’autre part, il suit pendant quatre ans le cours de sérigraphie de Fernand FLAUSCH à l’Académie royale des Beaux-Arts de Liège

Créateur d’atmosphères étranges, il recompose les architectures existantes par l’emploi de couleurs vives en contraste avec des tons sombres.” [Centre de la gravure]

“Dans La Poétique, Aristote remarque “la poésie est plus philosophique et plus noble que la chronique : la poésie traite du général, la chronique du particulier.” L’art de Thierry Wesel nous parle – avec humour parfois, avec lucidité toujours – du temps qui passe, de ce qu’il transforme, de ce qu’il laisse, de ce qu’on oublie. Un fragment, le commun du quotidien, l’insignifiant, saisi par la sélection du cadrage, altéré par les sortilèges acidulés de la sérigraphie, nous apparaît alors, grâce à lui, dans toute son évidence. [Philippe Delaite]

Cette sérigraphie est imprimée à partir d’une photographie réalisée en banlieue liégeoise. L’artiste met en avant un décor urbain assez banal et terne, les véhicules à l’avant plan semblent tout droit sortis des années 80. Le titre, ou sous-titre, nous renvoie par sa forme à une production télévisuelle.

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Thierry Wesel | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

CHARLIER : The Belgian Effect (2003, Artothèque, Lg)

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CHARLIER Jacques, The Belgian Effect 
(impression offset, n.c., 2003)

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Jacques Charlier © Jasmine Van Hevel

Dès le début de sa carrière, Jacques CHARLIER s’inscrit  dans les grands mouvements des années 1960, dont le Pop Art.  Avec Marcel Broodthaers, il fréquente les galeries belges les plus en vue, imprégnées d’art minimal et conceptuel. Dès 1975, Charlier continue sa carrière seul.  Il interroge et remet en question  avec humour le système de l’art. Il s’approprie tous les médias : la peinture, la photographie, l’écriture, la BD, la chanson, l’installation. Il se met en scène en personnage flamboyant et joue avec les codes de la publicité et des médias. (d’après MAC-S.BE)

Cette affiche met en scène une pin-up habillée en écolière arborant un pinceau et une palette de couleurs, qui pose fièrement devant son tableau. L’image se présente comme une caricature de publicité. Elle est réalisée en 2003 pour une exposition à la Neuer Aachener Kunstverein à Aachen. The Belgian Effect, “l’effet belge”, c’est celui provoqué par cette mise en abyme ironique d’une authentique peinture de Jacques Charlier représentant … Jean-Claude Van Damme et intitulée “Be aware”, slogan du célèbre acteur. La photographie a été réalisée par Laurence Charlier.

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BAKARI : Mélodie (2019)

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© konbini.com

Il n’y a pas de fumée sans beuh…

“Né durant un été de l’année 1996 au Congo, de deux parents d’origine burundaise, Bakari est l’aîné d’une famille de deux enfants. Arrivé en Belgique à l’âge de 7 ans, il est tout de suite baigné dans la musique grâce à ses parents qui laissent tourner les CD de Bob Marley et Koffi Olomidé dans leur modeste appartement.

C’est à l’âge de 10 ans que Bakari tombe littéralement amoureux du rap en découvrant le morceau N°10 du rappeur Booba. Il joue alors le morceau à longueur de journée, plus tard, il devient fan d’artistes tels que 50 Cent, Nas, ou encore T.I. qu’il écoute en boucle.

J’ai tout écouté. Du rap, du blues, de la pop, du R’n’B, de la variété française et même du rock. Petit, j’ai été bercé par la rumba et autres musiques d’Afrique Centrale qui tournaient en boucle à la maison. J’ai découvert le rap un peu plus tard avec 50 Cent.

Il commence à gribouiller ses premiers textes à l’âge de 14 ans et rentre en studio un an plus tard sans jamais prendre la musique au sérieux. Ce n’est qu’en 2015, et bien des morceaux plus tard, qu’il commence à prendre la musique au sérieux, encouragé par ses amis d’enfance. Durant l’été 2014, il donne une performance assez énergique lors de la première partie du rappeur Gandhi (aujourd’hui G.A.N). C’est à la fin de cette scène qu’il eut la révélation et qu’il se dit pour la première fois que c’est ce qu’il veut faire de sa vie.

En 2016, le jeune artiste décide de former le duo Nü Pi avec le rappeur liégeois Obeeone. Cependant, après plusieurs morceaux en ligne ainsi que plusieurs scènes, Bakari ressent le besoin de retourner seul en studio et de retrouver la fougue qui le caractérisait et qui faisait qu’il était tant apprécié.

Tapi dans l’ombre et n’ayant d’autre compagnon que son inspiration et sa musicalité, il s’est ensuite isolé pour préparer son come-back à l’abri des regards.” [d’après MYCOURTCIRCUIT.BE]

En 2019, il sort Mélodie dont le clip officiel est réalisé par Adrien Döminique Cronet, qui avait déjà réalisé la vidéo de lancement de quatremille.be


Plus de scène…

THOMAS, René (1926-1975)

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René Thomas  © Jo Verthe

René Thomas est né le 25 février 1926 à Liège. A l’âge de la maternelle, il joue de la batterie dans une sorte de café-concert de la région liégeoise, avec pour partenaire et imprésario son propre père. Quelle que soit la part de légende, cette anecdote a au moins le mérite de situer d’emblée Thomas dans le clan qui est le sien : celui des enfants de la balle (même si ses parents ne sont nullement des “artistes” au sens habituel du mot : son père s’occupera de longues années durant d’une fabrique de sacs en toile de jute).

Les débuts

Attiré très tôt par l’univers des cordes, il subtilise régulièrement la guitare d’un jeune Italien qui vient courtiser sa sœur aînée. De bon cœur, celui-ci lui apprendra quelques accords de base, ceux qui suffisent à accompagner une chansonnette. Thomas aurait pu en rester là mais, au cinéma de quartier où il se rend le dimanche après-midi, il dévore des yeux les “Broadway Melodies” américaines qui, très tôt, le sensibilisent à la musique swing et au jazz. Qui dit jazz et guitare dit immanquablement, à l’époque, Django Reinhardt. Et René Thomas entreprend le travail titanesque devant lequel reculent presque tous les guitaristes professionnels : reproduire d’oreille les chorus de Django ! Il fait alors la rencontre de deux guitaristes liégeois, Léon Lani et surtout Roger Vrancken, futur compagnon de Raoul Faisant et qui, à l’époque, joue dans l’orchestre de Gene Dersin. “After you’ve gone” et “Sweet Sue”, version Reinhardt, sont les premiers standards (les “saucissons” comme on les appelait alors) auxquels il se frotte.

Au début de la guerre, Lani s’engage pour un gala, dans le quartier dit de la Bonne Femme. C’est là qu’aux côtés de Lani et de la chanteuse Mary Drom, René Thomas donne sa première prestation publique. Au milieu d’un programme genre salade mixte – une pièce classique, une chanson, un air d’opérette, un fox-trot, etc. – il se lance dans un intermède de “jazz pur” qui fait tendre l’oreille à plus d’un spectateur. Il est à son affaire. Il sait que sa place est là plutôt que sur un banc d’école. N’ayant de toute manière qu’un intérêt très relatif pour les études, il décide de devenir musicien professionnel.

Il rencontre bientôt Maurice Simon, un autre enfant prodige, pianiste celui-là, qui joue d’oreille comme lui, avec un sens déjà aigu de l’improvisation. Les deux gavroches mettent quelques morceaux au point et quand Raoul Faisant, alors en passe de devenir LE musicien swing liégeois, les entend, il leur propose aussitôt un engagement à l’Observatoire, un des deux principaux laboratoires du jazz à Liège sous l’occupation. Nous sommes en 1942, René Thomas a quinze ans… Vraisemblablement introduit par Faisant, Thomas entre ensuite dans les orchestres de Gus Deloof puis de Gaston Houssa. En 1943, toujours aux côtés de Faisant, il enregistre une série de disques pour la firme Olympia, dans l’orchestre de l’accordéoniste Hubert Simplisse. Tous ne seront pas publiés et, de toute manière, il ne s’agit que de documents anecdotiques sans grande consistance sur le plan du jazz.

Autrement intéressants sont les enregistrements que le même groupe, à peu de choses près (sans le leader et avec Maurice Simon au piano), réalise aux Pays-Bas quelques mois plus tard. Faisant a eu du mal à convaincre les parents Thomas et les parents Simon de laisser leur progéniture partir sur les routes, en pleine guerre, avec des musiciens… Tout s’est finalement arrangé et tous les soirs, en alternance avec le programme de variété que propose Simplisse, le public hollandais peut entendre Raoul Faisant, Jean Evrard, René Thomas, Maurice Simon, Clément Bourseault et Henk van Leer dans une “exhibition de jazz pur” qui, bien souvent, dépasse de loin le temps généralement imparti à ce genre d’attraction.

Les chorus de René Thomas, à l’époque, sont évidemment fortement influencés par la musique de Django Reinhardt. Le jeune Thomas rencontre son idole et les deux guitaristes sortent leur instrument. Quand Thomas rentre à Liège, il a, dans l’étui de sa guitare, une photo sur laquelle Django, en guise de dédicace, a inscrit (avec une conception assez personnelle de l’orthographe) : “Au futur Django belge” ! Rencontre unique de deux êtres ne vivant que pour et par la musique, hors des normes et des usages, ne comptant que sur leur oreille pour produire une musique profondément harmonique et mélodique. En effet, à cette époque, René Thomas est un excentrique au sens étymologique du terme. Son comportement, bien souvent, étonne, choque. Il y aurait un livre à écrire à partir des 1001 anecdotes, drôles ou moins drôles, tendres ou cruelles, qui se racontent à propos du seul guitariste au monde qui, pour répéter, ne trouvait l’acoustique idéale et l’inspiration optimale que dans… son W.C. !

L’après-guerre

A la Libération, il peut déjà être considéré comme un des meilleurs guitaristes belges. Il participe à l’explosion musicale qui suit l’arrivée des Américains. Avec Faisant et Evrard, il entreprend la tournée des “restcamps” en Belgique et en Allemagne. Dans son propre quartier (le Longdoz), un local a été réquisitionné pour servir de club à l’usage des Noirs. René Thomas aura toujours le don de s’infiltrer là où il y a de la musique. Il devient un habitué de cet endroit privilégié, théâtre de quelques jams étonnantes. Est-ce dans ce club qu’il rencontre James R. Wilson et Ralph Sandige ? Toujours est-il qu’en leur compagnie, il franchit, un après-midi, la porte du studio de “Liège-Expérimental” afin de graver quelques acétates qui constituent le premier témoignage consistant (en tout cas tant que les enregistrements hollandais n’ont pas été retrouvés) de sa première “manière” strictement reinhardtienne.

A Bruxelles, où il loge chez Raoul et Reine Faisant, en compagnie de Sadi, il travaille au Métropole, à la Malmaison, à l’Heure Bleue, … Le trio rentre ensuite à Liège et Thomas est engagé dans l’orchestre de Gene Dersin. Nous sommes en 1947 et la grande époque de Dersin est derrière lui. De toute manière, René Thomas n’est pas vraiment à sa place dans un big band de ce type, qui ne lui laisse guère de place pour s’exprimer en soliste. Il décide alors de former son propre trio. Il engage pour cela deux jeunes musiciens liégeois, le pianiste Léo Flechet encore débutant et le batteur José Bourguignon. Formule orchestrale inhabituelle entre le trio à la King Cole (g, b, p) et le trio aujourd’hui classique (g, b, dm). Formule que l’on imagine mal, maintenant que la basse est devenue la base même de l’harmonie et de la régularité rythmique et joue donc un rôle mélodique très important. Avec ce trio, René Thomas grave quelques acétates. Quoique le soutien de ses jeunes compagnons soit plutôt approximatif, on y entend déjà l’émergence d’une personnalité et d’une sonorité qui se révéleront inégalables.

Robert Jeanne, René Thomas, Jacques Pelzer © Jazz Around

En 1947, il ne connaît évidemment pas Jimmy Raney et il y a peu de chances qu’il ait entendu Billy Bauer. Et pourtant, par delà les bases reinhardtiennes, son phrasé sonne déjà “moderne” ! Tandis que le trio tourne pour les Américains, René Thomas joue encore épisodiquement avec Faisant, mais, comme son style s’éloigne de Django, lui-même se détache de son maître. Il y a à Liège, à cette époque, un orchestre d’étudiants qui l’intéresse davantage : élèves de Faisant comme lui, Bobby Jaspar et Jacques Pelzer (qu’il a déjà croisé à l’une ou l’autre reprise lors des jams organisées par son amie Mary Drom dans le grenier de ses parents) sont en train de faire des Bob-Shots un des meilleurs orchestres belges et, surtout, le premier orchestre be-bop européen.

A leur contact, Thomas découvre lui aussi la nouvelle musique, qui le subjugue aussitôt. Jaspar et Pelzer sont, quant à eux, proprement sidérés par l’aisance avec laquelle René retrouve d’instinct les harmonies sophistiquées du bop. Et une complicité s’installe aussitôt entre les deux étudiants et leur nouveau partenaire. Cependant, René Thomas ne fera jamais partie intégrante des Bob-Shots, ceux-ci ayant leur propre guitariste, Pierre Robert, le leader du groupe. Néanmoins, Robert, bon prince, l’invite régulièrement à monter sur la scène pour le remplacer pendant quelques morceaux. Ce sera particulièrement vrai à l’époque de l’Océan : Jaspar, Thomas et Pelzer vont désormais former une espèce de trilogie, symbolique du jazz liégeois, symbolique également du changement radical qui affecte le métier de musicien de jazz à cette époque.

Un soir de 1948, Carlos de Radzitsky décide de réunir à Bruxelles, autour de Django Reinhardt de passage en Belgique, les trois guitaristes de pointe du jazz belge : Pierre Robert, Toots Thielemans et René Thomas. Premier concert de prestige à une époque-charnière où le jazz va subitement changer de statut. Entre-temps en effet, le grand public, qui n’avait accroché au jazz que de manière très superficielle et à cause de la présence américaine, le boude maintenant. Les engagements se font rares, surtout pour ceux qui ne se sentent pas doués pour la musique commerciale et alimentaire. Pourtant, dans la saga du jazz liégeois, prend place en 1950 un épisode hors du commun : un orchestre – qu’on appelle encore Bob-Shots par commodité seulement – chauffe à blanc, chaque semaine, les après-midi de la Laiterie d’Embourg, un grand café où s’entasse un public hétéroclite et particulièrement dense. Mais la Laiterie ne sera qu’une lumineuse exception sans lendemain. Et la seule voie pour les jazzmen irréductibles sera bientôt celle de l’exil.

L’exil parisien

Jaspar est le premier à se jeter à l’eau, une fois ses études terminées. Sadi le rejoint bientôt, puis Quersin, Boland,… René Thomas et Jacques Pelzer sont attirés comme un aimant vers Paris où une petite colonie belge est en train de se constituer. C’est le début d’une période de navettes incessantes entre Liège, Bruxelles et Paris. En Belgique, il joue régulièrement avec Jacques Pelzer mais aussi avec l’Anversois Jack Sels, très pris à l’époque par de savantes explorations musicales sans négliger pour autant de swinguer. Quelques documents privés et quelques radios – ses premiers disques n’apparaissent qu’en 1954 – nous donnent une idée de la maturité à laquelle il était parvenu dès cette période (sur certains de ces documents, on peut même l’entendre chanter, à la King Cole, des airs comme « Embraceable you » ou  « Three Little Words » ).

Alors qu’il est censé s’occuper de la fabrique familiale de sacs, René Thomas passe de plus en plus de temps à Paris, où il finit par se fixer en 1954. Il y fait rapidement la connaissance du gratin des musiciens français (René Urtreger, Martial Solal, Henri Renaud) et des Américains de passage, tout particulièrement du guitariste Jimmy Gourley. On a tout dit des rapports d’influence existant entre René Thomas et Jimmy Raney (qu’il découvre via Gourley). On a, par contre, sous estimé l’influence, pourtant déterminante, du guitariste Billy Bauer. On a surtout négligé l’inclination naturelle qui, depuis 1948 environ, a amené René à « sonner moderne ». Il reste que le jeu de Raney va le fasciner et radicaliser davantage encore cette « inclination naturelle ». D’autant que, comme il le dit lui-même :  « A Paris, dans les années cinquante, pour bien jouer, il fallait jouer comme Jimmy Raney … Raney a innové sur le plan harmonique, c’est incontestable. Il a été très écouté et pas seulement par des guitaristes ».

Mais Thomas, en jouant du Raney, joue plus que du Raney ! Il ajoute au jeu un peu « froid » de l’Américain, des inflexions issues en droite ligne de Django, créant sans le savoir le « son Thomas », reconnaissable entre mille et qui, pour l’essentiel, se maintiendra tel quel à travers les années : un style beaucoup plus chantant, moins de notes, moins d’arpèges, d’accords et de stéréotypes be-bop, mais de longues notes tenues, beaucoup de variations rythmiques comme le développeront Philip Catherine et George Benson. René Thomas est maintenant un habitué du club Saint-Germain, du Tabou et de tous ces hauts lieux qui font de Paris la capitale européenne du jazz pendant une décennie. Les revues françaises commencent à mentionner, distraitement d’abord, puis avec de plus en plus d’enthousiasme, la présence dans cette capitale d’un jeune guitariste belge un peu farfelu certes, mais remarquable musicien. Une appropriation qui ne trompe pas : certains journalistes parleront de Thomas comme d’un musicien français.

En 1954 et 1955, il apparaît sur au moins 4 albums 25 cm : le premier avec Henri Renaud, le deuxième et troisième à son nom (sur l’un d’eux figure la fameuse composition « L’imbécile »), le quatrième, belge celui-là, au sein du Modern Jazz Sextet de Jacques Pelzer. Ces quatre albums – où chacune de ses interventions est en elle-même un petit bijou – auraient pu suffire à installer René Thomas au premier plan de l’actualité musicale. En réalité, apprécié jusqu’à l’idolâtrie d’une minorité d’initiés, il restera toute sa vie « méconnu comme il n’est pas permis de l’être ». En 1955, il revient à Liège pour un concert à l’Émulation. Mais si ses amis sont évidemment présents pour saluer son retour « en vedette », son nom n’évoque pour ainsi dire rien pour le grand public.  « Un des meilleurs guitaristes sur le plan mondial ne s’appelle pas Big Boy Mc Machin, mais René Thomas tout simplement (et) c’est sans doute à Liège qu’il est le moins célèbre ». L’orchestre qui vient à Liège en 1955 (Bib Monville, R. Ronchaud, Quersin, etc.) enregistre la même année un album qui peut être le point culminant de la période « française » de Thomas : « René Thomas Modern Groups ».

La critique, dans son ensemble, s’enthousiasme, mais le public ne suit toujours pas. Si en 1955-1956, le référendum des critiques de Jazz Hot le classe premier guitariste, les lecteurs lui préfèrent nettement Sacha Distel. Pendant sa période parisienne, René Thomas revient fréquemment en Belgique, à Bruxelles et à Liège où il retrouve ses anciens partenaires, ainsi que les jeunes musiciens apparus entre-temps. Lors de ses séjours belges, il a pour partenaire privilégié Jacques Pelzer, et leur association d’alors les fait parfois comparer au tandem Konitz/Bauer. Ensemble, Pelzer et Thomas ouvrent d’éphémères clubs de jazz, notamment un Birdland (!) et, en janvier 1956, un étroit local baptisé The Jazz scene.

Le Nouveau Monde

Mais la place laissée au jazz en Europe est de plus en plus limitée au fil des années 50. Thomas décide alors, au même moment que Jaspar, de s’embarquer pour le nouveau monde. Sa destination première est le Canada où quelques amis pourront l’héberger et l’introduire dans le milieu du jazz. Mais le destin est d’humeur capricieuse et ce printemps 1956 et à la suite d’une avarie de machines, le bateau qui emmène René est obligé de faire escale quatre jours à… New-York. René Thomas débarque donc plus tôt que prévu dans cette Mecque du jazz convoitée par tous les musiciens d’Europe. Et lorsque que Bobby Jaspar, à peine arrivé à New York, se rend au Birdland, il y retrouve, sidéré, son ami qu’il vient à peine de quitter de l’autre côté de l’Atlantique !

Comme pour Jaspar, le miracle va opérer et bientôt, Thomas devient le compagnon de quelques-uns des plus grands musiciens américains. Il côtoie Tal Farlow, Wes Montgomery, Jimmy Raley, ainsi que le jeune Jim Hall. Au cœur du New York du jazz, il se mêle au clan des jeunes loups qui seront bientôt les nouveaux maîtres : Herbie Hancock, Freddy Hubbard, Wayne Shorter, etc. Au Canada, il joue avec Jackie Mc Lean, Cecil Payne. A New York, il enregistre avec la pianiste japonaise Toshiko Akiyoshi, le fameux album « United Nations » (sur lequel joue aussi Jaspar), et puis fait la connaissance, décisive, de Sonny Rollins. Rollins a déjà entendu parler de Thomas et il a même eu l’occasion de l’entendre à l’une ou l’autre reprise. Il en a gardé un tel souvenir que lorsqu’il le retrouve à New York, il décide de l’inclure dans son trio pour un engagement à Philadelphie (1957).

Lorsque Leonard Feather interroge Rollins quant au sidemen qu’il souhaiterait avoir pour son prochain enregistrement, le grand saxophoniste lui répond :  « I know a belgian guitar player that I like better than any of the Americans I’ve heard ». C’est ainsi qu’il grave, le 10 juillet 1958, quelques faces avec Sonny Rollins et un big band dirigé par Erwie Wilkins pour l’album Brass/Trio. De ce séjour aux côtés de Rollins, il dira :  « Rollins m’a engagé à une époque où je jouais comme Jimmy Raney, mais il a vu en moi un musicien qui avait quelque chose à dire, un type qui était porteur d’un message qui l’intéressait. Sonny m’a beaucoup influencé. A son contact, j’ai appris à rester plus longtemps sur une note simple, à ne pas rechercher systématiquement le ‘fini harmonique’, (…) il faut, à l’occasion, savoir ne pas s’en servir et utiliser d’autres éléments ». Entre-temps, il a rencontré John Coltrane, Miles Davis, tout le gratin new-yorkais. Il a joué avec Al Cohn et Zoot Sims. Zoot Sims qui, en 1956, déclarait :  « Je n’ai pas entendu de révélation dernièrement en Europe, sauf un guitariste, René Quelque Chose, j’ai oublié son nom ». Il fait désormais partie de la famille.

En 1960, il travaille avec le saxophoniste J.R. Monterose, qu’il engage pour l’enregistrement du seul album qu’il réalisera jamais à son nom aux Etats-Unis  « Guitar Groove » (pour Jazzland-Riverside). La rythmique se compose de Hod O’Brien (pianiste dont on a pu apprécier le comme-back en 1988), du bassiste Teddy Kotick et du batteur Albert « Tootie » Heath. Du beau monde et un disque superbe. Thomas joue sur une guitare dont Orrin Keepknews estime alors qu’il n’y en a plus guère que quatre ou cinq de cette sorte au monde. Le modèle, en fait, dont jouait… Charlie Christian, le père des guitaristes modernes.

René Thomas (1960) © Freddie Jazz
Retour au pays et nouveau(x) départ(s)

Mais René Thomas a la nostalgie de l’Europe et en 1961, il rentre au pays. Il y est reçu par les quelques rares  « happy few » qui se souviennent de lui et ont suivi son évolution pendant ces longues années d’exil. Il joue à Comblain (avec Benoît Quersin et José Bourguignon) et y remporte un triomphe. Il joue à Antibes, à Ostende et, surtout, monte avec Bobby Jaspar – de retour au pays lui aussi, quoique très provisoirement – un petit orchestre qui va devenir, au fil des semaines, la meilleure formation européenne du moment. Benoît Quersin et Daniel Humair forment une rythmique efficace qui permet aux deux grands solistes de donner le meilleur d’eux-mêmes. Basé à Bruxelles, au Blue Note de Benoît Quersin, le quartette commence à sillonner l’Europe et se produit même au fameux Ronnie Scott’s de Londres, un club réservé aux formations anglo-saxonnes.Par bonheur, un  « pirate » était sur place et un disque est sorti en 1987 pour témoigner de ces chaudes nuits londoniennes du Thomas-Jaspar Quartet.

La suite de l’histoire, pour cet orchestre pas banal, se passe en Italie, en 1962. Et s’articule autour de trois moments forts : l’enregistrement d’un superbe disque pour la firme RCA, dans lequel le tandem Thomas-Jaspar Quartet est accompagné d’une rythmique italienne (Amedeo Tommasi, etc.). Au répertoire figurent plusieurs compositions de René Thomas (car depuis le départ ou presque, il ne faudrait pas l’oublier, il est un soliste hors pair mais aussi un compositeur fécond) :  « I remember Sonny » au titre transparent, et le fameux  « Theme for Freddy » que Thomas, avec Jaspar ou avec Jacques Pelzer, interprétera tant de fois et qui deviendra un peu son « hit » aux différentes éditions de Comblain. Deuxième moment fort : Chet Baker, qui séjourne en Italie à cette époque, invite Thomas et Jaspar à le suivre dans les mêmes studios RCA pour l’enregistrement de son disque « Chet is back », un classique aujourd’hui. Il y est comme presque toujours remarquable. Enfin, un autre Américain de passage, le pianiste John Lewis, engage le tandem pour l’enregistrement de la musique du film  « Una storia Milanese ». Une musique curieuse pour laquelle l’orchestre de jazz type se voit renforcé d’un quatuor à cordes hongrois ! John Lewis se montre lui aussi particulièrement enthousiaste quant au jeu de René : « René (Thomas) is a Belgian, one of the bet guitar soloist I have ever heard ».

Le retour sur le continent s’effectue donc sous les meilleures auspices. Alors que Jaspar décide de repartir pour les États-Unis, Thomas, lui, semble bien vouloir rester en Europe. A Comblain, il jouera pratiquement chaque année. A Liège et Bruxelles, il redevient l’homme de tous les coups et de toutes les jams. A Paris, où il se rend régulièrement, il joue avec Johnny Griffin, Kenny Clarke, etc., ainsi qu’avec Bud Powell, une de ses idoles. Entre-temps, dans les différents festivals européens, il est encensé par la critique internationale. Ainsi, Claude Michel Jalard parlera de lui comme de la « grande vedette européenne » du festival d’Antibes en 1962. Un festival au cours duquel, l’année suivante, il sera d’ailleurs convié par l’organiste Jimmy Smith, alors au sommet de sa popularité, à venir le rejoindre sur la scène. L’association orgue/guitare est alors fort prisée du public et c’est avec un autre organiste américain, installé en Europe celui-là, Lou Bennett, que Thomas va s’associer pour divers enregistrements et de nombreuses tournées.

Ils enregistrent ainsi l’album  « Meeting ». Pour cet album (plusieurs fois réédités), Thomas a fait également appel à Jacques Pelzer et le disque est une réussite : aux thèmes enlevés ( « Dr Jackle » ou ce  « Meeting », composition signée René Thomas et qui est presque devenu un standard) succèdent de superbes moments lyriques ( « Harnie’s dream » avec un des plus beaux soli de flûte de Jacques Pelzer). Et, quel que soit le climat, les envolées de Thomas sont autant de petits chefs-d’œuvre de goût, d’invention… et de risques ! Car, sensible aux innovations de musiciens progressistes (Coltrane notamment, qui le fascine), il se laisse volontiers emporter par son attirance naturelle pour l’aventure et sort des sentiers battus et rebattus des harmonies et du phrasé hard-bop/cool. Avec toujours une pointe de Django qui donne à l’ensemble une sorte de constante et sauvage émotion. Par ailleurs, humainement, René Thomas demeure un personnage peu banal. Martien irrécupérable pour ceux qui ne le connaissent que superficiellement, il reste, même pour ses proches, comme isolé derrière les énormes verres de ses lunettes d’écaille qui lui donnent cet air perpétuellement ‘ailleurs’. “Perdu dans une sorte de rêve sans fin, l’homme aux lunettes d’écaille ne reprend vie qu’au moment où s’allument les feux de la rampe. Alors, cet étrange personnage s’anime et le swing jaillit sous ses doigts agiles” (J.-L. Ginibre, Jazz Mag n°86, 1962).

Imprévisible dans le quotidien – et ce jusqu’à sa présence à l’heure et au lieu convenus pour un concert – « son incorrigible insouciance » (Laurent Goddet) ne se dissipe, en effet, que lorsqu’il joue. Et là, plus rien ne peut l’arrêter. C’est sans doute pour toutes ces raisons qu’il restera toute sa vie un musicien adulé de ses pairs et de la critique, mais boudé par les organisateurs, par les firmes de disques et par le public. Ce qui ne l’a jamais inquiété outre mesure : “Je joue comme je joue et je ne veux pas, sous prétexte de le séduire, m’adresser vulgairement au public. La reconnaissance des musiciens me suffit pour l’instant (…) j’ai le temps, le public me reconnaîtra un jour ou l’autre”.

En 1963 (l’année de l’enregistrement de “Meeting“), il se rend dans les studios aux côtés du saxophoniste américain Sonny Criss (les quelques témoignages de cette nouvelle association ont été récemment réédités). L’année suivante, il retrouve, à Paris, Lou Bennett et Kenny Clarke avec lesquels il donne plusieurs concerts (notamment à la salle Gaveau) et enregistre quelques titres supplémentaires. Tandis qu’à Liège, où il passe encore en fin de compte pas mal de temps, il est plus souvent qu’à son tour fidèle aux jams du “Jazz Inn” des frères Darmoise : avec Barney Wilen, avec Jacques Pelzer, avec son vieux complice des premiers temps, le pianiste Maurice Simon, avec Chet Baker, avec tous les invités prestigieux des nuits d’après Comblain, Thomas y dispense sans compter (et généralement sans autre salaire que les consommations) une musique généreuse qui ravit notamment tous les jeunes guitaristes (Robert Grahame, Jo Verthé, etc. L’un d’eux, Gustave Smeets, en est entiché au point de se faire appelé “Samoht”, Thomas à l’envers !). De ces soirées privilégiées, des échos ont été vaille que vaille préservés et, à les entendre, on comprend que le “Jazz Inn” n’était pas un club de jazz au sens presque sacré du terme : des bandes montent, en effet, enrobant la musique, un étonnant bruit de fond – verres cognés, rires alcoolisés, altercations ponctuées d’encouragements familiers aux musiciens. Mais c’est cela aussi l’univers de René Thomas, cet espace clos où tout un chacun, radicalement inconscient de la place qu’occupe en fait sur la scène mondiale du jazz ce guitariste qui fait partie des meubles, le tutoie et l’apostrophe sans ménagement.

Puis, soudain, sans crier gare, d’un jour à l’autre, René Thomas, le jammeur liégeois, redevient concertiste international, si par hasard un géant de passage l’emmène à sa suite. Ainsi, au milieu des années 60, il travaille à plusieurs reprises avec le saxophoniste Lee Konitz, à Comblain, Bruxelles, Paris, aux Pays-Bas où la radio hollandaise eut la bonne idée d’enregistrer, le 21 octobre 1965, une demi-heure de musique. Lui et Konitz y sont accompagnés par deux futurs princes de la musiques free européenne : Misha Mengelberg (p) et Han Bennink (dm). Entre-temps, l’association Thomas-Pelzer se poursuit par intermittence, renforcée de rythmiques diversent où défilent les bassistes Benoît Quersin, Alby Cullaz, Michel Finet, etc. et les batteurs Jacques Thollot, Vivi Mardens, Peter Littman, etc. Les deux Liégeois (que la mort de Jaspar en 1963 a peut-être encore rapprochés) se produisent avec succès dans les divers festivals et clubs européens. Leur répertoire, au milieu des années 60, s’est enrichi de pièces plus aventureuses (de compositions d’Ornette Coleman par exemple).

Et leur musique témoigne d’une solide complicité : “René sentait quand j’étais perdu et en un coup de pouce, il me donnait la note qui me remettait sur les rails. Et j’en faisais autant pour lui. A Comblain, nous avons joué notamment avant Bill Evans, qui est venu sur scène nous féliciter. Nous n’avions en fait répéter qu’un seul morceau, pour le reste, nous savions que ça viendrait tout seul, d’après l’ambiance du moment. On se connaissait tellement bien. (…) Une autre fois, toujours à Comblain, le public ne voulait pas nous laisser descendre de scène et Memphis Slim attendait pour jouer ! Ce sont de fabuleux souvenirs. René, c’était l’oreille, le feu, la technique, l’idée…” (interview de J. Pelzer, 1986). Témoins de cette période, un fougueux ‘live’ pirate (avec Finet et Littman) sorti sur Giganti del jazz, ou l’enregistrement – inédit à ce jour – du concert donné à Liège par Thomas, Jaspar, Quersin et Thollot, alors en soirée d’hommage à Raoul Faisant en 1965.

Les dernières années

Après 1966 (cette année-là, il est cité dans Down Beat comme “le meilleur guitariste méritant une large reconnaissance”), René Thomas, comme tous les jazzmen, subit plus encore la rigueur de la crise qui frappe le jazz pendant les “années pop”. Malgré l’un ou l’autre temps fort (quelques disques, notamment avec l’organiste allemande Ingried Hoffman, quelques tournées – en Espagne entre autres -, quelques concerts importants avec le pianiste Vince Benedetti), c’est une période plutôt creuse. Il passe des journées à jouer de la guitare devant sa télévision, dans sa petite maison rue des Maraîchers à Liège. Cependant, sous l’impulsion de quelques amis, il refait surface, entouré le plus souvent du quartette de Robert Jeanne. Jean-Marie Hacquier lui procure quelques contrats dans le Nord de la France tandis qu’en Belgique, il recommence à jouer avec Pelzer et qu’en Allemagne, en 1969, il enregistre un album avec Lucky Thompson. L’épisode décisif de ce retour étant, sans aucun doute, son association, en France, avec l’organiste Eddy Louiss, dès 1970. A la batterie, on trouve, selon les moments, des musiciens comme Daniel Humair (cfr “Au Privave” sur l’album Surrounded d’Humair), Kenny Clarke ou Bernard Lubat avec qui le trio accompagne le chanteur Léon Thomas. Ce dernier fréquente, aux États-Unis, aussi bien les milieux du blues que ceux du free-jazz et surtout, se produit dans un club parisien ce fameux soir où Stan Getz, de passage à Paris, est séduit par cette musique puissante et colorée. Séduit à un point tel qu’il décide tout simplement d’engager le trio pour une vaste tournée européenne en 1971. A Chateauvallon, le nouveau “Stan Getz Quartet” fait un malheur et René Thomas, dont le nom était bien oublié du public français, redevient pour un temps l’objet d’éloges souvent dithyrambiques.

Ainsi, à propos de ce concert à Chateauvallon, un journaliste féru de rugby écrira ce commentaire enflammé : “… Soudain, René Thomas, tel Cantoni, aperçoit le ‘trou’ et s’y engouffre. Crocheté Stan Getz, en débandade le quartette, semé en route le ‘New Sound’ : il n’y a plus sur la scène qu’un monstre de l’esquive et du contre-pied qui remonte, guitare au vent, tout le terrain et va marquer, seul, l’essai” (J. R. Masson, Jazz Mag, 196, 1971). Quand à Getz, qui n’avait pas touché son saxophone depuis des mois, il est revigoré par ses nouveaux partenaires et il joue avec une force et un lyrisme rarement atteints. Les vagues telluriques de l’orgue d’Eddy Louiss (dont la musique se démarque fortement de celle des organistes avec lesquels il a joué jusqu’alors) lui fournissent une assise exemplaire et il trouve en René Thomas un interlocuteur idéal avec lequel il rivalise d’invention et en qui il voit bien plus qu’une réplique de son ancien associé Jimmy Raney : “René est une sorte de ministrel de la guitare (…) il est comme un gitan (…). Une de ses premières idoles était Jimmy Raney (…) maintenant, il joue comme René Thomas, le seul et unique” (P. Culle, Jazz Mag, 168, 1975). On possède de ce quartette étonnant un témoignage aujourd’hui promu au rang de ‘classique’, et dont la récente sortie en CD met mieux encore en relief les inépuisables richesses : “Dynasty” a été enregistré au Ronnie Scott’s de Londres, 10 ans après les prestations du quartette Thomas/Jaspar, et le répertoire se révèle particulièrement apte à pousser les quatre musiciens à donner le meilleur d’eux-mêmes.

Parmi les compositions de Thomas (“Theme for Leo”, etc.), on retiendra le superbe “Theme for my dad” signé Getz, mais écrit en réalité en grande partie par lui à la demande du leader dont le père est mort pendant la tournée. L’interprétation qu’en donne le quartette est bouleversante et fait de cette courte pièce un des quelques chefs-d’oeuvre du jazz enregistré. On y trouve également un art dans lequel Thomas excellera tout au long de sa carrière : celui de l’introduction à un thème (“Invitations”). On aurait pu penser que René Thomas allait profiter de ce nouveau tremplin pour s’installer enfin aux premières places. Pourtant, après l’épisode Getz, il se ‘reprovincialise’ presque aussitôt. Il reprendra encore épisodiquement la route pour de ponctuelles tournées en Italie, en Allemagne et même au Mexique.

Thomas Pelzer Limited (René Thomas et Jacques Pelzer) au Jazz Middelheim, 1974 © Studio Hugo

Chaque année, il rejoint Lou Bennett en Espagne. A Paris, il enregistre avec Louiss et Kenny Clarke un disque qu’on a un peu trop rapidement qualifié de mineur à l’époque. Et il forme avec Christian Escoudé un duo de guitares précurseur des célébrissimes associations à cordes des années à venir. En Belgique, il joue au Festival de Coronmeuse au sein de T.P.L. (c’est désormais le nom qui désigne les groupes Thomas/Pelzer. TPL : Thomas Pelzer Limited) et enregistre sous ce label un dernier album pour la petite firme belge Vogel. Au Festival de Middelheim à Anvers, il rejoint sur la scène son ancien employeur, Sonny Rollins et fait de même avec Getz à Ostende. Mais entre ces points chauds, s’écoulent de longues périodes d’inactivité pendant lesquelles il se réinstalle dans une vie liégeoise qui, à l’époque, ne laisse plus guère de place au jazz. Il se mêle volontiers aux jeunes musiciens – ceux-là même qui assureront bientôt la relance – et assiste, enthousiaste, aux répétitions d’Open Sky Unit, le groupe de jazz-rock monté par Pelzer avec les jeunes Steve Houben et Ron Wilson. Il forme un nouveau trio, mettant à profit la présence à Liège d’un géant de la batterie : Art Taylor ! On a du mal à imaginer, avec le recul, qu’un orchestre dans lequel se trouvaient René Thomas et Art Taylor n’ait pas fait salle comble à chaque concert. En réalité, c’est parfois devant une poignée de spectateurs seulement que se produit le trio. Et du coup, la vie devient difficile pour la famille Thomas (il a deux enfants). Comme beaucoup d’autres jazzmen hélas, René Thomas a fini sa vie dans un état proche de la misère. Usé prématurément – quoique ayant résisté quelque dix ans de plus que son ami Jaspar – il s’éteint lors d’une de ses tournées annuelles en Espagne avec Lou Bennett, en janvier 1975.

Des dizaines de musiciens des quatre horizons du jazz joueront bénévolement pour récolter l’argent nécessaire au rapatriement de son corps. Par la suite, les hommages se répètent, Saxo 1000 sera créé en 1980 en souvenir de Jaspar et Thomas… En 1985, nouvelle soirée en l’honneur de René Thomas, à l’occasion de la parution du livre “Histoire du Jazz à Liège“. De nombreux disques parus depuis 1975 comportent des thèmes écrits à la mémoire de Thomas (“Song for René” par Pelzer, Grailler, etc., “René’s Theme” par John Mc Laughlin et Larry Coryell, “René Thomas” par Philip Catherine, etc.). Les disques de René, par contre, restent rares dans les bacs des disquaires belges. Et au bout du compte, combien de Belges connaissent-ils simplement le nom de ce musicien d’exception qui, lorsqu’on l’interrogeait sur les progressions harmoniques qu’il utilisait, répondait sans sourciller  : “Je ne sais pas, moi, je fais des formes géométriques, des carrés, des triangles…”.

Une dernière anecdote donne la mesure du malentendu gigantesque que fut la carrière de René Thomas : pendant les années 60, alors qu’il était déjà reconnu par les plus grands musiciens comme un maître-guitariste, il se rend avec ses enfants à l’aéroport où doit débarquer Sacha Distel, en pleine période “scoubidou”. Quand Sacha apparaît, Thomas se précipite sur lui et, s’excusant presque, lui demande s’il accepterait de lui signer un autographe. Distel racontera plus tard qu’il fut rarement aussi mal à l’aise que cet après-midi-là tandis qu’il signait le disque tendu par celui que lui-même considérait comme un des plus grands guitaristes au monde.

Jean-Pol Schroeder


[INFOS QUALITE] statut : actualisé (1ère publication par wallonica sur agora.qc.ca) | mode d’édition : transcription (droits cédés) | source : SCHROEDER Jean-Pol, Dictionnaire du jazz à Bruxelles et en Wallonie (Conseil de la musique de la Communauté française de Belgique, Pierre Mardaga, 1991) | commanditaire : Jean-Pol Schroeder | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : Jo Verthe ; Jazz Around ; Freddie Jazz ; Studio Hugo | remerciements à Jean-Pol Schroeder


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De la nécessité d’attribuer à titre posthume le Prix Nobel à Simenon

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“Dans son dernier essai, Jean-Baptiste BARONIAN apporte la preuve définitive que tout n’a pas été écrit sur Georges SIMENON et que, trente ans exactement après la disparition du plus liégeois des écrivains universels (ou du plus universel des écrivains liégeois, le propos est réversible), son œuvre comme sa vie recèlent encore leur lot de trouvailles. Encore faut-il, pour les dénicher, oser s’aventurer dans les recoins inexplorés ou négligés de son univers, dans des œuvres peu citées – Strip-teaseUn banc au soleilIl pleut bergère…La prison – ou dans le massif, parfois rébarbatif, des Dictées.

Les dix-sept chapitres que compte l’ouvrage auraient pu donc en être vingt, cinquante, cent. C’eût été sacrifier à la passion de l’exhaustif, par définition inassouvissable en ce qui concerne un tel géant. Puis il y a dans la démarche ici adoptée un parti pris de plaisir, qu’une étude plus fouillée aurait compromis et alourdi.

Baronian a dès lors si parfaitement ajusté la focale qu’il happe d’emblée l’intérêt du lecteur, simenonien patenté ou profane. Bien sûr, il sera question de villes de province, de femmes, de cinéma, de crime, mais chacun de ces aspects est abordé par la bande, dans une dimension inattendue ou selon un angle d’attaque original.

Ainsi, « le personnage de Liège » est-il envisagé à travers Je me souviens…, un « livre-relais » qui montre que la cité natale du romancier est constamment au cœur de sa dramaturgie. Simenon lui-même minimisait l’importance de ce titre, qu’il qualifiait de « sorte de document » et auquel il déniait le statut d’œuvre littéraire. Baronian voit quant à lui dans cette sonate le socle du mouvement symphonique plus large de Pedigree. Maints autres lieux sont revisités, comme Marsilly, petite commune de Charente-Maritime, où Simenon écrivit pas moins de douze romans alors qu’il était locataire de La Richardière. En contrepoint de ce constatable effet du « génie du lieu » se pose la question de savoir pourquoi la Suisse, où Simenon a pourtant longuement vécu et beaucoup écrit, l’a si peu inspiré. Une absence criante, qui se manifeste dans le pseudo-toponyme forgé par Simenon pour requalifier Échandens : Noland (« aucun pays »). Là n’est pas le seul mystère que sonde l’essayiste. Il en est aussi qui règnent autour de personnages hantant son imaginaire comme sa biographie…”

Lire la suite de l’article de Frédéric SAENEN sur LE-CARNET-ET-LES-INSTANTS.NET (article du 15 juillet 2019)

ISBN 2-36371-298-1

Jean-Baptiste BARONIANSimenon, romancier absolu (Paris : Pierre-Guillaume de Roux, 2019)

 

Jean-Baptiste Baronian, membre de l’Académie royale de Belgique, est l’auteur de romans, nouvelles, essais, biographies, dictionnaires, anthologies. Il a publié en 2017, Baudelaire au pays des singes, un essai unanimement salué par la critique, puis un roman, en 2018, Le Petit Arménien.


 

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