HOWE : Tolkien a su faire basculer les mythes antiques dans le monde moderne

Temps de lecture : 2 minutes >
(c) John HOWE

“Directeur artistique culte de la trilogie du “Seigneur des anneaux”, le Canadien expose actuellement ses dessins à Paris. Rencontre avec le dessinateur passionné d’heroic fantasy. C’est vrai qu’il ressemble un peu à Saroumane, John Howe. Regard pénétrant, visage émacié, barbe poivre et sel, le dessinateur canadien de 59 ans est de passage à Paris pour y présenter sa nouvelle exposition. Installé en Suisse depuis des lustres, Howe se passionne depuis l’adolescence pour l’heroic fantasy. Mondes perdus, dragons et créatures légendaires, sagas épiques, hommes en armure, combats homériques… depuis plus de quarante ans, l’homme explore sans relâche les grands classiques du genre et, au delà, les textes fondateurs qui les ont inspirés.

Formé à l’Ecole des Arts décoratifs de Strasbourg (où il a passé des centaines d’heures à contempler et arpenter l’extraordinaire cathédrale), Howe est devenu au fil du temps et de sa passion, l’un des deux grands spécialistes mondiaux de l’œuvre JRR Tolkien. L’autre étant son ami, Alan Lee. Repérés et recrutés comme « concept artists » par Peter Jackson, tous deux ont participé — au plus près — à l’aventure du Seigneur des Anneaux, puis de Bilbo, le Hobbit, en imaginant aussi bien les décors et l’architecture des cités que l’aspect des personnages. Sans retirer quoi que ce soit au talent du réalisateur et de son équipe, on peut affirmer que le tandem de dessinateurs n’est pas pour rien dans le succès remporté par les films.

Explorateur de l’imaginaire, sans cesse à la recherche d’archétypes, Howe consacre son exposition parisienne à de nouveaux rivages où d’impressionnants hommes corbeaux côtoient d’énigmatiques divinités égyptiennes. Disert, lettré et pince sans rire, le natif de Vancouver s’exprime dans un français châtié. Attention , un rêve peut en cacher un autre…”

Lire la suite de l’article de Stéphane JARNO sur TELERAMA.FR (13 mai 2017)

Plus de cinéma…

COYAUD : Fourmis sans ombre, Le livre du haïku (1978)

Temps de lecture : 2 minutes >
[ISBN-13: 978-2859405861]
[ISBN-13: 978-2859405861]

COYAUD Maurice, Fourmis sans ombre, Le livre du haïku (Anthologie-promenade, Phébus, Libretto, Paris, 1978)

“Réédition d’un classique qui enchanta Roland Barthes, où poésie et impertinence cheminent d’un même pas. Les haïkistes nippons, dont Maurice Coyaud a rassemblé ici le plus large florilège, notaient volontiers leurs petits poèmes – trois vers, c’est tout – en marge du récit de leurs randonnées, comme autant de pauses, de points de suspension. Maurice Coyaud procède à leur manière. Son anthologie n’en est pas vraiment une et c’est tant mieux ; elle prend forme de promenade, de libre divagation à travers le Japon éternel. Écoutons ces voix qui nous disent que la poésie, même si elle n’est jamais que l’autre nom de l’indicible, ne loge pas au temple que l’on croit : elle suit les chemins vicinaux, dort dans les fossés et chausse les savates de tout le monde. Elle ne cherche rien (puisque chercher est l’un des meilleurs moyens de ne rien trouver), donnant secrètement raison au sage qui nous prévient narquoisement : Quand vous regardez, contentez-vous de regarder. Si vous réfléchissez, vous mettez déjà hors de la cible.”

Dans la jarre d’eau flotte
Une fourmi
Sans ombre

Seishi

Tout en larmes
Assis il raconte
Sa maman l’écoute

Hasuo

Il lèche la cuiller
Le gamin avec délices
Sorbet. L’été

Seishi

Une goutte de rosée
Une fourmi en devint
Folle

Seishi

Tout le monde dort
Rien entre
La lune et moi

Seifujo

L’escargot
Levant la tête
C’est moi tout craché

Shiki

Avec moi elle lutte
A qui fermera les yeux le premier
La grenouille

Issa

Chauve-souris
Cachée tu vis
Sous ton parapluie cassé

Buson

En ce monde, même
Des insectes, au chant, il y en a
Des calés, des piteux

Issa

J’ai tué l’araignée
Quelle solitude !
Nuit froide

Shiki

Verte grenouille
Tu viens de te faire repeindre
La carcasse ?

Akutagawa Ryûnosuke

Même mon ombre est
En excellente santé
Premier matin de printemps

Issa

Plus d’oiseaux
Sur le toit de cuivre rouge
Trop chaud

Kisu

L’escargot se glisse
Sous une feuille
Quelle chaleur !

Akutagawa Ryûnosuke

Le vent d’automne
Transperce les os
De l’épouvantail

Chôi

L’automne s’approfondit
Ils se vêtent de feuilles mortes
Les épouvantails

Otsuyû

L’automne est bien là
Ce qui me le fit comprendre
C’est l’éternuement

Buson

L’oiseau en cage
Les yeux envieux
Zieutant les papillons

Issa

D’autres incontournables du savoir-lire :

VARGAS : « J’ai croisé l’araignée et elle est restée dans ma tête »

Temps de lecture : 2 minutes >
Fred Vargas, le 3 mai, à Paris. Photo Astrid Di Crollalanza. Flammarion

“En cet après-midi d’avril ensoleillé où tout invite à se découvrir, Fred Vargas arrive au rendez-vous en pull à col roulé et une grosse veste : «J’ai une crève XXL.» Elle s’installe dans le café du XIVe arrondissement parisien où elle habite, commande un petit noir. L’abonnée aux best-sellers a la fébrilité des timides poussés dans la lumière, et l’appréhension des discrets pris dans les rets de la curiosité tous azimuts 2.0. Vargas, l’as du mystère, s’effraie même quand on tente une première incursion, sur elle, sur sa place dans le paysage littéraire, sur son évolution – «Je ne suis pas un phénomène de société.» Trente ans d’active, et toujours petit chat sauvage. A la faveur d’une cigarette, nous voilà dehors. Et bientôt assises en rang d’oignons sur un trottoir face au soleil à refaire le film de la gestation de Quand sort la recluse, son nouveau «rompol» (roman policier). Fred Vargas a un monde entier dans la tête, qu’elle fait, refait, défait sans relâche, avec la gouaille d’un titi et une passion pour le détail technique qui rappelle qu’elle est au départ scientifique, archéozoologue de formation. A l’écouter, on suit le processus de création et d’écriture comme s’il se déroulait en direct, sous nos yeux parfois éberlués. Fragile et forte à la fois, la créatrice du saturnien commissaire Adamsberg est une frémissante qui limite ses apparitions et brouille les pistes trop intrusives. A l’image de sa recluse…”

Lire la suite de l’article d’Alexandra SCHWARZBROD et Sabrina CHAMPENOIS sur LIBERATION.FR (5 mai 2017)


Littéraire un jour, littéraire toujours…

SOREIL : Dure Ardenne (1937)

Temps de lecture : 2 minutes >
Soreil A, Dure Ardenne (Gembloux, Duculot, 1937)
[ISBN-13: 978-2873861339]
SOREIL Arsène, Dure Ardenne (Gembloux, Duculot, 1937)
4ème édition (1947) illustrée par Elisabeth Ivanovsky

Lire la fiche-auteur Arsène SOREIL sur le site de la province du Luxembourg

“On apprend, à Alleur, le décès d’Arsène Soreil, professeur émérite de l’université de Liège, historien d’art et poète. Il était né à Rendeux, en 1893, au pays de Théroigne de Méricourt dont il aimait rappeler le singulier souvenir. Il fit ses études de philosophie et lettres à l’université de Louvain et à l’université de Paris. Il revint de la Grande Guerre avec sept chevrons de front et de… nombreux dessins. Il était doué pour l’art et il rappelait volontiers qu’il s’était initié à l’eau-forte auprès du graveur Galanis. Dès 1937, Arsène Soreil occupe à l’université de Liège une chaire d’esthétique puis il y fait un cours d’explication approfondie d’auteurs français. L’éméritat atteint en 1963, il n’en continue pas moins un cours d’esthétique à l’Institut supérieur d’histoire de l’art et archéologie, à Bruxelles. Il collabore au Soir, auquel il confie des articles consacrés aux actualités de la culture, aux Cahiers mosans et à la revue La Vie wallonne. Son livre Dure Ardenne (1933) connaîtra de nombreuses rééditions. Il s’agit de la plus touchante évocation de l’Ardenne laborieuse au début du siècle. Arsène Soreil était également l’auteur de nombreux livres de poèmes et d’essais littéraires où il a déployé une âme sensible en même temps qu’une érudition fondamentale…”

Lire la suite de l’article de Paul CASO dans LESOIR.BE (8 mars 1989)


D’autres incontournables du savoir-lire :

STEGNER : Vue cavalière (LIBRETTO, 1998)

Temps de lecture : < 1 minute >
STEGNER, Wallace Vue cavalière (LIBRETTO, 1998)
[ISBN 978-2-7529-0565-9]

… Joe Allston a toujours été plein de soi, incertain, chagrin, mécontent de sa vie, de son pays, de sa civilisation, de son métier, de lui-même. Il s’est toujours cherché dans des endroits où il n’a jamais été…

“Cet homme, alors qu’arrivent les premiers maux de l’âge, retrouve un carnet intime qui parle d’un certain voyage entrepris des années plus tôt au Danemark ; un voyage qui le fit rencontrer une femme, aristocrate de la parentèle de Karen Blixen, étrange et désargentée, belle, séduisante, connue et pourtant totalement seule. Peut-on, le temps une fois passé, revoir avec des yeux totalement neufs une vie que l’on croyait connaître ? Que disent ces mots retrouvés sur l’homme qu’il pensait avoir été ?…”

Lire la prose virilement indiscrète de Wallace STEGNER


D’autres incontournables du savoir-lire :

REAGE : Histoire d’O (JEAN-JACQUES PAUVERT, 1954)

Temps de lecture : < 1 minute >
REAGE, Pauline Histoire d’O (JEAN-JACQUES PAUVERT, 1954)
[EAN/ISBN: 9782253147664]

Pauline Réage est le pseudonyme de Anne Cécile Desclos, également dite Dominique Aury.

O EST MORTE. DOMINIQUE AURY, LE VÉRITABLE AUTEUR D’«HISTOIRE D’O», AVAIT 90 ANS. C’est seulement en 1994 que Dominique Aury, qui est morte à 90 ans dans la nuit du 26 au 27 avril dernier, avait formellement reconnu être Pauline Réage, l’auteur d’Histoire d’O, l’un des plus célèbres romans érotiques de l’après-guerre. C’était dans un long entretien donné à un journaliste du New Yorker, quarante ans tout juste après avoir publié chez Jean-Jacques Pauvert ce petit livre scandaleux, pré-facé par Jean Paulhan…”

Lire la suite de l’article d’Antoine de GAUDEMAR sur LIBERATION.FR (2 mai 1998) et lire le roman d’amour de Pauline, alias Dominique, alias Anne Cécile


D’autres incontournables du savoir-lire :

GRACQ : Un balcon en forêt (JOSE CORTI, 1986)

Temps de lecture : 2 minutes >
Ligne Maginot – Maison forte n°16 – Beau Terme (Commune de Pouru aux bois, Ardennes, FR) : restaurée pour le tournage de l’adaptation télé du roman de Julien Gracq “Un balcon en forêt”, la maison a ensuite été utilisée comme abri de chasse avant d’être laissée à l’abandon.

Depuis que son train avait passé les faubourgs et les fumées de Charleville, il semblait à l’aspirant Grange que la laideur du monde se dissipait: il s’aperçut qu’il n’y avait plus en vue une seule maison. Le train, qui suivait la rivière lente, s’était enfoncé d’abord entre de médiocres épaulements de collines couverts de fougères et d’ajoncs. Puis, à chaque coude de la rivière, la vallée s’était creusée, pendant que le ferraillement du train dans la solitude rebondissait contre les falaises, et qu’un vent cru, déjà coupant dans la fin d’après-midi d’automne, lui lavait le visage quand il passait la tête par la portière. La voie changeait de rive capricieusement, passait la Meuse sur des ponts faits d’une seule travée de poutrages de fer, s’enfonçait par instants dans un bref tunnel à travers le col d’un méandre. Quand la vallée reparaissait, toute étincelante de trembles sous la lumière dorée, chaque fois la gorge s’était approfondie entre ses deux rideaux de forêt, chaque fois la Meuse semblait plus lente et plus sombre, comme si elle eût coulé sur un lit de feuilles pourries. Le train était vide ; on eût dit qu’il desservait ces solitudes pour le seul plaisir de courir dans le soir frais, entre les versants de forêts jaunes qui mordaient de plus en plus haut sur le bleu très pur de l’après-midi d’octobre ; le long de la rivière, les arbres dégageaient seulement un étroit ruban de prairie, aussi nette qu’une pelouse anglaise…

Savourer la prose exquise et la précision de Julien GRACQ (1910-2007)


D’autres incontournables du savoir-lire :

DE KERANGAL : Réparer les vivants (GALLIMARD, Verticales, 2014)

Temps de lecture : < 1 minute >
DE KERANGAL, Maylis Réparer les vivants (GALLIMARD, Verticales, 2014)
[ISBN : 9782070144136]

Le cœur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d’autres provinces, ils filaient vers d’autres corps.

Réparer les vivants est le roman d’une transplantation cardiaque. Telle une chanson de geste, il tisse les présences et les espaces, les voix et les actes qui vont se relayer en vingt-quatre heures exactement. Roman de tension et de patience, d’accélérations paniques et de pauses méditatives, il trace une aventure métaphysique, à la fois collective et intime, où le cœur, au-delà de sa fonction organique, demeure le siège des affects et le symbole de l’amour.

Lire le roman de Maylis de Kerangal


D’autres incontournables du savoir-lire :

LENTZ : Vladimir Roubaïev ou les provinces de l’irréel (ROBERT LAFFONT, Livre de poche, 1985)

Temps de lecture : < 1 minute >
LENTZ, Serge Vladimir Roubaïev ou les provinces de l’irréel (ROBERT LAFFONT, Livre de poche, 1985)
[ISBN : 2221048474]
“Écrivain et journaliste, homme de mer et voyageur insatiable, slave jusqu’au fond du verre et même au-delà, Serge Lentz nous offre ici la chronique d’un être aussi peu ordinaire que son destin. Après le succès des Années-sandwiches (Prix des Libraires 1982), il nous apporte à présent la saga retentissante de Vladimir Roubaïev, conspirateur et philosophe primaire, puissant donneur de claques et grand amoureux de la lune.
Vadimir Roubaïev était de taille si haute qu’il contemplait le Inonde à deux têtes au-dessus des autres, mais cette vue d’ensemble lui paraissait étrange et souvent déroutante. Élevé dans la solitude d’un jeune roi de Prusse, il avait appris à trouver ses vérités dans l’irréel et le fantastique, ce qui ne l’empêchait nullement d’exercer des passions bien terrestres. Il vécut près de cent ans sur sa terre d’Ukraine et laissa le souvenir d’un personnage légendaire qui tuait les sangliers à coups de poing, fracassait les portes avec sa tête, parlait le langage des chevaux et faisait l’amour aux nymphes des marais.
Du rire énorme à la tendresse la plus profonde, Serge Lentz renoue ici avec la tradition des conteurs inspirés, de ceux qui nous gardent éveillés durant des nuits entières et dont les acteurs étonnants continuent de vivre dans nos imaginations longtemps après être allés se reposer entre les pages du livre.” (BABELIO.COM)

Choisir sa vodka avec Serge LENTZ…

D’autres incontournables du savoir-lire :

ROTH : Portnoy et son complexe (GALLIMARD, Folio, 1970)

Temps de lecture : < 1 minute >
ROTH, Philip Portnoy et son complexe (GALLIMARD, Folio, 1970)
[ISBN : 9782070364701]
“Entre les grands idéaux humanitaires qui l’animent et les obsessions inavouables qui le hantent, Alex Portnoy, trente-trois ans, est la proie d’un insoluble conflit. Élevé dans le quartier israélite de Newark, par des parents abusifs, démesurément attachés aux principes de la tradition juive-américaine, ligoté par des tabous et des interdits, submergé de conseils et d’exhortations, il est écrasé par une culpabilité d’autant plus angoissante que la sexualité et ses déviations les plus extrêmes ne cessent de l’obnubiler. Brillant étudiant, puis fonctionnaire en vue, il n’en reste pas moins un «bubala», un bébé, aux yeux de ses parents qui lui reprochent amèrement son indépendance, sa froideur apparente et surtout son refus de fonder un foyer et d’assurer la descendance.

Ce livre, à la fois féroce et désopilant, où la tendresse alterne avec le cynisme, l’humour avec le pathétique, est une mordante satire de l’ignorance, du racisme, des préjugés et de l’intolérance sous toutes ses formes.”

Pour tous ceux qui aiment la viande de veau : un régal…

D’autres incontournables du savoir-lire :

OLAFSDOTTIR : Rosa Candida (ZULMA, 2015)

Temps de lecture : 2 minutes >

[LEPOINT.FR] “Goutte de rosée sur un perce-neige, stalactite fondant au soleil, pain d’épices sous marbré se craquelant, concert de notes cristallines, comment dire les sensations inouïes que procure cette lecture venue du Grand Nord ? “Mon petit Lobbi”, voilà comment son vieux père, veuf inconsolable mais pourtant vaillant, nomme son fils qu’il voit prendre la route un jour, loin de la maison familiale, de la présence, muette et tendre, de son frère jumeau handicapé. Arnljótur s’en va vers un pays des roses que sa mère trop tôt disparue lui a appris à aimer, c’est sa grande passion, avec celle qu’il porte au “corps”, comme il désigne l’amour physique. Le sentiment, lui, n’a pas germé encore, même lors de son étreinte fugace, de nuit, dans la roseraie, avec Anna, qui lui annonce bientôt qu’elle est enceinte. Le si jeune père montre la photo de Flora Sol, sa toute petite, à tous ceux qui croiseront son périple vers le monastère où il est attendu comme jardinier.

Le long voyage est initiatique, semé d’inattendues rencontres, tendu par la difficulté de se faire comprendre quand on parle une langue que personne ne connaît.

Et puis, un jour, Anna demande au jeune homme d’accueillir leur enfant. Tout est bouleversé. Mais tout en douceur, avec ce qu’il faut de non-dits pour que l’essentiel affleure et touche au plus profond.

Tant de délicatesse à chaque page confine au miracle de cette Rosa candida, qu’on effeuille en croyant rêver, mais non. Ce livre existe, Auður Ava Ólafsdóttir l’a écrit et il faut le lire.”

Valérie Marin La Meslée

ISBN 978-2-84304-521-9

La simplicité du désir que l’on découvre, comme une rose au matin petit, la musique du vent qui se glisse contre la peau, du mélisme sans mélo. Une prose directe, foisonnante de sobriété. Merci Madame Olafsdottir…


D’autres incontournables du savoir-lire :

STEGNER : La vie obstinée (LIBRETTO, 2002)

Temps de lecture : < 1 minute >
STEGNER, Wallace La vie obstinée (LIBRETTO, 2002)
[ISBN 978-2-85940-818-3]

“Pour certains, La Vie obstinée est bien le chef-d’œuvre de Wallace Stegner, qui obtint le prix Pulitzer en 1972 pour Angle d’équilibre. On y retrouve Joe Allston, croisé dans Vue cavalière, toujours aussi incertain, mécontent de sa vie, de sa civilisation comme de son métier et qui se cherche avec élégance, en des endroits où il n’est jamais allé. Cet insatisfait chronique s’est installé en pleine nature non loin de San Francisco pour y couler, avec sa femme, ce qu’il croit être des jours heureux…

Ce n’est pas pour rien que les romanciers de l’école du Montana, Jim Harrison en tête, considèrent Stegner comme la figure centrale de leur courant littéraire nourri des grands espaces de l’Ouest.”

S’il est quelque part une virilité pudiquement révélée, c’est dans les romans de STEGNER


D’autres incontournables du savoir-lire :

KOTZWINKLE : L’ours est un écrivain comme les autres (CAMBOURAKIS, 2014)

Temps de lecture : < 1 minute >
KOTZWINKLE, William L’ours est un écrivain comme les autres (CAMBOURAKIS, 2014)
[ISBN : 9782366241105]

“Il était une fois un ours qui voulait devenir un homme… et qui devint écrivain. Ayant découvert un manuscrit caché sous un arbre au fin fond de la forêt du Maine, un plantigrade comprend qu’il a sous la patte le sésame susceptible de lui ouvrir les portes du monde humain – et de ses supermarchés aux linéaires débordants de sucreries… Le livre sous le bras, il s’en va à New York, où les éditeurs vont se battre pour publier l’oeuvre de cet écrivain si singulier – certes bourru et imprévisible, mais tellement charismatique ! Devenu la coqueluche du monde des lettres sous le nom de Dan Flakes, l’ours caracole bientôt en tête de liste des meilleures ventes… William Kotzwinkle est l’un des écrivains américains les plus comiques : il s’en donne à coeur joie dans cette parabole animalière hilarante, irrésistible satire des milieux littéraires et médiatiques.” Souriez souvent au fil des pérégrinations de ce Janus à poils


D’autres incontournables du savoir-lire…

DE LUCA : Montedidio (GALLIMARD, Folio, 2002)

Temps de lecture : < 1 minute >

 

Chacun de nous vit avec un ange, c’est ce qu’il dit, et les anges ne voyagent pas, si tu pars, tu le perds, tu dois en rencontrer un autre. Celui qu’il trouve à Naples est un ange lent, il ne vole pas, il va à pied : “Tu ne peux pas t’en aller à Jérusalem”, lui dit-il aussitôt. Et que dois-je attendre, demande Rafaniello. “Cher Rav Daniel, lui répond l’ange qui connaît son vrai nom, tu iras à Jérusalem avec tes ailes. Moi je vais à pied même si je suis un ange et toi tu iras jusqu’au mur occidental de la ville sainte avec une paire d’ailes fortes, comme celles du vautour.” Et qui me les donnera, insiste Rafaniello. “Tu les as déjà, lui dit celui-ci, elles sont dans l’étui de ta bosse.” Rafaniello est triste de ne pas partir, heureux de sa bosse jusqu’ici un sac d’os et de pommes de terre sur le dos, impossible à décharger : ce sont des ailes, ce sont des ailes, me raconte-t-il en baissant de plus en plus la voix et les taches de rousseur remuent autour de ses yeux verts fixés en haut sur la grande fenêtre.

ISBN : 9782070302703

La puissance de la sobriété en peu de pages…


D’autres incontournables du savoir-lire :

FOIS : Mémoire du vide (SEUIL, 2008)

Temps de lecture : 2 minutes >

[EAN 9782020934039]
“On l’appelait le tigre de l’Ogliastra : Samuele Stocchino fut le plus redoutable bandit sarde du siècle dernier. Par une nuit de pleine lune, pour un simple verre d’eau refusé alors qu’il rentrait à pied avec son père, son destin fut scellé.

A seize ans, ce fils de paysans s’engage dans l’armée et part lutter d’abord contre les Turcs en Libye, puis contre les Autrichiens pendant la Grande Guerre; décoré à maintes reprises, il rentre en héros dans son village d’Arzana. Mais rien n’y fait car, sa mère le sait, il a le cœur en forme de loup, anguleux comme celui des assassins. La guerre lui a enseigné à tuer et lorsqu’il apprend la mort de son frère, son âme de justicier prend le dessus ; mais les dizaines de meurtres qu’il commet ne parviennent pas à assouvir sa soif de vengeance. Seul l’immense amour que lui porte depuis toujours Mariangela le soulage parfois, adoucissant un peu la violence qui domine toute sa vie.

Autour de ce personnage à la fois historique et légendaire, véritable croquemitaine des enfants sardes, Marcello Fois construit un récit ample et limpide, animé par un formidable sens épique et dans lequel la voix populaire côtoie sans cesse le registre de la tragédie grecque.

Marcello Fois est né à Nuoro (Sardaigne) en 1960 et vit aujourd’hui à Bologne. Dans tous ses romans, traduits en de nombreuses langues, il s’appuie sur la distance pour ajuster son regard sur son île natale.

Lire ce roman rocailleux traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro

D’autres incontournables du savoir-lire :

DURRELL : Le quatuor d’Alexandrie : Justine (LE LIVRE DE POCHE, La Pochothèque, 2003)

Temps de lecture : 2 minutes >
DURRELL Lawrence, Le quatuor d’Alexandrie : Justine (LE LIVRE DE POCHE, La Pochothèque, 2003)

Je ne suis ni heureux ni malheureux : je vis en suspens, comme une plume dans l’amalgame nébuleux de mes souvenirs. J’ai parlé de la vanité de l’art mais, pour être sincère, j’aurais dû dire aussi les consolations qu’il procure. L’apaisement que me donne ce travail de la tête et du cœur réside en cela que c’est ici seulement, dans le silence du peintre ou de l’écrivain, que la réalité peut être recréée, retrouver son ordre et sa signification véritables et lisibles. Nos actes quotidiens ne sont en réalité que des oripeaux qui recouvrent le vêtement tissé d’or, la signification profonde. C’est dans l’exercice de l’art que l’artiste trouve un heureux compromis avec tout ce qui l’a blessé ou vaincu dans la vie quotidienne, par l’imagination, non pour échapper à son destin comme fait l’homme ordinaire, mais pour l’accomplir le plus totalement et le plus adéquatement possible. Autrement pourquoi nous blesserions-nous les uns les autres ? Non, l’apaisement que je cherche, et que je trouverai peut-être, ni les yeux brillants de tendresse de Mélissa, ni la noire et ardente prunelle de Justine ne me le donneront jamais. Nous avons tous pris des chemins différents maintenant; mais ici, dans le premier grand désastre de mon âge mûr, je sens que leur souvenir enrichit et approfondit au-delà de toute mesure les confins de mon art et de ma vie. Par la pensée je les atteins de nouveau, je les prolonge et je les enrichis, comme si je ne pouvais le faire comme elles le méritent que là, là seulement, sur cette table de bois, devant la mer, à l’ombre d’un olivier. Ainsi la saveur de ces pages devra-t-elle quelque chose à leurs modèles vivants, un peu de leur souffle, de leur peau, de leur inflexion de leur voix, et cela se mêlera à la trame ondoyante de la mémoire des hommes. Je veux le faire revivre de telle façon que la douleur se transmue en art… Peut-être est-ce là une tentative vouée à l’échec, je ne sais. Mais je dois essayer…

Savourer les quatres romans en(tre)lacés du Quatuor d’Alexandrie : Justine, Balthazar, Mountolive, Clea (ISBN: 9782253132752)

Justine est également devenu un film de George CUKOR (1969) avec Anouk Aimée

D’autres incontournables du savoir-lire :

ROSE : Pourvu qu’elle soit rousse (LA MUSARDINE, 2013)

Temps de lecture : 2 minutes >
ROSE Stéphane, Pourvu qu’elle soit rousse (LA MUSARDINE, 2013)

“C′est l′histoire d′un homme qui aime les rousses. Petite ou grande, svelte ou dodue, jeune ou moins jeune, peu lui importe… pourvu qu′elle soit rousse. Inscrit sur Meetic où il discute avant de faire l′amour avec des rousses sans aucun autre critère de sélection que la couleur de leurs cheveux, il n′est pourtant jamais rassasié de leurs charmes. Qui se cache derrière ce collectionneur de rousses ? Obsédé sexuel monomaniaque ? Don Juan du site de rencontres ? Entomologiste de la femme rousse ? Le sait-il seulement lui-même ? Son parcours initiatique dans les arcanes de la rousseur le lui dira. À la croisée du roman obsessionnel, du carnet de route pornographique et du road-movie introspectif, Pourvu qu′elle soit rousse se veut avant tout un éloge féministe de la différence et de la singularité.” (LAMUSARDINE.COM)

“En matière de femmes, le héros de ce livre n’a qu’un critère : pourvu qu’elle soit rousse ! C’est son unique désir, son fantasme moteur, en un mot : son obsession. Petite ou grande, svelte ou dodue, jolie ou moche, peu lui importe, car c’est dans la rousseur qu’il puise son désir… et sur Meetic qu’il trouve de quoi l’assouvir, à la mesure de son appétit érotomane démesuré. Elles sont donc nombreuses à défiler dans son lit, les naïades rousses de tous âges, sensibilités et origines sociales, mais dans quel but ? Qui se cache derrière notre amant collectionneur ? Obsédé sexuel ? Dom Juan du site de rencontre ? Entomologiste maniaque obnubilé par la fameuse « odeur des rousses » dont il cherche à percer le secret ? En filigrane d’une enquête sur les préjugés relatifs à la rousseur, son obsession l’amène à rencontrer les rousses qui l’aideront à répondre à ces questions. Mais l’odeur qui guide son désir ne se laisse pas si aisément capturer et ses proies lui causent bien des tourments. Car à être rousse on n’en est pas moins femme…” (BABELIO.COM)

“Connu pour être un des auteurs et présentateurs de la cérémonie des Gérard sur Paris Première, Stéphane Rose est aussi journaliste dans la presse magazine et sur le web, auteur pour Nicolas Canteloup, directeur de collection et attaché de presse à la Musardine et auteur de plusieurs livres en littérature jeunesse, humour ou sexualité. Pourvu qu′elle soit rousse est son premier roman.”

Trouver la rousse éternelle de Stéphane ROSE (ISBN : 9782809803914)

D’autres incontournables du savoir-lire :

CURVERS et al : Il était douze fois Liège (MARDAGA, 1980), nouvelles de CURVERS, THINES, COMPERE…

Temps de lecture : < 1 minute >
CURVERS Alexis et al., Il était douze fois Liège (MARDAGA, 1980), nouvelles de CURVERS, THINES, COMPERE…
  1. Une clef architecturale de l’Agneau mystique des frères Van Eyck par Alexis Curvers
  2. La bibliothèque du château par Georges Thinès
  3. Liège au loin par Gaston Compère
  4. Escaliers de Liège par Jacques Izoard
  5. La grande grève et le bruissement des chapelets par Conrad Detrez
  6. Le château du parc par Irène Stecyk
  7. La femme sans tête par Yves Lebon
  8. Histoire du voyage de Liège à Paris par René Swennen
  9. Les jeudis de Coronmeuse par Bernard Gheur
  10. La nuit des incubes par Jean-Pierre Bours
  11. Fables et fragments d’enfance par Jean-Pierre Otte
  12. Le printemps de Liège par Claude Godet

Trouver le recueil (2870093136)

D’autres incontournables du savoir-lire :

QUAGHEBEUR : Anthologie de la littérature française de Belgique (RACINE, 2006)

Temps de lecture : < 1 minute >
QUAGHEBEUR Marc, Anthologie de la littérature française de Belgique (RACINE, 2006)

“Parcourir, à travers soixante textes, les deux derniers siècles de la production littéraire francophone en Belgique, tel est le défi que se fixe ce volume. Il plonge le lecteur dans l’extraordinaire prolifération d’une littérature qui ne cesse d’osciller entre réel et surréel tant le rapport à l’Histoire, à la langue, à la forme et au mythe se joue sans cesse en décalages subtils, patents ou cachés, avec les modèles français.

Réparti en cinq grandes étapes chronologiques, ce livre va de Moke, dont le premier roman, Le Gueux de mer, date de 1827, à Amélie Nothomb en passant par De Coster, Maeterlinck, Thiry, Dotremont, Mertens, Lamarche, Louvet… Il donne en outre aux lecteurs des indications sur la production en langue romane dans nos contrées jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et comporte des notices sur chacun des soixante auteurs retenus.”

Feuilleter l’anthologie de Marc QUAGHEBEUR
(2-87386-466-8)

D’autres incontournables du savoir-lire :

MARLIERE : Anthologie de l’humour belge (JOURDAN, 2012)

Temps de lecture : < 1 minute >
MARLIERE Bernard, Anthologie de l’humour belge (JOURDAN, 2012)

Du Prince de ligne à Philippe Geluck

Existe-t-il une spécificité dans la manière d’appréhender l’humour chez les quatre millions de francophones que compte la Belgique ? La réponse est positive. De Tyl Ulenspiegel au Chat de Philippe Geluck, de Beulemans à Toine Culot, des Surréalistes à Benoît Poelvoorde, le comique belge se nourrit d’un cocktail riche en autodérision, en absurde et en déraison, épicé parfois d’accents savoureux et de tournures insolites. Ce recueil propose les textes les plus significatifs, anciens et récents, des Belges qui font rire. Bernard Marlière a enseigné le français, de l’Afrique centrale à la Sibérie, privilégiant l’accès à la littérature de Belgique. Directeur de l’Os à Moelle, le café-théâtre mythique niché sous la maison natale de Jacques Brel, il a présenté sur sa scène le gratin des humoristes de son pays, et leur a déjà consacré deux recueils. C’est donc en parfaite connaissance de cause qu’il a opéré la sélection des textes d’humour de cette anthologie.”

Découvrir une bien bonne dans le recueil de Bernard MARLIERE
(ISBN : 978-2-87466-244-7)


D’autres incontournables du savoir-lire en Wallonie-Bruxelles…

CORDIER et al : Littérature prolétarienne en Wallonie (PLEIN CHANT, Voix d’en bas, 1985)

Temps de lecture : < 1 minute >
CORDIER Jacques et al., Littérature prolétarienne en Wallonie (PLEIN CHANT, Voix d’en bas, 1985)

“La première partie de ce livre présente l’histoire d’un mouvement littéraire dans la Wallonie des années 1920. Elle est due à Jacques Cordier (et à Vital Broutout pour l’évocation du Musée du Soir qui devait clore cette histoire dans les années 60).

La seconde partie recueille les récits de deux travailleurs du fond de la mine : Hector Clara met en scène le sort des chevaux autrefois sacrifiés à la production charbonnière ; Charles Nisolle, dont c’est ici sans doute toute l’œuvre, se révèle un écrivain incisif et violent, proche parfois du meilleur Malva…”

Lire le poing levé le recueil de Jacques CORDIER
(ISBN 978-2-85452-069-9)


D’autres incontournables du savoir-lire…

WOUTERS : Panorama de la poésie française de Belgique (JACQUES ANTOINE, 1976)

Temps de lecture : < 1 minute >
WOUTERS L, Panorama de la poésie française de Belgique (JACQUES ANTOINE, 1976)

Liliane WOUTERS (1930-2016) : poète, dramaturge, auteur d’anthologies et traductrice. Institutrice de 1949 à 1980. Membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises, de l’ Académie royale de langue et de littérature néerlandaises, et de l’Académie européenne de poésie. Elle décède en 2016.

Découvrir le panorama littéraire de Liliane WOUTERS (épuisé)

D’autres incontournables du savoir-lire :

MONTAIGNE : Les Essais en français moderne (GALLIMARD, Quarto, 2009)

Temps de lecture : 6 minutes >
MONTAIGNE, Les Essais en français moderne (GALLIMARD, Quarto, 2009)

C’est vers 1572 que Michel Eyquem de MONTAIGNE (1533-1592) entreprend de dicter les Essais, qui l’occupent jusqu’à sa mort. Deux ans plus tôt, il a vendu sa charge de conseiller au Parlement de Bordeaux et s’est retiré en son château du Périgord. Non qu’il se consacre exclusivement aux Essais : tout en administrant son domaine, Montaigne joue son rôle de gentilhomme catholique dans divers épisodes militaires ou politiques des guerres de religion. Il voyage, est élu puis réélu maire de Bordeaux, sert enfin d’intermédiaire entre le roi Henri III et le chef protestant Henri de Navarre (futur Henri IV). Les Essais se nourrissent autant de cette expérience que des lectures de l’humaniste dans la “retraite” de sa “librairie”. Montaigne publie les livres I et II à Bordeaux en 1580, puis les augmente et leur adjoint le livre III dans l’édition parisienne de 1588. Il continue ensuite d’enrichir son texte en vue d’une nouvelle édition. De ce travail subsistent deux témoins parfois divergents : un exemplaire des Essais couvert d’additions de la main de Montaigne (dit exemplaire de Bordeaux) et l’édition posthume de 1595.

Ce ne sont pas mes actes que je décris, c’est moi, c’est mon essence. J’estime qu’il faut être prudent pour juger de soi et tout aussi scrupuleux pour en porter un témoignage soit bas, soit haut, indifféremment. S’il me semblait que je suis bon et sage, ou près de cela, je l’entonnerais à tue-tête. Dire moins de soi que la vérité, c’est de la sottise, non de la modestie. Se payer moins qu’on ne vaut, c’est de la faiblesse et de la pusillanimité, selon Aristote. Aucune vertu ne se fait valoir par le faux, et la vérité n’est jamais matière d’erreur. Dire de soi plus que la vérité, ce n’est pas toujours de la présomption, c’est encore souvent de la sottise. Être satisfait de ce que l’on est et s’y complaire outre mesure, tomber de là dans un amour de soi immodéré est, à mon avis, la substance de ce vice [de la présomption]. Le suprême remède pour le guérir, c’est de faire tout le contraire de ce que prescrivent ceux qui, en défendant de parler de soi, défendent par conséquent d’appliquer sa pensée à soi. L’orgueil réside dans la pensée. La langue ne peut y avoir qu’une bien lègère part. (Essais, Livre II, 6).


Sur la philosophie de Montaigne (DIMA, Ana-Maria, 2013)

“Montaigne s’appuie sur sa culture humaniste (philosophes de l’antiquité) pour construire sa propre philosophie. Que sais-je ? est une reformulation de la devise Socratique : Je sais que je ne sais rien. Cette docte ignorance est le point de départ d’une attitude philosophique non dogmatique De ce fait, comme Socrate, Montaigne se tourne vers la maïeutique pour accompagner celui qui entame une quête d’identité et faire émerger en lui la liberté.

Elle se prolonge dans un scepticisme, suivant cette fois la voie de Pyrrhon et de ses successeurs : puisque nous sommes parfois trompés par nos sens et nos jugements, nous ne devons pas nous y fier. D’autre part, la confusion possible entre la folie, le rêve et la réalité ne nous permettent pas de garantir la valeur de nos perceptions. Il convient donc de suspendre notre jugement quant aux info transmises par les sens : nous devons demeurer sans opinion (affirmer ou nier) => douter de l’identité entre la représentation du monde que nous nous formons à partir de nos sens et la réalité. Il est, par exemple, impossible d’affirmer si la réalité d’une pomme correspond à la vision que nous en avons, à son goût, à son toucher ; les perceptions varient dans le temps et suivant les personnes… Nous ne devons pas accorder plus de confiance à notre raison dans la mesure où nos pensées nous apparaissent parfois indépendamment de notre volonté. Il faut donc cesser de croire à la certitude de nos raisonnements scientifiques.

Que ne plaît-il un jour à la nature de nous ouvrir son sein et de nous faire voir au propre les moyens et la conduite de ses mouvements, et y préparer nos yeux ! O Dieu ! Quels abus, quels mécomptes nous trouverions en notre pauvre science…

Nous n’avons donc pas de raison de nous sentir supérieurs aux animaux.

Montaigne s’appuie sur la philosophie platonicienne pour relativiser l’importance de la mort : philosopher c’est apprendre à mourir. Mais, c’est la morale Epicurienne qu’il choisit de suivre : limiter ses désirs permet de les satisfaire plus facilement. La fin du trouble causé par le désir est la définition même du plaisir, qui ouvre la voie au bonheur, selon Epicure.

Suivant Platon et Aristote, il pense que l’avenir de l’Etat dépend de la discipline de l’enfance. Mais, il critique le modèle politique prôné dans la République dans le 30e chapitre des Essais. A la suite de Machiavel et avant Montesquieu, il conseille d’observer avant d’agir en politique. De ne changer aisément une loi reçue constitue l’un des chapitres les plus incisifs des Essais. => les lois, les morales et les religions des différentes cultures ont toutes quelque fondement.

A condition de ne pas chercher à acquérir le pouvoir, ce pragmatisme est source de tolérance

  • religieuse : l’Etat ne doit pas imposer un modèle religieux ;
  • culturelle : la culture Européenne ne vaut pas mieux que celle des Indiens.

Enfin, Montaigne prône un enseignement fondé sur des exemples concrets et sur l’expérience, plutôt que les connaissances abstraites acceptées sans aucune critique. Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine afin de former le jugement.”


Sur l’écriture de Montaigne (DIMA, Ana-Maria, 2013)

“À l’imitation du Grec Plutarque (46-120), Montaigne conçoit ses Essais comme une marqueterie mal jointe, et revendique leur désordre comme gage de sa liberté et de sa bonne foy. Ce désordre vient aussi de la façon même dont les Essais sont écrits : Montaigne pense à haute voix, un scribe (il y en eut trois successifs) prend sa dictée. Préférant à l’organisation didactique et à la rhétorique des pédants une allure poétique, à sauts et à gambades, il mise sur la bigarrure et la diversité. Les cent sept Essais frappent donc par leur variété et par les contrastes qui les animent. Si les plus courts (notamment au livre I) ne sont guère que des notes de lecture, juxtaposant en une ou deux pages quelques anecdotes brièvement commentées, d’autres forment de véritables essais philosophiques, d’inspiration stoïcienne (Que philosopher c’est apprendre à mourir, I, 20) ou sceptique (Apologie de Raimond Sebond, II, 12), de plus en plus nourris de confidences personnelles (De la vanité, III, 9 ; De l’expérience, III, 13).

À la variété des formes répond celle des sujets : Montaigne, affectant de parler indifféremment de tout ce qui se présente à sa fantaisie, passe sans transition des cannibales (I, 31) aux ordonnances divines (I, 32), des senteurs (I, 60) aux prières (I, 61). Quelques titres trompeurs masquent les chapitres les plus audacieux : Coutume de l’île de Céa (II, 3) discute de la légitimité du suicide ; De la ressemblance des enfants aux pères (II, 37) attaque les médecins ; Sur des vers de Virgile (III, 5) recèle les confessions de Montaigne sur son expérience de l’amour et de la sexualité ; Des coches (III, 6) dénonce la barbarie des conquistadors… Non moins diverses sont les sources innombrables que Montaigne fait dialoguer, confrontant les autorités traditionnelles de l’humanisme à son expérience individuelle : si Plutarque et Sénèque restent ses auteurs de prédilection, historiens et poètes ne sont guère moins sollicités : des centaines de citations en prose ou en vers, en français et en latin, souvent plaisamment détournées, composent un texte à plusieurs voix. Loin de constituer un ornement gratuit ou une autorité paralysante, cet intertexte omniprésent illustre ou sollicite toujours une réflexion personnelle : Je ne dis les autres, explique Montaigne, sinon pour d’autant plus me dire.

Connais-toi toi-même : l’unité des Essais réside dans la démarche originale qui fait de l’enquête philosophique le miroir de l’auteur : C’est moi que je peins. Quel que soit le sujet traité, le but poursuivi est la connaissance de soi, l’évaluation de son propre jugement, l’approfondissement de ses inclinations : Dernierement que je me retiray chez moy, délibéré autant que je pourroy, ne me mesler d’autre chose que de passer en repos, et à part, ce peu qui me reste de vie : il me sembloit ne pouvoir faire plus grande faveur à mon esprit, que de le laisser en pleine oisiveté, s’entretenir soy mesmes, et s’arrester et rasseoir en soy (I, 8). Au-delà de ce projet sans précédent, qui nous dévoile les goûts et les opinions d’un gentilhomme périgourdin du XVIe siècle, comme ses habitudes et ses manies les plus secrètes, le génie de Montaigne est d’éclairer la dimension universelle d’un tel autoportrait : dans la mesure où chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition, la mise en œuvre du précepte socratique Connais-toi toi-même débouche sur une exploration vertigineuse des énigmes de notre condition, dans sa misère, sa vanité, son inconstance, sa dignité aussi.

Humaniste par son goût des lettres antiques, Montaigne l’est plus encore au sens philosophique, par sa haute idée de la personne humaine et du respect qui lui est dû. Sa pédagogie non violente, misant sur le dialogue et la curiosité, ses dénonciations courageuses du colonialisme naissant ou de la chasse aux sorcières opposent à toutes les formes de bêtise, d’asservissement, de fanatisme ou de cruauté une ouverture à l’autre et un esprit de tolérance qui font parfois de cet « honnête homme » notre contemporain. Ce relativisme justifie la relation exempte de dogmatisme que Montaigne inaugure avec son lecteur : remettant lui-même en question ses propres dires, soulignant la contingence de ses humeurs et opinions, sujettes au branle et à l’universelle vicissitude (Je ne peins pas l’être, je peins le passage), Montaigne nous laisse une œuvre ouverte, dont l’inachèvement semble une invitation à poursuivre l’enquête et le dialogue.”


D’autres incontournables du savoir-lire :

ERNAUX : Ecrire la vie (GALLIMARD, Quarto, 2011) : e.a. La Honte

Temps de lecture : 2 minutes >
ERNAUX A, Ecrire la vie (GALLIMARD, Quarto, 2011) : e.a. La Honte

Mon père a voulu tuer ma mère un dimanche de juin, au début de l’après-midi […]

Et le temps de la vie s’échelonne en “âge de”, faire sa communion et recevoir une montre, avoir la première permanente pour les filles, le premier costume pour les garçons, avoir ses règles et le droit de porter des bas, l’âge de boire du vin aux repas de famille, d’avoir droit à une cigarette, de rester quand se racontent des histoires lestes, de travailler et d’aller au bal, de “fréquenter”, de faire son régiment, de voir des films légers, l’âge de se marier et d’avoir des enfants de s’habiller avec du noir, de ne plus travailler, de mourir […]

Ici rien ne se pense, tout s’accomplit […]

Il était normal d’avoir honte, comme d’une conséquence inscrite dans le métier de mes parents, leurs difficultés d’argent, leur passé d’ouvriers, notre façon d’être. Dans la scène du dimanche de juin. La honte est devenue un mode de vie pour moi. A la limite je ne la percevais même plus, elle était dans le corps même […]

Tout de notre existence est devenu signe de honte. La pissotière dans la cour, la chambre commune – où, selon une habitude répandue dans notre milieu et due au manque d’espace, je dormais avec mes parents -, les gifles et les gros mots de ma mère, les clients ivres et les familles qui achetaient à crédit. A elle seule, la connaissance précise que j’avais des degrés de l’ivresse et des fins de mois au corned-beef marquait mon appartenance à une classe vis-à-vis de laquelle l’école privée ne manifestait qu’ignorance et dédain […]

Etre comme tout le monde était la visée générale, l’idéal à atteindre. L’originalité passait pour de l’excentricité, voire le signe qu’on a un grain […]

Le pire dans la honte, c’est qu’on croit être seul à la ressentir […]

Découvrir ou relire les textes d’Annie ERNAUX (ISBN : 9782070132188)


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage et iconographie | contributeur : Patrick Thonart | sources : gallimard.fr | crédits illustrations : © gallimard.fr | Annie Ernaux est présente ailleurs dans wallonica.org : lisez la lettre émouvante d’Olivier Steiner à Annie Ernaux… 


D’autres incontournables du savoir-lire :

RUSHDIE : Joseph Anton, une autobiographie (PLON, Feux croisés, 2012)

Temps de lecture : < 1 minute >
RUSHDIE S, Joseph Anton, une autobiographie (PLON, Feux croisés, 2012)

“Dans “Joseph Anton, une autobiographie”, l’écrivain britannique Salman Rushdie raconte sa vie clandestine depuis la fatwa lancée contre lui en 1989 par l’ayatollah Khomeyni. Une lecture en résonance tragique avec l’actualité.
Le jeu glaçant des circonstances a voulu que Joseph Anton, une autobiographie (1), les Mémoires de l’écrivain Salman Rushdie, paraissent au moment même où on assiste à une apparente poussée de fièvre islamiste. Quelques jours avant la sortie mondiale de l’ouvrage, jeudi 20 septembre 2012, la condamnation à mort de l’écrivain britannique, prononcée en 1989 par l’ayatollah Khomeyni, s’est vue réactivée et réévaluée de 500 000 dollars, conséquence collatérale absurde de la diffusion sur Internet d’un médiocre petit film islamophobe…”

Lire la suite de l’article de Nathalie CROM sur TELERAMA.FR | Livres (28 septembre 2012)

Lire l’autobiographie (romancée ?) de Salman RUSHDIE
(ISBN 9782259214858)

D’autres incontournables du savoir-lire :

RIFFLET : Les mondes du sacré (MOLS, 2009)

Temps de lecture : < 1 minute >
RIFFLET J, Les mondes du sacré (MOLS, 2009)
Table des matière (944 pages) :
  1. Les religions abrahamiques
    1. Le judaïsme, de la Mésopotamie à Israël
    2. Le christianisme, ses hérésies et ses schismes
    3. L’islam chiite et sunnite
    4. La civilisation judéo-arabe
    5. La dimension laïque occidentale et orientale
    6. Analyse comparée des religions de l’Ouest et de l’Est
  2. Les religions de l’Orient
    1. L’Iran, le mazdéisme et le zoroastrisme
    2. L’Inde et l’Extrême-orient, le védisme, le brahmanisme, l’hindouisme, le bouddhisme, le taoïsme le jaïnisme, le confucianisme
  3. La voie ésotérique, dont la franc-maçonnerie
  4. La laïcité occidentale et la pensée immanente
  5. Les grandes questions de la politique internationale

Lire le livre de Jacques RIFFLET (ISBN-13: 978-2845737570)

D’autres incontournables du savoir-lire :

VAN REYBROUCK : Congo, une histoire (ACTES SUD, 2012)

Temps de lecture : 2 minutes >

Le livre du Congo, un essai total écrit comme un roman (Prix Médicis Essai 2012 ; Prix du Meilleur Livre Étranger – Essai 2012). De la préhistoire aux premiers chasseurs d’esclaves, du voyage de Stanley missionné par Léopold II à la décolonisation, de l’arrivée de Mobutu puis de Kabila à l’implantation industrielle d’une importante communauté chinoise, ce livre retrace, analyse, conte et raconte 90.000 ans d’histoire : l’Histoire d’un immense pays africain au destin violenté…

Dans la presse :
      • Attention, phénomène ! Congo n’est pas simplement un essai rigoureux, dense et très documenté. Congo se lit vraiment comme un roman, un grand roman.” (Lire)
      • Un mélange de multiples (et passionnantes) tranches de vies privées, d’historiographie, de reportage, de littérature et même de poésie. (…) C’est le Voyage au Congo de Gide transposé dans la modernité, relu par Lévi-Strauss, annoté par Fernand Braudel et remixé par Studs Terkel, Howard Zinn ou n’importe quel tenant de l’histoire orale ! (…) Un roman vrai et bouillonnant qui s’offre aussi comme un étonnant miroir de nous même et des complexités Nord-Sud.” (Le Monde des livres)
      • Un ovni éditorial qui mêle habilement les approches historiques, journalistiques, et littéraire. Un de ces rares ouvrages que l’on ne parvient pas à reposer une fois qu’on l’a ouvert…” (Jeune Afrique)
      • David van Reybrouck signe un libre de référence extrêmement riche, un hymne jubilatoire à la vitalité et à l’extraordinaire volontarisme de cette nation en mouvement. Un essai écrit comme un roman, best seller dans sa langue d’origine, et qui a valu à son auteur le prestigieux prix Ako 2010. Ce livre est l’histoire, fidèle, rigoureuse, éminemment documentée et absolument romanesque d’un pays.” (Afrique Education)
      • D’une écriture captivante, d’une composition savante et bourré d’observations saisissantes. Van Reybrouck se moque des querelles d’historiens qui agitent son pays. Il a voulu prendre ses lecteurs au collet, et a parfaitement réussi.” (Humo)
      • Fusion de documents, de témoignages inédits et de récits, cette fresque gargantuesque se dévore comme un roman.” (Géo)
      • Congo fait partie des rares ouvrages de non-fiction historique qui allient histoires vécues et analyse de ces histoires en transmettant avec virtuosité données pures et vue d’ensemble.” (Der Spiegel)
      • Une lecture essentielle qui éclaire l’histoire de cet immense pays et des relations belgo-congolaises, mais plus largement aussi celles des pays européens avec le reste du monde ou la mondialisation. Immanquable.” (Imagine demain le monde)

D’autres incontournables du savoir-lire…

RENOIR : Pierre-Auguste Renoir, mon père (GALLIMARD, Folio, 1981)

Temps de lecture : < 1 minute >
RENOIR J, Pierre-Auguste Renoir, mon père (GALLIMARD, Folio, 1981)

“La vie d’un des plus grands peintres racontée par un des plus grands cinéastes. Il est vrai que l’un était le père de l’autre, et que Jean Renoir est né au «château des Brouillards», sur la butte Montmartre, à deux pas du Moulin de la Galette immortalisé par un tableau de Pierre-Auguste. Cette biographie fait revivre avec amour un homme, une œuvre, un monde…”

Lire la biographie de Pierre-Auguste RENOIR, le peintre, écrite par son fils Jean RENOIR, le réalisateur (1894-1979)
(ISBN : 2070372928)

D’autres incontournables du savoir-lire :

WOLKERS : Les délices de Turquie (BELFOND, Vintage, 2013)

Temps de lecture : < 1 minute >
WOLKERS J, Les délices de Turquie (BELFOND | Vintage, 2013)

“Original, cru, provocateur, tendre, joyeux, désespéré, un roman puissant, entre Les Valseuses et Le Dernier Tango à Paris, par un des plus grands écrivains hollandais.

Comme celle d’Henry Miller, l’écriture de Wolkers témoigne d’un érotisme exubérant et d’un formidable appétit de vivre.

New York Times Book Review

…un roman à l’énergie contagieuse, à la liberté de ton étonnante, porté par une écriture fougueuse et sensuelle… l’histoire d’une passion folle dans l’Amsterdam des années 1960.

La redécouverte d’un roman culte et de son auteur, artiste total à la réputation scandaleuse, en révolte perpétuelle contre l’hypocrisie d’une société engoncée dans un protestantisme pudibond. Jan Wolkers est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands écrivains néerlandais d’après-guerre, aux côtés d’Harry Mulisch, Gerard Reve et Willem Frederik Hermans.

Paru en 1969 (sic), les Délices de Turquie ont été adaptés au cinéma en 1973 par Paul Verhoeven, avec Rutger Hauer et Monique Van de Ven dans les rôles principaux, et ont été désignés comme le meilleur film néerlandais du XXe siècle.”

C’est le roman cru, provocateur, désespéré d’une passion dans l’Amsterdam des années 60.

Rolling Stones, Laurent Boscq

[Une] perle vénéneuse de la littérature néerlandaise.

Le Monde des Livres, Nils C. Ahl


D’autres incontournables du savoir-lire :

WOOLF : Romans, Essais (GALLIMARD, Quarto, 2014) : e.a. La promenade au phare

Temps de lecture : 2 minutes >
WOOLF V, Romans, Essais (GALLIMARD, Quarto, 2014) : e.a. La promenade au phare

Cela l’aurait blessée qu’il refuse de venir. Mais pour lui cela n’en valait pas la peine. Regardant sa main, il songea que s’il avait été seul il aurait déjà presque fini de dîner ; il aurait été libre de se mettre au travail. Oui, songea-t-il, c’est une perte de temps épouvantable. (…) Que tout cela est donc dérisoire, que tout cela est fastidieux, pensa-t-il, à côté du reste – le travail. Il était assis là à pianoter sur la nappe alors qu’il aurait pu – lui apparut aussitôt une vue d’ensemble de son travail. Vrai, quelle perte de temps que tout ça ! (…) Il avait seulement envie d’être seul et de continuer à lire cet excellent livre. Il se sentait mal à l’aise ; il se sentait déloyal à l’idée de pouvoir être assis près d’elle sans rien éprouver à son égard. La vérité c’est qu’il n’appréciait pas la vie de famille. C’est dans ce genre de situation que l’on se demandait : Pour quoi vit-on ? A quoi bon, demandait-on, se donner tant de mal pour perpétuer la race humaine ? Est-ce tellement souhaitable ? (…) Questions stupides, vaines questions, questions que l’on ne se posait jamais si l’on était occupé. La vie humaine est-elle ceci ? La vie humaine est-elle cela ? On n’avait jamais le temps d’y penser.

Lire les romans de Virginia WOOLF (1882-1941)
(ISBN : 9782070144983)

Lire les commentaires de TELERAMA.FR | Livres

“Virginia Woolf entre la maladie et l’écriture” sur CAIRN.INFO

D’autres incontournables du savoir-lire :

PEREC : Je me souviens (FAYARD, 1978)

Temps de lecture : 4 minutes >
PEREC : Je me souviens (FAYARD, 1978)

2. Je me souviens que mon oncle avait une 11CV immatriculée 7070 RL2.
4. Je me souviens de Lester Young au Club Saint-Germain; il portait un complet de soie bleu avec une doublure de soie rouge.
42. Je me souviens que je me demandais si l’acteur américain William Bendix était le fils des machines à laver.
54. Je me souviens que Voltaire est l’anagramme de Arouet L(e) J(eune) en écrivant V au lieu de U et I au lieu de J.
87. Je me souviens que Caravan, de Duke Ellington, était une rareté discographique et que, pendant des années, j’en connus l’existence sans l’avoir jamais entendu.
95. Je me souviens que dans le film Knock on wood, Danny Kaye est pris pour un espion du nom de Gromeck.
101. Je me souviens des mousquetaires du tennis.
105. Je me souviens de “Bébé Cadum”.
110. Je me souviens de Paul Ramadier et de sa barbiche.
112. Je me souviens que Colette était membre de l’Académie royale de Belgique.
123. Je me souviens que la violoniste Ginette Neveu est morte dans le même avion que Marcel Cerdan.
125. Je me souviens que Khrouchtchev a frappé avec sa chaussure la tribune de l’O.N.U.
138. Je me souviens que Jean Bobet — le frère de Louison — était licencié d’anglais.
145. Je me souviens que j’adorais le Bal des Sirènes avec Esther Williams et Red Skelton, mais que j’ai été horriblement déçu quand je l’ai revu.
148. Je me souviens que Fidel Castro était avocat.
149. Je me souviens de Charles Rigoulot.
152. Je me souviens que Warren Beatty est le petit frère de Shirley McLaine.
161. Je me souviens que Claudia Cardinale est née à Tunis (ou en tout cas en Tunisie)
167. Je me souviens que les Platters furent impliqués dans une affaire de drogue, et aussi que le bruit courut que Dalida était un agent du F.L.N.
177. Je me souviens de Youri Gagarine.
187. Je me souviens que le trompettiste Clifford Brown est mort à vingt ans dans un accident de voiture.
196. Je me souviens que Marina Vlady est la soeur d’Odile Versois (et qu’elles sont les filles du peintre Poliakoff).
198. Je me souviens du champion de rugby à XIII Puig-Aubert, surnommé “Pipette”.
205. Je me souviens de la feuille d’impôts de Chaban-Delmas.
207. Je me souviens que quand Sophie, Pierre et Charles faisaient la course, c’était Sophie qui gagnait, car Charles traînait, Pierre freinait, alors que Sophie démarrait.
210. Je me souviens que Fausto Coppi avait une amie que l’on appelait “la Dame blanche”
211. Je me souviens d’un fromage qui s’appelait “la Vache sérieuse” (“la Vache qui rit” lui a fait un procès et l’a gagné).
230. Je me souviens qu’à la fin de la guerre, il y eut une “affaire Petiot” qui ressemblait à l’affaire Landru.
242. Je me souviens que pendant la guerre les Anglais avaient des Spitfire et les Allemands des Stukas (et des Messerschmidt)
259. Je me souviens que l’une des premières décisions que prit de Gaulle à son arrivée au pouvoir fut de supprimer la ceinture des vestes d’uniforme.
265. Je me souviens de Lee Harvey Oswald.
268. Je me souviens que pendant son procès, Eichmann était enfermé dans une cage de verre.
282. Je me souviens que Maurice Chevalier avait une propriété à Marnes la Coquette.
291. Je me souviens que le premier film de Jerry Lewis et Dean Martin que j’ai vu s’appelait la Polka des marins.
301. Je me souviens que Sidney Bechet a écrit un opéra — ou bien était-ce un ballet? — intitulé La nuit est une sorcière.
313. Je me souviens de Bourvil. Je me souviens d’un sketch de Bourvil dans lequel il répétait plusieurs fois en conclusion de chaque paragraphe de sa pseudo-conférence: “L’alcool,non, l’eau férrugineuse, oui!” Je me souviens de Pas si bête, et du Rosier de Madame Husson.
329. Je me souviens que dans Huis-clos il est question d’un “bronze de Barbédienne”.
346. Je me souviens de la “Pile Wonder ne s’use que si l’on s’en sert”.
363. Je me souviens du film de Louis Daquin, l’Ecole buissonnière, avec Bernard Blier, qui s’inspirait des méthodes Freinet.
364. Je me souviens que j’étais abonné à un Club du Livre et que le premier livre que j’ai acheté chez eux était Bourlinguer de Blaise Cendrars.
369. Je me souviens de Caryl Chessman.
375. Je me souviens de l’enlèvement de Fangio (par des Castristes?)
380. Je me souviens de Bao Daï et, beaucoup plus tard, de Madame Nhu.
382. Je me souviens de la colombe de Picasso, et de son portrait de Staline.
389. Je me souviens de Christine Keeler et de l’affaire Profumo.
416. Je me souviens que le numéro des “Peugeot” (201, 203, 302, 303, 403, 404, etc.) avait un sens précis, et aussi le numéro des locomotives (par exemple: Pacific 231).
418. Je me souviens des “Juvaquatre”.
451. Je me souviens de Robert Mitchum quand il dit “Children…” dans le film de Charles Laughton, La nuit du chasseur.
469. Je me souviens de Brigitte Bardot quand elle chantait Sidonie a plus d’un amant, Moi je ne crains personne en Harley-Davidson ou La fin de l’été…

A la demande de l’auteur, l’éditeur a laissé à la suite de cet ouvrage quelques pages blanches sur lesquelles le lecteur pourra noter les “Je me souviens” que la lecture de ceux-ci aura, espérons-le, suscités.​

Lire la suite de la pièce de Georges PEREC (1936-1982)
(EAN : 9782213677972)

Découvrir PEREC dans wallonica.org (citations)


D’autres incontournables du savoir-lire :

ECO : textes

Temps de lecture : 3 minutes >

De Hercule à Siegfried, de Roland à Pantagruel en passant par Peter Pan, le héros doué de pouvoirs supérieurs à ceux du commun des mortels est une constante de l’imagination populaire. Souvent, la vertu du héros s’humanise, et ses pouvoirs ultra-surnaturels ne sont que la réalisation parfaitement aboutie d’un pouvoir naturel, la ruse, la rapidité, l’habileté guerrière, voire l’intelligence syllogistique et le sens de l’observation à l’état pur que l’on retrouve chez Sherlock Holmes. Mais dans une société particulièrement nivelée, où les troubles psychologiques, les frustrations, les complexes d’infériorité sont à l’ordre du jour, dans une société industrielle où l’homme devient un numéro à l’intérieur d’une organisation qui décide pour lui, où la force individuelle, quand elle ne s’exerce pas au sein d’une activité sportive, est humiliée face à la force de la machine qui agit pour l’homme et va jusqu’à déterminer ses mouvements, dans une telle société, le héros positif doit incarner, au-delà du concevable, les exigences de puissance que le citoyen commun nourrit sans pouvoir les satisfaire…

… Un homme “hétérodirigé” est quelqu’un qui vit au sein d’une communauté à niveau technologique élevé, dotée d’une structure socio-économique particulière (en ce cas, une économie de consommation), auquel on suggère constamment (par la publicité, la télévision, les campagnes de persuasion qui envahissent chaque aspect de la vie quotidienne) ce qu’il doit désirer et comment l’obtenir selon certains canaux préfabriqués qui lui évitent d’avoir à faire des projets de manière risquée et responsable. Dans une société de ce genre, même le choix idéologique est “imposé” par une gestion avisée des possibilités émotives de l’électeur, au lieu d’être un engagement à la réflexion et à l’évaluation rationnelle. Un slogan du type “I like Ike” révèle au fond toute une manière de procéder : en effet, on ne dit pas à l’électeur “Tu dois voter pour tel candidat pour les raisons suivantes que nous soumettons à ta réflexion” […] ; ici, on dit à l’électeur : “Tu dois avoir envie de cela”. Donc, on ne l’invite pas à un projet, on lui suggère de désirer quelque chose que d’autres ont déjà projeté.

Aujourd’hui, le nouveau héros des programmes télévisés n’est plus, comme à l’époque où j’écrivais “La phénoménologie de Mike Buongiorno”, l’homme commun. C’est celui que le roman-feuilleton plaçait en dessous du lecteur, j’ai nommé l’idiot du village.
L’idiot du village se situe au-dessous de la moyenne. On l’invite aux talk shows ou aux émissions de jeux justement parce que c’est un idiot. On se souvient qu’autrefois dans les villages, le soir à l’auberge, on offrait à boire à l’idiot du village afin qu’il s’enivre et finisse par faire des choses inconvenantes et obscènes, déclenchant l’hilarité générale. Mais alors, l’idiot comprenait obscurément qu’on le traitait comme tel, et acceptait le jeu car c’était une façon de se faire payer un coup et de s’exhiber devant tout le monde.
L’idiot du village des programmes télé actuels n’est pas un sous-développé. Ce peut être un esprit bizarre (par exemple l’inventeur d’un nouveau système de mouvement perpétuel, ou le découvreur de l’Arche perdue, le genre de type qui pendant des années a frappé en vain aux portes de tous les journaux ou de tous les bureaux de brevets d’invention, et a enfin trouvé quelqu’un pour le prendre au sérieux) ; ce peut être aussi un intellectuel qui a compris que, au lieu de se fatiguer à écrire un chef-d’oeuvre, il était possible d’avoir du succès en baissant son pantalon à la télé et en montrant son postérieur, en lançant des insanités lors d ‘un débat culturel, ou carrément en agressant à coups de gifles son interlocuteur.
Aujourd’hui, la dynamique de l’audimat fait que, à peine paru à l’écran, un idiot du village, sans cesser d’être idiot, devient un idiot célèbre dont la gloire se mesure en engagements publicitaires, en invitations à des congrès ou à des fêtes, voire en des offres de prestations sexuelles (mais Victor Hugo ne nous a-t-il pas enseigné qu’une belle femme peut raffoler de l’Homme qui rit ?).

extraits de De Superman au surhomme (Grasset, Paris, 1993)

Citez-en d’autres :

NIETZSCHE : textes

Temps de lecture : < 1 minute >

Ma formule pour la grandeur de l’homme est amor fati : que l’on ne veuille rien avoir différemment, ni par le passé, ni par le futur, de toute éternité. Il ne faut pas seulement supporter le nécessaire, encore moins se le cacher – tout idéalisme est mensonge face à la nécessité –, il faut aussi l’aimer…

Ecce Homo, Pourquoi je suis si intelligent, §10, 1908

Citez-en d’autres :