Temps de lecture : 9 minutes > “Les temps sont durs, pour la culture“, “les temps sont durs pour l’HoReCa” : la rengaine est connue et dans les deux secteurs, l’ambiance sanitaire ne fait pas que des heureux (c’est un euphémisme) alors que, en ces temps d’obscurantismes et de confinements en tous genres, voilà bien les deux espaces où nos frères humains pourront d’abord rétablir le vivre-ensemble, sans lequel les lendemains ne chanteront pas… en chœur (c’est une métaphore).
Le carré wallonica.org (encyclopédie, centre de ressources téléchargeables, topoguide et boutique sans but lucratif) travaille tous les jours à provoquer des actes de culture, à inviter chacun à… cliquer curieux. C’est une mission d’éducation permanente à laquelle notre équipe bénévole se consacre chaque jour, avec un humble mais réel succès : désormais plus de mille articles publiés (et autant de brouillons en attente de traitement) lus par des centaines d’internautes affiliés, une infolettre hebdomadaire qui tourne, une visibilité confirmée sur les réseaux sociaux et des contenus issus de toute la Francophonie pour entrelarder les savoirs de Wallonie et de Bruxelles.
Malgré cela, aujourd’hui, comment pouvons-nous convaincre les pouvoirs publics que ce travail au quotidien sert des missions de l’Etat que, en d’autres temps, les politiques et les administrations déléguaient en confiance à des acteurs de terrain comme nous, moyennant le respect de règles fixées dans des conventions précises ? Si quelqu’un a une idée, qu’il/elle clique ici et nous contacte… !
Comment penser un seul instant que seul le rétablissement dès demain d’un modèle économique et social qui n’a pas fait ses preuves jusqu’ici, puisse constituer une base solide pour notre vivre-ensemble d’après-demain ? Comment chacun d’entre nous peut-il rester les yeux fixé sur ses pieds (sur ses pantoufles ?) et ne pas regarder plus haut, pour paraphraser un titre de film à la mode ? Comment ne pas pressentir l’entrevoyure et réaliser intimement combien c’est dans la culture, le débat et les loisirs partagés que le lien va se reconstituer, que cette délicieuse humanité que nous formons malgré l’adversité pourra s’y recâbler ? On connaît son incroyable plasticité et elle a déjà fait la preuve de son étonnante capacité de résilience : alors, travaillons-y !
Au temps pour les envolées lyriques. Retour au travail quotidien. Au fond, ça fait quoi au jour le jour, une équipe comme celle de wallonica.org ? La réponse est presque une évidence pour moi, qui descend d’une famille de petits hôteliers (cfr. l’illustration de l’article : j’ai partiellement grandi dans cet hôtel, au centre de Spa, et la famille état également active à Lorcé-Chevron) :
Chez wallonica, on fait de la culture
comme dans… l’HoReCa !
Mais, me direz-vous, “je ne vois pas le rapport“, et je vous répondrai, comme chaque fois : “laissez-vous faire, restez curieux, vous allez voir !”
Tout d’abord, nous l’avons dit, la mission est la même : œuvrer au vivre-ensemble. Ensuite, notre pain quotidien en dépend : nous vivons du vivre-ensemble. Enfin, nos activités même sont comparables, qui activent concrètement le vivre-ensemble. Je m’explique ici par le biais des métiers que nous avons en commun…
1. PROMOUVOIR : Nous sommes tous des rabatteurs…
Les rabatteurs des cabarets dans les quartiers aux lanternes rouges, ceux des restaurants de la rue des Bouchers, les marchandes de quatre-saisons de la Batte, les voituriers baratineurs des bons hôtels, tous poussent la gueulante ou vous abordent avec courtoisie dans un seul but : éveiller votre curiosité et… vous faire entrer.
Loin d’aspirer au metavers de celui-dont-on-ne-veut-prononcer-le-nouveau-nom, nous sommes néanmoins principalement actifs sur le web. Si nous participons et relayons des événements non-virtuels également, notre zone de chalandise reste l’Internet et ses outils. Cela permet de travailler le dimanche en pyjamas mais cela exige une activité de Community Manager intense qui nous trouve autant sur les réseaux sociaux que sur les blogs amis et les sites de notre réseau. Certains partenariats nous permettent en outre d’avoir des relais physiques qui assurent une promotion croisée (ex. l’Artothèque des Chiroux dont nous publions la documentation ou les conférences de la CHiCC qui sont relayées dans nos pages).
Nos trottoirs, nos vitrines et nos étals sont donc virtuels et attirer les visiteurs vers nos pages demande une activité continue et des réflexes rapides : il est vrai que nous travaillons au bord des autoroutes… de l’information.
2. STRUCTURER : nous affichons tous la carte et les menus…
Quel bonheur, une fois assis à la table d’un restaurant, de pouvoir trouver facilement les plats auxquels on aspire, indiquer au petit qu’il doit essayer de lire en bas de la page 4 pour le menu enfants, de savoir d’un coup d’œil qu’il y a également des pâtes sans gluten et, comble du bonheur, de pouvoir vérifier si le Vin du Patron est ou non un gros rouge qui tache. La carte est bien structurée et les menus sans mauvaise surprise. Que veut le peuple ?
La clarté de la structure globale de notre encyclo et de ses rejetons, les catégories inhabituelles mais cohérentes dans lesquelles chaque sujet trouve sa place, l’alignement des mots-clefs qui marquent chaque article pour assurer la pertinence de notre visibilité auprès moteurs de recherche, l’identification des auteurs ou des compilateurs, la fiche qualité en bas de chaque publication… autant de dispositifs mis en place pour permettre une visite limpide et apaisée.
Nous avons adopté une structure peu traditionnelle pour ranger les articles de notre encyclopédie (pour en savoir plus…) et elle doit favoriser le furetage critique entre les sujets et les thèmes. N’oubliez pas que, contrairement à nos encyclopédies papier (“je revends ma Britannica, contactez-moi en MP…“), un blog encyclo permet de marquer un même article de plusieurs catégories et de lui appliquer plusieurs mots-clefs différents ! Qui plus est (nous le savons), vous arriverez plus souvent sur une publication par l’intermédiaire d’une recherche qu’en navigant au départ de la page d’accueil. Essayez, cliquez curieux !
3. PREPARER : nous avons tous des arrières-cuisines où ça bosse ferme…
La Poularde Valentine Thonart sur votre table, le cake cinq-quarts que l’on sert à vos enfants, l’apéro frais servi au lounge ou les boulets à la liégeoise dont vous débattez de la meilleure recette avec une tache de sauce de Madame Lapin sur votre serviette, tout cela représente une importante activité en cuisine, frénétique mais organisée.
Le parallèle est facile dans ce cas et, au clavier comme aux fourneaux, le savoir-faire est une exigence de base. Il s’agit pour nous de respecter au jour le jour nos sept critères de qualité : nous devons maîtriser les dispositifs techniques et ne les mettre en oeuvre que lorsqu’ils servent notre mission (1. ingénierie pertinente) ; toujours vigilants, nous devons permettre et nourrir le débat avec des savoirs contrôlés, présentés afin d’éviter toute équivoque (2. édition critique) ; sur nos sites mais également sur leurs déclinaisons comme sur les réseaux sociaux, nous devons activement susciter l’activité de culture (3. animation continue) ; prendre en charge une mission d’éducation permanente comme nous le faisons implique également de faire la différence entre l’utile pour tous et l’agréable pour soi (4. utilité publique) ; malgré la maigreurs des subventions dont nous avons pu bénéficier jusqu’ici, nous survivons au jour le jour et nous sollicitons les donations à l’asbl wallonica comme les soutiens publics (un jour, peut-être : 5. autonomie financière) ; nous accueillons toutes les opinions (même les nôtres) mais nous nous réservons le droit de les positionner au bon niveau car il n’y a selon nous pas d’autre moyen pour lutter contre l’obscurantisme ambiant (6. liberté absolue de conscience) ; enfin, nous documentons autant que faire se peut notre travail afin de permettre à d’autres initiatives similaires de rejoindre le mouvement encyclopédiste (7. reproductibilité documentée).
Quand on vous disait qu’on bossait ! Par ailleurs, cette recherche de qualité se traduit dans des activités très variées, allant de la veille à la mise en page, de la gestion de communautés sur les réseaux sociaux à la préparation d’infolettres, du développement informatique à l’océrisation de vieux livres, de la rédaction au simple partage, en passant par la compilation…
4. INTERFACER : nous tenons tous à l’efficacité et à l’élégance du service…
Vu ma tradition familiale, je mange rarement dans un restaurant sans guetter les éventuelles erreurs de service (tout le monde n’est pas servi en même temps, la serveuse est une étudiante qui vient de mettre son coude dans le nez de mon épouse, les toilettes sont sales, le personnel râle en salle, les rognons nagent dans un bouillon transparent…).
La même rigueur est… de rigueur lorsqu’on se mêle d’éditer une encyclo, un topoguide, une boutique et un centre de ressources : l’interface et ses fonctionnalités, les contenus et leur édition, la qualité des articles et leur pertinence, aucun détail ne peut être négligé pour faire de l’expérience du visiteur un moment de bien-être visuel et de curiosité récompensée. De la même manière, il est logique que vous vous attendiez à ce que chaque chose soit élégante et à sa place quand vous cliquez sur https://wallonica.org.
C’est pourquoi notre logo est un ‘produit wallon’ créé par une artiste liégeoise, que celle-ci nous a également accompagnés dans la création d’une interface sobre et dynamique.
C’est pourquoi aussi nous avons éclaté wallonica en quatre sites distincts au sein du même domaine wallonica.org (le Carré wallonica) : l’encyclopédie qui est au cœur de l’initiative et agit comme un concentrateur des savoirs francophones, la base de ressources documentaires téléchargeables où sont partagées des publications qui, autrement, seraient indisponibles ou disparues, le topoguide qui propose des fiches sur les lieux remarquables ou curieux de Wallonie et de Bruxelles, et la boutique (sans but lucratif) pour favoriser un mini-shopping plus malin.
C’est pourquoi enfin, dans le blog encyclo même, nous avons disposé les contenus selon plusieurs zones différentes : les articles encyclopédiques (rédigés, compilés ou partagés) sont organisés en sept catégories, un kiosque propose un agenda culturel, un index commente des initiatives que nous admirons, la même chose pour les blogs & magazines que nous compulsons régulièrement, une revue de presse bien fournie et une tribune libre où nous partageons les “cartes blanches” qui nous semble les plus génératrices de débats sains. Pour les plus paresseux, une série d’incontournables est disponible, que l’on peut comparer aux “playlists” des plateformes de musique (Savoir-citer, Savoir-contempler, Savoir-écouter…). Enfin, tout dispositif méritant son mode d’emploi, une base de connaissances se remplit de semaine en semaine qui permet de partager avec tout autre zélateur encyclopédique ou avec nos visiteurs les différentes bonnes pratiques de notre métier.
5. RELIER : nous avons tous un présentoir de cartons touristiques à la sortie…
Qui n’a pas passé de longs moments, dans l’entrée de son gîte ou aux vestiaires de son restaurant, à empocher les cartons touristiques qui y étaient proposés sur un présentoir bien visible ? Qui ne les a ensuite passés en revue, assis sur le coin de son lit d’hôtel, pour décider quel musée il allait visiter, à quel restaurant il dînerait ou à quel marché local il pourrait faire des emplettes ? Le restaurant, l’hôtel ou le gîte concerné avait joué son rôle d’office du tourisme local et avivé notre curiosité, avec ces cartes colorées.
Ici, peut-être ergotera-t-on sur différence entre le large périmètre de notre réseautage de contenus issus de Wallonie et de Bruxelles, que nous mélangeons aux autres savoirs provenant de toute la Francophonie, et le ciblage essentiellement local de la promotion touristique : sur un présentoir d’hôtel à Tournai, il y a peu de chance de trouver une promotion du préhistomuseum de Ramioul.
Mais c’est un choix assumé chez nous de construire une meilleure visibilité des savoirs wallons, en misant sur un panaché de contenus internationaux francophones et de ressources proprement issues de Wallonie et de Bruxelles. La raison en est simple : l’informatique est simpliste et binaire. Un exemple ? Essayez seulement de parler d’un artiste d’un artiste wallon (et reconnu comme tel) dans un journal français (n’oubliez pas que notre Grétry est un compositeur français d’origine liégeoise !).
Par contre, si vous consultez l’index des artistes présents sur wallonica.org (vous êtes arrivé là via une recherche sur les mots “sculpture + Rodin”), vous allez trouver des noms comme Balthus, Bonnard, Breitner, Klimt, Kokoschka et Rodin, mélangés avec Colmant, Crehay, Ianchelevici, Pinelli, Serrurier-Bovy et Wesel, par le seul jeu du mélange des origines et de… l’ordre alphabétique.
Concluons ici. Même mission, mêmes activités et même combat : le rapprochement est facile, vous l’avez vu, mais il permet d’entrevoir la beauté des deux secteurs et la beauté de notre métier d’activistes de la culture. Dans les deux cas, les temps actuels sont difficiles et, dans les deux cas, ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts encore dans notre engagement. Et, pssst, nous aussi, nous restons ouverts !
Patrick Thonart
[INFOS QUALITÉ] statut : validé | mode d’édition : rédaction | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : domaine public et collection privée.
Débattons encore…