CAMUS : Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois (1953)

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Albert CAMUS (1913-1960), l’écrivain, le journaliste et le philosophe, jouait au Racing Universitaire Algérois (RUA) en 1929, après avoir été le gardien de but l’AS Monpensier. De ces années-là, Camus gardera en lui un rêve fracassé : en 1930, on diagnostique sa tuberculose ; il a 17 ans, il comprend qu’il ne sera jamais professionnel. Jamais. En 1940, il retire ses crampons pour toujours.

Mais Camus restera passionné de foot toute sa vie. Avec l’argent du prix Nobel de littérature [à lire : le Discours de Suède prononcé à cette occasion], il achète une maison, à Lourmarin dans le Lubéron. Tous les dimanches, il est au bord du terrain local, regardant les enfants jouer contre le village voisin. Il paie leur maillot. Il supporte le Racing club de Paris. Pourquoi ? Parce qu’il ont le même maillot que le Racing algérois.

Mais surtout il écrit : “Le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football qui resteront mes vraies universités. J’ai appris qu’une balle ne vous arrivait jamais du côté où l’on croyait. Ça m’a servi dans l’existence et surtout dans la métropole où l’on n’est pas franc du collier.” Le foot, c’est aussi l’attachement au milieu populaire dont on est issu… ou pas. Mais quand on en vient, en comprend mieux, on ressent plus.

Camus avait été gardien de but parce que c’était la place où l’on usait le moins ses chaussures. Orphelin de père et fils de pauvre, Camus ne pouvait se payer le luxe de trop courir sur le terrain : chaque soir, sa grand-mère violente inspectait ses semelles et lui flanquait une raclée si elles étaient abîmées. Pendant que sa mère, femme de ménage mutique, restait dans un coin, à jamais emmurée dans son silence.

Mais Camus aimait le foot au point de travailler plus dur à l’école dans l’espoir vain que sa grand-mère maltraitante lui pardonne ses chaussures détruites. Devenu écrivain, il racontera parfois, rarement, sa fascination pour un sport où la correction et la violence sont en équilibre précaire, où on rend les coups que l’on prend “sans tricher” (sic) où il faut apprendre à gagner sans se prendre pour Dieu et à perdre sans se trouver nul, où la joie de vaincre et les larmes de la défaite se ressentent et se ressemblent, après l’effort, dans la même ivresse de vivre.”

  • D’après : Entretiens avec Camus dans le Bulletin du RUA le 15 avril 1953 et dans France-Football du 17 décembre 1957. Texte déniché par Jean-Paul Mahoux.

Let’s play fair…

Saints de glace

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Les Saints de glace correspondent, selon une croyance populaire qui remonte au Moyen-Age, à une période de 3 jours en mai, durant laquelle le risque de froid et de gelées est particulièrement important : le jardinier doit donc s’en méfier. Les 3 saints catholiques incriminés sont : Saint Mamert (11 mai), Saint Pancrace (12 mai) et Saint Servais (13 mai). Inutile de chercher leurs noms sur votre calendrier, il a été remanié en 1960 par Rome et, aujourd’hui, ils sont remplacés par Sainte Estelle, Saint Achille et Sainte Rolande. Mais qu’importe le ‘saint’ du jour : les jardiniers continuent à se méfier de ces 3 dates-là !

Avis à la population

Croyances, traditions, balivernes ou sagesse de bonne femme : faut-il vraiment se méfier des Saints de Glace au jardin ? En pratique, les statistiques météo montrent que le risque de gelées n’est pas plus important durant ces 3 jours-là que durant les jours qui précèdent ou ceux qui suivent. C’est en fait toute la période de la première quinzaine de mai (et jusqu’à fin mai en montagne ou dans les régions septentrionales) qui est à craindre : en mai, on peut observer des descentes d’air froid sur l’Europe occidentale, et lorsque celles-ci coïncident avec une période anticyclonique se traduisant par un ciel dégagé, notamment la nuit, les températures nocturnes peuvent très vite chuter et entraîner des gelées (un peu comme au moment de la lune rousse), alors même que les journées sont douces grâce à l’ensoleillement. Il est donc conseillé au jardinier d’attendre, pour mettre en place les plantes les plus frileuses, que les Saints de glace soient passés (donc, raisonnablement, la 2e quinzaine de mai). A défaut, il faudra prendre la précaution de protéger les cultures sensibles au gel (notamment au potager) sous un voile d’hivernage ou un tunnel !


© V. Sauvage
Les Saints de glace : on nous a menti !

Mais qui sont-ils, où sont-ils, pourquoi cette attente de leur passage de la part de tout botaniste ou autres jardiniers amateurs ? Basé sur une vieille croyance (reposant sur des observations dans les champs et les vignes), cette mini-vague de froid peut être expliquée par le fait qu’aux environs des 11-12-13 mai, la terre traverse un disque de poussières diffuses dans le système solaire, provenant de résidus de la formation de planètes. Durant quelques heures, cette poussière représente un obstacle aux rayons du soleil. Tous les ans, la question revient comme un leitmotiv : elle fait chaque fois référence aux Saints de glace et aux variations climatiques de cette période.

Il faut d’abord savoir que comme les Mousquetaires, les 3 saints en question étaient en fait 4 :

    1. Saint Mamert († 474) fut évêque de Vienne, en Dauphiné (FR) ; il est fêté le 11 mai. Le dicton du jour sera alors “Attention, le premier des saints de glace, souvent tu en gardes la trace.” Il avait institué les ‘rogations’ : il avait ordonné que, durant les trois jours précédant l’Ascension, les hommes fassent des prières contre les calamités.
    2. Saint Pancrace fut martyr à Rome en 304. Fêté le 12 mai, ma grand-mère disait alors “Saint Pancrace, Gervais et Boniface apportent souvent la glace.
    3. Saint Servais, attendu le 13 mai, fut évêque de Tongres vers 384. Et ce jour-là vous pourrez vous exclamer : “Avant Saint Servais : point d’été, après Saint Servais : plus de gelée.” Ou encore “Quand il pleut à la Saint Servais, pour le blé, signe mauvais.” Saint Gervais est souvent cité à la place de saint Servais, ce pourquoi les anciens reprennent en cœur “Saint Gervais quand il est beau, tire saint Médard de l’eau.
    4. En dernier, le 25 mai arrive saint Urbain (fêté désormais le 19 décembre). On associe souvent saint Urbain (pape du IIIe siècle, de 222 à 230) et sainte Sophie. On a coutume de dire “Quand la saint Urbain est passée, le vigneron est rassuré.” Ou encore “Mamert, Pancrace, Servais sont les trois saints de glace, mais saint Urbain les tient tous dans sa main.

Les 11, 12 et 13 mai sont donc des dates de mauvaise réputation pour toutes les mains vertes qui ne jardinent jamais avant le passage de ces journées de retour tardif des gelées, capables de réduire à zéro le travail des téméraires qui auraient osé planter avant cette échéance.

Ne cherchez pas sur les calendriers la trilogie de ces saints que sont saint Mamert, saint Pancrace et saint Servais : ils ont été remplacés par sainte Estelle, saint Achille et sainte Rolande. Cette substitution fut décidée après le dernier concile romain afin de ‘nettoyer’ le calendrier de tous les personnages donnant lieu à des pratiques rituelles peu conforme avec la liturgie et considérées comme entachées de fond païen. Ainsi nos ‘braves saints de glace’ furent rayés au même titre que les guérisseurs, retrouveurs d’objets perdus ou annonceurs du temps.

Bien sûr ils étaient tous les ans implorés par les agriculteurs et les viticulteurs croyants ou superstitieux, qui, à cette occasion, participaient à des processions religieuses qui n’étaient pas forcément dénuées d’arrière-pensées… pragmatiques. Reste que, si nous en recherchons les origines lointaines, très lointaines même, des gens d’alors avaient constaté qu’une brutale chute de la température nocturne (ou plutôt matinale) arrivait tous les ans aux alentours de ces trois journées. Cet élément climatologique, particulièrement désastreux pour les plantations qui pourraient se trouver alors en début de germination, les incitait à laisser passer l’événement avant d’entreprendre les grands travaux de printemps, et pour les jardiniers et maraîchers, avant de planter, repiquer, semer, mettre en terre en toute quiétude. Alors, pour vos géraniums et tomates, patientez encore un peu…”

d’après Eric Harald Schwartz-Baton


ISBN 2070382532

L’expression “Les Saints de glace” a été habilement dévoyée par le traducteur d’un roman policier de Richard Matheson (paru en 1953), pour donner un équivalent percutant au titre anglais “Someone is Bleeding“. Traduttore, traditore ?

Ce n’est donc pas au film de Georges Lautner (co-écrit avec Matheson), Les seins de glace (sorti en 1974), que l’on doit le jeu de mots, ni au service publicitaire qui jouait alors l’association libre avec le physique de l’actrice Mireille Darc (1938-2017).

Mireille Darc dans “Les seins de glace” de Georges Lautner © Jacques Dejean

Vivons mieux…

PENA-RUIZ : les trois boussoles de la laïcité

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Historique de la reconnaissance des cultes en Belgique © SPF Justice

La laïcité est le principe humaniste qui fonde le régime des libertés et des droits humains sur l’impartialité du pouvoir civil démocratique dégagé de toute ingérence religieuse. Il oblige l’État de droit à assurer l’égalité, la solidarité et l’émancipation des citoyens par la diffusion des savoirs et l’exercice du libre examen. [LAICITE.BE]

Le Centre d’Action Laïque communautaire propose sur son site un lexique des différents termes liés à l’expérience de la laïcité et, par ailleurs, publie régulièrement des capsules vidéo sur sa page FaceBook et sur YOUTUBE.COM (recherche sur #InstantLaïcité), qui se veulent éclairantes sur la notion même de “laïcité”. Dans celle-ci, le philosophe Henri Peña-Ruiz évoque de manière limpide les trois boussoles qui devraient selon lui permettre à la laïcité de garder le cap :

  1. La laïcité est universaliste.
    Comme le précise l’HUMANITE.FR à propos de l’universalisme de ‘la laïcité à la française’ (oxymore, quand tu nous tiens…) : “La laïcité traduit un universalisme concret. Universalisme car elle pose que chacun et chacune se définit librement et ne se voit pas définitivement lié par les représentations, préjugés et fantasmes associés aux origines présumées des uns et des autres. Universalisme concret car, au-delà des mots, elle se vit dans l’accès de tous au savoir dispensé à l’école, refuse des contrats de travail et d’embauche aux droits différenciés.
  2. La laïcité est synonyme d’émancipation.
    Du point de vue laïque, ce n’est pas la société qui donne du sens à l’homme, mais bien les hommes qui, tous ensemble, donnent du sens à la société. Toute forme de domination est donc à considérer comme une entrave à l’épanouissement de l’individu. Les laïques, en tant qu’humanistes et libre exaministes, considèrent que chacun doit avoir la capacité de se forger ses opinions propres, sans être inféodé à des dogmes ou des vérités toutes faites imposées par d’autres sans discussion. L’autonomie (notamment dans l’apprentissage) et la responsabilité (assumer ses actes et ses idées) sont des moyens de parvenir à l’émancipation (de toute forme de tutelle). C’est grâce à son sens de la responsabilité que chacune ou chacun peut exercer sa liberté et en cerner les limites. Le binôme liberté/responsabilité est au cœur du projet laïque.” [LAICITE.BE]
  3. Pour la laïcité, le bien commun prime sur les intérêts particuliers.
    Le souci d’un espace commun aux hommes par-delà leurs différences est compatible avec celles-ci pourvu que leur régime d’affirmation ne porte pas atteinte à la loi commune, qui rend justement possible leur coexistence et conditionne ainsi la paix. Le ‘droit à la différence’ ne peut être confondu avec la différence des droits.” [Henri Peña-Ruiz dans Salut & Fraternité du CALLIEGE.BE]

Un #InstantLaïcité à écouter, donc :

D’autres articles du philosophe français sur le même sujet :


D’autres discours, d’autres contrats…