Le buddleia, ou arbre aux papillons, un faux-ami

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[OISEAUPAPILLONJARDIN.FR, 14 août 2020] En pleine floraison, le buddleia du Père David, Buddleja davidii, attire des nuées de papillons, c’est vrai. Mais il a quelques défauts… Il fait partie d’une grande famille qui donne du fil à retordre aux botanistes pour son classement. Il suffit de noter que cet article ne concerne que l’espèce Buddleia Davidii, et son cortège de variétés que vous pouvez trouver en jardinerie, aux fleurs diverses de la plus longue à la plus compacte, presque sphérique.

C’est une espèce envahissante

Originaire de Chine, il a été introduit en Europe assez récemment, au dix-neuvième siècle, et commercialisé précisément en 1895. L’horticulture n’a cessé d’améliorer ses qualités décoratives, si bien qu’il est plébiscité dans les jardins d’ornement. Il est facile à cultiver, presque jamais malade, se bouture facilement et se ressème tout seul. Et c’est là son premier défaut : il s’est naturalisé et se multiplie à grande vitesse. Peu exigeant sur la qualité du sol,  pourvu qu’il soit drainant, il colonise les voies de chemin de fer, les chantiers, les terrains délaissés, les friches industrielles, le bord des routes, voire, depuis l’interdiction des pesticides en ville, les trottoirs.

Il est classé en France, en Belgique et en Suisse comme espèce envahissante [en Belgique : “invasive“], c’est-à-dire qu’il prend la place des espèces locales qui apprécient les mêmes sols. Il fait donc régresser les espèces locales, notamment celles qui maintiennent les berges, et favorise leur érosion. Et tant qu’il n’est pas interdit à la vente, pas question pour l’horticulture d’abandonner une espèce vedette ! La recherche se focalise donc sur l’obtention de variétés stériles. Selon Jardins de France, la revue de la Société nationale d’horticulture, “Si la sélection a longtemps consisté à produire des variétés aux couleurs florales diversifiées, au port plus compact, aux inflorescences plus longues, ce n’est que récemment que l’on a vu naître des programmes affichant la stérilité aux côtés des caractères ornementaux conventionnels“. Cet article date de 2013 et en 2020 on voit apparaître dans les catalogues des variétés qui ne produisent pratiquement pas de graines.

Il contient des toxines

Les papillons sont en général inféodés à une plante ou un groupe de plantes. Or le buddleia, espèce exotique, n’a pas apporté avec lui un papillon qui s’en serve de plante-hôte. Bien plus, il contient des molécules toxiques, notamment l’aucubine. Les chenilles ne se nourrissent pas de ses feuilles, et d’ailleurs aucun animal local ne se nourrit ni de ses feuilles, ni de son écorce ni de ses racines. Deux exceptions. Quelques observations de chenilles ont été rapportées au Royaume-Uni :

      • celle du Sphinx tête de mort (Acherontia atropos),
      • celle de la Brèche ou Cucullie du bouillon blanc (Cucullia verbasci).

Elles se seraient adaptées en substitution de leur plante-hôte habituelle, respectivement les solanacées (surtout la pomme de terre) et le bouillon-blanc.

Il est pauvre en sucres

Le buddleia attire les papillons mais ne les nourrit pas. Yves Desmons, du Cercle des naturalistes belges, explique à la RTBF que la plante est trompeuse : “Elle émet des odeurs très fortes qui sont attractives, et présente une couleur mauve qui attire beaucoup les papillons. Mais en fait, elle a un nectar pauvre en qualité, pauvre en sucre (autour des 30 % alors que d’autres plantes vont jusqu’à 70 %)“. Elle agit comme une drogue pour les papillons, qui vont pondre sur le buddleia au lieu de rechercher leur plante-hôte habituelle, seule capable de nourrir les chenilles. Cette anomalie diminue la population de pollinisateurs et entraîne une perte de biodiversité.

Alors, que faire dans son jardin ?
      1. Abstenez-vous d’acheter des buddleias, sauf si vous trouvez une variété qui ne se ressème pas (ou peu), par exemple la variété ‘Argus velvet‘, hybride issu du croisement entre Buddleia davidiinaho Purple‘ et Buddleia lidleyana, ou sa version blanche ‘Argus White. Attention, même dans ce cas le fait que la plante attire les papillons sans les nourrir reste dangereux pour la biodiversité. Contentez-vous d’un pied.
      2. Lorsque des buddleias sont déjà présents dans votre jardin, coupez les fleurs fanées avant qu’elles ne fructifient (un seul pied de buddleia peut produire jusqu’à trois millions de graines), et arrachez les semis.
      3. Complétez vos plantations par une multitude d’autres plantes favorables aux papillons.

Marie-Claire RAVE


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Papillonner de page en page…

Saints de glace

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Les Saints de glace correspondent, selon une croyance populaire qui remonte au Moyen-Age, à une période de 3 jours en mai, durant laquelle le risque de froid et de gelées est particulièrement important : le jardinier doit donc s’en méfier. Les 3 saints catholiques incriminés sont : Saint Mamert (11 mai), Saint Pancrace (12 mai) et Saint Servais (13 mai). Inutile de chercher leurs noms sur votre calendrier, il a été remanié en 1960 par Rome et, aujourd’hui, ils sont remplacés par Sainte Estelle, Saint Achille et Sainte Rolande. Mais qu’importe le ‘saint’ du jour : les jardiniers continuent à se méfier de ces 3 dates-là !

Avis à la population

Croyances, traditions, balivernes ou sagesse de bonne femme : faut-il vraiment se méfier des Saints de Glace au jardin ? En pratique, les statistiques météo montrent que le risque de gelées n’est pas plus important durant ces 3 jours-là que durant les jours qui précèdent ou ceux qui suivent. C’est en fait toute la période de la première quinzaine de mai (et jusqu’à fin mai en montagne ou dans les régions septentrionales) qui est à craindre : en mai, on peut observer des descentes d’air froid sur l’Europe occidentale, et lorsque celles-ci coïncident avec une période anticyclonique se traduisant par un ciel dégagé, notamment la nuit, les températures nocturnes peuvent très vite chuter et entraîner des gelées (un peu comme au moment de la lune rousse), alors même que les journées sont douces grâce à l’ensoleillement. Il est donc conseillé au jardinier d’attendre, pour mettre en place les plantes les plus frileuses, que les Saints de glace soient passés (donc, raisonnablement, la 2e quinzaine de mai). A défaut, il faudra prendre la précaution de protéger les cultures sensibles au gel (notamment au potager) sous un voile d’hivernage ou un tunnel !


© V. Sauvage
Les Saints de glace : on nous a menti !

Mais qui sont-ils, où sont-ils, pourquoi cette attente de leur passage de la part de tout botaniste ou autres jardiniers amateurs ? Basé sur une vieille croyance (reposant sur des observations dans les champs et les vignes), cette mini-vague de froid peut être expliquée par le fait qu’aux environs des 11-12-13 mai, la terre traverse un disque de poussières diffuses dans le système solaire, provenant de résidus de la formation de planètes. Durant quelques heures, cette poussière représente un obstacle aux rayons du soleil. Tous les ans, la question revient comme un leitmotiv : elle fait chaque fois référence aux Saints de glace et aux variations climatiques de cette période.

Il faut d’abord savoir que comme les Mousquetaires, les 3 saints en question étaient en fait 4 :

    1. Saint Mamert († 474) fut évêque de Vienne, en Dauphiné (FR) ; il est fêté le 11 mai. Le dicton du jour sera alors “Attention, le premier des saints de glace, souvent tu en gardes la trace.” Il avait institué les ‘rogations’ : il avait ordonné que, durant les trois jours précédant l’Ascension, les hommes fassent des prières contre les calamités.
    2. Saint Pancrace fut martyr à Rome en 304. Fêté le 12 mai, ma grand-mère disait alors “Saint Pancrace, Gervais et Boniface apportent souvent la glace.
    3. Saint Servais, attendu le 13 mai, fut évêque de Tongres vers 384. Et ce jour-là vous pourrez vous exclamer : “Avant Saint Servais : point d’été, après Saint Servais : plus de gelée.” Ou encore “Quand il pleut à la Saint Servais, pour le blé, signe mauvais.” Saint Gervais est souvent cité à la place de saint Servais, ce pourquoi les anciens reprennent en cœur “Saint Gervais quand il est beau, tire saint Médard de l’eau.
    4. En dernier, le 25 mai arrive saint Urbain (fêté désormais le 19 décembre). On associe souvent saint Urbain (pape du IIIe siècle, de 222 à 230) et sainte Sophie. On a coutume de dire “Quand la saint Urbain est passée, le vigneron est rassuré.” Ou encore “Mamert, Pancrace, Servais sont les trois saints de glace, mais saint Urbain les tient tous dans sa main.

Les 11, 12 et 13 mai sont donc des dates de mauvaise réputation pour toutes les mains vertes qui ne jardinent jamais avant le passage de ces journées de retour tardif des gelées, capables de réduire à zéro le travail des téméraires qui auraient osé planter avant cette échéance.

Ne cherchez pas sur les calendriers la trilogie de ces saints que sont saint Mamert, saint Pancrace et saint Servais : ils ont été remplacés par sainte Estelle, saint Achille et sainte Rolande. Cette substitution fut décidée après le dernier concile romain afin de ‘nettoyer’ le calendrier de tous les personnages donnant lieu à des pratiques rituelles peu conforme avec la liturgie et considérées comme entachées de fond païen. Ainsi nos ‘braves saints de glace’ furent rayés au même titre que les guérisseurs, retrouveurs d’objets perdus ou annonceurs du temps.

Bien sûr ils étaient tous les ans implorés par les agriculteurs et les viticulteurs croyants ou superstitieux, qui, à cette occasion, participaient à des processions religieuses qui n’étaient pas forcément dénuées d’arrière-pensées… pragmatiques. Reste que, si nous en recherchons les origines lointaines, très lointaines même, des gens d’alors avaient constaté qu’une brutale chute de la température nocturne (ou plutôt matinale) arrivait tous les ans aux alentours de ces trois journées. Cet élément climatologique, particulièrement désastreux pour les plantations qui pourraient se trouver alors en début de germination, les incitait à laisser passer l’événement avant d’entreprendre les grands travaux de printemps, et pour les jardiniers et maraîchers, avant de planter, repiquer, semer, mettre en terre en toute quiétude. Alors, pour vos géraniums et tomates, patientez encore un peu…”

d’après Eric Harald Schwartz-Baton


ISBN 2070382532

L’expression “Les Saints de glace” a été habilement dévoyée par le traducteur d’un roman policier de Richard Matheson (paru en 1953), pour donner un équivalent percutant au titre anglais “Someone is Bleeding“. Traduttore, traditore ?

Ce n’est donc pas au film de Georges Lautner (co-écrit avec Matheson), Les seins de glace (sorti en 1974), que l’on doit le jeu de mots, ni au service publicitaire qui jouait alors l’association libre avec le physique de l’actrice Mireille Darc (1938-2017).

Mireille Darc dans “Les seins de glace” de Georges Lautner © Jacques Dejean

Vivons mieux…