Raphaël BARONTINI (né en 1984, en France, vit et travaille à Saint-Denis, France) déploie un travail pictural singulier et audacieux passant d’une pratique classique sur toile à des pièces textiles et en volume de grandes échelles pouvant être performatives. Il questionne le portrait et les symboliques de représentations dans une esthétique du collage mêlant photographie, impressions sérigraphiques et impressions numériques. Ses œuvres prennent la forme de drapeaux, bannières, tentures, tapisseries ou encore de costumes d’apparat telles des capes. Ses grandes scénographies et ses performances permettent d’appréhender les différents visages de sa production.
Le médium de la peinture, permet à l’artiste d’interroger les codes de l’histoire de l’art classique, tout en développant un langage et des techniques contemporaines riches et colorées.
Les sujets, les motifs et les documents d’archives qu’il utilise attirent l’attention sur des questions rhétoriques et post-coloniales. Il confronte celles-ci aux récits historiques qui dominent encore aujourd’hui l’Histoire de cultures ou de territoires ayant vécu l’esclavage ou la colonisation.L’artiste propose d’autres narrations que celles communément diffusées et recrée une “contre-histoire” empreinte parfois de fantaisie. Il a choisi de dépeindre et mettre en scène des héros, réels ou imaginaires, d’Afrique des Caraïbes. Raphaël Barontini, est influencé par les processus de créolisation et les philosophies de penseurs antillais comme Edouard Glissant.
Ses pensées sur la rencontre et la transformation des imaginaires et des cultures comme source d’inattendu et de création viennent soutenir de façon directe sa matrice artistique.
Les œuvres de Raphaël Barontini ont été exposées dans des institutions du monde entier, notamment le SCAD Museum of Art (Savannah, E-U), le MAC VAL (Vitry-sur-Seine, France), le MO.CO (Montpellier, France), le Museum of African Diaspora (San Francisco, E-U), le New Art Exchange Museum (Nottingham, E-U). Il a également participé aux biennales internationales de Bamako, Mali, de Casablanca, Maroc, de Lima, Pérou, et de Thessalonique, Grèce. En 2020, il a été choisis par LVMH Métiers d’Art pour accomplir une résidence à Singapour. [d’après MARIANEIBRAHIM.COM]
Sa peinture convoque des motifs aussi différents que le dieu crocodile Sobek surgissant du Nil, les cow-boys américains, les rites vaudou caribéens et les héros chevaleresques du Moyen Âge européen. Raphaël Barontini peint, ainsi, à la manière d’un apprenti sorcier culturel puisant à toutes les mythologies. Le syncrétisme revendiqué de sa peinture, hétéroclite et anachronique dans son iconographie, chatoyante et baroque dans son esthétique, forme ainsi un univers “avale-tout“. Le jeune artiste français originaire d’Italie et de la Guadeloupe se réfère volontiers au concept de “créolisation” de l’écrivain Édouard Glissant. La mise en contact de plusieurs cultures en un endroit du monde – la peinture pour Barontini – envisagée comme une porte ouverte sur des mondes nouveaux, infinis, imprévisibles, dépassant le simple métissage ou la seule synthèse. L’expansion, il en est aussi question dans la forme. Dès sa sortie des Beaux-Arts de Paris en 2009, Barontini délaisse la toile classique pour peindre sur drapeaux, bannières ou vêtements portables. La peinture s’offre la troisième dimension : elle se porte, elle se meut lors de performances, elle contamine tout.
Cette peinture expansive et exubérante dévoile ses dernières prises au Studio des Acacias by Mazarine en juillet [2021]. À l’invitation de LVMH Métiers d’Art, Raphaël Barontini a passé plusieurs mois à Singapour dans la tannerie Heng Long, spécialisée dans le tannage des peaux de crocodile. L’ensemble des œuvres réalisées à l’occasion de cette résidence artistique est exposé dans l’espace du XVIIe arrondissement par le fonds de dotation Reiffers Art Initiatives avec le soutien de la galerie Mariane Ibrahim. “Ma première réflexion fut relative aux symboliques et aux imaginaires que pouvait véhiculer ou convoquer l’usage d’une peau de crocodile”, explique l’artiste dans l’ouvrage consacré à ce nouveau travail. “J’ai entrepris une vaste recherche d’images, de documents, d’œuvres, d’objets… à travers différentes cultures et époques.” Une œuvre monumentale de plus de quatre mètres donne consistance au dieu égyptien Sobek orné habituellement d’or et de pierres. L’immense peau de Sobek se transforme en bijou colossal rappelant les bleus, ors et turquoises et la tradition des barques funéraires de l’ancienne Égypte : le cuir du crocodile, dans ses reflets, s’approche des minéraux comme les turquoises et les lapis-lazuli. Divinité du Nil, de l’eau et de la fertilité, le saurien donne son nom à l’exposition : Soukhos est, en grec, la traduction de “crocodile“.
La créolisation est en marche dès ce nom-titre : liquide, il coule d’un pays à l’autre pour revêtir d’autres formes et significations. Le crocodile se transformera, en Europe, en dragon. Et le Saint Georges luttant avec le dragon de Raphaël, en inspiration assumée de Raphaël Barontini. Sur les tuniques de cuir fendues, les capes à collerette, les chaps, jambières et grands drapeaux déployés sous nos yeux cohabitent à égalité des figures noires héroïques, des statuettes nigérianes et des chasseurs de dragons sérigraphiés. Cultures populaires, photographies ethnographiques, arts décoratifs, héros mythiques et “grande peinture” s’hybrident, dans une volonté déclarée de ne jamais hiérarchiser ni séparer. Barontini affirme ce principe jusque dans ses pratiques, entremêlant peinture au pinceau et à l’aérographe – culture classique et graffiti, techniques manuelles, mécaniques et numériques. “J’ai développé un véritable intérêt pour la peinture de cour, sa théâtralité et la question du costume, de l’apparat : capes royales et accessoires sacrés, confie l’artiste. Et j’adore tout autant des peintres parfois taxés de kitsch comme Peter Saul, ses couleurs pop, saturées et acides. J’éprouve un grand plaisir dans l’usage des couleurs. Et je revendique une très grande liberté dans l’utilisation des choses : une peinture classique comme un objet rituel d’Afrique de l’Ouest. Je déconstruis ainsi le récit dominant pour imaginer le mien, pluriel, hybride. J’offre aussi un espace à d’autres récits originaires d’Afrique, des Caraïbes, d’Asie… et d’autres types de représentations des sociétés qui ont subi l’esclavage et la colonisation.”
“Je déconstruis le récit dominant pour imaginer le mien, pluriel, hybride. J’offre aussi un espace à d’autres récits originaires d’Afrique, des Caraïbes, d’Asie… et d’autres types de représentations des sociétés qui ont subi l’esclavage et la colonisation.”
Le désordre et la disharmonie à l’œuvre trouvent naturellement un écho dans l’idée du carnaval, moment partagé par toutes les aires culturelles où les codes de genre, sociaux, raciaux sont inversés et bousculés. Cette libération des corps, déroutante et cathartique, offre à l’artiste une panoplie de masques, de costumes et de parures réinterprétés dans un style afro-futuriste. La relation avec le mouvement est purement esthétique. Si Barontini questionne, lui aussi, l’art et les changements sociaux, il ne le fait qu’à la marge, à travers à la science-fiction et la technologie. Si l’afro-futurisme, à la manière du comics Black Panther, pouvait parfois jouer au jeu du “What if…” (et si la colonisation n’avait pas eu lieu, et si l’esclavage n’avait pas existé en Afrique, que seraient devenues ces cultures ?) Barontini, au contraire, ne fuit jamais la réalité de la colonisation et de l’esclavage. Il tente simplement d’en imaginer une échappatoire au travers de mondes réconciliés et d’une utopie colorée. [d’après NUMERO.COM]
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- Image en tête de l’article : Raphaël Barontini, Njinga (2021) © Evan Jenkins & Mariane Ibrahim Gallery
[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : compilation par wallonica | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Raphaël Barontini ; Evan Jenkins & Mariane Ibrahim Gallery
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