GODEAUX : Le tram et le trolleybus de Cointe (CHiCC, 2003)

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À la fin du 19e siècle, Liège possède quatre compagnies de tramways : le Chemin de Fer Américain créé en 1871, Frédéric Nyst et Cie qui exploite l’Est-Ouest en 1880, les RELSE (Liège-Seraing) en 1891 et les Chemins de Fer Vicinaux. Les transports publics se composent encore de diligences et de malles-postes. Cointe, bien qu’entourée de charbonnages, est une oasis de verdure et un lieu de divertissement grâce à ses guinguettes et au pèlerinage célèbre à Saint-Maur. Vu la création du parc de Cointe, pour accéder à ces terrains nouveaux, il s’avère nécessaire de disposer d’un moyen d’accès. Frédéric Nyst propose une liaison nord-sud partant de la gare de Vivegnis et atteignant le plateau, proposition refusée par le conseil communal. Une deuxième proposition vise à prolonger la ligne vers Sclessin et rendrait la ligne viable. Ce projet est également refusé, cette fois par la députation permanente.

Le 20 janvier 1893, une troisième proposition émane de Paul Schmidt, avocat, et elle est acceptée le 3 juillet 1893 pour une durée de 50 ans. Les droits sont immédiatement rétrocédés à une Société du Tramway de Cointe. La ligne, qui fut la première à être électrifiée à Liège, partait du bas de la rue Sainte-Véronique ; elle fut ouverte le 11 août 1895. La pente était de 3 à 5% ce qui est déjà considérable, en courbe constante. Il y avait quatre évitements : un place Sainte-Véronique et trois dans l’avenue de l’Observatoire. La longueur n’était que de 1.500 mètres. Le coût était de 150.000 francs de l’époque !

Il y avait quatre motrices, deux fermées d’une puissance de 25 chevaux construite par la société Electricité et Hydraulique qui deviendra plus tard les ACEC, et deux motrices ouvertes fournies par les Ateliers Germain. Le courant de traction était fourni par la Société Electrique du Pays de Liège. Le dépôt se trouvait à mi-parcours, dans le deuxième virage de l’avenue de l’Observatoire, où se situe maintenant l’arrêt dit “ancien dépôt.” La société était déficitaire mais son but était surtout de valoriser les terrains du parc. Elle intéressait le Liège-Seraing qui la reprit en avril 1905. La proximité de l’exposition laissait augurer un accroissement du trafic. La société souhaitait aussi éviter une prolongation vers Sclessin, ce qui aurait court-circuité la ligne du tram vert par la vallée. Quatre nouvelles motrices de 75 CV (type A) sont fournies par Ragheno. Il faut 15 minutes pour effectuer le trajet. Le prix, au départ de 15 centimes, montera progressivement à 90 centimes à la fin de l’exploitation.

Sauf à la Pentecôte, il n’y avait que deux voitures en ligne. Un projet de liaison du site de l’exposition au plateau par trolleybus AEG fut présenté mais resta sans suite, le matériel n’étant pas fiable. La ligne du tram de Cointe fut alors prolongée par une voie provisoire à travers le parc d’Avroy jusqu’à la rue Raikem où elle retrouvait le trajet de la ligne 9 pour rejoindre le Jardin d’Acclimatation. En 1927, un regroupement des compagnies fait que la ligne de Cointe est cédée aux Tramways Unifiés. En 1929, le trajet est prolongé vers le centre de la ville, place de la République française et ensuite place de la Cathédrale.

Le 31 juillet 1930, apparaissent les premiers trolleybus qui passent par la place des Wallons pour rejoindre l’avenue de l’Observatoire. Ce sont des voitures anglaises Ransomes de 60 CV qui se déplacent à 40 km/h. Le réseau de trolleybus se développant, la société achète de nouveaux trolleybus. L’expérience des véhicules anglais n’ayant pas été concluante, le choix se porte sur la FN : 30 voitures T32, partie électrique CEB et châssis et caisse FN en acier soudé. Le moteur autorise la récupération ce qui permet, en descente, de renvoyer de l’électricité sur la ligne. En 1937, ils seront suivis par 48 nouveaux qui y ressemblent sauf la face avant, et sont plus puissants : 75 CV. Ces véhicules auront des problèmes ; le carter du pont arrière est en aluminium et se brise. Ils devront être remplacés par des carters en acier. Les montants des fenêtres cassaient à hauteur de la ceinture par temps froid. Alors, ces montants ont été renforcés. En 1938, nouvelle commande de 28 trolleys FN dont dix seront livrés avant la guerre et les suivants seront achevés au dépôt Natalis car la FN était, à l’époque, sous séquestre allemand. Les pièces de rechange, et surtout les pneus, deviennent rares et la circulation des trolleybus se raréfie. Le 25 mai 1944, la ligne est interrompue à cause des dégâts causés par les bombardements.

Du 25 mars 1946 au 26 mai 1955, l’exploitation de la ligne est suspendue à plusieurs reprises par suite d’un glissement de terrain survenu avenue de l’Observatoire. Un terminus provisoire est aménagé près de l’ancien dépôt. Dans les voitures, le chauffage est installé, une place pour le percepteur est prévue, une troisième marche facilite l’accès mais ces trolleybus se révèlent inadaptés à la circulation automobile de l’après-guerre. Ils circuleront jusqu’au 16 septembre 1968 et seront remplacés par les autobus.

d’après Jean-Géry GODEAUX

  • Illustration en tête de l’article : ancien dépôt de Cointe (collection Jean Evrard) © histoiresdeliege.wordpress.com

La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte est le résumé d’une conférence de Jean-Géry GODEAUX, organisée en mars 2003 par la CHiCC : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne

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Vue de Liège © Philippe Vienne

Où en est l’idée de faire de Liège une métropole régionale ?

“Etre une métropole, c’est remplir une mission, exercer une fonction, répondre à des besoins multiples, pour une et même plusieurs régions ; c’est aussi refuser de se laisser porter par une décision extérieure, c’est choisir son destin, consentir aux efforts financiers nécessaires. N’est pas une métropole qui veut, mais il faut aussi vouloir l’être.”

C’est ainsi que, dès 1964, à l’époque du colloque “Liège en l’an 2000”, Olivier Guichard, délégué général à l’aménagement du territoire de la République française définissait la métropole. La France, au 1er janvier 2018, en comptera dix-neuf dont dix-sept de droit commun (Bordeaux, Brest, Dijon, Grenoble, Lille, Metz, Montpellier, Nancy, Nantes, Nice, Orléans, Rennes, Rouen, Saint-Étienne, Strasbourg, Toulouse et Tours) et deux à statut particulier (Aix-Marseille et Paris).

Mon projet, hier et aujourd’hui

Le projet présenté au cours du colloque “Liège en l’an 2000” avait été ratifié par l’ensemble des membres de l’association avant d’être exposé à l’important public présent. Il comportait un plan global de circulation tirant parti du réseau ferré qui irrigue la ville et sa région en y superposant différentes voies et systèmes nouveaux pour assurer la mobilité des habitants et des usagers. Routes et autoroutes, métros lourd et léger, téléphériques, trottoirs roulants, rues réservées aux piétons permettaient à quiconque, par dessus les voies ferrées, tous les déplacements sans contrainte.

Le projet repensait complètement les réseaux de transport en commun (T.E.C.). Les circuits empruntés par ces derniers étaient tous conçus en boucle plutôt qu’en ligne. Il est bien connu que tous les circuits établis selon une boucle fonctionnent partout de manière optimale. Il suffit de songer à la Circle Line à Londres, à la Maranouchi Line à Tokyo et tout simplement au tram 4 à Liège pour en être convaincu. Jamais à ma connaissance, aucun spécialiste n’a tenté de dresser une carte des TEC dans une ville en se basant sur cette idée qui pourtant, si elle était appliquée et généralisée, faciliterait grandement la circulation dans la ville et dans son agglomération.

Projet Safège Liège © safege.org

Des systèmes nouveaux de transports en commun utilisaient, selon les distances à desservir, deux types de boucles : des grandes et des petites. Pour les grandes boucles, un métro suspendu appelé Safège, mis au point par la firme française éponyme, et pour les petites des cabines de la taille d’une 2CV Citroën à 4 places assises circulant sur le sol ou sur des rails surélevés, ces engins nouveaux se déplaceraient à la demande de manière automatique comme il en est des ascenseurs. Lorsque les pentes étaient fortes et particulièrement longues, des téléphériques comme il en existe dans les stations de sport d’hiver, étaient proposés.

Un usage différent de l’automobile était préconisé : interdites d’accès dans la ville, les voitures devaient être rangées dans de vastes parcs à étages à l’endroit des gares et au périmètre des centres denses. De là, les automobilistes empruntaient des navettes ou des TEC pour rejoindre leur destination.

Il faut rappeler qu’avant la Seconde Guerre, les rues dans les villes servaient principalement et presqu’exclusivement à la circulation. Le stationnement y était toléré, mais il n’était pas admis qu’un habitant de la rue puisse laisser sa voiture en permanence devant chez lui et s’arroger le droit d’occuper la voirie comme cela est devenu le cas aujourd’hui. Ce droit, moyennant une redevance annuelle, a progressivement été reconnu et s’est généralisé à la ville entière. Lorsque les maisons familiales ont été remplacées, durant les années 60, par des bâtiments à appartements, les artères quelles qu’elles fussent se sont révélées insuffisantes pour garer les voitures et des emplacements ont été prévus pour elles au détriment des espaces verts.

Des mesures auraient du être prises à cette époque pour contraindre les propriétaires de véhicules à justifier de garages sous leur “building” : les rues sont faites pour circuler et non pour être encombrées ou obstruées, sinon la circulation devient très difficile et même impossible. Ceci devient le cas pour beaucoup de rues et il est étonnant que les pompiers n’exigent pas le retour à la situation antérieure, comme ils exigent la fermeture des bâtiments quand ceux-ci ne satisfont plus aux nouvelles normes. En effet, le stationnement des voitures tout au long, et même de chaque côté des rues, est de plus en plus admis ; l’espace pour circuler se trouve alors réduit à 2m50 et il interdit certaines manœuvres aux grands véhicules ou aux bus.
Faut-il rappeler que de telles règles existent, notamment au Japon, où le stationnement dans les rues est strictement interdit ?

Quant aux surfaces importantes des différentes gare existant encore à l’époque, elles étaient couvertes par de vastes dalles étagées qui supportaient des logements nouveaux et des équipements publics mal répartis dans la ville. Ces derniers donnaient naissance à des activités nouvelles dans les quartiers environnants.

C’est ainsi qu’au-dessus des Guillemins, des logements et un ensemble de locaux pour le Ministère des Finances étaient prévus, facilitant ainsi des relations directes entre les fonctionnaires locaux et leurs homologues bruxellois.

Lire plus dans les actes du colloque “La Fabrique des Métropoles”
(Liège, 2017)

Jean ENGLEBERT


La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte de Jean ENGLEBERT a fait l’objet d’une conférence organisée par la CHiCC en janvier 2019 : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne

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