Notre temps a une furieuse odeur d’années Trente

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Si vous êtes juif, musulman, noir, immigré, artiste, chercheur, intellectuel, marginal, cosmopolite, homosexuel ou simplement attaché aux libertés fondamentales, prenez garde, les «hommes forts» au service du «vrai peuple» sont de retour, estime François Cherix, politologue. Longtemps, les signes avant-coureurs de la tempête se sont accumulés. On les voyait envahir l’horizon, on pouvait les nommer. D’abord, les cumulus noirs d’un nationalisme renaissant couvrirent le ciel. Puis vinrent les coups de tonnerre des populistes, bretteurs avides de pouvoir. Enfin, le vent mauvais du simplisme brutal souffla sur les têtes. Aujourd’hui, la tempête fait rage. Inimaginable, le Brexit a été voté. Impensable, la présidence Trump est en marche. Incontrôlables, les mouvements extrémistes font l’agenda. Or, les alarmes ne retentissent pas. Parce qu’elle est sur nous, la tempête a disparu des écrans radar…

Lire la suite de l’article de François CHERIX sur LETEMPS.CH (18 décembre 2016)


Plus de presse…

“Sausage Party” : pas facile de juger les relations sexuelles entre des boîtes de gruau et de crackers

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Des associations catholiques estimaient que l’interdiction de “Sausage Party” aux moins de douze ans était insuffisante. Une juge, après avoir décortiqué le film scène par scène, y compris celles impliquant poire à lavement et saucisse, les a déboutées. Il est des juges qui ont des boulots plus insolites que d’autres. Madame Weidenfeld, juge des référés au tribunal administratif de Paris, avait pour tâche de se pencher sur la requête de deux associations proches des milieurs catholiques intégristes, Promouvoir et Action pour la dignité humaine, qui demandaient que le film d’animation américain Sausage Party soit plutôt interdit aux mineurs de moins de seize ans qu’à ceux de moins de douze en raison du « trouble » qu’il pouvait susciter auprès de « ce jeune public et de leurs parents »…​

Lire la suite sur TELERAMA.FR (15 décembre 2016)

“Petites gens”, “France d’en bas”… Comment les responsables politiques désignent les classes populaires

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Expressions entortillées, euphémismes maladroits, périphrases risibles… Quand la sémantique trahit un problème politique. Question de sémantique politique : comment parler des classes populaires ? Comment les désigner dans le discours public ? On sent les responsables politiques particulièrement embarrassés sur le sujet. Jean-Pierre Raffarin avait choisi « La France d’en bas ». Manuel Valls a fait un autre choix…

Lire la suite de l’article de Frédéric SAYS sur FRANCECULTURE.FR (13 décembre 2016)

Noam Chomsky, l’Anthropocène, le libéralisme et autres fléaux…

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Grand entretien exclusif. De passage en France pour recevoir la médaille d’or de la Société internationale de philologie, l’intellectuel américain a souhaité s’exprimer dans les colonnes du journal fondé par Jean Jaurès sur les menaces qui pèsent sur notre humanité. Une situation qui nous engage à une mobilisation collective. Linguiste, logicien et philosophe, professeur émérite au Massachusetts Institute of Technologie de Boston, Noam Chomsky, fondateur de la grammaire générative et militant anarcho-syndicaliste, est une des voix critiques les plus influentes du monde contemporain. Invité au pays de René Descartes par la Société internationale de philologie pour recevoir la médaille d’or délivrée par l’institution, cette année, exceptionnellement à l’occasion de son cinquantième anniversaire – l’équivalent du prix Nobel dans le domaine de la linguistique –, il a souhaité s’exprimer dans nos pages pour commenter l’actualité mais aussi pour éclairer les perspectives d’émancipation ouvertes par les luttes et les mobilisations de notre temps. C’est sur un rythme soutenu que s’est mobilisée l’équipe de l’Humanité pour recueillir ses impressions dans nos colonnes, mais aussi, en vidéo, sur notre site Internet. En résulte l’exposition d’une pensée incisive tenant à distance les procédés de séduction de la parole autorisée et ordinairement médiatisée. Celle de la « fabrique du consentement » et de ses « chiens de garde ». Une stimulation pour la seule pensée participant activement au processus du progrès humain. Celle de l’intelligence collective, produite en commun et, dans le dialogue, par chacun.

Lire la suite de l’article de Jérôme SKALSKI et Marc de MIRAMON dans HUMANITE.FR (30 novembre 2016)

Violences faites aux femmes : une chronologie en dix dates avec Benoîte Groult

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1976 : la féministe Benoîte Groult était reçue sur France Culture. Elle y revenait, riche de son savoir, de ses références, sur l’oppression de la femme depuis l’Antiquité. Petite anthologie de citations qui ébranlent, à l’heure de la Journée internationale contre la violence à l’égard des femmes…

Lire l’article d’Hélène COMBIS-SCHLUMBERGER sur FRANCECULTURE.FR (24 novembre 2016)

Idée reçue : L’austérité est le seul remède à la crise

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Dans l’Allemagne du chancelier Brüning, le Chili du général Pinochet ou le Portugal de Salazar, partout où elle fut appliquée, l’austérité a produit l’inverse des effets annoncés : loin de relancer la croissance, elle a fragilisé les populations, déstabilisé les sociétés et affaibli les économies. Mais l’Union européenne n’en démord pas : la rigueur est le remède miracle contre la crise des finances publiques. Rien ne pourra se faire de crédible sans une coupe dans les dépenses publiques », écrivait en 2011 un éditorialiste du Figaro. Deux ans plus tard, sur Europe 1, un autre commentateur abondait dans ce sens, prônant « la baisse des dépenses de santé, le recul des crédits aux collectivités locales et, surtout, plus de réformes structurelles pour la compétitivité ». Depuis le début de la « grande récession » (lire Naissance de l’économie de spéculation), nombre de journalistes, dirigeants politiques, économistes s’emploient à présenter l’austérité – c’est-à-dire la diminution des dépenses publiques – comme la condition nécessaire du retour à la croissance. La rengaine est connue : le fardeau que la dette ferait peser sur les générations futures obligerait au sacrifice de tous et à l’effort de chacun…

Lire l’article de Allan POPELARD et Paul VANNIER sur MONDE-DIPLOMATIQUE.FR (1 novembre 2016)

Abdennour Bidar : “La fraternité, c’est un dénominateur commun à tous les humanismes”

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Abdennour Bidar (2016)

Il faut opposer la fraternité au capitalisme sauvage et aux replis identitaires. C’est ce qu’affirme le philosophe Abdennour Bidar, président de Fraternité générale. ​Le philosophe Abdennour Bidar est le président de Fraternité générale. Un mouvement qui entend mobiliser les Français autour de cette valeur universelle, du 2 au 10 novembre, partout dans le pays. Loin de fournir des recettes clés en main, Fraternité générale encourage les initiatives populaires : expositions, concerts, débats, journées sportives… Le philosophe revient ici sur la nécessité de construire la fraternité.​..

Lire l’artice de Xavier THOMANN sur TELERAMA.FR (31 octobre 2016)

16 octobre 2016 : Discours de Paul MAGNETTE contre le CETA

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Le Parlement de Wallonie a posé son veto à la signature de l’accord commercial entre l’UE et le Canada. Le processus s’en trouve bloqué“, titre Libération, le 14 octobre 2016. C’est ensuite avec le discours reproduit ci-contre que le Ministre-Président wallon, Paul MAGNETTE (photo), a expliqué la prise de position de sa région contre la signature du CETA par les instances européennes.

Monsieur le Président, chers collègues,

C’est pour notre Parlement et la Wallonie, un moment extrêmement important.

Ce dont nous parlons, ici, ce n’est pas seulement d’un traité commercial entre l’Union européenne et le Canada. Ce dont nous parlons, ici, c’est de toute la philosophie des échanges commerciaux tels qu’ils se construiront pour les 10, 15, 20 ou peut-être 30 prochaines années.
Cela tombe sur le traité CETA mais la discussion que nous avons, au-delà de toute l’amitié qui nous lie aux Canadiens, est dans le fond une discussion de principe, est une discussion évidemment politique et même, à certains égards, une discussion philosophique. Sur le sens même de ce qu’est le commerce et sur la manière dont il faut le mener. C’est pour cela qu’il y a dans ce débat tant de gravité.
Je commencerai comme vous, Monsieur Jeholet, par vraiment me réjouir du fond du cœur de la qualité des débats que nous avons eus dans ce Parlement sur ces sujets et qui font que ces débats qu’aujourd’hui, nous pouvons très sereinement assumer notre opposition à l’égard de l’ensemble de nos partenaires qu’ils soient européens ou canadiens.
Il y a très peu d’autres parlements qui ont mené un débat aussi riche que le nôtre. Il y a eu un débat très fort aussi au Parlement néerlandais. Je me suis entretenu hier soir encore avec la ministre néerlandaise du Commerce extérieur qui m’a confié qu’un certain nombre de difficultés que nous rencontrons, elle les rencontre également dans son propre Parlement.
Il y a eu un débat également à la Chambre basse du Parlement autrichien qui a lui aussi été très approfondi. Là aussi, le Chancelier autrichien avec qui je me suis entretenu, à plusieurs reprises, m’a dit la même chose: «Plus on débat, plus on analyse, plus effectivement les parlementaires se posent des questions».
S’il y a un débat, ici, en Wallonie, et s’il y a des réticences, ici, en Wallonie, ce n’est pas parce que nous sommes plus bornés que les autres, ce n’est pas parce que nous prendrions plaisir à être le «petit village gaulois», ce n’est pas parce que nous rêvons d’autarcie. C’est tout simplement parce que dans cette Région, il y a deux particularités que l’on rencontre assez peu, ailleurs en Europe. La première particularité, c’est que la Wallonie a toujours été une terre de grande vitalité démocratique. Nous avons des organisations syndicales, des mutualités, des associations, dans tous les secteurs, extrêmement actives, dynamiques, vigilantes, mobilisées qui ont étudié ce texte avec beaucoup de sérieux, qui ont consulté les meilleurs experts, qui ont remis des avis et qui ont alimenté nos propres travaux. Cette vitalité démocratique de notre propre population, nous ne pouvons pas en faire fi; nous ne pouvons pas le balayer du revers de la main sous prétexte que nous risquons d’être isolés. Être isolés de sa propre population, être isolés de ses propres citoyens, à une époque, au début du XXIe siècle, où la démocratie est déjà tellement profondément en crise, ce serait au moins aussi grave que d’être diplomatiquement isolés. Nous devons faire en sorte que ces liens très forts que nous avons soient préservés. C’est un premier élément du débat.
Deuxièmement, nous sommes — cela nous a été rappelé, ici, par M. le Professeur Koen Lenaerts, par ailleurs Président de la Cour de justice de l’Union européenne — l’une des très rares régions en Europe qui a constitutionnellement le même privilège, en termes de droit international, que les parlements nationaux. Nous avons, le Gouvernement wallon a le pouvoir de signer et donc aussi de ne pas signer un traité et votre Parlement a le pouvoir de ratifier et donc aussi celui de ne pas ratifier un traité.
Ceci donne évidemment une très grande gravité à nos débats. Si nous n’avions pas ce privilège, nous n’aurions pas le panel de caméras, venues des quatre coins de l’Europe. Pas grand monde ne se soucierait de l’avis de la Wallonie, si l’avis de la Wallonie n’était pas décisif.
Nous avons donc, de ce point de vue-là, une responsabilité politique majeure. Tout l’art de la politique, c’est de savoir utiliser ces responsabilités. Dire, comme Mme Defrang-Firket: «Nous avons un pouvoir formidable, nous avons une société civile qui s’est mobilisée, c’est très bien. Mais enfin bon, à quoi bon, laissons tomber, signez, ratifiez et puis allons de l’avant et ignorons tout le travail que nous avons fait», ce se serait remettre en cause nos propres compétences constitutionnelles et notre propre vitalité démocratique. À quoi sert alors un parlement, s’il faut de toute façon signer, s’il faut de toute façon ratifier?
À l’inverse, dire: «Mettons tout cela à la poubelle, cela ne sert à rien de discuter», ce serait non seulement confirmer un isolement complet mais ce serait aussi ne pas utiliser pleinement le pouvoir qui est le nôtre.
Bien sûr, nous utilisons pleinement ce pouvoir mais nous l’utilisons pour obtenir quelque chose, pas juste pour crier non, pas juste pour dire que nous ne sommes pas d’accord. Pas d’accord, pas d’accord, pas d’accord! Quand on a dit qu’on n’était pas d’accord, il faut ensuite dire ce que l’on veut et il faut utiliser le rapport de force que l’on a construit pour obtenir des concessions qui vont dans le sens de ce que sont nos inspirations et de ce que sont les aspirations de notre population. C’est cela la politique et c’est cela que nous sommes en train de faire. C’est difficile mais malgré tout, il faut aller au bout de cet exercice.
Bien sûr, nous ne sommes pas contre le commerce. Bien sûr, nous ne sommes pas contre le Canada. Si l’on pouvait déjà s’épargner ces caricatures, si l’on pouvait s’épargner ces simplismes, l’on gagnerait non seulement beaucoup de temps mais on gagnerait aussi beaucoup de la qualité des relations avec nos partenaires européens, avec nos partenaires canadiens.
Bien sûr que les Canadiens sont nos amis. Bien sûr que nous regrettons finalement que cette discussion — je l’ai dit — qui est une discussion de principe qui tombe sur ce traité avec le Canada, lequel est certainement l’un des pays les plus proches de nous au monde, qui tombe sur ce traité qui est certainement l’un des plus avancés aujourd’hui au monde. Ce n’est pas parce que nos amis sont nos amis et ce n’est pas parce que ce traité est moins mauvais que d’autres que nous devrions renoncer à exercer notre responsabilité et notre devoir de vigilance démocratique.
Nous sommes un partenaire commercial important du Canada. L’année dernière, nous avions d’ailleurs un excédent commercial de 115 millions vis-à-vis du Canada. C’est la preuve que l’on commerce très bien avec le Canada et que, même sans le CETA, nous ne sommes pas en train de nous refermer sur nous-mêmes, de nous «racrapoter», comme certains le disent et le prétendent.
Je reviens du Japon. J’ai passé trois jours à défendre nos entreprises présentes sur place pour les aider à exporter davantage, à essayer d’attirer chez nous des investisseurs étrangers. Je n’ai pas deux discours. Je suis convaincu que la Wallonie doit être une Wallonie ouverte. Je suis convaincu que la Wallonie doit exporter et qu’elle doit attirer des investissements étrangers. Je sais que, pour ce faire, nous avons besoin d’instruments juridiques.
À nouveau, cela ne veut pas dire que l’on doit tout accepter, que l’on doit se priver du pouvoir que nous avons d’avoir un véritable examen critique.
Sachons faire la part des choses. Nous ne sommes pas contre le commerce. Nous ne sommes pas contre le Canada. Je dirais d’ailleurs que c’est justement, Madame Defrang-Firket, parce que les Canadiens sont nos amis que nous pouvons nous permettre de leur dire que nous ne sommes pas d’accord avec un certain nombre de choses.
Je n’aime pas quand la discussion, tout d’un coup, commence à glisser vers la menace, comme on a pu l’entendre ces derniers jours: «Attention, il y aura des conséquences. Attention, il y aura des rétorsions» et cetera. Je n’aime pas cela du tout. Je trouve que ce n’est pas digne d’un débat démocratique. Je n’aime pas non plus quand cela commence à glisser tout doucement vers des choses qui s’apparentent à de l’injure. J’espère que, justement parce que nous sommes des amis, nous pouvons éviter entre nous les menaces et les propos plus ou moins injurieux; que nous pouvons nous dire les choses franchement, en toute sincérité, en toute compréhension réciproque.
Quand on a un ami qui a des difficultés, on l’écoute et on essaie de comprendre ses difficultés. On essaie de voir avec lui comment on peut les surmonter ensemble. Cela vaut autant dans les relations diplomatiques bilatérales que dans la vie de tous les jours. C’est le message que nous voulons faire passer.
Nos difficultés sont bien connues.
Elles sont d’abord sur la forme.
Je vous rejoins, Madame Ryckmans et Monsieur Hazée, là-dessus assez largement. Vous avez été applaudis d’ailleurs sur les bancs de la majorité à certains moments. Il y a un vrai problème avec la manière dont on négocie ces traités commerciaux. Ceux qui, aujourd’hui, ne le comprennent pas, sont en train de préparer une crise du commerce bilatéral exactement équivalente à celle que nous avons connue il y a 15 ans avec la crise du commerce bilatéral.
En 2001, souvenez-vous, l’OMC nous a dit: «On ouvre le site de Doha, un nouveau grand cycle de libéralisation multilatérale.» Formidable, ouvert, on fait de grandes négociations secrètes, mais on prépare une petite salle dans le coin où les ONG peuvent faire semblant d’être tenues informées et, de temps en temps, on vient leur faire coucou en leur demandant si cela va, si elles veulent encore un peu d’eau, encore un peu de café, mais sans rien leur donner comme véritable élément d’information et sans débat. Cela ne marche pas et cela ne marchera plus jamais. Les rounds de Doha sont enlisés depuis 15 ans.
C’est pour cela que nous faisons aujourd’hui des discussions bilatérales. C’est justement parce que le multilatéral ne fonctionne plus que l’Europe essaie de renouer des relations avec les partenaires les plus proches, avec le Canada, avec le Japon, demain avec les États-Unis et de le faire sur d’autres bases, de le faire en incluant dans ses relations des normes, des règles sociales, environnementales, de respect des droits de l’homme, de respect de l’exception culturelle qui sont plus fortes et beaucoup plus solides que celles que l’on peut trouver dans les traités de libéralisation multilatéraux. C’est pour cela que nous devons, si nous sommes progressistes et si nous sommes ouverts au monde, si nous voulons, nous, Européens, continuer de jouer un rôle sur la scène mondiale, nous devons défendre l’idée de traités bilatéraux qui fixent des normes et des standards élevés.
Moi, je ne suis pas, Monsieur Gillot, pour dire: «On met le traité à la poubelle». Cela veut dire que l’on met le traité à la poubelle et puis quoi? Rien. Puis, on aura exactement ce que l’on a encore aujourd’hui: des multinationales avec parfois des chiffres d’affaires supérieurs au PIB de certains États membres qui pensent qu’elles peuvent fixer la loi, des multinationales qui recourent à des juridictions privées ou à la menace du désinvestissement, à la menace de retrait, à la menace de rétorsion. C’est cela, le monde réel d’aujourd’hui.
C’est ce que nous voulons éviter, ce dont nous voulons sortir, précisément en édictant des règles socio-économiques et environnementales à l’échelle mondiale, qui transposent dans les relations entre les États ce que nous sommes parvenus à construire dans le chef de nos États décennie après décennie au nom de longs combats sociaux. Les droits sociaux ne sont pas venus comme cela en une fois. Les normes environnementales ne sont pas venues comme cela en une fois. Elles sont le résultat d’une longue mobilisation de la société, qui s’est traduite à un moment donné par une législation.
Il en va exactement de même à l’échelle internationale.
Si nous voulons, demain, qu’il y ait de vraies normes sociales, si nous voulons que les conventions de l’OIT soient applicables, respectées, contraignantes, si nous voulons qu’il y ait de vraies règles en matière des droits de l’homme, du développement durable, il faut faire un travail de négociation pour obtenir un premier traité qui fixe les standards si hauts que cela deviendra la norme européenne. C’est l’enjeu fondamental du CETA.
C’est pour cela que nous devons dire «non» pour négocier. Non pas «non» pour tout saborder et donner un coup de pied dans la fourmilière, mais «non» pour créer un rapport de force qui nous permette d’obtenir plus de normes sociales, plus de normes environnementales, plus de clauses de respect des services publics et qui nous permette, demain, de dire: «Voilà le standard européen». Quand l’Union européenne ouvrira une négociation avec le Japon, avec les États-Unis ou avec n’importe qui d’autre, c’est à partir de ce standard-là que l’on discutera. C’est cela l’enjeu fondamental et c’est pour cela qu’aujourd’hui, ces débats sont aussi forts.
Une telle négociation, on ne peut évidemment pas la mener selon les méthodes habituelles. On ne peut pas faire du nouveau avec les méthodes à l’ancienne. «Un mode de pensée qui a produit les problèmes d’aujourd’hui ne peut pas produire les solutions de demain», disait en substance Albert Einstein. C’est toute la manière de faire des négociations commerciales qui doit changer.
Dans le traité « Vers la paix perpétuelle », Emmanuel Kant disait: «Toutes les actions relatives au droit d’autrui, dont la maxime n’est pas susceptible de publicité, sont injustes». C’est devenu un principe fondamental du droit international. En d’autres termes, tout ce que l’on n’a pas à cacher, on ne doit pas le cacher.
Si l’on n’a rien à cacher dans ces accords commerciaux, si vraiment le CETA est bon pour les petites et moyennes entreprises, si le CETA est bon pour les agriculteurs, si le CETA est bon pour les services publics, si le CETA est bon pour la croissance, alors pourquoi faut-il le négocier en secret ? Pourquoi n’a-t-on pas la confiance de le faire devant les citoyens ? Il y a là une contradiction fondamentale dans la méthode. Elle s’est appliquée depuis le début.
Madame Defrang-Firket, ce n’est pas que nous nous soyons réveillés après 10 ans. Un mandat d’une vingtaine de pages a été donné en 2009. Il fixe les balises et le cadre. Entre 2009 et 2015, la Commission négocie au nom de l’Union européenne, c’est son rôle, mais ne rend pratiquement aucun compte, ne donne pratiquement aucune information sur ce que sont ces négociations en cours. Puis, on arrive en 2015 en disant: «Bonjour, voilà, c’est fini». Les 20 pages sont devenues 1.600 pages et maintenant on vous demande de dire amen. Non, c’est précisément ce qui ne marche pas. C’est précisément parce que nous ne pouvons plus accepter cette manière de faire de la négociation commerciale que nous avons, dès septembre 2015, dès que les textes nous ont été connus, tiré la sonnette d’alarme.
Je ne vais pas vous refaire l’interminable liste des contacts que nous avons eus depuis plus d’un an, mais je voudrais rappeler quand même que c’est le 18 septembre 2015 que j’ai indiqué à la ministre québécoise des Relations internationales ces difficultés que nous avions avec le CETA. C’est quelques jours plus tard, le 2 octobre 2015, il y a plus d’un an, que je me suis rendu au bureau de Mme Malmström, la commissaire en charge du Commerce, au Berlaymont, pour lui expliquer très clairement les difficultés que nous avions avec ce traité. Tout au long de l’année, nous n’avons pas cessé d’avoir des contacts avec nos partenaires européens, avec la Commission, avec le Canada, mais tout cela n’a pratiquement rien donné.
La première réunion de coordination intrabelge a eu lieu le 6 juillet 2016. Entre octobre et juillet, pendant 10 mois, il ne s’est rien passé. Tout à coup, en juillet 2016, on a commencé à se dire: «Tiens, ces Wallons ont l’air déterminés. Ces Wallons ont l’air de savoir ce qu’ils veulent et ils ont l’air de vouloir aller au bout. Il va donc falloir commencer à discuter avec eux».
Quelques jours plus tard, j’appelais le Premier ministre québécois, M. Couillard, en lui disant: «Je comprends que ce soit difficile de tout renégocier, mais comprenez que nous avons, dans une résolution, énoncé quelques balises fondamentales et nous voudrions pouvoir rediscuter sur ces balises dans un instrument juridique à définir. Cela peut être un protocole, cela peut être une convention additionnelle, cela peut être une déclaration interprétative, du moment que c’est juridiquement contraignant». À ce moment-là, on m’a dit: «Pourquoi pas, cela pourrait être une bonne idée», mais rien n’a suivi.
J’ai répété ceci fin septembre à l’envoyé spécial de M. Trudeau, M. Pettigrew, et aux ambassadeurs, mais il a fallu attendre le 4 octobre pour que l’on donne oralement les premiers éléments de ce qu’était la table des matières d’une éventuelle déclaration interprétative, en nous disant: «S’il vous plaît, nous sommes déjà en retard, essayez d’être d’accord pour le 11 octobre, en tout cas, au grand plus tard pour le 18 octobre qui est la réunion du COREPER». Que nous est-il arrivé — qui nous a été présenté oralement — seulement le 6 ou le 7 octobre en soirée, dans une version partielle et dont nous recevons encore chaque jour des petits compléments.
Tous les jours, je reçois un petit bout de déclaration interprétative en plus, avec un peu l’idée: «Allez, ce n’est pas assez, tiens, en voilà encore un petit morceau, un petit morceau, vous finirez bien par dire oui».
Mais cela ne va pas. Sur la méthode, cela ne va pas. Je le répète et je l’ai redit. Je l’ai redit hier au président Hollande, je l’ai dit hier soir au président de la Commission, Jean-Claude Juncker; je l’ai dit à tous ceux qui ont eu la gentillesse et la courtoisie de m’appeler pour me poser la question de la situation de la Wallonie. Nous voulons bien discuter, mais nous voulons nous mettre autour d’une table, en toute transparence, dans le respect des règles démocratiques.
Nous voulons pouvoir dire: «Nous, Wallons, voici les balises que nous voulons absolument retrouver dans un traité» et c’est seulement à l’issue d’une telle négociation, et si les partenaires européens et canadiens rencontrent l’essentiel de nos préoccupations, que nous pourrons vous dire: «Oui, c’est un traité qui fixe des standards très élevés et il mérite d’être défendu».
Mais à l’heure qu’il est, je n’ai toujours pas de réponse. J’ai appelé, ce matin encore, le ministre fédéral des Affaires étrangères, Didier Reynders, pour lui expliquer cette piste. J’ai senti un intérêt. J’espère que nous pourrons avancer dans cette direction; c’est fondamentalement ma volonté. Mais il faut, pour cela, qu’il y ait une vraie volonté de changer la méthode et de démontrer, en bout de course au moins — mieux vaut tard que jamais — que face à des régions qui ont des difficultés, et nous sommes moins isolés qu’on le pense. Bien sûr, personne n’ose sortir le premier, c’est toujours le même jeu, on se dit que celui qui sortira le premier sera celui qui se fera blâmer, c’est lui qui aura les mesures de rétorsion, c’est lui qui sera mis sous pression. Beaucoup attendent en se disant: «Tiens, les Wallons vont-ils sortir les premiers, ce qui me permettra de ne pas devoir sortir puisque tout le processus sera paralysé»; petit jeu tout à fait classique.
Je peux vous dire que, des très nombreux entretiens bilatéraux que j’ai eus, que des réticences il y en a dans au moins quatre ou cinq États membres et que la Commission européenne en est parfaitement consciente!
Il n’y a que dans un jeu politique belgo-belge que l’on essaie de faire croire qu’il n’y a que la Wallonie qui a des réticences avec ce traité, à ce stade.
Si la situation est celle-là, mettons-nous à table, clairement, en toute transparence discutons; voyons si nos demandes, légitimes, peuvent être rencontrées.
Les demandes que vous avez formulées, dans vos résolutions  je ne me cache pas devant le Parlement – demander au Parlement de faire un travail d’analyse, d’auditionner, de recevoir, de se prononcer, de fixer des balises dans une résolution, c’est un élément de vitalité démocratique plutôt que de se cacher. Je n’ai pas besoin du prétexte du Parlement. Je veux pouvoir démontrer que je m’appuie sur une majorité parlementaire très large et qui dépasse le cadre de la majorité.
Quand on dit: «Nous avons des difficultés avec l’ICS, le fameux mécanisme d’arbitrage tel qu’il est toujours là», on est loin d’être les seuls. Lisez l’arrêt de la cour constitutionnelle allemande d’hier soir qui dit: «Oui, l’Allemagne peut signer, mais pas ce mécanisme d’arbitrage et quoi qu’il arrive, il ne pourra pas entrer en vigueur, même pas de manière provisoire». La cour constitutionnelle allemande est quand même une institution qui pèse en Europe. Si elle le dit, c’est que ce ne sont pas seulement nous, les petits Wallons, qui avons un problème avec ce mécanisme. Elle retient exactement les mêmes critiques d’un risque de privatisation rampante de la justice que nous avons émises, que vous avez émises dans vos résolutions.
Quand nous disons: «La déclaration interprétative est pleine de bonnes intentions», c’est vrai. Les messages politiques qui sont exprimés sont des messages qui rencontrent nos aspirations, sur les droits de l’homme, sur l’exception culturelle, sur la protection des normes environnementales, sur le conventions de l’OIT, sur le droit du travail, sur la capacité de réguler, sur le principe de précaution, et autres, puisqu’il en arrive des nouvelles pages tous les jours. Tous ces éléments vont dans le bon sens, qui rencontrent ce qu’ont été nos aspirations.
Mais telle, qu’elle est formulée aujourd’hui, cette déclaration interprétative n’est pas suffisante; elle ne nous donne pas suffisamment de garanties.
Je ne vais pas entrer ici dans un débat de juristes, les expertises que nous avons demandées à différents cabinets d’avocats et différents universitaires nous disent qu’une déclaration interprétative peut, quand elle est écrite d’une certaine manière, avoir une force juridique totalement contraignante si elle est acceptée par les deux parties, opposable aux tiers, reconnue comme étant opposable aux tiers et si elle est libellée de manière très précise elle a exactement la même valeur que le traité lui-même.
Si l’on dit dans la déclaration interprétative, à l’article 30, alinéa 5: «Il faut comprendre tel mot comme ayant tel sens», cela a tout à fait la même valeur juridique qu’un amendement. C’est, de fait, un amendement au traité.
La question n’est pas «Faut-il une déclaration interprétative ou un autre instrument juridique?». La question c’est «Comment libelle-t-on ces observations?». C’est ce que j’ai dit aussi à tous ceux qui m’ont appelé. Si vous acceptez que nous rouvrions la discussion, nous demanderons que l’on relibelle, que l’on reformule un certain nombre de remarques qui sont dans la déclaration interprétative, que l’on en apporte quelques autres complémentaires.
Je suis convaincu que beaucoup d’autres États européens, pour avoir eu de nombreux contacts, nous soutiendront parce qu’eux aussi, aspirent à avoir des clauses beaucoup plus précises en matière de protection des services publics, de protection des droits du travail.
C’est ce message-là que nous devons faire passer. Politiquement, ce n’est pas facile, évidemment que ce n’est pas facile. On prend des risques, quoi que l’on fasse. On prend le risque soit de s’isoler de sa population. Si l’on veut se dire «Ne nous prenons pas pour plus importants que nous sommes, acceptons le traité tel quel, ce n’est déjà pas si mal. Tant pis pour les quelques petites imperfections». Je crois que l’on ne fera que renforcer la défiance déjà très profonde dans le personnel politique et on ne fera que renforcer la défiance encore plus profonde à l’égard des négociations internationales et du commerce.
On peut se dire, à l’inverse: «Disons non, un point c’est tout, puis allons faire un feu d’artifice, en se réjouissant d’avoir fait échouer le bateau CETA. Et quoi demain? Demain tant pis». Cela ne me paraît pas non plus être une position de responsabilité politique.
Par contre, on peut dire non mais expliquer pourquoi on dit non et expliquer à quelles conditions nous accepterions de négocier à nouveau. Cela a toujours été notre position et cela reste notre position.
Ce que je dirai, à l’ensemble de ceux qui me poseront la question, ce que j’ai dit et que je confirmerai au ministre fédéral des Affaires étrangères tout à l’heure, c’est ceci: aujourd’hui, le Parlement wallon a réexaminé la déclaration interprétative. De nouveaux documents arrivent aujourd’hui, arriveront encore sans doute demain, peut-être lundi. Nous continuerons de les examiner, parce que c’est ce sérieux, c’est cette rigueur dans l’analyse qui nous donnent de la crédibilité dans notre démarche. Toutefois, aujourd’hui, à l’analyse, ceci ne donne pas de garanties suffisantes.
Comme je m’y étais engagé formellement devant vous, je ne donnerai pas les pleins pouvoirs au Gouvernement fédéral et la Belgique ne signera pas le CETA le 18 octobre.
Je ne prends pas ceci comme un enterrement, je ne prends pas ceci comme un veto sans condition, je prends ceci comme une demande de rouvrir des négociations pour que de légitimes attentes d’une société civile organisée, transparente, qui ont été exprimées avec force, puissent être entendues par les dirigeants européens et pour que nous puissions ensemble contribuer, non seulement à notre prospérité mais aussi à reconstruire la confiance politique entre les citoyens et leurs élus.

Texte intégral du discours prononcé devant le parlement wallon,
par Paul MAGNETTE, Ministre-Président wallon, le 14 octobre 2016

Un toit pour mon vélo

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La peur de se faire voler sa bicyclette et les tracas d’un vélo abîmé par les intempéries : c’est décourageant pour de nombreux cyclistes. Quel dommage ! Obtenir du stationnement longue durée : c’est le sens de la campagne du GRACQ “Un toit pour mon vélo”. À partir du 1er octobre 2016, les groupes locaux du GRACQ, les membres, les sympathisants et n’importe quels cyclistes qui le souhaitent, peuvent interpeller leur commune ou leur employeur pour leur signifier leur besoin de stationnement de longue durée.

Protéger son vélo…

L’ombre de l’extrême droite en Wallonie : le CEPIC

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Isoloirs © ULB

Plusieurs organisations néofascistes ou d’ultradroites ont été citées dans le cadre des enquêtes sur les « années de plomb » belges. « RésistanceS », en collaboration avec le mensuel belge « Avancées », vous propose une courte présentation de celles-ci.

Le Centre politique des indépendants et cadres chrétiens (CEPIC)

Le CEPIC se définissait comme un mouvement politique « en réaction à l’organisation et à la structuration de l’aile démocrate-chrétienne » (centre-gauche) du parti social-chrétien. Constitué de différents courants réactionnaires (conservateur, bourgeois et national-libéral) du PSC, il fut actif de 1972 à 1982 avec le soutien dès ses débuts du président Charles-Ferdinand Nothomb. Ses animateurs, qui se retrouvaient au Cercle des Nations, se prenaient pour des « croisés » de la civilisation occidentale. Ils défendaient un programme économique ultralibéral pour s’opposer à l’esprit « collectiviste » de l’époque.

Dirigé par Paul Vanden Boeynants (qui en deviendra son président en 1977), le baron Benoît de Bonvoisin, Jean-Pierre Grafé, José Dessertes, feu Jean Breydel, Cécile Goor, Joseph Michel, Paul Vankerkhoven et bien d’autres, le CEPIC, lors de son premier congrès en 1975, reçut les encouragements de Léo Tindemans (le premier ministre CVP de l’époque).

Cette aile droite du PSC était liée au mensuel d’extrême droite « Nouvel Europe magazine » et au Front de la jeunesse (FJ). En 1982, le président du PSC Gérard Deprez ordonna la dissolution du CEPIC. Une partie de ses membres restèrent au parti catholique, une autre s’en ira au PRL et une troisième mit sur pied une nouvelle formation politique, le Parti libéral chrétien qui devra ensuite changer de nom sous la pression du PRL.

Il faut dire que le nom du CEPIC, associé à l’extrême droite, revenait régulièrement à la une de l’actualité dans le cadre d’investigations sur des dossiers dits « chauds ». Paul Latinus, le chef du groupe secret néonazi WNP, avait même été protégé par certains de ses leaders. Plus tard, le Parti des forces nouvelles (un groupuscule néonazi issu du Front de la jeunesse) accusera le CEPIC de lui avoir piqué son programme politique écrit en 1975, d’avoir confisqué « l’énergie militante des nationalistes » et détourné les « résultats des actions » du FJ d’après l’article « Au royaume pourri de Belgique » publié dans son mensuel « Forces Nouvelles », n° 80, en 1990.

Aujourd’hui, les anciennes gloires du CEPIC se sont éparpillées dans la nature. Certaines ont définitivement abandonné la politique. D’autres poursuivent le combat. Ainsi, à l’heure actuelle on retrouve des “cepistes” dans les directions des principaux partis d’extrême droite. « L’esprit Cepic » se retrouve également dans le journal politico-satirique « Pan ».

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Plus de contrat social…

25 Propositions pour une République laïque au XXIème siècle (GODF)

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Le Grand Orient de France a publié ces 25 propositions le 9 décembre 2014 et le document complet (.pdf) est disponible via ce lien

“Fidèle aux exigences de Liberté, d’Égalité et de Fraternité qui le fondent, le Grand Orient de France (GODF) a pour principe essentiel la liberté absolue de conscience ; dans le prolongement de ce principe, les statuts du GODF précisent que celui-ci « attache une importance fondamentale à la laïcité ».

Dans un monde que la globalisation bouleverse chaque jour un peu plus au détriment des plus faibles, où les Etats renoncent de plus en plus à prendre en charge les missions d’intérêt général qui seules permettraient de réduire les inégalités et les précarités, où le réveil des intégrismes et des fondamentalismes religieux constitue une menace croissante, le pacte républicain constitue plus que jamais pour la France le levier d’un progrès au service du plus grand nombre.

Premier pilier du pacte républicain, la laïcité doit bénéficier d’une promotion volontariste et sans faille. Or force est de constater qu’aujourd’hui, le politique semble abandonner au juge le soin de fixer les limites du territoire de la laïcité au risque de laisser s’installer une certaine insécurité juridique ; que la notion de laïcité est affaiblie voire dénaturée par tous ceux qui souhaitent en assouplir les règles au nom d’une vision communautariste de la société ou au contraire la durcir pour interdire toute expression des convictions religieuses dans l’espace civil. Face à ces tentatives de redéfinitions contradictoires, il convient de rappeler que la laïcité entendue comme principe politico-juridique et incarnée par la loi de 1905 est seule en mesure d’assurer la neutralité confessionnelle de la sphère publique ainsi que l’égalité et la liberté de conscience des croyants et des non croyants.

L’école laïque et républicaine joue un rôle essentiel dans l’instruction et la formation du futur citoyen. Encore faut-il que cette école soit activement soutenue face aux établissements privés à caractère confessionnel et que le corps enseignant bénéficie d’un cadre réglementaire clair qui lui permette de faire de l’école le lieu de formation des plus jeunes à l’abri de toutes les pressions dogmatiques. Ces règles doivent trouver un prolongement dans l’enseignement supérieur afin que celui-ci ne devienne pas le terrain d’affrontements idéologiques et religieux préjudiciables à sa mission.

De ce point de vue, c’est souvent la loi qui protège et la liberté qui opprime. C’est ce qu’a notamment démontré la loi du 15 mars 2004 dont on a craint un moment qu’elle ne soit remise en cause. C’est donc par la loi que l’on doit mettre un terme à l’érosion lente, continue et souvent insidieuse des principes issus de la loi de 1905 comme l’illustre également le préoccupant financement indirect des cultes par les collectivités locales.

De plus, la laïcité sera d’autant mieux comprise que l’Etat saura aussi mettre son organisation territoriale en accord avec la loi de 1905. Au législateur de concevoir les modalités d’une sortie progressive du concordat dans tous les territoires hexagonaux et ultra-marins qui relèvent encore à ce jour d’un régime dérogatoire.

Il convient aussi, au nom du combat pour la liberté absolue de conscience, de libérer les débats de société des approches dogmatiques qui les enferment dans des préjugés contraires aux droits des personnes, qu’il s’agisse de la fin de vie ou des questions relatives à la procréation, tout comme du monde du sport ou de l’entreprise.

C’est donc bien l’affirmation de la dignité de chacun, du respect mutuel, de la liberté et de l’égalité des droits et devoirs pour tous que le principe de laïcité entend sceller. Il permet de lutter contre les exclusions et toutes les formes de ségrégation. Il donne tout son sens aux valeurs de fraternité et de solidarité. Enfin, la laïcité doit être accompagnée de mesures sociales, économiques et politiques qui permettront, en luttant contre la précarité, la pauvreté et l’exclusion, à tous les citoyens de s’intégrer à la communauté nationale au sein d’une République non seulement laïque mais aussi démocratique, sociale et donc solidaire. C’est ainsi que ceux de nos concitoyens qui sont en proie au doute se détourneront des mouvements extrémistes prônant une contre-société anti-laïque et liberticide.

Déjà en 2001, le Grand Orient de France avait publié un Livre Blanc de la Laïcité, dont les termes demeurent actuels ; en 2005, à l’occasion du centenaire de la loi de 1905, il avait ouvert des Chantiers de la Laïcité, dont la plupart sont loin d’être clos.

A l’occasion de la fête de la Laïcité du 9 décembre, le Grand Orient de France renouvelle son engagement en faveur de la laïcité. Les propositions énoncées ci-après ont pour but de faire prendre conscience à tous que le renforcement des règles laïques dans la sphère publique redonnera un nouveau souffle au pacte républicain, à l’heure où ses principes fondateurs
semblent de moins en moins bien compris voire acceptés.”

Développer la pédagogie de la laïcité
  1. Instaurer une journée nationale de la laïcité le 9 décembre.
  2. Adopter une « charte de la laïcité à l’intention des élus et responsables institutionnels » pour préserver la liberté de conscience de tous les citoyens.
  3. Inscrire dans la Constitution, les principes des deux premiers articles de la loi du 9 décembre 1905 : “ La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes ” ; “ La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ”.
  4. Mettre en place un enseignement des conditions historiques et juridiques d’application de la laïcité dans la formation des professeurs, personnels éducatifs et chefs d’établissements.
  5. Mettre en place un enseignement de la laïcité dans les formations préparant aux métiers des trois fonctions publiques, et des carrières sanitaires et sociales.
Appliquer la loi de 1905 sur l’ensemble du territoire de la République
  1. Favoriser l’adoption des mesures législatives nécessaires à l’application de la loi de 1905 dans les territoires ultramarins où elle ne s’applique pas.
  2. Mettre en place une sortie progressive du régime des cultes reconnus visant l’harmonisation avec le droit commun (loi du 9 décembre 1905).
  3. Abolir au plus tôt le délit de blasphème 1.
  4. Abolir l’obligation de suivre un enseignement religieux dans les écoles publiques.
Promouvoir l’école publique laïque et gratuite
  1. Créer les établissements scolaires publics et les sections nécessaires dans les zones qui en sont dépourvues, chaque fois que les effectifs des élèves concernés le justifient.
  2. Supprimer l’obligation pour les communes de financer la scolarité des élèves dans les établissements privés situés dans d’autres communes.
  3. Faire étudier l’impact du déploiement de la charte de la laïcité dans les écoles et établissements d’enseignement publics.
  4. Faire respecter, par les adultes accompagnateurs de sorties et déplacement scolaires, l’obligation de neutralité religieuse, politique, et philosophique requise par le fonctionnement du service public de l’éducation.
En finir avec les financements indirects aux cultes
  1. Mettre un terme au financement public des activités consistant en l’exercice d’un culte, même présentées comme culturelles.
  2. Faire procéder à un état des lieux chiffré de l’ensemble des financements publics en faveur des cultes.
Faire vivre la laïcité dans l’enseignement supérieur
  1. Les établissements d’enseignement supérieur privés ne peuvent en aucun cas prendre le titre d’universités. Les certificats d’études qu’on y juge à propos de décerner aux élèves ne peuvent porter les titres de baccalauréat, de licence ou de doctorat. Art. L.731-14 du code de l’éducation.
  2. Abroger l’accord entre la République française et le Saint-Siège sur la reconnaissance mutuelle des grades et diplômes dans l’enseignement supérieur.
  3. Faire diffuser dans les établissements publics d’enseignement supérieur, et annexer à leur règlement intérieur, la Charte de la laïcité dans les services publics.
  4. Prohiber, dans les salles de cours, lieux et situations d’enseignement et de recherche des établissements publics d’enseignement supérieur, les signes et tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse.
  5. Faire respecter, dans les centres d’examen, l’obligation d’identification, l’interdiction de tout objet ou manifestation susceptible de gêner les autres candidats ou de perturber le déroulement de l’épreuve, et contrevenant à la neutralité des conditions d’examen.
Assurer la liberté de conscience
  1. Audiovisuel – Donner un temps d’antenne sur les chaînes publiques de télévision aux mouvements philosophiques non-confessionnels, et aux courants de pensée laïques, libres penseurs, athées.
  2. Sport – Exiger le respect, dans les compétitions olympiques, de l’égalité hommes-femmes et de la règle 50 de la Charte Olympique interdisant toute forme de « propagande politique, religieuse, ou raciale ».
  3. Ethique – Reconnaître, dans l’encadrement législatif de la fin de vie, le droit de mourir dans la dignité selon les souhaits exprimés par le patient.
  4. Entreprises – Favoriser le développement des chartes de la neutralité religieuse dans les entreprises qui le souhaitent.
  5. Europe – Défendre et promouvoir le respect de la liberté absolue de conscience au niveau européen.

Le contrat social, parlons-en…

L’Idiot international

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Une du premier numéro de l’Idiot International, en 2014 (c) Libération

“Gauchiste au lendemain de Mai 68, l’Idiot international réapparaît en plein pouvoir socialiste pour foutre le bordel. Jean-Edern HALLIER a-t-il surtout dénoncé ou suscité des dérapages ? Nous avons sauté les deux pieds en avant dans le marécage et fait le décompte. Il existe actuellement un hebdo inoffensif qui provoque quelques remous : Marianne, que certaines âmes sensibles trouvent révoltant. Pourtant, Marianne, par rapport à l’Idiot international, c’est Gala, un plat de nouilles sans saveur. Et Michel Houellebecq, Mère Teresa, comparé à Jean-Edern Hallier. Le 4 octobre 1989, le “monarque absolu” de l’Idiot note : « A la différence des autres journaux, notre grand cru d’absolu se bonifiera en vieillissant, parce que je vais vous le dire : tout journal de la veille, de la semaine précédente, ou du mois d’avant est un tissu de conneries. » Des conneries, on en relève beaucoup dans l’Idiot. Mais puisque Boris Vian affirmait « Dire des idioties, de nos jours où tout le monde réfléchit profondément, c’est le seul moyen de prouver qu’on a une pensée libre et indépendante », examinons l’Idiot de près.

Fondateur de la revue Tel Quel en 1960 avec Philippe Sollers, Jean-Edern Hallier publie deux romans avant mai 68. Au lendemain des événements, avec Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, il crée un organe qui proteste : l’Idiot International première mouture sera un vrai mensuel gauchiste. Edito du n° 4, mars 1970 : « Le mouvement révolutionnaire (…) n’a encore bien souvent d’autres armes que sa révolte contre la dictature bourgeoise et sa capacité propagandiste de dénoncer partout les multiples facettes d’un même scandale : celui de l’exploitation de l’homme par l’homme. » Suivent des articles intitulés Comment se défendre des abus de l’ordre, Briser le règne des syndicats, La censure bourgeoise au cinéma

Stop ou encore ?

Dans son livre La Force d’âme, Jean-Edern Hallier s’arrange avec sa mémoire et règle quelques comptes : « L’autre Idiot exista de 1968 à 1973. L’équipe a perdu des hommes en route. François Mitterrand, qui voulait me récupérer – restons irrécupérables – est devenu président de la République, après avoir parfois écrit chez nous. Je m’aperçois que d’autres nous ont quittés. Ou plutôt, ils ont rapetissé, ils sont devenus ministres – de l’étymologie, latine cette fois-ci, minus, mini, petit. Jugez-en : siégeaient à notre conseil de rédaction Michel Rocard, Premier ministre, Jean-Pierre Chevènement – ah celui-là, quelle tarte – Kouchner – lui, il ne pensait qu’au Biafra et il avait encore un peu d’humour – Brice Lalonde – heureusement pour lui qu’il est ministre, sinon il serait clochard. »

Beaucoup d’activistes viendront combattre à l’Idiot avant de faire carrière. Jean-Edern : « Que sont-ils devenus ? Roland Castro, architecte et sombre crapule, Serge July, oublié. Geismar, retraité. Il y avait aussi Gluksmann – quel dommage qu’il écrive toujours aussi mal, sinon il serait des nôtres –, Jean-Luc Godard, Jean-Marc Bouguereau et Marc Kravetz, fondateurs de Libération, dont l’Idiot fut la véritable matrice. Il y avait aussi Guy Hocquengheim… »

A partir du 22 mai 1973, un quotidien gauchiste est vendu en kiosques : Libération, soutenu par Jean-Paul Sartre. L’Idiot s’arrête. Jean-Edern Hallier sort des livres, accumule les pamphlets, gesticule dans tous les sens, jusqu’à l’épisode de son ‘enlèvement’ en 1982, soi-disant perpétré par les « Brigades révolutionnaires françaises ». Copain comme cochon avec Mitterrand, il n’obtient aucun poste en 1981. Le nouveau président de la République devient son ennemi intime. Hallier balance tout dans L’Honneur perdu de François Mitterrand (Mazarine, etc.), mais ne trouve aucun éditeur. Bon prétexte pour réactiver l’Idiot en 1984 avec Philippe Sollers, Jean Baudrillard, Roland Topor… Mais les problèmes de censure reprennent le dessus. Hallier attend un nouveau coup médiatique pour relancer une troisième fois l’Idiot, le 26 avril 1989 : il sort une traduction sauvage des Versets sataniques. Procès du vrai éditeur de Salman Rushdie, pub, scandale, c’est reparti. L’équipe est nouvelle. Critère de recrutement : il faut une plume et des avis qui vomissent le tiède.

Casting impressionnant

« Place des Vosges, Louisa, ma cuisinière, fait des pâtes pour Patrick Besson, Edward Limonov, Jacques Bidalou, Jacques Vergès, Jeanne Folly, Laurent Hallier, Marc-Edouard Nabe, Morgan Sportès, Thierry Pfister, Arrabal, Francis Szpiner et Benoît Duteurtre qui lance ses flèches les plus acérées contre Boulez. Christian Laborde nous appelle de Pau et, le soir, il nous arrive de retrouver Philippe Sollers à la Closerie des Lilas. » Peu de centristes dans l’équipe, étoffée par Thierry Ardisson, Arrabal, Gabriel Matzneff, Serge Quadruppani… Hallier : « Où nous situer politiquement ? D’abord, horriblement catholiques ! Et à la sempiternelle question : êtes-vous de droite ? Ou de gauche ? Voici la réponse : nous sommes un écheveau de trahisons innombrables. Vais-je commettre un impair si j’avoue que nous sommes aux bordures d’un parti communiste de rêve qui, bien sûr, n’existera jamais… ? »

Lire la suite de l’article de Benoit SABATIER sur TECHNIKART.COM (1 mars 2002)

A lire sur wallonica.org…


Plus de presse…

FRENCH NETOCRACY : interview d’Alexander Bard et de Jan Söderqvist

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Jan Söderqvist & Alexander Bard (c) Volante

“Pour Bard et Söderqvist, nous entrons aujourd’hui dans la phase finale du commencement de l’émergence d’une nouvelle ère, l’ère netocratique, laquelle signe la fin du capitalisme. Depuis 2000, ils défendent leur thèse d’un changement majeur de paradigme ; grâce à la traduction de leur livre, la France va enfin pouvoir se joindre au débat. Pourquoi maintenant seulement ? La Netocratie peut-elle s’imposer dans l’Hexagone ? Le contexte a-t-il changé ? Mise à jour avec les intéressés.

Chronic’art : Voici huit ans que vous avez écrit Les Netocrates, publié et traduit dans plusieurs pays. Comment expliquer que nous le découvrions seulement maintenant en France ?

Alexander Bard : D’abord, il semble que la France n’ait pas montré beaucoup d’intérêt pour nos études futurologiques et sociales. Sans doute parce que seule la vieille génération d’intellectuels français – Jacques Derrida, par exemple -, pour qui il est difficile d’apprécier correctement quelque chose de vraiment nouveau, était encore récemment sous le feux des projecteurs. Cette situation semble néanmoins évoluer : les Français se rendent enfin compte de la profondeur de la révolution que représente l’apparition des médias interactifs et d’Internet, et que cette révolution constitue le principal ingrédient de la globalisation politique et économique que nous connaissons aujourd’hui. Est-ce que ce réveil est dû au phénomène des blogs, particulièrement fort en France ? Ensuite, c’est une question de timing puisque nous avons dû attendre de rencontrer les bonnes personnes avec qui nous avions envie de travailler. C’est à la suite d’un entretien-fleuve avec vous, à Chronic’art, que nous avons été mis en contact avec l’éditeur Léo Scheer.

Jan Söderqvist : Il s’agit aussi de raisons plus banales et pratiques. Dès 2001, l’idée d’une traduction française flottait dans l’air, mais il n’y a pas eu de suite. Nous étions à l’époque très pris avec les marchés américain, anglais, sud-africain et espagnol. Je suppose aussi que la confusion a fait hésiter ce premier contact : certains voient Les Netocrates comme une œuvre de philosophie sociale, d’autres pensent avoir affaire à un livre de business ou de management puisqu’il parle des forces sous-jacentes au phénomène des valeurs technologiques (la bulle dot.com) et du fait que des stratégies d’affaires établies, menées par la bourgeoise, ne fonctionnent pas vraiment dans cette nouvelle écologie médiatique. Comment vendre un livre comme celui-là, qui ignore toutes les étiquettes et toutes les conventions traditionnelles ?

En quoi la théorie exposée dans votre essai est-elle antinomique avec l’esprit français, comme vous le dites dans votre préface ?

A.B. : Notre analyse se fonde sur la culture des early adopters. Pour comprendre le monde d’aujourd’hui, nous nous intéressons davantage à l’usage et à l’implication sociale des nouvelles technologies de l’information et des nouveaux gadgets interactifs chez les écolières coréennes ou les pêcheurs du Sud de l’Inde que sur les vieilles références que tout le monde ressasse. Après tout, Max Weber n’avait aucune idée de ce qu’était un téléphone portable ! Notre analyse, du coup, est assez peu flatteuse pour la vieille élite, composée principalement de vieux journalistes et d’auteurs mâles d’Europe occidentale ou d’Amérique du Nord. Notre hypothèse révèle que ceux-ci sont historiquement voués à perdre leur position dominante, alors que de nouvelles forces entrent en jeu. L’Europe est aujourd’hui extrêmement conservatrice et complaisante. Cela va demander de gros efforts aux Européens pour comprendre ce qu’est la véritable radicalité du XXIe siècle.

J.S. : C’est un classique, le changement n’est jamais bon pour la vieille élite en place. Mon avis est que la France est un pays très polarisé où il existe d’un côté une « gauche » vraiment conservatrice qui ne rêve que d’un statu quo éternel et, de l’autre, des pouvoirs plus pragmatiques qui se rendent compte que le chauvinisme réactionnaire n’est plus une option aujourd’hui pertinente.

Est-ce que le problème de la France n’est pas qu’elle est une nation très égocentrée (la France, centre du monde) ?

A.B. : Quiconque a connu un passé prospère va avoir quelques difficultés à accepter un avenir où il se retrouve marginalisé. La France a pu être le centre de l’ancien paradigme industrialo-capitaliste ; l’Etat-nation moderne et la modernité sont d’ailleurs nés en France, ce paradigme ayant été défini par les penseurs des Lumières. Du coup, puisque l’identité française est à ce point liée au capitalisme, il n’est pas surprenant que ce pays ait plus d’obstacles à surmonter que les autres quand il se frotte au paradigme informationaliste. Le seul fait de se poser la question de son positionnement face à ce nouveau paradigme est assez révélateur… Les netocrates se fichent pas mal du débat sur l’identité cadrée dans une nationalité. Ils envisagent toujours les choses à un niveau global et subculturel. Le nationalisme est aujourd’hui un phénomène qui n’intéresse que les sous-classes.

ISBN 978-2-7561-0118-7

J.S. : Il suffit de voir la polémique suscitée récemment par l’article du Times sur la mort de la culture française… C’est toujours un sujet sensible en France, et ce n’est pas bon signe. La nostalgie nationaliste est quelque chose de tellement dépassé ! Aucune Nation ne peut aujourd’hui fonctionner comme une marque. Nous avons trop perdu de temps avec ces inepties. Les Français ne sont pas les seuls à apprécier une nourriture de qualité, du bon vin, la mode, l’art ou la philosophie ! C’est évidemment une mauvaise nouvelle pour les Français qui se sont toujours vus comme culturellement supérieurs aux autres sur bien des plans… « Tu dors, tu es mort », l’adage n’a jamais été aussi vrai.

Avec la netocratie, vous prévoyez la disparition définitive de l’Etat-Nation. Mais n’est-il pas exagéré de penser que le réseau Internet suffira à faire accepter cette idée et à faire émerger une gouvernance netocratique mondiale ?

A.B. : Non, pas du tout. La vieille bourgeoisie est obsédée par les Etats-nations et les implications de l’identité nationale. Les netocrates, eux, ne s’y intéressent pas du tout. Elle n’intéresse manifestement pas Internet (aucun, ou très peu, de sites consacrés au sujet). Pourquoi ? Parce que c’est une question hors sujet dans la vie quotidienne des netocrates. Aucun d’entre eux ne va se sacrifier, par exemple, pour la France.

J.S. : Qui sont les derniers porteurs de drapeaux en Europe ? Les vieux aristocrates, les fermiers gavés de subventions et les néo-fascistes tatoués au chômage, c’est-à-dire les perdants de l’âge de l’information. Le concept d’Etat-Nation est devenu incroyablement obsolète parce que toutes les vraies questions politiques contemporaines quittent la sphère nationale les unes après les autres pour se retrouver dans une optique supranationale. L’environnement, la défense, les impôts, l’agriculture, le système de santé, l’éducation… Tout ! Comment peut-on avoir une politique nationale sur l’environnement ? Quel sens cela peut-il avoir ? Que vous aimiez votre pays ou que vous souteniez farouchement votre équipe nationale de football, peu importe : la politique nationale est devenue une charade insensée…”

Lire la suite de l’interview de Peggy SASTRE sur CHRONICART.COM (1 mars 2008)

A lire : BARD A. & SÖDERQVIST J., Les Netocrates (Paris, Editions Léo Scheer, 2008)


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