BOURDIEU : L’essence du néolibéralisme (Le Monde diplomatique, mars 1998)

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[MONDE-DIPLOMATIQUE.FR, mars 1998] Cette utopie, en voie de réalisation, d’une exploitation sans limite : qu’est-ce que le néolibéralisme ? Un programme de destruction des structures collectives capables de faire obstacle à la logique du marché pur.

Le monde économique est-il vraiment, comme le veut le discours dominant, un ordre pur et parfait, déroulant implacablement la logique de ses conséquences prévisibles, et prompt à réprimer tous les manquements par les sanctions qu’il inflige, soit de manière automatique, soit — plus exceptionnellement — par l’intermédiaire de ses bras armés, le FMI ou l’OCDE, et des politiques qu’ils imposent : baisse du coût de la main-d’œuvre, réduction des dépenses publiques et flexibilisation du travail ? Et s’il n’était, en réalité, que la mise en pratique d’une utopie, le néolibéralisme, ainsi convertie en programme politique, mais une utopie qui, avec l’aide de la théorie économique dont elle se réclame, parvient à se penser comme la description scientifique du réel ?

Cette théorie tutélaire est une pure fiction mathématique, fondée, dès l’origine, sur une formidable abstraction : celle qui, au nom d’une conception aussi étroite que stricte de la rationalité identifiée à la rationalité individuelle, consiste à mettre entre parenthèses les conditions économiques et sociales des dispositions rationnelles et des structures économiques et sociales qui sont la condition de leur exercice.

Il suffit de penser, pour donner la mesure de l’omission, au seul système d’enseignement, qui n’est jamais pris en compte en tant que tel en un temps où il joue un rôle déterminant dans la production des biens et des services, comme dans la production des producteurs. De cette sorte de faute originelle, inscrite dans le mythe walrasien [NDLR : par référence à Auguste Walras (1800-1866), économiste français, auteur de De la nature de la richesse et de l’origine de la valeur (1848) ; il fut l’un des premiers à tenter d’appliquer les mathématiques à l’étude économique] de la théorie pure, découlent tous les manques et tous les manquements de la discipline économique, et l’obstination fatale avec laquelle elle s’accroche à l’opposition arbitraire qu’elle fait exister, par sa seule existence, entre la logique proprement économique, fondée sur la concurrence et porteuse d’efficacité, et la logique sociale, soumise à la règle de l’équité.

Cela dit, cette “théorie” originairement désocialisée et déshistoricisée a, aujourd’hui plus que jamais, les moyens de se rendre vraie, empiriquement vérifiable. En effet, le discours néolibéral n’est pas un discours comme les autres. A la manière du discours psychiatrique dans l’asile, selon Erving Goffman [Erving Goffman, Asiles. Etudes sur la condition sociale des malades mentaux, 1968], c’est un “discours fort”, qui n’est si fort et si difficile à combattre que parce qu’il a pour lui toutes les forces d’un monde de rapports de forces qu’il contribue à faire tel qu’il est, notamment en orientant les choix économiques de ceux qui dominent les rapports économiques et en ajoutant ainsi sa force propre, proprement symbolique, à ces rapports de forces. Au nom de ce programme scientifique de connaissance, converti en programme politique d’action, s’accomplit un immense travail politique (dénié puisque, en apparence, purement négatif) qui vise à créer les conditions de réalisation et de fonctionnement de la “théorie” ; un programme de destruction méthodique des collectifs.

Le mouvement, rendu possible par la politique de déréglementation financière, vers l’utopie néolibérale d’un marché pur et parfait, s’accomplit à travers l’action transformatrice et, il faut bien le dire, destructrice de toutes les mesures politiques (dont la plus récente est l’AMI, Accord multilatéral sur l’investissement, destiné à protéger, contre les Etats nationaux, les entreprises étrangères et leurs investissements), visant à mettre en question toutes les structures collectives capables de faire obstacle à la logique du marché pur : nation, dont la marge de manœuvre ne cesse de décroître ; groupes de travail, avec, par exemple, l’individualisation des salaires et des carrières en fonction des compétences individuelles et l’atomisation des travailleurs qui en résulte ; collectifs de défense des droits des travailleurs, syndicats, associations, coopératives ; famille même, qui, à travers la constitution de marchés par classes d’âge, perd une part de son contrôle sur la consommation.

Le programme néolibéral, qui tire sa force sociale de la force politico-économique de ceux dont il exprime les intérêts — actionnaires, opérateurs financiers, industriels, hommes politiques conservateurs ou sociaux-démocrates convertis aux démissions rassurantes du laisser-faire, hauts fonctionnaires des finances, d’autant plus acharnés à imposer une politique prônant leur propre dépérissement que, à la différence des cadres des entreprises, ils ne courent aucun risque d’en payer éventuellement les conséquences —, tend globalement à favoriser la coupure entre l’économie et les réalités sociales, et à construire ainsi, dans la réalité, un système économique conforme à la description théorique, c’est-à-dire une sorte de machine logique, qui se présente comme une chaîne de contraintes entraînant les agents économiques.

La mondialisation des marchés financiers, jointe au progrès des techniques d’information, assure une mobilité sans précédent de capitaux et donne aux investisseurs, soucieux de la rentabilité à court terme de leurs investissements, la possibilité de comparer de manière permanente la rentabilité des plus grandes entreprises et de sanctionner en conséquence les échecs relatifs. Les entreprises elles-mêmes, placées sous une telle menace permanente, doivent s’ajuster de manière de plus en plus rapide aux exigences des marchés ; cela sous peine, comme l’on dit, de “perdre la confiance des marchés”, et, du même coup, le soutien des actionnaires qui, soucieux d’obtenir une rentabilité à court terme, sont de plus en plus capables d’imposer leur volonté aux managers, de leur fixer des normes, à travers les directions financières, et d’orienter leurs politiques en matière d’embauche, d’emploi et de salaire.

Ainsi s’instaurent le règne absolu de la flexibilité, avec les recrutements sous contrats à durée déterminée ou les intérims et les “plans sociaux” à répétition, et, au sein même de l’entreprise, la concurrence entre filiales autonomes, entre équipes contraintes à la polyvalence et, enfin, entre individus, à travers l’individualisation de la relation salariale : fixation d’objectifs individuels ; entretiens individuels d’évaluation ; évaluation permanente ; hausses individualisées des salaires ou octroi de primes en fonction de la compétence et du mérite individuels ; carrières individualisées ; stratégies de “responsabilisation” tendant à assurer l’auto-exploitation de certains cadres qui, simples salariés sous forte dépendance hiérarchique, sont en même temps tenus pour responsables de leurs ventes, de leurs produits, de leur succursale, de leur magasin, etc., à la façon d’”indépendants” ; exigence de l’”autocontrôle” qui étend l’”implication” des salariés, selon les techniques du “management participatif”, bien au-delà des emplois de cadres. Autant de techniques d’assujettissement rationnel qui, tout en imposant le surinvestissement dans le travail, et pas seulement dans les postes de responsabilité, et le travail dans l’urgence, concourent à affaiblir ou à abolir les repères et les solidarités collectives.

L’institution pratique d’un monde darwinien de la lutte de tous contre tous, à tous les niveaux de la hiérarchie, qui trouve les ressorts de l’adhésion à la tâche et à l’entreprise dans l’insécurité, la souffrance et le stress, ne pourrait sans doute pas réussir aussi complètement si elle ne trouvait la complicité des dispositions précarisées que produit l’insécurité et l’existence, à tous les niveaux de la hiérarchie, et même aux niveaux les plus élevés, parmi les cadres notamment, d’une armée de réserve de main-d’œuvre docilisée par la précarisation et par la menace permanente du chômage. Le fondement ultime de tout cet ordre économique placé sous le signe de la liberté, est en effet, la violence structurale du chômage, de la précarité et de la menace du licenciement qu’elle implique : la condition du fonctionnement “harmonieux” du modèle micro-économique individualiste est un phénomène de masse, l’existence de l’armée de réserve des chômeurs.

Cette violence structurale pèse aussi sur ce que l’on appelle le contrat de travail (savamment rationalisé et déréalisé par la “théorie des contrats”). Le discours d’entreprise n’a jamais autant parlé de confiance, de coopération, de loyauté et de culture d’entreprise qu’à une époque où l’on obtient l’adhésion de chaque instant en faisant disparaître toutes les garanties temporelles (les trois quarts des embauches sont à durée déterminée, la part des emplois précaires ne cesse de croître, le licenciement individuel tend à n’être plus soumis à aucune restriction).

On voit ainsi comment l’utopie néolibérale tend à s’incarner dans la réalité d’une sorte de machine infernale, dont la nécessité s’impose aux dominants eux-mêmes. Comme le marxisme en d’autres temps, avec lequel, sous ce rapport, elle a beaucoup de points communs, cette utopie suscite une formidable croyance, la free trade faith (la foi dans le libre-échange), non seulement chez ceux qui en vivent matériellement, comme les financiers, les patrons de grandes entreprises, etc., mais aussi chez ceux qui en tirent leurs justifications d’exister, comme les hauts fonctionnaires et les politiciens, qui sacralisent le pouvoir des marchés au nom de l’efficacité économique, qui exigent la levée des barrières administratives ou politiques capables de gêner les détenteurs de capitaux dans la recherche purement individuelle de la maximisation du profit individuel, instituée en modèle de rationalité, qui veulent des banques centrales indépendantes, qui prêchent la subordination des Etats nationaux aux exigences de la liberté économique pour les maîtres de l’économie, avec la suppression de toutes les réglementations sur tous les marchés, à commencer par le marché du travail, l’interdiction des déficits et de l’inflation, la privatisation généralisée des services publics, la réduction des dépenses publiques et sociales.

Sans partager nécessairement les intérêts économiques et sociaux des vrais croyants, les économistes ont assez d’intérêts spécifiques dans le champ de la science économique pour apporter une contribution décisive, quels que soient leurs états d’âme à propos des effets économiques et sociaux de l’utopie qu’ils habillent de raison mathématique, à la production et à la reproduction de la croyance dans l’utopie néolibérale. Séparés par toute leur existence et, surtout, par toute leur formation intellectuelle, le plus souvent purement abstraite, livresque et théoriciste, du monde économique et social tel qu’il est, ils sont particulièrement enclins à confondre les choses de la logique avec la logique des choses.

Confiants dans des modèles qu’ils n’ont pratiquement jamais l’occasion de soumettre à l’épreuve de la vérification expérimentale, portés à regarder de haut les acquis des autres sciences historiques, dans lesquels ils ne reconnaissent pas la pureté et la transparence cristalline de leurs jeux mathématiques, et dont ils sont le plus souvent incapables de comprendre la vraie nécessité et la profonde complexité, ils participent et collaborent à un formidable changement économique et social qui, même si certaines de ses conséquences leur font horreur (ils peuvent cotiser au Parti socialiste et donner des conseils avisés à ses représentants dans les instances de pouvoir), ne peut pas leur déplaire puisque, au péril de quelques ratés, imputables notamment à ce qu’ils appellent parfois des “bulles spéculatives”, il tend à donner réalité à l’utopie ultraconséquente (comme certaines formes de folie) à laquelle ils consacrent leur vie.

© marianne.net

Et pourtant le monde est là, avec les effets immédiatement visibles de la mise en œuvre de la grande utopie néolibérale : non seulement la misère d’une fraction de plus en plus grande des sociétés les plus avancées économiquement, l’accroissement extraordinaire des différences entre les revenus, la disparition progressive des univers autonomes de production culturelle, cinéma, édition, etc., par l’imposition intrusive des valeurs commerciales, mais aussi et surtout la destruction de toutes les instances collectives capables de contrecarrer les effets de la machine infernale, au premier rang desquelles l’Etat, dépositaire de toutes les valeurs universelles associées à l’idée de public, et l’imposition, partout, dans les hautes sphères de l’économie et de l’Etat, ou au sein des entreprises, de cette sorte de darwinisme moral qui, avec le culte du winner, formé aux mathématiques supérieures et au saut à l’élastique, instaure comme normes de toutes les pratiques la lutte de tous contre tous et le cynisme.

Peut-on attendre que la masse extraordinaire de souffrance que produit un tel régime politico-économique soit un jour à l’origine d’un mouvement capable d’arrêter la course à l’abîme ? En fait, on est ici devant un extraordinaire paradoxe : alors que les obstacles rencontrés sur la voie de la réalisation de l’ordre nouveau — celui de l’individu seul, mais libre — sont aujourd’hui tenus pour imputables à des rigidités et des archaïsmes, et que toute intervention directe et consciente, du moins lorsqu’elle vient de l’Etat, par quelque biais que ce soit, est d’avance discréditée, donc sommée de s’effacer au profit d’un mécanisme pur et anonyme, le marché (dont on oublie qu’il est aussi le lieu d’exercice d’intérêts), c’est en réalité la permanence ou la survivance des institutions et des agents de l’ordre ancien en voie de démantèlement, et tout le travail de toutes les catégories de travailleurs sociaux, et aussi toutes les solidarités sociales, familiales ou autres, qui font que l’ordre social ne s’effondre pas dans le chaos malgré le volume croissant de la population précarisée.

Le passage au “libéralisme” s’accomplit de manière insensible, donc imperceptible, comme la dérive des continents, cachant ainsi aux regards ses effets, les plus terribles à long terme. Effets qui se trouvent aussi dissimulés, paradoxalement, par les résistances qu’il suscite, dès maintenant, de la part de ceux qui défendent l’ordre ancien en puisant dans les ressources qu’il recelait, dans les solidarités anciennes, dans les réserves de capital social qui protègent toute une partie de l’ordre social présent de la chute dans l’anomie. (Capital qui, s’il n’est pas renouvelé, reproduit, est voué au dépérissement, mais dont l’épuisement n’est pas pour demain.)

Mais ces mêmes forces de “conservation”, qu’il est trop facile de traiter comme des forces conservatrices, sont aussi, sous un autre rapport, des forces de résistance à l’instauration de l’ordre nouveau, qui peuvent devenir des forces subversives. Et si l’on peut donc conserver quelque espérance raisonnable, c’est qu’il existe encore, dans les institutions étatiques et aussi dans les dispositions des agents (notamment les plus attachés à ces institutions, comme la petite noblesse d’Etat), de telles forces qui, sous apparence de défendre simplement, comme on le leur reprochera aussitôt, un ordre disparu et les “privilèges” correspondants, doivent en fait, pour résister à l’épreuve, travailler à inventer et à construire un ordre social qui n’aurait pas pour seule loi la recherche de l’intérêt égoïste et la passion individuelle du profit, et qui ferait place à des collectifs orientés vers la poursuite rationnelle de fins collectivement élaborées et approuvées.

Parmi ces collectifs, associations, syndicats, partis, comment ne pas faire une place spéciale à l’Etat, Etat national ou, mieux encore, supranational, c’est-à-dire européen (étape vers un Etat mondial), capable de contrôler et d’imposer efficacement les profits réalisés sur les marchés financiers et, surtout, de contrecarrer l’action destructrice que ces derniers exercent sur le marché du travail, en organisant, avec l’aide des syndicats, l’élaboration et la défense de l’intérêt public qui, qu’on le veuille ou non, ne sortira jamais, même au prix de quelque faux en écriture mathématique, de la vision de comptable (en un autre temps, on aurait dit d’”épicier”) que la nouvelle croyance présente comme la forme suprême de l’accomplissement humain.

Pierre Bourdieu, Sociologue, professeur au Collège de France


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Plus de discours…

PIKETTY : Trump, Macron, même combat…

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Emmanuel Macron et Donald Trump en 2018 © L’Express

[12 décembre 2017 : extraits] “On a coutume d’opposer Trump et Macron : d’un côté le vulgaire businessman américain, aux tweets xénophobes et climato-sceptiques ; de l’autre l’esprit européen éclairé, soucieux de dialogue des cultures et de développement durable. Tout cela n’est pas entièrement faux, et de surcroît bien agréable pour nos oreilles françaises. Mais si l’on regarde de plus près les politiques menées, on est frappé par les similitudes.

En particulier, Trump comme Macron viennent de faire adopter des réformes fiscales extrêmement proches, et qui dans les deux cas constituent une incroyable fuite en avant dans le mouvement de dumping fiscal en faveur des plus riches et des plus mobiles. […]

Pour la première fois depuis l’Ancien Régime, on décide ainsi d’instituer dans les deux pays un régime fiscal explicitement dérogatoire pour les catégories de revenus et de patrimoines détenues par les groupes sociaux les plus favorisés. Avec à chaque fois un argument supposé imparable : la masse des contribuables captifs et immobiles n’a d’autre choix que de bien traiter les plus riches, faute de quoi ces derniers auront tôt fait de quitter le territoire et de ne plus les faire bénéficier de leurs bienfaits (emplois, investissements, et autres idées géniales inaccessibles au commun). « Job creators » pour Trump, « premiers de cordée » pour Macron : les mots varient pour désigner ces nouveaux bienfaiteurs que les masses doivent chérir, mais le fond est le même.

Trump comme Macron sont sans doute sincères. Il n’en reste pas moins qu’ils témoignent tous deux d’une profonde incompréhension des défis inégalitaires posés par la mondialisation. Ils refusent de prendre en compte des faits qui sont pourtant aujourd’hui bien documentés, à savoir que les groupes qu’ils favorisent sont déjà ceux qui ont accaparé une part démesurée de la croissance des dernières décennies. En niant cette réalité, ils nous font courir trois risques majeurs. Au sein des pays riches, le sentiment d’abandon des classes populaires nourrit une attitude de rejet vis-à-vis de la mondialisation, et de l’immigration en particulier. Trump s’en sort en flattant la xénophobie de ses électeurs, alors que Macron espère se maintenir au pouvoir en misant sur l’attachement majoritaire de l’opinion française à la tolérance et l’ouverture, et en rejetant ses opposants dans l’anti-mondialisme. Mais en réalité cette évolution est lourde de menaces pour l’avenir, en Ohio et en Louisiane comme en France ou en Suède.

Ensuite, le refus de s’attaquer aux inégalités complique considérablement la résolution du défi climatique. Comme l’a bien montré Lucas Chancel (Insoutenables inégalités, Les petits matins, 2017), les ajustements considérables des modes de vie exigés par le réchauffement ne pourront être acceptés que si l’on garantit une répartition équitable des efforts. Si les plus riches continuent de polluer la planète avec leurs 4×4 et leurs yachts immatriculés à Malte (exemptés de tout impôt, y compris de TVA, comme les Paradise papers viennent de le démontrer), alors pourquoi les plus pauvres accepteraient-ils la hausse par ailleurs nécessaire de la taxe carbone?

Enfin, le refus de corriger les tendances inégalitaires de la mondialisation a des conséquences extrêmement néfastes sur notre capacité à réduire la pauvreté mondiale. Les prévisions inédites qui seront publiées le 14 décembre dans le Rapport sur les inégalités mondiales sont claires : suivant les politiques et les trajectoires inégalitaires choisies, les conditions de vie de la moitié la plus défavorisée de la planète suivront des évolutions totalement différentes d’ici à 2050.

Terminons sur une note optimiste : sur le papier, Macron défend une approche des coopérations internationales et européennes qui est évidemment plus prometteuse que l’unilatéralisme de Trump. La question est de savoir quand nous sortirons de la théorie et de l’hypocrisie. Le traité Ceta conclu entre l’UE et la Canada quelques mois après l’accord de Paris ne contient par exemple aucune mesure contraignante sur le climat et la justice fiscale.

Quant aux prétendues propositions françaises de réforme de l’Europe, qui font frémir de fierté nos oreilles hexagonales, la vérité est qu’elles sont totalement floues : on ne sait toujours pas quel sera la composition du Parlement de la zone euro ni quels seront ses pouvoirs (de menus détails, sans doute). Le risque est grand que tout cela débouche sur du vide. Pour éviter que le rêve macronien ne débouche sur le cauchemar trumpiste, il est temps d’abandonner les petites satisfactions nationalistes et de se pencher sur les faits…”

Lire l’intégralité de l’article de Thomas PIKETTY sur son blog  [LEMONDE.FR]


Plus de contrats sociaux…

COLMANT : L’État doit reprendre la main

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Bruno Colmant © belpress

Les États européens se sont subordonnés au marché, jusqu’à perdre la moindre capacité d’impulsion économique.” Bruno Colmant publie Hypercapitalisme : Le coup d’éclat permanent. A-t-il viré à gauche? “Je suis et reste libéral. Mais le libéralisme doit être sauvé de ses propres excès.

“Le jour, Bruno Colmant dirige la banque privée Degroof Petercam. La nuit, il lit et il écrit. À intervalles réguliers, l’économiste accouche d’une nouvelle production. Plutôt technicien à l’origine (fiscalité, finance), il a la plume de plus en plus sociopolitique. À 58 ans, ce touche-à-tout prolifique nous revient avec un nouvel essai : Hypercapitalisme : Le coup d’éclat permanent (Renaissance du Livre). Comme on va vite s’en rendre compte, c’est le membre de l’Académie royale qui s’exprime ici, pas le banquier privé.

Le livre est parti de réflexions sur le gouffre entre les modèles américain et européen, en particulier sur la question de la mobilité du travail. Aux États-Unis, cette mobilité est intense, le travail s’adapte au capital. L’État joue un rôle résiduel et il intervient peu pour la protection des personnes, car ce sont les personnes qui doivent prendre leur sort en mains et s’adapter aux circonstances économiques variables. C’est une obligation : marche ou crève.”

Et en Europe?

En Europe, c’est tout le contraire. Les États-providence ou sociaux sont le reflet de l’immobilité du travail, laquelle découle de la petite taille des pays et de nos différences linguistiques, culturelles, religieuses, etc.

Mais encore?

Dans un État-providence, la tendance est de rester sur place, car la relation relève du long terme : tu reçois des moyens quand tu es jeune, tu contribues quand tu es actif et tu reçois à nouveau quand tu es retraité. Cela pousse à l’immobilité. Quand on a créé l’Union européenne puis l’euro, on est parti du principe qu’en instaurant la libre circulation, les personnes allaient circuler. Or non, elles ne circulent pas.

On a voulu importer en Europe un concept de mobilité des personnes et du travail qui n’est pas compatible avec nos États-providence. On a voulu importer le modèle américain parce qu’il est plus dynamique, mais ça ne prend pas. On a cru que le marché allait tout régler et automatiquement apporter la prospérité mais on n’a pas développé la flexibilité et l’entrepreneuriat qui l’accompagnent aux États-Unis. Résultat, on a aujourd’hui en Europe une confrontation de modèles qui ne se mélangent pas l’un à l’autre. On ne peut pas à la fois vouloir les bénéfices du capitalisme anglo-saxon et le maintien des États-providence.

Qu’a-t-on vu avec la crise du coronavirus? Chaque pays a fermé ses frontières. Ce réflexe national est bien la preuve que l’Europe n’existe pas.

Vous écrivez que l’Europe a dix ans pour revoir sa vision stratégique, sinon elle sortira de l’histoire…

Dix ans, peut-être même moins. L’Europe n’existe pas naturellement, c’est une juxtaposition de pays qui ont dû partager des frontières communes par la force de l’histoire, à la suite de deux guerres. Mais elle n’est pas aboutie. D’ailleurs, qu’a-t-on vu avec la crise du coronavirus? Chaque pays a fermé ses frontières. Ce réflexe national est bien la preuve que l’Europe n’existe pas.

L’Europe va-t-elle vers sa fin?

J’espère bien que non! Mais il faut faire attention. Fermer les frontières comme on l’a fait avec le virus, c’est dangereux. Rendre les pays plus hermétiques les uns aux autres est de nature à mettre le projet européen en péril.

Quelle serait la solution?

Il faut restaurer des États-stratèges, c’est-à-dire des États qui ne se subordonnent pas aux marchés, qui reprennent la main pour certaines initiatives économiques et qui sont capables d’être des partenaires par rapport au marché. Or, c’est exactement le contraire qui s’est passé. Les États européens se sont subordonnés au marché, jusqu’à perdre la moindre capacité d’impulsion économique.

Les contraintes budgétaires ont complètement étouffé l’Europe depuis vingt ans.

On ne peut pourtant pas dire que l’État soit absent. En Belgique, les dépenses publiques sont supérieures à 50% du PIB…

Et pourtant, les États ont perdu la capacité motrice. En Europe, ils en sont réduits à un rôle de transferts de revenus des uns vers les autres, alors qu’ils pourraient être utilisés à autre chose : investir, stimuler.

Et comment fait-on pour changer la donne?

D’abord, on détermine ce qui relève de l’État et non pas du marché. Par exemple, les soins de santé, l’éducation, c’est l’État, ce n’est pas privatisable. Pour les marchés concurrentiels où ils n’ont pas de rôle direct à jouer, les États peuvent et doivent développer des politiques industrielles à l’échelle de l’Europe. Cela n’a jamais été le cas, car les industries sont privées et qu’elles s’inscrivent dans des logiques nationales. On n’a pas ou peu de partenariats entre États. Bref, il faut réhabiliter l’État-stratège. Lui redonner, par l’endettement, une réelle capacité d’investissement et d’impulsion économique. L’État doit reprendre la main.

C’est le grand retour de Keynes : vous n’avez pas toujours pensé cela…

J’allais vers cette approche depuis un moment, je dirais sept ou huit ans. Ce qui m’avait échappé auparavant, c’est cette confrontation de modèles du travail.

Il faut choisir entre les deux modèles?

Il faut garder des États sociaux, certainement. Il faut leur redonner des capacités d’investissement, on l’a dit, mais il faut aussi transformer l’euro : d’une devise qui protège le capital, en faire une devise qui développe l’emploi. Il faut moins de rigueur monétaire et plus de capacité d’endettement de la part des États. Il faut libérer les États européens de ces contraintes budgétaires qui n’ont plus aucun sens et ont complètement étouffé l’Europe depuis vingt ans. Avec la crise du coronavirus, on va enfin abandonner ces contraintes de Maastricht et c’est tant mieux.

Vouloir des États plus forts, c’est risquer moins d’Europe, non?

Il y a un vrai risque, oui, on ne peut pas exclure un retour aux États-nations. Il est tout à fait possible que des États reprennent la main à titre individuel et la seule façon de dépasser ce qui serait une dérive, c’est précisément d’avoir des politiques industrielles au niveau européen. Cela demande de la volonté, car ce n’est pas naturel du tout. Cela ne vient pas tout seul.

Il faut transformer l’euro : d’une devise qui protège le capital, en faire une devise qui développe l’emploi.

Je vous cite : “Il s’agit de répondre à l’émiettement de la société avec empathie et solidarité. Ce qui importe, c’est une vision longue qui promulgue la cohésion sociale, la solidarité politique et la bienveillance économique.” Bruno Colmant a-t-il viré à gauche?

À mon avis, un libéral ne dirait pas autre chose. Je suis et reste libéral, je n’ai pas viré communiste. Mais le libéralisme doit être sauvé de ses propres excès, à savoir son penchant excessif pour l’immédiateté et son désintérêt pour la cohésion sociale. Pour moi, le libéralisme, c’est la spontanéité économique. Mais je dis que si le capitalisme n’est pas balisé par une redistribution sociale, il conduit à des situations inégalitaires. Or, ce qui importe dans une société, c’est la paix sociale.

Je prône donc un État social, oui, mais partenaire de la sphère marchande. Et qui dialogue avec les entreprises, notamment les plus grandes. Prenons l’exemple d’Amazon : cette firme privée utilise des infrastructures publiques : routes, poste… Il serait normal qu’elle contribue à juste mesure au financement des infrastructures qu’elle utilise.

Le libéralisme doit être sauvé de ses propres excès.

Donc, on oublie la main invisible du marché…

Je crois à la main invisible mais il faut tout de même qu’on puisse la serrer de temps en temps. Quand on a importé le raisonnement néolibéral dans les années 80, à la suite de Reagan et Thatcher, on a aussi importé cette conviction erronée que l’État pouvait être progressivement disqualifié parce que le marché, cette fameuse main invisible, savait mieux gérer l’économie que lui. C’est erroné parce qu’aux États-Unis, l’État est bien plus fort qu’on ne le pense. Dans les grands domaines stratégiques, il y a un partenariat entre les secteurs privé et public, l’État est copilote.

Nous, les Européens, nous n’avons pas compris cela. Nous avons cru que le marché allait tout gérer. Aux États-Unis, l’intervention est dérisoire en matière de protection sociale, d’accord. Mais en revanche, les politiques industrielles sont mises en œuvre de manière concertée entre le pouvoir politique et la sphère marchande.

Je crois à la main invisible mais il faut tout de même qu’on puisse la serrer de temps en temps.

Les États-Unis sont-ils un État-stratège?

Bien sûr, mais nous, les Européens, on ne l’a pas compris. On a entendu économie de marché et on a cru que tout pouvait être un marché. Or, l’État a un rôle à jouer, la crise sanitaire actuelle nous le montre bien d’ailleurs. C’est l’État qui aide la sphère marchande, c’est lui qui la sauve. C’est bien la preuve que l’État a un rôle à jouer dans l’économie.

Vous appelez à restaurer “des valeurs morales qui guideraient la gestion de nos pays“. Quelle morale? C’est très subjectif, comme notion…

Pour moi, la ligne devrait être de subordonner toute décision politique au bénéfice des futures générations, dans une vision de bienveillance. Si chaque fois qu’on pose un acte, on se demande si c’est bon pour les générations qui suivent, on ferait des choix probablement très différents de ceux que l’on fait aujourd’hui. On n’abîmerait pas la nature comme on le fait actuellement, on investirait plus dans les infrastructures physiques et digitales, on améliorerait la mobilité de nos villes, etc. On serait dans des logiques bien plus innovatrices.

Si chaque fois qu’on pose un acte, on se demande si c’est bon pour les générations qui suivent, on fera des choix probablement très différents de ceux que l’on fait aujourd’hui.

Vous rêvez tout haut?

Non, pas du tout. Si on ne pense pas au futur, c’est le narcissisme du présent qui emporte tout.

Pourquoi avoir écrit ce livre?

D’abord, pour moi. Écrire un livre, c’est une manière de se parler à soi-même. Et puis, je voulais me donner le temps de faire une synthèse de mes réflexions. Ce livre est plus harmonieux, plus nuancé que les précédents, je crois. D’ailleurs cette fois-ci, je ne ressens pas le besoin de me mettre à écrire le suivant. C’est dire!”

Lire l’interview originale de Paul GERARD sur LECHO.BE (4 juin 2020)


ISBN 9782507056926

Le néolibéralisme anglo-saxon apporte l’émulation, l’innovation, la croissance économique et l’élévation du niveau de vie. À l’opposé, les États providence européens furent bâtis, depuis la révolution industrielle, sur les acquis sociaux, la stabilité et la solidarité du travail. La sphère marchande, désormais mondialisée et numérisée, entre en collision avec les réalités politiques de nombreux pays européens. Il en résulte une amertume sociale et des conflagrations socioéconomiques. Cette réalité pourrait être amplifiée par la crise pandémique. Entre capitalisme déchainé et égalitarisme démobilisateur, une voie médiane s’impose : il faut rebâtir l’efficacité stratégique des États européens. Cette réhabilitation est nécessaire dans de nombreux domaines, au travers d’investissements publics et de dépenses sociales : éducation, mobilité, transition climatique, financement des transferts sociaux et des soins de santé, sécurisation des services publics, etc. Il en va de la résilience d’un libéralisme qui devra intégrer les facteurs humains et climatiques dans la tempérance sociale.

Membre de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, Bruno Colmant est docteur en économie appliquée et enseigne dans plusieurs universités belges et étrangères, dont l’Université libre de Bruxelles et l’Université catholique de Louvain. [LIVRE-MOI.BE]


Plus de discours ?

PIKETTY : Chaque société invente un récit idéologique pour justifier ses inégalités…

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Dans une société où 50 % de la population n’hérite de rien, ou presque, Piketty prône un héritage pour tous © Rémy Artiges

“Héritage pour tous, forte imposition des plus hauts revenus et du patrimoine, cogestion en entreprise : dans son nouvel opus, «Capital et idéologie», qui sort ce jeudi, l’économiste français le plus connu à l’international depuis son «Capital au XXIe siècle» s’attaque au dogme de la propriété pour inverser la courbe explosive des inégalités. Renversant.

Libération : Vous publiez un livre-enquête de 1 200 pages sur les inégalités sociales que vous résumez en une phrase (!) dans votre introduction : l’inégalité n’est pas économique ou technologique, elle est idéologique et politique. Qu’entendez-vous par là ?

Piketty : J’essaie de montrer dans le livre que l’inégalité est toujours une construction politique et idéologique, et que les constructions du présent sont aussi fragiles que celles du passé. Nous vivons aujourd’hui avec l’idée selon laquelle les inégalités d’autrefois étaient despotiques, arbitraires et que nous serions dans un monde beaucoup plus mobile et démocratique, où celles-ci sont devenues justes et justifiées. Mais cette vision ne tient pas la route, elle est le fait d’élites qui affirment que les inégalités sont naturelles et ne peuvent pas être changées, sinon au prix d’immenses catastrophes. En réalité, chaque société humaine doit inventer un récit idéologique pour justifier ses inégalités, qui ne sont jamais naturelles. Ce discours, aujourd’hui, est propriétariste, entrepreneurial et méritocratique. L’inégalité moderne serait juste car chacun aurait en théorie les mêmes chances d’accéder au marché et à la propriété. Problème, il apparaît de plus en plus fragile, avec la montée des inégalités socio-économiques dans presque toutes les régions du monde depuis les années 80-90.

Libération : Une des pierres angulaires de ce récit hyperinégalitaire est la sacralisation de la propriété, selon vous…

Piketty : On observe des formes de sacralisation de la propriété, qui rappellent parfois les inégalités très choquantes des siècles passés. Au XIXe par exemple, quand on abolit l’esclavage, on est persuadé, tel Tocqueville, qu’il faut indemniser les propriétaires, mais pas les esclaves qui ont travaillé pendant des siècles sans être payés ! L’argument est imparable : s’il n’y a pas de compensation, comment expliquer à une personne qu’elle doit rendre le patrimoine qu’elle avait acquis de manière légale à l’époque ? Que fait-on d’une personne qui a vendu ses esclaves il y a quelques années et qui possède maintenant des actifs immobiliers ou financiers ? Cette sacralisation quasi religieuse de la propriété, cette peur du vide dès lors qu’on commence à remettre en cause les principes de la propriété faisait qu’on était prêt à justifier n’importe quel droit de propriété issu du passé comme fondamentalement juste et impossible à remettre en cause. On la retrouve actuellement avec la question des supermilliardaires, quel que soit le nombre de zéros. Les fortunes individuelles pouvaient atteindre 10 milliards d’euros il y a quinze ans, désormais, c’est 100 milliards…

Libération : Nous sommes donc dans la sacralisation de la propriété…

Piketty : Cette peur peut nous empêcher de résoudre des problèmes extrêmement graves, comme le réchauffement climatique, et plus largement d’avoir un système économique qui soit acceptable pour le plus grand nombre. Cette espèce de fixation, de sacralisation de la propriété comme indépassable, est un danger pour les sociétés humaines. En France comme au Royaume-Uni, dans les années 80, on a basculé directement d’un système qui misait sur les nationalisations et la propriété étatique comme unique mode de dépassement du capitalisme, à… rien du tout ! Cette bascule soudaine dans la libéralisation totale des flux de capitaux, couplée à la chute du mur de Berlin et la fin du communisme a enterré les tentatives pour repenser la propriété.[…]”

Lire la suite de l’interview de Sonya FAURE sur LIBERATION.FR (11 septembre 2019)


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Les fondements théoriques du néo-libéralisme

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“La théorie néoclassique, ou théorie de l’équilibre général, continue d’imprégner nombre de commentaires, ou de réflexions. C’est particulièrement clair en ce qui concerne le « marché » du travail, et la volonté de l’actuel gouvernement de faire passer, « en force » s’il le faut, tout une série de mesure ramenant les travailleurs à une situation d’isolation, qui est justement celle décrite par la théorie néoclassique. Car, cette dernière ignore les institutions, ou cherche à les réduire à de simples contrats, alors qu’elles sont bien autre chose.

Il faut donc revenir sur ce paradigme de l’équilibre, et plus fondamentalement sur ce que l’on appelle la Théorie de l’Équilibre Général ou TEG. Il est clair qu’il ne s’agit pas d’une conjecture aisément réfutable, ou en tous les cas qu’elle n’est pas perçue comme telle dans la profession. Pourtant, son irréalisme ontologique pose un véritable problème. Construite autour de la description d’un monde imaginaire, elle sert néanmoins de guide à certains pour appréhender la réalité. Ce faisant, elle se dévoile comme une idéologie (une « représentation du monde »), et une idéologie au service d’intérêts particuliers, et non comme une théorie scientifique…”

Lire la suite de l’article de Jacques SAPIR sur RUSSEUROPE.HYPOTHESES.ORG (21 juillet 2017)

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Idée reçue : L’austérité est le seul remède à la crise

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Dans l’Allemagne du chancelier Brüning, le Chili du général Pinochet ou le Portugal de Salazar, partout où elle fut appliquée, l’austérité a produit l’inverse des effets annoncés : loin de relancer la croissance, elle a fragilisé les populations, déstabilisé les sociétés et affaibli les économies. Mais l’Union européenne n’en démord pas : la rigueur est le remède miracle contre la crise des finances publiques. Rien ne pourra se faire de crédible sans une coupe dans les dépenses publiques », écrivait en 2011 un éditorialiste du Figaro. Deux ans plus tard, sur Europe 1, un autre commentateur abondait dans ce sens, prônant « la baisse des dépenses de santé, le recul des crédits aux collectivités locales et, surtout, plus de réformes structurelles pour la compétitivité ». Depuis le début de la « grande récession » (lire Naissance de l’économie de spéculation), nombre de journalistes, dirigeants politiques, économistes s’emploient à présenter l’austérité – c’est-à-dire la diminution des dépenses publiques – comme la condition nécessaire du retour à la croissance. La rengaine est connue : le fardeau que la dette ferait peser sur les générations futures obligerait au sacrifice de tous et à l’effort de chacun…

Lire l’article de Allan POPELARD et Paul VANNIER sur MONDE-DIPLOMATIQUE.FR (1 novembre 2016)