THONART : Indiana Jones et le trigramme toltèque (2023)

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Indiana Jones entendit la voix méprisante de l’Obersturmführer Ostuf von Graz résonner dans son dos : “Redournez-vous lendement, Doktor Jones, et donnez-moi ce garnet segret ! Si vous faites un zeul moufement brusque, votre jeune compagnon rejoindra ses anzêtres megzicains…

Indiana Jones savait que l’immonde militaire avait le canon de son Lüger pointé sur le front du jeune Kapak, son seul vrai ami dans le pays. Ah, combien de fois ce jeune voyou ne l’avait-il pas tiré d’un mauvais pas ? Il avait grandi dans les rues les plus pauvres de Tula mais faisait montre d’une noblesse et d’un courage rarement rencontré chez les populations indigènes. Oui, c’était un fameux lascar, Kapak ! Autre chose que cette Barbie von Mattel qu’on entendait hurler dans la cour de l’hacienda, poursuivie qu’elle était par les chiens de l’officier nazi. Hier soir, Indy aurait pu l’aimer mais Kapak avait fait éclater sa forfaiture au grand jour et, dès que la pulpeuse blonde fut bien ligotée dans les écuries, notre héros s’était paisiblement endormi en rêvant de Marion Ravenwood.

Mais l’heure n’était pas au romantisme, il fallait agir : bombant légèrement le dos, Indiana Jones put dissimuler à l’ignoble traître qu’il échangeait le manuscrit toltèque tant convoité avec le carnet de poésie de la grand’mère de Kapak. Par coquetterie, celle-ci rédigeait ses souvenirs et ses sapiences en langue ancienne : l’officier n’y verrait que du feu…

L’archéologue se retourna lentement ; il se redressa bien droit et fit face au menaçant militaire, ses yeux d’acier plongés dans le regard décadent de l’officier. “Vous afez le regard de Pop Morane, dit en souriant l’odieux homme de guerre, mais plus bour très longtemps, Jones. Tonnez-moi le garnet !” Avec une rapidité surprenante, Indiana Jones jeta le livret de l’abuela au visage du nazi qui, complètement désarçonné, tomba à la renverse par la fenêtre de la grange restée grande ouverte. Carnet et militaire atterrirent en même temps dans la bauge des cochons voisine.

Trois coups de feu avaient été tirés par l’arme allemande, encore fumante sur le sol, et Indy chercha immédiatement le garçon des yeux. Kapak était sain et sauf, assis par terre dans un coin de la grange. Il fixait notre héros avec le regard furieux d’un ancien empereur dressé au sommet de la pyramide de Tula ! “Tu le laisses partir avec le carnet secret des anciens Toltèques, Indy ! Tu aurais dû le laisser m’abattre et fuir avec ce trésor, pour sauver l’honneur de mes ancêtres !

Indiana Jones le regardait en souriant et on entendait au loin le bruit de succion que faisaient les bottes jusque-là impeccablement cirées du nazi. Il pataugeait parmi les cochons mais il ne les voyait pas : sa joie était si grande d’enfin posséder le carnet secret des anciens Toltèques. Il ne manquerait pas de le faire traduire en allemand, dès son retour à Berlin. Et ce serait la gloire…

Du moins le pensait-il. L’archéologue voyait les choses autrement et s’en amusait. Il expliqua au gamin la substitution et ils éclatèrent de rire tous les deux, à l’idée de la mauvaise surprise qui attendait le tortionnaire nazi. Épuisés mais contents, les deux héros échangèrent un regard complice puis leurs yeux se posèrent en même temps [travelling avant] sur le mystérieux ouvrage, qui brillait dans la lumière ocrée des bougies.

A Berlin, von Graz n’attendit pas l’approbation du haut-commandement pour faire traduire le document par un vieil ésotériste russe du nom de Serguei Nilussovitch. L’homme vivait caché car il avait déjà eu des ennuis avec les autorités et, lorsqu’il réalisa la méprise de von Graz, il décida de lui donner à lire ce qu’il voulait lire. Traduttore, tradittore : les sapiences de la grand’mère de Paco Kapak furent adaptées afin de ressembler à un texte de sagesse ancienne. Nilussovitch pensait à un titre accrocheur du genre Les dix petits Andins mais il dut renoncer et simplifier le contenu de l’opuscule. C’est ainsi que le carnet de poésie de grand’mère Kapak devint Les très riches enseignements de Muti la Toltèque. Si le titre a encore changé par la suite, commerce oblige, la sagesse de bonne fame de la grand’mère a traversé les âges et se résume en cinq recommandations, pleines de bon sens, qui se présentent sous la forme d’accords que l’on passe avec soi-même :

      1. Que ta parole soit impeccable” fait penser à des propos attribués au mythique Salomon (Ancien Testament), à savoir que “Le sage tourne sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler” ;
      2. N’en fais pas une affaire personnelle.” Il y a longtemps également, dans l’Antiquité, Épicure utilisait ce précepte pour écarter la peur des dieux. Les dieux, insistait-il, ont autre chose à faire que de s’occuper spécifiquement de ta petite personne. Il en va de même pour ton prochain ;
      3. Ne fais pas de suppositions” rappelle qu’il n’est pas question de juger quelqu’un sur sa réputation ou sur ce que nous fabulons de ce qu’il/elle aurait en tête. Qui plus est, il n’y a pas de pensées coupables ; il n’y a que des actes illégaux ou inacceptables ;
      4. Fais toujours de ton mieux.” Paraphrasera-t-on avec le “Vingt fois sur le métier, remets ton ouvrage” de Boileau (Art poétique, 1674) ou avec le bien connu – mais peu digéré – “Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front” ? Il est tellement vrai que la médiocrité ne peut être un but et “qu’on ne peut réduire les autres à l’ordinaire que si, fort de sa propre médiocrité, on se juge supérieur.”
      5. Sois sceptique mais apprends à écouter.” C’est Nancy Huston qui écrit dans L’Espèce fabulatrice combien nous sommes compulsivement créateurs et consommateurs de fictions, qu’elles soient collectives (on les appelle alors religions, légendes, dogmes, explications du monde…) ou personnelles (on les appelle alors complexes, traumas, discours d’emprise…). Dans un cas comme dans l’autre, le doute se doit d’être méthodique et toute pensée doit pouvoir rester un exercice de pensée : “Tourne sept fois ta fiction dans la tête avant d’agir.

Fin de la parenthèse. Lorsque Nilussovitch remit la traduction imprimée à von Graz, la colère de ce dernier n’eut pas de mesure. De qui se moquait-on ? Quels étaient donc ces Toltèques dont la sagesse multi-millénaire ressemblait à un ramassis de sapiences populaires, juste bonnes à orner un almanach bavarois ! L’homme était soupe-au-lait : il affréta immédiatement un U-Boot et envoya Nilussovitch croupir dans une geôle secrète d’Amérique centrale (là même où il trouva refuge après la guerre) pendant que ses sbires recevaient pour mission d’organiser l’autodafé intégral des copies imprimées du livre et de leur original.

Personne n’a le détail de la suite mais la mission des nervi de von Graz s’est probablement soldée par un échec. Étrangement, le grimoire de l’abuela fut redécouvert par un chamane mexicain et publié en 1997 aux USA. Un coup de pub formidable fit son succès, lorsqu’une influenceuse américaine en fit la promotion télévisée : l’ouvrage se vendit à des millions d’exemplaires, sous le titre Les quatre accords toltèques, puis un autre livre sur le cinquième accord toltèque parut qui connut un succès similaire. Toute la sphère du développement personnel a vibré de la découverte et les déclinaisons du concept font encore les beaux jours de leurs éditeurs ou des coachs et consultants qui se sont appropriés les Accords toltèques comme outil de travail. Peut-être justice sera-t-elle faite un jour à la sagesse de Mamy Kapak ; peut-être la marchandisation des Accords ira-t-elle jusqu’à commercialiser des posters de la grand’mère, dessinés par Andy Warhol, vendus à côté de tarots toltèques et des serpents à plumes en baudruche..

Indiana Jones n’a jamais rien su de ces péripéties et il était tout aussi pressé de rentrer au pays pour travailler sur la traduction du grimoire toltèque, le vrai. Ses collègues mexicains furent très heureux de pouvoir contribuer à cet événement scientifique et se mirent immédiatement au travail : les archéologues comme les philosophes du monde entier allaient enfin savoir ce que signifiaient les trois signes du fameux trigramme toltèque.

Il a fallu plusieurs années de labeur pour lever un coin du voile : le texte à traduire était frappé du fameux trigramme et les trois signes se retrouvaient magnifiquement historiés en tête de trois paragraphes dont l’équipe du Dr Jones ne doutait pas qu’ils recelassent de précieux enseignements.

Ils ne se trompaient pas, comme Jones l’a expliqué au cours de la conférence de presse tenue ensuite dans la grande salle académique : “La traduction de ce petit opuscule nous a fait découvrir beaucoup plus qu’un simple recueil de sagesses. Il est amusant que le document ait été sauvé par un échange furtif, comme vous le savez, avec le carnet de notes de l’aïeule de mon compagnon Kapak. Le garçon m’avait déjà fait part du bon sens de son abuela, de sa grand’mère, qui était devenu légendaire dans la région. On venait de loin pour l’écouter et elle avait réussi à formuler cinq préceptes, qu’elle distillait selon les besoins de son interlocuteur. Le parallèle s’arrête là néanmoins : si les cinq préceptes de la grand’mère de mon ami permettaient à chacun, après un minimum de réflexion, d’identifier un comportement plus ou moins toxique et de travailler à le réformer en respectant une sorte de catéchisme, le texte du trigramme toltèque frappait ailleurs et… plus fort !

De la même manière que l’Atlantide représentait un summum de civilisation aux yeux de Platon, c’était également le cas pour les Toltèques ! Non pas qu’ils fussent entré en contact avec des Atlantes – quoique certains passages du texte nous laissent dubitatifs à ce sujet – mais les auteurs du document racontent l’ascension et la chute d’une civilisation antérieure à l’empire toltèque, située sur une île au large de Tula. Comme pour l’Atlantide, les savants de cette Cité antique auraient réussi à domestiquer une énergie inépuisable, sœur du Soleil, et l’absence de contraintes en résultant pourrissait lentement une civilisation qui n’avait su convertir en otium (le “loisir de qualité” des Romains) cette liberté gagnée grâce à différents dispositifs énergétiques. L’oisiveté percolait dans toutes les couches de la population et des édiles malveillants se mirent à brandir des oriflammes frappés d’une devise qui tenait en trois mots : PROGRESSUCCES & NORME.

S’ensuit, dans le texte, une brève description de chacun des éléments de la devise : le progrès devait motiver toutes les décisions de l’assemblée des sages ; il fallait aller de l’avant, faire toujours plus et toujours mieux ; toute recherche de statu quo équilibré était considéré comme une lâcheté devant la nécessité de générer des choses nouvelles dont les avantages ne manqueraient pas d’être ressentis par tous par la suite ; les ressources énergétiques infinies n’entravaient en rien cette volonté (même si la dépendance envers les différents dispositifs déshumanisait lentement le peuple de l’île). L’émotion du peuple était suscitée à travers le succès des membres de la caste supérieure et, loin de cautionner des actes d’héroïsme qui dénoteraient chez eux un surcroît d’humanité, le succès en fait dépendait de la visibilité que chacune de ces vedettes réussissait à gagner sur la place publique : on devenait célèbre parce qu’on était connu. La norme était quant à elle devenue un outil des dirigeants de l’île : il leur était plus facile de régenter la vie de citoyens similaires, aux réflexes les plus standardisés possible. De même, le point de départ de toute réflexion individuelle devenait la norme même : malheur à celui (ou celle, car cette civilisation était assez égalitaire) qui divergeait, qui ne suivait pas ce que tous considéraient comme le plus normal. La question n’était plus de savoir ce qui était légal ou pas mais, de manière plus totalitaire, si chacun pensait bel et bien selon le mainstream.”

Sur ces mots, Indiana Jones se tourna vers le recteur de l’université qui demandait la parole. “Qu’on se souvienne, dit ce dernier avec le sourire, des mots de notre Mark Twain national. Il disait : ‘A chaque fois que vous vous retrouvez à penser comme la majorité des gens, faites une pause, et réfléchissez.’

Une onde de sympathie traversa le public réuni dans la salle puis le Dr Jones reprit la parole : “Le texte est peu dissert sur la manière dont cette civilisation  disparut ensuite. Il évoque une apparition du Serpent à plumes autour de l’île, qui aurait menacé les populations de cet Atlantide toltèque de disparition s’ils elles ne se réformaient pas. Dont acte. Les auteurs du manuscrit semblent en fait plus intéressés par le message de sagesse qu’ils voulaient y consigner : selon eux, loin d’exiger que chacun change son comportement individuel, le Serpent à plumes appelait les insulaires à mener ce que l’on appellera bientôt un changement de paradigme.” Silence dans la salle. L’archéologue reprit la parole après une pause un peu théâtrale : “La devise décadente qui a accompagné la disparition de cette civilisation insulaire, à savoir “Progrès, succès & norme“, trouve dans la suite du texte son exact contrepoint, tant et si bien que mes collègues et moi-même pensons diviser le document en deux parties : une introduction quasi-mythologique (la décadence de la civilisation insulaire) puis l’enseignement initiatique lui-même, qui apparaît comme l’objet réel de la rédaction du texte. Nous en voulons pour preuve l’utilisation du trigramme dont nous avons traduit les trois symboles, plus précisément un C, un S et un D. C-S-D.

Kapak était de la fête et il se leva de l’angle de la table des conférenciers en montrant un panneau reproduisant le trigramme en grand. Jones reprit : “Ce trigramme figure au sommet de chaque page du document puis apparaît, éclaté en trois grandes lettrines C puis S puis D, à l’entrée de trois paragraphes centraux du texte. C’est en opposant chacun des termes ainsi mis en évidence aux trois éléments de la devise décadente que nous avons pu établir le sens du trigramme toltèque : traduits dans notre langue, le C est l’initiale de COOPÉRATION que les sages auteurs du texte opposaient à ‘succès’ ; le S est la première lettre de SUBSISTANCE, qui est une alternative au concept de ‘progrès’ et, le D commence le mot DIVERSITÉ dont on ne doute pas qu’il s’oppose à ‘norme’. Nous aurions voulu vous donner plus d’explications à ce propos mais les pages concernées sont prises dans les moisissures et nous serions condamnés à faire des suppositions sur ce message de sagesse si…”

C’est alors qu’il se tourna vers son jeune compagnon qui, tremblant d’émotion, allait connaître son moment de gloire. Kapak pris la parole et continua la phrase de Jones : “…si ma famille n’avait perpétué cet enseignement à travers les siècles et si je n’en avais pas bénéficié moi-même. Voici plusieurs mois que je vis ici, avec le Dr Jones, et le moins que l’on puisse dire, c’est que j’ai encore du travail à faire pour m’adapter. Je vois des jeunes gens de mon âge qui ressemblent étrangement aux citoyens de l’île disparue : ils sont baignés d’histoires de vedettes, suivent les amours contrariées d’acteurs de cinéma et s’identifient à de mystérieux super-héros ou à des joueurs de base-ball. Dans notre quartier, au bord de la campagne, les héros, c’étaient ceux qui avaient reçu leur première gorgée de pulque parce qu’il avaient participé à la construction de l’estrade des fêtes du Printemps. On mesurait nos héros selon le degré de coopération dont ils avaient fait preuve. De la même manière, chez nous, pas question de vouloir absolument une machine à laver ou une voiture ‘parce que c’est l’avenir’. L’avenir, justement, on y prêtait beaucoup d’attention et on évaluait toujours les choses nouvelles avec un critère : est-ce que cela apporte des lendemains partagés par tous, sans détruire la nature qui nous alimente. Avec le Cadran d’Archimède d’Indy, on s’est rendu compte que le mot ‘subsistance’ ne sera utilisé dans ce sens-là qu’au début du XXIe siècle, et d’abord par des éco-féministes (ne me demandez pas ce que c’est). Quant au mot ‘norme’, pour nous, c’était plutôt un sujet de rigolade : il n’y a pas plus différents que chacun d’entre nous ; dans mon quartier, il y avait vraiment de tout et, pardonnez-moi l’expression, on s’en foutait un peu de la norme, parce qu’on n’avait pas vos règles de religions et de morale, de ce qu’il faut et de ce qu’il ne faut pas faire. Tant que ça marche ! La diversité, pour nous, c’était la règle ! Et on était toujours content quand on arrivait à réparer un mur tous ensemble, malgré toutes nos différences, ou qu’on chantait tous ensemble aux fêtes de la Lune, avec les fausses notes…”

Il n’en fallait pas plus pour que l’audience se lève et applaudisse le jeune homme, fort ému. Le Dr Jones leva la séance en promettant une parution prochaine de la traduction lacunaire du grimoire toltèque. Et qui sait, conclut-il, peut-être redécouvrirait-on les généreux enseignements du Trigramme toltèque dans un avenir proche.

Ce soir-là, alors que Kapak dormait à poings fermés dans le divan, épuisé qu’il était par son intervention, Indiana Jones pris le carnet toltèque dans les mains pour l’examiner une dernière fois. Demain, il rejoindrait les vitrines du musée de l’université et tout rentrerait dans l’ordre, pensa-t-il. C’était compter sans les cinq silhouettes en imperméable noir qui s’avançaient dans le couloir menant à son appartement…

Patrick Thonart


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Plus de débat en Wallonie-Bruxelles (et au Mexique)…

INFOX : attention à la fausse lettre d’adieu de Gabriel Garcia Marquez

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Si pour un instant Dieu oubliait que je suis une marionnette de chiffon et m’offrait un bout de vie, je profiterais de ce temps le plus que je pourrais. Il est fort probable que je ne dirais pas tout ce que je pense, mais je penserais en définitive tout ce que je dis. J’accorderais de la valeur aux choses, non pour ce qu’elles valent, mais pour ce qu’elles signifient.

Je dormirais peu, je rêverais plus, j’entends que pour chaque minute dont nous fermons les yeux, nous perdons soixante secondes de lumière…

Bon Dieu, si j’avais un bout de vie… Je ne laisserais pas un seul jour se terminer sans dire aux gens que je les aime, que je les aime. Je persuaderais toute femme ou homme qu’ils sont mes préférés et vivrais amoureux de l’amour. Aux hommes, je prouverais combien ils sont dans l’erreur de penser qu’ils ne tombent plus amoureux en vieillissant, sans savoir qu’ils vieillissent en ne tombant plus amoureux. Aux anciens, j’apprendrais que la mort ne vient pas avec la vieillesse, mais avec l’oubli.

J’ai appris qu’un homme a le droit de regarder un autre d’en haut seulement lorsqu’il va l’aider à se mettre debout. Dis toujours ce que tu ressens et fais ce que tu penses.

Si je savais qu’aujourd’hui c’est la dernière fois où je te vois dormir, je t’embrasserais si fort et prierais le Seigneur pour pouvoir être le gardien de ton âme. Si je savais que ce sont les derniers moments où je te vois, je dirais “je t’aime” et je ne présumerais pas, bêtement, que tu le sais déjà.

Il y a toujours un lendemain et la vie nous donne une deuxième chance pour bien faire les choses, mais si jamais je me trompe et aujourd’hui c’est tout ce qui nous reste, je voudrais te dire combien je t’aime, et que je ne t’oublierai jamais. Le demain n’est garanti pour personne, vieux ou jeune.

Aujourd’hui est peut être la dernière fois que tu vois ceux que tu aimes. Alors n’attends plus, fais-le aujourd’hui, car si demain n’arrive guère, sûrement tu regretteras le jour où tu n’as pas pris le temps d’un sourire, une étreinte, un baiser et que tu étais très occupé pour leur accorder un dernier vœu.

Maintiens ceux que tu aimes près de toi, dis leur à l’oreille combien tu as besoin d’eux, aimes-les et traite les bien, prends le temps de leur dire « je suis désolé », “pardonnez-moi”, “s’il vous plait”, “merci” et tous les mots d’amour que tu connais.

Personne ne se souviendra de toi de par tes idées secrètes. Demande au Seigneur la force et le savoir pour les exprimer. Prouves à tes amis et êtres chers combien ils comptent et sont importants pour toi. Il y a tellement de choses que j’ai pu apprendre de vous autres…Mais en fait, elles ne serviront pas à grande chose, car lorsque l’on devra me ranger dans cette petite valise, malheureusement, je serai mort.

[LEXPRESS.FR, 18 avril 2014] La mort du prix Nobel de littérature voit fleurir les hommages. Sur les réseaux, on partage beaucoup son Poème d’adieu à ses amis“… sauf qu’il n’est pas de lui.

Si pour un instant Dieu oubliait que je suis une marionnette de chiffon et m’offrait un bout de vie, je profiterais de ce temps le plus que je pourrais. Il est fort probable que je ne dirais pas tout ce que je pense, mais je penserais en définitive tout ce que je dis.” Ces mots ouvrent une lettre poétique attribuée à Gabriel Garcia MARQUEZ, que vous avez peut-être vue circuler au lendemain de la mort du prix Nobel colombien de littérature.

Généralement présentée comme La lettre d’adieu de Gabriel Garcia Márquez à ses amis ou La marionnette, elle poursuit en fait l’auteur -qui vaut mieux que ça- depuis 1999, année où on lui a diagnostiqué un cancer.

Le démenti de Márquez lui-même

Elle circule depuis de boîte mail en message Facebook en tweet. Garcia Márquez a lui-même démenti en être l’auteur, comme le rapportait, dès 2000, El Pais, déclarant: “Ce qui peut me tuer, c’est que quelqu’un croit que j’aie pu être l’auteur d’une chose aussi banale. C’est la seule chose qui me préoccupe.

Deux ans plus tôt, le même poème avait déjà été attribué à Jorge Luis Borges, précisait El Pais. D’après Márquez, la femme de Borges, Maria Kodama, avait réagi en affirmant qu’elle ne se serait jamais mariée avec l’auteur argentin s’il avait écrit un texte pareil !

Une histoire rocambolesque

D’après le 20 minutes espagnol, le poème vient en fait du ventriloque mexicain Johnny Welch, qui le récitait pendant ses spectacles avec une de ses marionnettes… On ne sait comment, ce texte a été transmis ensuite pour la première fois en 1997, par courrier postal, avant d’atterrir dans les mains du journaliste Mirko Lauer, qui la publia dans le journal péruvien La Republica en l’attribuant à Márquez. De là, le texte s’est envolé sur internet. Le meilleur hommage que vous pouvez rendre à Gabriel Garcia Márquez est donc de ne pas partager ce texte comme venant de lui !

d’après Cécile Deshédin


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Plus de presse…

BOGDANOFF : les jumeaux Igor & Grichka meurent du Covid-19

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[LEMONDE.FR, 3 janvier 2022] Son frère Grichka et lui formaient un duo emblématique, notamment connu pour avoir animé l’émission de science-fiction Temps X, diffusée de 1979 à 1987 sur TF1. Agés de 72 ans, tous deux avaient été hospitalisés le 15 décembre 2021 à Paris après avoir contracté le Covid-19.

Igor BOGDANOFF, l’un des frères du duo emblématique qu’il formait avec son jumeau Grichka, est mort lundi 3 janvier, à Paris, à l’âge de 72 ans. “Dans la paix et l’amour, entouré de ses enfants et de sa famille, Igor Bogdanoff est parti vers la lumière lundi 3 janvier 2022″, ont écrit ses proches dans un message transmis par son agent. Son frère était mort six jours plus tôt du Covid-19. La famille n’a cependant pas souhaité communiquer sur les causes de la mort d’Igor Bogdanoff, survenue lundi après-midi dans un hôpital parisien. L’avocat des deux frères, Edouard de Lamaze, a cependant confirmé sur RTL que son décès était dû au Covid-19. Selon nos informations, les deux frères avaient été hospitalisés le 15 décembre dans le service de réanimation de l’hôpital Georges-Pompidou, après avoir contracté le Covid-19. Selon une source proche des deux frères, ils n’étaient pas vaccinés contre la maladie.

Docteurs en physique et en mathématiques dont les thèses ont été contestées par la grande majorité de la communauté scientifique, écrivains, animateurs de télévision, descendants de l’aristocratie autrichienne, figures de la vulgarisation scientifique pour le grand public… En plus de quarante ans de vie publique, Igor et Grichka Bogdanoff (qui ont remplacé l’orthographe de leur nom en Bogdanov, en signature de leurs ouvrages dès les années 1990) ont accumulé autant de succès populaires que de railleries sur le mélange des genres qu’ils entretenaient, entre théories sur la relativité générale et passion pour la science-fiction.

Le romanesque des origines des Bogdanoff, qu’ils furent les premiers à alimenter, a participé tout autant au mystère entourant leurs personnages que le récit de la transformation de leurs visages : tous deux ont démenti de nombreuses fois l’existence d’une maladie comme l’acromégalie ou le recours à la chirurgie esthétique. “Nous sommes, avec Igor, des expérimentateurs, se limitait à révéler Grichka en interview, à propos de la forme prise par leurs mentons et leurs pommettes dès le milieu des années 1990. Dans l’expérimentation, il y a un certain nombre de petits protocoles. Ce sont des technologies très avancées, c’est pour cela que le mystère dure depuis si longtemps.

Aux manettes de l’émission Temps X, dès 1979 sur TF1, les frères Bogdanoff détonnent dans le paysage audiovisuel français avec des effets spéciaux d’époque et des combinaisons argentées inusables, portées pendant neuf saisons face à de nombreux invités, comme Jacques Attali, Jean-Michel Jarre, Jean-Claude Mézières, ou même Frédéric Beigbeder, qui vient à 13 ans y faire sa première apparition à la télévision. Sur le plateau, Igor et Grichka font la démonstration d’objets d’anticipation, plus ou moins à la pointe de la technologie : la machine à traduire, la dictée magique ou l’astro-ordinateur, qui devine votre thème astrologique à partir de votre date de naissance.

Temps X © AFP
Controverses scientifiques

En 1987, au moment de la privatisation de TF1, l’émission est arrêtée. Débute alors pour le duo une longue période d’abstinence médiatique, et avec elle les premières controverses. L’écriture, en 1991, du livre à succès Dieu et la science avec l’académicien Jean Guitton provoque la colère de l’astrophysicien vietnamien Trinh Xuan Thuan, qui prétend y retrouver des passages de son livre La Mélodie secrète, publié trois ans plus tôt. Le différend se réglera à l’amiable, et les Bogdanoff s’attellent à la rédaction de leurs thèses : Fluctuations quantiques de la signature de la métrique à l’échelle de Planck, soutenue en mathématiques par Grichka dès 1999, et Etat topologique de l’espace-temps à l’échelle zéro, soutenue en physique par Igor en 2002.

Alan Sokal © Le Devoir

La découverte des deux textes par la communauté scientifique dépasse de loin leur renommée française. Le physicien américain John Baez relaie, en octobre 2002, une rumeur agitant les chercheurs : les deux doctorants français auraient réussi une Sokal, du nom du physicien qui a fait publier en 1996 un article abouti dans la forme, mais complètement faux. A travers les travaux des jumeaux, qu’il qualifie de charabia, John Baez veut ainsi dénoncer les écueils de la sélection dans certaines revues scientifiques.

Les deux frères nient tout canular, mais l’épisode remonte aux oreilles d’un journaliste du New York Times, puis du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui demande en 2003 une expertise des deux thèses par d’autres chercheurs. Accablant pour les Bogdanoff, le rapport est rendu public par Marianne en 2010. “Ces thèses n’ont pas de valeur scientifique“, y affirment les chercheurs. Igor et Grichka Bogdanoff remportent un procès pour diffamation contre le journal en 2014, avant d’attaquer le CNRS sur la légalité même du rapport – ils qualifient alors le comité de Stasi scientifique. Ils perdront leur procès et n’obtiendront pas le dédommagement demandé de 1,2 million d’euros.

Devenus entre-temps les icônes d’une culture des années 1980 désormais kitsch, les Bogda ont réalisé deux autres émissions scientifiques, pour France 2 – Rayons X, de 2002 à 2007, puis A deux pas du futur, entre 2010 et 2011. En réponse aux attaques visant leur légitimité, ils dénoncent une communauté scientifique incapable d’accepter un point de vue atypique et fustigent la cabale médiatique.

Depuis, les jumeaux se faisaient plus rares : Igor Bogdanoff fait de nouveau les titres lorsqu’il est placé en garde à vue en novembre 2017, à la suite d’une plainte d’une ancienne compagne, chez qui il se serait introduit par effraction. En juin 2018, ils avaient été mis en examen pour “escroquerie sur personne vulnérable, soupçonnés par la justice d’avoir profité de la vulnérabilité et des largesses financières d’un millionnaire de 54 ans, qui s’est suicidé le 31 août 2018. Outre les frères Bogdanoff, quatre autres personnes devaient être renvoyées dans ce dossier devant le tribunal correctionnel de Paris, les 20 et 21 janvier 2022.

Le Monde avec AFP


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