Christine l’Admirable, la prédicatrice perchée

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[LECHO.BE, 8 janvier 2022] Christine l’Admirable, une figure excentrique de la chrétienté médiévale, fait l’objet d’un livre de deux récits, mettant en lumière ce destin du Moyen Âge.

Il existe un point commun entre Nick Cave, le chanteur, poète et star internationale et Sylvain Piron, médiéviste à l’EHESS. Ils se sont tous deux intéressés à Christine l’Admirable, une figure excentrique de la chrétienté médiévale. Pour ceux et celles qui connaissent la chanson Christina the Astonishing, il faut savoir que tous les faits dont Nick Cave parle, ceux de son retour à la vie après avoir été déclaré morte, celle de son dégoût pour l’odeur humaine et pour son habitude de la fuir en ne vivant qu’en haut des arbres ou des tours ou de sauter dans la Meuse et de partir en nageant, tout cela est avéré.

Nous le savons d’abord par le texte de Thomas de Cantimpré, un contemporain de Christine l’Admirable qui décidé de rédiger sa biographie, traduite ici par Sylvain Piron et Armelle Le Huerou. En dehors des miracles et des comportements radicaux de Christine l’Admirable, nous sommes aussi plongés dans un mouvement particulier de la fin du XIIᵉ siècle se déroulant dans les actuels Liège et Louvain : des femmes dévouées à Dieu, mais refusant d’être sous la tutelle des ordres monastiques et créant donc les béguinages (bien que Christine ne soit pas une béguine).

Le texte s’accompagne d’un passionnant appareil critique rédigé par Sylvain Piron, qui interprète et explique le comportement (terrorisant les nobles et bourgeois) de Christine l’Admirable, son rapport à la prière, mais aussi au corps, en le mettant en lien avec d’autres pratiques spirituelles comme certaines formes de chamanisme qui subsistait à l’époque. Admirable.

Timour SANLI


© Magali Lambert / Agence VU – Musée du château de Dourdan

[INEXPLORE.COM, 30 mai 2022] Grande mystique du Moyen Âge, Christine l’Admirable a cumulé toute sa vie les miracles et les manifestations paranormales. Récit de la vie d’une sainte belge peu commune.

Orpheline très jeune de parents paysans, Christine mène avec ses sœurs une vie religieuse dans le village de Brustem, près de Liège en Belgique.

Nous sommes dans les années 1170 environ, et elle est affectée à la tâche de garder les bêtes. Elle raconte déjà que le Christ la visite souvent lorsqu’elle est seule dans les pâturages. On ne sait pas bien comment, mais elle perd la vie une première fois, la date est totalement incertaine ainsi que son âge, les récits divergent. Tout le village est rassemblé dans l’église, ses sœurs sont éplorées quand soudain, Christine se redresse dans son cercueil et se lève, les bras en croix. La légende raconte qu’elle serait entrée en lévitation au-dessus de l’assemblée. Ensuite, Christine relate ce qui serait aujourd’hui une EMI [eW : Expérience de Mort Imminente] : elle a voyagé dans le purgatoire, vu aussi l’enfer et y a reconnu des personnes croisées jadis. “Après cela, je fus transportée au paradis, devant le trône de la majesté divine…“, raconte-t-elle par le biais du théologien Thomas de Cantimpré, contemporain et compatriote de la sainte, qui fut aussi son biographe. Dieu lui propose de rester auprès de lui, ou bien de repartir sur Terre pour “y souffrir les peines de l’âme immortelle dans un corps mortel, sans dommage pour lui. Tu arracheras à leurs peines, par les tiennes, toutes les âmes dont tu as eu pitié dans le lieu du purgatoire et tu convertiras à moi les vivants par l’exemple de ta peine et de ta vie.” Sans hésiter, Christine revient dans son corps pour accomplir sa tâche divine.

© DP

À partir de ce moment-là, Christine commence une vie d’ascète, sans domicile la plupart du temps, courant les bois, dormant dehors dans le plus grand dénuement, afin d’expier pour les âmes en peine. Au début, elle rencontre beaucoup d’embûches et d’incompréhension de la part de ses contemporains qui, au lieu de la voir sainte, la croient possédée. Il faut dire qu’elle enchaîne les étranges phénomènes : elle se jette dans des eaux glacées ou dans des fours et en ressort sans blessures. Parfois, elle est prise dans les turbines du moulin et ses os semblent brisés en mille morceaux, cependant elle reprend sa marche au sortir de l’eau. Emprisonnée par ses sœurs effrayées, elle se nourrit de son propre sein, dont coule une huile sainte qui soigne ses blessures… Après quelque temps, ses proches l’acceptent comme elle est et s’ensuivent des prédictions comme le massacre de 1213, la prise de Jérusalem par les Sarrasins, ou de manière plus proche, des événements liés aux personnes l’entourant. Au cours de ses prédictions, ainsi qu’à d’autres moments, elle est souvent saisie par l’extase et les transes, ce qui rappelle que les traditions chamaniques n’étaient pas si loin au Moyen Âge.

L’auteur Sylvain Piron a fait un travail remarquable sur l’œuvre de Thomas de Cantimpré, l’hagiographe de Christine l’Admirable, dont il analyse le récit phrase par phrase. Sans affirmer la véracité de tous les faits, il tente de voir ce qui relève des contes de l’époque, des récits populaires et des vrais événements qui ont pu se produire. Christine meurt de vieillesse au couvent des Bénédictins en 1224. Elle fut longtemps vénérée dans sa région et son histoire est parvenue jusqu’à nous.


EAN9782931146002

[d’après LIBREL.BE] La Vie de Christine l’Admirable ressemble à un roman gothique d’Italo Calvino, à ceci près que l’ouvrage fut rédigé en 1232 à Saint-Trond en Hesbaye [eW : Christine est de Brustem, près de Saint-Trond, en Principauté de Liège] par un jeune dominicain, huit ans après son décès, sur la foi de témoignages recueillis sur place avec la plus grande circonspection. La protagoniste du récit est l’une de ces nombreuses femmes du diocèse de Liège qui avaient choisi de mener une vie sainte sans entrer dans une institution établie. Elle constitue en même temps une anomalie, tant les pénitences qu’elle s’inflige sortent de l’ordinaire et s’apparentent parfois au comportement de chamanes. Son cas invite ainsi à réfléchir à la persistance dans les dévotions médiévales de mémoires plus anciennes. Ses manières étranges, auxquelles Nick Cave a été sensible en lui consacrant une chanson, conduisent à poser la question de la réalité du merveilleux dans l’histoire. L’ouvrage Christine l’Admirable. Vie, chants et merveilles se compose d’une traduction de sa Vie, dont le texte latin fait l’objet d’une édition critique présentée en annexe, de commentaires historiques et d’un essai d’interprétation anthropologique.

Table des matières

      • Présentation
      • Traduction de la Vie de Christine l’Admirable de Thomas de Cantimpré
      • I. Le travail de la mémoire
      • II. Circonstances
      • III. Au fil du texte
      • IV. Un tissu de merveilles
      • V. L’anomalie Christine
      • Conclusion – Pour une pragmatique de l’extase
      • Principes d’édition du texte
      • Édition de la Vita Christinae Mirabilis, suivie de l’abréviation d’Henri Bate de Malines
      • Notes
      • Remerciements

d’après l’éditeur VUESDELESPRIT.ORG


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition, correction et iconographie | sources : lecho.be ; inexplore.com ;  vuesdelesprit.org ; librel.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, peinture d’église © DR ; © Magali Lambert / Agence VU – Musée du château de Dourdan.


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LAUREYS : l’expérience de mort imminente est une réalité physiologique

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“L’étude menée par des scientifiques des universités de Liège et de Copenhague, vient d’être publiée dans la revue Brain Communications [The evolutionary origin of near-death experiences: a systematic investigation, by Costanza Peinkhofer, Charlotte Martial, Helena Cassol, Steven Laureys, Daniel Kondziella]. Elle propose l’hypothèse que ces expériences de mort imminente chez l’humain seraient un mécanisme de défense, de survie, en cas de danger de mort. Ce mécanisme ressemblerait aux comportements de simulation de mort, de thanatose (expérience de mort imminente chez les animaux, ndlr), observés chez de nombreuses espèces animales quand elles sont confrontées à des prédateurs et en danger.

Mais qu’est-ce qu’une expérience de mort imminente ? “Pour moi, c’est une réalité physiologique. Elle se passe classiquement quand on est en danger de mort“, explique Steven Laureys, neurologue et responsable du Coma science group et Centre du cerveau de l’université de Liège. “Elle s’accompagne d’un sentiment de bien-être. On ne ressent plus son corps comme s’il y avait une ‘décorporation‘. Le phénomène est fascinant, il mériterait davantage de recherches scientifiques.

Ces expériences se manifestent de façon différente chez les personnes qui en font l’expérience. Mais le mythe de la lumière blanche ne serait pas nécessairement un mythe. Nombreux sont ceux qui en font état.

Malgré tout ce phénomène reste un mystère. Pour certains, ce phénomène pourrait être dû à un manque d’oxygène dans telle ou telle partie du cerveau. D’autres comme Steven Laureys ne sont pas d’accord avec toutes ces hypothèses. D’autant que c’est encore un phénomène qui nous échappe.

Un phénomène qui reste à ce point fascinant que les scientifiques ne sont pas les seuls à s’y intéresser. D’ailleurs, d’autres personnes y voient des explications religieuses, y voient une preuve d’une vie après la mort ou de l’âme qui quitterait notre corps. Il manque clairement une théorie pour l’expliquer ajoute Steven Laureys et pour comprendre à quoi il sert.

Pourquoi ce fascinant phénomène serait-il limité à l’homme ?
L’âge de glace © Blue Sky

Quand un animal fait face à un danger, par exemple un prédateur, en dernier recours, il peut se battre, fuir ou avoir une troisième réaction fascinante. Il va tomber et simuler sa mort. Ce qui se passe dans son cerveau est difficile à savoir. L’animal ne parle pas mais les scientifiques belges et danois pensent que les animaux ont une conscience comme nous. Ils ont donc épluché la littérature “animale” et ont exhumé 32 articles sur ce phénomène de simulation de la mort.

A chaque fois, il y avait cette sensation de bien-être, de ne plus sentir leur corps comme s’ils en étaient dissociés

Parallèlement, les chercheurs ont lancé un appel à témoins. 600 personnes des quatre coins de la planète qui avaient vécu cette expérience, leur ont raconté leur histoire. “Récits de confrontations avec des lions, des requins“, nous détaille le scientifique liégeois, “sept témoignages concernaient des agressions physiques ou sexuelles, mais il y avait aussi beaucoup d’accidents de voiture. A chaque fois, il y avait cette sensation de bien-être, de ne plus sentir leur corps comme s’ils en étaient dissociés.

L’expérience de mort imminente remonte peut-être à la nuit des temps

Ce sont ces témoignages et les publications sur les animaux qui les ont conduits à formuler leur hypothèse. Peut-être que la mort imminente fait partie de notre évolution depuis des millions d’années. Elle est observée de la même manière chez les humains et chez les autres mammifères. Et pas seulement, chez les poissons, les reptiles et même les insectes, on retrouve aussi cette réaction paradoxale de rester immobile, de ne plus réagir aux sollicitations tout en gardant tout de même une conscience.

D’un point de vue biologique, neurologique, tous les animaux ont eux aussi des pensées, des perceptions, des émotions, même si, je le concède, le sujet reste tabou. Il est complexe, il faut poursuivre les investigations.

Notre neurologue est clair : “Pour moi, cela pourrait être un mécanisme de défense qui permet de nous protéger dans une situation d’extrême danger et qui serait encore là aujourd’hui. Pas seulement en cas de traumatisme ou d’accidents de voitures mais aussi après un arrêt cardiaque avec manque d’oxygène global dans le cerveau.

Cherche de nouveaux témoins qui ont vécu cette expérience de mort imminente
BOSCH Hieronymus, Ascension des bienheureux au paradis (détail, 1500-1504) © Palais des Doges de Venise

La recherche est loin d’être finie. Aujourd’hui, l’équipe du Coma Science Group du CHU de Liège, est à la recherche de nouveaux témoins. Alors si, vous aussi, vous avez vécu cette expérience de mort imminente, vous pouvez la partager en envoyant un mail avec votre histoire. NDE@Uliege.be (Near Death Experience).

Nous voulons écouter ceux qui l’ont vécu. Il faut l’avoir vécu, moi je ne sais pas de quoi je parle, je n’ai jamais vécu pareille expérience. Pas trop d’arrogance scientifique, juste de la curiosité et la méthodologie d’essayer de confronter ce que l’on pense comprendre avec ce que l’on pense mesurer“, conclut, avec humilité, Steven Laureys.” [RTBF.BE]


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