Une légende nous raconte qu’en 712, la fille du Roi d’Ecosse retrouva la vue sur les hauteurs de Liège, à Sainte-Walburge, en découvrant la beauté de la ville, et qu’elle y fit ériger un oratoire.
Mais la première trace historique de ce sanctuaire remonte à 1338, dans un courrier du prince-évêque Adolphe de la Marck. A la même époque, dans ce qui s’appelait “le faubourg Sainte-Walburge”, un Liégeois, un certain Guillaume Gillard del Cange, y fit ériger une construction pour lépreux. Ce type d’établissement, que l’on nommait à l’époque une maladrerie, tenait plus de l’hospice que de l’hôpital et, de par sa nature, exigeait la proximité d’un cimetière. Très vite, ce cimetière devint pour la population “le cimetière des Lépreux”.
Après l’abandon de l’hôpital, pillé par des escrocs, c’est un nommé Pierre Stevart qui racheta le terrain et ce qui restait de l’ancien édifice pour y faire construire une église. Lors des troubles, en effet nombreux à l’époque, les portes de la ville restaient fermées et les habitants n’avaient plus d’accès à une église. Quant au “cimetière des Lépreux”, il fut reconverti en cimetière paroissial, autour de l’église, selon la tradition de l’époque.
Le décret de Napoléon de 1804 modifiera le paysage des cimetières liégeois. Ce décret interdit l’inhumation dans les églises et à l’intérieur des villes. Tous les petits et nombreux cimetières paroissiaux vont disparaître, celui de Robermont est créé. Cependant, le cimetière de Sainte-Walburge subsistera jusqu’en 1866, notamment parce qu’il se trouve en dehors des remparts.
Un seul cimetière sur la rive droite était insuffisant et la décision d’implanter un nouveau cimetière rue Fosse Crahay fut prise par la Ville de Liège en 1868. Le projet de créer un nouveau cimetière sur la rive gauche de la Meuse réunit une belle unanimité. Par contre, le choix du lieu exact d’implantation donna lieu, déjà, à des palabres qui s’éternisèrent cinq mois durant, de mai à octobre 1868. Le conflit portait sur la salubrité des eaux de captage de la Ville, qui aurait pu être mise en cause selon l’endroit où la nouvelle nécropole serait située. En effet, les galeries des fontaines Roland ne sont distantes du site que de 600 mètres.
Finalement, un accord émergea et le Conseil communal vota l’implantation du cimetière de Sainte-Walburge à l’endroit où nous le connaissons actuellement. Il sera inauguré le 20 mars 1874 et une voie d’accès créée pour le relier au faubourg Sainte-Walburge, le boulevard Fosse Crahay.
Bien qu’il ne représente que la moitié des 44 ha de Robermont en superficie, le cimetière de Sainte-Walburge n’a rien à lui envier sur le plan historique, botanique ou environnemental. Même si une telle notion peut surprendre, chaque nécropole possède sa propre philosophie dans l’art funéraire et cette différence apparaît intéressante à analyser dans le cas des deux plus grands cimetières liégeois.
On ne trouve à Sainte-Walburge que peu de sépultures imposantes, beaucoup moins qu’à Robermont, beaucoup moins aussi de personnages qui se rappellent à nous par le nom d’artères importantes de la ville que nous empruntons quotidiennement ; on n’y découvre pas non plus la même recherche architecturale qui fait une partie de l’éclat de Robermont. Par contre, et ceci est symptomatique, d’innombrables médaillons rappellent aux visiteurs la physionomie des défunts, ce qui reste une indication que Sainte-Walburge possède une philosophie plus familiale que Robermont, plus proche de la population qui le fréquente. On y découvre ainsi énormément de personnages néanmoins connus et qui se sont révélés très attachants, parfois surprenants.
Si vous vous promenez dans le cimetière de Sainte-Walburge, vous découvrirez ainsi les sépultures de Emile Sullon, Jean Haust et Théophile Bovy, auteurs wallons, Henri Noinem, Désiré Horrent et Louis Radermecker, résistants, Maurice Destenay, Joseph Bologne et Georges Truffaut, hommes politiques, Jacques Ochs, dessinateur et caricaturiste, Henri Koch, violoniste, Henri Lacroix, guérisseur, Auguste Mindels et Ferdinand Delarge, sportifs, Edgar Scauflaire et Fernand Vetcour, peintres, et Maurice Waha, héros de Sainte-Marguerite, et bien d’autres.
Il est évidemment impossible de citer tous les personnages repris dans le livre, Le cimetière de Sainte-Walburge, 130 ans d’histoire, que j’ai consacré à cette nécropole. Il convient aussi de ne pas négliger l’aspect botanique du cimetière. C’est pourquoi un bel après-midi d’automne vous permettra de passer d’agréables moments dans un environnement bucolique tout en redécouvrant des pans de l’histoire liégeoise.
Chantal MEZEN
[image en tête de l’article : cimetière de Sainte-Walburge © Philippe Vienne]
La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte est le résumé d’une conférence de Chantal MEZEN, organisée en février 2008 par la CHiCC : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne… |
Plus de CHiCC ?
- SEPULCHRE : L’incendie du couvent du Sacré-Coeur à Bois-l’Evêque (CHiCC, 1989)
- GODEAUX : Le tram et le trolleybus de Cointe (CHiCC, 2003)
- VIENNE : Une histoire liégeoise : Georges Nagelmackers et l’Orient Express (CHiCC, 2014)
- LEONARD : La fête de la Pentecôte à Cointe (avant 1940)
- FRANSIS : Recueil de souvenirs et d’anecdotes sur Cointe autrefois (CHiCC, 1989)
- BIERLAIRE : Erasme de Rotterdam ou l’humaniste dans tous ses états (CHiCC, 2011)
- HALMES : Tous au bain ! Histoire des bains et des piscines à Liège (CHiCC, 2022)
- HENOUMONT : 1944… les bombes ! (CHiCC, récits de témoins)
- FRANSIS : Les fêtes de la Pentecôte à Cointe à la Belle-Epoque (CHiCC, 1989)
- MASUY : Historique des espaces verts de Cointe (CHiCC, 2024)
- DE PIERPONT : Un tunnel pour bateaux sous la crête ardennaise ? L’épopée du canal de Meuse et Moselle (CHiCC,2003)