DELAITE : L’Académie royale des Beaux-Arts de Liège, presque 250 ans d’histoire aujourd’hui (CHiCC, 2022)

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Liégeoise d’abord

C’est François-Charles de Velbrück, prince-évêque de Liège de 1772 à 1784, qui prit en 1775 la décision de créer une “Académie de peinture, sculpture et gravure” ainsi qu’une “Ecole de dessin relative aux arts mécaniques”. Le peintre Léonard Defrance (1735-1805) et le sculpteur Guillaume Evrard (1709-1793) firent partie du premier corps professoral. Cette première académie occupa d’abord provisoirement deux salles de l’Hôtel de Ville avant de s’installer à partir de 1778 dans un hôtel particulier “Vieille Cour de l’Official”, à proximité de l’actuel Îlot Saint-Michel, jusqu’à la Révolution liégeoise de 1789.

Française ensuite

Sous le Régime français en 1797, Liège, devenue siège de la préfecture du département de l’Ourthe, ouvre une “Ecole Centrale”. Léonard Defrance, encore lui, y est chargé des cours de dessin. Comme toutes les autres écoles centrales de l’Empire, en 1808 l’école de Liège devient lycée et le cours de dessin n’est plus qu’un cours parmi d’autres. Quatre années plus tard, en 1812, à l’instigation des membres de la Société d’Émulation – une société savante instituée elle aussi quelques décennies plus tôt par ce prince éclairé qu’était Velbrück – un projet de création d’une école gratuite de dessin, de peinture, sculpture et architecture voit le jour : ce sera “l’Athénée des Arts”. Celui-ci ne connaîtra cependant qu’une existence éphémère, les circonstances politiques le voulant ainsi. En effet, les cours disparaissent peu après en janvier 1814 : les armées alliées entrent à Liège et mettent fin au Régime français. Cet Athénée des Arts occupait une grande salle de l’hospice Saint-Michel, rue de l’Étuve. Le peintre français Philippe-Auguste Hennequin (1762-1833) en était le directeur.

Puis Hollandaise…

Á la suite du Congrès de Vienne en 1815, Liège, passée sous l’autorité des Pays-Bas, devra attendre 1820 pour que soit créée une “Académie royale de dessin” et qu’ainsi l’enseignement des arts puisse à nouveau être dispensé. Cette académie, dont la direction est assurée par le sculpteur François-Joseph Dewandre (1758-1835), fut d’abord installée dans les locaux de l’ancien Collège des Jésuites wallons (l’actuelle université) avant de déménager en 1825 dans ceux de l’ancien Hospice Saint-Abraham. Cet immeuble, situé en Feronstrée entre Potiérue et la rue Saint Jean-Baptiste, fut démoli en 1963 pour libérer l’espace nécessaire à la construction de la Cité administrative et d’une grande surface commerciale (l’ancienne Innovation).

Belge enfin

Peu après l’Indépendance de la Belgique, désireux de soutenir les arts, un groupe de personnes se forme autour du bourgmestre Louis Jamme et émet diverses propositions qui aboutiront en 1835 à la réorganisation des cours et à la création d’une “Académie royale des Beaux-Arts”. Le peintre verviétois Barthélemy Viellevoye (1798-1855) en sera le premier directeur.

Au fil des années cependant, le nombre des étudiants croissant sans cesse, les locaux de l’ancien hospice deviennent rapidement exigus, mal éclairés, mal aérés, insalubres, surchauffés par les becs de gaz, ils présentent de réels dangers. Aussi, en 1890, l’échevin Gustave Kleyer présente au Conseil communal un projet de construction de nouveaux locaux sur un terrain jadis occupé par le couvent Sainte-Claire non loin de la gare du Palais. Le projet est accepté et les premiers travaux débutent en juillet 1892. L’Académie quittera la rue Feronstrée et l’hospice qui l’accueillait pour le nouveau bâtiment de la rue des Anglais en 1896.

© academieroyaledesbeauxartsliege.be

Le bâtiment

Construit entre 1892 et 1895 par Joseph Lousberg (1857-1912), à cette époque architecte de la Ville de Liège, le bâtiment qui abrite l’Académie royale des Beaux-Arts de Liège est inspiré par l’architecture de la Renaissance italienne.

Son plan comporte quatre ailes qui se répartissent autour d’une cour centrale aménagée en jardin. Tandis que l’aspect général de l’édifice depuis la rue des Anglais paraît très sobre, sévère même, les façades donnant sur la cour révèlent un tout autre esprit : les baies en plein cintre du rez-de-chaussée, les fenêtres à croisée du premier étage, les fenêtres géminées dotées de colonnettes à chapiteau corinthien, la corniche saillante ainsi que le remarquable escalier d’apparat à double révolution révèlent les sources d’inspiration de l’architecte. En cette fin du XIXème siècle, pour abriter une école d’art, il était de bon ton en effet de se référer à une époque de l’histoire qui voit les arts plastiques obtenir reconnaissance et prestige. Ainsi l’académie de Liège possède-t-elle des accents qui peuvent faire penser à un palais italien de la Renaissance.

Le 14 juillet 1895, le roi Léopold II inaugure ce nouveau bâtiment de la rue des Anglais. Les travaux ne s’arrêteront cependant pas là et, quelques années plus tard, avec une entrée située rue de l’Académie, un Musée des Beaux-Arts complète l’ensemble. Pendant plus de septante ans, l’enseignement, la conservation et la promotion des arts plastiques se feront dans des bâtiments contigus constituant ainsi un complexe homogène composé d’un musée, rue de l’Académie, et d’une académie,  rue des Anglais.

Fin des années septante toutefois, tout le quartier est soumis à d’importantes transformations : les infrastructures autoroutières doivent pénétrer jusqu’au cœur de la ville. Le Musée des Beaux-Arts doit laisser la place à l’automobile. Tous les immeubles situés côté chiffres pairs de la rue de l’Académie sont expropriés et détruits. C’est depuis cette époque que se dresse, visible de tous depuis la place de l’Yser (!), l’immense pignon aveugle de l’académie que quelques chétifs peupliers peinent à dissimuler…

Si aujourd’hui le musée a disparu, le bâtiment abritant l’Académie n’a toutefois quasiment rien perdu de la physionomie qu’il présentait en 1895.

L’architecte de l’Académie

Originaire de Baelen, Joseph Lousberg, diplômé de l’Académie en 1883, a fait carrière dans les services de la Ville avant d’être désigné architecte des bâtiments communaux en janvier 1887. Á ce titre, il dessine de très nombreux bâtiments: les écoles du boulevard Ernest Solvay au Thier à Liège (1890), de la rue Maghin (1894), du boulevard Kleyer (1911), de la place Sainte-Walburge (1905), de la place Vieille Montagne dans le quartier du Nord (1906) mais aussi l’annexe de l’Athénée du boulevard Saucy (1903), l’école d’Armurerie de la rue Léon Mignon (1904). C’est également lui qui dessine les plans de l’ancienne bibliothèque des Chiroux en 1904, des crèches de la rue Rouleau (1905) et de la rue du Laveu (1912) ainsi que les pavillons représentant la Ville de Liège aux expositions universelles de Bruxelles, Liège et Gand. Il travaille également à la restauration du Musée Curtius et de l’ancien couvent des Ursulines au pied de la Montagne de Bueren. Il dessine enfin des immeubles pour le privé comme les bâtiments, aujourd’hui détruits, du banc d’épreuve des armes à feu, rue Fond des Tawes, ainsi que de nombreuses maisons particulières dans la région de Dolhain Limbourg.

Dans l’escalier

Ciamberlani © visemagazine.be

Albert Ciamberlani (1864-1956), l’auteur de cette grande peinture décorant aujourd’hui le grand escalier, est né à Bruxelles en 1864 d’un père italien et d’une mère flamande. Après un court séjour à l’Académie de Bruxelles dans la classe de Portaels, il fait partie du groupe l’Essor avant de fonder le cercle “Pour l’Art” avec Jean Delville, Emile Fabry et Victor Rousseau notamment. En cette fin de siècle, ce groupe appartient à la mouvance symboliste. L’esprit littéraire, l’idéalisme et l’allégorie soufflent alors sur les beaux-arts.

En France, Pierre Puvis de Chavannes a ouvert une voie qui renouvelle la peinture monumentale: de grandes compositions claires, statiques, des tonalités mates, des personnages aux gestes lents, le silence. Albert Ciamberlani retient la leçon. “L’hommage aux héros de la colonisation” n’a pas été réalisé pour l’Académie, même si l’oeuvre paraît s’intégrer parfaitement à l’espace de l’escalier. La peinture décorait le pavillon de l’Etat indépendant du Congo à l’Exposition universelle de Liège en 1905. Elle a été achetée en 1929 pour le Musée des Beaux-Arts qui jouxtait jadis l’Académie. Ciamberlani a travaillé pour d’autres lieux: les Hôtels de Ville de Saint Gilles et de Schaerbeek, le Musée de Tervuren, le Cinquantenaire et les Palais de Justice de Louvain et de Bruxelles.

Les députés gantois attendant à la porte du palais de Charles le Téméraire…

Lorsque le musée des Beaux-Arts quitta la rue de l’Académie, ce grand tableau d’histoire resta accroché au mur du couloir du rez-de-chaussée de l’école. Signé Emile Delpérée et daté 1877, cette peinture évoque un épisode de l’histoire médiévale. En 1468 Charles le Téméraire avait mis à sac la ville de Liège. Quelques mois plus tard, le duc de Bourgogne évoquant la possibilité de faire subir le même sort à leur ville, les Gantois envoyèrent leurs députés afin d’implorer sa clémence. L’histoire rapporte que le Téméraire fit patienter la délégation plus d’une heure et demie dans la neige avant de l’autoriser à pénétrer dans le palais. Les députés se prosternèrent ensuite à ses pieds et lui remirent leurs chartes et les bannières de leurs métiers avant de lui dire merci. Delpérée professeur chargé du cours de peinture, comme Chauvin ou Vieillevoye avant lui, s’inscrit dans la tradition d’une peinture qui cherche par l’image à nous instruire et à nous faire réfléchir à partir d’épisodes de l’histoire nationale et locale.

Dans ce tableau, Delpérée multiplie certes les expressions, les visages sont tendus, les corps sont raides, les poings crispés mais surtout il nous propose des visages singuliers comme s’il voulait nous montrer que bien plus qu’un groupe nous avons là, dans ces circonstances, des personnalités individuelles que la peur révèle. Lorsqu’on examine ces visages, leur précision laisse penser que Delpérée a rassemblé là quelques-unes de ses connaissances. S’il est délicat de s’aventurer dans l’attribution de certains visages, on peut toutefois sans hésitation reconnaître Charles Soubre (1821-1895), son collègue professeur de dessin (1854-1889) dont il a épousé la fille.

La bibliothèque et le fonds Henri Maquet

Joseph Lousberg ne s’est pas contenté de dessiner les plans du bâtiment, il a également conçu tout l’aménagement ainsi que le mobilier de certains locaux de l’école comme l’amphithéâtre du premier étage ou, plus significatif encore, la bibliothèque ;  il dessine ainsi toutes les armoires, la galerie, jusqu’au motif des charnières et des serrures.

L’architecte Henri Maquet, né en 1839, a fait ses études à l’Académie de Liège avant de faire carrière à Bruxelles où, notamment, il conçut les plans de l’Ecole royale militaire et où il travailla à la transformation du Palais royal. A sa mort en 1909, en hommage à l’école qui l’avait formé, il lègue son exceptionnelle collection de livres anciens d’architecture. C’est ainsi que la bibliothèque de l’Académie peut offrir, à la consultation, des ouvrages comme les traités d’architecture de Vignole,  Serlio, Palladio, Perrault, Blondel…, les œuvres de Gianbattista Piranese, les livres de Gérard de Lairesse ou encore de Viollet-le-Duc…

L’Académie aujourd’hui

Les locaux de la rue des Anglais abritent trois écoles différentes : l’Académie royale des Beaux-Arts (Ecole supérieure des Arts de la Ville de Liège et ses huit options : peinture, sculpture, gravure, scénographie, vidéo, publicité, illustration et bande dessinée), les humanités artistiques du Centre d’Enseignement secondaire Léonard Defrance et enfin l’enseignement artistique à horaire réduit. C’est également dans ses locaux enfin que divers stages sont organisés durant les mois d’été pour les adultes et pour les enfants.

Philippe DELAITE

      • Pour en savoir plus…
      • image en tête de l’article : façade de l’Académie des Beaux-Arts, Liège © Philippe Vienne

La CHICC ou Commission Historique et Culturelle de Cointe (Liège, BE) et wallonica.org sont partenaires. Ce texte de Philippe DELAITE  a fait l’objet d’une conférence organisée en décembre 2022 par la CHiCC : le voici diffusé dans nos pages. Pour les dates des autres conférences, voyez notre agenda en ligne

Plus de CHiCC ?

ELIASSON, Olafur (né en 1967)

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“Pour les Danois, je suis islandais. Pour les Islandais, je ne le suis pas tout à fait” (Olafur Eliasson). L’artiste dano-islandais Olafur Eliasson, naît en 1967 à Copenhague.

Olafur Eliasson part du principe qu’il existe une contradiction entre l’expérience et la connaissance que l’on a du visible, ce qui le pousse à explorer, à travers les frontières de la perception humaine, les relations entre nature, architecture et technologie.

En combinant science et technologie avec la production artificielle de phénomènes naturels (lave, brouillard…), Olafur Eliasson plonge le spectateur dans une expérience aussi bien psychologique que physiologique qui lui permet de questionner le familier, le banal et les différences entre nature et culture.

Les œuvres d’Olafur Eliasson ont fait l’objet de nombreuses expositions individuelles dans les musées et galeries du monde entier, parmi lesquelles l’installation Weather Project, exposée avec succès en 2003 dans le cadre des Unilever Series à la Tate Modern de Londres. Ses travaux sont présents dans plusieurs collections publiques ou privées, notamment au Musée Solomon R Guggenheim de New York, au Musée d’Art Contemporain de Los Angeles, à la Fondation Deste d’Athènes et à la Tate Modern. Olafur Eliasson représente le Danemark à la Biennale de Venise en 2003.

Je suis né à Copenhague de parents islandais, mariés à 18 ans, divorcés à 22 ans. J’ai donc passé très vite mes vacances en Islande chez mes grands-parents, près de Reykjavík, dans un port tout au fond d’un fjord. Ma famille vient d’une lignée de pêcheurs, comme 99 % des Islandais. Nous étions une bande de gosses à jouer avec la marée qui monte sans prévenir, d’un coup, dans les fjords, à récupérer dans la mer les balles du club de golf voisin, puis à les lancer à toute force sur les carcasses de voitures dans la casse en contrebas. Cela faisait de la musique ! Rien de romantique, mais la liberté des sens en éveil.

d’après MOREEUW.COM


“Spherical Space” (2015) © blog.artsper.com

Olafur Eliasson est un artiste et architecte contemporain danois dont la pratique englobe sculpture, installation participative, peinture, photographie, vidéo… Artiste conceptuel pluridisciplinaire, Olafur Eliasson développe un travail explorant la formation de la subjectivité (perceptions, expériences vécues, sens du soi…). Depuis ses débuts, la lumière et les phénomènes chromatiques (avec leurs multiples ramifications perceptuelles et conceptuelles) jouent un rôle nodal dans son œuvre. Jusque dans la manière dont la lumière et les phénomènes visuels modèlent le rapport à l’espace, au contexte, à la façon d’habiter. En 2016, Olafur Eliasson aura été invité à exposer à Versailles, dans le château du Roi-Soleil. Un lieu parfait pour son œuvre, compte tenu de la galerie des Glaces, notamment. Il y expose alors de multiples pièces miroitantes (Your sense of unity, Deep Mirror…). (…)

Olafur Eliasson : des installations et sculptures explorant la perception et l’impact de la lumière, des couleurs

Olafur Eliasson a grandi entre le Danemark et l’Islande (dont sont alors originaires ses parents). Il a étudié à l’Académie Royale des Beaux-Arts du Danemark (1989-1995). Après son diplôme, il s’installe à Berlin et crée le Studio Olafur Eliasson. Atelier-entreprise, celui-ci rassemble, deux décennies plus tard, près d’une centaine d’artisans, architectes, techniciens spécialisés, archivistes, administrateurs, développeurs, historiens d’art, cuisiniers… Ses premières œuvres, conceptuelles, recourent à de multiples dispositifs optiques. Projection lumineuse (Window Projection, 1991) ; miroir et bougie allumée (I grew up in solitude and silence, 1992) ; lentilles optiques (Untitled (Looking for love), 1993) ; phénomènes de prisme (Beauty, 1994)… Soient des thèmes et phénomènes qu’il ne cesse de reprendre et d’approfondir au fil de ses œuvres. En accentuant les phénomènes, les complexifiant, les incluant dans des mécanismes et installations de plus en plus élaborés. À l’instar de l’installation Care and power sphere (2016), présentant de multiples facettes en verre dichroïque.

La lumière productrice d’intersubjectivités : architecture, urbanisme et compagnie d’électricité

Marqué par la dynamique lumineuse singulière des nuits (et jours) polaires, le travail d’Olafur Eliasson explore l’influence que la lumière (et les couleurs) peut avoir sur la perception de soi et de l’environnement. La lumière et les couleurs étant ici traitées tour à tour comme des phénomènes objectifs et subjectifs. Ou comme des phénomènes créant de l’intersubjectivité. Telles ses œuvres Rainbow assembly (2016), Visual mediation (2017), Midnight sun(2017)… Exposé dans le monde entier, Olafur Eliasson a également participé à la Biennale de Venise, d’art et d’architecture (2003, 2006, 2010, 2012, 2017…). En 2012, avec l’ingénieur Frederik Ottesen il fonde la société Little Sun. Une structure qui produit et vend une lampe solaire, tout en fournissant de l’électricité à prix abordables. En 2014, avec l’architecte Sebastian Behmann il fonde le Studio Other Space, à Berlin. Soit une agence se consacrant à des projets architecturaux et urbains expérimentaux.

d’après PARIS-ART.COM


[INFOS QUALITÉ] statut : validé | mode d’édition : partage, décommercialisation et correction par wallonica | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © moreeuw.com ; © paris-art.com…

BOVY : Peanuts (2015, Artothèque, Lg)

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BOVY Olivier, Peanuts
(5 sculptures en bronze, coffret en bois et instructions
encadrées, 2015, 11 x 22 x 11 cm)

Et pourquoi pas emprunter cette oeuvre gratuitement
à l’Artothèque Chiroux de la Province de Liège ?

Olivier Bovy © Jules Toulet

Sculpteur, Olivier BOVY (né en 1979) développe dans ses recherches et réalisations un questionnement sur le corps humain. Il aborde plus précisément sa position et son interaction avec le monde. Ses premières réalisations prennent la forme d’objets inspirés de la physionomie humaine ; des organes et appendices qui – très souvent – se greffent aux corps. Sobres et énigmatiques, elles fonctionnent en tant qu’éléments esthétiques pourvus d’une fonction de communication. Par la suite, la dimension sonore prend une place grandissante dans son travail. Par ailleurs, l’artiste est soucieux de présenter ses créations dans des espaces publics généralement peu fréquentés par l’art contemporain. Il joue du contraste entre l’intimité de ses réalisations et l’universalité de son propos. (d’après Bénédicte Merland, SPACE-COLLECTION.ORG)

Cette œuvre d’Olivier Bovy a été réalisée spécialement pour l’Artothèque. Elle découle d’une réflexion sur l’appropriation de l’œuvre par les emprunteurs, ainsi que sur la volonté de désacraliser l’œuvre. Si “Peanuts” signifie cacahuètes en anglais, cela peut également vouloir dire “bagatelle”, “rien” ou pas grand-chose… Les cinq cacahuètes moulées en bronze sont accompagnées d’une série de règles à respecter pour l’emprunteur, invitant ce dernier à “jouer le jeu” très sérieusement (on notera l’invitation à “ne pas manger les cacahuètes”)

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation (droits cédés) et mise à jour par wallonica.org  | source : Artothèque Chiroux | commanditaire : Province de Liège – Culture | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Olivier Bovy ; Jules Toulet | remerciements à Bénédicte Dochain et Frédéric Paques

SHAWKY, Wael (né en 1971)

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Wael Shawky vit et travaille à Alexandrie. Utilisant divers média tels que la vidéo, le dessin, la photographie et la performance, il questionne et analyse la narration et les histoires vraies ou imaginées du monde arabe. Ses reconstructions à plusieurs niveaux engagent le spectateur à questionner les vérités, mythes et stéréotypes.

Né à Alexandrie en 1971, Wael Shawky étudie les beaux-arts à l’Université d’Alexandrie et finit sa formation à l’Université de Pennsylvanie où il obtient en 2000 son diplôme de M.F.A. Débuté en 2010, son projet en cours, Cabaret Crusades, est une série de trois films animés de dessins, objets et marionnettes basée sur le livre Les croisades vues par les Arabes de Amin Maalouf. Analysant des écrits, ce projet s’appuie sur une grande diversité de sources historiques pour représenter et traduire l’histoire des Croisades sous un éclairage différent. Les deux premières parties de la trilogie ont été présentées à la dOCUMENTA (13) en 2012 tandis que la troisième partie a été montrée au MoMA PS1 et à Art Basel 2015.

Son travail a été présenté dans d’importantes expositions internationales telles que Re:emerge, Sharjah Biennial (2013); Here, Elsewhere, Marseille-Provence 2013 Capitale européenne de la culture (2013); 9th Gwangju Biennial, South Corea (2012); 12th International Istanbul Biennial (2011); SITE Santa Fe Biennial (2008); Urban Realities: Focus Istanbul, Martin-Gropius-Bau, Berlin (2005); 50th Venice Biennial (2003). Des expositions monographiques lui ont été consacrées, parmi les plus récentes : MoMA PS1, New York (2015), Mathaf, Doha (2015), K20, Düsseldorf (2014), Serpentine Gallery, London (2013), KW Berlin (2012) et Nottingham Contemporary (2011), Walker Art Gallery, Minneapolis (2011), The Delfina Foundation (2011), Sfeir-Semler Gallery, Beirut (2010/11), Cittadellarte-Fondazione Pistoletto, Biella, Italy (2010), Townhouse, Cairo (2005, 2003). Wael Shawky a fondé MASS Alexandria, un programme de studio pour jeunes artistes.

d’après FESTIVALDEMARSEILLE.COM


© Wael Shawky / M Leuven / Ph. Vienne

Est-ce une citadelle, un mausolée, une sculpture ? L’impressionnante et mystérieuse installation que Wael Shawky a réalisée in situ pour son exposition au musée M de Louvain intrigue parce qu’elle défie les sens et l’espace. Dans cette pièce aux murs roses se détache une construction d’épaisses murailles couvertes de graphite noir scintillant qui se prolongent par des tissus tendus rappelant la tente berbère. Cette sculpture monumentale fait partie de la série polymorphe The Gulf Project Camp, où l’artiste égyptien, né à Alexandrie et qui a grandi à La Mecque, s’intéresse à l’histoire de la péninsule arabique et à la transition d’une société nomade née dans le désert vers une société qui a basculé dans la modernité et la sédentarité avec la découverte et l’exploitation de l’or noir.

L’imaginaire et la fiction se mêlent à l’histoire

Avec son projet Cabaret Crusades, Wael Shawky raconte les croisades sous une autre perspective, celle des populations arabes. Cela prend la forme d’une série de trois films d’animation en stop motion, dont le troisième volet constitue le cœur de l’exposition. Pour raconter cette fresque épique, l’artiste anime des marionnettes. “Il n’y a aucune tradition de marionnettes dans les pays arabes, j’aurais bien aimé, mais je n’en ai pas trouvé. Les marionnettes nous renvoient à l’idée de manipulation inhérente au récit historique. En fait, je ne crois pas à l’histoire, c’est pour cela que je ne fais pas de documentaires.”

La quatrième croisade, qui donne le contexte au film, est partie de Venise en 1202, ce qui a donné à l’artiste l’idée de travailler avec des marionnettes en verre de Murano. “Je voulais éviter de donner aux personnages un côté kitsch ou “cheap”, et je me suis inspiré d’une tradition différente, celle des masques africains du Metropolitan Museum. J’aime aussi beaucoup le verre parce que cela renvoie à l’idée de fragilité. En préparant ce film, je me suis souvenu de “L’évangile selon Jésus-Christ”, de José Saramago, que j’avais lu pendant ma jeunesse. Dans le roman, Jésus s’adresse à Dieu pour lui demander pourquoi il a fait les hommes si fragiles. On peut accomplir des choses fantastiques, mais on peut aussi se briser en un instant.”

A côté de ses merveilleuses marionnettes, l’artiste poursuit sa réflexion sur l’univers des Croisades, sur les migrations et la transformation des sociétés, dans une série d’aquarelles et de bas-reliefs en bois. Entre les Contes des Mille et Une Nuits et l’heroic fantasy, l’imaginaire et la fiction se mêlent à l’histoire. Des créatures gigantesques au cou couvert d’écailles s’embrassent par-dessus les remparts, où s’affrontent des nuées de combattants en armes. Et des princesses racontent des histoires à des dragons très attentifs.

Complexe et immédiat

Retour à notre présent avec The Cave, une performance filmée où l’artiste arpente les allées d’un supermarché à Amsterdam en récitant à voix haute devant des clients indifférents ou légèrement ébahis une sourate du Coran. Dans ce texte, plusieurs hommes échappent à un tyran en se réfugiant dans une grotte où ils dorment pendant 309 ans en attendant l’arrivée d’un meilleur souverain.

Pour Shawky, cette pause à travers le temps est une forme de migration. L’exposition s’achève dans la dernière salle sous les combles, où l’artiste a réalisé une autre œuvre in situ. Inspirée par la vue des toits de Louvain que l’on peut admirer par-delà la baie vitrée, il a créé un paysage imaginaire et futuriste fait de volumes abstraits couverts d’une matière asphaltée.

Complexe et immédiat, le travail de Wael Shawky est aussi politique dans son regard sur l’histoire et sur le présent. L’artiste, qui partage sa vie entre Philadelphie et Alexandrie, où il a ouvert une école d’art, refuse d’exposer dans son pays depuis la révolution de la place Tahrir en 2011. “Si en tant qu’artiste, vous n’avez pas clairement le droit de contester le régime, vous cherchez un langage où tout peut être dit mais de manière plus subtile et détournée.”

d’après MU-INTHECITY.COM


[INFOS QUALITÉ] statut : validé | mode d’édition : partage, décommercalisation et correction par wallonica | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © mu-inthecity.com ; © Wael Shawky / M Leuven / Ph. Vienne.


Plus de presse…

MOREAU Christiana, La Dame d’argile (Paris : Préludes, 2021)

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Christiana MOREAU est une artiste autodidacte, peintre et sculptrice belge. Elle vit à Seraing et a été nommé citoyenne d’honneur de la ville. Après La Sonate oubliée (2017), dont l’action se situe entre Seraing et Venise, et Cachemire rouge (2019), La Dame d’argile est son troisième roman.

EAN 9782253040507

“Sabrina est restauratrice au musée des Beaux-Arts de Bruxelles. Elle vient de perdre sa grand-mère, Angela, et a découvert, dans la maison de celle-ci, une magnifique sculpture en argile représentant un buste féminin, signée de la main de Costanza Marsiato. Le modèle n’est autre que Simonetta Vespucci, qui a illuminé le quattrocento italien de sa grande beauté et inspiré les artistes les plus renommés de son temps.

Qui était cette mystérieuse Costanza, sculptrice méconnue ? Comment Angela, Italienne d’origine modeste contrainte d’émigrer en Belgique après la Seconde Guerre mondiale, a-t-elle pu se retrouver en possession d’une telle oeuvre ? Sabrina décide de partir à Florence pour en savoir plus. Une quête des origines sur la terre de ses ancêtres qui l’appelle plus fortement que jamais…”

Immobile sur sa chaise, Sabrina semble hypnotisée par la sculpture posée devant elle, sur la grande table d’atelier. C’est un buste féminin.
Une terre cuite d’une belle couleur chaude, rose nuancé de blanc. Un visage fin et doux au sourire mélancolique, regard perdu au loin, si loin dans la nuit des temps. La chevelure torsadée emmêlée de perles et de rubans modelés dans la matière entoure la figure d’une façon compliquée à la mode Renaissance. La gorge est dénudée. Le long cou, souple et gracile, est mis en valeur par un collier tressé entortillé d’un serpent sous lequel apparaît une énigmatique inscription gravée : “La Sans Pareille”.
Depuis cinq ans qu’elle travaille pour le musée des Beaux-Arts de Bruxelles, c’est la première fois que la restauratrice a entre les mains un objet aussi fascinant et parfait. Le plus incroyable est qu’il lui appartient. À elle ! Une jeune femme d’origine plus que modeste, naturalisée belge, mais italienne de naissance.
L’excitation fait trembler sa lèvre inférieure qu’elle mordille de temps à autre. Son immobilité n’est qu’un calme de façade ; en elle grondent les prémices d’un orage sans cesse réprimé, dont les nuages noirs ne parviennent pas à déchirer le ciel de sa vie devenue trop sage. Elle s’est peu à peu accommodée de sa situation et semble, en apparence, avoir fait la paix avec elle-même. Elle n’éprouve plus ce désir destructeur qui l’a si longtemps rongée, et pourtant la menace couve. Des picotements désagréables tentent d’attirer son attention sur le risque imminent. Elle repousse ces pensées dérangeantes et tend la main vers la statue pour caresser la joue ronde et polie, sentir sous ses doigts la finesse du grain de la terre cuite, le lissé impeccable de la surface.

D’une écriture claire et fluide, “La Dame d’argile” est un beau roman pour l’été. Ce serait néanmoins réducteur de le limiter à cela. Dans ce récit choral à quatre voix, Christiana Moreau évoque la destinée de femmes de différentes époques et de différents statuts, mais aussi la place qui leur est réservée dans la société (et contre laquelle, parfois, elle se révoltent). En parallèle, elle partage avec le lecteur son amour de l’art, et particulièrement du Quattrocento, dans lequel on sent également poindre sa connaissance pratique de la  sculpture. En cette année de commémoration des 75 ans de l’immigration italienne en Belgique, on retrouve aussi, dans le roman, une description sensible de cette page, souvent sombre, de notre histoire. Tout cela confère de la profondeur au récit sans rien lui retirer de sa légèreté.

Philippe Vienne


Lire encore…

EL ANATSUI (né en 1944)

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“A Nsukka, sa terre d’adoption, une ville de 300 000 habitants située dans le sud-est du Nigeria, son atelier est planté le long d’une route, à une quinzaine de minutes à pied de la Faculté des beaux-arts et des arts appliqués où il a longtemps enseigné. Les voitures et camions soulèvent sur leur passage des nuages de poussière rouge. A l’intérieur de la grande bâtisse blanche rectangulaire, une dizaine de ses assistants s’affairent au milieu de sacs en jute emplis de milliers de capsules usagées de bouteilles d’alcool. Les jeunes hommes découpent, dans un silence religieux, les bouchons en aluminium, avant de les aplatir et de les enlacer les uns avec les autres à l’aide de fils de cuivre pour créer de petits rectangles de tentures métalliques colorées.

Debout, le sourire béat, l’air placide et lunaire, El Anatsui dirige tel un chef d’orchestre son ballet d’assistants qui déploient, sur le sol de l’atelier, des pans de ces tissus métalliques réunissant chacun quelque 200 capsules de bouteilles. Au doigt et à l’œil de l’artiste, ils les combinent et assemblent de différentes manières pour créer ce qui deviendra une œuvre. Une de ces monumentales tentures chatoyantes et aux couleurs irisées que s’arrachent les plus grands musées et collectionneurs du monde.

Euphorie de l’indépendance

El Anatsui est l’un des artistes phares du continent africain. En 2015, à la Biennale de Venise, il a été auréolé du Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière. Cet été, il est célébré à travers une grande rétrospective au Kunstmuseum de Berne. Né en 1944 au Ghana, il est le plus jeune des 32 enfants que son père, un pêcheur et tisseur de kenté (un tissu traditionnel multicolore), a eus avec ses cinq épouses. Orphelin de père en bas âge, il a été élevé par son oncle maternel, un pasteur presbytérien. Le terreau artistique familial est fécond: plusieurs de ses frères sont musiciens et poètes. Lui, passionné par les arts visuels, chante aussi dans une chorale locale, tout en jouant de la trompette dans un groupe de jazz. Coupé de sa culture autochtone africaine, il est âgé de 13 ans, quand, en 1957, son pays natal, la British Gold Coast (nom donné au pays par les Portugais, premiers colonisateurs de ces terres riches en or), accède à l’indépendance. “C’était l’euphorie. Le Ghana est alors le premier pays noir africain à s’émanciper”, se souvient-il.

Etudiant au College of Art de l’Université des sciences et technologies de Kumasi à partir de 1964, il découvre, médusé, des programmes éducatifs calqués sur ceux de l’ex-puissance coloniale britannique. Il part alors en quête de ses racines culturelles africaines en suivant les cours du Centre culturel national, et en observant le travail des artisans locaux: tisserands, sculpteurs, percussionnistes et autres musiciens. Muni d’un diplôme de troisième cycle en éducation artistique de l’Université Nkrumah, il devient chargé de cours à l’Ecole spéciale de formation de la ville portuaire de Winneba, à une soixantaine de kilomètres d’Accra, la capitale.

Là, il commence à créer une série d’œuvres à partir de plateaux traditionnels en bois, inspirées de ceux qu’utilisent les commerçants ghanéens pour présenter leurs marchandises sur les marchés. Sur les bords de ces plats, il grave, à l’aide de fers chauffés, des symboles visuels Adinkra représentant des concepts et aphorismes créés par les Akans, une population d’Afrique de l’Ouest. En 1975, il est nommé enseignant à l’Université du Nigeria, à Nsukka, quelques années après la fin de la guerre du Biafra, dont les stigmates sont encore omniprésents. C’est là, dans le sud-est du pays le plus peuplé d’Afrique, qu’il vit depuis quarante-cinq ans, partageant son temps entre l’enseignement de la sculpture et sa propre création.

“Gravity and Grace” © artnet.fr
Impermanence des choses

“J’ai commencé à travailler avec lui en tant qu’étudiant de premier cycle. El nous a conseillé d’utiliser des supports bon marché, de façon à être plus libres de nous exprimer, libres de toute pression économique”, raconte Onyishi Uchechukwu, devenu entre-temps un des responsables de l’atelier de l’artiste. Béton, bois durs tropicaux et bois flottés, argile, céramique, métaux fondus et réutilisés, râpes à manioc, couvercles de bouteilles de lait, bouchons en aluminium: El Anatsui a puisé, tout au long de sa carrière de sculpteur, dans un florilège de matériaux, le plus souvent simples et banals.

“Je recherche ce qui est disponible dans mon entourage immédiat. Je travaille ces matières avec un objectif de régénération, avec l’envie de leur donner un nouveau souffle”, explique-t-il. Dans les années 1970, c’est l’argile, la terre, source indispensable de toute vie, qu’il utilise pour créer des poteries. Ses œuvres sont faites de fragments qu’il brise et perce s’inspirant des coutumes de l’Afrique de l’Ouest, où des pièces cassées et des fragments d’argile sont utilisés comme récipients rituels. Ces œuvres sont autant de métaphores du temps qui passe, de l’impermanence pour recourir à une terminologie bouddhiste.

Dans les années 1980 et 1990, il crée des œuvres en bois, découpées à la tronçonneuse avant d’être brûlées à l’aide d’un brûleur à gaz. Ces pièces sombres, comme celles de la série Grandma’s Cloth, et ces outils pour le moins agressifs et violents sont autant de métaphores de l’histoire de l’Afrique, de la période coloniale et post-coloniale qui a bouleversé les hommes, les cultures et les structures tant économiques que sociales. Et légué au continent des frontières tracées au cordeau, en 1884 à la Conférence de Berlin, en faisant fi des réalités ethniques, religieuses, linguistiques et politiques.

Esprit indestructible

El Anatsui n’utilise que des matériaux simples qui ont, le plus souvent, déjà été utilisés par d’autres. “Quand vous recourez à des objets qui sont passés de main en main, ceux-ci ont une charge, une énergie d’autant plus forte qu’ils ont été manipulés par un plus grand nombre de personnes. Vous ne retrouvez pas une telle énergie dans les pièces faites à l’aide de machines. J’utilise des rebuts, des objets jetés que j’élève, en les transformant, en œuvres d’art. Mon travail évoque les grands cycles de la vie, de la mort et de la régénération. Il reflète ma conviction que l’esprit humain est indestructible”, souligne-t-il.

En 1976, il est honoré, pour la première fois, à travers un solo show au Nigeria. Sa première exposition à l’étranger, en 1981, en Grande-Bretagne, sera suivie de nombreuses autres en Europe, en Amérique du Nord et au Japon. Sa notoriété monte en puissance dans les années 1990. Mais le véritable tournant de sa carrière remonte au tout début des années 2000, lorsque le public international découvre, subjugué, ses immenses tentures colorées réalisées à partir de bouchons de bouteilles en aluminium. De 2003 à 2008, son exposition itinérante Gawu circule à travers l’Europe et les Etats-Unis, où elle s’achève au Smithsonian National Museum of African Art, à Washington DC. En 2007, ses œuvres sont exposées dans la section internationale de la Biennale de Venise. Et en 2019, toujours à Venise, il est la vedette du pavillon du Ghana, qui fête alors sa première participation à la Biennale.
Ses œuvres évoquent l’histoire du continent africain mais aussi des enjeux plus contemporains, comme la crise écologique et climatique. En témoigne notamment Earth’s Skin (2007), qui traduit, de manière plastique, les blessures et plaies infligées à la terre par l’action des hommes. Ou Tiled Flower Garden (2012), figurant une mer de fleurs multicolores se muant en un sinistre magma noir. Une manière de nous alerter sur les menaces d’effondrement écologique qui pèsent sur notre petite planète bleue.” [d’après LETEMPS.CH]

 

“Ink Splash II” © tate.org.uk
L’importance de la matière : El Anatsui

“Les passants continuaient leur chemin, sans remarquer quoique ce soit. Mais El s’est arrêté pour ramasser ce sac poussiéreux rempli de capsules de bouteilles, et il en a fait de l’or. “Je cherchais quelque chose d’éthéré. Je voulais vraiment émouvoir les gens.”

El Anatsui (1944), connu sous le nom de “El”, est un artiste ghanéen issu de la tribu Ewe, mais il a passé la plus grande partie de sa vie au Nigéria, où il enseignait à l’université de Nsukka. A 56 ans, il atteint une notoriété internationale en transformant des milliers de capsules de bouteilles en gigantesques structures lumineuses, faisant ainsi référence, sous couvert de la beauté, à l’abstraction globale, à l’histoire de l’Afrique, aux textiles indigènes, et à la vie comme processus de changement. En 1990 et en 2007, il participe à la Biennale de Venise, et couvre les murs de l’Arsenal et du Palais Fortuny de ses sculptures spectaculaires (…).

Flexibilité

Imaginez la patience dont il a fallu faire preuve pour réaliser cela ! Dans son film Fold Crumple Crush: Art of El Anatsui (2011), la spécialiste d’art africain Susan Vogel nous éclaire sur ce long processus. Pendant deux ou trois mois, une quarantaine de jeunes hommes issus de la communauté locale ont coupé, martelé, et plié les capsules. Ils les ont ensuite liées les unes aux autres à l’aide d’un fil de cuivre pour créer des blocs souples, flexibles. Puis vient le moment où El crée sa composition. Après avoir tracé les lignes sur le sol, il continue à manipuler les blocs et à prendre des photos digitales pour mieux apprécier le résultat, jusqu’à obtenir satisfaction.

“Je suis un sculpteur”, insiste El, mais il défit la notion traditionnelle de sculpture comme art tridimensionnel et statique. On ne peut pas se cogner dans ses œuvres.  Ses structures souples s’adaptent à leur environnement, que se sont en intérieur ou en plein air. Et pourtant, en couvrant les murs, les façades de bâtiments, les haies ou les arbres, elles ne répondent simplement aux lois de la gravité. Leurs plis ondulants semblent avoir une vie qui leur est propre.

Pour El, cette flexibilité physique est une métaphore d’une certaine mentalité. “Je crois à l’élément du changement. La vie est toujours soumise à des flux. Mon travail reflète cela en créant une forme qui est libre, qui se contracte et se gonfle, qui peut être exposée de différentes façons, sur des murs, des haies…” Quand ses œuvres sont exposées en extérieur, El ne se préoccupe pas de l’altération, ce qui mène à des discussions échauffées avec les directeurs de musées.  A Venise, mon œuvre était dehors pendant six mois, et quand elle est revenue, j’ai constaté que le sel et le vent l’avait détériorée. Elle portait la patine de l’âge. Maintenant je me sers de cela, pour blanchir les capsules au soleil. La dégradation est bienvenue. En tant qu’êtres humains, nous vieillissons et nous changeons. On apprend à vivre avec.”

Textile

Ses tentures métalliques souples sont souvent associées au textile, et plus particulièrement au tissu kenté, qui est constitué de fines bandelettes de tissu cousues ensemble. Le père et le frère d’El étaient tisseurs de kentés. A-t-il été inspiré par ces somptueux tissus ghanéens autrefois portés par les chefs de tribu comme signe de richesse ? El admet qu’il provient d’une forte tradition kenté, mais que la signification de son travail ne se limite pas qu’à cela. Coïncidence : la palette de couleurs des capsules de bouteilles se trouve être la même que celle des kentés. “Au début, je ne tenais pas compte des couleurs des capsules – les rouges, les noires, les blanches et les jaunes étaient toutes là. Alors j’ai commencé à en prendre conscience également. La plupart du temps, l’art vient du hasard. Dans ce processus, vous créez un langage.”

Esthétiquement et en terme de signification, El semble être motivé par les propriétés du matériau. “Les capsules sont une référence forte à l’histoire de l’Afrique. L’alcool est devenu, au final, un des produits du trafic d’esclaves transatlantique.”

“Untitled” © mutual art.com

Racines africaines

El Anatsui a atteint la majorité après l’indépendance. En 1957, les anciennes colonies britanniques de la Côte-de-l’or et du Togoland deviennent le nouvel état du Ghana. Mais les écoles d’art africaines avaient besoin d’être réformées. “Elles étaient toutes des ramifications d’écoles d’art occidentales. On nous enseignait la Renaissance. Le curriculum était plus britannique que ghanéen. Nous sentions que quelque chose manquait, et c’est ce qui nous a poussé, mes collègues et moi, vers une quête de notre propre culture. Nous nous sommes enrichis en connaissant à la fois l’art occidental et l’art africain.” 

El était ravi quand il  a découvert les symboles des indigènes Adinkra, qui représentent des concepts et des aphorismes. On disait que l’Afrique ne possédait pas de tradition écrite, mais ces symboles sont une forme de communication, à travers l’art. “A l’origine, les symboles Adinkra étaient imprimés sur des tissus que l’on portait pour les enterrements. Ils devaient parler de la vie ! Ces symboles étaient répétés sur le tissu, mais j’en ai isolé un et l’ai reproduit au centre d’un plateau de bois, pour renforcer sa signification.”

Par la suite, El invente ses propres symboles. Ses reliefs en bois des années 90, gravés au rythme de points et de lignes, semblent abstraits. Mais, pour El, c’est en perforant et brûlant les lattes de bois, en les marquant brutalement à la tronçonneuse qu’il raconte l’histoire de l’Afrique, et tout particulièrement l’année 1884, marquée par la conférence de Berlin, alors que les puissances coloniales se partagent le continent. “J’ai pensé à déchirer les matériaux en petits morceaux.”

Objets trouvés

Après ses sculptures de bois, El a commencé à travailler avec les capsules. El adore les objets trouvés, parce qu’ils font partie de la vie. “Si, par exemple, je travaillais avec du bronze, c’est distant. Les gens ne peuvent pas s’y associer. Quand vous touchez des choses qui ont été utilisées auparavant, il se crée une connexion. Parce qu’elles ont été utilisées par l’homme, elles ont une histoire.”

L’utilisation d’objets trouvés n’est pas une nouveauté en Afrique. Cela existait depuis le début. Dans l’art traditionnel africain, les matériaux comme le bois, la peau ou les plumes provenaient de l’environnement dans lequel évoluaient les artistes. “Je voulais transmettre un héritage à mes étudiants. Faire quelque chose de grand, d’étourdissant pour l’observateur. Des centaines, des milliers de capsules de bouteilles. Prenez-le, appropriez-le vous, et transformez-le en quelque chose de nouveau !”

Interprétations multiples

Le travail d’El est souvent constitué de fragments qui, assemblés, forment un tout, et cela vient d’une motivation qui lui est personnelle. A son insu, El a été élevé par son oncle et sa tante. Dans un film de Susan Vogel, il se souvient du choc qu’il a ressenti quand il a découvert qu’il n’était pas leur enfant naturel. Le père biologique d’El avait cinq femmes avec lesquelles il avait eu trente-deux enfants. El était l’un d’eux. “Je me suis demandé : Qui suis-je ?”. En quête de son identité, il a décidé de choisir son propre nom : El Anatsui. A 29 ans, il accepte avec enthousiasme l’invitation de Uche Okeke à enseigner à l’université de Nsukka, au Nigéria, où il vit encore aujourd’hui. Célibataire. “J’utilise des fragments à cause de l’histoire de ma famille, parce que je ne vis pas près d’elle, parce que je ne vis pas dans mon pays.”

Bien souvent, le travail d’El a des significations cachées, mais il ne veut pas les imposer au spectateur. Il préfère laisser son travail ouvert à différentes interprétations. “Comme ma langue maternelle Ewe, qui est tonale. Un mot écrit peut avoir différents sens à l’oral. J’aime quand les choses restent en partie indéterminées.”  [d’après SCULPTURENATURE.COM]

  • photo en tête de l’article : El Anatsui © revue-afrique.com

[INFOS QUALITE] statut : compilé | mode d’édition : compilation par wallonica.org  | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : revue-afrique.com ; artnet.fr ; tate.org.uk ; mutualart.com


Plus d’arts visuels…

Le Baiser de Brancusi est enfin libre

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“Peut-être avez-vous déjà arpenté le cimetière du Montparnasse. Peut-être avez-vous vu le cénotaphe de Baudelaire et sa statue grise. La tombe de Marguerite Duras ornée de pots plantés de stylos. Celle de Gainsbourg, remplie de photos en noir et blanc. Avez-vous déjà marché jusqu’au bout, au bord du mur, dans la 22e division ? C’est là, dans un coin caché loin de l’allée centrale que vous apercevrez une curieuse caisse en bois trouée d’un cercle, haute de plus d’un mètre. Elle surplombe une tombe de 1910 – attention, n’approchez pas : un panneau vous l’interdit, trois caméras et deux alarmes la surveillent nuit et jour.

Tatiana Rachewskaïa (1887-1910) est morte à l’âge de 23 ans, pendue dans sa chambre. Dans un médaillon sur sa stèle, une photographie la montre coiffée d’un chapeau blanc, le regard triste. Issue de la bonne société de Kiev, elle avait débarqué à Paris quelque temps auparavant et s’était inscrite à la faculté de médecine. C’est là qu’elle avait rencontré le médecin d’origine roumaine Solomon Marbais de l’Institut Pasteur, qui non seulement lui donna des cours particuliers, mais devint aussi son amant. À la fin de l’idylle, dans la grande tradition des romans russes, elle se suicida par amour. Les obsèques eurent lieu en décembre. “Sa mère était venue de Moscou. Elle avait convaincu le prêtre de donner, selon la coutume rituelle, un cierge à toutes les personnes présentes et le bedeau chantait : “pardonnez-lui tous ses péchés”…” peut-on lire sous la plume de son ami Ilya Ehrenbourg, un écrivain révolutionnaire. Le docteur Marbais propose à la famille de Tatiana d’orner sa tombe – et justement, il connaît un sculpteur Roumain très prometteur : Constantin Brancusi.

Le jeune Brancusi vient alors de quitter l’atelier de Rodin, convaincu que rien ne pousse à l’ombre des grands arbres”. Pour lui, la sculpture a une fonction spirituelle ; l’apparence importe moins que sa réalité invisible, au cœur de la matière. Sa première version du Baiser, son œuvre majeure, date de 1905. Il y en aura quarante ; chaque nouvelle tentative est plus épurée, tendant plus encore vers l’abstraction que la précédente. Celle qui orne la tombe de Tatiana est la seconde et la seule qui ait été réalisée en ‘taille directe’. La seule qui mesure 90 cm de hauteur et qui montre les amants de la tête aux pieds. Sans ébauche, sans étude préparatoire, Brancusi ne dégage pas les amants de la pierre : ils sont la pierre. Ils en révèlent la pensée, l’esprit, l’essence cosmique de la matière”. Le Baiser est un bloc de calcaire à peine dégrossi dans lequel se dessinent deux bustes de profil collés l’un à l’autre. Seuls les cheveux et le bombé d’un sein distinguent l’homme de la femme. Les corps symétriques s’unissent si parfaitement que vus de face, on pourrait croire à un seul être. Leurs jambes accolées rappellent la tradition roumaine selon laquelle deux arbres plantés côte à côte, près d’une tombe, évoquent la force de l’amour face à l’éternité. “J’ai voulu évoquer non seulement le souvenir de ce couple unique mais celui de tous les couples du monde qui ont connu l’amour avant de quitter la vie” déclare Brancusi en installant son œuvre sur la tombe de Tatiana, en échange d’un billet de 200 Francs.


MONUMENTS ET PATRIMOINE 06.07.2021
Le Baiser de Brancusi : le Conseil d’État déclare que la sculpture ne quittera pas le cimetière de Montparnasse
Le Baiser de Brancusi : le Conseil d’État déclare que la sculpture ne quittera pas le cimetière de Montparnasse
Le Baiser de Brancusi au cimetière du Montparnasse © Wikimedia Commons / Constantin Brancusi
Le Conseil d’État a récemment confirmé la légalité du classement au titre des Monuments historiques du Baiser de Brancusi, qui orne une tombe du cimetière du Montparnasse. Cette décision, très attendue, pourrait signer le retour de la sculpture dans le prestigieux registre et la protéger définitivement des velléités des ayants droit.

Le Baiser de Brancusi : le Conseil d’État déclare que la sculpture ne quittera pas le cimetière de Montparnasse

Le Baiser de Brancusi : le Conseil d’État déclare que la sculpture ne quittera pas le cimetière de Montparnasse
Le Baiser de Brancusi au cimetière du Montparnasse © Wikimedia Commons / Constantin Brancusi

Le Conseil d’État a récemment confirmé la légalité du classement au titre des Monuments historiques du Baiser de Brancusi, qui orne une tombe du cimetière du Montparnasse. Cette décision, très attendue, pourrait signer le retour de la sculpture dans le prestigieux registre et la protéger définitivement des velléités des ayants droit.MONUMENTS ET PATRIMOINE 06.07.2021
Le Baiser de Brancusi : le Conseil d’État déclare que la sculpture ne quittera pas le cimetière de Montparnasse
Le Baiser de Brancusi : le Conseil d’État déclare que la sculpture ne quittera pas le cimetière de Montparnasse
Le Baiser de Brancusi au cimetière du Montparnasse © Wikimedia Commons / Constantin Brancusi
Le Conseil d’État a récemment confirmé la légalité du classement au titre des Monuments historiques du Baiser de Brancusi, qui orne une tombe du cimetière du Montparnasse. Cette décision, très attendue, pourrait signer le retour de la sculpture dans le prestigieux registre et la protéger définitivement des velléités des ayants droit.MONUMENTS ET PATRIMOINE 06.07.2021
Le Baiser de Brancusi : le Conseil d’État déclare que la sculpture ne quittera pas le cimetière de Montparnasse
Le Baiser de Brancusi : le Conseil d’État déclare que la sculpture ne quittera pas le cimetière de Montparnasse
Le Baiser de Brancusi au cimetière du Montparnasse © Wikimedia Commons / Constantin Brancusi
Le Conseil d’État a récemment confirmé la légalité du classement au titre des Monuments historiques du Baiser de Brancusi, qui orne une tombe du cimetière du Montparnasse. Cette décision, très attendue, pourrait signer le retour de la sculpture dans le prestigieux registre et la protéger définitivement des velléités des ayants droit.

L’ŒUVRE RATTRAPÉE PAR SA VALEUR

Après les obsèques, après les pleurs, la petite section 22 de la division 22 tomba dans le sommeil pendant près de 100 ans – elle devient le repaire secret des amoureux et des amants de passage : un écrivain raconte même dans son journal ses ébats aux pieds du Baiser. Et comme toutes les belles choses de ce monde, elle est soudain rattrapée par sa propre valeur, et la tombe entre dans la tourmente.

Le 4 mai 2005 à New York, chez Christie’s, un marbre de Brancusi explose le record mondial pour une sculpture en dépassant les 27 millions de dollars. Tout de suite, le marchand d’art parisien Guillaume Duhamel se met en route. Il retrouve au fin fond de la Russie les heureux descendants de Tatiana Rachewskaïa, la suicidée par amour. S’ils ne connaissent ni Brancusi ni leur aïeule, ils découvrent la tombe dès leur arrivée à Paris et font aussitôt valoir leurs droits – la statue leur appartient, et par l’entremise de Duhamel, ils veulent la vendre aux enchères. Le seul Baiser en taille directe. Le seul qui montre les amants de la tête aux pieds : l’œuvre peut atteindre les 50 millions, estimation basse.

INTERDICTION DE REGARDER LA STATUE

S’ensuit un bras de fer entre les ayants droit et l’État français qui durera 15 ans. L’œuvre de Brancusi est déclarée ‘Trésor National’. Elle est inscrite par le préfet de Paris au titre des Monuments Historiques, la rendant inamovible. Ce dernier considère que la tombe et la statue sont indissociables, elles forment un ‘immeuble’, et pour preuve : la stèle sur laquelle repose le Baiser est signée par Brancusi et porte l’épitaphe à la chère aimable chérie”. Le marchand d’art et la famille saisissent le tribunal et interdisent aux passants de regarder leur statue : c’est alors que la caisse en bois fait son apparition. S’ils sont déboutés en 2018, ils font appel : nous avons de nouveaux éléments” déclare Duhamel. Des factures de la maison de marbrerie en face du cimetière prouvent que la signature et l’épitaphe ont été commandées séparément de la statue, et ne sont pas de la main de Brancusi. Bam.

Le 11 décembre dernier, la cour a donc rappelé que pour bénéficier de l’inscription au titre des monuments historiques, “un bien mobilier doit avoir été conçu aux fins d’incorporation matérielle à cet immeuble, au point qu’il ne puisse en être dissocié sans atteinte à l’ensemble immobilier lui-même.” Or, l’œuvre est dissociable. Complètement dissociable. Et désormais libre. Pour la cour, le préfet a commis une erreur juridique, entraînant l’annulation de son arrêté : la statue n’est plus inscrite aux monuments historiques. Combien de temps avant de retirer la caisse en bois ? Combien de temps avant que la sculpture ne s’envole, laissant Tatiana solitaire ? Une chose est sûre : à quelques allées de là dans le cimetière du Montparnasse, Constantin Brancusi se retourne dans sa tombe.” (d’après MARIANNE.NET)

  • Lire aussi “Brancusi : la suicidée, le baiser et les millions” sur LEXPRESS.FR
  • Illustration : Brancusi, Le Baiser © LEXPRESS.FR

[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation par wallonica.org  | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © express.fr


Plus de matière…

SHIOTA Chiharu (née en 1972)

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© Philippe Vienne

Née à Osaka au Japon en 1972, Chiharu SHIOTA vit et travaille à Berlin depuis 1997. Ces dernières années, l’artiste a été exposée à travers le monde, notamment au New Museum of Jakarta, Indonésie, au SCAD Museum of Art, États-Unis, au K21 Kunstsammlung NRW, Düsseldorf, ou encore au Smithsonian, Washington DC. En 2018, elle expose au Musée de Kyoto et, en 2019, aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique ainsi qu’au Mori Art Museum de Tokyo.

Les installations spectaculaires de Chiharu Shiota transforment les espaces dans lesquels elles se déploient, et immergent le visiteur dans l’univers de l’artiste. Elles associent des matières textiles telles que la laine et le coton à différents éléments, formes sculptées ou objets usagés.

L’artiste combine performances, art corporel et installations dans un processus qui place en son centre le corps. Sa pratique artistique protéiforme explore les notions de temporalité, de mouvement, de mémoire et de rêve et requièrent l’implication à la fois mentale et corporelle du spectateur. La participation très remarquée de Chiharu Shiota à la Biennale de Venise, où elle représentait le Japon en 2015, a confirmé l’envergure internationale de son travail. (d’après FINE-ARTS-MUSEUM.BE)

© pen-online.com

Un piano brûlé dans un espace couvert d’innombrables fils. Un bateau flottant dans une mer de fils rouges qui semble jaillir. Le spectateur est attiré dans le monde des œuvres d’art comme s’il était enchevêtré dans l’immense mer de fils. L’œuvre de Chiharu Shiota projette une vision du monde bouleversante qui est proprement inoubliable. L’année dernière, plus de 660 000 personnes ont visité la rétrospective Chiharu Shiota: The Soul Trembles au musée d’art Mori, soit la deuxième plus grande fréquentation d’une exposition dans l’histoire du musée. De nombreux visiteurs se sont rendus à l’exposition plus d’une fois. Il y a donc quelque chose de très captivant dans son œuvre qui attire constamment ses admirateurs — mais de quoi s’agit-il ?

“Jusqu’à présent, c’est la première exposition qui a réussi à suivre le concept de la mort de si près”, a déclaré Shiota. Il s’agissait de la plus grande exposition individuelle de son œuvre jamais réalisée, la rétrospective retraçant ses activités artistiques sur 25 années. Le lendemain de l’événement, Shiota apprenait la nouvelle de la récidive de son cancer. L’exposition, qui a été préparée et réalisée alors qu’elle luttait contre sa maladie et faisait face à un avenir incertain, fut un tournant crucial pour elle.

“Tout était si systématique à l’hôpital, et mes sentiments et mon cœur semblaient avoir été mis de côté », a-t-elle révélé. « J’ai eu le sentiment que je ne pouvais pas m’entretenir sans continuer à réaliser des œuvres“, a-t-elle ajouté. “J’ai ainsi réalisé une œuvre d’art en utilisant mon sac de médicaments contre le cancer, ou encore j’orientais la caméra sur moi pendant que je perdais mes cheveux.” Ainsi, les œuvres de Shiota des années 1990 à 2000 semblent porter un parfum de mort. 
“Parce que j’essayais simplement de vivre, je faisais de mon mieux. Où irais-je si je venais à mourir… ? C’est de là que j’ai tiré le mot “âme” pour le titre de l’exposition”.

Lits rouillés, robes, vieilles clés, fenêtres, pianos silencieux… “l’existence dans l’absence”, qui met en évidence la mémoire des choses, a toujours été son thème de prédilection. Shiota explore la respiration que l’on peut observer en cette absence, comme si elle se concentrait sur le filage d’un fil. (lire la suite sur PEN-ONLINE.COM)

© voir-et-dire.net

Quand une artiste exprime l’angoisse liée à la reprise de son cancer en produisant une oeuvre magistrale. (…) Il demeure une grande différence entre le combat que mène saint Georges (…) contre le dragon et celui qui oppose saint Michel et la bête. Le premier blesse d’abord l’animal et ne le tue qu’après avoir reçu l’assurance de la conversion de la population au christianisme. Le dragon n’est qu’un dragon et l’homme d’action demeure un conquérant, porté par un idéal. Saint Michel appartient à une catégorie de héros non humains et son ennemi, même sous les apparences d’un dragon, est d’abord un symbole du mal. Or, ce mal qui peut être extérieur à nous, nous habite aussi au-dedans. L’archange incarne dès lors des forces que nous pouvons (devons) trouver en nous-mêmes. On remarquera alors que saint Michel ne tue pas le dragon mais qu’il le terrasse. La différence est de taille puisque, par cet acte, il ne fait que le réduire au silence… passager. Le mal demeure, latent et toujours menaçant. Le serpent souterrain peut sortir de sa tanière. Comme certaines pulsions. Mais aussi comme le cancer. Face à lui, que devient le combat dès lors qu’on est un artiste ? L’œuvre de la Japonaise Chiaru Shiota aujourd’hui présentée dans la galerie Templon Bruxelles en est l’expression. Observons. Sur et autour d’un amoncellement de parapluies sombres disposés en une montagne impossible à gravir, tombe une pluie dure et noire faite de fils tendus et impénétrables.

En 1999 déjà, Chiaru Shiota, alors âgée de 27 ans, posait la question de sa propre fragilité de femme en créant un environnement inaccessible fait de robes de sept mètres de haut, couvertes de terre qu’un ruissellement continu, peu à peu, comme les jours d’une vie, lavait mais jamais jusqu’au retour de la blancheur des tissus. Demeuraient des traces, une mémoire. Mais à peine.

© Philippe Vienne

L’eau était encore présente, mais de manière allégorique lorsque, pour la Biennale de Venise 2015, elle créa un environnement immersif au centre duquel une embarcation, ouverte à la manière d’une main, était emportée par un nuage organique de 400 km de fils rouges auxquels étaient accrochés, comme pour stopper l’inévitable destin, 180 000 clés. (lire la suite sur VOIR-ET-DIRE.NET)


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Plus d’arts visuels…

FRITSCHER, Susanna (née en 1960)

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© susannafritscher.com

Au cœur de l’architecture blanche du Centre Pompidou-Metz, Susanna FRITSCHER, transforme en paysage imaginaire une des galeries suspendues entre terre et air.

L’artiste autrichienne installée en France qui a récemment fait basculer les espaces des Mondes Flottants” de la Biennale de Lyon, du Musée d’arts de Nantes et du Louvre Abu Dhabi dans l’immatérialité, réinvente notre relation au réel, à ce qui nous entoure, à l’environnement qu’elle soulève, trouble, confondant l’atmosphère avec l’architecture qui devient liquide, aérienne, vibratile.

“Les matériaux que j’utilise, plastiques, films, voiles ou fils, sont si volatiles qu’ils semblent se confondre avec le volume d’air qu’ils occupent. Dans le jeu qu’ils instaurent dans et avec l’espace, la matérialité bascule et s’inverse : l’air a désormais une texture, une brillance, une qualité ; nous percevons son flux, son mouvement. Il acquiert une réalité palpable, modulable – une réalité presque visible – ou audible, dans mes œuvres les plus récentes qui peuvent se décrire en termes de vibration, d’oscillation, d’onde, de fréquence…” précise l’artiste.

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Elle explore le système d’aération du Centre Pompidou-Metz comme un organisme dont elle capte le pouls. Les pulsations de l’air qui émanent de son métabolisme deviennent la matière première d’une chorégraphie de lignes formées par les longs fils de silicone qui captent et reflètent la lumière. Les vagues ondulatoires sans cesse réinventées se propagent et mettent en branle cette forêt impalpable que les visiteurs sont invités à traverser. La nef du centre d’art résonne et amplifie les flux d’air qui y circulent et qui la métamorphosent en un immense corps sonore, instrument à vent qui laisse sourdre les souffles libérés du bâtiment.

Ce belvédère sensible et propice à la contemplation capte les mouvements et frissonnements de la nature. Comme par capillarité, les rythmes générés par ces lignes infinies de silicone, que Susanna Fritscher dompte et orchestre, vibrent et s’harmonisent à l’unisson avec ceux des corps des visiteurs-promeneurs, invités à se détacher de la pesanteur, de la gravité. Cet environnant rend également perceptible l’instabilité du temps présent et ses frémissements figurent alors un prélude ou une invitation à de possibles soulèvements. (lire l’article complet sur centrepompidou-metz.fr)

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L’artiste (…) bouleverse notre réalité, jusqu’au rapport à notre propre corps, elle tisse une sorte de gigantesque piège inversé, sans en avoir l’air. Avec une fausse neutralité, elle nous laisse libre d’y pénétrer ou de rester aux marges. Rien de spectaculaire, aucune séduction bonimenteuse, aucune couleur séductrice, pas une once de pittoresque. Aucun repère fourni. Rien que du blanc plus, ou moins transparent et mouvant selon les œuvres.

“Où rien ne fait image… “, ainsi que l’écrit Philippe-Alain Michaud dans l’un de ses catalogues. Et pourtant, si la beauté du dispositif fait d’air et de lumière nous attire comme les abeilles sur le miel, c’est que l’œuvre a un fort pouvoir. Son architecture arachnéenne reste mystérieuse tant qu’on n’a pas pénétré son cœur. Alors seulement, on distingue de très longs fils ou des rubans de plastique plus ou moins fins, plus ou moins transparents. Une fois prisonniers de ces rets, on se questionne : pendent-ils d’en haut ou montent-ils d’en bas ? Sont-ils mus par eux-mêmes ou à notre passage uniquement ? Qui les manœuvrent ? Forment-ils des écrans translucides pour nous cacher quelque chose ou seulement pour tromper notre rétine, ou les deux ? On ne s’explique rien. L’air devient vivant, rythmé. Telle une texture, tel un tissage fluide, il flotte ou se gonfle. (lire l’article complet sur connaissancedesarts.com)

En savoir plus sur le site de Susanna Fritscher…


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : compilation par wallonica.org  | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations :  susannafritscher.com ; culture-grandparisexpress.fr


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