Alcool : c’est quoi le binge drinking ? comment savoir si on est concerné ?

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[THECONVERSATION.COM, 11 juillet 2024] Le binge drinking se caractérise toujours par une consommation importante d’alcool, en un temps très court et de manière fréquente. Cirrhose, AVC, accidents de la circulation… les conséquences sur la santé physique et mentale des binge drinkers peuvent être très graves. Un test en ligne permet de faire le point sur sa consommation.

L’expression binge drinking est entrée dans le langage courant pour évoquer une consommation excessive et ultrarapide d’alcool, censée représenter un comportement caractéristique de la jeunesse. La jeunesse boit beaucoup moins régulièrement mais beaucoup plus par occasion. On parle souvent de bitûre ou beuverie express, de se mettre une caisse ou une mine.

© magicmaman.com

Le cerveau chez un adolescent (jusqu’à 25 ans) est en pleine maturation et se prend de plein fouet des “alcoolisations paroxystiques” au moment de la vie où le cerveau est le plus sensible aux effets euphorisants de l’alcool et le moins sensibles à ses effets aversifs (effets sédatifs, hypnotiques)…

Dans toutes les enquêtes françaises, c’est le terme “alcoolisation ponctuelle importante” qui est choisi. Il correspond à au moins 6 verres pour les adultes, soit environ une bouteille de vin, et à 5 verres ou plus pour les adolescents. Mais il ne correspond pas vraiment à une définition du binge drinking.

Cirrhose, AVC, accidents de la route… et autres conséquences sanitaires et sociales

Le binge drinking est alarmant du point de vue de la santé publique. Il est associé à des problèmes de santé physiques et psychologiques. Il entraîne des risques d’accidents de la route, des rixes, des pertes de mémoire (blackouts), des viols, des comas éthyliques, de décès, d’échec scolaire… Il augmente aussi d’environ 3 fois le risque de devenir alcoolodépendant et de développer certaines maladies (cirrhose du foie, AVC, troubles du rythme cardiaque, etc.) ou atteintes cognitives.

Les maladies du foie liées à l’alcool atteignent un niveau critique et même si la consommation d’alcool a diminué en 60 ans, le binge drinking qui progresse emmène avec lui la mortalité due aux maladies du foie.

Un seul épisode d’alcoolisation rapide peut laisser des traces à long terme dans le cerveau. Une étude a montré qu’une seule soirée de biture express peut modifier le volume de certaines parties du corps calleux, c’est-à-dire des fibres nerveuses qui connectent nos deux hémisphères cérébraux, jusqu’à 5 semaines plus tard.

Une étude chez l’animal suggère que deux épisodes d’alcoolisation pourraient suffire pour induire des déficits de mémorisation. Seraient impliqués des mécanismes épigénétiques et inflammatoires.

Un comportement qui ne date pas d’hier

Le terme anglais binge drinking apparait la première fois en 1854 dans un glossaire des mots de miss Anne E. Baker du comté de Northamptonshire, dans la phrase : “A man goes to the alehouse to get a good binge or to binge himself.” On pourrait traduire cette phrase par : “Un homme se rend au cabaret pour faire une bonne beuverie ou se saouler.” Binge viendrait du mot bung, l’orifice par lequel on remplit un tonneau. À la fin des années 60, ce terme est retrouvé dans les enquêtes nationales sur les conduites d’alcoolisation aux USA pour signifier “5 doses d’alcool.”

HOGARTH W., A Midnight Modern Conversation (1733) © Metropolitan Museum of Art

Le comportement de binge drinking ne date donc pas d’hier, comme on peut le voir, par exemple, sur cette lithographie de William Hogarth de 1733, illustrant une scène de beuverie dans un salon.

À partir de quand est-on un binge drinker ?

La définition du binge drinking est très variable entre les pays et il convient d’être très vigilant car les verres standards des différents pays ne contiennent pas tous la même quantité d’éthanol pur (10 g en France, 8 g au Royaume-Uni ou encore 14 g aux USA).

C’est dans une newsletter publiée en 2004 que l’Institut National sur l’Abus d’Alcool & l’Alcoolisme américain (NIAAA) définit le binge drinking comme la consommation d’au moins 7 verres chez les hommes et 4 verres chez les femmes (transformés ici en équivalents des verres standards français) en moins de deux heures, en atteignant une alcoolémie atteinte de 0,8 g/L au minimum. Le binge drinking correspond à l’épisode de consommation.

En revanche, c’est l’intensité, la fréquence et les conséquences de cette consommation qui vont définir la personne concernée, c’est-à-dire le binge drinker. Pour être considéré comme un binge drinker, cette consommation excessive d’alcool doit s’être produite durant le mois qui vient de s’écouler, complète l’agence SAMHSA (pour Substance Abuse and Mental Health Services Administration) en charge de la santé publique aux États-Unis.

Dans d’autres études, la période prise en compte pour définir le binge drinker varie : le comportement d’alcoolisation excessive et rapide doit avoir eu lieu une fois durant les deux dernières semaines, une fois par semaine durant les 3 derniers mois ou encore une fois durant l’année écoulée.

Des chercheurs ont proposé le calcul d’un score de binge en additionnant la vitesse de consommation – le nombre de verres bus par heure (qui occupe le poids le plus important dans la formule) – au pourcentage correspondant au nombre de fois où l’on est saoul (sur un nombre total d’occasions de boire) et au nombre de fois où l’on a été saoul les 6 derniers mois.

Testez-vous en ligne et évaluez votre consommation

Le BDCT ou Binge Drinking Classification Tool est un outil de classification du binge drinking disponible en ligne qui a été développé récemment pour se situer dans ce comportement qui est en fait un continuum.

Cliquez pour accéder au questionnaire en ligne…

Du binge drinking à haute voire très haute intensité

Consommer 6 à 7 verres d’alcool en 2 heures pour atteindre une alcoolémie de 0,8g/L (niveau I) peut en fait constituer un seuil assez bas. En effet, il n’est pas rare d’avoir des épisodes de consommation beaucoup plus intenses de deux fois (niveau II), trois fois (niveau III) voire même quatre fois ce seuil. On parle alors de binge drinking « extrême ». Cela a ainsi amené les chercheurs à définir le binge drinking à haute intensité et très haute intensité. Les conséquences à court terme et à long terme ainsi que le profil des binge drinkers peuvent donc être complètement différents.

Une étude américaine a par exemple montré que le binge drinking de niveau I multiplie par 13 le risque de se retrouver aux urgences. Les niveaux II et III multiplient respectivement ce risque par 10 et par 93. Nous avons récemment proposé des critères objectifs avec des mesures opérationnelles du binge drinking et des binge drinkers :

      • Les épisodes de binge drinking doivent entraîner des effets physiologiques (alcoolémie significative) et psychologiques (ivresses) fréquents (au moins 2 fois par mois durant les 12 derniers mois),
      • La consommation doit être rapide,
      • Les épisodes de binge drinking doivent être entrecoupés de périodes sans consommer,
      • Il faut déterminer si le binge drinker est déjà alcoolodépendant, s’il a des parents eux-mêmes touchés par l’alcoolodépendance et s’il n’est pas atteint du syndrome d’alcoolisation fœtale,
      • Enfin, il faut savoir si le binge drinker souffre d’autres addictions et maladies psychiatriques.
Critères objectifs de mesure du binge drinking…

Prendre aussi en compte les profils individuels et l’environnement social

Nous avons mené une étude qui montre que les patients vus aux urgences ne présentent pas les mêmes caractéristiques, selon que l’on se base sur la définition de l’Organisation mondiale de la santé ou OMS (6 verres par occasion) ou sur celle de l’institut NIAAA américain (6 à 7 verres en 2h et une alcoolémie de 0,8g/L). Le binge drinking tel qu’il est défini par le NIAAA identifie des patients qui ont une problématique de consommation d’alcool plus grave et surtout des séquelles liées à cette consommation elles aussi plus sévère […]

Mickael Naassila, Physiologiste GRAP-INSERM UMR 1247


[INFOS QUALITE] statut : validé, republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : theconversation.com | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © theconversation.com (CC) ; © magicmaman.com ; © Metropolitan Museum of Art ; © GRAP-INSERM UMR 1247.


Plus de question de vie en Wallonie…

BOURDEAUT : J’ai décidé de me séparer de ce téléphone, si intelligent qu’il me rendait parfaitement débile

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[FRANCEINTER.FR] Après l’immense succès de son premier roman, En attendant Bojangles (2016), Olivier BOURDEAUT vient de publier Pactum Salis. Invité pour en parler au micro d’Augustin Trapenard dans Boomerang, l’écrivain s’est lancé à l’antenne dans une très belle ode à l’ennui et à l’observation…

Invité au micro d’Augustin Trapenard, Olivier Bourdeaut affirme que l’ennui est “primordial dans la vie des gens“. Et dans la sienne ? Il estime que l’ennui est même fondateur :

Si je ne m’étais pas ennuyé autant lorsque j’étais enfant, je pense que je n’aurais jamais écrit de romans. C’est bien de laisser son esprit vagabonder, ses yeux s’accrocher à des détails, je pense que ça structure la cervelle – en tous cas ma petite cervelle à moi…

Ode à l’ennui et à l’observation

“Le téléphone intelligent a de nombreuses qualités. Ce n’est pas à moi d’en faire l’article, ses promoteurs s’en chargent à merveille à la télévision, dans les magazines et sur les murs des bâtiments parisiens en rénovation. En tant qu’abominable égoïste, je me moque royalement de ce que font les autres. Je me contente de me satisfaire, tous les jours, de la disparition du téléphone intelligent dans ma vie, il y a maintenant sept ans.

J’ai une chance inouïe : je vis désormais de mon écriture et c’est un luxe.

J’ai la naïveté de penser qu’un peu d’imagination n’est pas pas totalement absurde lorsqu’on écrit des romans. Or, à mon sens, et ce n’est que mon avis, l’imagination est le fruit de deux choses fondamentales : l’ennui, à qui on donne trop souvent un drôle de mauvais rôle, et l’observation, qui n’est pas seulement un terme médical.

Pourquoi observer le monde autour de soi quand on peut lire ses notifications Facebook et regarder des vidéos avec des chatons ? © cosmoglobe

Il s’avère que le téléphone intelligent est le plus féroce ennemi de ces deux activités de fainéants que sont l’ennui et l’observation. Ce charmant objet, si pratique, si nécessaire, si vital, fait peu à peu disparaître ces deux activités primordiales du cerveau humain.

Pourquoi s’ennuyer quand on peut regarder des vidéos de chatons dans une salle d’attente, et pourquoi regarder ses voisins dans la même salle d’attente lorsqu’on peut regarder des notifications Facebook de la plus haute importance, ou encore des vidéos d’abrutis qui se renversent un seau d’eau sur le visage pour sauver un bébé panda ou faire baisser la température terrestre ?

J’ai réalisé il y a sept ans que j’étais beaucoup trop sensible aux vidéos de chatons et aux notifications Facebook pour pouvoir y résister. J’ai donc décidé de me séparer de ce téléphone, si intelligent qu’il me rendait parfaitement débile…

Depuis, lorsque je sors d’une salle d’attente, je sais combien de personnes s’y trouvaient, j’ai tenté de deviner ce qu’ils faisaient comme métier, quelle maladie ils pouvaient bien avoir et j’ai construit dans ma petite cervelle pleine d’ennui le roman de leur vie. Le monde n’est plus dans le fond de ma poche mais sous mes yeux, et c’est bien suffisant pour me rendre heureux.


[INFOS QUALITE] statut : validé | source : interview d’Olivier Bourdeaut (avec pubs) par Augustin Trapenard, sur FRANCEINTER.FR (article du 22 janvier 2018) | mode d’édition : compilation (et corrections) par wallonica | commanditaire : wallonica.org | contributeur : Patrick THONART | crédits illustrations : © boligàn © cosmoglobe


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