TRIBUNE : Généralisons enfin l’Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (E.V.R.A.S.)

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[LAICITE.BE, 05 juillet 2023] Les constats sont nombreux qui justifient la nécessité de généraliser une éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) de qualité auprès de tous les jeunes et les enfants. Aujourd’hui pourtant, on observe encore de grandes résistances face à l’Evras.

L’éducation relationnelle, affective et sexuelle est, depuis toujours, un sujet sensible, qu’il s’agisse de celle qui se fait à l’école ou dans les familles, de manière formelle ou informelle. Entre celles et ceux qui trouvent qu’on en dit trop, pas assez, pas correctement, ou encore pas au bon âge… des débats animés agitent les nombreux acteurs concernés. L’éducation sexuelle, qui existe depuis plus de 50 ans en Belgique, répond pourtant à des préoccupations sociales essentielles et à un enjeu de santé publique. La législature actuelle a vu la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Région wallonne et la Cocof vouloir garantir l’accès à l’Evras pour toutes et tous les élèves grâce à un Accord de coopération qui les engage. Le Conseil d’État vient de se prononcer positivement sur le projet. Tous les signaux sont donc au vert. Posons dès lors enfin les premiers jalons de la généralisation de l’Evras en milieu scolaire !

Historiquement, en Belgique, l’éducation sexuelle a été instituée pour répondre aux besoins de prévention liés aux infections sexuellement transmissibles (IST) ainsi qu’aux grossesses non-désirées. Au cours des années, les questions liées à la santé sexuelle et aux relations amoureuses ont évolué. L’éducation sexuelle s’est elle aussi adaptée afin de correspondre à ces changements importants de paradigmes, comme la dépénalisation partielle de l’avortement dans les années 90, la légalisation du mariage pour les homosexuels et homosexuelles en 2003. Aujourd’hui, d’autres enjeux sont enfin pris en considération : ceux du sexisme (60 % des jeunes Belges subissent des pressions pour se conformer à l’image stéréotypée de l’homme ou de la femme), des violences sexuelles (un ou une Belge sur deux a déjà été exposé à une forme de violence sexuelle), ou encore de l’inceste, de la pornographie, du harcèlement, des stéréotypes de genre, etc. Ces chiffres montrent que les jeunes sont, dans une grande majorité, susceptibles d’être un jour victimes de ces violences, et ce risque est d’autant plus important pour celles et ceux qui appartiennent à des minorités sexuelles ou de genre. Les jeunes bisexuel (le) s et homosexuel (le) s sont par exemple deux à dix fois plus souvent concerné(e) s par les violences intrafamiliales et 1/3 des jeunes transgenres évitent d’exprimer leur expression de genre (vêtement, coiffure, apparence, etc.) par peur des conséquences négatives.

Pour faire des choix libres et responsables

Ces différents constats, loin d’être exhaustifs, justifient déjà pleinement la nécessité de généraliser une éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evras) de qualité auprès de tou (te) s les jeunes et les enfants. Cette Evras vise à les outiller pour qu’ils ou elles puissent facilement faire des choix responsables qui respectent leur intégrité, leur bien-être et celui des autres. Comme à son origine, l’Evras constitue une politique de prévention destinée à améliorer la santé publique, mais en élargissant ses domaines de compétences au-delà de la sphère de la santé purement physique. C’est d’ailleurs toute la révolution de l’Evras : une approche globale et positive du relationnel, de l’affectif et de la sexualité.

En permettant aux enfants et aux jeunes d’accéder à cette éducation au sein de leur parcours scolaire, l’Evras assure par ailleurs une mission d’égalité des chances : l’ensemble des enfants et des jeunes peut ainsi obtenir des réponses adaptées aux questions qu’ils et elles se posent. Comme sur les autres sujets, cette mission de l’école ne se substitue en aucun cas à l’éducation des parents : elle permet de compléter les informations données au sein des familles, d’offrir un espace de parole bienveillant aux enfants et aux jeunes et, dans certains cas, de dépasser les tabous qui survivent dans certaines familles, qu’ils soient d’origine générationnelle, religieuse, culturelle, etc.

© lesoir.be

Dans tous les cas, les thématiques abordées lors des animations Evras et la manière dont elles sont présentées doivent toujours être adaptées aux jeunes qui y prennent part : non seulement parce que les animateurs et animatrices professionnel (le) s adaptent leurs propos à l’âge des élèves à qui ils et elles s’adressent, mais surtout parce qu’ils et elles partent du questionnement des élèves pour construire les animations. Ainsi, celles-ci ne devancent jamais les questions qui ont émergé au sein du groupe ; même si certains sujets sont systématiquement abordés à titre de prévention, comme le harcèlement, les infections sexuellement transmissibles ou encore la contraception. Ces réponses vont d’ailleurs toutes dans le sens du bien-être physique et psycho-social des jeunes et, surtout, suivent les recommandations de référentiels nationaux et internationaux reconnus (notamment ceux de l’OMS, d’Amnesty International ou encore de Child Focus).

Aujourd’hui pourtant, on observe encore de grandes résistances face à l’Evras. Les objectifs d’autonomisation des jeunes, de réduction des inégalités et d’amélioration de la santé publique en matière de sexualité, qui en constituent le cœur, doivent pourtant nous rassembler autour de sa défense : parce qu’elle permet à toutes et tous d’opérer des choix libres et éclairés dans leur vie relationnelle, affective et sexuelle, dans le respect de soi et des autres. Parce qu’elle permet aux jeunes de s’outiller contre certaines violences, et aux animateurs et animatrices de repérer des situations problématiques. Mais aussi parce que la généralisation de l’Evras, telle que pensée aujourd’hui en Belgique, est une mission de protection de la santé et du bien-être de l’enfance ; une mission nécessaire et essentielle.

Signataires : FAPEO (Fédération des Associations de Parents de l’Enseignement Officiel), CODE (Coordination des ONG pour les Droits de l’Enfant), Solidaris, Mutualité chrétienne, Child Focus, Susann Wolff, professeure de psychologie clinique à l’UCL et à l’ULB, Eveline Jacques, psychothérapeute, Amnesty, Prisme, Centre d’Action Laïque (CAL), CHEFF, Sofélia, Fédération des Centres de Planning et de Consultations (FCPC), Fédération des Centres Pluralistes de Planning Familial (FCPPF), Fédération Laïque des Centres de Planning Familial (FLCPF), O’YES

Cette carte blanche a été publiée sur lalibre.be le 30.06.2023…


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition et iconographie | source : laicite.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © NC ; © lesoir.be.


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PSYCHOLOGIE : Le triangle de Karpman expliqué aux enfants

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[PAPAPOSITIVE.FR] Le triangle de Karpman, connu également sous le nom de triangle dramatique, est un triangle représentant les relations entre trois rôles d’un jeu psychologique dangereux : le Persécuteur – le Sauveur – la Victime. Comme le résume parfaitement Christel Petitcolin dans son livre Victime, bourreau ou sauveur : comment sortir du piège ? :

Le Persécuteur/Bourreau attaque, brime, humilie, donne des ordres et provoque la rancune. Il considère la victime comme inférieure.
Le Sauveur étouffe, apporte une aide inefficace, crée la passivité par l’assistanat. Il considère aussi la victime comme inférieure et lui propose son aide, à partir de sa position supérieure.
La Victime apitoie, attire, énerve… Elle se positionne comme inférieure et cherche un Sauveur ou un Persécuteur pour conforter sa croyance…

Lorsque le triangle est en place, les individus passent d’un rôle à l’autre mais cela se solde invariablement par de la souffrance.

© papapositive.fr

LE TRIANGLE DE KARPMAN DANS LA VIE DE NOS ENFANTS

Grâce à des attitudes et des méthodes de communication adéquates, il est possible d’éviter à nos enfants d’entrer dans ce triangle dramatique (et de l’identifier avant qu’il ne fasse des dégâts). Il est nécessaire d’être particulièrement attentif aux signes de son émergence d’ailleurs car, à l’école par exemple, il peut rapidement se mettre en place de façon sournoise via du harcèlement, des humiliations, des exclusions sociales par des pairs qui font l’expérience du pouvoir et reproduisent ce qu’ils observent parfois à la maison ou dans les séries télévisées.

Dans cette logique, je vous propose de partager avec vos enfants deux outils qui accompagneront vos explications principales sur le triangle :

© papapositive.fr
      • accepte-toi comme tu es ;
      • refuse que les critiques te fassent souffrir, elles ont l’importance que tu leur accordes ;
      • personne n’a le droit de te faire du mal ;
      • demande clairement ce dont tu as besoin à quelqu’un, sans essayer de le manipuler ;
      • traite les autres avec respect et bienveillance ;
      • respecte leur avis, même si tu n’as pas le même ;
      • traite-toi avec respect et bienveillance, sois ton meilleur ami ;
      • apporte ton aide si quelqu’un te la demande et ne réclame pas de contrepartie (mais ne refuse pas si l’on t’en propose une, car s’aider mutuellement est la base pour vivre ensemble et quelqu’un qui est aidé aime bien se sentir utile à son tour) ;
      • sois conscient de tes forces et de tes faiblesses ;
      • dis STOP lorsque tu n’aimes pas ce qu’on te fait et éloigne-toi d’une situation qui te fait souffrir. Ne reste pas seul en cas de doute, confie-toi, il y aura toujours quelqu’un pour t’aider ;
      • utilise des mots pour verbaliser tes émotions, sans agresser (“Je ressens…”, “Je demande…”) ;
      • accepte ta part de responsabilité ans les échecs comme dans les réussites, tu as le pouvoir d’agir et de choisir ;
      • présente tes excuses et essaie de réparer lorsque tu as blessé quelqu’un ;
      • sois conscient de la présence des personnes qui t’aiment, te soutiennent et à qui tu peux te confier ;
      • demande de l’aide si tu rencontres une difficulté ou si tu as besoin de parler.

ATTENTION : LE TRIANGLE DE KARPMAN DANS LA PARENTALITÉ

Notons que ces jeux de manipulation sont fort répandus dans notre société et trouvent leurs racines dans notre enfance. Exemple de scénario : l’enfant est une Victime évidente (car il est dépendant) et les parents jouent tour à tour le rôle de bourreau et de sauveur (via les compliments, les menaces, le chantage, les comparaisons, les jugements, les récompenses, punitions, etc.). C’est comme cela que le schéma de ce jeu psychologique se met en place et se perpétue.

Mais il y a d’autres configurations possibles : Le parent Persécuteur a peut-être été lui-même persécuté. Il reproduit donc ce qu’il a vécu en se montrant trop exigeant, anxieux, intolérant, répressif… L’enfant sera donc privé de liberté, ne pourra pas montrer ses émotions, sera stressé et aura tendance à développer des complexes (notamment d’infériorité).

Le parent Sauveur sera trop laxiste et tentera sans cesse de plaire à son enfant. L’enfant deviendra capricieux, manipulateur et peu volontaire. Il ne développera pas son autonomie.

Le parent Victime est un parent infantile. Il ira même jusqu’à réclamer de se faire materner par ses propres enfants. Cette situation ne contribue pas au développement des enfants qui endosseront le rôle de Sauveur, négligeant leurs besoins au profit de la satisfaction et de la reconnaissance d’autrui.

Bibliographie

PETITCOLIN C., Victime, bourreau ou sauveur : comment sortir du piège ?

ROSENBERG M.B., Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs)

S.A., Boostez votre parcours professionnel avec le mind mapping

LAGRENAUDIE C. & BERNHARDT A., Êtes-vous ce que vous voulez être ?

BERNE E., Des jeux et des hommes

Jean-François [X], papapositive.fr


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, correction, édition et iconographie | sources : papapositive.fr | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : papapositive.fr .


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