FRANÇOIS, Bénédicte (née en 1966)

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Bénédicte François, une alchimie de la couleur

À l’heure où l’art conceptuel se perd dans les byzantinismes pseudo-intellectuels les plus abscons, où la veine néo-figurative cultive la redite et la banalité du quotidien, où l’hyperréalisme se perd sur les affligeants chemins du prosaïsme, où les représentations iconiques de l’art pop se confondent avec les vaines images publicitaires des Insta-influenceurs, l’art de Bénédicte François est comme une oasis où beauté plastique et harmonie rayonnent en permanence. Son activité a marqué le paysage artistique liégeois de ces trois dernières années et ne cesse de faire de nouveaux émules…

Véritable quête de l’art pour l’art, son œuvre renoue avec l’expression gestuelle et l’énergie de l’abstraction non-figurative — elle en est l’émanation et la synthèse —, tout en prolongeant l’histoire de ce courant par ses propres spécificités formelles et esthétiques. Si ses tableaux transcrivent sur deux dimensions la légèreté graphique des mobiles de Calder (leur donnant une touche « vintage »), on retrouve également dans son ADN artistique le chromatisme musical d’un Paul Klee, le dialogue de figures simples et épurées comme Masanari Murai ou Raoul Ubac l’ont imaginé ; elle cloisonne la couleur à la manière d’un Maurice Estève ou d’un Serge Poliakoff, sa géométrisation des formes s’inscrit dans la tradition d’un Piet Mondrian ou d’un Walter Dexel. Pourtant, son art est bien plus que cela, il a sa propre spécificité, une autonomie qui le rend reconnaissable entre tous. Il résulte par ailleurs d’une dynamique évolutive qui fait entrevoir un cheminement incessant. L’artiste refuse de s’enfermer dans une manière, elle est en quête continue de nouvelles recherches techniques. Sa quête du Beau se marque par une absence de tout signifiant. Son travail est un pur jeu formel, confirmé par le choix de ne pas donner de titres à ses tableaux afin d’éviter tout sens abscons ou toute orientation qui détournerait le spectateur du seul contenu esthétique.

© The Street Lodge

Dans ses tableaux, Bénédicte François propose une combinaison de courbes, de contrecourbes, de surfaces rondes ou ovales qui, bien que statiques d’apparence, semblent une mécanique du mouvement à l’état pur. Elles dégagent une énergie continue et semblent danser autour de leur centre de gravité.

À la fois vives et délicates, les formes qui en découlent sont systématiquement rehaussées par un échantillon limité de couleurs. À la teinte du fond (souvent blanche et/ou crème, plus rarement grise ou brun foncé), l’artiste associe trois ou quatre coloris différents (rarement plus). L’une de ces couleurs endosse souvent le rôle d’élément perturbateur, de pigment contestataire et frondeur. L’intrusion du vert vif (parfois de l’orange) dans le dialogue qu’entament le bleu foncé et le rouge sang (ou le bleu ciel et le rose) suscite une tension chromatique qui surprend de prime abord le spectateur. Ce dernier finit pourtant par admettre que ce qui eût pu relever de la combinaison criarde engendre au contraire une harmonie inédite, subtile et délicate. Cette manière de faire est une marque de fabrique de la plasticienne. On la retrouve œuvre après œuvre. Elle démontre à quel point Bénédicte François est une coloriste toute en finesse, une alchimiste des pigments.

Avec le temps, les courbes et les formes cloisonnées — dont certaines s’apparentent à des galets stylisés à l’extrême — ont fini par ne plus se contenter d’un fond uniforme. L’arrière-plan des toiles s’est complexifié au point de prendre le dessus sur les figures ludiques auxquelles Bénédicte François s’est adonnée depuis ses débuts. Cet arrière-fond a fini par gagner en densité, en strates préparatoires complexes, en aplats savants qui donnent à chaque tableau une dimension spatiale supplémentaire, un sentiment de profondeur, de pénétration, bien que la créatrice se défende de faire appel aux règles de la perspective classique. Pourtant, le regard s’enfonce dans une infinité d’abîmes imaginaires, il jouit de ce travail de la couleur pure qui tire sa force de sa seule vibration. La maîtrise totale des couleurs s’y exprime à travers une palette de teintes encore plus réduite. Les rares coloris finissent par fusionner avec la couleur dominante, absorbés dans leur éclat avec la puissance attractive d’un trou noir. Il en résulte un magma de textures d’une énergie débordante, une création d’une authenticité totale qui évoque les propriétés de la lave en fusion. La créatrice y explore l’infinie beauté des combinatoires chromatiques dans lesquelles elle se projette corps et âme. Par sa force et sa sensualité, son œuvre n’est ni masculine ni féminine, elle dépasse toute perception genrée. Elle est le fruit d’une véritable Artiste, avec un grand A, vouée à un bel avenir…

Stéphane DADO


Bénédicte François est née à Bastogne, en 1966. Après des études à HEC, à Liège, elle entame une carrière de script sur des films documentaires, notamment en Amérique latine.
Sa vie personnelle la mènera ensuite à Londres puis New York où elle vivra par intermittence près de trois ans. Elle découvrira les multiples galeries et musées de ces villes d’art qui éveillent un intérêt singulier pour la peinture.
De retour à Liège, Bénédicte se lance durant une vingtaine d’années dans une activité de conseillère opticienne avant de réaliser que la passion de la peinture qui l’habite profondément depuis tant d’années est un besoin vital, une vocation première. Depuis, elle a commencé à enchaîner les expositions à Liège, Lasnes, Bruxelles, au Grand-Duché de Luxembourg. Les sollicitations sont nombreuses, l’intérêt du public et des galeristes se fait croissant, de nombreuses expositions sont en préparation et la consacrent dans un véritable statut d’artiste.


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : rédaction, édition et iconographie | auteur : Stéphane Dado | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © DR.


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