AUDEN : textes (trad. Patrick Thonart, 2023)

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[EVENE.LEFIGARO.FR] Après avoir passé la première partie de son enfance auprès de ses parents, le jeune Wystan Hugh Auden est envoyé en pension à l’âge de 8 ans. Il poursuit ses études à l’université d’Oxford et s’envole vers Berlin, ville dans laquelle il restera un an environ. Il y révèle son homosexualité. Une fois revenu en Angleterre, il devient instituteur. Il enseigne d’abord à la Downs School, une école de garçon. Durant trois ans, il y est très heureux et s’investit corps et âmes dans la poésie. Il écrit à cette période ses plus beaux poèmes d’amour. En 1935, il fait un mariage de convenance avec Erika Mann, elle aussi homosexuelle. Ils ne divorceront jamais. En 1939, ils émigrent tous deux aux Etats-Unis. Auden rencontre lors de l’une de ses lectures le poète Chester Kallman, qui devient son amant et son compagnon jusqu’à la fin de sa vie. Le nombre de pièces et d’ouvrages écrits par Auden ne se comptent plus. Mais c’est surtout un poète. Des formes traditionnelles aux formes originales, il a su parfaitement illustrer la beauté du vers. En 1946, l’écrivain est naturalisé américain, mais il retourne en Europe en 1948, d’abord en Italie, puis en Autriche. De 1956 à 1961, il enseigne la poésie à l’université d’Oxford. Il revient à New York en 1973 et meurt dans la ville qui l’avait accueilli 34 ans plus tôt.


Stop all the clocks, cut off the telephone,
Prevent the dog from barking with a juicy bone,
Silence the pianos and with muffled drum
Bring out the coffin, let the mourners come.

Let aeroplanes circle moaning overhead
Scribbling on the sky the message He Is Dead,
Put crepe bows round the white necks of the public doves,
Let the traffic policemen wear black cotton gloves.

He was my North, my South, my East and West,
My working week and my Sunday rest,
My noon, my midnight, my talk, my song;
I thought that love would last for ever: I was wrong.

The stars are not wanted now: put out every one;
Pack up the moon and dismantle the sun;
Pour away the ocean and sweep up the wood;
For nothing now can ever come to any good.

W. H. Auden, extrait de la pièce The Ascent of F6
écrite avec Christopher Isherwood (1936)


Arrêtez les pendules et coupez le téléphone,
Empêchez le chien d’aboyer et, cet os, qu’on lui donne.
Faites taire les pianos et, au son des tambours voilés,
Sortez le cercueil et laissez les pleureuses entrer.

Que les avions en peine tournoient par dessus,
Qu’ils tracent dans le ciel ce message : “Il n’est plus.”
Nouez du crêpe noir au cou blanc des pigeons,
Et donnez des gants noirs aux agents en faction.

Il était mon Nord, mon Sud, mon Est et mon Ouest,
Ma semaine de travail et mon dimanche de sieste,
Mon midi, mon minuit, ma parole, ma chanson ;
Je pensais que l’amour durait toujours : je n’avais pas raison.

Que les étoiles se retirent, qu’on les éteigne une à une,
Remballez le soleil et démontez la lune,
Allez vider l’océan et balayez la forêt,
Car rien de bon ne peut advenir désormais.

Trad. Patrick Thonart


Dans le film Quatre mariages et un enterrement, le poème est récité par l’un des personnages, en hommage à son ami mort d’une crise cardiaque :


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, traduction, édition et iconographie | sources : DP | traducteur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © The Times.


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BLAKE : textes

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[JOSE-CORTI.FR] Le temps a rendu justice à celui qui, longtemps considéré comme un fou, fut l’immense poète, graveur et visionnaire que l’on sait, – éternel enfant, éternel “primitif” que son ardeur imaginative, son lyrisme, sa violence condamnèrent à n’avoir de renommée que posthume. Autodidacte, William BLAKE (1757-1827) dénonce la raison tyrannique des philosophes, s’enflamme pour la révolution. Ses admirations sont aussi significatives que ses refus. Il préfigure quelques-unes des lignes de force du romantisme et goûte certains de ses grands intercesseurs, Swedenborg, Shakespeare, Dürer. Une vie intérieure puissante, une simplicité mystérieuse et désarmante guide son bras. Dans Le Mariage du Ciel et de l’Enfer, il proclame l’unité humaine, attaque la prudence et le calcul au nom de l’épanouissement de l’être réconciliant désir, sagesse et raison. L’amour comme la haine étant nécessaires à la vie, c’est le choc des contraires qui provoque le surgissement de la force créatrice et la progression de l’être individuel. Il oppose ainsi la raison à la vision intuitive, à laquelle va sa préférence. Gide : “L’astre Blake étincelle dans cette reculée région du ciel où brille aussi l’astre Lautréamont. Lucifer radieux, ses rayons revêtent d’un éclat insolite les corps misérables et glorieux de l’homme et de la femme.

Un cheval qu’on fouette en chemin
Réclame au ciel du sang humain.

 

He who binds to himself a joy
Does the winged life destroy
He who kisses the joy as it flies
Lives in eternity’s sunrise​…

“Celui qui veut s’attacher une joie / Brise la vie ailée qu’il voit / Celui qui l’embrasse quand elle passe / Commence chaque jour l’éternité…” (trad. Patrick Thonart)

The tree which moves some to tears of joy is in the eyes of others only a green thing that stands in the way.

L’arbre qui fait ta joie jusqu’aux larmes, n’est pour d’autres qu’un objet vert dans le chemin” (trad. Patrick Thonart)

To see a world in a grain of sand
And heaven in a wild flower,
Hold infinity in the palm of your hand
And eternity in a hour.

Voir un monde dans le grain de sable / Et le ciel dans une fleur sauvage, / Tenir l’infini dans la paume de la main / Et l’éternité dans une heure.” (trad. Patrick Thonart)

The man who never alters his opinions is like standing water, and breeds reptiles of the mind.

L’homme qui ne change jamais d’opinion vit comme l’eau stagnante : il engendre des serpents de raison.” (trad. Patrick Thonart)


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