BLIXEN Karen, alias Isak Dinesen (1885-1962), dans Les rêveurs (in Sept contes gothiques, 1934) :
Lorsqu’on plante un caféier, si l’on replie la racine pivotante, l’arbre ne tardera pas à lancer en surface une multitude de petites racines délicates. Il ne se développera pas bien, ne portera jamais de fruits, mais fleurira plus abondamment que les autres. Ces fines racines sont les rêves de l’arbre. Quand il les lance, il ne pense plus à sa racine pivotante qu’on a tordue. Ce sont elles qui le maintiennent en vie.
Ce que commente finement Geneviève BRISAC dans sa préface des Contes (Paris, Gallimard | Quarto, 2007) :
“[Karen Blixen] aurait eu beaucoup à nous dire sur ce que nous appelons “autofiction” et sur les rapports tellement dangereux et complexes que les histoires que nous nous racontons entretiennent avec notre vie. Elle avait commencé par confondre les histoires et la vie, par orgueil, pensait-elle : l’orgueil, c’est la foi en l’idée que Dieu eut quand il nous fit. Un homme orgueilleux est conscient de cette idée et aspire à la réaliser. Il y a péché à rendre vraie une histoire, à intervenir dans sa vie suivant un modèle préconçu au lieu d’attendre patiemment l’émergence de l’histoire, au lieu de la bégayer en imagination – ce qui est différent de créer une fiction. Il y a péril à essayer de vivre à sa hauteur…”
N.B. “Une racine pivotante est un type racinaire caractérisé par la présence d’une racine principale d’où émergent des racines latérales secondaires. Cette racine pivot se développe à partir de la radicule de la plantule et, généralement, s’enfonce à la verticale pour ancrer fermement la plante dans le sol.” (plus d’infos sur FUTURA-SCIENCES.COM)
Pour en citer d’autres…