La nouvelle exposition de la Galerie des Beaux-Arts de Liège met à l’honneur l’art pictural de Marguerite RADOUX (Liège 1873-1943). Fille de Jean-Théodore Radoux (le bouillonnant directeur du Conservatoire de Liège à la source de l’actuelle Salle Philharmonique), petite-nièce de l’homme politique liégeois Charles Rogier, l’un des fondateurs de la Belgique, la jeune femme entame à la fois des études artistiques et musicales (elle se destine au chant), incapable de se limiter à une seule discipline. Si sa carrière de cantatrice s’interrompt pourtant assez vite, faute de réel talent (elle se contente en fin de compte d’interpréter les mélodies de son père, de son frère Charles et de son amie, la compositrice et cheffe d’orchestre Juliette Folville), sa carrière de peintre est de toute évidence d’une autre trempe, l’enseignement que lui dispense Adrien De Witte y est sans doute pour quelque chose.
Sophie Wittemans qui signe le beau catalogue de la rétrospective, rappelle que Marguerite a exposé par moins de 55 fois entre 1897 et 1941. Sa production devait compter près de 200 œuvres, des huiles, pastels et fusains. Une trentaine a pu être retrouvée, alimentant la première rétrospective qui lui est consacrée depuis sa mort.
Sa peinture fut très favorablement reçue par les critiques de son temps ! On y décela un tempérament impérieux, celui d’une jeune femme déterminée à ne pas se laisser impressionner par un monde artistique dominé par les hommes. Elle se définit dès 1898 comme “peintre”, non comme “artiste femme” ou “femme artiste“, choix pour le moins révélateur d’un caractère libre et bien trempé !
Marguerite privilégie d’ailleurs l’art du portrait plutôt que celui des paysages ou de la nature morte, genres dans lesquels ont attendait davantage les femmes à l’époque. Ses modèles, à commencer par son père ou par Juliette Folville (que l’on voit notamment diriger un opéra-comique de Jean-Noël Hamal sur la scène de l’actuelle Salle Philharmonique) sont croqués sur le vif, à gros traits de pinceau. Sa pâte est dense, grasse, épaisse, son geste ne manque pas de rugosité, il souligne avec force les empâtements.
Les tonalités de Marguerite Radoux, souvent sombres jusqu’en 1914, font écho à une palette de couleurs restreinte mais subtile. L’artiste excelle aussi dans ses “tableautins”, ces scènes intimistes, ces moments d’émotion pris sur le vif et qui semblent concurrencer par le geste pictural presque instantané l’art de la photographie.
En 1910, Marguerite, épouse en secondes noces le Français Fernand Outrières, un substitut du procureur de la République qui la mène successivement à Angoulême, au Havre, puis à Paris. Après la Première Guerre mondiale, son art prend une autre tournure, il est influencé par le fauvisme (a-t-elle vu les œuvres de Raoul Dufy au Havre ?) et par une modernité qui met en avant une pâte aux aplats plus larges.
Vers 1929, elle reçoit sa première commande officielle, émanant du Sénat belge : Charles Magnette, Président de l’institution, lui demande d’être portraituré. C’est la première fois depuis la création de l’institution, qu’un président du Sénat demande à une femme de réaliser son portrait. Le résultat est éblouissant de force et de vérité !
Même si elle revient de temps en temps en Belgique, notamment auprès de sa famille à Esneux (ce qui nous vaut quelques paysages réalisés en extérieur), Marguerite tentera de s’imposer sans succès en France. Sa carrière est notamment compromise par un scandale financier qui éclabousse son mari. Elle réalise cependant quelques belles natures mortes dont une, non datée, est extraordinaire par ses couleurs (plus impressionnistes) et par le jeu de mise en abîme qu’on y décèle (l’arrière-fond de l’œuvre représente le dos d’un tableau, et, très curieusement, l’œil du spectateur a l’impression que les fruits et objets peints à l’avant-plan se confondent avec ce tableau dans le tableau, comme si l’on avait à faire à une peinture de nature morte à l’arrière d’une véritable nature morte).
La Deuxième Guerre mondiale la contraint au silence, elle meurt du reste durant le conflit, dans un hôpital des environs de Paris, circonstances qui expliquent sans doute que son art soit tombé dans l’oubli ! La Galerie des Beaux-Arts de Liège rend heureusement justice à une artiste qui mérite plus que de la simple considération !
Stéphane Dado
[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : rédaction, édition et iconographie | contributeur : Stéphane Dado | crédits illustrations : en-tête RADOUX Marguerite, Nature morte (vase à fleurs, fruits, coupe, poupée) (1927-28) © Gérald Micheels, Musée des Beaux-Arts de Liège – La Boverie.
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