Nos actes dépendent de motivations intimes, mais ces motivations sont trop souvent refoulées, dérobées au contrôle conscient. Dès lors, il convient de les élucider. Comment ? Par l’auto-observation, que Paul Diel élève ici au rang de méthode scientifique. “Votre œuvre“, écrira Einstein à Diel en 1935, “nous propose une nouvelle conception unifiante du sens de la vie, et elle est à ce titre un remède à l’instabilité de notre époque sur le plan éthique.“
60 ans avant Onfray, 30 ans avant Deleuze & Guattari, le psychologue Paul Diel osa remettre en cause le diktat oedipien posé par Freud. Il le fit, sans colère et sans haine, depuis le sein même de la discipline, dans le seul but de proposer un chemin alternatif : les gardiens du temple ne l’ont pas supporté, et la relative indifférence (voire les calomnies absurdes) qui ont accueilli ses recherches dans le domaine clinique français est sûrement le prix qu’il dut payer sa franchise et son indépendance d’esprit.
Pourtant, Diel reconnait l’immense dette que toute psychologie doit aux grands psychanalystes (Freud, Adler, Jung…), il entend juste prendre le problème de la pathologie psychique selon un autre point de vue : en dégageant la voie de l’Elan vital, qui pousse l’homme à se développer vers un but idéal, mais provoque en lui des désirs contradictoires et des réactions subconscientes de peur et de repli. A bien y regarder, Diel réactualise le discours de Spinoza : l’importance d’une vision honnête et objective sur l’inextricable désordre qui régit notre positionnement face aux autres et au monde, pour essayer avec le plus d’humilité possible de rechercher l’harmonie et la Joie.
Diel est un peu un mystique terre à terre. Il tente de fonder une science, qui repose sur un mystère (qu’est-ce qui nous pousse à vivre ?) mais ne doit pas pour autant sombrer dans l’idéalisme ou le matérialisme. Son idée force, c’est que tout les déséquilibres que l’on constate quotidiennement dans nos actions et dans nos réactions ne viennent, en dernière analyse, que d’un dévoiement de l’imagination, qui essaye de régler avec ses moyens dérisoires l’antagonisme entre nos désirs et le monde extérieur. Notre subconscient, lorsqu’on le laisse faire, s’enferme dans un cercle vicieux de fausses motivations, d’images truquées, d’interprétations dévoyées, expédients dangereux qui nous poussent à nous disculper et à accuser les autres. En bon désespéré optimiste, Diel pense que la meilleure façon de lutter contre cet ennemi intérieur, c’est d’accepter notre culpabilité intrinsèque (nous ne faisons jamais “le mieux”) et de construire sur cette base chancelante un rapport au monde pacifié (pour essayer de faire “au mieux”).
Précis, méthodique, logique, lucide, Diel va au plus profond de son sujet, et sa démarche thérapeutique se transforme petit à petit en une vision exaltée et communicative de ce que pourrait être la vie. Si seulement…
- Paul DIEL (1893-1972) est dans wallonica.org
- Lire l’éclairant ouvrage de Paul DIEL initialement publié en 1947 (9782228896078)
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