Le Jardin du Paradoxe – Regards sur le Cirque Divers (Liège, BE)

Considérant que nous nous trouvons en période de “creux de vague”, signe d’une crise économique “saine”. Que nous sommes à Liège, la Cité Ardente, capitale de la Wallonie. Que ces deux faits engendrent une situation de cirque. Cirque urbain (humain/urbain) où se côtoient des mondes parallèles, nous fondons l’asbl Cirque Divers, dernière représentation de l’Art Banlieue, unique et inique.

Manifeste du Cirque Divers, janvier 1977


Proposée au Musée de la Vie Wallonne (Liège, BE) jusqu’au 16 août 2018, une exposition insolite et singulière invite à redécouvrir les années glorieuses du Cirque Divers !

La Province de Liège est aujourd’hui dépositaire du patrimoine du Cirque Divers, de sa collection et de ses archives. Ce Cirque Divers, d’un genre si particulier, fut créé par cinq amis (Michel Antaki, Jacques Jaminon, Brigitte Kaquet, Jacques Lizène et Jean-Marie Lemaire) en 1977, en Roture à Liège. Concerts, performances, conférences, lectures, interventions artistiques, expositions s’y succéderont sur un rythme effréné, témoignant de l’émergence d’un art d’attitude et d’une volonté renouvelée d’abolir les frontières entre l’art et la vie. Une occasion de mettre en valeur ce patrimoine unique et d’interroger cet héritage, reflets de deux décennies de vie en société.

Le cirque Divers : une histoire…

Ce Cirque urbain et humain surgit dans le paysage culturel alors que s’essouffle la pensée de Mai 68, teintée de toutes les libérations politiques, sociales, esthétiques et de modes de vie, et disparaîtra, mort de fin en 1999. Durant ces deux décennies, il sera le Jardin du Paradoxe et du Mensonge Universel. Réaction contre la société bourgeoise, anticonformiste, mû par un esprit de liberté, il est le lieu d’une lecture critique et féroce du monde contemporain et de la société belge. L’absurde, la provocation, l’irrévérence, la transgression, l’ironie, le grotesque, la dérision, l’insolence et la bouffonnerie sont des armes redoutables face à l’hypocrisie.

Entre rire et tragique, le clown révèle bien des choses de la condition humaine. Ainsi, le Cirque Divers sera sans cesse bouffon et fou du Roi, activiste, expérimental, contestataire, une expérience unique dans le domaine de l’art, de la culture et des contre-cultures, un cabaret hydropathe où l’on sert cent sortes de bières, un laboratoire des avant-gardes et des arrière-gardes, une auberge espagnole, un formidable charivari turbulent, ludique et intempestif, bien évidemment toujours d’une certaine gaieté.

Comme aux portes de l’abbaye de Floreffe en 1977 lors du Temps des CerisesFoncièrement la Petite Maison Unifamiliale, cette maison de toiles aux mille objets quotidiens, se dresse dans le cloître du Musée de la Vie wallonne. Œuvre collective, elle est l’aboutissement des Théâtralisations du Quotidien, démarche fondatrice du Collectif du Cirque Divers, volonté de tout théâtraliser, et, dans un esprit très situationniste, de « spectaculariser » jusqu’au moindre de nos gestes quotidiens les plus triviaux. L’exposition aborde bien sûr ces détournements ludiques, volonté de transcender un quotidien aliénant par cette créativité permanente, cette invention de soi que l’on retrouve dans l’Eternal Network – Fête Permanente, cette attitude de Robert Filliou.

Le Cirque Divers fut Fluxus à sa manière, peut-être plus Fluxus que Fluxus, jusqu’à prétendre qu’on s’en Fluxus ! Il sera pataphysique aussi, cultivant cette science des solutions imaginaires et des exceptions. Il investira le champ de la performance, prise au sens le plus large. ORLAN, Lydia Schouten, Barbara Heinisch, Paul McCarthy, Ria Pacquée, Carolee Schneemann, Laurie Anderson, s’y produiront, au même titre que John Massis ou Jack in the Box. Le Cirque adoptera l’esprit Panique cher à Topor, Arrabal, Alejandro Jodorowsky, Olivier O. Olivier et Christian Zeimert. Il s’inscrira dans les réseaux du mail art et de l’art postal, ce qui contribuera à sa notoriété. Sa galerie accueillera les Inouïs du circuit, des collectionneurs compulsifs tel Alfred Laoureux, des artistes représentants de la banlieue de l’art et de l’art de banlieue, d’autres de renom – Alechinsky, BEN (Vautier), Marcel Mariën ou Glen Baxter -, les débutants, les régionaux de l’étape, bref l’art majeur et mineur confondus tout comme les arts modestes défendus par Hervé Di Rosa, ce dont témoigne le Décor du Cirque Divers.

On évoquera les Fêtes du Cul du Cirque Divers, elles participent de la mythologie du lieu comme de la contre-culture. Roland Topor, Hervé Di Rosa, d’autres aussi en furent les animateurs. Films, vidéos, installations, peintures, archives, photographies, pièces sonores : bon nombre d’œuvres et de documents sont issus du patrimoine du Cirque Divers, d’autres ont été empruntés pour l’occasion à des collections privées ou muséales. On retrouvera tous les précités, mais bien d’autres artistes également.

Enfin, trois artistes, qui n’ont pas connu le Cirque Divers, ont été invités à créer une œuvre ou un environnement spécifique. Benjamin Monti, en encyclopédiste collecteur d’images patenté, investit le mail art et l’iconographie singulière du mensuel du Cirque Divers. D’origine libanaise tout comme Michel Antaki, Marie Zolamian explore les itinéraires de l’Explorateur Syrien. Sophie Langohr revisite la Collection de Printemps de Jacques Charlier, créée au Cirque Divers en 1987, et actualise ainsi de nombreuses pistes de réflexion explorées par le collectif du Cirque Divers.

Une monographie, sous la direction de Jean-Michel Botquin, accompagne l’exposition, publiée aux Editions Yellow Now. L’exposition vivra au rythme de nombreuses activités : rencontres, colloques, conférences, performances, fêtes, ateliers, concerts, processions et débats. Un site internet lui est dédié, il sera informatif quant aux événements qui jalonneront l’exposition et valorisera régulièrement les archives du Cirque Divers.

Les Artistes

Dans l’exposition, on retrouvera Pierre Alechinsky, Michel Antaki, Laurie Anderson, Fernando Arrabal, Glen Baxter, Silvana Belletti, BEN Vautier, Jan Bucquoy, Jacques Charlier, Le chevreuil buvant au crépuscule, Roman Cieslewicz, le Collectif Cirque Divers, le Collectif Frais d’Orifice, Les Coleman, Oscar De Wit, Hervé Di Rosa , Robert Filliou, Charles François (RAT), Barbara Heinisch, Joël Hubaut, Brigitte Kaket, Milan Knizak, Pierre Kroll, Jacques Jaminon, Sophie Langohr, Jacques Lennep, Jacques Lizène, Capitaine Lonchamps, Loulou, Jean Martin, Mettalic Avau, Marcel Mariën, Benjamin Monti, Mouna Aguigui Ier, Olivier O. Olivier, ORLAN, Ria Pacquée, PHIL, José Picon, Pol Pierart, André Stas, Lydia, Schouten, Daniel Spoerri, Georges Thiry, Richard Tialans, Roland Topor, Calogero Tornambe, Geneviève Van der Wielen, Denyse Willem, Willem, Christian Zeimert, Marie Zolamian, etc. La liste n’est de loin pas limitative.

Commissaire de l’exposition : Jean-Michel BOTQUIN.

HANSEN : Au secours ! Un ours est en train de me manger ! (WOMBAT, 2013)

Temps de lecture : 2 minutes >
ISBN 978-2-919186-36-5

Vous pensez que vous avez des problèmes ? Moi, je suis en train de me faire dévorer par un ours ! Oh, mais désolé, toutes mes excuses, écoutons donc vos problèmes ! Mmm-hmm ? Alors comme ça, votre patron est méchant avec vous ? Et votre voiture vous cause des soucis ? Et vous vous inquiétez pour l’environnement ? Tiens donc ! Votre environnement vient juste de me bouffer un pied ! Je pisse mon sang sur votre environnement. Je peux donc à présent affirmer sans crainte d’être contredit que MES PROBLÈMES SONT PIRES QUE LES VÔTRES. Alors fermez-la avec vos problèmes, OK ?

HANSEN Mykle, Au secours ! Un ours est en train de me manger ! (traduit de l’américain par Thierry Beauchamp, Nouvelles Editions Wombat, coll. Les Insensés, 2013)

“Manager tyrannique, Marv Pushkin embarque son équipe de publicitaires pour un week-end de chasse en Alaska. Alors qu’il est en train de changer une roue de son 4 x 4, un ours l’attaque. Coincé sous la voiture, la jambe broyée par le châssis, Marv se fait grignoter le pied par Monsieur l’Ours. Une situation pour le moins inconfortable, qui plongerait plus d’un citadin dans le désespoir. Mais, grâce aux puissants analgésiques dont il ne se sépare jamais, Marv est résolu à tenir le coup en attendant les secours. S’engage alors un délirant monologue où il s’attache à démontrer la supériorité de l’Homo Sapiens sur le Plantigrade, et plus largement de la Civilisation sur la Nature, n’en déplaise aux écolos chevelus et autres thuriféraires de ce ringard de Thoreau. Car Marv Pushkin déteste la nature, sa femme geignarde et ses lopettes de subordonnés. En revanche, il adore son Range Rover aux sièges rabattables en cuir d’Oxford, ses vêtements de marque, ses drogues aux propriétés chimiques merveilleuses, sa maîtresse Marcia du service clients, et surtout lui-même. L’être supérieur qu’est Marv Pushkin parviendra-t-il à se tirer de ce mauvais pas – et à repartir du bon pied ? L’Ours deviendra-t-il l’avenir de l’Homme ?” (source : Nouvelles Editions Wombat)

“Mykle Hansen vit à Portland, dans l’Oregon (US). Auteur de plusieurs recueils de nouvelles (Monster CocksThe Bored, Bored PrincessRampaging Fuckers of Everything on the Crazy Shitting Planet of the Vomit Atmosphere…), publiés sous l’égide du bien nommé mouvement « Bizarro », il signe ici un premier roman résolument anti-Nature Writing. Lors de sa tournée promotionnelle aux États-Unis, Mykle concluait ses lectures en combattant un ours à mains nues. Il perdait souvent…” (source : idem)


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