Inutile de lire La peau de l’ours. J’dis ça, j’dis rien, mais c’est un livre de plus à abandonner sur la tablette du train, surtout maintenant qu’il est sorti en format poche (le livre).
Tout commence bien pourtant, comme dans un conte (dont le style n’est pas trop mal singé). Mais Joy Sorman (née en 1973), toute contente de son idée initiale (mettre en regard humanité et animalité dans la même peau, celle d’un bâtard homme-ours qui, malgré lui, est soumis à un voyage qui devrait être initiatique), n’arrive pas tenir la longueur et la pauvre bête qui se voit offrir le rôle-titre n’est rapidement plus qu’un ours savant qui réfléchit… un peu.
Le narrateur, hybride monstrueux né de l’accouplement d’une femme avec un ours, raconte sa vie malheureuse. Ayant progressivement abandonné tout trait humain pour prendre l’apparence d’une bête, il est vendu à un montreur d’ours puis à un organisateur de combats d’animaux, traverse l’océan pour intégrer la ménagerie d’un cirque où il se lie avec d’autres créatures extraordinaires, avant de faire une rencontre décisive dans la fosse d’un zoo. Ce roman en forme de conte, qui explore l’inquiétante frontière entre humanité et bestialité, nous convie à un singulier voyage dans la peau d’un ours. Une manière de dérégler nos sens et de porter un regard neuf et troublant sur le monde des hommes.
Au fil des pages et malgré les promesses de la quatrième de couverture (reproduite ci-dessus), on se dit que les Aventures de Babar étaient plus trépidantes. La magie du conte, assez efficace dans les premières pages, est aussi rapidement étouffée et remplacée, comme par dépit, par une narration assez linéaire où le découpage en chapitre est le seul vrai rythme, là où on attendait une succession de passages initiatiques que le sujet aurait permis (on tenait enfin un premier Bildungsroman plantigrade ; au moins le deuxième, si on considère Winnie the Pooh).
Dans un domaine où la géniale orfèvre Siri HUSTVEDT offre à tous les hommes (en d’autres termes, les ‘gender-disabled short-sighted humans‘) la possibilité d’entrevoir la douloureuse renaissance d’une femme blessée, vue par une femme (Un été sans les hommes, 2013), l’espoir était grand de voir une romancière explorer une des grandes ambivalences viriles : raison vs. sauvagerie.
Ah ! Quelle est l’auteuse qui arrivera à mettre en oeuvre la finesse acérée de sa plume (In Memoriam Virginia W.) pour décrire cette sensation d’avoir “les épaules à l’étroit dans un costume trois-pièces” ?
Pour l’aider, quelques questions prolégoméniques : Proust péterait-il dans son marais, pendant le bain matutinal ? Shrek s’essuierait-il la bouche après s’être enfourné un demi-kilo de madeleines ?
Dieu me tripote ! Desproges aurait précisé qu’il s’essuyait toujours la bouche après avoir pété dans son bain. Mais c’est une autre histoire…
[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : rédaction, édition et iconographie | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © Gallimard.
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