VIENNE : Fantômes (2022)

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Souvent nous arpentions les couloirs, les salles désertes. Nous imaginions que les lieux puissent être hantés, tant de cris ou de douleurs muettes, d’âmes retenues par ces murs, ces plafonds en train de s’effondrer. Peut-être allaient-elles enfin pouvoir s’échapper. Nous n’y croyions pas vraiment mais cela nous plaisait de forcer le trait, d’accentuer cette atmosphère gothique. Je prenais des photos, je figeais ces instants. Quand je développais les pellicules, je guettais toujours une apparition fantomatique qui ne se révéla jamais.

Toi, tu avais un jour décidé d’amener ta guitare. Tu avais repéré une pièce dont l’acoustique donnait de l’ampleur à tes compositions. Nous en avons passé des heures dans cet hôpital délabré, croisant quelquefois d’autres explorateurs, mais aussi des sdf, des junkies. Nous nous croisions, comme ailleurs, sans jamais vraiment nous rencontrer.

Aujourd’hui, je marche distraitement dans un terrain vague, butant parfois sur un amas de briques. Les ruines ne sont même plus ruines, les ruines ne sont plus rien. Comme nos rêves de jeunesse, sans doute. C’est ce que tu as voulu éviter à tout prix – celui de la vie. Ne pas devenir le quinqua désabusé que je suis. Too old to rock’n’roll to young to die. Dans le silence, entre les murs qui n’existent plus, j’entends jouer ta guitare.

Philippe VIENNE

Ce texte a été écrit et enregistré dans le cadre du projet “Allô Bavière”, présenté lors des Rencontres internationales de la bande dessinée (Liège, 23-24 avril 2022)


[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : rédaction | source : inédit | commanditaire : wallonica | auteur : Philippe Vienne | crédits illustrations : Hôpital de Bavière, Liège © Urbex Session | remerciements à Olivier Patris et Maxime Laurent


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