[RADIOFRANCE.FR/FRANCECULTURE, 31 janvier 2024] En littérature jeunesse comme en bande dessinée, il arrive que des personnages fassent l’objet de reprise après la mort de leur créateur. Ce fut le cas récemment d’Ernest et Célestine : on vous explique pourquoi on vous conseille de préférer l’original, les superbes albums de Gabrielle Vincent.
Ma chronique d’aujourd’hui part d’une colère à la lecture d’un livre paru il y a peu. La colère, c’est souvent le revers de la médaille de l’amour, on le sait bien, je vais essayer de vous dire les raisons de ma colère, mais surtout de cet amour dont elle est le pendant. L’album s’appelle Au bonheur des souris, c’est une nouvelle aventure d’Ernest et Célestine, ce grand ours et cette petite souris créés par Gabrielle Vincent. De son vrai nom Monique Martin, elle était née à Bruxelles en 1928, y est morte en 2000, et y a créé ces deux personnages mis en scène dans une vingtaine d’albums d’abord parus aux éditions Duculot, rachetées ensuite par les éditions Casterman. Le tout premier, paru en 1981, rencontra un succès immédiat dans le monde francophone et à l’international. Casterman nous propose donc aujourd’hui de découvrir une nouvelle histoire, inédite, dont le scénario a été confié à Astrid Desbordes, une autrice jeunesse remarquée pour l’album Mon amour notamment.
À qui appartiennent les personnages ?
C’est une pratique courante en bande dessinée : sont encore parus cet automne de nouvelles aventures d’Astérix, de Blake et Mortimer ou Lucky Luke, et, pour la première fois, une nouvelle aventure de Gaston Lagaffe – ce, alors même que Franquin s’était opposé de son vivant à ce que son personnage ne lui survive. Affaire qui a fait couler beaucoup d’encre, la fille et ayant droit de Franquin l’ayant portée devant les tribunaux. Cela soulève des questions passionnantes, que l’on pourrait résumer en ces termes : à qui appartiennent les personnages ? Je n’ai ni l’espace ni les compétences pour déplier ici cette dimension juridique, je me garderai bien de trancher la question de savoir s’il est en soi légitime ou non qu’un personnage survive à son auteur, je note simplement que la chose est à ma connaissance un peu moins courante dans l’univers de la littérature jeunesse.
Ernest et Célestine est un contre-exemple, la série n’en étant pas à sa première reprise puisque les personnages avaient déjà été les héros d’un film d’animation en 2012, sur un scénario de Daniel Pennac et des dessins de Benjamin Renner (qui a connu une suite, avec une autre équipe artistique, en 2022). J’avais trouvé le premier film très éloigné de l’univers de Gabrielle Vincent, mais il n’avait pas quant à lui suscité ma colère, car il était possible de le considérer au fond assez indépendamment de l’œuvre originale, notamment parce que les dessins de Benjamin Renner n’avaient rien à voir avec le trait de Gabrielle Vincent.
Des dessins originaux repris, calqués, copiés, remontés
Dans le cas de ce nouvel album, ce sont bien des dessins de Gabrielle Vincent elle-même, qui ont été repris, calqués ou copiés, j’imagine, ré-agencés en tout cas pour venir illustrer l’histoire signée Astrid Desbordes. Par exemple, le premier dessin de l’album est une reprise de celui qui ouvrait l’album intitulé La tante d’Amérique, avec simplement quelques détails, changés : une valise effacée, un violon ajouté, un cadrage saccagé, sans parler du rendu des couleurs, bien moins subtil que dans l’original. J’imagine que la chose est légale, mais j’avoue être extrêmement surprise que ce procédé soit possible et autorisé. Sur la couverture de l’album, il n’est même pas écrit “d’après Gabrielle Vincent“, c’est bien son seul nom qui apparaît, sans mention. Certains dessins n’ont par ailleurs pour le coup rien à voir avec la plume de Gabrielle Vincent : ils sont signés Marie Flusin, comme c’est indiqué, en tout petit, dans la page de garde du livre.
Une série de contresens qui dénaturent l’œuvre
L’histoire proposée pour ce nouvel album repose en outre sur une série de contresens qui dénaturent l’œuvre d’origine. Le premier est formel : le récit se présente ici sous forme d’un très long texte, bavard, didactique, là où les albums originaux reposaient sur une grande économie de mots, des éléments de dialogues courts, inscrits au-dessous d’un dessin qui guidait en premier lieu nos émotions.
Deuxième contresens : l’histoire commence ici parce que Célestine se fâche un jour de ne pas avoir eu le temps de se fabriquer un chapeau pour sortir avec Ernest. Elle se met en colère qu’il n’y ait, je cite, “jamais rien dans cette maison, (…) que des vieilleries d’ours.” Ernest finit par sortir sans l’attendre, et à son retour, il trouve une lettre lui annonçant qu’elle a décidé d’aller s’installer chez des amis qui vivent, eux, dans une maison luxueuse. Rien, dans ce point de départ, ne tient la route. Premièrement : jamais Ernest ne sortirait sans attendre Célestine, jamais il ne placerait son désir avant le plaisir de jouer avec la petite fille.
Ernest et Célestine, c’est l’histoire d’un amour inconditionnel, plus grand que l’océan, entre un père (adoptif, comme on l’apprend dans le bouleversant La naissance de Célestine) et cette petite souris trouvée dans une poubelle, qu’il recueille et aime dès lors plus que tout. Jamais Célestine ne choisirait non plus d’aller vivre loin d’Ernest, qui plus est pour une raison vénale. Ernest et Célestine vivent de peu, c’est vrai, mais ce sont les rois de la débrouille, de la récup’, de l’inventivité pour trouver malgré tout de quoi vivre heureux.
Des ours et des souris, une commune humanité
Enfin, troisième contresens, le plus grave : jamais Célestine ne renverrait ainsi Ernest à son essence d’ours. Dans l’univers de Gabrielle Vincent, les adultes sont des ours, les enfants sont des souris, mais les personnages sont liés par une commune et profonde humanité. Ours, souris, c’est la figure que prennent adultes et enfants, ce n’est jamais une espèce, encore moins une identité.
Dans l’histoire proposée par Astrid Desbordes, chacun y est au contraire sans arrêt renvoyé. Les parents des amis expliquent à Célestine que “les ours et les souris ne sont pas faits pour vivre ensemble” ; un personnage de souris adulte (ce qui est une absurdité en soi, j’insiste), un précepteur, lui dit aussi plus loin d’un air dépité : “si on mélange les ours et les souris, voilà ce que ça donne“. Pourquoi diable les auteurs de ces reprises ont-ils senti le besoin de diviser ainsi le “monde des souris” et celui des ours – idée déjà présente dans l’adaptation au cinéma imaginée par Daniel Pennac ? Je suppose que cela vient de l’envie d’ajouter de la noirceur à un univers considéré comme idyllique, mais c’est encore un contresens. Car si la relation entre Ernest et Célestine est emplie de douceur, c’est vrai, l’univers que décrit Gabrielle Vincent n’a rien d’angélique. La façon dont elle aborde la question de l’argent ou des différences sociales relève au contraire d’une grande finesse, hélas complètement absente de ce nouvel opus. On recommande donc d’aller se replonger sans modération dans la série des albums originaux, édités aujourd’hui par Casterman.
Depuis sa création en 2012, la Fondation Monique Martin (Fondation belge reconnue d’utilité publique) a pour vocation la conservation, la valorisation et le rayonnement du patrimoine artistique et éthique de Monique Martin alias Gabrielle Vincent. En 2021, Ernest et Célestine ont fêté leurs 40 ans, avec deux expositions en partenariat avec la commune de l’artiste : Ixelles.
Bienvenue chez Ernest et Célestine (chapelle de Boondael, Ixelles), Ernest et Célestine : Voyage au pays des émotions (bibliothèque d’Ixelles). La première plus commémorative, la deuxième plus ancrée dans ces problématiques quotidiennes et altruistes qui tenaient tant à cœur à l’artiste.
En 2022, Wallonie Bruxelles International programme notre nouvelle exposition phare : Ernest & Célestine, et nous qui propose un focus sur le sens que cette œuvre à la fois poétique et engagée des années 1980 revêt en 2022.
À horizon 2030, la Fondation Monique Martin, et ses ambassadeurs énergiques Ernest et Célestine, forts de ce patrimoine artistique éthique très varié, souhaitent également participer à l’agenda fixé par l’ONU autour des Objectifs de Développement Durable. Pour les enfants de 1980 devenus acteurs du monde d’aujourd’hui et pour leurs enfants porteurs du monde de demain, Ernest et Célestine, c’est un peu la transcription à hauteur d’enfant des ODD (Objectifs de Développement Durables) fixés par l’ONU. Partage, entraide, tolérance, dé-consommation, recyclage, préservation de la planète, préoccupent, histoire après histoire, nos deux héros, ambassadeurs avant l’heure, d’un monde plus durable. […]
La peinture et le dessin. Monique Martin, alias Gabrielle Vincent, est une artiste belge. Née à Bruxelles en 1928, elle sort diplômée de l’académie des Beaux-Arts en 1951 et choisit de consacrer sa vie à la peinture et au dessin. En tant que peintre, elle explore longuement toute la richesse du noir et blanc : encre de chine, crayon, fusain… Elle explore aussi la couleur, à travers toutes les techniques, mais surtout l’aquarelle et le pastel. Sous le pseudonyme de Gabrielle Vincent, elle crée Ernest & Célestine en 1981. Avec Ernest, elle redonne naissance à son mentor artistique, qui fut l’une des personnes les plus importantes de son existence. Avec Célestine, c’est elle-même qu’elle fait renaître, en l’inventant à son image. Elle réalise aussi d’autres albums pour enfants et adultes, dont certains connaissent un grand succès international, notamment au Japon. Son style sobre et épuré plaît beaucoup. Le livre Un jour, un chien est considéré comme l’apogée de son talent.
Une artiste engagée. Monique Martin se détourne assez vite du milieu très fermé de l’Art et des expositions. Elle souhaite que son travail soit accessible pour tous et permette de procurer du bonheur aux gens, tout en transmettant des valeurs capitales pour elle. Femme éminemment engagée, elle est aussi en avance sur son temps. Dès les années 70, Monique Martin s’inquiète pour la planète et ses habitants. Son instinct la pousse à défendre une philosophie de développement durable. Elle exprime cette inquiétude dans son œuvre, que ce soit de manière plus sombre dans L’œuf ou de manière plus légère, tout à la fois tendre et humoristique avec Ernest & Célestine.
De nombreux prix. Ses livres, traduits dans une vingtaine de langues, reçoivent de nombreuses reconnaissances : meilleur livre de jeunesse au Salon du Livre de Montreuil (Au bonheur des ours), Sankei Children’s books Publications Prize du Japon (Un jour, un chien, L’oeuf), prix graphique de la Foire du Livre de Jeunesse de Bologne (La naissance de Célestine), Boston Globe-Horn Book Award (Un jour, un chien). Monique Martin décède le 24 septembre 2000, laissant à ses héritiers plus de 10.000 dessins et peintures. Des œuvres qui reflètent toute la lumière et l’émotion qu’elle a mises dans son travail.
Formée à l’ESA Saint-Luc de Liège, où elle enseigne aujourd’hui le dessin, Aurélie William LEVAUX (née en 1981) travaille à la croisée des genres, quelque part entre la bande dessinée, la littérature et l’art contemporain. Elle commence à faire de la bande dessinée au sein du collectif Mycose en 2003. La relation à l’intime que permet ce médium lui permet de se raconter dans des histoires au ton doux-amer, frôlant l’autobiographie (d’après OUT.BE).
Cette sérigraphie a été réalisée par l’imprimerie française Trace. Une femme à la langue démesurée lèche un petit personnage en costume-cravate qu’elle tient dans ses mains. La composition très symétrique et la grande figure féminine tenant dans ses mains un petit homme ramène à l’image classique de la vierge à l’enfant. Mais ici, l’ “enfant” en question est un politicien en costume cravate tenant une pipe à la main.
[THESES.HAL.SCIENCE] La fin des années 60, qui voit les pays occidentaux traversés par de grands mouvements sociaux de libération, de remise en question de l’ordre établi et des conventions en vigueur, semble propice à l’appropriation de la musique classique par le rock et les précurseurs du metal. Le phénomène est, en effet, en totale contradiction avec les représentations dominantes qui, encore aujourd’hui, séparent les deux mondes. On peut également supposer que “la médiatisation de masse et [le] développement conjoint de l’industrie du disque et du spectacle” du début des années 70, n’ont pas été sans effet sur ce phénomène, comme on le verra avec le groupe Deep Purple.
On peut diviser l’appropriation de la musique classique par le metal en trois périodes distinctes, qui renvoient également à des modalités d’appropriation. La première, qui s’étend de la fin des années 60 au milieu des années 70, met en scène des expériences musicales menées par des groupes rock ou hard rock qui ont, pour certains, fortement influencé le metal. La seconde période débute à partir de la fin des années 70, et insiste sur l’importance des guitaristes virtuoses et de la technologie du synthétiseur dans l’insertion plus franche de la musique classique dans le metal. La troisième période, débutant à partir du milieu des années 90, peut se diviser en deux pôles, entre, d’un côté des groupes produisant des œuvres associant les deux mondes, et, de l’autre des formations majeures du metal reprenant d’anciennes compositions sous une forme orchestrale.
Les expériences de groupes rock et des fondateurs du metal
C’est le groupe anglais phénomène, les Beatles, qui inaugure, en 1967, l’appropriation de la musique classique par le rock, au travers de son esthétique sonore. Fatiguée de son succès, la formation décide d’arrêter les concerts et de se consacrer à la réalisation d’un album ambitieux, au contenu inédit et innovant : Sgt. Pepper’s lonely hearts club band. Outre faire la part belle à nombre d’innovations techniques dans le monde de la musique, les Beatles emploient un grand orchestre qui intervient sur quelques compositions comme She’s Leaving Home ou A Day in the Life.
La même année, la formation de rock psychédélique Vanilla Fudge reprend diverses chansons à succès “pour leur donner une coloration baroque aussi puissante et solennelle qu’un opéra“. Le groupe cherche à imposer une musique qualifiée de ‘rock symphonique psychédélique’. En 1968, il sort l’album intitulé The Beat Goes On, qui comprend des passages joués au piano ou au clavecin. Eighteenth Century Variations on a Theme by Mozart : Divertimento No.13 in F Major est un morceau où sont associées de multiples reprises d’œuvres de musique folklorique, populaire et classique. Le groupe reprend également la sonate n°14 Au Clair de Lune de Beethoven.
Dans la même veine, The Nice, en 1969, donne un concert intitulé Five Bridges Suite avec un orchestre symphonique, qui sortira en vinyle l’année suivante. Celui-ci, qui rend hommage aux cinq ponts enjambant le Tyne à Newcastle, est composé de chansons originales et de reprises empruntées à de nombreux répertoires. Des passages jazzy, rock et classique se succèdent au long du premier morceau éponyme, divisé en cinq mouvements. Dans les pistes qui suivent, le groupe reprend la Suite Karelia op.11 de Jean Sibelius, entamée par l’orchestre qui sera rejoint ensuite par le groupe et ses instruments rock : une batterie, un orgue électrique Hammond et une basse. Il s’approprie aussi le troisième mouvement de la Symphonie Pathétique de Tchaïkovski, avec ses seuls instruments rock cette fois. Dans le titre America ajouté en bonus pour la réédition de l’album en support CD, on peut entendre des extraits de America de la comédie musicale West Side Story(sortie en 1957), mêlés à des passages de l’Allegro Con Fuoco de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvořák, le tout joué par le groupe dans sa forme rock.
C’est également en 1969 que Jon Lord, organiste du groupe Deep Purple, achève, à la demande du manager du groupe, la composition d’un projet entamé quelques années plus tôt, afin de leur offrir une bonne publicité. L’album Concerto for group and orchestra, sort fin décembre aux Etats-Unis et quelques semaines plus tard en Angleterre. Le concept initial consiste à opérer la fusion entre rock et musique classique. Le groupe y joue avec l’Orchestre Philharmonique Royal de Londres conduit par Malcolm Arnold. Bien qu’elle alterne et mêle les deux genres, elle est parfois considérée comme un semi-échec […].
La même année les Whosortent leur opéra rock intitulé Tommy, qui recevra un très bon accueil et sera auréolé de succès. Cependant, seuls quelques instruments de l’orchestre sont utilisés, comme un gong, des timbales, des trompettes ou un cor d’harmonie. En 1972, sortira une nouvelle version de l’œuvre, cette fois accompagnée par le London Symphony Orchestra, dirigé par David Measham.
Pink Floyd en 1970, dans son album Atom Heart Mother, fait intervenir l’orchestre de session d’Abbey Road ainsi que la chorale John Aldiss. Les compositions psychédéliques empruntent, par l’orchestre et ses cuivres, une sonorité grandiloquente.
En 1975, le groupe Queensort l’album One Night At The Opera. Aucun orchestre n’est présent au sein des compositions, seul le piano de Freddy Mercury peut être rattaché à une esthétique classique. Pourtant, le morceau Bohemian Rhapsody est sans doute l’une des toutes premières tentatives reconnues comme réussies dans le mélange entre rock/hard rock et musique classique. L’œuvre peut se décomposer en six temps qui jouent avec différentes formes musicales et différents assemblages de rock et de classique. Le premier s’ouvre sur un chant ‘a cappella’ bientôt rejoint par un piano et soutenu par des chœurs. Le second poursuit le thème voix/piano, auquel se rajoutent bientôt la basse, la batterie puis la guitare. Le troisième temps est marqué par le solo de guitare saturée, qui ouvre le quatrième temps, de forme opéra. De nombreuses voix s’invectivent et se répondent, comme autant de personnages sur une scène imaginaire. Alors que le quatrième temps se conclut sur une montée dans les aigus et d’un break de batterie, le cinquième s’ouvre sur un riff de guitare qui fait entrer la composition dans un univers sonore hard rock. Freddy Mercury y chante de façon plus agressive, appuyé par la guitare et sa distorsion toujours présente, ainsi que la batterie qui rythme vigoureusement l’ensemble. Peu à peu, la composition revient à une section plus calme où les guitares et la batterie disparaissent pour ne laisser que la voix et le piano, achevée par une ligne de guitare au son clair. Trente ans après sa sortie, le morceau reste une référence majeure.
Toutefois, les guitaristes, gardiens de l’instrument le plus emblématique du metal, ont été les plus importants acteurs de la venue de la musique classique dans leur monde, en cherchant à repousser les limites de leur jeu, selon des modalités empruntant à la figure du virtuose […] L’imagerie de la maîtrise technique fait écho à la quête de puissance du metal. Maîtriser, c’est affirmer son pouvoir sur l’instrument, mais aussi sur la foule pendant le concert, qui est suspendue aux notes d’un solo. L’un des premiers guitaristes virtuose est sans doute Jimi Hendrix, tant par son jeu, son talent, que ses extravagances. En effet, la figure du virtuose articule diverses modalités de transgressions : des normes musicales et sociales.
C’est cependant Ritchie Blackmore, guitariste de Deep Purple, qui a eu le plus d’impact dans l’appropriation de la musique classique par le rock, le hard rock et le heavy metal. Lui-même virtuose, il a influencé un grand nombre de guitaristes, et a fait usage de nombreuses figures reprises du classique. Très tôt dans ses compositions, il utilise des progressions de notes et d’accords qui s’inspirent fortement de Bach et Vivaldi : “Le plus important musicien dans l’émergence de la fusion entre metal et classique fut Ritchie Blackmore. Guitariste de Deep Purple, Blackmore a été l’un des plus influents guitaristes de la fin des années soixante, début des années soixante-dix. Bien qu’il n’ait pas été le premier guitariste hard rock à employer le style classique, Blackmore a grandement affecté les autres musiciens ; pour la plupart d’entre eux, Blackmore a été le premier à opérer une vraie, impressionnante et indiscutable fusion entre rock et musique classique” (Robert WALSER).
Plus que par les expériences mettant en scène des orchestres, c’est surtout par le jeu des guitaristes et leur poursuite d’une maîtrise technique sans précédent, qui passe par la réactivation de pratiques de la musique classique, que celle-ci fait son entrée dans le metal.
Les années 80 : les guitaristes virtuoses et la popularisation des synthétiseurs : une démocratisation de la forme et de l’esthétique classique dans le metal
Les années 80 voient le metal devenir une musique populaire au sens où elle est consommée en masse, sur toute la planète. Son avènement permet l’émergence d’un très grand nombre de groupes, avec, parmi eux, des guitaristes virtuoses. Dans les pas de Ritchie Blackmore, trois guitaristes s’illustrent particulièrement par leur quête de maîtrise technique de l’instrument : Edward Van Halen, Randy Rhoads et Yngwie Malmsteen.
Fils d’un musicien américain pratiquant le saxophone et la clarinette, Eddy Van Halen et son frère apprennent d’abord le piano, ainsi que la théorie musicale jusqu’à ce que le premier s’intéresse à la batterie et le second à la guitare. Rapidement cependant, ils échangent leurs instruments. Dans son jeu, Eddy Van Halen s’inspire du blues, mais aussi de Bach et de Debussy. En 1978, sur l’album Van Halen, le morceau Eruption fait la démonstration de ses talents. Il y pousse la technique du tapping – qui consiste à jouer les notes en tapant avec les doigts de la main gauche, rejoints par un doigt de la main droite – à un niveau jamais atteint alors, l’ensemble donnant un effet fluide tout en délivrant les notes à une vitesse prodigieuse.
Randy Rhoads, né aux Etats-Unis, a lui aussi des parents musiciens. Professeur de guitare à plein temps, activité grâce à laquelle il développe son propre jeu tout en pratiquant de manière intensive, il s’inspire d’Alice Cooper, de Ritchie Blackmore et d’Eddy Van Halen, mais aussi de Vivaldi et de Pachelbel. Rhoads étudie de manière scrupuleuse la théorie musicale, posant, dans le sillage direct de Van Halen, les bases d’une pratique ascétique et professionnelle de la guitare metal […]. Il a notamment joué avec Ozzy Osbourne, le chanteur de Black Sabbath. Au sein des parties de guitare du morceau Suicide Solution, sorti en 1981, qu’il approfondit pour le concert, il prend modèle, entre autres, sur la cadence de la première partie du Concerto Brandebourgeois n°5 de Jean Sébastien Bach, ainsi que sur la toccata. Tous deux sont des mouvements qui permettent à un interprète de faire valoir sa virtuosité.
Enfin, le suédois Yngwie Malmsteen, est exposé très tôt au classique, par sa mère qui souhaite qu’il devienne musicien. Plusieurs instruments, dont la guitare, passent entre ses mains sans provoquer guère mieux qu’un dégoût de la musique. Il a 7 ans en 1970, lorsqu’il assiste à une performance télévisée de Jimi Hendrix qui lui fait changer d’avis. C’est également au travers d’une autre émission de télévision qu’à l’âge de 13 ans, il découvre la performance d’un violoniste interprétant Paganini. C’est un nouveau choc, il décide de jouer de la guitare de la même manière, à la fois nette, rapide et dramatique. Son objectif est de tendre vers une forme de musique absolue. Son premier album, sorti en 1984, Yngwie J. Malmsteen’s Rising Force, ne comprend que deux chansons chantées sur huit. Malmsteen adapte la musique classique à la guitare électrique, en s’inspirant de Bach, Paganini, Vivaldi et Beethoven. En 1998, il sort un concerto pour guitare électrique accompagné de l’orchestre Philharmonique de Prague, Concerto Suite For Electric Guitar & Orchestra In Eb Minor, Opus I – Millenium, “qui le positionne selon les critiques du genre, sur un pied d’égalité avec Mozart, Bach, Vivaldi ou Paganini.”
Malmsteen est un cas intéressant car, outre participer à l’importation de la virtuosité et de la rigueur du jeu classique dans le metal, il s’est également approprié leur élitisme, en insistant sur son génie propre et la nécessaire poursuite de la complexification et de la sophistication en musique. Il finit ainsi par se détacher du genre metal, avant de le rejeter symboliquement, car sa forme actuelle est trop simple à son goût. Toutefois, il continue de faire usage de son esthétique par un son de guitare saturée.
Alors que la théorie de la musique classique intègre le milieu metal par ses musiciens icônes – les guitaristes – sa sonorité va s’y introduire par l’usage de la technologie du synthétiseur, qui va supplanter l’orgue électrique. Apparu vers 1963, le synthétiseur, aussi appelé clavier, ou keyboards en anglais, permet de simuler un large panel d’instruments existants, avec plus ou moins de fidélité.
D’abord coûteux et difficile à programmer, il gagne peu à peu en sonorité et en simplicité. A partir des années 70, sa production semi-industrielle tend à faire baisser les prix et, en 1983, sort le premier synthétiseur entièrement numérique, produit par la firme Yamaha. Son coût d’achat diminue, ainsi que sa taille et le nombre de manipulations à faire : il suffit généralement de taper un numéro pour obtenir la sonorité désirée. Le numérique permet également d’offrir un son stable, contrairement à celui de l’analogique, sur lequel la chaleur où l’humidité pouvaient jouer un rôle.
De nombreuses formations de metal ont accueilli en leur sein des claviéristes dont la virtuosité n’a rien à envier à celle des guitaristes, mais sans être aussi populaires. Le phénomène est sans doute dû à divers facteurs, dont le plus important est très certainement la place centrale accordée à la guitare électrique dans la forme cristallisée du metal. Le guitariste lui-même est un personnage qui est souvent en mouvement sur scène, la traversant d’un bout à l’autre, ce que le claviériste ne fait que très rarement, son instrument, volumineux et immobile, occupant un point précis de l’espace scénique. La venue récente des guitaristes virtuoses est sans doute un autre facteur à prendre en compte. En effet, le phénomène est relativement nouveau, tout comme l’apparition de la guitare électrique. Celui-ci s’est accompagné du développement de techniques inédites, portant le jeu musical au niveau de ceux des violonistes, avec un nombre non négligeable de ses représentants eux-mêmes issus du monde du metal. D’une certaine façon, le genre a enfanté ses héros, ce qui n’est pas le cas des claviéristes. Ces derniers posent leurs pas dans les larges empreintes de Bach, Mozart ou Liszt pour ne citer qu’eux. Enfin, la plupart des claviéristes reçoivent généralement une formation classique de piano, puis s’en servent pour leur jeu au sein du monde du metal. A l’inverse, les guitaristes ont lorgné vers la musique classique afin de développer leur technique et leur virtuosité.
Il est tout de même possible d’évoquer quelques grands claviéristes pratiquant ou ayant pratiqué au sein des mondes du rock et/ou du metal, tel Jon Lord, le claviériste de Deep Purple, ou Richard Wright avec Pink Floyd. Le manque d’exposition des claviéristes dans le monde du metal en complique fortement l’étude, qui semble encore à faire afin de déterminer précisément comment l’esthétique sonore de la musique classique l’a intégré par leur office. On remarque toutefois que le nom de l’anglais Don Airey revient fréquemment. Né en 1948, ce dernier, encouragé par son père, étudie la musique classique en jouant Mozart ou Beethoven, tout en jetant son dévolu sur le jazz. Adolescent, il étudie la musique à l’Université de Nottingham, puis à l’Université de Manchester, avec le virtuose polonais Ricard Bakst. En 1978, Don Airey joue avec l’un des groupes fondateurs du metal, Black Sabbath, en tant que musicien de session, et intègre le groupe de Ritchie Blackmore, Rainbow. Il participe notamment à la reprise de la 9 Symphonie de Beethoven, Difficult to Cure [Beethoven’s Ninth]. Tout en poursuivant une carrière en solo, il joue avec un grand nombre d’autres formations metal comme Bruce Dickinson, Judas Priest, ou Gary Moore.
Un autre claviériste, plus contemporain, retient également l’attention. Il s’agit du suédois Jens Johansson. Lui aussi a à son actif un nombre important de collaborations avec des groupes metal. Fils d’un pianiste de Jazz, ses influences musicales prennent racines dans la musique classique et le metal. Il site comme référence aussi bien le claviériste Don Airey, et les groupes Deep Purple, Iron Maiden ou Rainbow, que Bach, Bartók, Prokofiev, Schnittke et Stravinsky. Virtuose, il développe ses qualités d’improvisation, tout comme les expérimentations dans le monde musical. En 1983, il intègre la formation d’Yngwie Malmsteen. Il joue également avec le groupe de metalDio entre 1989 et 1990. En 1995, il rejoint le groupe finlandais de melodic heavy speed : Stratovarius, avec qui il pratique encore aujourd’hui et qui est l’une des références du groupe Nightwish.
Les années 80 se présentent comme un tournant dans le heavy metal qui donnera bientôt naissance au metal symphonique. Les guitaristes posent une première pierre à l’édifice, en s’appropriant la virtuosité et la théorie classique. Le synthétiseur se fait plus accessible, on entend de plus en plus à la radio ses sonorités artificielles, accompagnant des chansons de genres divers et variés.
Une grande partie des musiciens de metal symphonique ont grandi avec ces sonorités, pendant leur enfance et/ou leur adolescence. Au détour de la moitié des années 90, le synthétiseur est un instrument répandu et abordable. Il permet de jouer d’un grand orchestre à l’aide d’une même interface, voire, comme s’il s’agissait d’un seul instrument, sans avoir à sortir de sa chambre. Il est ainsi possible d’aborder la musique classique par son esthétique sonore, à l’aide d’un instrument simple, commercialisé dans les grandes surfaces, et semblant à la portée de tous.
Quelques groupes de la scène actuelle mêlant musique metal et musique classique
Dans le paysage musical actuel, d’autres formations que Nightwish associent la musique classique au metal, certaines affiliées au sous-genre du metal symphonique, mais également à d’autres formes. Il existe ainsi plusieurs modalités de metal s’appropriant la musique classique, qui sont distinguées les unes des autres selon le style de metal joué, et la composante reprise depuis le monde classique.
Le panel qui suit est construit selon une perspective essentiellement historique : il s’agit de suivre, dans le temps, l’apparition des différents sous-genres s’associant à une dimension classique.
L’approche du guitariste Yngwie Malmsteen, que j’ai déjà évoqué, est qualifiée de metal néo-classique. Celui-ci consiste à s’approprier les structures et théories de la musique classique en les exécutant avec une esthétique sonore metal, et parfois classique par l’usage d’orchestres ou de claviers.
Dream Theater fait paraître, en 1992, son album Images And Words, une œuvre référence pour certain des membres de Nightwish. Le groupe américain évolue dans le metal progressif, dont ils sont encore aujourd’hui les représentants les plus célèbres. Le genre est ambitieux. Il s’approprie le classique ou le jazz, au travers de morceaux complexes, élaborés, souvent assez longs et qui sortent des cadres usuels alternant couplet/refrain. Les guitares électriques se mêlent au piano, aux trompettes, aux guitares acoustiques, voire à un orchestre, comme sur une partie de leur album live : Score (2006). Le chant, masculin, à la fois clair et aigu, travaille les nuances et s’attache à faire passer une multitude d’émotions. Celles-ci, et l’élaboration d’atmosphères, sont des caractéristiques essentielles dans la définition du genre, au service desquelles se soumet la virtuosité. Outre être des techniciens de haut vol – Mike Portnoy le batteur et John Petrucci le guitariste, sont parmi les plus experts de la scène metal – les musiciens de Dream Theater possèdent également une formation classique des plus complètes. En effet, les trois membres fondateurs du groupe sont issus de l’école de musique de Berkeley, à Boston.
Les suédois de Therionsont parmi les tous premiers à poser les bases formelles du metal symphonique. D’abord groupe de death metal, il opère, en 1993 avec l’album Symphony Masses: Ho Drakon Ho Megas, un virage stylistique en ajoutant des instrumentations classiques et des chœurs joués au clavier, à ses voix gutturales et ses riffs metal, s’inspirant de Wagner, Strauss, ainsi que Pink Floyd, Iron Maiden ou Accept. Par la suite, ses œuvres s’agrémenteront de plusieurs interprètes maîtrisant le chant lyrique, jouant de la flûte ou du piano. Bien que particulièrement célèbre dans le milieu du metal symphonique, le groupe n’a pas la même reconnaissance publique que Nightwish.
L’année 1996 voit la naissance de deux formations qui deviendront rapidement majeures : Nightwishde Finlande, et Within Temptation de Hollande. Chacune repose sur un chant féminin, l’usage de chœurs, ainsi que de claviers. Si Nightwish s’inscrit plutôt dans une mouvance power metal européen, accompagné d’un chant de type opéra, Within Temptation est plus gothique, avec un usage plus appuyé des voix gutturales, tout du moins sur ses premiers opus. A partir de son troisième album, The Silent Force (2004), la formation s’associe à un orchestre pour enrichir son panorama sonore […].
Enfin, on aura relevé avec intérêt qu’après quelques années de carrière, la plupart des formations citées mettent un point d’honneur à s’associer avec un orchestre. L’une des explications que l’on peut donner à ce phénomène est d’ordre esthétique : un orchestre symphonique sonne d’une façon plus naturelle, plus vivante que sa reproduction électronique. C’est sans doute un retour au modèle original de la copie synthétique, à quelque chose de plus vrai, que l’on pourrait qualifier de plus ‘noble’.
C’est ici qu’une deuxième explication trouve pied. L’usage d’un orchestre pour un concert ou l’enregistrement d’un album souligne que le groupe qui l’emploie a atteint une certaine légitimité sociale et musicale, notamment manifestées par la possession d’un capital économique. Celui-ci lui octroie un espace de liberté supplémentaire dans le monde musical, et permet aux artistes de choisir la source de leur esthétique sonore classique, synthétique ou réelle.
Les expériences symphoniques de groupes metal majeurs
A l’aube des années 2000, certains groupes de metal devenus des références tentent l’expérience de rejouer leurs “classiques” avec un orchestre, généralement pour un nombre de représentations en concert limitées. On relève trois exemples particulièrement pertinents : les groupes Metallica, Scorpionset Kiss. Détail intéressant, chacun d’eux étaient des formations metal typique : un ou deux guitaristes, un bassiste, un batteur et un, voire deux chanteurs. L’absence de claviériste semble indiquer que le développement d’une esthétique sonore classique n’était aucunement dans leurs projets.
En 1999, Metallica, qui interprète du thrash/speed metal, s’associe au chef d’orchestre Michael Kamen pour deux concerts, réarrangeant les morceaux du groupe pour le San Fransisco Symphony Orchestra, qui donneront naissance au double album S&M. Composant pour la télévision, ainsi que des musiques de film, Michael Kamen est un habitué des collaborations entre genres. Celui-ci a participé à l’album The Wall de Pink Floyd, collaboré avec Queen sur la bande originale du film Highlander, ainsi qu’avec Eric Clapton pour une série télé. La grande majorité des morceaux sont des œuvres parmi les plus connues de Metallica, comme Master of Puppet, Nothing Else Matters, One ou Enter Sandman. Avant le concert, le groupe est à la fois inquiet de la réaction de son public, et ravi de collaborer avec des musiciens talentueux. Leur guitariste, Kirk Hammett, particulièrement impressionné, demande presque timidement à pouvoir jouer un moment au milieu des cordes. Le concert remporte l’adhésion d’un public conquis, qui ne cessera d’être debout dans une salle avec siège. Les arrangements de Kamen, complexes, semblent cependant s’ajouter à la musique du groupe, qui a gardé la majeure partie de sa partition d’origine, plutôt qu’offrir un ensemble cohérent et équilibré.
En 2000, les Allemands de Scorpions, groupe de hard rock/metal, conduit une démarche similaire avec l’orchestre philharmonique de Berlin, publié sur l’album Moment of Glory. Là aussi, il s’agit de reprendre un grand nombre de ses classiques, comme Hurricane, Wind Of change ou Still Loving You. D’une durée inférieure à celui de Metallica, le concert accueille de nombreux invités, dont le chanteur Zucchero, ainsi qu’une chorale d’enfant. Si Hurricane 2000 décuple la puissance du morceau de hard rock qu’il était à l’origine, plus de la moitié du concert est dans un registre plus rock, faisant la part belle aux slows. Depuis ses tous débuts, en 1972, le style du groupe s’est assagi. Néanmoins, les arrangements de Christian Kolonovits – qui collabore à des projets varié dans la pop, le rock, mais également pour le monde du cinéma, prennent en compte l’ensemble des instrumentistes, groupe y compris, d’une façon qui paraît dynamiser et renouveler l’ensemble.
Enfin, c’est en 2003 que les musiciens maquillés de Kissenregistrent Kiss Symphony avec le Melbourne Symphony Orchestra, ainsi qu’une version plus réduite de ce dernier, le Melbourne Symphony Ensemble. Aux musiciens se joint également une chorale d’enfants. De la même manière que les autres formations, le groupe reprend ses plus grands tubes comme I Was Made for Lovin’ You. Kiss est un groupe de hard rock/glam metal qui a un goût prononcé pour la provocation – le guitariste chanteur a le haut de la poitrine à l’air alors que le bassiste vomit du faux sang sur scène quand il ne tire pas la langue. A l’intérieur de la jaquette du DVD on peut lire : “Quelqu’un a eu cette idée folle de mettre sur scène un orchestre symphonique mondialement connu avec le groupe de rock le plus scandaleux du monde… qui a cru qu’une idée aussi dingue avait une chance de marcher ? Soyez-là sans faute.” Arrangé par David Campbell, qui conduit également l’orchestre, le concert se déroule en trois actes. Le premier est seulement interprété par le groupe dans sa composition rock. Le second présente l’ensemble orchestral accompagné des musiciens qui ont troqués leurs instruments électriques pour des guitares folks et une basse acoustique. Enfin, le troisième acte voit la réunion du groupe à nouveau électrifié avec l’orchestre cette fois au complet. Campbell est un habitué des collaborations musicales avec des formations de tout bord, rock, metal, comme pop et a également travaillé sur des musiques film.
Ces expériences ont été tentées par des groupes établis depuis longtemps dans le rock ou le metal, où leur notoriété n’est plus à faire. Elles ont aussi eu lieu à une époque où l’hybridation du metal avec d’autres sous-genres avait débuté depuis quelques années déjà, et commençait à se populariser.
Comme je l’ai déjà souligné, ce genre d’expérience est une forme de reconnaissance du statut des musiciens metal. On doit cependant noter que les orchestres, ainsi que les personnes qui se sont chargées des arrangements, évoluent depuis plusieurs années dans un milieu en porte-à-faux entre l’univers populaire et l’univers classique. S’il est maintenant permis à un orchestre de jouer avec un groupe de metal, leur conducteur ou arrangeur sont souvent des chefs atypiques.
[LE-CARNET-ET-LES-INSTANTS.NET, 22 octobre 2018] Michel HODY, auteur de Crimes en rouche et blanc, est liégeois et s’est mis à la littérature après une carrière professionnelle pendant laquelle il avait publié des ouvrages techniques et de marketing. À la retraite, il se jeta dans l’écriture de romans policiers. Ses romans offrent la singularité de se dérouler dans la région liégeoise, principalement, au XIVe siècle, sous le règne du prince-évêque, Adolphe de la Marck.
C’est peut-être son “ancienne” façon d’aborder le monde (management…) qui se traduit dans ces romans policiers, époque Moyen Âge, où les actions et les personnages sont scrutés, décrits et dessinés dans une reconstitution modernisée de la langue et des comportements. C’est ce qu’on connaissait du travail de Michel Hody. Récemment, il vient donc de publier aux éditions Murmure des soirs un livre tendance polar, bien que ce genre aujourd’hui n’ait plus rien à voir avec la noirceur du genre qui fut celui des débuts. Ce sont plutôt les thrillers qui ont pris le relais. Et c’est le cas du dernier roman en date de l’auteur.
Liège, printemps 1982. Les “Rouche et Blanc” viennent de se qualifier pour la Coupe des Vainqueurs de Coupe. Le nouvel entraîneur du club, le renommé Oswaldo, est assassiné dans sa chambre d’hôtel. Son corps est découvert par le journaliste sportif Mike Scalais, venu l’interviewer. Le commissaire André Lecomte, ami du journaliste, est chargé de l’enquête qui s’annonce ardue. Aucun mobile… La mafia liégeoise serait-elle à l’origine de ce qui semble une exécution ?
Ça commence à Bruxelles, d’où est envoyé en exil à Liège le journaliste sportif Mike Scalais, un peu vache, naïf et sans véritables scrupules. Le drame, le mal, le moteur du mal se situent dans le milieu du football et des pronostics de ce sport où le fric et les nationalismes aujourd’hui l’emportent sur tout. Évidemment nous avons le “casting” classique du genre : un commissaire de police, un inspecteur, un journaliste, des politiciens véreux, un pédophile, de jeunes innocentes et de fieffés salauds.
La mafia intervient, et comme on le sait, tout ce qu’elle fait et dit dans les romans ou dans les films n’appartient évidemment jamais au réel. Le réel est beaucoup plus “trash” et la mafia de proximité, beaucoup plus discrète et terrifiante.
Crimes en rouche et blanc (Murmure des soirs, 2018) ISBN : 978-2-930657-46-2
Michel Hody, dans un souci de méticulosité, charge son roman de détails et de descriptions de lieux, les personnages à la psychologie élémentaire sont mis en scène du point de vue de leurs comportements (à Liège, dans le registre “policier”, on est héritier de Simenon ou on n’est rien) et les rebondissements ne manquent pas. Les accents, caricaturés, pointent les personnages de façon outrancière parfois et les situations en sont un peu éventées. Mais il n’en demeure pas moins que l’auteur sait mener sa barque au milieu des dangers d’un genre aux clichés bien arrimés.
Raconter un polar équivaut à raconter un film à son meilleur ennemi. Cependant, pour que le lecteur puisse entrevoir de quoi se nourrit ce polar aux accents de scandales journaliers, il suffit de lui dire que tout ce qu’il y a de pire dans le monde cynique du foot-bizness fait partie de la matière romanesque de l’auteur : les paris truqués et la mafia locale (et internationale) toujours prête à offrir un p’tit blanc sur le zinc pour dénouer les langues. C’est après qu’on les coupe.
Daniel Simon
Michel Hody chez lui…
Michel Hody se raconte (2019) :
“Après des études greco-latines et deux candidatures en philologie romane à l’université de Liège, j’ai obtenu une licence en sciences de la communication à l’institut Saint-Luc, à Ramegnies-Chin (Tournai). Puis j’ai été successivement chef de publicité dans une agence de publicité bruxelloise pendant quatre ans, dirigeant d’un club de football professionnel (le Standard de Liège) puis directeur d’une agence de développement économique à Seraing (AREBS). J’ai également donné des cours de marketing à l’IFAPME du Château Massart à Liège. J’ai publié deux ouvrages techniques en matière d’économie : La puberté de l’acheteur et Marketing pratique. J’habite Embourg depuis 35 ans où je partage maintenant mon temps entre le sport, l’administration de sociétés d’économie sociale marchandes et l’écriture.
EAN 9782873512309
De Roses et de Sang est ma première oeuvre de fiction, éditée en 2010 . Elle met en scène Amaury de Montségur, dit le Cathare, un des hommes de confiance du prince-évêque Adolphe de la Marck, chargé par ce dernier, d’enquêter sur la disparition d’un moine, porteur d’une somme importante. Accompagné de son second, Rheinhardt van Vossem, Amaury va résoudre une intrigue riche en rebondissements, avec en toile de fond, la ville de Liège au 14e siècle. Ce thriller moyenâgeux ayant connu un excellent accueil, tant de la critique que des lecteurs, j’ai poursuivi les enquêtes du Cathare, l’année suivante, par un deuxième opus, Le secret du Khazar se déroulant entre Liège et la prévôté d’Embourg-Sauheid. Avec un troisième épisode Sombres Vendanges, dans l’automne liégeois. Une saison propice à la vinification des cépages des coteaux mosans, aux parties de chasses sur les terres du prince-évêque, mais aussi au déchaînement d’agressions sauvages qui frappent inconsidérément, un modeste scribe du palais, un maître-houilleur et un noble de l’entourage d’Adolphe de la Marck.
Un quatrième ouvrage, avec mes héros récurrents, Pâques sanglantes les entraîne en Occitanie, au village natal d’Amaury. Ce séjour, qui devait représenter des espèces de vacances, va au contraire prendre des couleurs dramatiques. La sœur d’un nobliau local a disparu sur la route d’Arles et n’a plus donné signe de vie. Son frère, désemparé, supplie Amaury de retrouver sa parente. Louvoyant entre non-dits, secrets de famille, traces d’un trésor romain, contrebande de sel mais aussi dans le climat de la sanglante croisade des Pastoureaux : autant de pièces disparates qui perturbent leurs recherches, ou de plus, trop de morts suspectes viennent endeuiller un coin d’apparence si calme.
J’ai également eu l’honneur et le plaisir de présenter ces livres, il y a trois ans à l’apéro littéraire, organisé au Grand Curtius et le dernier en date Crimes en Rouche et blanc, au mois de février 2019. Une nouvelle enquête d’Amaury, Lune de miel en enfer est à l’édition et se trouvera dans toutes les bonnes librairies, au début 2020.”
Michel Hody
Bibliographie
2010 : De roses et de sang (une enquête d’Amaury le Cathare ; éd. Noir dessin) ;
2013 : Le secret du Khazar (une enquête d’Amaury le Cathare ; éd. Noir dessin) ;
[SCIENCESETAVENIR.FR, 11 décembre 2023] Au Mozambique et en Tanzanie, des humains sont guidés par des oiseaux nommés Grands Indicateurs pour trouver du miel d’abeilles. La communication entre eux est le résultat d’une coévolution culturelle, permettant aux oiseaux de reconnaître les appels humains dans leur zone géographique.
Dans de nombreuses régions d’Afrique – comme en Tanzanie et au Mozambique –, des chasseurs de miel lancent des appels bien particuliers à un oiseau brun de la taille d’un étourneau, dont le plat favori est la cire d’abeille. L’oiseau, nommé Grand Indicateur (Indicator indicator, ou Honeyguide en anglais) et endémique d’Afrique, répond en poussant des cris et les guide jusqu’aux essaims d’abeilles nichés au creux des arbres. Les chasseurs de miel, grâce au feu, enfument les abeilles puis ouvrent le nid, rendant accessible le butin de chacun. Du miel pour les humains et de la cire pour les oiseaux.
Des chercheurs ont étudié cette collaboration fructueuse entre humains et animaux sauvages, dans une étude publiée dans la prestigieuse revue Science le 8 décembre 2023. Ces travaux montrent que les Grands Indicateurs, surnommés à juste titre “guides de miel“, font la distinction entre les différents appels de chasseurs de miel, répondant beaucoup plus facilement à ceux qui proviennent de leur propre région. À l’aide d’enregistrements, Claire Spottiswoode, biologiste de l’évolution à l’université du Cap (Afrique du Sud), et Brian Wood, anthropologue à l’université de Californie à Los Angeles (États-Unis), ont examiné ces signaux, leur utilité pour les humains et leurs effets sur les oiseaux.
Un exemple rare de coopération entre animaux sauvages et humains
Ces chercheurs se sont intéressés à deux groupes de chasseurs-cueilleurs : les Hadza, un clan de nomades d’environ un millier de personnes vivant dans le nord de la Tanzanie, et les Yao, une autre ethnie de chasseurs-cueilleurs d’Afrique australe, vivant principalement au Mozambique, au Malawi et en Tanzanie. Les chasseurs de miel Hadza utilisent un sifflement mélodique pour communiquer avec les Grands Indicateurs, tandis que les chasseurs de miel mozambicains Yao se servent d’un trille bruyant, suivi d’une sorte de grognement – de type “brrr-hm”.
Les chercheurs ont constaté que les Grands Indicateurs des collines de Kidero, en Tanzanie, sont trois fois plus enclins à coopérer après avoir entendu un sifflement des Hadza plutôt qu’un appel des Yao, considéré comme “étranger”. À l’inverse, les Grands Indicateurs de la réserve spéciale de Niassa, au Mozambique, sont presque deux fois plus susceptibles de collaborer après avoir entendu un trille suivi d’un grognement des Yao plutôt qu’un sifflement “étranger” Hadza.
Pour ces scientifiques, ce phénomène est un exemple de “coévolution culturelle” de la communication : les humains d’une région ont plus de chances de réussite s’ils s’en tiennent au cri utilisé localement, car les oiseaux de cette région sont à l’écoute des signaux humains locaux. Les humains qui utilisent un cri différent ont moins de chances d’attirer des oiseaux qui les guideront jusqu’au miel. “Une fois que ces traditions culturelles locales sont établies, tout le monde – oiseaux et humains – a intérêt à s’y conformer, même si les sons eux-mêmes sont arbitraires”, assure Brian Wood dans un communiqué de presse.
“Cela profite aux deux espèces”
“Tout comme les humains du monde entier communiquent en utilisant un éventail de langues locales différentes, les populations d’Afrique échangent avec les Grands Indicateurs en utilisant un éventail de sons locaux différents”, explique Claire Spottiswoode dans un communiqué de presse. À l’instar des différentes langues humaines, ces cris déterminés par la culture véhiculent une signification sous-jacente : ils signalent le désir de s’associer à l’oiseau pour trouver du miel.
Une fois qu’une ruche sauvage est découverte, les humains utilisent de la fumée pour maîtriser les abeilles et l’ouvrir afin d’en récupérer le miel, tandis que les oiseaux se délectent de la cire d’abeille (qu’ils digèrent parfaitement) et des larves, désormais accessibles. Car leurs petits becs ne leur permettent pas d’ouvrir les nids. C’est du donnant-donnant. “Cela profite aux deux espèces. Cela permet aux chasseurs de miel d’attirer des Grands Indicateurs pour leur montrer les essaims d’abeilles difficiles à trouver, et aux Grands Indicateurs de choisir un bon partenaire pour les aider à atteindre la cire”, analyse Claire Spottiswoode.
Ce phénomène rare est l’un des cas les mieux documentés de coopération entre humains et animaux sauvages. “Les appels ressemblent vraiment à une conversation entre les oiseaux et les chasseurs de miel, tandis qu’ils se dirigent ensemble vers un nid d’abeilles”, ajoute-t-elle. “C’est un immense privilège d’assister à la coopération entre les humains et les Grands Indicateurs.”
Gus VISEUR est né à Lessines en 1915 et décédé à Bordeaux en 1974. Il est l’un des rares représentants de l’accordéon dans la sphère jazz. Né à Lessines de parents mariniers, il fréquente dès son enfance les milieux gitans et se familiarise avec leur musique. Il étudie l’accordéon en autodidacte et abandonne rapidement la navigation pour la musique. Il découvre le jazz et essaye de faire “swinguer” son accordéon : il sera d’ailleurs un des premiers musiciens européens à y parvenir vraiment. Il s’insère dans ce courant particulier qu’on appelle parfois “jazz gitan” [aujourd’hui Jazz manouche] et qui produisit des guitaristes surtout mais aussi quelques accordéonistes (Tony Murena, Jo Privat, etc.).
Il travaille principalement en France où il devient bientôt une célébrité. En 1938, il monte un quintette avec notamment le guitariste Pierre Ferret – un des grands du jazz manouche – et le contrebassiste Maurice Spellieux. Il enregistre avec eux plusieurs disques pour le label Swing, rencontre Django Reinhardt et devient un de ses proches, musicalement et humainement. En 1938, Gus Viseur enregistre à Paris dans une petite formation composée du légendaire guitariste argentin Oscar Aleman et de quelques jazzmen originaires des quatre coins d’Europe : Eddie Brunner, Tommy Benford, Boris Sarbek, Maurice Spellieux.
En 1939, il se produit en attraction au huitième Tournoi National de Jazz à Bruxelles. En 1940, il joue pour le Poste Parisien avec Django et le trompettiste Philippe Brun. Nombreuses séances d’enregistrement en 1941, 1942 et 1943 pour les labels Swing, Columbia, Decca et Rythme, à Paris et à Bruxelles (avec notamment Gus Deloof et Jack Lowens). A noter des participations au Festival Swing 1942 avec le clarinettiste André Lluis, et en 1943 à l’orchestre de Joseph Reinhardt aux côtés d’André Hodeir ! En 1946, nouvelles séances belges avec cette fois Victor lngeveld et Henri Segers.
Après 1950, les disques enregistrés sous son nom n’auront plus guère de rapport avec le jazz, à quelques exceptions près. Il termine sa carrière et sa vie dans l’anonymat.
[LALANGUEFRANCAISE.COM, 28 avril 2023] De nos jours, l’expression dès potron-minet est tombée en désuétude. Pourtant, cette manière de désigner le matin est particulièrement amusante — sans doute plus encore que vous ne l’imaginez, comme vous le découvrirez à la lecture de ces lignes. En effet, si le “minet” fait, sans surprise, référence à notre ami le chat, le “potron” dont il est question ici revêt une étymologie beaucoup plus graveleuse. Mais, ne faisons pas durer le suspense : nous vous détaillons dans cet article la définition, l’origine et l’usage de l’expression “dès potron-minet”.
Définition de l’expression “dès potron-minet”
“Dès potron-minet” signifie “de bon matin”. On nomme, par cette expression à la sonorité singulière, la période qui suit directement le lever du jour. D’un registre familier, la formule n’est que rarement neutre : elle comprend souvent un sous-entendu moqueur ou péjoratif. Ainsi, la personne qui se lève “dès potron-minet” est considérée comme trop matinale ; un rendez-vous organisé “dès potron-minet” est jugé trop contraignant, et ainsi de suite.
La langue française comporte de nombreuses équivalences pour désigner ce moment de la journée. Citons les tournures très poétiques “aux aurores”, “au point du jour” ou “aux premières lueurs” ; la plus pragmatique “au pied du lit” ; ou les plus amusantes “au chant de l’alouette”, “au chant du coq” et “avec les poules”. Mais pour briller en société, c’est l’adverbe rare “matutinalement” que nous vous conseillons d’employer !
Comme souvent, les traductions de cette expression dans les langues étrangères sont assez savoureuses : si l’on retrouve en portugais du Brésil l’image de la chanson du coq (“ao cantar do galo”), on utilise en anglais une locution beaucoup plus cocasse, “at sparrow’s fart”, qui signifie littéralement… “au pet du moineau”. Vous trouvez cela grivois ? Attendez de connaître l’étymologie de notre “potron-minet” avant de vous moquer !
Origine de l’expression “dès potron-minet”
En effet, les origines de l’expression “dès potron-minet” sont assez peu glorieuses ! La formule remonte au XIXe siècle ; si sa définition est restée la même, sa forme a évolué au fil des années, avant de se figer à l’aube des années 1900.
Vers 1640, on trouve d’abord dans le patois bourguignon l’expression “pauitrou-jaiquai”, qui donne en ancien français “le poitron-jacquet”. Le terme est constitué du mot latin posterio, dont la traduction française “postérieur, arrière-train” est assez transparente ; et de “jacquet”, un vocable populaire pour dénommer l’écureuil. Vous l’aurez compris, au sens littéral, “le poitron-jacquet” signifie “le derrière de l’écureuil” !
Plus tard, le petit rongeur laisse sa place à un chat, ou un “minet”, et l’expression désignant le matin devient “dès potron-minet”, soit “dès que l’on voit le derrière du chat”. Pourquoi donc tous ces noms d’animaux ? Tout comme le coq, l’alouette ou les poules évoquées précédemment, l’écureuil et le chat sont considérés comme très matinaux : ils se lèvent en même temps que le soleil, déjà pleins d’énergie et de vivacité. Quant à la référence à leur arrière-train, gageons qu’il s’agit-là d’une touche de poésie à la française !
Exemples de l’usage de l’expression “dès potron-minet”
Katsu, en se réveillant dès potron-minet, arrachait la bonne, Miyo, à son sommeil pour qu’elle fit cuire du riz. Il restait quatre ou cinq sacs de riz clandestin, datant de la période de la guerre, quoique un peu entamé par les bestioles.
Yukio Mishima, Une matinée d’amour pur
J’annonce dans cette froide nuit : “La tombe n’est pas le but !” et ne reçois nulle réponse, pas même un écho qui me renverrait ce fait à la face. Mais ma bouche ne pivote pas bien et mes paupières s’alourdissent à mesure que vient la torpeur d’acier, je m’endormirais volontiers si je pouvais seulement être sûr que ma raison me reviendra dès potron-minet (…)
Joanna Scott, La Mouche la plus belle
Ils avaient pris un hôtel en ville avant de se rendre, dès potron-minet, au domicile du suspect. Le lieutenant de garde, au Quai des Orfèvres, avait trouvé tous les renseignements à son sujet. Son adresse. Son état civil. Son casier judiciaire.
Franz-Olivier Giesbert, L’Abatteur
Je m’assois à un bout de la table et trace La Belle au bois dormant, Le Lac des cygnes. Ça en fait toute une page. Cependant, les nombreux tchékistes qui tournicotent autour de moi (ils iront moucharder demain dès potron-minet) de redoubler d’attention ; sûr et certain qu’elle est en train de livrer le plan de nos usines d’armement. Mais que puis-je faire ? Leur dire que je suis illettrée, que je ne sais pas écrire ?
La conséquence psychologique d’avoir une histoire familiale marquée par l’Holocauste, c’est que l’on ne tient jamais rien ni personne pour acquis…Nous n’avons jamais le sentiment qu’une chose nous est due et nous sommes reconnaissants quand le destin nous est favorable
Rosalie Silberman Abella, Juge à la Cour suprême du Canada,
L’acte d’écrire peut ouvrir tant de portes, comme si un stylo n’était pas vraiment une plume, mais une étrange variété de passe-partout.
En 2017, notre confrère Michel s’est également fendu d’un ouvrage sur l’innovation dans la collection ‘L’Académie en poche’ : Innovation : effet de mode ou nouvel équilibre ? Il résume son texte comme ceci : “Machiavel disait déjà : ‘Lors de périodes calmes, ceux qui nous gouvernent ne pensent jamais que les choses changent. C’est une erreur humaine commune que de ne pas s’attendre aux tempêtes, par beau temps.’ Nous traversons une période de transition qui voit l’obsolescence des modèles d’autrefois et l’éclosion de nouveaux paradigmes. Cette période de ‘crise’ enregistre des changements, certains inévitables car exogènes et d’autres qui seront le résultat de nos décisions. Pour y faire face, l’innovation sera une arme cruciale mais délicate. Il s’agit ici de définir, démystifier et structurer le concept d’innovation pour adopter un langage commun et éviter les interprétations erronées et nébuleuses qui ouvrent la porte à la subjectivité, car un monde innovant implique non seulement l’importance d’un savoir et d’un savoir-faire mais aussi celle d’un savoir-être et d’un savoir-devenir.“
Non content d’avoir déjà commis une nouvelle et une tribune libre dans nos pages, le voilà romancier (en quête d’éditeur : à bon entendeur…). Quand on lui demande ce que l’on peut trouver dans La pomme et le raifort, l’auteur commente : “Toute vie est une aventure unique mais pour d’aucuns, elle s’accompagne de déracinements, soubresauts et voyages dans des contrées réelles ou imaginaires, imprévues et surprenantes, voire dangereuses. De la vie aujourd’hui disparue des shtetls de Pologne à l’immigration chaotique des années 20 et, par-delà, à l’intégration en Europe occidentale, la guerre, la Shoah et la reconstruction des personnes et de la société, tel est le thème de ce roman. C’est une histoire compliquée mais aussi complexe car souvent imprévisible, tantôt drôle et tantôt dramatique, à travers le jeu des portes suivantes :
Du café de Flore à la boulangerie bruxelloise, porte des souvenirs
Les années d’airain, porte du déracinement
Les lumières de la grande ville, porte des paillettes
Paris-Bruxelles, porte de la transhumance
Den â met , porte des petites gens
Les noces, portes de l’impossible harmonie
Un homme rangé, porte de la raison
La famille s’agrandit, porte des espoirs
Menaces à l’est, porte de l’angoisse
Paix fragile, guerre facile, porte des dangers
La libération, porte du renouveau
Nouvelle vie, nouvelles découvertes, porte de l’anticipation
Retour au bercail et à la névrose, porte de la nostalgie
A la coupe moderne, porte des petits pas
Les vacances à la campagne, porte de la joie
La découverte de l’altérité sexuelle, porte du plaisir
Amour, sexe et nouveaux horizons, porte de l’aventure
Trahison, porte des brumes
Décisions familiales, porte verrouillée
Rencontre, porte de la reconstruction
Terrible toux, porte de la vieillesse
Porte des métiers
Tangissart, porte de la jeunesse
Porte de la carrière
Porte de l’infini
Porte de la vie
Et demain, porte grande ouverte..”
Les premières lignes du roman, à titre de mise-en-bouche…
“Quatre rangs de bracelets, une double chevalière cloutée de diamants, une chaîne entourant à la fois un pouce et le poignet correspondant, elle portait un gilet de cuir fin sur un top en soie noire, son sac Hermès en crocodile posé sur la table de la terrasse du café de Flore, à Saint Germain. Une Américaine cougar, dans la cinquantaine, discutait chiffons et hommes, visiblement aussi éphémères les uns que les autres, avec une autre dame de même féline espèce.
Marcel les observait avec une certaine insistance, tant elles étaient caricaturales, sans que cela n’éveille leur attention car avec vingt ans de plus, il n’était plus une proie intéressante pour ces carnassières parfumées, bottées et bijoutées. Tout juste un lion vieillissant à la crinière plus sel que poivre, et son plein d’histoires, de souvenirs et quelques projets, comme antidote à la fuite du temps.
Le même sentiment de vacuité l’avait envahi six mois plus tôt au Sea lounge de l’hôtel TAJ MAHAL à Bombay.
A gauche, la Porte des Indes surplombait cette place peuplée de bateleurs, marchands à la sauvette et mendiants professionnels tandis qu’à droite, des centaines d’embarcations hétéroclites et improbables oscillaient devant quelques cargos et pétroliers ancrés au large, dans la mer d’Arabie.
Le gin-tonic vintage du Sea Lounge et cette vue d’un monde post-colonial faisaient s’envoler les pensées : Kipling, l’Inde des maharadjahs, l’éphémère et l’intemporel, l’urgent et l’important, les racines historiques et le futur incertain.
L’Inde, qu’il avait découverte à près de cinquante ans, l’avait conquis par sa diversité de cultures, de langues et de religions mais aussi par cette coexistence pacifique de la misère et de la richesse, de la beauté et de la laideur. Le petit vendeur de thé et sa charrette à bras était installé sous les murs d’un château urbain dont le propriétaire ne manquait pas, chaque matin, en sortant chez lui, de tailler une bavette avec l’homme simple qui lui vendait sa tasse de chaï pour quelques roupies. Et cette attitude était assez commune dans le sous-continent indien où, par le truchement des réincarnations successives, le riche serait peut-être pauvre et inversément, dans une vie ultérieure, du moins, le croyaient-ils.
Il rêvassait à cette rencontre quasi hebdomadaire avec un autre mendiant, un jeune Roumain nommé Alexandre, près d’une pâtisserie bruxelloise où il quémandait son obole auprès des acheteurs de pistolets et de croissants du dimanche matin.
Le sachant membre, malgré lui, d’un groupe de mendicité organisée, il préférait lui donner un croissant plutôt que de l’argent et, au fil du temps, ils échangèrent quelques idées sur la vie, le monde et sa situation.
Un beau dimanche matin, Alexandre lui dit : “Toi, tu as de la chance !”
Marcel fut interloqué car, hic et nunc, oui, par rapport à lui, il avait certes de la chance mais déjà son esprit évoquait un passé dont Alexandre venait, à son insu, de soulever le couvercle.
Il est vrai que Marcel était déjà le résultat d’une double aberration statistique : ses parents avaient survécu par miracle à la Shoah et, après la guerre, de longs conciliabules avaient eu lieu sur la question de sa naissance ou non car il était un accident des retrouvailles de parents flirtant avec la cinquantaine.
Ainsi, le passage de fœtus à narrateur fut-il des plus aléatoires.
Rentré chez lui avec les pistolets, il exhuma quelques vieilles valises en carton et cuir bouilli, remplies de photos du dix-neuvième et vingtième siècle et une foule d’histoires et de légendes familiales refit surface…“
[ARLLFB.BE] Membre belge littéraire de l’Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique, du 10 novembre 1990 au 11 août 2014, au fauteuil 26 (prédécesseur : Georges Simenon ; successeur : Amélie Nothomb)
BIOGRAPHIE
C’est avec Les Habits neufs du Président Mao, publié en 1971, que Simon LEYS, pseudonyme de Pierre Ryckmans, né à Anvers en 1935, s’est fait connaître du grand public. Il y développait une thèse centrale : plutôt qu’un mouvement de masse issu de la base contre les privilèges et les classes, la Révolution culturelle chinoise n’était qu’une lutte pour le pouvoir, menée au sommet entre une poignée d’individus, qui se pratiquait par l’élimination des rivaux, des opposants et bientôt de tout qui pût incarner une pensée : professeurs, intellectuels, artistes, écrivains. Historien d’art de formation, il s’était intéressé à la littérature, à la peinture et à la calligraphie en Chine qu’il qualifiait de “l’autre pôle de l’expérience humaine“, “l’autre absolu“. Confronté à une civilisation en tout point opposée à la nôtre, il remet en question tout ce qui, jusque-là, lui avait paru évident. Mais voilà que, jour après jour, sur les rivages de Hong Kong où il vivait, la mer charriait son lot de cadavres et de rescapés à la nage qui témoignaient de l’horreur qu’ils avaient réussi à fuir. Pour échapper à la honte du silence complice, il ne lui restait qu’à écrire et à témoigner.
EAN9782851841773
Ce livre fut accueilli en France par des volées de bois vert de la part des journaux ou des intellectuels les plus en vue, ou par le mépris ou l’indifférence. Son combat se transforme en un combat contre le mensonge et l’aveuglement. Son œuvre s’apparente à une quête de la vérité. Son moteur est l’indignation. Elle dévoile surtout une pensée à rebours qui trace sa voie à contre-courant du fleuve, une pensée libre sans cesse en éveil qui ne se réclame d’aucune figure tutélaire, une pensée concrète qui, tentant d’élucider les zones d’ombre, se forge à l’épreuve des faits ou des textes et s’adresse au lecteur sans artifice ou appareil conceptuel. Quatre essais sur la Chine suivront : Ombres chinoises (1974), Images brisées (1976), La Forêt en feu (1983), L’Humeur, l’honneur, l’horreur (1991).
La mer a exercé sur lui une fascination constante. Au commencement, il y avait la mer. Simon Leys le pensait volontiers lui qui, dans sa préface à sa monumentale Anthologie de la mer dans la littérature française (Plon, 2003) cite Hilaire Belloc : “C’est sur la mer qu’un homme se rapproche le plus de ses origines et se trouve en communion avec ce dont il est issu, et à quoi il retournera.” Pour rien au monde, il n’aurait manqué une sortie en mer, à condition que ce fût en voilier. Quand il était étudiant, il n’avait pas hésité à embarquer à bord d’un thonier breton, le Prosper, un bateau qui, sous sa plume, devient un personnage du récit qu’il publie. Pour tenter d’élucider le mystère du naufrage, en 1629, d’un joyau de la Compagnie hollandaise des Indes, le Batavia, Simon Leys partagea la vie des pêcheurs de langoustes sur l’archipel inhabité d’Abrolhos. Les trois cents rescapés du naufrage réussirent à se réfugier sur quatre îlots de l’archipel. À peine sauvés de la noyade, ils tombèrent sous l’emprise d’un des leurs, “un psychopathe qui les soumit à un régime de terreur puis, secondé par une poignée de disciples, entreprit méthodiquement de les massacrer, n’épargnant ni les femmes ni les enfants.” Anatomie d’un massacre, tel est le sous-titre du récit Les Naufragés du Batavia (Arléa, 2003) qui décrit l’entreprise sanguinaire consécutive au naufrage, une expérience en laboratoire du phénomène totalitaire, observé auparavant en Chine, qui, selon son analyse, serait tributaire de la réunion de trois facteurs : un psychopathe intelligent et charismatique, un groupe d’hommes de main prêts à tout et une foule de braves gens qui ne veulent pas de problèmes.
Lui que les hasards de la vie avaient conduit à vivre d’île en île, Taïwan, Hong Kong et finalement l’Australie où il s’était installé avec sa famille, avait choisi la mer pour que, après sa mort, ses cendres y fussent dispersées, à l’image de sa vie même où, retiré du monde, il n’avait cessé de s’effacer derrière son oeuvre, répugnant aux interviews et aux manifestations censées le porter sur le devant de la scène. Cet effacement, qui fait songer à Beckett, Gracq, Blanchot ou Michaux, est une composante intime de la tâche du traducteur qu’il qualifie d’’homme invisible’. Le traducteur “s’emploie à effacer toute trace de sa propre existence. (…)” Simon Leys, s’est très tôt attelé à traduire les textes qui lui étaient chers. Selon lui, “on ne peut vraiment bien traduire que ce qu’on aurait aimé écrire soi-même.” Ainsi, Les Entretiens de Confucius, La Mauvaise Herbe de Lu Xun, Six récits au fil inconstant des jours de Shen Fu, Les Propos sur la peinture du moine Citrouille-Amère de Shitao, traductions qui trouvent naturellement place dans son œuvre, aux côtés de ses ouvrages originaux.
“La traduction est la forme suprême de la lecture“, écrivait-il. Et il était un immense lecteur, lui qui affirmait “fréquenter les livres plus que les gens.” En lisant ses livres, les siens, où se bousculent les citations et les épigraphes, on a le sentiment que toute la littérature du monde est passée par ses mains, du moins celle qui s’écrit en anglais, en français ou en chinois. Dans Les Idées des autres (Plon, 2005), il prend plaisir à compiler les citations, classées par thèmes, de ses écrivains de cœur aux premiers rangs desquels figurent ses compagnons de route : Chesterton, Orwell, Conrad, Simone Weil, Segalen, Michaux, Kafka… qui se retrouveront au centre de ses essais : L’Ange et le Cachalot (Le Seuil, 1998), Protée et autres essais (Gallimard, 2001), Le Studio de l’inutilité (Flammarion, 2012).
Auteur d’un seul roman, La Mort de Napoléon (1986), c’est dans ses essais que Simon Leys fait montre d’une intuition qui, comme poussée par le vent de la langue, ouvre chez le lecteur les portes de l’imagination. Lui qui, toute sa vie, s’est érigé contre le totalitarisme de la politique et de la pensée, s’est réfugié dans l’humour et dans la beauté pour ne pas désespérer du monde et des humains.
Jean-Luc Outers
BIBLIOGRAPHIE
Les habits neufs du Président Mao. Chronique de la révolution culturelle, essai, Paris, Champ libre, 1971.
Ombres chinoises, essai, Paris, Union Générale d’Edition, coll. “10-18», 1974.
Images brisées, essai, Paris, Laffont, 1976.
La forêt en feu. Essai sur la culture et la politique chinoises, essai, Paris, Hermann, 1983.
Orwell ou l’horreur de la politique, essai, Paris, Hermann, 1984 (rééd. Plon, 2006).
La mort de Napoléon, roman, Paris, Hermann, 1986 (rééd. Bruxelles, Labor, coll. “Espace Nord», 2002; rééd. Paris, Plon, 2005).
Leys, l’homme qui a déshabillé Mao : un intellectuel face aux maoïstes
[LEMONDE.FR, 3 février 2024] Portrait d’un sinologue belge qui, le premier, a regardé la réalité du maoïsme en face, et a été cloué au pilori pour avoir eu le tort d’avoir raison trop tôt.
Pour avoir décrypté dès 1971, dans Les Habits neufs du président Mao, les ressorts de la Révolution culturelle – une stratégie de Mao pour garder le pouvoir malgré le criminel échec du Grand Bond en avant –, Pierre Ryckmans (Simon Leys est un pseudonyme) a été ignoré, méprisé, voire traîné dans la boue par ceux qui tenaient le haut du pavé, y compris Le Monde. Il faudra attendre 1983 pour que Bernard Pivot l’invite à s’exprimer à la télévision, dans un numéro d’Apostrophes d’anthologie au cours duquel le sinologue étrille l’une des maoïstes les plus ferventes, Maria Antonietta Macciocchi, également présente sur le plateau.
Un documentaire de Fabrice Gardel et Mathieu Weschler présente à grands traits sa vie, de sa naissance, en 1935, dans une famille bruxelloise à son décès, à Sydney, en 2014, en passant bien sûr par son séjour à Hongkong au milieu des années 1960 et ses six mois comme conseiller culturel à l’ambassade de Belgique à Pékin en 1972. Pourtant, ce film est, en fait, autant consacré aux errements des maoïstes qu’à la biographie du briseur d’idoles.
Myopie collective
Au-delà de Mme Macciocchi, mais également de Philippe Sollers et d’André Glucksmann, le film dénonce toute une génération pour laquelle l’idéologie ne reposait sur aucun savoir. S’il a été, lui aussi, fasciné par le maoïsme, Simon Leys a fait l’effort d’apprendre le chinois, de lire minutieusement la propagande qui parvenait à Hongkong et de discuter avec les réfugiés qui, au péril de leur vie, fuyaient la Chine continentale pour trouver refuge dans la colonie britannique. Un travail de chercheur consciencieux, qui lui valut d’être traité ‘d’agent de la CIA‘.
L’un des principaux intérêts du documentaire est de donner la parole à plusieurs acteurs ou témoins-clés de cette époque, dont Amélie Nothomb, fille d’un diplomate belge qui a directement travaillé avec Ryckmans à Pékin, et surtout René Viénet, l’un des rares sinologues à avoir soutenu Simon Leys dès le début. “On a imposé la vérité contre des gens qui étaient puissants, bien organisés et odieux“, témoigne-t-il.
A part l’inénarrable Alain Badiou, butte-témoin d’une époque révolue, rares sont aujourd’hui les intellectuels à se déclarer maoïstes. Mais il faudra attendre le massacre de la place Tiananmen, en juin 1989, pour que les analyses de Simon Leys emportent définitivement l’adhésion. Les dégâts de cette myopie collective ont été considérables. Si Simon Leys a fini sa vie en Australie, c’est notamment parce que l’université française n’a pas voulu lui offrir un poste.
A travers ce portrait, le documentaire fait le procès d’une génération d’intellectuels et de sinologues français. On peut donc regretter qu’il ne s’attarde pas davantage sur la personnalité de son héros, le rôle de ses convictions religieuses chrétiennes ou son immense talent littéraire, qui faisait de Leys un redoutable polémiste.
Découvrir
Des décennies plus tard, c’est avec délectation que l’on continue de dévorer Les Habits neufs du président Mao (Ivrea) ou ses Ombres chinoises (Champ libre, 1974), alors que les écrits de ses adversaires sont tombés dans l’oubli. Si le documentaire apporte peu à ceux qui connaissent Simon Leys, il a le mérite de faire découvrir cette grande figure intellectuelle et humaniste à tous les autres.
Frédéric Lemaître
“Leys, l’homme qui a déshabillé Mao”, documentaire de Fabrice Gardel et Mathieu Weschler (Fr., 2023, 52 min) > cliquez sur la photo pour visionner…
[LIBERATION.FR, 3 février 2024, extraits] Dans la catégorie dézingage, c’est un moment de choix. La scène se passe le 27 mai 1983 sur le plateau d’Apostrophes, alors la grand-messe du livre ordonnée par le pape des lettres Bernard Pivot. Ce jour-là, il reçoit quatre invités pour parler des ‘intellectuels face à l’histoire du communisme’. Parmi eux, la journaliste, écrivaine et femme politique italienne Maria-Antonietta Macciocchi qui vient de publier Deux mille ans de bonheur, un ouvrage sur son compagnonnage avec la gauche communiste et ses voyages, notamment en Chine. Face à elle, un inconnu ou quasi : Simon Leys, sinologue averti et lucide, précis et rigoureux mais non sans esprit, l’intellectuel cingle la passionaria maoïste pour son précédent ouvrage De la Chine. […] “De son ouvrage De la Chine, ce qu’on peut dire de plus charitable, c’est que c’est d’une stupidité totale ; parce que si on ne l’accusait pas d’être stupide, il faudrait dire que c’est une escroquerie.” Puis Leys démonte une thèse avancée par l’autrice : “dire que le maoïsme, c’est la rupture avec le stalinisme, ça va à l’encontre de toute évidence historique connue de tout le monde.“
A court d’arguments, Macciocchi s’agite, s’offusque, s’essouffle. Ce soir-là, Simon Leys sort de l’anonymat et de l’ostracisme où il a été relégué par l’intelligentsia et l’establishment. Ces beaux esprits épris d’un culte délirant pour le Grand Timonier et son bréviaire, le Petit Livre rouge. En consacrant un film à cet intellectuel libre et incisif, Fabrice Gardel et Mathieu Weschler éclairent le parcours trop méconnu du ‘plus lucide contempteur des crimes de Pékin’ et rétablissent des vérités.
Simon Leys, né Pierre Ryckmans en 1935 en Belgique, découvre la Chine à 20 ans à la faveur d’un voyage étudiant. Le “choc fondateur” produit par cette première visite va conditionner son existence. Le jeune Belge arrête ses cours de droit, se lance dans des études de chinois et arpente le pays, sac à dos et carnet de voyage en poche. Séjourne à Taiwan, au Japon. “Il devient un lettré chinois“, rappelle René Viénet, l’ami-éditeur de Leys et, lui aussi, fin connaisseur de la Chine. En 1963, Leys s’installe à Hongkong […] Là, en passionné empirique du terrain et de la langue chinoise, il prend la mesure de la “lutte de pouvoir terrible entre Mao Zedong et le Parti communiste et de ce que le peuple en est la victime.” Les cadavres de la boucherie maoïste finissent par arriver dans les eaux de Hongkong. “Je ne peux pas rester en dehors, je dois prendre position, sinon je ne pourrai plus me regarder dans la glace“, raconte Simon Leys dans une archive. L’ancien étudiant “apolitique, avec un intérêt assez exclusivement culturel” pour la Chine, s’engage pour raconter l’envers de la campagne des Cent Fleurs, du Grand Bond en avant et de la Révolution culturelle qui a raflé des dizaines de millions de vies entre 1957 et 1976.
[…] Sur les conseils de René Viénet, Pierre Ryckmans devient Simon Leys et rédige les Habits neufs du président Mao en 1971, une synthèse de documents repérés par Leys et de témoignages recueillis à Hongkong. “On avait sous les yeux l’évidence, l’immensité de cette terreur atroce que représentait le maoïsme pour la Chine“, dit Leys. Il est insulté, vilipendé par la gauche intellectuelle et les médias qui lui sont proches, le Monde, le Nouvel Observateur, la revue Tel Quel du très ‘Mao-béat’ Philippe Sollers. Certaines archives sont aujourd’hui aussi comiques que pathétiques sur le niveau d’aveuglement et de bêtise alors atteint. La funeste mode maoïste finira par pâlir après la mort du Grand Timonier et le grand massacre perpétré par les Khmers rouges au Cambodge […]
[4ème de couverture] “Des difficultés à se concentrer et à s’organiser… De l’impulsivité et des émotions non contrôlables… Une tendance à couper la parole et à multiplier les oublis… Le TDAH (Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité), s’il est souvent diagnostiqué chez les enfants, est pourtant fréquent chez les adultes. Les personnes TDAH, fâchées avec les contraintes et la routine, dépassées voire épuisées à force de compenser les difficultés, en souffrent autant au travail que dans leur vie personnelle. Ce livre présente les particularités du TDAH chez les adultes, ses symptômes, les difficultés qu’il génère et les troubles fréquemment associés, ainsi que ses liens avec le haut potentiel et la bipolarité notamment. Il fait un point sur le diagnostic et présente de nombreuses stratégies à mettre en place pour faciliter le quotidien et les relations sociales. Riche d’outils et de témoignages, ce manuel pratique sera aussi utile aux personnes TDAH qu’à leurs proches…“
Que faire quand on a un proche TDAH ?
La personne atteinte de TDAH ne devrait pas être la seule cible d’intervention thérapeutique. Il est important que tous les membres de la famille sachent ce qui se passe et puissent faire partie de la solution. Ce chapitre s’adresse essentiellement à une personne qui voudrait aider un proche avec un TDAH. Il n’est cependant pas inutile pour la personne avec TDAH de le lire ! En effet, comme le disait Friedrich Nietzsche: “Aide-toi toi-même : alors tout le monde t’aidera.“
Il est possible de mieux vivre les difficultés liées au TDAH, et même de transformer les aspects négatifs en forces ! Mais cela implique un travail collaboratif, réalisé en bienveillance. Rien ne sert d’accuser l’autre : inutile de reprocher à la personne avec TDAH de “trouver des bonnes excuses“, ou d’accuser le proche de “ne pas être assez compréhensif“. Au contraire, le premier pas est de réfléchir comment chacun peut progresser, et de s’engager dans ce but. L’aide d’un professionnel peut être précieuse.
Le programme Barkley : Russell Barkley, neuropsychologue américain, a consacré sa carrière à l’étude du TDAH, chez l’enfant comme chez l’adulte. Une de ses motivations était peut-être qu’il avait un frère jumeau atteint par le trouble. Ce frère est mort dans des conditions dramatiques, dans un accident de voiture où il n’avait pas attaché sa ceinture, ce que Russell Barkley a toujours attribué au fait que son frère avait très régulièrement un comportement impulsif et un TDAH non traité. L’un des aspects le plus connu de son travail est le développement du programme Barkley, qui vise à aider les parents d’enfant avec TDAH et/ou avec un trouble oppositionnel en utilisant des compétences acquises au sein de groupes appelés programmes d’entrainement aux habilités parentales (PEHP). Les groupes Barkley proposent d’abord une information sur le trouble afin de permettre aux parents de mieux comprendre leur enfant et son comportement. Ils s’appuient ensuite sur les méthodes des TCC par une analyse fonctionnelle des difficultés (retrouver les facteurs déclenchants et les facteurs qui maintiennent un comportement) , en utilisant des renforçateurs qui vont permettre de progresser. L’objectif final est de rétablir des interactions parents-enfants positives et d’améliorer le bien-être de l’enfant, de ses parents et de sa fratrie : sentiment de compétence, diminution du stress et des conflits conjugaux. Plusieurs études ont montré l’efficacité du programme et expliquent sa dissémination dans le monde entier. De telles approches ont permis à de nombreux parents de faire face au TDAH de leur enfant et de leur permettre de se développer dans les meilleures conditions possible. Russell Barkley s’est aussi intéressé aux proches d’adultes avec TDAH. Il a écrit un livre très complet consacré aux proches de personnes avec TDAH : When an Adult You Love has ADHD, non traduit en français.
Évaluer et comprendre les symptômes : un travail commun
Il vous faut avant tout comprendre ce qu’est le TDAH, ce que votre proche peut, ne peut pas ou peut difficilement réaliser. Les symptômes du TDAH peuvent ressembler à des actions délibérées, à des refus, à des affronts intentionnels. En effet, les symptômes du TDAH s’observent uniquement par le biais du comportement, et nous avons tous spontanément tendance à considérer les comportements comme intentionnels et délibérés. Or, de nombreuses facettes du comportement sont déterminées sans intention. Notre cerveau nous pousse sans cesse à agir sans que nous en soyons conscients, la conscience ne venant qu’après coup, pour filtrer et censurer les choses qui sont peu adaptées dans une situation. Or, le TDAH impacte particulièrement ces capacités d’inhibition.
Le TDAH est bien à la base un problème biologique qui impacte le fonctionnement du cerveau. Comprendre que les erreurs de votre proche ne sont pas un signe de manque de respect ou d’égoïsme, mais en partie l’expression de symptômes, facilite l’expérience de la compassion. Si vous vous dites “Ah, mais cela va tout excuser, ça déresponsabilise“, sachez que cela est pertinent, mais attendez, nous traiterons ce point un peu plus loin. La première étape est d’identifier les symptômes les plus marqués de votre proche, étape ô combien difficile quand on n’est pas spécialiste du TDAH ! Pour cela, il faut donc vous renseigner, parler dans des associations, rencontrer des professionnels.
Les symptômes les plus marqués de mon proche. Lisez ou relisez les différents symptômes du TDAH décrits dans cet ouvrage et dressez la liste les difficultés que vous rencontrez au quotidien dans le tableau ci, dessous :
Problème
Symptôme de TDAH qui explique le mieux le problème
Analyse
Exemple : arrive toujours en retard
Difficultés d’organisation (de gestion du temps), difficultés de planification
Il n’arrive pas à anticiper tout ce qui pourrait rallonger un temps de trajet, par exemple, le temps qu’il met à chercher ses affaires
Exemple : crie très souvent sur les enfants
Difficultés pour réguler la colère, l’impulsivité
Quand il s’occupe des enfants, c’est souvent
le soir et la fatigue a tendance à augmenter
l’impulsivité
…
…
…
Maintenant que vous avez rempli ce tableau, avez-vous
l’impression de voir les choses différemment ?
Même si des traitements sont efficaces, il n’existe cependant pas de moyen de faire disparaître le TDAH : c’est un problème qui restera présent toute la vie. Une nouvelle pas facile à entendre, autant pour la famille que pour la personne concernée : il y a alors un chemin commun à parcourir.
Souvent le diagnostic est initialement assez bien accueilli, car c’est une explication à des problèmes récurrents de longue date. Mais les problèmes ne sont pas réglés pour autant et il va falloir se mettre dans l’optique d’une course de fond pour tenir dans la durée. Il y a une grande différence entre savoir et accepter. En effet, savoir correspond à une attitude purement intellectuelle : “Oui, il a du mal à se concentrer, je le sais, c’est à cause de son TDAH.” C’est une connaissance détachée qui ne prend pas complètement en compte le vécu, le ressenti et les conséquences. Cette attitude conduit à des pensées ou des propos du type : “Je sais que tu as un TDAH, mais tu pourrais faire des efforts.” Ce n’est pas vraiment aidant.
Redisons-le, accepter ne veut pas dire excuser ou déresponsabiliser. Tout au contraire, accepter veut dire faire un point honnête et renforcer la responsabilité. Reconnaître ce que l’on peut faire, changer, mais aussi distinguer ce qui restera difficile, ce qui va prendre du temps. Parfois, on ne sait pas ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Ce qui n’est pas possible maintenant peut être possible plus tard.
Vous devez vous poser la question suivante et tenter d’y répondre honnêtement : “Est-ce que je veux vraiment que mon proche (conjoint, enfant) soit ‘fonctionne tout à fait comme moi’ ? Ou, est-ce que je veux qu’il soit la meilleure personne avec le TDAH qu’il puisse être ?”
Déceler le potentiel de la personne TDAH
Le TDAH, ce sont aussi certains traits qui peuvent être positifs : l’énergie, la créativité, la spontanéité, la richesse de l’imagination. Cela dépend des personnes, évidemment. De là à dire que le TDAH est une chance, c’est certainement très exagéré. Mais force est de constater que des personnes avec TDAH ont réussi en dépit de leur trouble, que ce soit dans le monde du sport, du spectacle, qu’il s’agisse de chefs d’entreprise ou même d’hommes politiques. Si des personnes avec TDAH peuvent réussir, c’est surtout grâce à leurs qualités propres ! Le TDAH ne donne pas de talent en soi. Il est ainsi important d’identifier toutes les forces de la personne que vous souhaitez aider, celles qui s’expriment déjà et celles qui ont du mal à s’exprimer à cause des symptômes.
Le potentiel de mon proche
Qualité
En quoi te TDAH empêche l’expression de cette qualité
Exemple : générosité avec ses amis
A du mal à garder des amis car peut faire des crises de colère inappropriées qui cassent beaucoup de relations
…
…
…
…
Reconnaitre l’impact du TDAH sur vous
Vivre avec quelqu’un qui a un TDAH peut être très amusant, stimulant, une vaccination contre l’ennui ! Mais cela peut également exiger beaucoup de temps et d’attention. Les parents ou le conjoint d’une personne avec TDAH peuvent mettre leur propre santé physique et mentale en veilleuse car ils sont trop occupés à compenser leurs difficultés. Si la personne atteinte de TDAH ne prend pas ses responsabilités, par exemple familiales, les proches accumulent la fatigue. Parfois, lorsque le comportement irresponsable est extrême (prise de risques majeure, violences), cela peut peser très lourd sur l’entourage.
Il est normal, voire essentiel, de reconnaître en vous la colère, la frustration, l’impatience, l’hostilité, la culpabilité et le découragement que vous pouvez rencontrer. Ces sentiments ne font pas de vous une mauvaise personne et ne signifient pas que vous abandonnerez votre proche. Au contraire ! Ces sentiments sont aussi des guides qui peuvent vous aider, si vous arrivez à les comprendre. Ils peuvent ainsi pouvoir dire que :
vous devez prendre du temps pour vous-même ;
vous avez atteint votre limite, et il faut l’exprimer de manière bienveillante ;
vous devriez demander de l’aide auprès d’autres proches ;
vous avez besoin de demander le soutien de professionnels ;
il faudrait considérer d’autres approches thérapeutiques, ou convaincre votre proche de les envisager ;
vous avez vous-même des difficultés qui empêchent d’aller plus loin.
Rappelez-vous que la vie avec une personne TDAH ne ressemble pas à un long fleuve tranquille, mais plutôt à des montagnes russes… Relisez l’histoire de Michael Phelps (cf. p. 78) : le chemin vers le succès fut parsemé d’embûches. Prendre soin de soi permet de ne pas abandonner l’aide et l’espoir pour son proche.
Comment je me sens. Prenez le temps d’écrire ici tout ce que vous ressentez, les émotions qui vous traversent, comment vous vous sentez physiquement. Réfléchissez ensuite à ce que vous pourriez faire pour vous sentir mieux…
Évaluer la disposition de votre proche à changer et à chercher de l’aide
Les personnes avec TDAH ont besoin de tout le soutien de leurs proches pour progresser. Mais on ne peut pas aider une personne qui refuse d’accepter de l’aide ! Notamment lorsque la personne refuse son diagnostic. Avant d’essayer d’intervenir, évaluez si votre proche est prêt à changer et ajustez-vous en conséquence. Vous imaginez bien que ce qui sera efficace sera bien différent dans la situation où la personne dit : “Vraiment, ça fait des années que je galère, et je pense avoir un TDAH. Pourrais-tu m’aider à trouver un rendez-vous ?“, d’une personne disant “Arrête avec tes remarques, je ne suis pas fou. C’est toi qui as un problème, pas question de parler de ça.” Essayez de faire le point à l’aide des stades de changement ci-dessous.
Les stades de changement
Dans le cadre de la prise en charge des addictions, les professeurs de psychologie William Miller et Stephen Rollnick ont mis au point ce que l’on appelle l’entretien motivationnel. Cette technique qui a fait ses preuves permet d’ajuster les actions à la motivation au changement. Suivant la théorisation décrite par James Prochaska et Carlo DiClemente cinq stades sont proposés.
Stade de précontemplation (ou de non-implication). Votre proche souffre d’un TDAH et ne reconnaît pas qu’il a un problème. Il n’y a pas l’idée de changer ou de trouver une solution.
(-) il ne sert à rien de tenter de le convaincre, cela générera de la confrontation et l’éloignera de l’idée d’un changement.
(+) en revanche, il est utile de collecter des informations, de les rendre disponibles (si vous avez acheté ce livre pour un proche par exemple). Il faut trouver la fenêtre de tir ! Souvent, c’est lorsque quelque chose ne va pas et que votre proche se demande ce qui s’est passé. Par exemple, s’il doit travailler toute la nuit pour rattraper un retard dans son travail et qu’il s’en plaint, vous pouvez dire : “Tu sais, ce n’est pas la première fois que tu rencontres ce problème. Je sais que cela te frustre. Penses-tu que cela pourrait être un problème de TDAH ? Peut-être devrions-nous avoir plus d’informations. As-tu jeté un œil à ce livre ?“Restez ouvert, soutenant, reconnaissez la souffrance et posez des questions plutôt que des affirmations (les “tu dois”).
Stade de contemplation (ou d’adhésion à l ‘information). Votre proche pense, et accepte même, que le TDAH pourrait être un problème. Mais parfois il se dit qu’il devrait consulter, parfois il repousse l’idée en disant par exemple : “Je sens que le médecin va me pousser à prendre un traitement.” Il pèse le pour et le contre, il n’est pas complètement prêt à changer.
(-) il ne faut pas le brusquer et pousser à un changement radical, l’effet pourrait être négatif par peur de l’inconnu.
(+) aidez-le à explorer les pour et les contre. Par exemple, vous pouvez dire : “Si tu voulais que quelque chose change, ça serait quoi pour toi ? L’impulsivité, ou les problèmes de concentration ?” Ou bien : “Quelles seraient les prises en charge que tu imagines faisables pour toi ?”
Fournissez-lui une liste d’experts locaux avec qui il pourra faire le point sur sa situation, en bénéficiant d’une évaluation.
État de préparation (décision d’un changement). Votre proche s’apprête à s’engager dans le processus de diagnostic et de traitement. Aidez-le à bien commencer et à suivre les rendez-vous. Proposez-lui de l’accompagner à la première consultation, préparez l’itinéraire ou rappelez-lui la date de son rendez-vous.
Stade d’action (début du changement). Votre proche reçoit de l’aide. Il prend un traitement, utilise des outils d’aide individuels ou fait une thérapie.
(-) ne vous focalisez pas sur ce qui ne change pas encore, ne soyez pas trop impatient.
(+) renforcez ce qui fonctionne, notez les changements positifs.Aidez-le à gérer son traitement en lui rappelant qu’il a besoin d’une ordonnance. Intéressez-vous aux stratégies qu’il essaie de mettre en place.
Stade de maintenance (maintien du changement). Votre proche fait des progrès et les changements ont un impact significatif sur sa vie et la vôtre. Il va peut-être si bien qu’il ne pense plus avoir besoin d’un traitement. Votre rôle est de vérifier périodiquement et d’offrir de l’aide s’il en a besoin. Soyez prêt à l’encourager à s’en tenir au processus de traitement.
Aider à chercher de l’aide
Les proches ne peuvent pas régler tous les problèmes. Une aide extérieure est nécessaire, déjà pour poser le diagnostic. Il est par ailleurs parfois difficile de faire passer l’idée à un proche qu’il pourrait avoir besoin d’une aide psychologique. Cette démarche est souvent stigmatisée, considérée comme une faiblesse. Pour aider à trouver de l’aide, tout dépend de là où en est votre proche : demande-t-il déjà quelque chose, a-t-il exprimé un besoin ?
Vous pouvez trouver de la documentation et la laisser disponible. Si vous êtes en train de lire ce livre, c’est que vous avez fait déjà des recherches ! Si c’est votre proche qui vous a prêté ce livre pour que vous vous documentiez, c’est qu’il a déjà avancé et a besoin de votre soutien. Peut-être pense-t-il que vous avez vous-même un TDAH ? Cette documentation peut être utile lors de discussions, notamment si la personne est prête à reconnaître certaines de ses difficultés.
Ensuite, il faut trouver un professionnel. Ce n’est pas toujours facile, car le TDAH de l’adulte est encore peu reconnu, notamment en France. Attention, cela ne sert à rien de prendre rendez-vous si la personne est encore dans un stade de précontemplation. Il faut qu’elle soit dans une préparation à un changement. Trouver un professionnel qui est spécialiste du TDAH sera souvent mieux accepté.
Si le diagnostic est déjà posé, peut-être pouvez-vous faire un retour sur ce que vous avez observé. Si un médicament est proposé, vous pouvez noter les améliorations, aider pour l’observance, vous renseigner sur les effets secondaires et lui rappeler de reprendre rendez-vous. Si une thérapie comportementale est proposée, aidez-le à penser à s’entraîner, proposez de
participer aux exercices en famille.
Connaître les meilleurs traitements pour le TDAH
Le TDAH nécessite une aide. Certains traitements fonctionnent, d’autres n’ont pas fait leurs preuves. Souvent, un plan de traitement efficace comprend deux parties : la médication et la thérapie ou les adaptations comportementales. Il est souvent profitable d’envisager des traitements complémentaires, comme un coaching spécialisé pour les personnes avec TDAH, de l’exercice régulier, une thérapie fondée sur la pleine conscience, ou encore un traitement pour un trouble associé (anxiété, dépression, dépendance, etc.). Dans ce livre vous trouvez beaucoup d’informations pour mieux connaître ces traitements (cf chap. 5 et 6).
Le danger des informations trouvées sur l’internet. Le mari d’Émilie a été diagnostiqué TDAH à 42 ans, après un burn-out dans son travail : “Ça a été un soulagement, car ça lui a permis de comprendre pourquoi il avait eu tant de mal à garder un job, pourquoi il avait ces problèmes d’organisation depuis le lycée, pourquoi il avait un tel sentiment de frustration. Après la visite chez le médecin, nous avons regardé sur internet et nous nous sommes retrouvés ensevelis sous une masse incroyable d’informations (comme nous parlons couramment anglais, ça a été encore plus considérable). Le plus compliqué était le nombre d’informations contradictoires. Nous avons lu certains articles effrayants sur les “horribles effets secondaires des traitements”, “le manque de recul sur les médications”, et plein de choses qui nous ont fait douter. La première pensée que j’ai eue est que je ne voudrais jamais que mon mari prenne ces médicaments.” Fort heureusement, Émilie et son mari ont su garder leur esprit critique et ont pris le temps de vérifier les informations avec leur médecin.
On trouve sur internet beaucoup de promesses de solutions miracles concernant des traitements pour le TDAH : nutrition, techniques psychologiques ou neurophysiologiques. Méfiez-vous des preuves uniquement fondées sur des témoignages ou des études non publiées. Évitez de dire à votre proche “Tu ne voudrais pas essayer quelque chose à base de plantes ?” s’il vient justement de discuter avec son médecin d’essayer un traitement médicamenteux. Un premier traitement peut ne pas fonctionner. Votre proche aura peut-être besoin d’essayer différentes options et cela prendra parfois plusieurs mois. Soutenez-le pendant qu’il cherche la bonne combinaison.
Décider quel rôle vous allez jouer et poser vos limites
Il est important que vous décidiez à quel point vous voulez aider votre proche, selon vos souhaits, votre disponibilité, la force de la relation qui vous unit ou vos limites. Tous les rôles ne sont pas adaptés à toutes les situations. Choisir un rôle permet de se rappeler quelles sont les limites de son soutien, pourquoi on le fait et à s’encourager.
Choisir son rôle
La bonne oreille
Celui qui écoute et accepte : la personne de confiance à qui votre proche peut faire appel en cas de problème. Vous êtes disponible pour écouter sans porter de jugement. Ne pas porter de jugement ne signifie pas que vous niiez ou excusiez un comportement inapproprié ou ses conséquences. Vous pouvez écouter tout en reconnaissant clairement les faits d’une situation, être critique de manière constructive sans porter de jugement moral.
L’assistant
Celui qui aide à résoudre les problèmes : vous ne faites pas que comprendre, vous aidez à régler les problèmes. Vous pouvez être une sorte de coach, qui donne des conseils ou trouve des moyens de dépasser un problème (organisation, routines, etc.). N’oubliez pas que pour tenir ce rôle, il faut que vous soyez « accrédité» par votre proche! Ne le faites pas s’il ne le souhaite pas. Vous pouvez l’aider à suivre ses traitements, à penser aux rendez-vous, être disponible quand il y a quelque chose de difficile à faire.
L’avocat
Si vous choisissez ce rôle, vous êtes alors le défenseur, la personne qui aide à expliquer le TDAH à d’autres personnes, notamment hors de la famille immédiate. Vous expliquez les difficultés, demandez de prendre des mesures d’adaptation pour votre proche. Vous le défendez aussi quand il subit des attaques, quand des remarques fausses ou inappropriées sont faites au sujet de son TDAH. Agissez dans ce cas comme un diplomate pour améliorer avec tact les situations. Encore une fois, il ne s’agit pas de nier les faits ou les problèmes.
Mais vous pouvez aider à faire comprendre le rôle que joue le TDAH. Vous pouvez également accompagner et aider votre proche pour obtenir des aides ou des adaptations dans le domaine des études ou du travail.
Le bienfaiteur
Ce n’est pas un rôle que tout le monde peut jouer. Vous décidez de participer financièrement pour payer une intervention constructive ou efficace, par exemple une psychothérapie comportementale, qui n’est pas prise en charge par la Sécurité sociale. Cela peut aussi se faire dans le cadre de la discussion du budget du foyer.
Expliciter vos limites
Tout ne doit pas reposer sur l’entourage. Vous devez exprimer ce que vous ne pouvez plus faire ou supporter. Attention, toujours en disant “je pense” ou “je souhaite” plutôt que “tu devrais” ou “tu ne devrais pas“. Tâchez d’anticiper plutôt que d’attendre les crises pour essayer (trop tard souvent) de régler les problèmes. En cas de crise, penser à dire que la tension est trop montée, que la charge émotionnelle est trop haute, et différer la discussion ou la résolution du problème.
Dire “je” plutôt que “tu”. Juliette : “j’ai longtemps dit à mon mari que je ne supportais pas qu’il joue aux jeux vidéo pendant que je devais faire les tâches ménagères. Il me disait ‘Oui’ sans rien faire, ou ‘Tu me frustres’, ‘Tu me considères comme un enfant’. A force de lui faire des reproches en disant ‘Tu ne dois pas ci ou ça’, ‘Tu ne penses pas aux tâches du quotidien’, il s’énervait, moi aussi, et la dispute ne menait à rien. Après avoir lu quelques livres sur la communication et les relations, j’ai essayé de m’exprimer à la première personne. j’ai dit : ‘j’ai du mal à gérer ce problème’, ‘j’ai besoin d’aide’, ‘j’aimerais que ça se passe comme cela’. Pas toujours simple d’obtenir ce que je voulais, mais comme on ne se disputait pas tout de suite, on pouvait discuter. Au final, il y a eu quelques changements positifs. »
Mes actions concrètes pour aider mon proche
Le traitement du TDAH est un effort collectif. A partir du constat concernant votre proche et vous-même vous pouvez envisager de mettre en œuvre un certain nombre de stratégies. Voici quelques idées :
motiver à prendre/continuer le traitement ;
aménager les repas pour limiter les problèmes de perte d’appétit ;
être un coach pour la gestion des papiers administratifs ;
mettre en place des routines (la place des clefs et du portefeuille, la check-list avant le départ, le moment du dimanche soir où on fait le point sur le planning de la semaine à venir… ) ;
être très explicite dans ce que vous attendez ou demandez ;
mettre des règles claires pour l’argent ;
avec les enfants : répartir clairement les tâches, par exemple, réserver les tâches nécessitant de la patience pour la personne sans TDAH ;
mettre une règle temps mort quand la tension monte de trop ;
Mimi Verderame est né à Tilleur (Saint-Nicolas) en 1958. Issu d’une famille de musiciens, il commence l’étude de la guitare à l’âge de six ans ; trois ans plus tard, il travaille comme batteur dans l’orchestre de bal de son père. Il fait ses premiers pas dans un studio au début des années 70. Il étudie la guitare en autodidacte et suit des cours de percussion classique à l’Académie de Liège.
Il débute en 1975 aux côtés de Jacques Pelzer. Il s’introduit dans le milieu du jazz belge et, à partir de 1982 surtout, accompagne les meilleurs musiciens : Richard Rousselet, Charles Loos, Stephane Martini, Guy Cabay, Michel Herr. Il se produit également aux côtés de jazzmen américains comme John Ruocco ou Dennis Luxion. En 1983, concerts et enregistrement avec le groupe Steve Houben + Strings. En 1985, il monte un étonnant big band qui ne pourra malheureusement pas survivre.
Il forme alors un quintette orienté vers le jazz-funk (avec Gino Lattucca, Jacques Pirotton, Michel Hatzigeorgiu et Paolo Ragadzu). La même année, il tourne avec le groupe Cocodrilo (Steve Houben) et travaille avec Maurane. Il effectue une tournée au Japon en compagnie d’Isabelle Antena. En 1987, il joue dans le quartette du saxophoniste américain Larry Schneider ; tournées en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne et en France. Entretemps, Verderame est devenu un guitariste hors pair et se produit également sur ce second instrument. Parallèlement au jazz, il a une intense activité en tant que musicien de studio et accompagnateur de vedettes de variété.
[LORIENTLEJOUR.COM] Le xyloglotte est une nouvelle langue inventée par une jeune demoiselle nommée Claire DELAVALLEE. Le principe est de traduire dans le plus improbable gréco-latin des expressions franco-françaises, ou d’inventer les pires néologismes possibles. Pour diffuser, défendre et illustrer sa lumineuse trouvaille, Delavallée s’est construite une niche sur Internet à l’adresse : [désormais indisponible]. La webmaster s’explique : “Le xyloglotte (en grec : langue de bois) repose sur le concept incontournable du complexificationnage. L’idée maîtresse s’exprime et se comprend aisément : pourquoi, comme le disait autrefois mon prof de math, se compliquer la vie à faire simple alors qu’il est si simple de faire compliqué? Alors s’il existe des mots et des expressions compréhensibles par le commun des mortels, quoi de plus distrayant que de les rendre abscons ?“»
Voilà, le ton est lancé. À vous de jouer. La recette ? Elle est assez semblable à celle du Sky My Husband, de Jean-Loup Chiflet. Une différence : pour s’exprimer en langage xyloglotte, il faut traduire les jolies expressions françaises dans un gréco-latin de cuisine des plus approximatifs. Sont également acceptés les sigles obscurs, les barbarismes improbables, les locutions empruntées à l’Hexagone et “autres extraits bizarroïdes des pages roses du dictionnaire Vermot.” […]
Si cette langue a l’heur de vous plaire, la webmaster encourage vivement les lecteurs à l’enrichir en envoyant leurs contributions. Si le xyloglotte reste du charabia, il ne faut surtout pas s’inquiéter ou mettre en doute ses capacités cognitives. Ne pas comprendre le xyloglotte est une chose tout à fait normale, rassure Mlle Delavallée. C’est quand on commence à comprendre qu’il faut s’inquiéter pour sa santé mentale. “Mais si vous voulez vraiment savoir ce que ça veut dire, précise la gentille demoiselle, ouvrez illico le dictionnaire le plus proche (ma bible de xyloglotte, c’est le Dictionnaire des structures du vocabulaire savant, dans les Usuels du Robert), demandez à votre cousine qui a fait hypokhâgne, creusez-vous les méninges… et si rien ne marche, si vous ne comprenez vraiment pas, écrivez-moi… ou adoptez de plus saines lectures et dévorez les aventures de Babar.“
Le xyloglotte, c’est grave, docteur ? Oui, et en plus, l’épidémie s’étend. Sur Internet, elle se présente sous différents noms : les anaglossologiques, l’onoplastie. Une mise en garde : cette page contient des gros mots (oh !) et des insinuations libidineuses (oups !). Ah, ultime précision : dire ou écrire ‘un politicien xyloglotte’ est un pléonasme.
Maya GHANDOUR HERT
Page officielle de défense et illustration de la langue xyloglotte
[L’excellente Page officielle de défense et illustration de la langue xyloglotte ayant disparu, en voici une sauvegarde, ci-dessous, complètement ré-éditée et accompagnée des textes de Claire Delavallée : on verra combien la journaliste ci-dessus a généreusement copié-collé ses infos dans l’original. Prenez cette publication comme une vengeance perfide envers votre correcteur orthographique]
Le xyloglotte (en grec : langue de bois) est une langue nouvelle reposant sur le concept incontournable du complexificationnage. L’idée maîtresse s’exprime et se comprend aisément : pourquoi, comme le disait autrefois mon prof de math, se compliquer la vie à faire simple alors qu’il est si simple de faire compliqué ? Alors s’il existe des mots et des expressions compréhensibles par le commun des mortels, quoi de plus distrayant que de les rendre abscons ? Vous en avez rêvé, je l’ai fait.
La recette : elle ressemble assez à celle du Sky my husband de Jean-Loup Chiflet. La différence est que nous traduisons de jolies expressions dans un gréco-latin de cuisine des plus approximatifs. Sont également acceptés les sigles obscurs, les barbarismes improbables, les locutions empruntées à l’hexagone et autres extraits bizarroïdes des pages roses du dictionnaire Vermot.
Bon, trêve de bavardage, passons aux choses sérieuses. Voici devant vos yeux ébahis le grandiose dictionnaire xyloglotte du professeur Cosinus. S’il a l’heur de vous plaire, je vous encourage vivement à l’enrichir en m’envoyant vos contributions.
Ah, ultime précision : cette page contient des gros mots (oooh !) et des allusions paillardes (hé hé hé…). Vous pouvez encore renoncer.
Claire DELAVALLEE
Lettre A
abutyrotomofilogène : se dit d’une personne peu brillante (qui n’a pas inventé le fil à couper le beurre)
acaséifique : qui n’en fait pas un fromage
acrochrome : haut en couleur
acryohématique : incapable de garder son calme en situation de crise
adermie : malchance (manque de peau…). Mention spéciale pour ce remarquable paludoludiverbisme
aéronihilisme : tendance à n’avoir l’air de rien
aheurie : incapacité au bonheur. Ne pas confondre avec ahuri, qui est rigoureusement l’inverse
albidomogynécomane : président des États-Unis
alburostre : blanc-bec
alvéopyge : personne particulièrement énervante (un trou du cul)
ambisenestre : maladroit des deux mains
ambitergobestifier : faire la bête à deux dos
ambulochrone : voyageur imprudent à la Barjavel ou à la Wells
amicrozythique : qui a de la valeur (zythos = la bière)
anachronisme : du grec “chronos” (temps) et du latin “anas” (canard). Temps de canard
anagramme : tout petit ananas / dessin représentant un canard / uUnité de mesure aujourd’hui inusitée, destinée au pesage des Baudets du Poitou
ananatriplopodoclaste : atéléurétique
ananteperforoculien : mal réveillé
anantéursucididermipoliser : ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué
anaphore : (du latin anas, canard et du grec -phore, porter) bouée canard
anaproxénète : mac… Donald !
anasurdicataauriculaire : qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd
anatomie : ablation chirurgicale du canard
anérectogène : pas bandant
anourocéphale : sans queue ni tête
antébovino-araire : qui met la charrue avant les bœufs
antéphonoheptalinguagyrateur : prudent
antiélectromélanomètre : personne convaincue que “tous ces mots en gras sur l’écran de l’ordinateur, ça use vachement plus d’électricité“
antirotondogyrateur : empêcheur de tourner en rond
apaléostéoplasique : qui ne fait pas de vieux os
apaléopithécoaneucéphalodidactisme : doctrine selon laquelle on n’apprend pas à un vieux singe à faire des grimaces
apanivore : qui ne mange pas de pain
apertotaphostrober : rouler à tombeau ouvert
apoxobibliomanie : habitude de lire aux cabinets (apoksos : cabinets)
aphallible : imbitable
apyrolacustre : pouvant attendre
aquadiemoctus : aujourd’hui (oui, je sais, celui-là est particulièrement capillotracté)
aquastomatomane : qui a l’eau à la bouche
areno-lusitanien : dur d’oreille
archéodendrite : vieille branche
arthrophone : qui se fait craquer les articulations. La spécialité la plus courante est la digitophonie, mais j’ai même fait la connaissance d’un claviculophone
asaurisme : déclaration d’une personne pour qui il n’y a pas de lézard
aspermogène : qui n’en a rien à foutre
atripodanatoclaste : qui ne casse pas trois pattes à un canard
auréogonadiautotransmutateur : qui gagne beaucoup d’argent
auriculosismographe : appareil destiné à enregistrer les mouvements des oreilles
autoaudiologophile : personne aimant à s’écouter parler
automorphonyme : dont le nom évoque la forme. Exemple : la poire est automorphonyme puisqu’elle a la forme d’une poire. Les nuages ne sont pas automorphonymes parce qu’ils ont la forme de nains de jardin
Lettre B
bactériomancie : prévision de l’avenir dans un microscope
balaner : glander (balanos : gland)
balnéocantatophile : qui aime chanter dans son bain
balnéoantérodontie : béatitude post-prandiale
bathysylvivesperosonobuccinophile : (n. m) personne qui aime le son du cor, le soir au fond des bois. Exemple : Alfred de Vigny est un sacré bathysylvivesperosonobuccinophile. Il faut remarquer que la décadence du langage moderne a altéré ce terme si joli en une forme réduite, moins expressive : sylvivesperobuccinophile
batravore : amateur de cuisine traditionnelle française
biauriculosomniaque : qui dort sur ses deux oreilles
bibliopotame : roman-fleuve
bibliostat : presse-livre
bovinoderme : peau de vache
bovinomictiale : se dit d’une pluie particulièrement abondante
bovinopsychopathie : maladie de la vache folle
bradycéphale : (n.m.) Cerveau lent. Exemple : Le sable de la plage était tapissé de bradycéphales
buccodéridant : amuse-gueule
buccogallipyge : qui a la bouche en cul de poule
Lettre C
cacoglotte : mauvaise langue (voir péripatétiglotte)
cacographie : écriture épouvantable
cacohématofique : inquiétant (qui donne du mauvais sang)
cacosopharque : personne détentrice d’un poste dirigeant et qui raisonne comme un pied de table
cacosophigramme : médiocre copie de philo
caïssaphique : se dit d’une lesbienne qui joue aux échecs. (Caïssa est la déesse des échecs)
caligapara-ambulatoire : qui marche à côté de ses pompes
calliradiotraciste : utilisateur chevronné de POV-ray
caloriphagie : bouffées de chaleur
capilloéradicatoire : à s’arracher les cheveux
capillolingualocuteur : zozotant
capillotétratomie : tendance à couper les cheveux en quatre
N.B. il existe de nombreuses variantes, dont la tétrapilectomie
capillotracté : tiré par les cheveux
caputoparvification : rétrécissement des capacités cérébrales
caséiballistique : lancer de camembert
cénocéphale : adj. qui n’a rien dans la tête
céphaloclivisme : fendage de gueule
céphalocaptation : prise de tête
céphalogyre : capiteux
céphalorectal : qui a la tête dans le cul
cératocéphale : cocu
cétacéhilarité : fait de rire comme une baleine
chirohirsutisme : fait d’avoir un poil dans la main
chlorophytophonie : musique pour les plantes vertes
chromocapillaire : punkoïde
chronocide : action de tuer le temps
chronophage : qui vous bouffe du temps
chrysocardique : qui a un cœur d’or
circonférence : (n.f) Long exposé ou discours sans queue ni tête
Exemple : Ce politicien est un grand maître de circonférence colombophile : fan d’inspecteur américain à imper mastic, cigare et Peugeot croulante
coprolithe : merde fossilisée (jolie insulte…)
coprolupanar : bordel de merde
copromacidé : espèce de Mac de merde !
coprohélioïde : cf. précédent, mais en version Sun
coprorium : merdier
chronothérapeute : adepte du laisser-courir en matière de santé
cryogonadique : se dit d’un temps très froid
cryotropisme : afflux saisonnier dans les stations de sports d’hiver
cubitole : huile de coude
cultelloclivaire : s’applique aux brouillards très épais
cyanaurantiacée : la terre selon Paul Eluard, qui est “bleue comme une orange” (l’oranger est un aurantiacée)
cyberludothanatomane : adepte de DOOM
cyclohexagonogyration (on peut ajouter epo au début du mot) : Tour de France
Lettre D
défenestropécuniaire : qui revient à jeter l’argent par les fenêtres
dénominofélinoféliner : appeler un chat un chat
dépressoxylotactile : tendance à la superstition angoissante qui conduit à chercher du bois autour de soi
dextrophore : qui porte à droite, par opposition à sénestrophore. Si vous rencontrez un ambiphore, c’est un vantard, ou alors il porte les empreintes de la fermeture-éclair
diptéropodographie : écriture en pattes de mouches
diptérosodomite : voir capillotétratomie. Se dit également drosophilie
dodecahoroportospecter : voir midi a sa porte
dodécahorosustentation : déjeuner
dodecaquadrodecaquester : chercher midi a quatorze heure
duracellopilosité : exactitude (pile-poil…)
Lettre E
egobésité : (n.f.) hypertrophie du Moi. Exemple : La plupart des mégalomanes souffrent d’égobésité.
encyclopédie : habitude de porter son rejeton sur son porte-bagage
endonasodigital : se dit de quelque chose d’extrêmement facile (les doigts dans le nez)
endoproctocéphalique : mal réveillé (voir céphalorectal)
endovulnerocultellogyrisme : penchant sadique
entomoquester : chercher la petite bête
épicéphalocélestimonophobe : gaulois
ergophobe : personne affligée de chirohirsutisme
erratippexodactylographisie : tendance caractérisée à la faute de frappe
excornubovique : extrêmement puissant, en parlant d’un vent (à décorner les bœufs)
exjupiteropygicrédule : qui se pense supérieur aux autres
exoagoravéloaphotophonomane : personne qui s’échappe d’une réunion ennuyeuse en déclarant “Faut qu’j’y aille, y a pas d’lumière sur mon vélo.“
extrasomnoidentité : nom à coucher dehors
Lettre F
fenestronovodécaquintite aiguë : virus artificiellement créé par un professeur fou américain (pléonasme ?) connu sous le nom de Bill G.
frigidolactum : lait caillé
Lettre G
galliendomarmitodominiciste : qui a renoncé au traditionnel gigot/flageolets de belle-maman. Henri IV était un galliendomarmitodominiciste
gastéropodoconchyliphagomanie : compulsion à manger les escargots avec leur coquille
gastronolatinophonie : latin de cuisine
geopyge : adj. [grec geo et puge] designe familièrement les populations laborieuses attachées au travail de la terre – adj. fam. et péj. “cul-terreux“
gymnovitiphyllosexophore : nu, mais dont le sexe est caché par une feuille de vigne
gyrolithique : qui n’amasse pas mousse
Lettre H
hellénépiphanisation : art d’aller se faire voir chez les Grecs
hémicyclodissolutiomane : Président de la République Française
hémigame : récemment pacsé
heptauranobole : qui envoie au septième ciel
herpétophage : naïf
hexapseudonasal : fou (de hexa, six ; pseudo, faux ; nasal, le nez)
hilarothanatogène : désopilant à l’extrême
hippopyrétique : souffrant d’une fièvre de cheval. Se soigne par hippothérapie, bien sûr
hispanobovianglophone : dont l’anglais n’est pas courant
homéoanémicardiomutilatoire : qui blesse le cœur d’une langueur monotone (voir préhibernoluthidolichospasmes)
hydroluxophobe : fêtard (qui a peur de l’eau et par conséquent ne boit que de l’alcool, et qui a peur de la lumière et par conséquent vit la nuit)
hypercaputisme : attitude d’une personne qui a la grosse tête
hyperhippoascensionnisme : tendance à monter sur ses grands chevaux
hyperpsychohomotope : se dit de grands esprits qui se rencontrent
hyperthyrrhoïdien des Alpes : crétin
Lettre I
inthalassopotable : facile
intraoculodigitalie : action de se fourrer de doigt dans l’œil
intraplanéoscythique : dans les plaines de l’Asie centrale
Lettre J
judéophallotomiste : rabbin
Lettre K
kérabovidopréhension : détermination
kilopédiculteur : éleveur de mille-pattes
kilofoliophage : mangeur de mille-feuilles, amateur de roman-fleuve, rat de bibliothèque
kinésiclaste : également appelé “gendarme couché“, protubérance de la route destinée a abîmer les amortisseurs
kléidogée : clef de sol (kléidos : clef ; gée : terre, sol)
konopsoproctotrype : du grec konops (moucheron, plus rigolo que mouche…), proctos (cul), trype (qui perce, qui fore). Un bonheur à prononcer. Pour le sens, voir diptérosodomite
Lettre L
lacrymosaure : larme de crocodile
Laetitiacata : de laetitia (joie) et cata (en bas), désigne un “mobilier” municipal de la République Française dont le haut a de quoi réjouir au moins la partie masculine de la population
logotomie : action de couper la parole
latérograde : qui marche à côté de ses pompes. syn. paracaliga-ambulatoire
lithocardie : affection qui consiste à ne pas en éprouver (de l’affection)
luthomiction : action de pisser dans un violon
Lettre M
magdalenolachrymal : très triste
médianoctancomputophile : informaticien pratiquant après 23h30
mégaxérorubéophile : buveur de gros rouge sec
mélanobutyrophtalmie : oeil au beurre noir
mélanopode : Roger Hanin
microgonadoclaste : qui a une fâcheuse tendance à vous les briser menu. Syn. Gonadotrope
micromyxeux : petit morveux (myxo : morve). Voir le proverbe à ce sujet
micropèdes : petits-enfants
minilactopotage : intense satisfaction
Minosarpédorhadamantie : L’Union Européenne (car Minos, Sarpédon et Rhadamante sont issus de l’union européenne, à savoir de l’union entre Zeus et Europe). [Waaah, sauvage, celle-là]
monoculoprojection : action d’aller jeter un œil quelque part
monoculosomnie : fait de ne dormir que d’un œil
monostratodétenteur : extrêmement obtus
morbocéphaloproctologuer : parler au cul de qqn parce que sa tête est malade
morphométéorisme : condition de quelqu’un qui pète la forme
multicoprothalassotope : station balnéaire de la Méditerranée
multidomolactambule : laitier
muscarectocopulateur : voir diptérosodomite ou konopsoproctotrype mutocyprinéen : muet comme une carpe (la carpe étant un Cyprinée)
Lettre N
nabuchodinosaure : très vieil opéra de Verdi
nanipabullophile : amateur de nain de jardin à brouette
nautonoxylopode : marin pourvu d’une jambe de bois
nécroglotte : langue morte
nocticonsiliophorisme : exploitation des ressources méditatives du sommeil
nodocéphale : tête de nœud
nodovermiculotracter : interroger
nonegoculoxyloscoper : ne pas voir la poutre qu’on a dans l’œil
nucléoprojection : jeu auquel on peut se livrer après dégustation d’une salade niçoise ou d’une tarte aux prunes
nyctamère : famille de molécules chimiques ne réagissant que la nuit. À ne pas confondre avec matriosodomite, bien sûr
Lettre O
oculogynécomane : mateur
oligophrénarche : de oligos (peu abondant, peu nombreux), phréné (cerveau) et arche (chef), soit “chef à l’intelligence peu flagrante.” Mais non, ce n’est pas un pléonasme, allons, allons !
omniviaromalocomotion : principe suivant lequel tous les chemins mènent à Rome
onchopercussion : indifférence notoire
orchidopharyngite : gros, gros malaise (les avoir là)
orchidopyge : homme dont on peut dire qu’il n’a pas froid aux yeux
orchidopelliculaire : superlatif de pelliculopyge
ostéopipter : tomber sur un os
ostréipyge : fesse d’huître
otophagie : manie qu’ont certains boxeurs de se bouffer les oreilles
orchidoclaste : casse-couille
ovinotropisme : doctrine qui veut qu’on retourne à ses moutons
ovoantégallinadoxie : doctrine qui soutient que l’œuf est apparu avant la poule
ovocéphale : énarque
ovopostégallinadoxie : doctrine qui soutient que la poule est apparue avant l’oeuf
Lettre P
paléocapridé : genre de vieille bique, cfr. paléotalpidé (vieille taupe) ou paléogadidé (vieille morue)
paléodiéréminiscento-lachrymogène : propriété de la sonnerie horaire d’après un monsieur Paul qui n’était pas chauffeur de Mercedes
paléogallicisme : style “vieille France”
paludoludiverbisme : tendance à pratiquer le jeu de mots vaseux
pangéoréticule : le world wide web
panimmersion : n. [grec pan– et lat. immergere] sert à décrire une situation avantageuse ou agréable ; (“je suis en panimmersion” – fam. “tout baigne pour moi“)
parascénopode : pied à coulisse. Également appelé léiotrachéopode, par usage d’une césure supplémentaire
parturiophone : enceinte acoustique
pastacircopyge : quelqu’un qui a vraiment beaucoup de chance
pédagogue : WC pour enfants
pédigramme : pied de la lettre
péditaphoalterlapsiste : qui a un pied dans la tombe et l’autre qui glisse
pelliculopyge : extrêmement onéreux
pénémétrie : appréciation au pif
péricéramotropie : voir potogyration
périgyrostrabique : (adj) Interlope. S’applique aux activité ou personnes qui tournent autour des milieux louches (voir : strabosphère). Exemple : Les activités périgyrostrabiques d’un promoteur immobilier
péripatétiglotte : médisant
phallosophe : qui ne raisonne pas avec sa tête
phobosophe : élève de terminale jouant aux tarots durant les cours de philosophie
phocéenne mullidinsulaire : La Marseillaise (de Rouget de Lisle, le rouget étant un poisson de la famille des mullidés)
phocéodocte : savant de Marseille
phrénoremplissement : bourrage de crâne
phyllophore : porte-feuille
phyllotétanique : dur de la feuille
pictégénitotélémateur : visiteur fréquent de alt.bin.pict.erotica
piperonatriohirsutisme : le charme de la quarantaine
plomboclaste : qui pète les plombs
ploutovestitoré : dont le tailleur est riche
pluvio-anémomètre : instrument qui permet de ne pas confondre vitesse et précipitation
podoclaste : casse-pieds
podophyte : plante du pied
podopréhension : grand amusement, éclate, jouissance
podopygéplégie : coup de pied au cul
ponctuioter : donner davantage de précisions
postéro-ultimosidérodromie : impossibilité de rentrer chez soi
potogyration : action de tourner autour du pot. Exemple : Veuillez respecter le sens potogyratoire
préhibernoluthidolichospasmes : sanglots longs des violons de l’automne, phénomène météomusical aux propriétés homéoanémicardiomutilatoires, décrit pour la première fois par Verlaine en 1866
sénatorium : lieu de villégiature, de soins et de repos spécialement conçu pour accueillir les parlementaires vieillis (?) prématurément (?) par l’exercice du pouvoir. Exemple : La Côte d’Azur est le sénatorium préféré des ministres belges
sénestrochirogame : qui vit dans le péché
sinophagie : déjeuner dans le 13e arrondissement de Paris. À ne pas confondre avec cynophagie, mais certains rétorqueront que c’est une synecdoche pars pro toto
somno-orthostatique : se dit d’une histoire peu véridique
soroributyroplégique : dont la sœur bat le beurre
spinapodoectomie : coup de main
stéréotype : individu coiffé d’un walkman
strabosphère : (n.f.) Ensemble des individus plutôt louches, qui vivent en marge de la loi. Exemple : Les bulles spéculatives gonflent dans la strabosphère – Portion de l’espace visible par un individu qui louche. Exemple : bouteille de Klein ou anneau de Moebius en version 2D
stratocumulocéphale : rêveur
strobolithe : pierre qui roule. Proverbe connu : strobolithe n’amasse pas mousse
strobolithobryophytophore : pierre qui roule… et qui amasse de la mousse. Citation : “Moi, des préjugés, j’en aurais plus jamais d’la vie !“
supragastrophtalmie : tendance à avoir les yeux plus grands que le ventre
suprapygoflatulent : personne qui pète plus haut que son cul
Lettre T
tabulopodosophe : personne qui raisonne comme un pied de table
tachycollapsotracteur : mauvais amant (qui tire son coup en vitesse)
temporivore : voir chronophage
testiculotraumatique : voir orchidoclaste
thanatocéphale : tête de mort
thanatothérapie : erreur médicale. Exemple : Jean-Pierre Chevenement a subi une thanatothérapie au curare
thermostégofélidée : chatte sur un toit brûlant
thermotuberculofuge : se dit de quelqu’un qui passe un problème brûlant à quelqu’un d’autre
transrhinoscopie : capacité de voir plus loin que son nez
tridécatabulophobie : peur d’être treize à table
turbidinaute : (n.m.) personne qui sait naviguer en eaux troubles. Exemple : Cette Faculté de Droit produit d’excellents turbidinautes
Lettre U
ultrafidélocaténophone : chaîne hi-fi
uroluditélémétrie : art de jouer à celui qui pisse le plus loin
Lettre V
vésicolanternomane : qui a l’habitude de prendre des vessies pour des lanternes
vésicosufflochromateur : supérieur à 0,5 gramme
Lettre W
woolfophobe : qui a peur de Virginia Woolf. Je le garde pour le W, mais c’est beaucoup plus joli en lycoparthénophobe
Lettre X
xanthobalnéofluctuanaé : relatif aux canards en plastique jaune qui flottent sur le bain
xéropyge : action qui, en cas d’excès, peut mener à la xylocéphalie
xylocéphalie : gueule de bois
Lettre Y
yachtitropicomythivorotrièdre : triangle des Bermudes
yakocoprolithe : énorme galet des montagnes du Népal, utilisé par les sherpas pour la construction des huttes yétiscopiques
yétiscopique : relatif à certaines vapeurs des sommets himalayens
yourceniclandestolaboration : L’Oeuvre au noir
yoyomapédidromophile : qui aime à faire son jogging en écoutant du violoncelle
ypéritorhinotachytrope : colérique, qui s’énerve rapidement
yuppiexpédidétritus : cadavres gelés de grimpeurs occidentaux jonchant l’Everest parmi les yakocoprolithes
Lettre Z
zoocopulatoire : qui baise comme une bête
Remerciements
Bien entendu, c’est moi qu’a eu l’idée de xyloglotter au début, mais sans vous, on ne serait pas allé bien loin. Une grosse bise personnelle à tous les généreux granonatriofères qui ont contribué à ce dictionnaire :
Cricri-popotame, Bernard Boigelot, Guillaume Lanoo dit Garfield, Greg Trow, Nicolas Moal, Denis Fouche, Yannick Copin, Jean-Philippe Gros, Vincent Delavallée, Anton Muller, Jean-François Garmy, Yves Delavignette, Ben Rodriguez, Xavier Blondel, Philippe Delavallée, Pierre-Yves Monfrais dit Pym (voyez sa page Exquis mots, elle est extra), Gauthier de Foestraets, EIT, Éric Rozenberg, Bruno Hongre, Frédéric Juillard, Hubert Schyns, Luck Darniere, Laurent Duval, Philippe Schwemling, Michel Baillard, Dominique Portier alias Marsu ou Mad, Jacques Tramu, Maxime Boisset, Michel Bordry, Philippe Sechet, René Planel, Marie-José Loiseau, Olivier Larpin, Hervé Renaudie, Jef, Marie-Claude Delavallée, Nicolas Cornuault, Olivier Roger, Vincent Cleppe, Jean-Pierre Hache, JC Gelbard, Erich Iseli, Emmanuel Smague, Pierre-Yves Ily, Michel Dubesset, Tony Bastianelli, Mathieu Peyral, Bernard Weiss, Antoine Pitrou, Sébast, Frédéric Mingam, Christian B., Thierry Le Floch, Jacques Labidurie, Alain Gottcheiner, Johannes, Michel Derouet, Bertrand Nobilet, Guy-Denis Bertrand, Rémy Moszczynski, Martin Granger, Gérard et Denise Mourdon, Bertrand Cos, Christelle Gibergues, Olivier.Df.1999 (mention spéciale), Isabelle Asenkat, Virtual Sined, Jean-Pierre Guillet, Philippe Daniel, Bruno Marichal, Ghislain Moret de R. etc., Serge Sonia, Thierry Gilliboeuf, Pierre Arthapignet, Thierry Leys, Séverine Guisset, Fabrice Muhlenbach, Amaury Prevot-Leygonie, Michel Carsalade, Pascal Levy, Umberto Eco (par citation interposée), François Laferrière, Rémy Pradier, Thierry Pradeau, Philippe Daniel, Christophe Masson, Éric Dassié, Tristan Sauvaget, Yves Grasset… et bientôt vous, peut-être ?
Je n’y comprends rien à ces mots compliqués, à l’aide !
C’est normal. C’est quand on commence à comprendre qu’il faut s’inquiéter pour sa santé mentale. Mais si vous voulez vraiment savoir ce que ça veut dire, ouvrez illico le dictionnaire le plus proche (ma bible de xyloglotte, c’est le Dictionnaire des structures du vocabulaire savant, dans les Usuels du Robert), demandez à votre cousine qui a fait hypokhâgne, creusez-vous les méninges… et si rien ne marche, si vous ne comprenez vraiment vraiment pas, écrivez-moi… ou adoptez de plus saines lectures et dévorez les aventures de Babar.
Dossier Rushdie vs. Khomeiny
Conclusions (paru en 1994)
Article publié dans le catalogue de l’exposition “Le vent de la Liberté” (1994, Welkenraedt, BE)
ENTRE
Monsieur Salman Rushdie, romancier anglais d’origine indienne, auteur des Versets Sataniques (Paris, Christian Bourgois, 1989 ; publié auparavant sous la forme d’un livre-journal par l’Idiot International, la même année),
partie demanderesse,
ayant pour conseil lui-même en sa qualité de citoyen britannique, d’artiste et d’homme libre (sous protection), d’une part,
ET
Monsieur Rouhollah Khomeiny, ayatollah iranien cumulant les fonctions de chef d’Etat avec celle de chef religieux chiite,
partie défenderesse,
ayant pour conseil lui-même en sa qualité de Guide de la révolution iranienne, habilité à interpréter les textes sacrés dans son pays, d’autre part,
EXPOSE DES FAITS
Attendu que la partie demanderesse a publié en Grande-Bretagne un roman intitulé The Satanic Verses et ce, le 26 septembre 1988, malgré les manifestations populaires en Inde, en Thaïlande et dans d’autres pays à haute densité musulmane intégriste, réclamant le retrait de la publication du susdit roman ;
Attendu qu’il a été établi que lesdites manifestations constituaient une réaction à des extraits du roman faxés quelques jours auparavant (vraisemblablement au départ de l’Angleterre) afin de susciter de tels troubles “anti-Versets” ;
Attendu que, dans les mois qui ont suivi, l’oeuvre dont question a été mise à l’index dans divers pays musulmans (Inde, Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Egypte, Pakistan, Iran…), ainsi que par la Ligue Arabe et les pays de l’OCI (Organisation de la Conférence Islamique) ;
Attendu que des copies du roman ont été brûlées publiquement en Grande-Bretagne, à Bradford, le 14 janvier 1989 ;
Attendu que, à l’occasion du dixième anniversaire de la révolution iranienne et six mois après la défaite de l’Iran dans sa guerre contre l’Irak (et donc, de nombreux mois après la première publication du roman), la partie défenderesse a condamné à mort la partie demanderesse sans que celle-ci n’ait à comparaître devant une Cour quelconque ; ladite condamnation a été identifiée comme une fatwah ;
Attendu que le mot fatwah ne signifie pas “condamnation à mort” mais bien “sentence rendue sur la base d’une interprétation de la Loi coranique” et que, en sa qualité de “Mufti” (nous dirions “Docteur de l’Eglise”), l’Imam Khomeiny n’était que religieusement habilité à rendre ladite sentence ;
Attendu que la partie défenderesse a déclaré que ladite fatwah était exécutable urbi et orbi par n’importe quel musulman considérant la condamnation valide et qu’une récompense a été proposée par des ‘organisations charitables’ à ‘l’exécuteur’ virtuel (à savoir, initialement 3.000.000 $ s’il est Iranien ou 1.000.000 $ s’il ne l’est pas) ;
Attendu que la partie demanderesse a été condamnée à titre religieux à une peine capitale qui, à notre époque, ne devrait être prononcée, le cas échéant, que par une cour non-religieuse ;
Attendu que, de par la nature religieuse de la sentence, la partie défenderesse estime que l’étendue géographique de son applicabilité dépasse les frontières nationales iraniennes pour s’étendre au monde entier et ce, au mépris du droit international et de toutes les conventions internationales.
Attendu qu’une sentence religieuse ne peut impliquer de peine temporelle, le fait religieux étant un fait privé et non de nature publique ;
Attendu que la sentence a, depuis, été rituellement confirmée chaque année par le parlement iranien, semblerait-il afin de ne pas trahir l’héritage spirituel de son auteur, aujourd’hui décédé ;
Attendu que ladite fatwah a été étendue aux éditeurs et à tous les traducteurs des Versets Sataniques et qu’il peut être décemment considéré qu’elle est à l’origine de la liste non-exhaustive des méfaits repris ci-après :
février à juin 1989 (France et Italie) – les éditeurs français (Christian Bourgois Editeur) et italien (Mondadori) qui détiennent les droits de traduction déclarent officiellement renoncer à la publication de l’ouvrage pour préserver la sécurité de leur personne ; révolté par cette attitude, un groupe d’intellectuels francophones laïques organise la traduction et la publication ‘pirate’ de ce qui sera la première traduction française des Versets Sataniques ; ce document sera distribué devant l’ambassade d’Iran à Paris (FR) en juin de la même année et l’éditeur Christian Bourgois, faisant valoir ses droits, obtiendra une décision en référé frappant d’astreinte toute diffusion complémentaire ;
février 1989 (France) – un cardinal catholique établit un parallèle conciliant entre la fatwah et la réaction (violente) de ‘croyants blessés dans leur foi‘ par la sortie du film de Martin Scorcese La dernière tentation du Christ ;
février 1989 – l’OCI s’en remet officiellement au verdict des tribunaux islamiques en la matière ;
mars 1989 (Belgique) – un chef de file musulman, saoudien modéré, est assassiné, ainsi que son bibliothécaire : il avait déclaré ne pas avoir été choqué par les Versets Sataniques ;
juillet 1989 (France) – Christian Bourgois publie la version française, qu’il a fait traduire en secret malgré ses déclarations antérieures, probablement pressé par la distribution d’une traduction pirate (cfr. supra) ; en toute humilité, le traducteur de l’ouvrage signe son travail A. Nasier (Alcofribas Nasier est l’anagramme de François Rabelais, utilisé comme tel par ce dernier) ;
février 1990 (Japon) – l’éditeur du roman est molesté au cours d’une conférence de presse ;
avril 1990 (Pakistan) – un film pakistanais montre, avec moult trucages (faut-il le préciser ?), la partie demanderesse punie ‘par la main de dieu‘ ;
juillet 1990 (Italie) – le traducteur italien est poignardé ;
juillet 1990 (Japon) – le traducteur japonais est assassiné ;
juillet 1990 (Turquie) – un hôtel abritant une rencontre littéraire est incendié (bilan : 36 morts) : un des journalistes participants avait publié des extraits du roman dans son périodique ;
etc.
Attendu que, depuis quelques années, la partie demanderesse a pu bénéficier, au nom des Droits de l’homme en général comme en sa qualité d’artiste, de multiples encouragements, à savoir notamment :
février 1989 (Grande-Bretagne) – l’éditeur anglais confirme son soutien en publiant la version en format poche des Versets Sataniques ;
février 1989 (USA) – manifestation de soutien d’intellectuels américains ;
juillet 1989 (France) – le Ministère de la culture soutient officiellement la publication du livre ;
février 1991 (Grande-Bretagne) – Salman Rushdie rencontre (enfin) officiellement le Gouvernement britannique ;
novembre 1991 (Grande-Bretagne) – à l’occasion du 1000e jour de la fatwah, un collectif d’intellectuels anglais soutient Rushdie et mandate le dramaturge Tom Stoppard pour le faire savoir au 10 Downing Street ;
décembre 1991 (USA) – Rushdie est reçu à l’Université de Columbia ;
mars 1992 (France) – Jack Lang reçoit Salman Rushdie au nom du Gouvernement français ;
juillet 1993 – un groupe d’intellectuels réclame la création d’un Parlement international des écrivains ;
août 1993 (Grande-Bretagne) – au cours d’un concert de U2 à Wembley, le chanteur, portant un masque de diable, demande à Salman Rushdie d’apparaître “s’il n’a pas peur” et l’auteur monte sur scène en déclarant : “Je n’ai pas peur de vous : les vrais diables n’ont pas de cornes !” ;
septembre 1994 (Portugal) – le Parlement du Conseil mondial des écrivains se réunit pour la première fois à Lisbonne ;
Attendu que lesdits encouragements ont également été exprimés par différents Etats et par la Communauté européenne (même si, par exemple, la suppression par certains pays d’accords culturels avec l’Iran a constitué la seule mesure répressive en l’espèce, les relations commerciales restant, quant à elles, inchangées) ;
PAR CES MOTIFS,
PLAISE AU TRIBUNAL,
Dire la fatwah irrecevable en ce qu’elle a été prononcée, soit
à titre religieux et, de ce fait, ne peut déboucher sur une peine temporelle,
unilatéralement par un chef d’Etat prévoyant son exécution à l’extérieur de ses frontières nationales, ce qui est contraire au Droit international ;
Dire la fatwah non-fondée parce que motivée par une interprétation individuelle de textes sacrés, ladite interprétation ne tenant aucun compte de la liberté (et du devoir) d’expression de tout homme en général et des artistes en particulier ;
Subsidiairement condamner la partie défenderesse aux dépens (en vies humaines, notamment).
Né en 1952, formé à l’ICADI (Liège) et à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, Jean-JacquesSYMUL enseigne la photographie dans cette école de 1976 à 2013. Il présente de nombreuses expositions autant personnelles que collectives, publie dans des revues d’art. Son travail est axé sur le quotidien, non pas pour sa valeur anecdotique, mais transcendé par son regard de photographe.
Comme le dit Pierre-Yves Rollin (secteur arts plastiques, Province du Hainaut), “les photographies de Jean-Jacques Symul s’inscrivent dans une tradition littéraire, picturale et même cinématographique qui associe le paysage naturel à une visualisation des états d’âme”. Que signifient ce feuillu émergent d’une forêt de conifères ou cette clairière verdoyante tranchant dans un sous-bois désolé ? Au-delà de l’évident intérêt plastique des photographies, le spectateur est convié à élaborer une interprétation personnelle, intime…
[d’après BABELIO.COM] George Saunders (né en 1958) est un écrivain américain, auteur de nouvelles et d’essais. Il est diplômé en géophysique de la Colorado School of Mines à Golden en 1981. En 1988, il a obtenu une M.A. en création littéraire de l’Université de Syracuse où il a rencontré sa future femme, Paula Redick. Ils sont parents de deux filles. De 1989 à 1995, il a travaillé comme ingénieur géophysicien et rédacteur technique pour une société à Rochester, New York. Depuis 1996, George Saunders est professeur à l’Université de Syracuse, dans l’État de New York, et y enseigne l’écriture créative.
Son premier recueil de nouvelles, Grandeur et décadence d’un parc d’attractions (CivilWarLand in Bad Decline, 1996), a été finaliste du PEN/Hemingway Award. Ses thèmes de prédilection sont les excès du consumérisme ainsi que de la culture d’entreprise.
Ses recueils de nouvelles les plus connus sont Pastoralia (2000), In Persuasion Nation (2006), Dix décembre (Tenth of December, 2013). La nouvelle L’Évadé de la Spiderhead (Escape From Spiderhead), tirée du recueil Dix décembre, a été adapté au cinéma en 2022 (titre original: Spiderhead), réalisé par Joseph Kosinski, avec Chris Hemsworth et Miles Teller. On lui doit aussi un roman jeunesse, Les gloutons glouterons du village de Frip (The Very Persistent Gappers of Frip, 2000), un court roman, The Brief and Frightening Reign of Phil (2005) et surtout Lincoln au Bardo (Lincoln in the Bardo, 2017) pour lequel il a reçu le Man Booker Prize 2017. Il a également écrit de nombreux articles pour le New Yorker, Harper’s Magazine, McSweeney’s, GQ et The Guardian.
Cliquez sur le bandeau pour visiter son site officiel (en anglais)…
[…] Au commencement, il y a un esprit vierge. Ensuite, une idée débarque, et les ennuis commencent, car l’esprit confond l’idée avec le monde. En confondant l’idée avec le monde, l’esprit formule une théorie et, une fois la théorie formulée, il se sent des ailes pour agir. Vu que l’idée n’est toujours qu’une approximation du monde, que cette action soit catastrophique ou bénéfique dépend principalement de la distance entre l’idée et le monde. Le rôle des médias de masse est de fournir un simulacre du monde, sur lequel nous construisons nos idées. Il y a un autre nom pour la construction de ce simulacre : le storytelling.
[…] Les meilleures histoires procèdent de ce mystérieux appel vers la vérité dont certains écrits témoignent lorsqu’ils ont été mûrement révisés ; elles sont complexes, déconcertantes et ambiguës ; elles ont tendance à nous rendre plus lents à agir plutôt que plus rapides. Elles nous rendent plus humbles, nous amènent à compatir avec des personnes que nous ne connaissons pas, car elles nous aident à les imaginer, et lorsque nous les imaginons – si le récit est assez bon – nous les imaginons comme étant essentiellement comme nous. Si l’histoire est moins bonne ou cache mal ses intentions, si elle témoigne d’un manque d’imagination ou est bâclée, nous imaginons ces autres personnes comme essentiellement différentes de nous : impénétrables, incompréhensibles voire incompatibles.
[…] Une culture capable de représentations complexes est une culture humble. Elle agit – quand elle doit agir – aussi tard et aussi prudemment que possible, car elle connaît ses propres limites comme elle connaît les limites étroites du magasin de porcelaine dans lequel elle s’apprête à trébucher. Et elle sait que, quelle que soit sa préparation, quel que soit l’examen critique sévère auquel elle a soumis ses représentations, l’endroit vers lequel elle se dirige sera très différent de l’endroit qu’elle a imaginé. L’écart entre l’imaginé et le réel, multiplié par la violence de ses intentions, équivaut au mal qu’elle occasionnera.
Extraits de SAUNDERS George, The Braindead Megaphone (2007, trad. Patrick Thonart)
[DEFINITIONS-MARKETING.COM] “Le storytelling est littéralement le fait de raconter une histoire à des fins de communication. Dans un contexte marketing, le storytelling est le plus souvent le fait d’utiliser le récit dans la communication publicitaire. Le terme anglais de storytelling est généralement traduit en français par celui de communication narrative.
Le storytelling consiste donc à utiliser une histoire plutôt qu’à mettre classiquement en avant des arguments marque ou produit. La technique du storytelling doit normalement permettre de capter l’attention, de susciter l’émotion, de travailler la personnalité de marque et, selon certaines études, de favoriser la mémorisation. Elle peut également être utilisée pour élever la marque à un rang de mythe. Le storytelling peut utiliser des histoires réelles (mythe du fondateur ou de la création d’entreprise) ou créer des histoires imaginaires liées à la marque ou au produit.
La technique de communication peut être utilisée de manière isolée et ponctuelle au sein d’un spot publicitaire ou être utilisée de manière plus globale et permanente dans la communication de marque et participer ainsi fortement à l’image et au positionnement. L’usage ‘global’ du storytelling est notamment fréquemment utilisé dans le domaine du luxe à travers le storytelling de marque.
Le storytelling est aussi utilisé en communication interne et en communication politique.”
Milou Struvay est né à Verviers, en 1936, et décédé à Liège en 2005. Il s’intéresse d’abord au jazz New Orleans. Vers 1956, il découvre le jazz moderne (Clifford Brown, Miles Davis). Musicien autodidacte, il se fait connaître et apprécier dans des jam sessions aux côtés de Jacques Pelzer, René Thomas, etc. Il fait partie du New Jazz Quintet de Robert Jeanne. Ses prestations sont très remarquées aux différentes éditions du festival de Comblain (cité à plusieurs reprises dans les revues françaises). Il se produit très fréquemment à la Rose Noire à Bruxelles et y joue en compagnie de géants comme Art Blakey, Kenny Clarke, Sonny Stitt, etc.
Il effectue une tournée en Italie avec Jacques Pelzer et donne des concerts à Paris avec Barney Wilen. A la fin des années 60, Milou Struvay se marginalise par rapport au milieu des jazzmen belges. En pleine vogue hippie-libertaire, il forme le “Jazz Crapuleux”, composé essentiellement de non-musiciens, et pratique une musique instinctive proche du free-jazz. Quelques essais de jazz-rock à la trompette électrique. Il exerce alors une grande influence sur la jeune génération (Steve Houben, Bernadette Mottart, Antoine Cirri, Pierre Vaiana, etc.). Il disparaît de la scène musicale jusqu’en 1977, année de son retour aux côtés de quelques uns de ces jeunes musiciens qu’il a initiés au jazz. Il dirige ainsi deux formations dans un jazz au style plus conventionnel : le Milou Struvay Quartet (1977-1978) et le Strues and Steps (1979- 1980) auquel se joint parfois la chanteuse allemande Monika Linges. A l’Auberge de l’Ourthe à Tilff, il se produit notamment avec Al et Stella Levitt. En 1980, il séjourne à New York et à Boston où il participe à quelques jam-sessions. Ensuite, il disparaît à nouveau de la scène musicale.
[RTBF.BE, 24 janvier 2024] Sorti au cinéma il y a 2 semaines à peine, le film Io Capitano du réalisateur italien Matteo Garrone est nominé aux Oscars. Io Capitano raconte le périple d’un migrant pour arriver en Europe. Une histoire vraie basée sur le vécu d’un Liégeois, Fofana Amara.
Et c’est une société liégeoise elle aussi, la société de production Tarentula, qui s’est chargée du travail très important de postproduction de ce film, comme l’explique le directeur de Tarentula, Joseph Rouschop : “Le tournage a eu lieu au Maroc, au Sénégal et en Italie donc on a assez peu de Belges sur le tournage. Par contre, on a une très grosse implication dans la postproduction puisque tous les effets spéciaux numériques ont été réalisés à Liège, au Pôle Image de Liège, avec MPC Liège.“
Le producteur liégeois se dit fier d’être nominé aux Oscars et particulièrement heureux de l’être avec cette histoire-là. “Ce que je trouve surtout important c’est d’être nominé avec l’histoire de Fofana Amara. C’est quelqu’un qui vit à Liège depuis maintenant cinq ans, qui a un travail depuis trois ans. Il travaille dans la logistique à Bierset. C’est quelqu’un qui a un logement ici à Soumagne, qui a une petite fille de trois ans et demi et qui est donc totalement intégré chez nous. Mais malgré tout ça, il a toujours un titre de séjour provisoire. Et donc, on espère que la notoriété du film va pouvoir l’aider et faire avancer son dossier.“
Bénédicte Alié (interview de Thomas Michiels), rtbf.be
L’intelligence de Matteo Garrone, c’est ici d’abord son humilité : pour éviter d’imposer un point de vue occidental dominant sur une réalité africaine, il a longuement recueilli les témoignages et les récits de migrants pour être au plus près du réalisme. Les personnages fictionnels [?] de Seydou et Moussa condensent plusieurs épreuves véritablement vécues par différents migrants. L’autre atout du film, c’est d’avoir choisi de parler de l’émigration choisie pour des raisons économiques et pas politiques ; Seydou ne quitte pas un pays en guerre, il est simplement hypnotisé par le mirage de la société de consommation brandie si fièrement par les pays européens.
Hugues Dayez, rtbf.be
[GRIGNOUX.BE, janvier 2024] Le cinéaste primé Matteo Garrone (Gomorra, Dogman) revient avec un nouveau film coup-de-poing. Basé sur un travail d’enquête rigoureux, son film raconte l’odyssée de deux adolescents attirés par les chimères de l’occident…
Seydou et Moussa, deux jeunes Sénégalais de 16 ans, décident de quitter leur terre natale pour rejoindre l’Europe. Sur leur chemin, les rêves et les espoirs d’une vie meilleure sont vite brisés par les dangers du périple. Leur seule arme dans cette aventure restera leur humanité…
En mettant des visages sur le mot ‘migrant’, en racontant leur récit avec autant de justesse et d’humanité, Matteo Garrone donne à voir une œuvre qui prend aux tripes et qui transforme durablement son audience. Si la narration va chercher dans la fiction la dimension émotionnelle qui permet de s’attacher à ces adolescents pleins d’espoir, elle s’appuie pour autant sur des récits authentiques : une partie du casting réunit des témoins qui ont vécu ce voyage mouvementé et qui ont participé au processus de création.
Le résultat, c’est un film qui nous fout une claque, qui nous ouvre les yeux. En immergeant le spectateur dans la trajectoire semée d’embuches de ces gens qui n’aspirent qu’à ce qu’ils sont en droit d’attendre de la vie, il réveille les consciences endormies. À voir, de toute urgence !
[WALLONIE.BE/…/VIVRE-LA-WALLONIE] Véritable vitrine du savoir-faire wallon et mine d’informations sur la Wallonie, le site CONNAÎTRE LA WALLONIE s’est offert un tout nouveau design facilitant sa consultation et son exploration. Patrimoine, culture, wallons marquants, histoire, folklore… autant de rubriques à votre disposition pour mieux connaître votre Région.
Le site Connaître la Wallonie a vu le jour en 2013 afin de rassembler et de mettre en valeur, sur un même site, ce qui fait l’identité et la richesse de la Wallonie. Grâce à une collaboration entre le Service public de Wallonie, le Gouvernement wallon et l’Institut Jules Destrée, il s’est enrichi, au fil des ans, de contenus de haute qualité.
EXPLORER LE TERRITOIRE WALLON
Les quatre grandes sections du site vous invitent à parcourir l’histoire et les symboles de la Région, sa culture et son patrimoine, ses Wallons marquants et sa géographie. De la préhistoire à nos jours, en passant par Charlemagne et Napoléon, la Wallonie est le produit d’une histoire mouvementée. La rubrique Histoire et symboles s’est, en outre, enrichie d’un atlas historique comprenant 250 cartes qui permettent de suivre le cheminement séculaire de l’espace wallon au cœur du bouillonnement européen. Découvrez ou redécouvrez également les symboles de la Wallonie, fruits d’une appropriation populaire et d’une reconnaissance officielle.
Des lieux de mémoire à la littérature, en passant par toutes les facettes de la culture et du folklore, des sites et édifices remarquables au petit patrimoine populaire, tous témoignent d’une histoire riche et ouverte aux influences multiples. Vous les retrouverez dans la rubrique Culture et patrimoine.Terre à la croisée des mondes latin et germanique, la Wallonie a également engendré ou accueilli de très nombreuses personnalités qui ont laissé une trace dans l’Histoire. C’est l’objet de la rubrique Wallons marquants. Celle-ci reprend aussi, depuis 2011, les Wallonnes et les Wallons qui, par leur vie ou leurs actions, illustrent la Région ou contribuent au mieux-être de la collectivité, et qui sont, à ce titre, honorés par un Mérite wallon. Depuis cette année, les plus jeunes ayant brillé par leurs actions ou leurs réalisations sont également reconnus par la remise d’une Étincelle.
UN SITE EN CONSTANTE ÉVOLUTION. La Wallonie est une région active et créative dont on n’a jamais fait le tour. Riche de milliers de fiches sur le patrimoine, les Wallons marquants… le site Connaître la Wallonie continuera à enrichir son contenu afin de coller au mieux à l’actualité culturelle et parlementaire ainsi qu’à l’émergence de nouvelles personnalités régionales : https://connaitrelawallonie.wallonie.be
Evelyne Dubuisson
Voilà un bandeau que vous connaissez bien : l’équipe de wallonica.org l’utilise pour vous guider vers des références qui vous permettraient d’en savoir plus encore que dans nos pages, le cas échéant. “Connaître la Wallonie“, voilà un site de référence que peu d’entre vous connaissaient et qui, pourtant, figure depuis longtemps dans la liste de nos sources où nous écrivions à son propos :
Des trésors d’informations précises et rares, hélas bien enfouis dans un ensemble de bases de données distinctes, heureusement bien ratissé par un moteur de recherche. C’est bien dommage : peu de Wallons et de Bruxellois connaissent “Connaître la Wallonie“, une compilation un peu administrative de joyaux de documentation, comme la très complète “Encyclopédie du Mouvement Wallon.” A visiter !
La nouvelle interface du site laisse présager du meilleur et ce sera désormais tâche plus plaisante que de consulter ce site, où sont portés en ligne des ouvrages monumentaux comme les quatre forts volumes de l’Encyclopédie du Mouvement Wallon déjà citée, d’autres articles de Jean-Pol Schroeder sur le jazz en Wallonie ou les liens vers WalonMap que nous utilisons pour notre topoguide…
Fidèles lecteurs, je sais qu’une question lancinante vous taraude, au point d’avoir pris plus d’un apéritif avant de vous mettre devant cet écran, afin de noyer votre malaise existentiel avant de commencer à lire. Plus précisément, deux interrogations vous minent le moral. La première concerne la longueur de cet article (“Vais-je prendre plus de temps pour lire et comprendre cet article que le minutage calculé automatiquement et affiché dans l’en-tête ?”) et la seconde, nous l’avons tous et toutes en tête, tient en une question simple : “Allons-nous un jour lire dans wallonica.org des articles rédigés par un robot doté d’un moteur d’Intelligence Artificielle, afin de nous rapprocher plus rapidement de la Vérité ?”
Aux deux questions, la réponse est “non”, selon moi. Selon moi et selon l’algorithme simple grâce auquel je surveille le décompte des mots de mon texte. Il me confirme qu’il tourne autour des 6.000 mots, soit moins de 25 minutes de lecture. Ensuite, pour répondre à la question 2 : il y a peu de chances qu’un robot, fut-il assez rusé pour passer le filtre de nos interviews préliminaires, puisse un jour être actif au sein de notre équipe et y exercer son intelligence… artificielle.
Sans vouloir manquer de respect envers mes voisins ou mes amis (ce sont quelquefois les mêmes), je ne doute pas qu’un robot puisse faire le service pendant une de nos fêtes de quartier, d’autant qu’on l’aura probablement équipé de bras supplémentaires pour rendre la tâche plus aisée. Mais je doute par contre que je puisse partager avec lui la joie de ce genre de festivités, comme je le fais avec mes amis voisins, que je présuppose honnêtes et libres.
Car libres, les algorithmes ne sont pas – ils sont prisonniers de leurs cartes-mémoire – et, honnêtes, ils le sont d’autant moins puisque, lorsqu’on leur demande de dire la Vérité, ils en inventent une qui est… statistiquement la plus probable !
Pour filer le parallèle, en adoptant de nouveaux amis, je mise premièrement sur leur liberté de pensée qui permettra des échanges sains ; je parie ensuite sur leur probité en ceci que j’attends, en retour de ma confiance, qu’ils partagent en toute sincérité leur expérience de vie ; enfin, puisque nous savons que de Vérité il n’y a pas, j’espère que toute vérité individuelle qu’ils soumettraient au cours de nos échanges soit la plus pertinente… et pas celle qui me séduirait le plus probablement.
La liberté, la probité et la pertinence : voilà trois points de comparaison entre intelligence artificielle et intelligence humaine qui peuvent nous aider à déduire le travail à entreprendre, pour ne pas vivre une singularité de l’histoire de l’humanité, où les seuls prénoms disponibles pour nos enfants resteraient Siri, Alexa ou leur pendants masculins…
Pour mémoire, le mot singularité– ici, singularité technologique – désigne ce point de rupture où le développement d’une technique devient trop rapide pour que les anciens schémas permettent de prévoir la suite des événements. La même notion est employée pour décrire ce qui se passe à proximité d’un trou noir : les grandeurs qui d’habitude décrivent l’espace-temps y deviennent infinies et ne permettent plus de description au départ des paramètres connus.
Mais, revenons à l’Intelligence Artificielle car tout débat a besoin d’un contexte. A moins de croire en un dieu quelconque, aucun objet de pensée ne peut décemment être discuté dans l’absolu et, cet absolu, nous n’y avons pas accès. Alors versons au dossier différentes pièces, à titre de mises en bouche…
Pièce n°1
Brièvement d’abord, un panneau affiché dans une bibliothèque anglophone évoque la menace d’un grand remplacement avec beaucoup d’humour (merci FaceBook), je traduis : “Merci de ne pas manger dans la bibliothèque : les fourmis vont pénétrer dans la bibliothèque, apprendre à lire et devenir trop intelligentes. La connaissance c’est le pouvoir, et le pouvoir corrompt, donc elles vont devenir malfaisantes et prendre le contrôle du monde. Sauvez-nous de l’apocalypse des fourmis malfaisantes.“
Au temps pour les complotistes de tout poil : l’intelligence artificielle est un merveilleux support de panique, puisqu’on ne la comprend pas. Qui plus est, l’AI (ou IA, en français) est un sujet porteur pour les médias et je ne doute pas que les sociétés informatiques qui en vendent se frottent les mains face au succès de ce nouveau ‘marronnier‘, qui trouve sa place dans les gros titres des périodes sans scoop : “Adaptez notre régime minceur avant l’été“, “Elvis Presley n’est pas mort : les archives de la CIA le prouvent“, “L’intelligence artificielle signe la fin de l’humanité” et, si vraiment on n’a plus rien à dire, un dossier sur les “Secrets de la Franc-Maçonnerie“. Plus on en parle, plus on en vend, ne l’oubliez pas.
Pièce n°2
Moins rigolo mais toujours dans des domaines prisés par les alarmistes, la confidentialité serait mise à mal par l’utilisation des IA. Là, on revient à la réalité : pour répondre à des cahiers spéciaux des charges de plus en plus exigeants et dévoreurs de temps, beaucoup de responsables commerciaux s’adjoignent l’assistance de ChatGPT (licence payante) pour rédiger leur documents de soumission et, ce faisant, partagent des données confidentielles de leur entreprise avec le GPT (GPT signifie en anglais Generative Pre-trained Transformer, soit transformeur génératif pré-entraîné que j’aurais plutôt traduit par ‘transformateur’). Si c’est confortable, économise beaucoup de temps et donne des résultats surprenants de pertinence en termes techniques, cela reste une faute professionnelle grave !
Autre chose est l’utilisation individuelle du même outil (même licence payante) par des consultants indépendants qui doivent également ‘pisser à la copie’, comme on dit, et qui demandent à ChatGPT une première version du texte qu’ils doivent rédiger, un brouillon, un draft, sur lequel ils reviennent ensuite pour lui donner ‘forme humaine’.
Pièce n°3
J’en ai moi-même fait l’expérience lorsqu’il m’a fallu rédiger un article nécrologique sur André Stas dans ces pages. André Stas était un artiste pataphysicien liégeois né en 1949, qui vient de passer l’arme à gauche en 2023. Par curiosité, j’ai demandé à ChatGPT qui était André Stas.
Réponse du robot : “André Stas était un chimiste belge du XIXe siècle, né le 30 décembre 1813 à Leuven en Belgique et décédé le 13 décembre 1864 à Schaerbeek. Il est surtout connu pour sa découverte de la loi de Stas, qui a permis d’établir avec précision les masses atomiques des éléments chimiques. […] Cette méthode a été essentielle pour la compréhension de la composition chimique de la matière, et a jeté les bases de la chimie moderne. […] Sa contribution à la science lui a valu de nombreux honneurs, notamment l’élection à l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique en 1850.” Impressionnant ! Surtout la qualité du français !
La réponse du robot est identique si la question devient : “Qui était le liégeois André Stas ?” et lorsque ChatGPT est à nouveau sollicité avec la question “Qui était l’artiste liégeois André Stas ?“, la réponse ne se fait pas attendre : “Je suis désolé, mais il n’y a pas d’artiste liégeois connu sous le nom d’André Stas. Le nom André Stas est généralement associé à un chimiste belge du XXe siècle, comme je l’ai expliqué dans ma réponse précédente.“
Le chimiste belge évoqué s’appelait en fait Jean-Servais Stas ; la datation donnée (1813-1864) aurait dû être (1813-1891) et, personnellement, j’avais l’habitude de situer ces dates au XIXe siècle, et non au XXe ; par ailleurs, notre André Stas n’était pas un inconnu ! La messe est dite !
Pièce n°4
Une expérience similaire a été faite par le sémanticien français, Michelange Baudoux, qui a donné à ChatGPT le devoir suivant : “Quelles sont les trois caractéristiques les plus importantes de l’humour chez Rabelais ? Illustre chaque caractéristique avec un exemple suivi d’une citation avec référence à la page exacte dans une édition de ton choix.” Du niveau BAC, du lourd…
Avec l’apparence d’une totale confiance en soi, le robot a répondu par un texte complet et circonstancié, qui commençait par le nécessaire “Voici trois caractéristiques de l’humour chez Rabelais, illustrées avec des exemples et des citations…” Vérification faite, les trois caractéristiques étaient crédibles mais… les citations étaient inventées de toutes pièces et elles étaient extraites d’un livre… qui n’a jamais existé. J’ai partagé son article dans notre revue de presse : il y explique pourquoi, selon lui, ‘intelligence artificielle’ est un oxymore (un terme contradictoire). Détail amusant : il tutoie spontanément le robot qu’il interroge. Pourquoi cette familiarité ?
Pièce n°5
Le grand remplacement n’est pas qu’un terme raciste, il existe aussi dans le monde de la sociologie du travail. “Les machines vont-elles nous remplacer professionnellement” était le thème d’un colloque de l’ULiège auquel j’ai assisté et au cours duquel un chercheur gantois a remis les pendules à l’heure sur le sujet. Il a corrigé deux points cruciaux qui, jusque là, justifiaient les cris d’orfraie du Forem et des syndicats. Le premier concernait l’étude anglaise qui aurait affirmé que 50 % des métiers seraient exercés par des robots en 2050. Le texte original disait “pourrait techniquement être exercés“, ce qui est tout autre chose et avait échappé aux journalistes qui avaient sauté sur le scoop. D’autant plus que, deuxième correction : si la puissance de calcul des Intelligences Artificielles connaît une croissance exponentielle (pour les littéraires : ça veut dire “beaucoup et chaque fois beaucoup plus“), les progrès de la robotique qui permet l’automatisation des tâches sont d’une lenteur à rendre jaloux un singe paresseux sous Xanax. Bonne nouvelle, donc, pour nos voisins ils garderont leur job derrière le bar de la fête en Pierreuse.
Pièce n°6
Dans le même registre (celui du grand remplacement professionnel, pas de la manière de servir 3 bières à la fois), les juristes anglo-saxons sont moins frileux et, même, sont assez demandeurs d’un fouineur digital qui puisse effectuer des recherches rapides dans la jurisprudence, c’est à dire, dans le corpus gigantesque de toutes les décisions prises dans l’histoire de la Common Law, le système de droit appliqué par les pays anglo-saxons. Il est alors question que l’Intelligence Artificielle dépouille des millions de références pour isoler celles qui sont pertinentes dans l’affaire concernée plutôt que de vraiment déléguer la rédaction des conclusions à soumettre au Juge. Je demanderai discrètement à mes copains juristes s’ils font ou non appel à ChatGPT pour lesdites conclusions…
Pièce n°7
Dernière expérience, celle de la crise de foie. Moi qui vous parle, j’en ai connu des vraies et ça se soigne avec de l’Elixir du Suédois (je vous le recommande pendant les périodes de fêtes). Mais il y a aussi les problèmes de foie symboliques : là où cet organe nous sert à s’approprier les aliments que nous devons digérer et à en éliminer les substances toxiques, il représente symboliquement la révolte et la colère… peut-être contre la réalité. C’est ainsi que le Titan Prométhée (étymologiquement : le Prévoyant), représentera la révolte contre les dieux, lui qui a dérobé le feu de l’Olympe pour offrir aux hommes les moyens de développer leurs premières technologies, leurs premiers outils. Zeus n’a pas apprécié et l’a condamné à être enchaîné sur un rocher (la matière, toujours la matière) et à voir son foie dévoré chaque jour par un aigle, ledit foie repoussant chaque nuit. Il sera ensuite libéré par Hercule au cours de la septième saison sur Netflix.
IA : un marteau sans maître ?
Le mythe de Prométhée est souvent brandi comme un avertissement contre la confiance excessive de l’homme en ses technologies. De fait, l’angoisse des frustrés du futur, des apocalyptophiles, comme des amateurs de science-fiction alarmiste, porte sur la révolte des machines, ce moment affreux où les dispositifs prendraient le pouvoir.
Les robots, développés par des hommes trop confiants en leurs capacités intellectuelles, nous domineraient en des beaux matins qui ne chanteraient plus et qui sentiraient l’huile-moteur. Nous serions alors esclaves des flux de téra-octets circulant entre les différents capteurs de Robocops surdimensionnés, malveillants et ignorants des 3 lois de la robotique formulées par Isaac Asimov en… 1942. Je les cite :
Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger ;
Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres entrent en contradiction avec la première loi ;
Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n’entre pas en contradiction avec la première ou la deuxième loi.
Une illustration magnifique de ce moment-là est donnée par Stanley Kubrick dans son film 2001, l’odyssée de l’espace. Souvenez-vous : une expédition scientifique est envoyée dans l’espace avec un équipage de 5 humains, dont trois sont en léthargie (il n’y a donc que deux astronautes actifs) ; cet équipage est secondé par un robot, une Intelligence Artificielle programmée pour réaliser la mission et baptisée HAL (si vous décalez d’un cran chaque lettre, cela donne IBM). HAL n’est qu’intelligence, au point qu’il va éliminer les astronautes quand ceux-ci, pauvres humains, menaceront le succès de la mission. Pour lui, il n’y a pas de volonté de détruire : il est simplement logique d’éliminer les obstacles qui surgissent, fussent-ils des êtres humains.
Kubrick fait de HAL un hors-la-loi selon Asimov (il détruit des êtres humains) mais pousse le raffinement jusqu’à une scène très ambiguë où, alors que Dave, le héros qui a survécu, débranche une à une les barrettes de mémoire du robot, celui-ci affirme : “J’ai peur“, “Mon esprit s’en va, je le sens…” Génie du réalisateur qui s’amuse à brouiller les cartes : une Intelligence Artificielle connaît-elle la peur ? Un robot a-t-il un esprit ? Car, si c’est le cas et que HAL n’est pas simplement un monstre de logique qui compare les situations nouvelles aux scénarios prévus dans sa mémoire, l’Intelligence Artificielle de Kubrick a consciemment commis des assassinats et peut être déclarée ‘coupable’…
A la lecture de ces différentes pièces, on peut garder dans notre manche quelques mots-miroirs pour plus tard. Des mots comme ‘menace extérieure’, ‘dispositif’, ‘avenir technologique’, ‘grand remplacement’, ‘confiance dans la machine’, ‘intelligence froide’, ‘rapport logique’ et, pourrait-on ajouter : ‘intellect‘, conscience‘ et ‘menace intérieure‘, nous allons y venir.
Mais, tout d’abord, il faudrait peut-être qu’on y voie un peu plus clair sur comment fonctionne une Intelligence Artificielle (le calculateur, pas la machine mécanique qui, elle, s’appelle un robot). Pour vous l’expliquer, je vais retourner… au début de mes années nonante !
A l’époque, je donnais des cours de traduction à l’ISTI et j’avais été contacté par Siemens pour des recherches sur leur projet de traduction automatique METAL. C’était déjà une application de l’Intelligence Artificielle et le terme était déjà employé dans leurs documents, depuis le début des travaux… en 1961. METAL était l’acronyme de Mechanical Translation and Analysis of Languages. On sentait déjà les deux tendances dans le seul nom du projet : traduction mécanique pour le clan des pro-robotique et analyse linguistique pour le clan des humanistes. Certaines paires de langues avaient déjà été développées par les initiateurs du projet, l’Université du Texas, notamment le module de traduction du Russe vers l’Anglais (on se demande pourquoi, en pleine période de guerre froide).
Siemens a repris le flambeau sans connaître le succès escompté, car le modèle de METAL demandait trop… d’intelligence artificielle. Je m’explique brièvement. Le projet était magnifique et totalement idéaliste. Noam Chomsky – qui n’est pas que le philosophe qu’on connaît aujourd’hui – avait développé ce que l’on appelait alors la Grammaire Générative et Transformationnelle. En bon structuraliste, il estimait que toute phrase est générée selon des schémas propre à une langue, mais également qu’il existe une structure du discours universelle, à laquelle on peut ramener les différentes langues usuelles. C’est cette hypothèse que devait utiliser METAL pour traduire automatiquement :
en décomposant la syntaxe de la phrase-source en blocs linguistiques [sujet] [verbe de type A] [attribut lié au type A] ou [sujet] [verbe de type B] [objet lié au type B], etc.,
en identifiant les expressions idiomatiques traduisibles directement (ex. le français ‘tromper son partenaire‘ traduit le flamand ‘buiten de pot pissen‘, littéralement ‘pisser hors du pot‘ : on ne traduit pas la phrase mais on prend l’équivalent idiomatique) puis
en transposant le résultat de l’analyse dans la syntaxe de la langue-cible puis
en traduisant les mots qui rentrent dans chacun des blocs.
Deux exemples :
FR : “Enchanté !” > UK : “How do you do !” > expression idiomatique que l’on peut transposer sans traduire la phrase ;
FR : “Mon voisin la joue fair play” > UK : “My neighbour is being fair” > phrase où la syntaxe doit être analysée + une expression idiomatique.
Le schéma utilisé par les ingénieurs de METAL pour expliquer le modèle montrait une espèce de pyramide où les phases d’analyse montaient le long d’un côté et les phases de génération de la traduction descendaient de l’autre, avec, à chaque étage, ce qui pouvait être traduit de la langue source à la langue cible (donc, un étage pour ce qui avait déjà été traduit et pouvait être généré tel quel ; un étage pour les expressions idiomatiques à traduire par leur équivalent dans la langue cible ; un étage pour les phrases de type A demandant analyse, puis un étage pour celles de type B, etc.). Le tout supposait l’existence d’une langue “virtuelle” postée au sommet de la pyramide, une langue théorique, désincarnée, universelle, un schéma commun à la langue source comme à la langue cible : voilà un concept universaliste que la machine n’a pas pu gérer… faute d’intelligence. Sisyphe a donc encore de beaux jours devant lui…
Ce grand rêve Chomskien (doit-on dire humaniste) de langue universelle a alors été balayé du revers de la main, pour des raisons économiques, et on en est revenu au modèle bon-marché des correspondances de un à un de SYSTRAN, un autre projet plus populaire qui alignait des paires de phrases traduites que les utilisateurs corrigeaient au fil de leur utilisation, améliorant la base de données à chaque modification… quand tout allait bien. C’est le modèle qui, je pense, tourne aujourd’hui derrière un site comme LINGUEE.FR ou GOOGLE TRANSLATE.
Pour reprendre les mêmes exemples, si vous demandez la traduction de ‘enchanté‘ hors contexte vous pouvez obtenir ‘charmed‘ ou ‘enchanted‘ (à savoir charmé, enchanté par un sort) aussi bien que “How do you do !” Pour la deuxième phrase, si vous interrogez LINGUEE.FR, et que vous constatez que la traduction anglaise enregistrée est “My donut is being fair” (ce qui équivaut à “Mon beignet est blondinet“), votre correction améliorera automatiquement la mémoire de référence et ainsi de suite…
A l’époque, nous utilisions déjà des applications de TAO (ce n’est pas de la philosophie, ici : T.A.O. est l’acronyme de Traduction Assistée par Ordinateur). Elles fonctionnaient selon le même modèle. Dans notre traitement de texte, il suffisait d’ouvrir la mémoire de traduction fournie par le client (Toyota, Ikea ou John Deere, par exemple), c’est-à-dire, virtuellement, un gigantesque tableau à deux colonnes : imaginez simplement une colonne de gauche pour les phrases en anglais et, en regard, sur la droite, une colonne pour leurs traductions déjà faites en français.
On réglait ensuite le degré de similarité avec lequel on voulait travailler. 80% voulait dire qu’on demandait à l’application de nous fournir toute traduction déjà faite pour ce client-là qui ressemblait au minimum à 80% à la phrase à traduire.
Exemple pour un mode d’emploi IKEA : je dois traduire l’équivalent de “Introduire la vis A23 dans le trou préforé Z42” et cette phrase est similaire à plus de 80% à la phrase, déjà traduite dans la mémoire, “Introduire le tenon A12 dans le trou préforé B7“. Le logiciel me proposera la traduction existant dans sa mémoire comme un brouillon fiable puisqu’elle est exacte… à plus de 80%.
La seule différence avec l’Intelligence Artificielle dont nous parlons aujourd’hui est que le GPT répond avec assurance, comme s’il disait la vérité… à 100% ! Dans cet exemple, dire que le moteur informatique d’Intelligence Artificielle est malhonnête serait une insulte pour notre intelligence… humaine : un algorithme n’a pas conscience de valeurs comme la droiture ou, comme nous le disions, comme la probité.
Ceci nous renvoie plutôt à nous-mêmes, au statut que nous accordons, en bon prométhéens, à un simple outil ! Si Kubrick brouille les cartes (mémoire) avec la possibilité d’un robot doté d’une conscience en… 1968, il est beaucoup plus sérieux quand il montre le risque encouru, si l’on donne les clefs du château à un dispositif dont le fonctionnement est purement logique (je n’ai pas dit ‘raisonnable’). Dans son film, il y a bel et bien mort d’homme… du fait d’un robot !
Le maître sans marteau ?
La problématique n’est pas nouvelle. Depuis l’histoire de Prométhée et du feu donné aux hommes, beaucoup de penseurs plus autorisés que nous ont déjà exploré la relation de l’Homme avec ses dispositifs. Des malins comme Giorgio Agamben, Jacques Ellul, Michel Foucault ou le bon vieux Jacques Dufresne, ont questionné notre perception du monde, l’appropriation de notre environnement, selon qu’elle passe ou non par des dispositifs intermédiaires, en un mot, par des médias au sens large.
C’est ainsi que différence est faite entre, d’une part, la connaissance immédiate que nous pouvons acquérir de notre environnement (exemple : quand vous vous asseyez sur une punaise et que vous prenez conscience de son existence par la sensation de douleur aux fesses émise dans votre cerveau) et, d’autre part, la connaissance médiate, celle qui passe par un dispositif intermédiaire, un médium. Par exemple : je ne pourrais pas écrire cet article, sans l’aide de mes lunettes.
Ces lunettes sont un dispositif passif qui m’aide à prendre connaissance de mon environnement dans des conditions améliorées. Dans ce cas, le dispositif est un intermédiaire dont la probité ne fait aucun doute : je conçois mal que mes lunettes faussent volontairement la vision du monde physique qui m’entoure. Dans ce cas, les deux types de connaissance – immédiate et médiate – restent alignées, ce qui est parfait dans un contexte technique, où l’outil se contente d’augmenter passivement les capacités de mon corps, là où elles sont déficientes.
Mais qu’en est-il lorsque l’outil, le dispositif – mécanique, humain ou même conceptuel : il est un intermédiaire entre moi et le monde à percevoir – est actif, que ce soit par nature (le dispositif a une volonté propre, comme lorsque vous apprenez la situation politique d’un pays au travers d’un article tendancieux) ou par programmation (exemple : l’algorithme de Google qui propose des réponses paramétrées selon mon profil d’utilisation du moteur de recherche). Dans ces cas d’espèce, le dispositif m’offre activement une vue déformée de mon environnement, un biais défini par ailleurs, pas par moi, et selon les cas, avec neutralité, bienveillance ou… malveillance.
Transposé dans le monde des idées, l’exemple type, la quintessence d’un tel dispositif intermédiaire actif qui offre à notre conscience une vue biaisée du monde autour de nous est, tout simplement, le… dogme. Le dogme – et au-delà du dogme, la notion même de Vérité – le dogme connaît le monde mieux que nous, sait mieux que nous comment aborder notre expérience personnelle et dispose souvent de sa police privée pour faire respecter cette vision. Si nous lui faisons confiance, le dogme se positionne comme un médium déformant, un intermédiaire pas réglo, placé entre le monde qui nous entoure et la connaissance que nous en avons.
CNRTL : “DOGME, subst. masc., Proposition théorique établie comme vérité indiscutable par l’autorité qui régit une certaine communauté. Un dogme moral, métaphysique ; le dogme du fatalisme ; “À mesure que les peuples croiront moins, soit à un dogme, soit à une idée, ils mourront moins volontiers et moins noblement” (Lamartine) ; “Hélas ! à quels docteurs faut-il que je me fie ? La leçon des Anciens, dogme ou philosophie, Ne m’a rien enseigné que la crainte et l’orgueil ; Ne m’abandonne pas, toi, qui seule, ô science, Sais forger dans la preuve une ancre à la croyance ! Le doute est douloureux à traîner, comme un deuil.” (Sully Prudhomme).
Aborder le dogme – ou, par exemple, l’intégrisme woke ou la religion – sous l’angle de l’intermédiaire, du dispositif, ce n’est pas nouveau et la connaissance proposée aux adeptes d’un dogme organisé a ceci de particulier que, non seulement il s’agit d’une connaissance médiate, mais que, ici, le medium est une fin en soi, qu’il définit en lui la totalité de la connaissance visée. De cette manière, un ‘religieux’ pourrait se retirer du monde et s’appuyer sur les seules Écritures pour conférer sur la morale ou sur la nécessité de payer son parking en période de soldes.
Or, dans mon approche de la Connaissance, je peux difficilement me satisfaire d’une image du monde fixe et prédéfinie, qui resterait à découvrir (ce qui suppose une énigme à résoudre) ou qui serait déjà consignée dans des textes codés, gardés par Dan Brown avec la complicité de Harry Quebert : ceci impliquerait que cette vérité ultime existe quelque part, comme dans le monde des Idées de Platon, qu’elle soit éternelle et que seuls certains d’entre nous puissent y avoir accès.
Or, c’est le travail, et non la croyance, qui est au centre de toutes nos représentations de l’Honnête Homme (et de l’Honnête Femme, bien entendu) et nous naviguons chaque jour de veille entre les rayons d’un Brico spirituel qui, de la culture à l’intuition vitale, nous invite à la pratique de notre humanité, à trouver la Joie dans le sage exercice de notre puissance d’être humain.
“Travaillez, prenez de la peine“, “Cent fois sur le métier…“, “Rien n’est fait tant qu’il reste à faire…” : le citoyen responsable, actif, critique et solidaire (les CRACS visés par l’éducation permanente en Belgique) se définit par son travail et, pourrait-on préciser, “par son travail intellectuel.” Or, pour retourner à notre vrai sujet, réfléchir, l’Intelligence Artificielle le fait aussi. Oui, elle le fait, et plus vite, et mieux ! Mais, me direz-vous, le dispositif d’Intelligence Artificielle ne fait que manipuler des savoirs, calculer des données mémorisées, il n’a pas accès à la connaissance comme nous, humains, faute de disposer d’une conscience…
Ce que tu ne ramènes pas à ta conscience te reviendra sous forme de destin.
Magnifique citation de Carl-Gustav Jung qui propose lui aussi de travailler, plus précisément de travailler à élargir le champ de notre conscience, à défaut de quoi, nos œillères, nos écailles sur les yeux, nous mettront à la merci de pulsions refoulées ou d’une réalité déformée par nos biais cognitifs.
Pour lui aussi, manifestement, le couple Connaissance-Conscience serait alors le critère qui nous permettrait de faire la différence entre l’Homme et la Machine. On l’opposerait alors au couple Savoirs-Mémoire évoqué au XVIIe par le matheux le plus intéressant de l’histoire de la religion catholique, l’inventeur torturé de la machine à calculer, j’ai nommé : Blaise Pascal. Je le cite : “La conscience est un livre qui doit être consulté sans arrêt.” La conscience est vue ici comme l’ancêtre de la carte-mémoire des Intelligences Artificielles !
Mais, ici encore, de quoi parlons-nous ? Nous voici en fait rentrés dans le périmètre d’une science récente, baptisée la noétique (du grec “noûs” pour connaissance, esprit). Il s’agit de l’étude de la connaissance, sous tous ses aspects.
Endel TULVING est un neuroscientifique canadien d’origine estonienne qui vient de mourir, le 11 septembre dernier. Rassurez-vous, l’homme a d’autres qualités : il a dressé une taxonomie de la conscience en trois types : la conscience autonoétique, la conscience noétiqueet la conscience anoétique. Je donne la parole à l’anthropologue Paul JORION pour les explications. Il cite un texte de 2023, récent donc :
La conscience autonoétique est la conscience réfléchie de soi : la capacité de situer son expérience actuelle dans le cadre d’un récit de sa propre vie qui s’étend au passé et à l’avenir.
La conscience noétique implique une conscience sémantique et conceptuelle sans conscience de soi ; elle implique la capacité d’appliquer des concepts à vos perceptions actuelles et de générer des connaissances à partir de celles-ci.
La conscience anoétique, peut-être la plus insaisissable de toutes, est une expérience qui n’implique ni conscience de soi ni connaissance sémantique. Elle comprend, par exemple, des sentiments […] de confort ou d’inconfort, de familiarité, de malaise, de présence ou d’absence, de fatigue, de confiance, d’incertitude et de propriété. Il s’agit par exemple du sentiment que l’objet que l’on voit du coin de l’œil est bien un oiseau, du sentiment, en rentrant chez soi, que les choses sont telles qu’on les a laissées (ou pas), du sentiment que l’on est en train de contracter une maladie. Chez l’homme, ces sensations anoétiques se situent en marge de la conscience et ne sont que rarement au centre de l’attention. Chez d’autres animaux, il est possible que l’anoétique soit tout ce qu’il y a.
Au temps pour les définitions. Et, quand le même Paul Jorion demande à ChatGPT, quand il lui demande (et vous remarquerez qu’il vouvoie le robot) : “Où situez-vous le niveau de conscience d’un GPT (comme vous-même) ?“, ledit GPT répond :
Dans la taxonomie tripartite de la conscience d’Endel Tulving, il est important de noter que GPT-3.5, ou tout autre modèle de langage d’IA, ne possède pas de conscience de la même manière que les humains. Les systèmes d’IA tels que GPT-3.5 sont dépourvus d’expériences subjectives, d’émotions, de conscience de soi et de la compréhension profonde associée à la conscience humaine. Ils fonctionnent sur la base de modèles de données et de relations statistiques apprises au cours de leur formation. Sur la base de la taxonomie fournie, les capacités de GPT-3.5 pourraient être partiellement classées dans la catégorie de la conscience “noétique” dans une certaine mesure. Il a la capacité de traiter et de générer des connaissances sémantiques et conceptuelles sans véritable conscience de soi ou conscience réflexive. Il peut appliquer des concepts à un texte d’entrée et générer des réponses qui semblent contextuellement pertinentes et cohérentes, ce qui s’apparente au niveau de conscience “noétique” décrit.
En répondant à d’autres questions de Paul Jorion, le GPT remet une couche et insiste (je résume) :
Il existe des différences importantes entre la façon dont les humains apprennent et la façon dont les modèles de langage de l’IA tels que GPT-3 fonctionnent, ce qui contribue aux différences dans leurs capacités et leur conscience : (1) la profondeur et la portée de l’apprentissage… ; (2) la généralisation… ; (3) l’expérience subjective et la conscience… ; (4) la compréhension du contexte… ; et (5) l’apprentissage adaptatif, à savoir que les humains peuvent adapter leurs stratégies d’apprentissage, intégrer de nouvelles informations et réviser leur compréhension au fil du temps. Les modèles d’IA nécessitent un recyclage manuel pour intégrer de nouvelles données ou s’adapter à des circonstances changeantes.
Le GPT la joue modeste… et il a raison : il ne fait jamais que la synthèse statistiquement la plus logique de ce qu’il a en mémoire ! Plus encore, il aide (sans le savoir vraiment) Paul Jorion à faire le point quand ce dernier lui rappelle que, lorsqu’il lui a parlé un jour de la mort d’un de ses amis, le GPT avait écrit “Mes pensées vont à sa famille…” d’où émotion, donc, pense Jorion. Et le logiciel de préciser :
La phrase “Mes pensées vont à sa famille…” est une réponse socialement appropriée, basée sur des modèles appris, et non le reflet d’une empathie émotionnelle ou d’un lien personnel. Le GPT n’a pas de sentiments, de conscience ou de compréhension comme les humains ; ses réponses sont le produit d’associations statistiques dans ses données d’apprentissage.
Comment faut-il nous le dire ? Les Transform(at)eurs Génératifs Pré-entraînés (GPT) disposent d’algorithmes qui dépasse notre entendement, soit, mais seulement en termes de quantitéde stockage de données et en termes de puissance combinatoire d’éléments pré-existant dans leur mémoire. Leur capacité à anticiper le mot suivant dans la génération d’une phrase donne des résultats bluffants, peut-être, mais indépendants d’une quelconque conscience. Ils sont très puissants car très rapides. Souvenez-vous de votre cours de physique : la puissance est la force multipliée par la vitesse ! Et n’oublions pas que notre cerveau peut compter sur quelque chose comme 100 milliards de neurones et que le développement récent d’un mini-cerveau artificiel ne comptait que 77.000 neurones et imitait un volume de cerveau équivalent à… 1 mm³ !
Est-ce que ça veut dire que, faute de conscience auto-noétique et a-noétique, l’IA ne représentera aucun danger pour l’humanité avant longtemps ? Je ne sais pas et je m’en fous : la réponse n’est pas à ma portée, je ne peux donc rien en faire pour déterminer mon action.
Mais, est-ce que ça veut dire que nous pouvons faire quelque chose pour limiter le risque, si risque il y a ? Là, je pense que oui et je pense que notre sagesse devrait nous rappeler chaque jour qu’un outil ne sert qu’à augmenter notre propre force et que la beauté de nos lendemains viendra d’une sage volonté de subsistance, pas de notre aveugle volonté de croissance infinie avec l’aide de dispositifs efficaces à tout prix.
Résumons-nous : tout d’abord, qu’une Intelligence Artificielle ne soit pas dotée d’une conscience autonoétique d’elle-même semble acquis actuellement. Qu’elle soit dénuée d’une conscience anoétique qui lui donnerait à tout le moins autant d’instinct qu’un animal semble aussi évident dans l’état actuel de la science informatique. En fait, une Intelligence Artificielle fait, à une vitesse folle, une synthèse statistiquement probable de données présentes dans sa mémoire et génère sa réponse (pour nous) dans un français impeccable mais sans afficher de degré de certitude !
Quant à lui refuser l’accès à une conscience noétique, en d’autres termes “une conscience sémantique et conceptuelle sans conscience de soi“, le questionnement qui en découlerait est au cœur de cet article.
Car, voilà, vous en savez autant que moi, maintenant, nous sommes plus malins, plus savants : nous savons tout de l’Intelligence Artificielle. Nous savons tout de l’intelligence, de la conscience, des rapports de cause à effet. Nous sommes des as de la noétique. Nous avons enregistré tous ces savoirs dans notre mémoire. Nous avons confiance en notre capacité logique. Nous sommes à même d’expliquer les choses en bon français et de répondre à toute question de manière acceptable, à tout le moins crédible, comme des vrais GPT !
D’accord, mais, en sommes-nous pour autant heureux d’être nous-mêmes ? Est-ce que limiter notre satisfaction à cela nous suffit ? Je n’en suis pas convaincu et j’ai l’impression que le trouble que l’on ressent face à la machine, les yeux dans l’objectif de la caméra digitale, cette froideur, ce goût de trop peu, nous pourrions l’attribuer à un doute salutaire qui ne porte pas sur les capacités de ladite machine mais bien sur le fait que le fonctionnement d’une Intelligence Artificielle, manifestement basé sur les mots et les concepts sans conscience de soi, pourrait bien servir de métaphore d’un fonctionnement déviant dont nous, humains, nous rendons trop souvent coupables…
Ce qu’il y a de terrible quand on cherche la vérité, c’est qu’on la trouve.
Quelles qu’aient été les intentions de Remy de Gourmont (un des fondateurs du Mercure de France, mort en 1915) lorsqu’il a écrit cette phrase, elle apporte de l’eau à mon moulin. Il est de fait terrible, quand on cherche la Vérité avec un grand T, d’interroger une Intelligence Artificielle et… de toujours recevoir une réponse. Et on frôle l’horreur absolue, humainement parlant, quand on réalise que cette Vérité tant désirée est statistiquement vraie… à 80% (merci Pareto). Bienvenue en Absurdie !
Ces 80% de ‘certitude statistique’ (un autre oxymore !) donneraient un sourire satisfait au GPT, s’il était capable de satisfaction : il lui faudrait pour cela une conscience de lui-même, de sa propre histoire. Qui plus est, les robots ne sont pas réputés pour être les rois de la passion et de l’affect. Surfant sur les mots et les concepts, une Intelligence Artificielle ne peut pas plus se targuer d’une conscience anoétique, non-verbalisée et reptilienne, on l’a assez dit maintenant.
Reste cette activité dite noétique, nourrie de structures verbales et de concepts, de rapports principalement logiques et de représentations intellectuelles du monde non-validées par l’expérience, bref, d’explicationslogiques !
C’est avec cette froideur explicative que le robot répond à nos requêtes, fondant son texte sur, postulons, 80% de données pertinentes selon sa programmation, des données exclusivement extraites de sa mémoire interne. Il nous vend la vérité pour le prix du 100% et les 20% qu’il a considérés comme hors de propos sont pour lui du bruit (données extraites non-pertinentes) ou du silence (absence de données). Le GPT nous vend la carte pour le territoire !
Mais n’avons-nous pas aussi, quelquefois, tendance à fonctionner comme des Intelligences Artificielles, à délibérer dans notre for intérieur comme des GPT et à nous nourrir d’explications logiques, générées in silico (c’est-à-dire dans le silicium de notre intellect), générant à volonté des conclusions dites rationnelles, des arguments d’autorité et des rapports de causalité bien éloignés de notre expérience vitale ? Pire encore, ne considérons-nous pas souvent qu’une explication peut tenir lieu de justificationet que ce qui est expliqué est d’office légitime ? En procédant ainsi, ne passons-nous pas à côté des 20% restant, négligés par le robot, obsédé qu’il est par ses savoirs, ces 20% qui, pourtant, constituent, pour nous humains, le pourcentage de connaissance bien nécessaire à une saine délibération interne.
Qui plus est, ce faisant, nous ne rendons pas justice à notre Raison : nous clamons qu’elle n’est que science, nous la travestissons en machine savante, logique et scientifique, spécialisée qu’elle serait dans les seules explications intellectuelles. Dans ma vision de l’Honnête Homme, la Raison est autre chose qu’une simple intelligence binaire, synthétisée par un algorithme, verbalisant et conceptualisant tous les phénomènes du monde face auxquels je dois prendre action.
Non, la Raison que j’aime vit d’autre chose que des artifices de l’intellect, plus encore, elle s’en méfie et trempe sa plume dans les 100% de la Vie qui est la mienne, pour répondre à mes interrogations intimes ; elle tempère la froide indépendance de mes facultés logiques avec les caresses et les odeurs de l’expérience, et du doute, et des instincts, avec la peur et l’angoisse et avec la poésie et les symboles qui ne parlent pas la même langue que mes raisonnements, juchés qu’ils sont au sommet de la pyramide de l’intellect.
La Raison que j’aime est dynamique et je la vois comme un curseur intuitif entre deux extrêmes :
à une extrémité de la graduation, il y a ce que je baptiserais notre volonté de référence, notre soif inquiète d’explications logiques, de réponses argumentées qui nous permettent de ne pas décider, puisqu’il suffit d’être conforme à ce qui a été établi logiquement,
à l’autre extrémité, il y a la volonté d’expérience et le vertige qui en résulte. De ce côté-là, on travaillera plutôt à avoir les épaules aussi larges que sa carrure et on se tiendra prêt à décider, à émettre un jugement subjectif mais sincère.
La pensée libre naît du positionnement du bouton de curseur sur cette échelle, une échelle dont je ne connais pas l’étalonnage et dont la graduation nous permettrait de mesure l’écart entre volonté de référence et volonté d’expérience, plus simplement, entre les moments où je fais primer les explications et les autres où c’est la situation qui préside à mon jugement.
La Raison que j’aime veille en permanence (lorsqu’elle reste bien réveillée) à me rappeler d’où je délibère face aux phénomènes du monde intérieur comme extérieur. Elle m’alerte lorsque je cherche trop d’explications là où l’intuition me permettrait d’avancer ; elle me freine là où mes appétences spontanées manquent de recul. C’est peut-être en cela que la Raison me (nous) permet d’enfin renoncer à la Vérité (qu’elle soit vraie à 80% ou à 100%) !
Dans le beau texte d’Henri Gougaud avec lequel j’aimerais conclure, l’auteur du livre sur les Cathares d’où vient l’extrait compare l’influence du mythe et de la raison sur l’histoire ; mais, nous pouvons le lire en traduisant automatiquement mythe et raison par expérience et référence, la Raison que j’aime mariant les deux dans des proportions variables selon les circonstances. Je cite Gougaud :
Le mythe est accoucheur d’histoire. Il lui donne vie, force, élan. Il fait d’elle, en somme, un lieu à l’abri du non-sens, de l’objectif froid, de l’absurde. La raison s’accommode mal de ses extravagances. Elle fait avec, à contrecœur, comme d’un frère fou dont on craint les ruades et les emportements toujours intempestifs. Elle s’insurge parfois contre les excès de ce proche parent incontrôlable qu’elle nomme, avec un rien de gêne, “imagination populaire”. Elle a besoin d’ordre et d’appuis solides. Elle est sûre, et donc rassurante. Elle nous est à l’évidence un bien infiniment précieux, mais elle n’est guère téméraire. Elle se veut ceinte de remparts, elle tremble si l’on se risque à les franchir car elle ne voit, au-delà de ses territoires, que dangereuse obscurité. Elle sait déduire, analyser, bâtir théories et systèmes. Elle ne peut pas créer la vie. Elle ne peut accoucher d’un être. Le mythe, lui, est fort, mais intenable. Il crée ce que nul n’a prévu. Sur un Jésus crucifié que la science connaît à peine et dont la raison ne sait rien il a enfanté des croisades, des saint François, des cathédrales, deux mille ans de folle espérance, d’horreurs, d’effrois et de chefs-d’oeuvre, un monde, une histoire, la nôtre. Quel homme de raison pouvait prévoir cela?
Tout est dit : les 20% de Connaissance que nous ne partageons décidément pas avec les Intelligences Artificielles ont encore un bel avenir dans mon quartier. Il est vrai qu’entre voisins, nous ne tutoyons que les vivants !
Illustrateur, graveur, mais également guitariste, Jean-Claude SALEMI (né en 1950 à Casablanca, au Maroc) est spécialisé en linogravure comme en swing-musette, il est par ailleurs guitariste dans le groupe Swing-O-Box. D’où sa passion d’illustrations musicales, notamment aussi dans le livre Un Monde de Musiques édité par Colophon en collaboration avec La Médiathèque. Il est membre d’un atelier collectif de gravure et lithographie : l’Atelier RAZKAS et, dans ce cadre, participe à l’édition de plusieurs portfolios de gravures. (d’après JAZZINBELGIUM.BE)
Cette linogravure nous montre le bassin d’une piscine publique. Le Neptunium est la piscine communale de Schaerbeek, construite en 1953, certainement bien connue de Jean-Claude Salemi. A travers cette composition, l’artiste capture un moment de vie, croquant les divers usagers en pleine action de manière assez pittoresque.
[OPRL.BE] Réalisées entre 1952 et 1954, les 16 peintures murales du peintre liégeois Edgar SCAUFLAIRE (1893-1960) rehaussent la Salle Philharmonique de l’OPRL (Orchestre Philharmonique Royal de Liège) d’un ensemble iconographique exceptionnel inspiré de thèmes musicaux.
Depuis l’inauguration de la Salle Philharmonique (1887), les murs de scène n’offraient à la vue que de grandes surfaces planes sobrement délimitées par des cadres moulurés dorés. Au début des années 1950, M. Christophe, Directeur général au département des Beaux-Arts et de l’Instruction publique, eut l’excellente idée de commander à Edgar Scauflaire (1893-1960), peintre liégeois de renom, de grandes peintures murales destinées à orner les panneaux demeurés vierges de toute décoration. Scauflaire, qui avait déjà eu l’occasion de réaliser des compositions de grandes dimensions (dessins au pastel, vitraux, peinture sur verre, rideaux de théâtre, etc.) adopta ici la technique de la peinture à l’huile. Il fut aidé pour la réalisation par les peintres Jean Debattice, José Delhaye et Valère Saive. Compartimenté en 16 panneaux de dimensions variées, les trois murs de scène firent l’objet de deux campagnes de travaux. La première, achevée en 1952, comprenait la décoration des panneaux inférieurs des parois latérales. La seconde, qui intégrait les panneaux restants, ne fut clôturée qu’en 1954.
Présentant de nettes similitudes avec sa peinture de chevalet (symétrie, juxtaposition de surfaces colorées en guise de fond, influence modérée du cubisme), les peintures murales de Scauflaire constituent un très bel exemple d’intégration d’art moderne dans une œuvre d’art ancien. La menace de les recouvrir d’un badigeon uniforme, exprimée en son temps par des détracteurs, fut à l’origine d’un mouvement de protestation qui aboutit au classement du bâtiment, le 27 mai 1986.
De 1998 à 2000, ces peintures ont fait l’objet d’une campagne de nettoyage, dans le cadre de la restauration de la Salle Philharmonique. En 2023, Thierry Lechanteur a photographié 8 des 16 panneaux en haute définition. En septembre et octobre de la même année, à l’occasion du centenaire de sa toute première exposition, Scauflaire fut mis à l’honneur par Les Amis de l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège, dans le cadre de deux expositions proposées, l’une à la Salle Philharmonique (dessins, fusains, pastels), l’autre à la Galerie des Beaux-Arts (peintures).
Si les panneaux supérieurs sont simplement décorés d’angelots, de plus vastes compositions occupent en revanche le fond de la scène et le centre des parois latérales. À gauche de l’orgue, La Naissance de la Musique évoque l’apparition des premières manifestations musicales : un couple esquisse quelques pas de danse au son d’une conque est jouée par une jeune fille juchée sur à un animal marin, créature imaginaire qui rappelle les temps préhistoriques. Scauflaire prend le parti de considérer, comme chez Platon, que la danse et la musique sont apparus conjointement et sont indissociables.
Dans Le Mythe d’Orphée, situé du côté opposé, c’est le thème d’Orphée charmant les humains, les animaux, les plantes et les minéraux au son de sa lyre qui est illustré. Ce célèbre mythe remontant à l’Antiquité, très fréquemment mis à l’honneur au cours des siècles, en particulier lors de la Renaissance florentine (grâce au philosophe Marcile Ficin), met en avant le pouvoir psychologique de la musique sur les êtres vivants et le reste de la création.
Quittant la mythologie, Scauflaire imagine pour les parois latérales un hommage à deux compositeurs liégeois illustres : André-Ernest-Modeste Grétry (à droite, côté cour) et César Franck (à gauche, côté jardin). L’Hommage à André-Modeste Grétry (1741-1813) est entouré de deux panneaux, décorés à gauche d’un harpiste et à droite d’un homme, assis sur un tambour, jouant d’un instrument à perce conique, tous deux portant des vêtements du XVIIIe siècle. La scène principale, dont on connaît une peinture à l’huile qui a servi de projet, présente Grétry en apothéose. Il tient un livre et non une partition, allusion probable au fait que Grétry était non seulement compositeur mais également écrivain. Il est entouré d’une jeune fille nue, peut-être la muse inspiratrice, et d’un homme plus âgé tenant un sceptre et un aigle (Grétry fut apprécié sous l’Ancien Régime comme sous l’Empire).
Hommage à André-Modeste Grétry @ Thierry Lechanteur
En dessous de ces trois personnages, diverses scènes sont représentées liées à des compositions de Grétry. À droite, un homme à tête de chat s’incline devant une jeune fille ; tous deux semblent tirés de l’opéra-comique Zémire et Azor, œuvre inspirée de La Belle et la Bête de J.-M. Leprince de Beaumont. À côté d’eux, plusieurs villageois dansent, évoquant les Six nouvelles romances, musique instrumentale reflétant la gaieté villageoise. À gauche, le troubadour a peut-être un rapport avec l’opéra-comique Richard Cœur de Lion.
Hommage à César Franck @ Thierry Lechanteur
L’Hommage à César Franck (1822-1890) est également entouré de deux panneaux, décorés de musiciennes. La scène centrale est uniquement composée de personnages tirés de ses œuvres. Au milieu de cette scène figurent Les Béatitudes : le Christ amour, surplombant un globe terrestre, apaise d’un geste les douleurs de l’humanité. Les personnages à l’arrière-plan sont peut-être les bienheureux.
À gauche, deux personnages féminins semblent évoquer les oratorios Ruth (1846) et Rebecca (1881), tirés de l’Ancien Testament : tandis que Ruth porte les épis de blés qu’elle a glanés dans les champs de Boaz, son futur mari, Rebecca porte une cruche d’eau qu’elle offre au serviteur envoyé par Abraham, père de son futur mari Isaac.
À droite le cavalier et la biche font référence au poème symphonique Le Chasseur maudit, inspiré d’une ballade moyenâgeuse de Bürger. Le Comte du Rhin délaisse la messe pour lui préférer une partie de chasse. Tandis que sonnent les cloches et s’élèvent les chants religieux, il défie les âmes pieuses qui s’efforcent de le retenir et s’élance dans la forêt. Il se retrouve seul, son cheval refuse d’avancer. Une voix d’outre-tombe le maudit à jamais et de toutes parts les flammes l’investissent. C’est le moment où le cheval se cabre, que Scauflaire figure.
Source principale : QUIRIN D. & MARAITE L., Edgar Scauflaire (1893-1960), peintre-poète (catalogue de l’exposition Edgar Scauflaire organisée à Liège en 1994)
[LABOVERIE.COM] Peintre, décorateur, illustrateur et critique d’art belge, Edgar Scauflaire est né à Liège le 9 mars 1893. En 1915, il s’inscrit à l’Académie des Beaux-Arts de Liège où il suit les cours d’Auguste Donnay, Adrien de Witte, François Maréchal, Émile Berchmans, et Ludovic Bauès. À ses débuts, jusqu’en 1925, il se consacre surtout au dessin : mine de plomb associée au pastel, à travers des portraits et des œuvres allégoriques, marquées par la simplicité du trait et la modernité de compositions sophistiquées. Après ses études de peinture à l’Académie, Scauflaire gagne sa vie comme journaliste et illustrateur.
En 1918, l’artiste adhère au groupe Les Hiboux avec Luc Lafnet, Auguste Mambour et Jef Lambert. La vie du groupe s’essouffle rapidement mais Edgar Scauflaire reprend le nom pour signer ses articles artistiques et de mode qu’il écrit pour le journal La Meuse : Jean Hibou.
À partir du milieu des années 1920, il se consacre de plus en plus à la peinture à l’huile mais aussi aux peintures murales monumentales pour des commandes particulières. Il réalise par ailleurs des grandes peintures sur verre, des vitraux, des cartons de tapisserie et des rideaux de théâtre. Sa première exposition importante se déroule au Cercle des Beaux-Arts de Liège en 1923. Il quitte La Meuse en octobre et finit l’année par une exposition personnelle à la Galerie Dekenne à Bruxelles. A partir de ce moment-là, Edgar Scauflaire réalise de nombreuses expositions en Belgique et à l’étranger.
En 1930, l’artiste entre à La Wallonie comme rédacteur. Il présente deux peintures dont une sur verre lors de l’inauguration de la Galerie Apollo. Il quitte La Wallonie en 1937. Aidé par des mécènes, il vit dorénavant de son art. L’année suivante, Scauflaire décore la salle de musique du Lycée Léonie de Waha en réalisant sa première œuvre monumentale sur verre.
Pendant la seconde guerre mondiale, Edgar Scauflaire crée L’Atelier Libre pour soustraire les artistes liégeois aux sollicitations de l’occupant en leur offrant du travail. Incarcéré un temps à la Citadelle de Huy, il reprend ses activités dès sa libération. Il reçoit de nombreuses commandes d’œuvres monumentales destinées aux espaces publics, comme la fresque pour Le Bon Marché, à Bruxelles. En 1958, il participe à l’Exposition universelle de Bruxelles, comme membre du jury et comme exposant.
Son œuvre est appréciée pour la simplicité raffinée de ses compositions, pour leur équilibre et pour la subtilité de sa palette chromatique. Edgar Scauflaire est considéré comme l’un des meilleurs représentants de la peinture moderne de Wallonie. Le musée des Beaux-Arts et les Fonds patrimoniaux de la Ville de Liège détiennent plusieurs œuvres de l’artiste. Le 22 octobre 1960, Scauflaire décède d’une crise cardiaque à l’âge de 67 ans.
[Compilation GQMAGAZNE.FR ; LESOIR.BE ; LEBONBON.FR] Croyez-le ou non, binge-watcher [trad. ‘regarder de manière immodérée’] des films sur les plateformes de streaming [trad. ‘diffusion en direct’] n’est pas forcément une perte de temps. Regarder un film peut en effet faire travailler vos capacités cognitives et affiner votre sensibilité.
Une étude de Harvard (USA) a même récemment montré que le visionnage de séries ou de long métrages entretenait notre mémoire et élargissait l’envergure de notre esprit. Des films tels que Memento ou Tenet de Christopher Nolan sont un bon exemple. Ils mettent à l’épreuve notre capacité d’attention, notre compréhension et notre sens du détail, afin que nous puissions rassembler les indices pour tirer nos propres conclusions et tenter de résoudre nous-même les énigmes.
En 2011, les instances de Harvard ont ainsi proposé à leurs étudiants une liste de “films ayant marqué l’histoire du cinéma et aptes à leur faire découvrir d’autres cultures et à développer leur créativité“. Une liste qui comprend au total 300 œuvres allant des années 1900 à nos jours, dont des classiques du cinéma, certains des premiers films de l’histoire, des titres de science-fiction, des films d’art et des films étrangers qui peuvent être très enrichissants non seulement pour les étudiants, mais aussi pour tout un chacun. Voici quelques-uns des meilleurs pour commencer :
Illustré en tête d’article, ce film réalisé par Guillermo Del Toro raconte l’histoire d’Ophélia, une jeune fille qui part vivre avec sa mère chez le nouveau mari de celle-ci. Elle découvre par la suite qu’elle est la princesse disparue d’un royaume enchanté et doit passer plusieurs épreuves dangereuses pour retrouver cet endroit merveilleux.
Récompensé au festival de Cannes en 2009, ce film de Michael Haneke se déroule pendant la Première Guerre mondiale dans un village protestant de l’Allemagne du Nord où des événements étranges, des décès et des meurtres ne cessent de se produire. Les habitants décident de mener l’enquête.
Ce film de Jia Zhangke raconte le destin croisé de deux inconnus qui rentrent dans une ville engloutie sous les eaux. Le personnage de San Ming est à la recherche de son ex-femme et de sa fille qu’il n’a pas vu depuis seize ans, tandis que Shen Hong recherche son mari disparu depuis deux ans.
4. La trilogie Trois Couleurs : BLEU, BLANC, ROUGE (1993-1994)
Cette trilogie comprend trois films réalisés par Krzysztof Kieslowski, sortis entre 1993 et 1994. Dans Bleu, nous voyons Julie dont la vie bascule après la mort de son mari et de leur fille dans un accident de voiture. Dans Blanc, un coiffeur polonais cherche à se venger de son ex-femme. Dans Rouge, Valentine fait la connaissance d’un juge qui s’avère être un ‘stalker’.
Ce film australien de Peter Weir a remporté le BAFTA de la meilleure photographie. Un jour de la Saint-Valentin, les élèves d’un pensionnat décident de faire un pique-nique au pied d’une montagne sacrée située non loin de leur établissement scolaire. Trois d’entre eux pénètrent dans une cavité et disparaissent sans laisser de traces. Des battues sont organisées, mais le mystère persiste…
Œuvre majeure du cinéma d’épouvante italien réalisée par Dario Argento, ce film met en scène Suzie, une jeune danseuse américaine qui obtient une place dans l’une des écoles de ballet les plus prestigieuses d’Europe. Très vite, elle découvre d’étranges phénomènes, mais aussi que l’endroit cache de sombres secrets qui affectent les étudiants.
Ce long métrage d’Alan J. Pakula a remporté 4 Oscars. Cette histoire inspirée de faits réels met en scène des acteurs tels que Dustin Hoffman et Robert Redford dans les rôles de deux journalistes du Washington Post enquêtant sur le scandale du Watergate.
Ce film de Wim Wenders met en vedette Harry Dean Stanton et Nastassja Kinski. Le film raconte l’histoire d’un homme qui, après avoir passé quatre années à errer sans but, décide de renouer avec son fils. Ensemble, ils partent à la recherche de la mère de ce dernier, Jane.
Et…
Il n’est bien sûr pas possible de lister l’intégralité des 300 films recommandés aux étudiants d’Harvard. En plus des longs métrages cités ci-dessus, notons la présence d’autres longs-métrages incontournables du cinéma comme…
Raging Bull de Martin Scorsese (1981),
Taxi Driver du même Martin Scorsese (1976),
Parle avec elle de Pedro Almodóvar (2002),
Fanny et Alexandre d’Ingmar Bergman (1983),
La Dernière séance de Peter Bogdanovich (1971),
Blue Velvet de David Lynch (1987),
Crimes et Délits de Woody Allen (1990),
Sexe, Mensonges et Vidéo de Steven Soderbergh (1989),
La Règle du jeu de Jean Renoir (1939),
Citizen Kane d’Orson Welles (1946),
Les Chaussons rouges d’Emeric Pressburger et Michael Powell (1949),
Le Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica (1949),
Boulevard du crépuscule de Billy Wilder (1951),
Le Sel de la terre de Juliano Ribeiro Salgado et Wim Wenders (2014),
Les Sept Samouraïs d’Akira Kurosawa (1955),
La Strada de Federico Fellini (1955),
Le Ballon rouge d’Albert Lamorisse (1956),
Breathless de Yang Ik-joon (2010),
Viridiana de Luis Buñuel (1961),
Huit et demi de Federico Fellini (1963),
Docteur Folamour de Stanley Kubrick (1964),
Sueurs froides d’Alfred Hitchcock (1958),
Le Voyage dans la Lune de Georges Méliès (1902),
Nosferatu le vampire de Friedrich Wilhelm Murnau (1922),
Metropolis de Fritz Lang (1927),
M de Joseph Losey (1952)…
N.B. L’équipe de wallonica.org a également fait son choix, purement subjectif, et vous le propose dans ses Incontournables, section Savoir-regarder…
Guy RAIFF est né à Etterbeek en 1953. A neuf ans, il reçoit sa première guitare et apprend ‘sur le tas’ avant d’étudier, de 1971 à 1974, au Conservatoire de Bruxelles. Il se met à la guitare de jazz en autodidacte et commence à jouer, dans un style influencé par Django Reinhardt, dans le groupe Douce Ambiance, à partir de 1976.
Il forme deux ans plus tard le Little Stuff Quartet, avec Alain Rochette, Alix Furnelle et Pierre Narcisse, et se tourne vers un jazz plus moderne. Dans les années qui suivent, on peut l’entendre quelquefois aux côtés de Charles Loos, Steve Houben, Lou Bennet et John Ruocco et, à partir de 1984, il se produit souvent en duo avec le contrebassiste Jean-Louis Rassinfosse.
Depuis 1986, Guy Raiff fait partie du quartette du tromboniste Phil Abraham, forme un trio avec José Bedeur et Luc Vandenbosch, et un duo avec le claviériste Roland Dechamp. Tous ces musiciens se produisent aussi en petites formations dont la composition change souvent et ou l’on retrouve aussi Marc Rosière, Jean-Luc Van Lommel, Alain Rochette et Jan De Haas.
Guy Raiff s’intéresse aussi a l’utilisation de l’ordinateur ; il a composé et interprété la musique du spectacle Crazy Blues Circus Théâtre de la Compagnie Pour Rire, en 1988. Depuis 1972, il pratique l’enseignement, notamment en cours privés et lors de stages de l’Académie Internationale de Wallonie. Mélodiste inspiré, Guy Raiff est un des rares guitaristes de sa génération à n’avoir guère subi l’influence du jazz rock, empruntant davantage au vocabulaire des grands guitaristes américains des années 50 et 60.
[FR.SCRIBD.COM] Joseph GILLAIN, dit JIJÉ, né le 13 janvier 1914 à Gedinne (BE) et mort le 19 juin 1980 à Versailles (FR), est un scénariste et dessinateur de bande dessinée belge.
Joseph Gillain fut formé à l’École d’Art de l’abbaye de Maredsous, à l’École de La Cambre de Bruxelles et à l’école normale provinciale de Charleroi où il fut l’élève en dessin de Léon Van den Houten. Il fut l’initiateur de ce que le monde de la bande dessinée désigne comme l’École de Marcinelle. Celle-ci est au Journal de Spirou, fondé à Marcinelle par Jean Dupuis en 1938, ce que l’École de Bruxelles est au Journal de Tintin, lancé par les éditions du Lombard en 1946. Les dessinateurs de l’École de Marcinelle (Franquin, Morris, Will, Tillieux, Roba, Jidéhem, Gos…) sont adeptes de la bulle arrondie, où fusent des dialogues simples, joyeux et spontanés. Pour leur part, leurs confrères et concurrents bruxellois (Hergé, Edgar P. Jacobs, Jacques Martin…) détaillent des textes plus longs, très documentés et plutôt académiques, dans des phylactères de forme rectangulaire.
Très tôt, Jijé fait preuve d’une imagination foisonnante, créant de très nombreux héros qu’il n’hésite pas à confier ensuite à d’autres, à titre provisoire ou définitif. Pilier du journal Spirou, il a du reste lui-même repris brièvement, en 1940, le personnage de Spirou, créé à l’origine par le Français Robert Velter, qui signait Rob-Vel. Le petit groom en uniforme rouge sera l’objet d’une véritable adoption en chaîne. Par la suite, Jijé le restitue à Rob-Vel, qui en cède ensuite tous les droits à Dupuis. L’éditeur marcinellois confie alors la série successivement à Jijé (qui lui invente un compagnon, Fantasio) puis à Franquin (inventeur du Marsupilami) jusqu’en 1967 puis à d’autres dessinateurs qui prennent le relais. Avec trois jeunes dessinateurs (Franquin, Will et Morris) il dirige la bande des quatre qui reconstruit le Journal de Spirou d’après guerre, dans une période de créativité : Franquin et Will travaillent dans sa maison, Franquin et Morris partent avec lui dans un long voyage en 1947 aux États-Unis, en particulier dans le Connecticut, où il rencontre et influence Goscinny.
De retour en Belgique, après avoir continué à collaborer avec le Journal de Spirou, Jijé entre au journal de Goscinny, Pilote, cet hebdomadaire français qui, à la fin des années 1960, fait passer la BD du monde des enfants à celui des adultes. C’est là qu’il reprend les chevaliers du ciel, Tanguy et Laverdure des mains d’Uderzo sur des scénarios deJean-Michel Charlier. Parmi les créations de l’auteur, on peut citer Blondin et Cirage (1939, créés dans la presse chrétienne), le détective Jean Valhardi (repris par Eddy Paape et René Follet) et Jerry Spring. Ce dernier, qui survit à la mort de Jijé en 1980, a directement inspiré le personnage de Blueberry né sous le crayon de Gir dans Pilote. Jijé a aussi mis en images les biographies de Don Bosco, de Christophe Colomb, de Charles de Foucauld et de Baden-Powell. La bande dessinée des pionniers se voulait édifiante.
Jijé reçoit le Grand Prix Saint-Michel 1975 et il est sacré Grand Prix de la ville d’Angoulême en 1977. En 2013, l’édition espagnole de Mon ami Red (Jerry Spring) reçoit le prix Haxtur de la meilleure histoire courte.
Jijé est considéré comme l’un des pères de la bande dessinée franco-belge. Son influence a été décisive sur plusieurs générations d’auteurs, qui ont travaillé à ses côtés, ont parfois été ses assistants ou plus simplement sont venus lui soumettre leurs travaux et ont bénéficié de ses conseils. Parmi eux, on compte Franquin, Morris, Will, Eddy Paape, Jean Giraud, Jean-Claude Mézières, Derib, Pat Mallet, Patrice Serres, Daniel Chauvin, André Juillard, Christian Rossi… Son influence fut aussi étendue à toute une génération surgie après sa mort, tels Yves Chaland ou Serge Clerc qui s’en réclamèrent dès leurs débuts comme d’un maître.
Le 27 mai 2003, au cœur de Bruxelles, un Musée Jijé ouvrait ses portes. Il les ferma le 27 février 2005.
En mars 2006, le créateur du Musée ouvrit une Maison de la Bande Dessinée qui présente son œuvre, ainsi que celle de nombreux collaborateurs de l’âge d’or de la bande dessinée belge.
Cliquez sur le logo pour consulter l’article sur GILLLAIN, Joseph (aut. Paul DELFORGE)
Jijé, une bibliographie BD
Les Débuts
Jojo – Le Dévouement de Jojo
Jojo – Les Aventures de Jojo
Freddy Fred – Le Mystère de la clef hindoue
Trinet et Trinette – Trinet et Trinette dans l’Himalaya
La série Blondin et Cirage
Blondin et Cirage en Amérique
Blondin et Cirage contre les gangsters
Jeunes Ailes
Blondin et Cirage au Mexique
Le Nègre blanc
Kamiliola
Silence on Tourne !
Blondin et Cirage découvrent les soucoupes volantes
Mais elle est toujours là, cependant, assise nue au bord du lit, belle, forcément belle. Un peu d’une lumière crue filtre à travers les rideaux, qui rend sa peau plus blanche encore et, dans le même temps, confère à sa chevelure une blondeur retrouvée. Troublé, il l’observe à la dérobée, s’attarde à ses seins tandis qu’elle aussi fuit son regard gris. Il hésite, se rapproche, voudrait la prendre dans ses bras, va le faire sans doute, pour la rassurer ou se rassurer lui-même. Son parfum emplit ses narines. Souvent, cédant à la mode, toutes les femmes ont la même odeur, elle non, cette fragrance est personnelle, unique, intime. Ses lèvres effleurent sa nuque. Je ne sais pas, dit-elle, alors il l’embrasse, avidement, lui évitant de prononcer des mots qu’elle cherche encore, qu’il devine déjà, qu’aucun n’a envie d’entendre. Ils feront donc l’amour, c’est ainsi qu’il a toujours fait taire ses angoisses.
Plus tard, sortant de la salle de bain, elle se tient à nouveau nue, face à lui, avec un naturel dénué de toute provocation, ce qui d’ailleurs lui plaît davantage. Il la contemple longuement, attentivement, ne pouvant la photographier (elle s’y refusera toujours), il enregistre cette image qui le poursuivra longtemps, il le sait déjà. Avec une tendresse particulière pour son ventre, émouvant dans son imperfection, sur lequel il y a peu reposait sa tête après qu’en elle il s’était abandonné, se demandant comment il a pu alors que toujours il s’y est refusé, pourquoi cette soudaine confiance ou bien en a-t-il fini avec la peur d’une paternité ? Il se souvient comment et combien de fois il a essayé de repousser le sommeil qui l’envahissait, voulant la contempler, une fois au moins, endormie, paisible, infantile et vulnérable. Mais il n’y parviendra jamais et s’étonnera, chaque matin, de la découvrir à ses côtés, comme une promesse miraculeusement renouvelée.
Tout à l’heure ils marchaient, ils marcheront encore dans les rues de cette ville étrangère qui, désormais, intégrée à leur histoire, ne l’est plus. Il lui tiendra la main qu’en même temps il caressera, non qu’il veuille la retenir mais la permanence du contact physique lui est nécessaire. Ils croiseront d’autres couples qui leur souriront, croyant se reconnaître en eux, alors que. La traversée du parc lui rappellera une promenade faite ensemble dans un jardin, au pied des murailles de leur ville, parmi des senteurs florales qu’exacerbait la proximité d’un orage, je ne sais pas si tu te souviens, lui dira-t-il, sachant sa mémoire parfois défaillante, mais oui bien sûr et même que, tous les deux, nous étions vêtus de mauve. C’est exact, et jusqu’à ses paupières qu’elle avait ainsi exceptionnellement fardées. Je commence à fatiguer, dit-elle, alors ils s’assoient côte à côte à une terrasse, poursuivant une conversation à peine entamée, mais ce dont on parle importe peu, c’est dans les silences que l’on se reconnaît.
Elle frissonne, malgré la proximité d’un brasero, c’est vrai que le soleil reste froid, puis il la sait frileuse de toute manière. Elle allume une cigarette, lui sourit. Personne ne fume jamais dans tes histoires, dit-elle. Non, en effet, personne, jamais, il ne s’en était même pas aperçu tiens, il fallait qu’elle débarque dans sa vie pour ajouter des volutes à la volupté. Mais quelle drôle de remarque quand même, se dit-il, est-ce donc là tout ce qu’elle a retenu de ce que j’ai écrit ? C’est bien elle de s’attarder à un détail aussi futile, pour peu il la croirait superficielle s’il ne la savait capable de bien plus de profondeur et de sensibilité, se protégeant probablement derrière une apparente légèreté qui, par ailleurs, l’apaise lui. Une mouette est là, qui récolte quelques mies de pain, puis s’envole. Il se revoit chez elle, assis dans le sofa, observant par la fenêtre le vol des hirondelles tandis qu’il lui caresse le dos, la nuque, les cheveux. Sous la couverture, il pose la main sur sa cuisse, ne peut l’embrasser à cause de la cigarette, pardon dit-elle, et il a le sentiment que c’est de bien davantage de choses qu’elle s’excuse mais, par avance, il lui a déjà tout pardonné.
Il imagine quels peuvent être ses doutes et tous ces mots s’entrechoquent, l’incertitude, l’instabilité des sentiments, du désir, comment ils naissent et disparaissent, la crainte de ne pas aimer assez, de l’être trop, étouffé, enfermé dans une relation dont on ne pourrait s’échapper qu’au prix de blessures, comme celles qui aujourd’hui encore, et les différences, toutes ces différences que l’on veut ignorer et qui pourtant, immanquablement, à commencer par la différence d’âge d’ailleurs. Il devine tout cela, lui dont la vie n’a, en définitive, été qu’un long questionnement et pourtant, là, il ne doute plus, il sait, croit savoir à tout le moins, a atteint avec elle une légèreté qui, jusqu’ici, lui était inconnue. Il lui laissera entrevoir cette évidence qui nécessite d’être partagée, pas trop cependant pour ne pas l’effrayer davantage.
Ils se lèveront et repartiront, main dans la main, puis impromptu elle éclatera de rire, parce qu’elle est ainsi, ne pouvant persister dans la mélancolie, joyeuse somme toute, de la même manière écrit-elle sa vie tandis que lui s’arrête d’écrire pour la regarder vivre. Il se dit qu’en définitive, les hommes de cinquante ans sont bien vulnérables. Ensuite, au musée, ils parcourront les salles à contresens des touristes, échangeant leurs impressions, se découvrant au travers de la peinture. Parfois, il osera une explication, ne voulant ni l’ennuyer ni la vexer, il lui dissimulera une partie de son savoir ainsi qu’il le fait de la profondeur de ses sentiments. Et moi, dit-elle soudain, si j’étais un tableau, lequel choisirais-tu ? Il dirait bien un Mondrian, pour l’apaisement qu’il lui procure, mais ce serait trop long à expliquer, alors il évoque un préraphaélite, le Lady Godiva de Collier, et ils rient de ce qu’il est convenu d’appeler un private joke.
Plus tard, ils iront manger à une terrasse où elle aura froid, une fois encore, mais où elle pourra fumer, un asiatique, oui, un thaï ce serait bien. Ils boiront quelques Singha pour étancher une soif attisée par les épices, se toucheront par-dessus, par-dessous la table, riront encore de leurs souvenirs, préservant une complicité à laquelle ils ne voudraient pas, ne voudront pas renoncer. Jamais, sans doute. Puis, le regard troublé par la bière peut-être, elle lui dira. Ces mots que tu attends, je voudrais sincèrement pouvoir les prononcer mais te mentir, nous mentir, ça je ne le veux pas.
Ce texte faisait partie du tapuscrit original de “Comme je nous ai aimés“, mais n’a pas été repris dans le recueil. C’est donc un inédit qui est offert aux lecteurs de wallonica.org
“C’est un matin d’argent comme tous les matins d’argent. Je suis à mon bureau. C’est alors que le téléphone sonne ou que quelqu’un frappe à la porte. Je suis profondément plongée dans la machinerie de mes méninges mais, à contre-cœur, je réponds au téléphone ou j’ouvre la porte. Et l’idée que j’avais à portée de la main – ou presque à portée de la main – s’est déjà envolée.
Le travail créatif a besoin de solitude. Il a besoin de concentration, sans interruptions. Il a besoin de tout le ciel pour voler, sans qu’aucun regard n’en soit témoin, jusqu’à ce qu’il atteigne cette certitude à laquelle il aspire, mais n’a pas nécessairement ressenti tout de suite. L’intimité, donc. Un endroit à part – un rythme pour mâcher ses crayons, griffonner, effacer et griffonner à nouveau.
Mais aussi souvent, sinon plus souvent, l’interruption ne vient pas d’un autre, mais de soi-même, ou d’un autre soi au sein de soi, qui siffle et frappe à la porte et se jette, en éclaboussant tout, dans le lac de la méditation. Et que veut-il dire ? Que vous devez appeler le dentiste, que vous êtes à court de moutarde, que l’anniversaire de votre oncle Stanley est dans deux semaines. Vous réagissez, bien sûr. Puis vous retournez à votre travail, pour découvrir que les petits lutins de votre idée sont retournés dans le brouillard.
C’est cette perturbation interne – ce trublion intime – dont je voudrais suivre les traces. Le monde est un lieu ouvert et partagé et il distribue l’énergie de ses nombreux signes, comme un monde doit le faire. Mais que le soi puisse interrompre le soi – et le fasse – est une affaire plus sombre et plus curieuse.
Je suis, moi-même, au moins trois moi différents. Tout d’abord, il y a l’enfant que j’ai été. Bien entendu, je ne suis plus cet enfant ! Pourtant, de loin en loin, et parfois de pas si loin que ça, je peux entendre la voix de cet enfant – je peux ressentir son espoir, ou sa détresse. Il n’a pas disparu. Puissant, égocentrique, toujours à insinuer des choses – sa présence surgit dans ma mémoire, ou descend des rivières brumeuses de mes rêves. Il n’est pas parti, pas du tout. Il est avec moi en ce moment présent. Il sera avec moi dans la tombe.
Puis il y a le moi vigilant, le moi social. C’est celui qui sourit et fait office de gardien. C’est la part qui remonte l’horloge, qui me pilote à travers la vie quotidienne. Qui garde à l’esprit les rendez-vous qui doivent être pris, auxquels on doit se rendre ensuite. Il est enchaîné à mille obligations. Il traverse les heures de la journée comme si son mouvement même constituait la totalité de sa tâche. Qu’il cueille en chemin une fleur de sagesse ou de plaisir, ou rien du tout, c’est un problème qui ne le concerne guère. Ce qu’il a en tête nuit et jour, ce qu’il aime par-dessus tout autre chant, c’est l’éternelle avancée de l’horloge, ces mesures régulières et vives, et pleines de certitudes.
L’horloge ! Ce crâne lunaire à douze chiffres, ce ventre blanc d’araignée ! Quelle sérénité dans le mouvement des aiguilles, de ces fins indicateurs tout en filigrane, et quelle régularité ! Douze heures, et puis douze heures, et puis on recommence ! Manger, parler, dormir, traverser une rue, laver une assiette ! L’horloge continue à faire tic-tac. Tous ses possibles sont si vastes – sont si réguliers. (Notes bien ce mot.) Chaque jour, douze petites boîtes pour ordonner une vie désordonnée, et plus encore des pensées désordonnées. L’horloge de la ville sonne haut et fort, et la face sur chaque poignet bourdonne ou s’allume ; le monde marque le pas, à son propre rythme. Un autre jour s’écoule, un jour régulier et ordinaire. (Remarquez également ce mot.)
Supposons que vous ayez acheté un billet pour un avion et que vous ayez l’intention de voler de New York à San Francisco. Que demandez-vous au pilote lorsque vous montez à bord et que vous prenez votre place à côté du petit hublot, que vous ne pouvez pas ouvrir mais à travers lequel vous voyez les altitudes vertigineuses auxquelles vous êtes emportée loin de la terre amicale et si sécurisante ?
Bien sûr, vous voulez que le pilote soit son moi ordinaire et régulier. Vous voulez qu’il aborde son travail et le fasse avec rien de plus qu’un plaisir calme. Vous ne voulez rien de fantaisiste, rien d’inattendu. Vous lui demandez de faire, en mode routine, ce qu’il sait faire – piloter l’avion. Vous espérez qu’il ne rêvassera pas. Vous espérez qu’il ne s’égarera pas dans quelque méandre intéressant de la pensée. Vous voulez que ce vol soit ordinaire, pas extraordinaire. La même chose est vraie pour le chirurgien, le conducteur d’ambulance et le capitaine du navire. Laissez-les tous faire leur boulot, comme ils le font ordinairement, avec confiance, dans un environnement de travail familier, et pas plus. Cet ordinaire est la certitude du monde. Cet ordinaire fait tourner le monde.
Moi aussi, je vis dans ce monde ordinaire. J’y suis née. Et la majeure partie de mon éducation visait à me le rendre familier. Pourquoi cette entreprise s’est soldée par un échec est une autre histoire. De tels échecs se produisent, et ensuite, comme toutes choses, ils sont tournés au bénéfice du monde, car le monde a besoin de rêveurs aussi bien que de cordonniers. (Ce n’est pas si simple, en fait – car quel cordonnier ne se blesse pas parfois le pouce quand il est, comme on dit, “perdu dans ses pensées” ? Et quand ce bon vieux corps animal réclame de l’attention, quel rêveur ne doit pas de temps en temps descendre de son rêve éveillé et se précipiter au supermarché avant l’heure de fermeture, à défaut de quoi, il devra se résigner à avoir faim ?).
D’accord, mais ceci est également vrai : dans le travail créatif – quel qu’il soit – les artistes actifs dans le monde n’essaient pas d’aider le monde à tourner, mais à marcher plus avant. Ce qui est quelque chose de tout à fait hors de l’ordinaire. Un tel travail ne réfute pas l’ordinaire. C’est simplement autre chose. Ce type de labeur nécessite une perspective différente – un autre ensemble de priorités. Il ne fait aucun doute qu’il y a en chacun de nous un moi qui n’est ni un enfant, ni un serviteur des heures. C’est un troisième moi, occasionnel chez certains, tyran chez d’autres. Ce moi n’a plus d’amour pour l’ordinaire ; il n’a plus d’amour pour le temps. Il a soif d’éternité.
Il mobilise des forces – dans le cas du travail intellectuel parfois, pour le travail spirituel certainement et toujours dans le cas du travail artistique – des forces qui agissent sous son emprise, qui doivent voyager au-delà du décompte des heures et des contraintes de l’habitude. Ceci étant, son activité concrète ne peut pas être entièrement séparée de la vie. Comme les chevaliers du Moyen Âge, il y a peu que le créateur puisse faire sinon se préparer, corps et esprit, pour le labeur à venir – car ses aventures sont toutes inconnues. En vérité, le travail lui-même est une aventure. Et aucun artiste ne pourrait entreprendre ce travail, ni ne le voudrait, sans une énergie et une concentration extraordinaires. L’extraordinaire, c’est de cela que l’art est fait.
Il n’est pas non plus possible de contrôler – ou de réguler – la mécanique de la créativité. On doit travailler avec les forces créatives (à défaut, on travaille contre elles) ; en art, tout comme dans la vie spirituelle, il n’y a pas de position neutre. Surtout au début, il faut de la discipline ainsi que de la solitude et de la concentration. Établir un emploi du temps pour écrire est une bonne suggestion à faire aux jeunes écrivains, par exemple. Mais il suffit de le leur dire. Qui irait leur dire d’emblée qu’il faut être prêt à tout moment, et toujours, que les idées dans leurs formes les plus scintillantes, n’ont cure de toute notre discipline consciente, qu’elles surgiront quand elles le voudront et que, au milieu des battements rapides de leurs ailes, elles seront désordonnées ; imprudentes ; aussi incontrôlables, parfois, que la passion.
Personne n’a encore dressé de liste des endroits où l’extraordinaire peut surgir et où il ne le peut pas. Pourtant, il existe des indications. Il apparaît rarement dans la foule, dans les salons, dans les servitudes, le confort ou les plaisirs, il est rarement vu. Il aime le plein air. Il aime l’esprit qui se concentre. Il aime la solitude. Il est plus enclin à suivre celui qui prend des risques qu’à celui qui prend des tickets. Ce n’est pas qu’il dénigrerait le confort ou les routines établies du monde, mais son regard se porte ailleurs. Il cherche la limite, et il vise la création d’une forme à partir de l’informe qui est au-delà de cette limite.
Une chose dont on ne peut douter, c’est que le travail créatif exige une loyauté aussi complète que la loyauté de l’eau envers la gravité. Une personne qui cheminerait à travers les dédales de la création et qui ne le saurait pas – qui ne l’accepterait pas – est perdue pour de bon. Celui qui ne désire pas ce lieu sans toit, l’éternité, doit rester chez lui. Une telle personne est parfaitement digne, utile, voire belle, mais n’est pas un artiste. Une telle personne ferait mieux de vivre avec des ambitions plus adaptées et de créer ses œuvres pour l’étincelle d’un moment seulement. Une telle personne ferait mieux d’aller piloter un avion.
On pense souvent que les créatifs sont absents, distraits, imprudents, peu soucieux des coutumes et des obligations sociales. C’est, espérons-le, vrai. Car elles sont dans un tout autre monde, un monde où le troisième moi tient les rênes. Et la pureté de l’art n’est pas l’innocence de l’enfance, si cela existe. La vie de l’enfant, avec toutes ses colères et ses émotions, n’est que de l’herbe pour le cheval ailé – elle doit être bien mastiquée par ses dents sauvages. Il y a des différences inconciliables entre, d’une part, identifier et examiner les fabulations de son passé et, d’autre part, les habiller comme s’il s’agissait de figures adultes, propres à l’art, ce qu’elles ne seront jamais. L’artiste qui travaille concentré est un adulte qui refuse d’être interrompu par lui-même, qui reste absorbé et tonifié dans et par le travail – qui est ainsi responsable envers ce travail.
Le matin ou l’après-midi, les interruptions sérieuses au travail ne sont jamais les interruptions inopportunes, gaies, voire aimantes, qui nous viennent d’autrui. Les interruptions sérieuses viennent de l’œil vigilant que nous lançons sur nous-mêmes. C’est le coup qui dévie la flèche de sa cible ! C’est le frein que nous mettons à nos propres intentions. Voilà l’interruption à craindre !
Il est six heures du matin et je suis en train de travailler. Je suis distraite, imprudente, négligente des obligations sociales, etc. Tout est pour le mieux. Le pneu se dégonfle, la dent tombe, il y aura une centaine de repas sans moutarde. Le poème est écrit. J’ai lutté avec l’ange et je suis taché de lumière et je n’ai pas honte. Je n’ai pas non plus de culpabilité. Ma responsabilité ne concerne pas l’ordinaire ou l’opportun. Elle ne concerne pas la moutarde ou les dents. Elle ne s’étend pas au bouton perdu ou aux haricots dans la casserole. Ma loyauté va à la vision intérieure, d’où qu’elle vienne et de quelque manière que ce soit. Si j’ai un rendez-vous avec vous à trois heures, réjouissez-vous si je suis en retard. Réjouissez-vous encore plus si je n’arrive pas du tout.
Il n’y a pas d’autre manière de réaliser un travail artistique digne de ce nom. Et le succès occasionnel, pour celui qui s’y consacre, vaut tout. Les personnes les plus regrettées sur terre sont celles qui ont ressenti l’appel du travail créatif, qui ont senti leur propre pouvoir créatif agité et en ébullition, et ne lui ont donné ni force ni temps.”
Mary Oliver, Upstream, Collected Essays (2016, trad. Patrick Thonart)
Une anthologie des poèmes de Mary Oliver est en cours de traduction par Patrick Thonart : ils sont disponibles dans notre poetica et repris dans un recueil non-publié à ce jour : Une Ourse dans le jardin (2023)
Henry SPADIN est d’origine ardennaise et s’installe à Liège pendant la guerre 40-45. Il entre dans l’orchestre de Luc Troonen, monte ensuite son propre orchestre au sein duquel on retrouve notamment le futur Bob-Shot Jean Bourguignon et le batteur Mathieu Coura. Joueront aussi dans cet orchestre, après la guerre, des musiciens comme Raoul Faisant, Henri Solbach, Clément Bourseault ou Paul Franey.
Il se produit pour les Américains et dans divers établissements, à Liège même ou en banlieue, devient l’orchestre-maison du Jardin Perdu à Seraing qui connaît alors son apogée. Bohème et peu ordonné, Spadin ne pourra toutefois maintenir très longtemps cet orchestre (un des plus jazz de la région), qui sera repris en charge par le pianiste Paul Franey tandis que Spadin disparaîtra petit à petit de la scène.
Matthieu MARRE est photographe. Il a suivi un cursus universitaire en ethnologie et en anthropologie. Il s’intéresse à l’intime où il espère déceler une sincérité des choses. Il attend de la photographie un regard décalé des évidences qui nous sont données. C’est un regard amoureux empreint d’une distance. En 2015, il publie L’oublié aux éditions Yellow Now(Liège). En 2016, il intègre le studio Hans Lucas.
Cette photographie est tirée d’une série intimiste. Matthieu Marre y montre des images du quotidien. “C’est une photo de la mère de ma fille. A l’époque de la photo, cette dernière n’avait que quelques mois et était encore allaitée.” (M. Marre) “Il semble y avoirpeu à dire des photographies de Matthieu Marre, qu’elles ne disent elles-mêmes mieux que les mots. Ainsi en va-t-il de certaines images, de certains univers dont la grâce sans prétention peut vous toucher à la manière d’un petit coup de foudre ou d’une révélation, et susciter en vous un désir de contemplation, d’observation voire de recueillement timide et silencieux, ample toutefois dans sa respiration. …)”(d’après YELLOWNOW.BE)
[SLATE.FR, 23 décembre 2323] Le créateur de Tintin n’a cessé de modifier son œuvre pour des raisons pragmatiques et, parfois, idéologiques. L’affirmation d’un auteur qui a fini humaniste après avoir été très conservateur.
1966. L’Angleterre est encore en pleine Beatlemania, John Lennon vient d’ailleurs d’affirmer dans l’Evening Standard que son groupe est plus célèbre que Jésus ; L’Espion qui venait du froid, long-métrage avec Richard Burton, adaptation du roman du même nom de John Le Carré, a été sacré meilleur film britannique de l’année aux BAFTA. En plein swinging sixties, la maison d’édition anglaise Methuen publie L’Île noire, enfin The Black Island, une aventure de Tintin que les Britanniques n’ont encore jamais lue.
Pour mieux les séduire, Hergé (1907-1983) a accepté d’entièrement redessiner l’album : il se chargera des personnages et les collaborateurs de son studio, des décors. Les responsables de Methuen jugent en effet que L’Île noire, créé entre 1937 et 1938, se révèle sévèrement daté, notamment dans la représentation du Royaume-Uni qui, comme beaucoup de pays européens, a beaucoup changé depuis la Deuxième Guerre mondiale. Alors, en 1961, Hergé a chargé son collaborateur, le dessinateur belge Bob de Moor, de faire des repérages en outre-Manche afin de moderniser L’Île noire et de gommer les 131 erreurs listées par Methuen.
L’écrivain Benoît Peeters, scénariste de BD –auteur du cycle des Cités Obscures entamé il y a quarante ans avec François Schuiten, dont le récent Le Retour du Capitaine Nemo – mais aussi biographe de Derrida, de Robbe-Grillet et d’Hergé (Hergé, fils de Tintin) déplore la souplesse du dessinateur belge: “Hergé, qui peut se montrer intransigeant sur certaines choses, se fait alors tout à fait docile. Il y a une normalisation, une banalisation à laquelle il se plie. Esthétiquement, le travail du studio n’a pas la fraîcheur du premier Hergé. Avoir cédé n’est pas une bonne chose. La première édition de L’Île noire est plus savoureuse, plus authentique.“
Si on relit l’édition originale de L’Île noire, celle en noir et blanc, ou celle en couleurs de 1953, on ne peut que constater l’absence du Royaume-Uni et des clichés qu’on s’en fait. Aucune vue, ici, de Londres : Hergé déploie son action dans un décor champêtre lambda avant que Tintin n’arrive en Écosse vêtu d’un kilt, intrigué par la “bête” qui, selon les habitants, terrifie quiconque met un pied sur la fameuse île noire.
“Moderniser sans changer l’histoire crée des incohérences”
Pleine de péripéties, cette histoire policière, qui débouche sur l’arrestation de faussaires, repose surtout sur le talent burlesque d’Hergé. Avec beaucoup d’énergie, le dessinateur enchaîne les gags loufoques, les chutes (les Dupond·t sont de la partie). Tintin échappe à ses assassins grâce à une chèvre excitée par Milou et manque de mourir dans les flammes. Le chef des pompiers anglais a perdu la clé du garage où réside une antique pompe à incendie et pendant quatre pages tout le monde court après.
Dans la version de 1966, il s’agit désormais d’un camion de pompiers. “Moderniser sans changer l’histoire crée des incohérences, constate Benoît Peeters. La plus fameuse est l’épisode de la clé du garage: avec un camion neuf, le gag ne marche plus“. Pourtant, c’est bien cette version de L’Île noire, initiée pour le public anglais, qui est devenue canonique et a relégué la précédente au titre de curiosité (elle reste néanmoins tout à fait trouvable).
En 1971, l’éditeur Methuen récidive et demande à Hergé de modifier Tintin au pays de l’or noir. L’histoire originale, imaginée en 1939, reflète le paysage géopolitique de l’époque soit, au Proche-Orient, l’occupation de la Palestine par le Royaume-Uni jusqu’en 1948 et la fin du mandat britannique.
“L’occupant britannique joue un rôle assez moche dans cet album, confirme Benoît Peeters. À la fin des années 1960, les Anglais ne veulent plus être identifiés à ceux qui ont occupé la Palestine et lutté contre les mouvements nationalistes juifs. Hergé accepte: “Quand même, le marché anglophone est très important, je ne vais pas me fâcher avec mon éditeur anglais pour ça.” Plus tard, cette décision sera mal interprétée, on prétendra qu’Hergé est antisémite car il n’a pas voulu représenter les juifs de l’Irgoun. Alors que, s’il refait l’album, c’est pour faire plaisir aux Anglais.“
Comme pour L’Île noire, cette version remaniée, où les références à la Palestine occupée et l’Angleterre ont disparu, remplace partout la précédente. Déjà, lors de sa prépublication en 1940, Hergé s’en était peut-être voulu d’avoir été trop réaliste. Mettre en scène des soldats anglais dans un journal collaborationniste (on y reviendra) alors que la Belgique est occupée par les nazis lui paraît un peu touchy. Il préfère enchaîner avec Le Crabe aux pinces d’or, son trafic d’opium et son capitaine alcoolique voué à devenir un pilier de la série.
Un auteur sous influence
Plus que n’importe quel auteur de littérature ou de bande dessinée, Hergé passe sa carrière à retoucher sa propre œuvre. “Oui, Hergé ne cesse de revenir sur ses albums, abonde Benoît Peeters. Il le fait une première fois pour la mise en couleurs des albums noir et blanc, leur normalisation en 62 pages, mais il recommencera plus tard pour des raisons différentes. Il corrige des petites erreurs, le nombre de marches de Moulinsart qui n’est pas le bon, réalise des petits toilettages à la demande de ses éditeurs étrangers. On est vraiment dans l’attitude contemporaine, stigmatisée par certains, de réécriture.“
En plus des raisons pragmatiques (ou commerciales), certaines corrections ont des motifs plus idéologiques, qui reflètent l’évolution intellectuelle d’Hergé. On le sait, il a d’abord été sous l’influence d’une personnalité d’extrême droite, Norbert Wallez, codirecteur du journal Le Vingtième siècle où Hergé débute en tant que dessinateur. À peine sorti du scoutisme, il en a gardé les valeurs ambiguës, comme lorsqu’il donne, en 1923, dans la revue L’Effort, une définition très inquiétante de ce qu’est un artiste: “L’artiste a une très grande responsabilité dans ses œuvres et, avant de produire, il doit commencer par former sa vie, une vie exemplaire à tout point de vue. […] Si donc l’artiste a une vie saine et bonne, ses œuvres seront en général bonnes, tandis qu’un artiste, de talent peut-être, mais de mauvaise vie, produira des œuvres qu’on nommera “chefs-d’œuvre” mais qui produiront beaucoup de mal.“
Ces propos cités par Benoît Mouchart et François Rivière dans leur Hergé intime (éditions Bouquins) montrent bien sa candeur et son manque de réalisme. Quand il envoie Tintin chez les Soviets, il répond à une commande de Wallez. “Tintin est créé comme un reporter qui va pourfendre les bolcheviques, confirme Benoît Peeters. Quant à Tintin au Congo, il y a, derrière, très clairement la volonté de l’abbé Wallez et du journal Le Vingtième siècle de susciter des vocations coloniales. Le Congo manquait toujours de main d’œuvre belge, alors il fallait donner une image attrayante du pays. Dans les deux cas, la documentation d’Hergé est minimaliste et très orientée. Quand je l’ai rencontré une première fois à la fin de l’année 1982, il parlait de péchés de jeunesse par rapport aux trois premiers Tintin [Tintin chez les Soviets, Tintin au Congo, Tintin en Amérique, ndlr]. C’était pour lui trois livres d’égale naïveté remplis de préjugés.“
Peut-on lire un album de 1931 avec les lunettes post-coloniales de 2023 ?
Benoît Peeters
Tintin au Congo, empreint de colonialisme et véhiculant des représentations racistes, reste le pire des trois. Benoît Peeters interroge : “Est-ce que l’on peut lire un album de 1931 avec les lunettes post-coloniales de 2023 ? Je n’en suis pas sûr. Il faut accepter qu’Hergé a créé cette histoire à un moment où il n’avait aucune possibilité de se documenter réellement.“
En 2012, la justice belge, saisie par Bienvenu Mbutu Mondondo, citoyen congolais et résident belge, et le Conseil représentatif des associations noires, avait rendu son verdict : Tintin au Congo restait autorisé à la vente. Sa lecture, elle, n’a pas perdu son caractère problématique. Qu’Hergé ait légèrement rajeunit le contenu pour la version en couleurs de 1945 n’y change pas grand-chose. “Par certains aspects, elle est plus embarrassante, estime Benoît Peeters, parce qu’elle n’a pas la naïveté de la première version avec son dessin encore très simple. Ainsi, la leçon de géographie – “Mes chers amis, je vais vous parler aujourd’hui de votre patrie : la Belgique”, annonce Tintin devant une classe de jeunes Congolais – est remplacée par une leçon d’arithmétique peu recherchée – 1+1 ?”
Benoît Peeters conclut au sujet du Congo : “Moi, si je devais lire des Tintin à des jeunes enfants, je ne prendrais certainement pas Tintin au Congo. Sa lecture met mal à l’aise un enfant d’aujourd’hui qui vit dans une société très mêlée avec plein d’enfants de nationalités différentes. Au premier degré, je comprends tout à fait qu’il puisse heurter, et pas seulement les Africains. Mais je ne suis pas non plus pour le censurer, pour moi c’est devenu une lecture adulte, une lecture de document.“
Il insiste aussi sur le contexte de la création de l’album: “Tintin au Congo a été réalisé à une époque où le discours colonialiste et la réalité de la colonisation étaient plus violents que ce que montre l’album. Dans la bande dessinée, le petit Congolais Coco s’assied dans la Jeep à côté de Tintin, ce qui était impossible à l’époque. Ça n’enlève rien aux clichés colonialistes que l’album contient. Mais par rapport à la réalité de l’apartheid qui se pratiquait, extrêmement violent, Tintin au Congo est très soft. Sauf que toute la littérature de propagande a disparu, mais Tintin lui est constamment réédité. Pourquoi ne pas nous dire que l’album a été créé dans tel contexte ?“
La contextualisation souhaitée par Benoît Peeters vient d’arriver, un peu en catimini. Ainsi, début novembre, les trois premiers Tintin ont été réédités en version originale colorisée avec des préfaces du spécialiste Philippe Goddin. En préambule de Tintin au Congo, Goddin, sur quinze pages, replace la création de Tintin au Congo dans son époque, montrant sa documentation, comme une photo de l’explorateur gallo-américain Henry Morton Stanley, datant du XIXe siècle, posant avec son serviteur en pagne.
L’expert belge s’efforce de souligner la rigueur documentaire d’Hergé, ne nie pas le paternalisme et l’invraisemblance de certains détails, mais évacue toute accusation de racisme, expliquant qu’Hergé “brocarde allègrement tout son monde, Blancs comme Noirs“. Sa présentation finit d’ailleurs par une citation d’un journaliste congolais (anonyme) qui, en 1969, dans la revue Zaïre, affirmait que les caricatures de Tintin au Congo “font rire franchement les Congolais qui y trouvent à se moquer de l’homme blanc qui les voyait comme ça“. Ce travail de remise dans le contexte, discutable quant à la question du racisme, ne suffira pas à faire réévaluer une œuvre de jeunesse qui tient plus du travail de propagande maladroit que d’une œuvre artistique maîtrisée.
À 27 ans, Hergé n’est plus le jeune homme malléable de ses débuts
Le 8 mars 1934, Le Petit Vingtième, revue à succès depuis la publication de Tintin, publie une fausse interview du reporter dans laquelle celui-ci annonce partir bientôt enquêter en Chine. Ce teaser vaudra à Hergé une lettre de l’abbé Gosset, un aumônier d’étudiants chinois. Afin qu’il ne reproduise pas de clichés, le religieux invite Hergé à rencontrer les jeunes Chinois qui étudient à l’université de Louvain.
Quelques semaines après, le dessinateur rencontre Tchang Tchong-jen qui a le même âge que lui. Leur amitié influera sur la tonalité du Lotus bleu, où Tintin prend la défense d’un pousse-pousse agressé par un client blanc. Plus tard, quand il sauve de la noyade un garçon prénommé Tchang, il le rassure: “Mais non, Tchang, tous les Blancs ne sont pas mauvais, mais les peuples se connaissent mal. Ainsi, beaucoup d’Européens s’imaginent que tous les Chinois sont des hommes fourbes et cruels.” Il continue d’égrener les clichés les plus absurdes avant que Tchang n’explose de rire: “Ah ! Ils sont drôles les habitants de ton pays.”
Hergé a 27 ans et n’est plus le jeune homme malléable de ses débuts. “Tchang l’ouvre sur une autre culture, souligne Benoît Peeters. Pour Hergé, qui a eu ses premiers succès d’auteur, c’est une première prise de conscience. Il se dit: “Je suis peut-être là pour autre chose que pour faire rigoler sans trop de scrupule autour de stéréotypes.” Le Lotus bleu et les suivants bénéficieront de cette prise de conscience.“
Quand la situation européenne puis mondiale est bouleversée par les nazis, Hergé ne s’abstrait pas de l’actualité. Pour Le Sceptre d’Ottokar, dont la publication démarre en août 1938, il imagine deux pays fictifs des Balkans, la Syldavie et la Bordurie, mais s’inspire de la toute récente annexion de l’Autriche par l’Allemagne d’Hitler. Un parti syldave, le parti de la Garde d’Acier, complote afin que la belliqueuse Bordurie envahisse la Syldavie. Le nom attribué par Hergé au chef du parti, Müsstler, est un clin d’œil transparent aux deux modèles qu’il prend, Mussolini et Hitler. “Hergé brouille les cartes mais sa référence au réel est très très forte“, commente Benoît Peeters.
Publier dans une Belgique occupée
En 1940, le réel devient une menace qui l’empêche de travailler. À la suite de l’invasion allemande, l’éditeur du Vingtième siècle, le journal dans lequel Hergé a fait toute sa carrière, cesse son activité et il se retrouve au chômage. Il refuse la main tendue du journaliste Léon Degrelle qui lui propose de créer un supplément jeunesse à son quotidien, Le Pays Réel. Degrelle est le fondateur du parti rexiste, mouvement nationaliste qui tombera vite dans le fascisme pur –il finira par intégrer la Waffen-SS avec d’autres volontaires.
Pour ses détracteurs, la relation entre Hergé et Degrelle prouverait que l’auteur penchait à l’extrême droite. Comme les autres biographes, Benoît Peeters se montre catégorique: “Non, il n’y a pas eu d’amitié avec Léon Degrelle. Ils se sont côtoyés avant l’entrée en politique de celui-ci quand les deux étaient des jeunes journalistes. Mais il n’y a pas eu de proximité ni d’adhésion de la part d’Hergé au rexisme.“
Les deux se connaissent tout de même: Degrelle a rapporté des comics américains d’un reportage au Mexique et, en 1930, Hergé a illustré la couverture d’un essai anti-laïcard de son collègue, Histoire de la guerre scolaire 1879-1884. Les deux sont en réalité brouillés depuis que Degrelle a détourné un dessin d’Hergé pour en faire une affiche de propagande électorale. “Hergé a aussitôt protesté et fait un procès, ajoute Benoît Peeters. Pour atteinte à son droit d’auteur ou raisons politiques ? Cela reste ambigu. Mais, à ce moment-là, il se fâche avec Degrelle de façon très nette.” Pour Benoît Mouchart et François Rivière, selon leur Hergé intime, si Hergé refuse l’offre de Degrelle, “c’est parce qu’il sait que la situation financière de celui-ci est incertaine“.
Le Soir était un journal dégueulasse et profondément collaborationniste. Hergé, qui n’est pas très vigilant idéologiquement, n’y voit pas malice.
Benoît Peeters
En revanche, il accepte celle de Raymond de Becker, celui qui, avec d’autres, a relancé le quotidien belge de référence Le Soir pour le transformer en feuille de chou collaborationniste. Pour situer, de Becker considère le national-socialisme “comme une des plus grandes choses de l’histoire européenne depuis l’apparition du christianisme“. Pour Hergé, cette version du Soir –restée dans l’histoire comme le “Soir volé”– constitue un marchepied vers encore plus de reconnaissance: il est diffusé à 200.000 exemplaires, bien plus que Le Petit Vingtième. Mais la pente est glissante, ce dont Hergé ne se rendra compte que trop tard.
“Il faut bien voir que, en 1940, au moment où disparaît le journal le Vingtième siècle, Hergé ne peut pas envisager de vivre des ventes, très réduites, de ses albums qui n’existent qu’en Belgique, note Benoît Peeters. Le Soir peut donner à Tintin une visibilité beaucoup plus grande. Il faut le dire, c’était un journal dégueulasse et profondément collaborationniste. Hergé, qui n’est pas très vigilant idéologiquement, n’y voit pas malice. Il va réussir à traverser les années de guerre en faisant des histoires apolitiques et assez propres qui, à une exception malheureuse, ne reflètent en rien l’idéologie profondément collaborationniste et antisémite. Si on relit Le Secret de la licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge parus pendant la guerre, il n’y a pas un mot ou une phrase à retirer. Mais le fait que ça paraisse dans ce Soir-là en modifie le sens.“
Les représentations antisémites de “L’Étoile mystérieuse”
Parmi les aventures de Tintin publiées par le “Soir volé”, figure celle qui a occasionné des retouches très légères et pourtant lourdes de sens. En 1941, juste après Le Crabe aux pinces d’or et avant Le Secret de la Licorne, Hergé entame L’Étoile mystérieuse sur un air de fin du monde. Une boule de feu se dirige vers la terre et la manque, puis un aérolithe tombe dans les mers arctiques, bientôt objet de rivalité et d’expéditions concurrentes, l’une initiée par les Européens –le camp de Tintin– l’autre par un fourbe Américain. “Cette fin du monde allégorique, on peut en trouver des échos dans certains discours de Pétain, commente Benoît Peeters. Là, l’inconscient d’Hergé parle mieux que lui, raconte autre chose. C’est pour ça que je ne serais pas du tout prêt à jeter aux orties L’Étoile qui est un album très imprégné de fantastique, très puissant… mais entaché par des représentations antisémites au moment le plus terrifiant de l’histoire européenne.“
Dans les premières pages parues dans Le Soir en 1941, Tintin est mêlé à la foule fascinée, comme lui, par l’étoile dans le ciel qui grandit à vue d’œil. À ce moment, il croise Philippulus un prophète fou. Alors que ce dernier annonce la peste bubonique et le choléra, deux hommes dialoguent devant une boutique dont l’enseigne est Levy. “Tu as entendu Isaac ? La fin du monde ! Si c’était vrai ?” L’autre, se frottant les mains, répond avec un fort accent : “Hé hé. Ça serait une bonne bedide avaire, Salomon. Che tois 50.000 francs à mes vournizeurs Gomme za che ne tefrais bas bayer.“
Pour appuyer son propos antisémite, Hergé reprend aussi les codes des caricatures en cours à l’extrême droite. “Avec ces cases antisémites, L’Étoile mystérieuse sacrifie à l’air du temps, déplore Benoît Peeters. Peut-être à la pression de la rédaction, car Hergé était considéré par plusieurs responsables du journal comme de valeur idéologique nulle. Lui était fidèle à la ligne du roi belge pour qui il fallait se remettre au travail, faire tourner le pays. Après la Seconde Guerre, Hergé dira: “Mais comment aurais-je pu savoir, qui était au courant de ces abominations envers les Juifs ?” Il n’était pas nécessaire de connaître le détail des camps d’extermination pour s’indigner des persécutions contre les Juifs qui étaient connues depuis plusieurs années et s’étalaient dans les journaux.“
En tout cas, quand L’Étoile mystérieuse sort en album à la fin de l’année 1942 – le premier en couleurs – les cases antisémites ont disparu. La libération de la Belgique, en septembre 1944, met un terme à la parution du “Soir volé”. Hergé se trouve dans la “galerie des traîtres” d’une publication résistante et passe une nuit en prison. Finalement, le dessinateur est lavé de toute implication dans un parti collaborationniste et verra le résistant Raymond Leblanc lui proposer de créer en 1946 Le Journal de Tintin.
Mais il n’a pas fini de modifier L’Étoile mystérieuse. Une lectrice, qui a perdu une partie de sa famille à Auschwitz, lui fait part de son indignation face au méchant de L’Étoile, un banquier américain du nom juif de Blumenstein. Tout en rejetant la moindre intention antisémite, Hergé rebaptisera le personnage Bohlwinkel, ce qui signifie “confiserie” en bruxellois (mais est aussi un patronyme juif). Il remplacera aussi le drapeau américain par un pavillon fictif. “Quand Hergé racontera après-guerre qu’il voulait représenter la concurrence entre la recherche scientifique européenne et américaine, ça paraît être un thème tout à fait acceptable et innocent, insiste Benoît Peeters. Mais ça n’a pas du tout le même sens en 1942, quand les États-Unis entrent en guerre.“
Se jouer des préjugés
À la fin des années 1950, Hergé continue de modifier ses albums, mais pas pour des raisons aussi graves et dérangeantes. Certes, la première version de Coke en Stock, si elle dénonce la traite des Noirs, met dans la bouche des captifs un langage colonialiste. Mis face à ses responsabilités, Hergé utilisera une convention inspirée des romans américains noirs.
Les derniers Tintin présenteront des modifications bien plus light. Il suffit de lire la dernière édition des Bijoux de la Castafiore telle qu’elle a été publiée dans le Journal de Tintin entre 1961 et 1962. Si le livre propose des bonus croustillants et une couverture inédite, la principale différence avec la version que l’on connaît tient à la mise en couleurs. Sinon, l’intrigue n’a pas eu besoin d’être modifiée, elle se joue déjà des préjugés –toujours en cours aujourd’hui– contre les Roms. Car dans l’album, les gens du voyage sont stigmatisés et désignés comme les coupables idéaux du vol des bijoux de la cantatrice Bianca Castafiore.
Hergé, la cinquantaine passée, se montre plus progressiste et moins englué dans les clichés que le Tintin débutant. “Les Dupond·t ont cette phrase formidable digne du ministère de l’Intérieur français : “C’est bien notre chance ! Pour une fois que nous tenions des coupables, il faut qu’ils s’arrangent pour être innocents”, s’amuse Benoît Peeters. Le traitement de la question rom n’a pas pris une ride. Au-delà des retouches opportunistes et pragmatiques, toute l’œuvre de Hergé témoigne d’un cheminement vers l’humanisme qui m’avait beaucoup frappé lors de nos rencontres à la fin de sa vie. C’était quelqu’un d’extrêmement ouvert, curieux de l’autre et de la modernité. Il avait lu Barthes et Lévi-Strauss ou rencontré Warhol. Il fallait avoir en tête d’où il venait pour savoir ce que ça représentait pour lui. Il avait voulu faire bénéficier ses albums de cette ouverture d’esprit, du respect de l’autre, des civilisations. Hergé n’était pas woke, mais je ne pense pas non plus qu’il était anti-woke. Il aurait peut-être fait aujourd’hui une relecture queer de la Castafiore.“
Aux antipodes du jeune Hergé
Juste avant Les Bijoux de la Castafiore, Hergé a envoyé Tintin au Tibet pour une aventure très révélatrice de son état d’esprit. “Bob de Moor racontait que tout le monde, au studio Hergé, était devenu bouddhiste pendant la conception de l’album, intervient Benoît Peeters. J’ai eu la chance de rencontrer le Dalaï-Lama à Dharamsala et celui-ci est fan de Tintin au Tibet. Même si c’est la représentation d’un Tibet mythologique –Hergé n’y est pas allé–, on sent chez lui le respect d’une autre culture, d’une autre spiritualité. On est aux antipodes du jeune Hergé.“
Benoît Peeters poursuit: “Mais c’est aussi le mouvement de la vie. Un créateur mûrit, profite des rencontres, se documente et finit par une conscience du monde, peut-être aussi une responsabilité, qu’il n’avait aucunement dans sa jeunesse. Quand je lui avais fait l’éloge de la construction des 7 boules de cristal et du Temple du soleil, il m’avait répondu: “Je suis malheureux d’avoir utilisé cette éclipse à la fin du Temple du soleil. Les Incas avaient une bonne connaissance des phénomènes célestes, c’est un préjugé de les avoir représentés aussi naïfs.” Jusqu’à la fin, il gardait en tête cette possibilité de révision. On est bien loin des questions des sensitivy reader et du politiquement correct. On est dans autre chose, l’idée d’une œuvre que l’on pourrait continuellement corriger, améliorer, comme Proust qui, avant de mourir, rêvait de réécrire en profondeur La Recherche.”
Benoît Peeters pointe même une obsession d’Hergé pour la modernité qui le pousse à gommer de plus en plus l’ancrage historique des Tintin afin que les aventures de son reporter ne se démodent jamais: “Ce qui me frappe c’est ce double rapport au temps. Il y a dans Tintin une chronique du XXe siècle avec ses guerres, ses inventions techniques, la conquête de la Lune, toutes sortes d’événements extrêmement datés. Hergé a eu la volonté tardive de vaincre le temps, de bâtir une œuvre qui se déroule dans un temps circulaire où les personnages ne vieillissent pas. Pour lui, si un enfant sortait Tintin au pays de l’or noir de la bibliothèque et qu’on lui parlait de l’occupation de la Palestine juste avant la création d’Israël, il n’y comprendrait rien. Et pourtant le Lotus bleu parle de l’occupation de la Mandchourie par le Japon et ça ne nous empêche pas d’aimer cet album. Donc il y a une contradiction au cœur du génie de l’œuvre qui a conduit Hergé à accepter des remaniements qui n’ont pas amélioré l’œuvre.“
Avec tous ses défauts et ses qualités – comme son caractère visionnaire – cette œuvre continue de fasciner et d’être disséquée, reflet d’un XXe siècle qui a vu à la fois les pires horreurs et les plus belles découvertes.
Pierre ROBERT est né à Liège en 1924. A seize ans, il fonde, un peu avant la guerre, la Session d’une Heure qui deviendra le principal groupe amateur liégeois pendant l’Occupation. Il quitte néanmoins cette formation peu de temps après pour rejoindre le milieu des “pros” : tout en poursuivant des études de peinture à l’Académie de Liège, il joue dans l’orchestre de Gaston Houssa.
En 1942, il rencontre Django Reinhardt lors de sa venue à Liège. En 1943, il se produit dans la petite formation de la pianiste française Yvonne Blanc, aux côtés de Raoul Faisant. Il travaille avec Jack Demany et Gus Deloof et effectue des remplacements chez Gene Dersin. En 1944, il est arrêté par la Gestapo et envoyé dans les camps de concentration. De retour en Belgique, en avril 1945, il réunit à nouveau le groupe qu’il venait de mettre sur pied un peu avant sa déportation : les Bob-Shots (Bobby Jaspar, André Puisage, Charles Libon), auxquels se joignent quelques transfuges de la Session d’une Heure, Jacques Pelzer en particulier.
Recevant de son frère des disques des Etats-Unis, Pierre Robert est un des premiers en Belgique à découvrir le be-bop ; il fait aussitôt prendre aux Bob-Shots (qui jusque-là jouaient un répertoire plutôt swing) leur tournant décisif et en fait le tout premier orchestre européen à oser s’attaquer à la nouvelle musique ! Avec les Bob-Shots, il se produit aux côtés de Don Byas (1947) et dans différents festivals : Knokke 1948 (découverte des Bob-Shots par Boris Vian qui ne cessera d’encenser le groupe), Nice 1949 et Paris 1949 (prestation des Bob-Shots entre l’orchestre de Miles Davis et celui de Charlie Parker !).
En 1949, dissolution des Bob-Shots : il se rend en Allemagne où il joue pour les G.I’s aux côtés de Vicky Thunus et de Sadi. Il voyage un peu partout en Europe, passe un an à Saïgon, joue à Paris avec Jaspar et Sadi, puis est engagé dans l’orchestre de variété d’Aimé Barelli. Il se fixe à Monte-Carlo et reste dans cet orchestre jusqu’à sa mort. Il a été un des premiers (et un des seuls !) à s’attaquer à la harpe électrique qu’il utilise notamment pour un enregistrement aux Pays-Bas en 1954 (avec la chanteuse Pia Beck).
Au début, il n’y avait rien.
Le premier jour, Dieu créa Liège et tout s’illumina ;
Le second jour, il créa D’ju d’là* et tout se mit à vivre ;
Le troisième jour, il créa Tchantchès* et on entendit rire ;
Le quatrième jour, il créa Nanesse* et on entendit braire ;
Le cinquième jour, il créa le péket et les fêtes s’animèrent ;
Le sixième jour, il créa le reste, la terre, les étoiles, les animaux…
Juste pour le bon plaisir du peuple de Liège ;
Et le dimanche comme de bien entendu, il est allé se reposer en bord de Meuse avec Tchantchès et sa Nanesse tout en buvant un frisse pèkèt* ;
Durant la conversation, il se dit : bel après-midi, mais, pour la matinée c’est trop calme.
Et… Il créa la Batte*.
Voilà pourquoi nous sommes fiers d’être Liégeois !
[auteur anonyme]
Quelques explications :
D’ju d’là : quartier d’Outremeuse situé – comme son nom l’indique – ‘de l’autre côté’ de la Meuse, par rapport au centre-ville ;
Tchantchès & Nanesse : couple légendaire de Liégeois, réputés pour leurs disputes (voir ci-dessous) ;
Pèket : nom wallon donné au genièvre, la boisson typique du Pays de Liège ;
La Batte : marché dominical qui se tient sur les rives de la Meuse à Liège.
TCHANTCHÈS & NANESSE
[d’après PROVINCEDELIEGE.BE] Connaissez-vous le couple le plus célèbre des marionnettes liégeoises ? C’est un personnage légendaire. L’apparition de Tchantchès remonterait au 25 août 760. Selon la légende, il serait né entre deux pavés du quartier d’Outremeuse. Comme le petit bonhomme n’apprécie pas l’eau, son père lui fait goûter, avec succès, un biscuit trempé dans le pèkèt, (alcool liégeois aux baies de genévrier). Son sevrage se fait par la suite, avec un hareng saur, une pratique courante à l’époque, ce qui lui donne une soif ardente, pour la vie ! Notre héros hérite d’un physique peu gracieux. Durant son baptême, son nez s’allonge d’une façon démesurée après que la sage-femme le cogne accidentellement sur les fonts baptismaux ! Plus tard, atteint de la rougeole, on lui fait boire de l’eau ferrugineuse destinée à le guérir. C’est ainsi qu’il avale un fer à cheval de travers. Ce corps étranger l’empêche, depuis, de bouger la tête de bas en haut. Devenu adulte, Tchantchès participe à de nombreuses aventures avec ses fidèles compagnons, Roland le preux chevalier, l’archevêque Turpin et bien sûr l’empereur Charlemagne. La mort de Roland à la bataille de Roncevaux rend Tchantchès inconsolable. Tchantchès nous quitte définitivement, emporté par la grippe espagnole à l’âge de 40 ans. Il repose à proximité de la place de l’Yser, au pied du monument qui lui est dédié.
…et des marionnettes attachantes. La marionnette de Tchantchès foule les scènes des théâtres liégeois dès la fin du XIXe siècle. La plupart des montreurs s’identifient fortement à Tchantchès qui devient leur avatar ; ils réalisent souvent la marionnette à leur effigie. Tantôt blagueur voire critique vis-à-vis des puissants, tantôt peureux ou bagarreur, la palette de ses différents traits de caractère est immense. Il n’existe pas qu’un Tchantchès mais une multitude !
Quant à l’origine de Nanesse, elle reste mystérieuse : elle se situerait vers le début du XXe siècle. Peut-être a-t-elle été créée pour donner à Tchantchès une compagne et ajouter un peu de piquant à la vie de ce pauvre bougre ? Sa personnalité varie peu, contrairement à celle de son compagnon : c’est une femme de caractère, botteresse de profession, n’hésitant pas à mettre son homme au pas lorsqu’il a tendance à étancher sa soif plus que de raison.
Lors des spectacles, elle rythme le récit en intervenant à certains moments clés, en général pour ramener Tchantchès à la maison… Le couple n’est pas marié, les deux tourtereaux sont des applaqués, comme on dit à Liège. En effet, Nanesse refuse de convoler en justes noces car “le mariage est fait pour les sots.” Son apparence et son langage contraste avec celui des princesses du répertoire, souvent passives et peu hardies. Si l’arme secrète et fatale de Tchantchès est un côp d’tiésse épwèzoné (un coup de tête empoisonné), Nanesse n’est pas en reste avec ses coups de poêle à boûkètes (crêpes liégeoises à la farine de sarrasin) ! Figures emblématiques du folklore liégeois, ces deux personnalités authentiques et attachantes, perpétuent joyeusement la légende auprès de tous les petits (et grands) enfants.
Martine MONFORT est née le 26 août 1951. Elle suit les cours de Georges Comhaire à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Liège en section gravure. Elle participe ensuite à de nombreuses expositions personnelles en Belgique (Liège, Louvain…) et à des expositions de gravure internationales (Triennale de Gravure de Spa en 1986, International Biennal Print and Drawing Exhibit Taipei en 1995). Martine Monfort anime un atelier de gravure pour l’asbl Li Querneu à Huy. (d’après CENTREDELAGRAVURE.BE)
Martine Monfort est une spécialiste de divers procédés de gravure, notamment l’aquatinte. Elle opté ici pour la linogravure, délaissant les nuances de gris pour un noir et blanc radical. Si le motif évoque un damier, une observation plus attentive nous montre une organisation chaotique : nulle ligne n’est perpendiculaire à l’autre. L’ordre attendu par le spectateur laisse place à un désordre subtil et quelque peu désarçonnant….
[RADIOFRANCE.FR/FRANCEMUSIQUE, 29 décembre 2023] Une chronique à la découverte d’un chant de noël catalan qui signifiait beaucoup pour le violoncelliste puisqu’il en réalisa une transcription qu’il joua toute sa vie, comme un symbole de la Catalogne, de la liberté et de la paix.
C’est un air anonyme que l’on chante depuis des siècles en Catalogne. Un chant de noël qui résonne depuis le moyen-âge et qui au cœur de l’hiver nous donne l’espoir qu’un jour le printemps reviendra. Les paroles de cet air sont dites par des oiseaux. C’est un aigle, un moineau, une linotte et une mésange qui chantent tour à tour le retour du ‘Sauveur’ et avec lui de la paix et de la joie.
Le chant des oiseaux, El cant dels ocells a connu de nombreuses variations au cours des siècles. Au XIXe siècle, le compositeur Pep Ventura entendait dans ce chant mélancolique sur le mode mineur, l’occasion de composer une sardane dansante et pleine de vie que l’on pourrait jouer sur un tenora, un hautbois traditionnel catalan. Mais à l’opposé du thème joué par le tenora, des pépiements des flûtes et les motifs rythmiques imaginés par Pep Ventura, il est une autre version plus récente, plus épurée, pour un seul instrument et que l’on connait peut-être mieux. Un autre chant des oiseaux est possible, il suffit de ralentir le tempo, de revenir à une forme plus épurée, avec, pour commencer, un piano qui gazouille… A la question posée par les trilles du piano répond un violoncelle. Le violoncelle de Casals.
Pablo ou plutôt Pau Casals connaissait cet air depuis l’enfance. Avant que son père ne lui fabrique un violoncelle artisanal, avant de découvrir chez un libraire de Barcelone les Suites pour violoncelle de Bach qu’il ressuscitera, avant qu’il ne devienne le plus célèbre des musiciens de Catalogne, sa maman dont il était très proche lui chantait cette berceuse, dans son berceau.
Un Chant des oiseaux qu’il joua pendant toute sa carrière, à la fin de ses concerts. La version que l’on entend avec le pianiste Mieczyslaw Horszowski a été enregistrée le lundi 13 novembre 1961 à la Maison Blanche. Il faut imaginer Casals face au couple Kennedy et des artistes, politiciens, compositeurs triés sur le volet et qui découvre le jeu d’un musicien qui s’était pendant des années murés dans le silence de la ville de Prades en Catalogne française.
Pourquoi a-t-il joué ce morceau devant le président des Etats-Unis et devant le conseil des nations unies lors de ses différentes visites à l’ONU. Car ce chant lui rappelle sa chère Catalogne, quand elle était libre, avant la guerre d’Espagne, avant la dictature de Franco. Pour Casals, cet air est celui d’une paix fragile et que les oiseaux ne cessent de chanter comme le rappelle le violoncelliste en 1971 lors de son dernier discours donné à l’ONU…