Milou Struvay est né à Verviers, en 1936, et décédé à Liège en 2005. Il s’intéresse d’abord au jazz New Orleans. Vers 1956, il découvre le jazz moderne (Clifford Brown, Miles Davis). Musicien autodidacte, il se fait connaître et apprécier dans des jam sessions aux côtés de Jacques Pelzer, René Thomas, etc. Il fait partie du New Jazz Quintet de Robert Jeanne. Ses prestations sont très remarquées aux différentes éditions du festival de Comblain (cité à plusieurs reprises dans les revues françaises). Il se produit très fréquemment à la Rose Noire à Bruxelles et y joue en compagnie de géants comme Art Blakey, Kenny Clarke, Sonny Stitt, etc.
Il effectue une tournée en Italie avec Jacques Pelzer et donne des concerts à Paris avec Barney Wilen. A la fin des années 60, Milou Struvay se marginalise par rapport au milieu des jazzmen belges. En pleine vogue hippie-libertaire, il forme le “Jazz Crapuleux”, composé essentiellement de non-musiciens, et pratique une musique instinctive proche du free-jazz. Quelques essais de jazz-rock à la trompette électrique. Il exerce alors une grande influence sur la jeune génération (Steve Houben, Bernadette Mottart, Antoine Cirri, Pierre Vaiana, etc.). Il disparaît de la scène musicale jusqu’en 1977, année de son retour aux côtés de quelques uns de ces jeunes musiciens qu’il a initiés au jazz. Il dirige ainsi deux formations dans un jazz au style plus conventionnel : le Milou Struvay Quartet (1977-1978) et le Strues and Steps (1979- 1980) auquel se joint parfois la chanteuse allemande Monika Linges. A l’Auberge de l’Ourthe à Tilff, il se produit notamment avec Al et Stella Levitt. En 1980, il séjourne à New York et à Boston où il participe à quelques jam-sessions. Ensuite, il disparaît à nouveau de la scène musicale.
Un des seuls Montois illustre dans la sphère jazz, le trompettiste Richard Rousselet est une des figures centrales de la scène belge. Né en 1940, il découvre le jazz à l’âge de quinze ans. En autodidacte, il étudie la trompette, instrument finalement peu représenté sur la scène belge d’alors. Il s’intègre bientôt à de petits orchestres amateurs et, à cette époque où, précisément, le jazz disparaît des préoccupations du public jeune, il fait ses premières apparitions en public. Ses débuts coïncident avec ceux de Philip Catherine et de Jack Van Poll qu’il rencontre bientôt dans les jams bruxelloises et anversoises (la région montoise est en réalité peu fertile en solistes modernes, la principale activité jazz y étant concentrée autour des Dixie Stompers d’Albert Langue).
En 1960, Richard Rousselet est remarqué par les journalistes comme par les musiciens, lors du premier festival de Jazz d’Ostende. li dirige alors un quintette dans lequel on trouve le pianiste Jean Leclère, le bassiste Ferry Devos, le trombone ostendais Léo Delannoit et le batteur verviétois Félix Simtaine. Malgré le caractère résolument swing de certains des musiciens, l’ensemble sonne d’une manière qui se veut proche du hard-bop. Comme beaucoup d’autres, Rousselet est en effet rapidement passé de Louis Armstrong à Clifford Brown et il semble avoir assimilé la leçon des modernes. Petit à petit, il s’intègre au milieu du jazz belge et, en 1963, il se produit au Festival de Liberchies et y fait forte impression sur le jury qui lui décerne le prix Reinhardt. C’est la première d’une série de distinctions qui affermissent sa réputation sur le plan national. L’année suivante, c’est à Lausanne qu’il obtient le prix de la Maison de la Radio, gravissant l’échelon européen avant même d’être bien connu dans son propre pays.
Mais les temps sont durs pour les jazzmen ; le free a fait fuir une partie du maigre public resté fidèle au jazz, et les jeunes ne jurent que par la pop-music, alors à son apogée. Pendant quelques années, Rousselet va voir son ascension ralentie considérablement. Le grand redémarrage a lieu pour lui en 1969. Cette année-là, en effet, il se retrouve à deux reprises sur la scène du prestigieux Festival de Montreux : en petite formation avec Philip Catherine, Jacques Bekaert, Freddie Deronde et Félix Simtaine, et en tant que représentant de la Belgique, au sein de l’International Big Band dirigé par Clark Terry et Emie Wilkins. C’est avec cette grande formation qu’il enregistre son premier disque, aujourd’hui introuvable. L’année suivante, nouvelle promotion, il est à nouveau choisi pour représenter la Belgique, cette fois au sein de l’orchestre de l’U.E.R. (Union Européenne de Radiodiffusion).
Puis, lorsque Marc Moulin monte le groupe Placebo, il engage Rousselet qui va devenir un des seuls trompettistes belges (exception faite de quelques expériences, hélas confidentielles, de Milou Struvay, complètement marginalisé) à se spécialiser dans cette nouvelle musique binaire popularisée par Miles Davis, et vouée prioritairement aux instruments électriques (guitares, claviers). C’est avec Placebo qu’il apparaît pour la troisième fois sur la scène de Montreux, où il reçoit un accueil particulièrement chaleureux. li se voit décerner le prix de la Presse. “Ces lauriers couronnent un des musiciens de jazz les plus doués de notre pays” écrira Michel Herr, alors chroniqueur jazz dans la revue Amis du Film. Interrogé par un journaliste peu après le concert, Richard défend avec véhémence les choix musicaux à l’œuvre dans Placebo : “Le pop (…) sous-tend une ouverture que nous voulons avoir. Le jazz n’est-il pas plus fermé que le pop ? Le terme “jazz-pop” quant à moi, je le revendique aussi…” se situant ainsi dans la mouvance définie par Miles et Hubbard à cette époque.
Le concert de Montreux est en fait le premier concert de Placebo ; le groupe se maintiendra trois années au moins et Richard fera l’entièreté du parcours aux côtés de Marc Moulin, y côtoyant dans la section de trompette Nicolas Fissette. Trois albums (1971, 1973, 1974) scellent cette dernière participation durable de Rousselet à un orchestre. Mais Placebo ne l’occupe pas à plein temps et il continue à participer à différentes expériences musicales, ne dédaignant aucun type de jazz (à l’occasion, il joue dans des formations dixieland, et il enregistre en 1973 avec Alex Scorier un album intitulé This is New-Orleans), du Big Band (Belgian Big Band 72) au jazz de chambre.
Rousselet restera fidèle à Marc Moulin dans quelques unes de ses expériences ultérieures (l’étrange Sam·suffit par exemple en 1974) mais c’est aux côtés d’un autre pianiste qu’il va vivre l’aventure la pus exaltante de celle période de relance. En 1972, Michel Herr décide lui aussi de monter un groupe fixe utilisant les apports des musiques électriques nouvelles au service de compositions originales. Davantage que Placebo (dont la musique est plus “statique”), Solis Lacus restera au-delà de cette forme nouvelle un orchestre de jazz – quartette puis quintette – où les improvisations effrénées foisonnent. Les deux cuivres – Richard Rousselet et Robert Jeanne – , dynamisés par Michel Herr, Freddie Deronde ou Nicolas Kletchovsky et Félix Simtaine puis Bruno Castellucci, proposent, en concert surtout, une musique musclée et inspirée que l’électronique, les rythmes binaires, les percussions, etc. ne font que colorer davantage.
Solis Lacus joue dans différents festivals – au Middelheim notamment – et donne de nombreux concerts en Belgique et à l’étranger ; en janvier 1975, le groupe est présent au Conservatoire de Liège pour le concert donné en mémoire de René Thomas ; et la même année, un disque est enregistré, qui sortira sur IBC puis sera réédité sur B.Sharp. Ce disque est en fait un disque-testament : en effet. peu de temps après, Solis Lacus est dissout : le rêve du jazz-rock a pris fin, l’apparition de la musique punk a mis fin aux espoirs d’ouverture entre pop et jazz, une ère se termine.
Pendant tout ce temps, Richard Rousselet a continué à jouer un jazz plus traditionnel et il a eu l’occasion d’accompagner quelques monstres sacrés des notes bleues : ainsi, il s’est associé pour un soir à de bouillonnants ténors (Johnny Griffin, Hal Singer), à de graves barytons (Pepper Adams, Cecil Payne…) etc. Il se confronte également volontiers à ses collègues instrumentaux se livrant à des trumpetbandes endiablées avec des musiciens comme Benny Bailey, Nicolas Fisselte, ldrees Sulieman, etc. Entre la fin de Solis Lacus et la fin des années 70, Rousselet ralentit ses activités, cherchant quelle sera sa nouvelle voie. Quand il refera surface, ce sera le début d’une “seconde carrière”, plus brillante encore, pendant laquelle ses qualités de soliste, davantage canalisées, lui vaudront d’être quasi omniprésent sur la scène belge ; tandis que se dévoileront d’évidentes qualités de leader, insoupçonnées jusque là.
Soliste de l’Act Big Band de Felix Simtaine depuis sa fondation (1979) et présent par le fait même sur les trois albums enregistrés par cet orchestre d’exception (1980, 1981, 1987), membre des groupes Lilith (1 LP en 1986), Leman Air, etc., membre du BRT Big Band (1984 à 1986), il est très fréquemment invité à participer à des sessions d’enregistrement : on le retrouve ainsi sur les disques de Bob Porter, Paolo Radoni, Jean-Pierre Gebler, Christine Schaller (1983), Robert Cordier, Marc Moulin (1986), etc. Il se révèle également à cette époque habile pédagogue : ce ne sont pas ses élèves du Séminaire de Jazz du Conservatoire de Liège, des stages d’été des Lundis d’Hortense, de l’Académie d’Amay ou du Conservatoire de Bruxelles qui le démentiront. Avec son orchestre, il anime également une centaine de séances d’initiation au jazz destinées au élèves de l’enseignement secondaire (tournées Jeunesses Musicales).
Richard Rousselet s’exprime aujourd’hui encore dans différents langages jazziques : son éclectisme le mène de la direction du West Music Club (orchestre style Glenn Miller) aux expérimentations de la Rose des Voix de Pousseur, en passant par les inévitables divertissements dixieland avec une prédilection plus marquée toutefois pour ce mainstream moderne qui convient si bien à sa sonorité ronde et puissante. “Mes antécédents prouvent que j’ai vraiment été ouvert à tous les genres, jusqu’à Pousseur et la musique contemporaine. Mais jamais je n’ai renié les musiques ni les musiciens que j’ai côtoyés au cours de mes différents périples. Malgré tout. la musique que je ressens le plus profondément demeure le be-bop : Clifford Brown reste, dans mon domaine, un musicien exceptionnel, idem pour Charlie Parker et Freddie Hubbard dont j’adore la puissance et l’énergie”.
A cette musique, Rousselet va ajouter un brûlant chapitre en formant un quintette qui, en quelques années, du Zaïre (RDC) au Québec, d’Ostende à la Roche-Jagu, devient un “grand classique” du jazz belge. Il dirige à l’occasion d’autres groupes (par exemple un quartette avec le guitariste Paolo Radoni ou un septette avec les frères Vandendriessche et Jean-Pol Danhier entre autres), c’est au quintette qu’il revient toujours, et c’est au quintette que restera lié son nom. La rauque modernité du ténor de John Ruocco, la vélocité de l’alto de Steve Houben, le soprano de Pierre Vaiana se sont succédé à ses côtés pour laisser la place aujourd’hui au langage du jeune et talentueux Erwin Yann. Le piano, par contre, resté aux mains expertes de Michel Herr ; Jean-Louis Rassinfosse est lui aussi un complice de longue date, et l’assurance d’un soutien de qualité ; aux tambours et cymbales enfin, Félix Simtaine, déjà présent aux côtés de Rousselet lors de son premier concert à Montreux en 1969.
L’album No, maybe sorti en décembre 1985, deviendra sans doute un album de référence ; au moment de sa sortie, on pouvait lire dans Jazz Magazine ce commentaire laconique et révélateur : “(…) du jazz comme ça, aussi intelligemment mis en jeu, je veux bien en écouter tous les jours. Un disque bon comme un verre de Rodenbach ·à la pression”. L’histoire a d’ores et déjà donné raison au choix de Rousselet et des siens : le jazz de demain sera plus enraciné que jamais dans celui des boppers. Du quintette, André Drossart écrivit un jour qu’il témoignait d’une “maturité du meilleur aloi, à peu de choses près, la rondeur d’un œuf” ! Cet œuf de Colomb, certains l’appellent simplement… le swing !
Jean-Pol SCHROEDER
[INFOS QUALITE] statut : actualisé | mode d’édition : transcription (droits cédés), correction et actualisation par wallonica.org | source : SCHROEDER Jean-Pol, Dictionnaire du jazz à Bruxelles et en Wallonie (Conseil de la musique de la Communauté française de Belgique, Pierre Mardaga, 1990) | commanditaire : Jean-Pol Schroeder | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : rtbf.be | visiter le site de Richard Rousselet
Jean Lerusse découvre le jazz dans les années 50. Il étudie la trompette et monte un sextette de type hard-bop où l’on trouve entre autres le guitariste Robert Grahame et le batteur Félix Simtaine ; il passe à la contrebasse et joue en trio avec Jean-Marie Troisfontaine et Willy Doni. En 1962, il entre dans le trio Fléchet qui se produit au Festival de Comblain plusieurs années consécutives. Il joue dans le quartette de Robert Jeanne jusqu’en 1969 (nombreux concerts à l’étranger dans le cadre de la Fédération Européenne des Orchestres de jazz amateurs).
Entretemps, Lerusse est devenu un des principaux bassistes liégeois, accompagnant aussi bien René Thomas ou Jacques Pelzer que des musiciens américains de passage. En 1975, reprise du quartette Jeanne ; il travaille aussi avec le guitariste John Thomas et monte en 1978 le groupe éphémère Pirogue, orienté vers la bossanova (avec, parmi d’autres, Robert Jeanne et le guitariste Paul Helias). Par la suite, sa vie professionnelle lui prenant de plus en plus de temps, il finit par cesser complètement toute activité musicale. En 1986, il réapparaît soudain en jam, non plus à la basse mais au bugle et à la trompette qui avaient été ses premiers instruments (…).
Jean-Pol SCHROEDER
Jean Lerusse s’est éteint le 9 août 2013 des suites d’une “grave” maladie. Il était né à Liège en 1939. Parallèlement à des études en médecine et un cursus en solfège, il apprend la trompette. A la fin des années 50, il monte un premier groupe qui se produit dans les cercles universitaires. Il a 20 ans lorsque débutent le festival de Comblain-la-Tour et les jam sessions liégeoises autour de Jacques Pelzer et René Thomas. En 1960, autour des stars principautaires, les débutants et les amateurs se côtoient, s’accompagnent, échangent leurs idées.
Les contrebassistes ne sont pas légion au Pays de Liège. Nécessité faisant loi, Jean passe à la contrebasse, un instrument qu’il maîtrise vite et bien. Avec Léo Fléchet et Félix Simtaine, il forme le home band du festival des bords de l’Ourthe. Alors qu’il suit une spécialisation en gynécologie-obstétrique, il intègre le quartet de Robert Jeanne en 1962, ossature du futur quintet de René Thomas qui tournera en Champagne-Ardenne et en Lorraine dans les années 65-69. Il n’est pas rare à cette époque de le voir quitter Reims ou Metz en 2CV, après un concert, la volute de la contrebasse dépassant gaillardement par l’ouverture de la capote. Il aura cette formule d’anthologie : “Je suis contrebassiste amateur et gynécologue professionnel, mais j’aurais tellement voulu faire le contraire !”
Au cours des années 70, avec Léo Fléchet ou Michel Herr et Félix Simtaine, il accompagne les nombreux solistes de passage en Belgique (Barney Wilen, JR Monterose, Lennart Johnson, Jon Eardley, Eddie Lockjaw Davis, Slide Hampton, Art Taylor, Jon Thomas, Lou McConnell…). Absorbé par ses obligations professionnelles, il s’éloigne des scènes pour réapparaître, sûr de lui mais au bugle et à la trompette (à valves), à l’occasion de deux festivals Jazz à Liège (1986).
A ma connaissance, Jean Lerusse n’a jamais enregistré. Dans sa Belgian Jazz Discography, Robert Pernet épingle néanmoins la présence de Jean lors d’une session avec René Thomas (Liège, 10 octobre 1968, AMC 16001).
En 2010, Jean Lerusse avait rédigé Le Jazz Pour Tous, une œuvre didactique destinée à faire comprendre les canons du jazz aux jeunes musiciens. Ce testament n’a malheureusement jamais trouvé d’éditeur. Pour le jazz en Belgique, c’est à nouveau une grande figure du jazz qui s’en va. Il était, pour moi, le compagnon de cinquante années de passions. See You, My Friend !
Jean Linsman est né à Ans, en 1939, dans une famille de musiciens. Il étudie la trompette au Conservatoire de Liège. Il découvre Chet Baker et Gerry Mulligan, vers 1958, puis Clifford Brown, qui deviendra un de ses principaux modèles. Il travaille le jazz seul pendant un an, puis pénètre dans le milieu des jazzmen liégeois (fin 1959) et entre dans les Daltoniens de José Bedeur. Dès cette époque, il joue dans le style hard-bop, qui restera son langage musical privilégié.
En 1962, passé professionnel, il travaille dans l’orchestre de Janot Moralès, joue également sur les bateaux qui descendent le Rhin, avec Maurice Simon (1963-1964) et, entre les croisières, jamme avec Pelzer, Thomas, etc. En 1965, il quitte Moralès et se consacre de plus en plus au jazz. Au cours de ses pérégrinations, il a l’occasion de “jammer” avec des musiciens aussi prestigieux que Johnny Griffin, Tommy Flanagan ou Albert Mangelsdorff. De 1967 à 1969 : retour au “métier” en Allemagne et en Suisse où il rencontre Heinz Biegler, Franco Ambrosetti et Isla Eckinger ; il joue en leur compagnie puis, en 1969, rentre à Liège et y devient le principal trompettiste jazz.
Dès 1970, il arrête complètement tout travail commercial. L’année suivante, il doit abandonner la trompette suite à un accident. Fin 1972, sous l’influence de René Thomas, Linsman se remet au jazz, à la guitare basse ! Il se produit sur cet instrument dans le trio Fléchet et surtout dans le groupe T.P.L. (Thomas-Pelzer Limited) et en trio avec René Thomas et le batteur américain Art Taylor. Petit à petit, il se remet à la trompette et monte un sextette pour lequel il écrit de superbes arrangements (1976-1978). Par la suite, il joue en free-lance, notamment en Allemagne et aux Pays-Bas.
En Belgique, il participe à des gigs occasionnels avec Pelzer, Grahame, etc. ainsi qu’avec le trompettiste et pianiste américain Vince Bendetti et le saxophoniste suédois Lennart Jonson. Il travaille avec la jeune génération, monte un trio avec le guitariste Stéphane Martini et le bassiste Sal La Rocca et joue régulièrement avec les pianistes Eric Vermeulen et Johan Clement, les bassistes Hein Van de Geyn, Bart de Nolf et Sal La Rocca, et les batteurs Dré Pallemaerts et Rick Hollander.
Au début des années 20, Léon JACOB joue dans différents cabarets et music-halls liégeois. Excellent lecteur, il reproduit les musiques jazzy imprimées, sans laisser beaucoup de place à l’improvisation. En 1925, il est engagé au Moulin Rouge (à Paris) au sein du Virginian Six (aux côtés, notamment, d’un autre Liégeois exilé, Charles Lovinfosse, du saxophoniste Alfred Hoffman et du sax lorrain Jean Bauer qui lui fait découvrir les disques de Bix Beiderbecke et de Red Nichols). Il joue avec ce même orchestre à Etretat, puis à Bucarest (une des premières formations de jazz à se produire en Roumanie).
En 1926, il quitte les Virginian pour former le Jacob’s Jazz (orchestre presque entièrement composé de musiciens belges Oscar Thisse, Marcel Raskin, etc.) qui, après quelques tournées, deviendra pour un temps l’orchestre régulier de Joséphine Baker ! On le trouve ensuite aux côtés de Loulou Gasté et de José Lamberty avec lequel il revient de temps à autre se produire à Liège où tous deux sont considérés comme de véritables vedettes.
Rentré définitivement en Belgique en 1929, il travaille à l’Exposition de Liège (1930). Pendant les années 30, il se produira encore avec différentes formations de peu d’importance où, jouant sur sa réputation, on continue de le présenter comme une vedette du jazz. En fait, Jacob ne deviendra jamais un soliste de la classe de ceux qui se rencontrent désormais en Belgique à cette époque ; il disparaîtra d’ailleurs de la scène musicale à la fin des années 30.
Nicolas Fissette reçoit une formation classique au Conservatoire de Liège, mais découvre Louis Armstrong et Mugsy Spanier et se met au jazz. A la Libération, il joue dans le Hot Club de Wallonie puis, en 1946, entre dans la grande formation d’Armand Gramme, à Liège. Il rencontre Raoul Faisant qui le conforte dans sa volonté d’entamer une carrière de musicien professionnel. Un peu plus tard, il découvre Gillespie et le be-bop. Il est fasciné.
A Bruxelles, pendant son service militaire, il joue avec Jack Sels, puis de retour à Liège, se joint au noyau des modernes (Thomas, Pelzer, Boland) et participe en 1950 aux fameuses jams de la Laiterie d’Embourg. Professionnel dès 1952, Nicolas Pissette joue une musique moins aventureuse dans les formations de Roland Thyssen, Vicky Thunus, Eddie de Latte, etc. Il s’installe à Bruxelles en 1960. De 1962 à 1965, il est soliste dans le Big Band de la RTB puis, à partir de 1967, dans celui de la BRT.
Il s’est toujours réservé, parallèlement à son activité professionnelle, des “pauses-jazz” : il apparaît ainsi dans de nombreux festivals (Bilzen, Comblain, Gouvy, Middelheim, Vielsalm) et dans les clubs de jazz, se produit à plusieurs reprises dans des “trumpet-battles” où il côtoie notamment Jon Eardley, Clark Terry, Idrees Sulieman, Dusko Goykovic, Benny Bailey, Wallace Davenport, etc. Il participe aux concerts de l’UER (Union Européenne de Radiodiffusion) et joue dans quelques formations clés des années 70 – 80 (l ‘Act Big Band de Félix Simtaine, le groupe de jazz-rock Placebo (Marc Moulin), et les Bop Friends aux côtés d’Etienne Verschueren et du trio Vanhaverbeke, etc.).
En 1989, il joue régulièrement en quintette avec son compagnon des débuts le saxophoniste Christian Vanspauwen et avec Tony Bauwens, Sal La Rocca et le batteur Mathieu Coura. Il est considéré comme un soliste de premier plan.
Jean EVRARD débute dans les années 30 en région liégeoise. Il signe son premier contrat important avec Jean Paques au Carlton de Blankenberge, en 1938. De retour à Liège, il joue quelque temps dans l’orchestre de Lucien Hirsch puis, au début de la guerre, dans la formation de Gaston Houssa avec qui il monte un trio vocal fameux (Trio Vocal Houssa), puis il joue à Paris avec ce trio. On le trouve ensuite, toujours à Paris, dans le grand orchestre de Raymond Legrand où il côtoie des musiciens aussi importants que Michel Warlop ou Hubert Rostaing.
De retour à Liège, il devient le trompettiste du “noyau swing” (Raoul Faisant, Roger Vrancken, Maurice Simon) qui offre aux Liégeois leurs premières jams de qualité. En 1943, il part pour les Pays -Bas sous un faux nom, en compagnie notamment de Raoul Faisant, Maurice Simon et René Thomas ; concerts, radios, et enregistrements (hélas perdus) à Amsterdam. A son retour, il se fait arrêter par les Allemands et envoyer en déportation pour treize mois. Libéré à la fin de la guerre, il recommence à jouer aux côtés de Faisant et effectue des tournées des “restcamps” américains.
En 1947, Evrard forme l’Equipe, groupe middle jazz (Henri Solbach, Coco Gonda…) qui se produit à Liège surtout. Comme tous les musiciens professionnels, il subit bientôt les contraintes du “métier” et doit s’orienter vers une musique plus commerciale. Il travaille régulièrement dans l’orchestre de Pol Baud et, en 1959, il se produit à Comblain avec Faisant. Il part ensuite pour Bruxelles où il travaillera durant des années dans des boîtes de nuit ; parallèlement, il obtient fréquemment des contrats comme musicien de studio.
Il se permet encore à l’occasion quelques petites escapades du côté du jazz (la plus marquante étant une jam-session avec les musiciens de l’orchestre de Count Basie, de passage à Bruxelles) mais arrête le métier en 1968. En 1974, il reprendra une activité en semi-professionnel, jouant et chantant dans l’orchestre de Jo Carlier. Il effectue alors quelques remplacements dans le Big Band de la BRT et joue de manière régulière dans le groupe Jazz de Liège. Jean Evrard stoppe toute activité au début de 1989.
La musique rock de la fin des années 60 est marquée par les grands rassemblements musicaux autour des figures artistiques les plus en vue du monde pop. Une légende venue du jazz va être accueillie chaleureusement par le public : Miles Davis. Le trompettiste qui vient de sortir de ses expériences modales au sein de son quintette (avec Herbie Hancock, Wayne Shorter, Ron Carter et Tony Williams) propose alors au public une musique aux influences funk, héritée de James Brown et de Sly and the Family Stone, baptisée du nom de jazz-rock…
Come back années 60, le virage rock et pop
Du point de vue historique, les années 60 sont des années d’expérimentations sonores cruciales pour les musiques rock et jazz. Jusqu’alors, hormis la guitare électrique et l’orgue, la musique jazz a toujours utilisé des instruments acoustiques. Cependant, le développement de l’électronique conduit les luthiers et les constructeurs à imaginer d’autres instruments transportables et moins encombrants. Accompagnés d’une amplification, les instruments électriques deviennent rapidement des compagnons de routes sachant répondre aux exigences sonores des nouvelles musiques comme le rock ou le rhythm’n blues.
Sans forcément leur convenir, mais voyant leur côté pratique, les jazzmen vont incorporer dans leur formation deux instruments électrifiés : le piano et la basse. En les adoptant, les musiciens se rendent compte rapidement que leur utilisation combinée aux instruments acoustiques produit un nouveau son, et que ce nouveau son appelle une autre musique. Ainsi, sans le vouloir vraiment, des grands noms du jazz vont séduire un auditoire plus large en étant influencés par d’autres courants musicaux, tels que la musique soul, les rythmes rock ou les mélodies ‘pop’.
Les puristes d’une certaine idéologie jazz voyant s’installer un relâchement crient à la trahison. Certains critiques n’acceptent pas que des musiciens de talent aient recours à certaines facilités dans le seul but de plaire au plus grand nombre. Ce sera le cas du quintette du saxophoniste Cannonball Adderley qui, dès 1967, joue une musique quelque peu funky et rhythm’n blues pour attirer l’attention d’un public pas toujours jazz.
Depuis déjà quelque temps, des jazzmen cherchent à sortir la musique jazz de son impasse ‘free’, à l’émanciper de son élitisme. Autour d’eux, la frontière entre musique jazz et musique rock se rapproche chaque jour d’avantage. De nombreux musiciens ressentent qu’une fusion entre ces deux musiques est imminente, mais personne n’ose encore franchir le pas. Les musiciens jazz restent sur leur garde, même si les rythmes binaires jouent des coudes pour prendre un peu de place. À cette époque, la majorité des jazzmen considèrent la musique rock comme une musique rythmiquement et harmoniquement trop basique, une musique incapable d’augurer à leurs yeux les prémices d’un nouveau langage musical.
Pourtant, de son côté, la musique rock a de multiples ambitions. Quelques groupes veulent faire entendre leur différence en produisant des musiques aux écritures plus élaborées. La musique rock n’est pas encore assujettie à la performance instrumentale, mais déjà des tendances voient le jour. On ne parle pas encore de jazz-rock, mais de ‘rock progressif’ ou de ‘rock psychédélique’.
Des musiciens comme Graham Bond ou Alexis Corner font appel à des musiciens de jazz et de blues, tandis que Soft Machine tente des incursions dans un jazz avant-gardiste. Pour des formations comprenant des cuivres comme Chicago ou Blood, Sweat and Tears, la tentation d’accorder une place fusionnelle entre les rythmes rock et les harmonies jazz est plus que palpable.
De leur côté, les nouvelles orientations musicales des Beatles vont être d’une grande importance pour l’avenir des musiques rock et jazz. Les ‘4 de Liverpool’ décident d’utiliser les techniques d’enregistrement en re-recording toute récentes, pour satisfaire leur créativité débordante. Le travail mené en studio aboutira à l’enregistrement de l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (réalisé en 1967, Sgt. Pepper’s consacre également l’avènement de l’album concept déjà auguré par les Beach Boys). Cette sophistication technologique entraînera une autre façon d’élaborer la musique en studio, mais de plus une autre façon de penser le travail en groupe.
Miles Davis et Jimi Hendrix
Pour Miles Davis, la rencontre avec le guitariste Jimi Hendrix en 1968 va être révélatrice. Le trompettiste joue à cette époque une musique expérimentale essentiellement modale. C’est le temps où Miles enregistre quelques disques incontournables qui ont pour nom : Miles Smiles, Nefertiti ou Miles in the Sky… Miles se rend compte que Jimi Hendrix est un véritable ‘guitar hero’ de la musique pop, mais également un artiste qui a su habilement marier l’esprit de la musique blues au son populaire du rock. Pour Miles, il n’y a pas de doute, l’époque est bien celle de la rencontre de toutes les musiques.
Les groupes de rock présents dans les festivals de musique révèlent leur profond désir d’aborder la musique sous toutes ses formes. Chaque groupe revendique l’existence d’un nouveau courant, parfois vraisemblable ou parfois éphémère : folk/rock, country/rock, rock psychédélique, hard-rock, etc. Un nombre très important de groupes rock surgissent le temps d’enregistrer un ou deux disques, d’accomplir une ou deux tournées avant de disparaître aussi vite qu’ils étaient apparus.
Force est de constater que cette énergie, cette volonté créatrice, va influencer à son tour de jeunes musiciens de jazz. À cette époque, une fracture de génération, d’école, de vision musicale apparaît chez les jazzmen. La tradition étant tenace, bien peu de ceux qui ont pratiqué le swing ou le bop seront capable de s’entourer ou de se projeter musicalement à travers les rythmes et les sonorités rock.
Miles Davis lance le jazz-rock
En 1970, quand Miles Davis se produit sur scène avec sa trompette équipée d’une pédale wah-wah, il indique à tous ceux qui sont venus l’écouter, que l’époque où il interprétait So What est ‘out’, qu’il a franchi un nouveau cap et qu’il est prêt à affronter la scène rock avec l’intention de marquer les esprits.
Miles Davis, qui n’aimait pas trop la musique noire sophistiquée, telle que celle produite par la ‘Tamla Motown’, ni le rock des blancs qu’il trouvait insipide ou trop simpliste, trouve dans le funk primaire hérité de James Brown, une musique capable de stimuler son imagination. De ses aveux critiques, Miles prendra soin d’éviter tout rapprochement avec un langage musical hérité du free jazz. Même si les premiers disques de sa période ‘jazz-rock’ sont libres dans leur forme, ils n’ont pas pour revendication de prolonger l’esprit d’une musique free-jazz sur le déclin, mais plutôt la continuité d’un jazz modal.
Les enregistrements de la plupart des disques jazz-rock (In a Silent Way, Bitches Brew…) sont basés sur de longues improvisations qui sont ensuite montées en studio. L’intention était alors clairement affichée par le trompettiste : un minimum de répétitions et quelques indications sommaires relatives au tempo et à l’emplacement des improvisations suffisaient généralement. Les musiciens présents lors des séances d’enregistrement devaient s’en contenter ou partir !
En 1969, quand Miles Davis enregistre l’album In a Silent Way, le musicien décide de rompre les amarres avec l’acoustique. À l’écoute de son disque, on est surpris non pas par les compositions, mais par la sonorité qui s’en dégage. Un climat sonore très particulier, ni free, ni totalement jazz ou rock, mais à la tonalité très contemporaine. Un style encore ‘brouillon’ mais qui va devenir plus mature à partir de l’album suivant Bitches Brew (1969).
Cette musique, qui va être baptisée du nom de jazz-rock, va faire couler beaucoup d’encre. Miles et sa trompette électrique vont être condamnés par de nombreux critiques de jazz. Celles-ci atteindront les sommets quand l’album On the Corner sortira en 1972 (notamment dans la revue Jazz-Hot). La démarche du musicien n’est apparemment pas comprise. Pourtant, en invitant dans ses disques de jeunes instrumentistes virtuoses comme le guitariste anglais John McLaughlin, le claviériste Joe Zawinul ou le saxophoniste Bennie Maupin, Miles Davis crée une musique étonnamment jeune et innovante.
Sa musique s’enracine dans de longues suites qui peuvent durer parfois 10 ou 20 minutes et même davantage. Le groove funk servi par les lignes répétitives de la basse (jouée par Michael Henderson) apporte son côté incantatoire, hypnotique. Les musiciens entourant Miles se dévouent sans compter pour porter au plus haut l’esprit de sa musique.
Dès lors, le “Miles Davis chercheur” va se transformer en dénicheur de talent. Chaque disque ou presque nous permet de découvrir quelques brillants musiciens qui vont, grâce à lui, se révéler au public. Citons notamment… le fidèle Herbie Hancock, mais également Chick Corea, Joe Zawinul et Keith Jarrett pour les claviers ; John McLaughlin, John Scofield et Dominique Gaumont pour la guitare ; Bennie Maupin, Wayne Shorter et Steve Grossman pour les saxophones ; Michael Henderson et Dave Holland pour la basse ; Tony Williams, Billy Cobham, Jack DeJohnette, Al Foster, Mtume et Lenny White pour la batterie ; Airto Moreira et Don Allias pour les percussions.
Cette musique, qui s’adresse d’abord aux amateurs de jazz à cause de la grande place accordée à l’improvisation, va en réalité séduire dans un premier temps le monde hippie. Le musicien sera accueilli au Festival de l’île de Wight (1970) sous les applaudissements. À cette époque, il est difficile de concevoir meilleur orchestre : Gary Bartz (saxophones), Keith Jarrett et Chick Corea (claviers), Dave Holland (basse) Jack DeJohnette (batterie) et Airto Moreira (percussions).
Pour les musiciens, un passage dans l’orchestre de Miles Davis, c’était vivre une expérience musicale unique. La plupart d’entre eux poursuivront l’élan apporté par Miles Davis en créant leur propre formation jazz-rock. John McLaughlin crée le mystique Mahavishnu Orchestra, Joe Zawinul et Wayne Shorter forment un groupe de ‘world music’ avant l’heure, Weather Report, tandis que Chick Corea va démontrer ses qualités de compositeurs au sein du Return to Forever.
Suite à Bitches Brew, des albums aux qualités inégales vont se succéder. Pour Miles Davis, l’album On the Corner (1972) souligne l’impact de sa musique auprès des jeunes noirs. Musicalement plus conciliant et plus facile d’accès, On the Corner cherche à séduire les jeunes gens qui sont attirés plus par le rock que par le jazz. Hélas, les mauvaises critiques ne permettront pas à l’album de trouver son public, même si aujourd’hui l’album fait référence dans le style jazz-funk.
La fin de la période jazz-rock
En 1975, l’épisode Jazz-Rock touche à sa fin. Armé de sa trompette, les improvisations de Miles Davis, portées par des rythmes funk de plus en plus présents, se résument souvent en quelques notes étranglées, stridentes. Le long chapelet de notes qui illustrait les phrases cool des années 50 ont totalement disparu. Seules les notes charnières supportant les harmonies subsistent. Le rythme binaire de la batterie jouée par ‘Mtume’ Foreman est à sa plus simple expression et ne se désolidarise presque jamais de celui de la basse du fidèle Michael Henderson.
La musique produite sur scène par Miles et ses musiciens n’est jamais le reflet de celle enregistrée en studio. Les concerts possèdent une certaine magie qui ne cesse de surprendre et d’étonner ceux qui y assistent. Sans faire le parallèle entre Frank Zappa et Miles Davis (les deux artistes sont à l’opposé dans leur façon d’aborder la musique), ils ont en commun d’être des chercheurs insatiables qui, d’une tournée à une autre, usent les musiciens qui les accompagnent. En effet, la musique de Miles Davis, tout comme celle de Zappa, est très exigeante. Si celle du trompettiste demande une capacité à se renouveler, à réinventer lors de chaque concert, celle du guitariste compositeur verse dans la complexité des écritures.
Après s’être produit un peu partout (Europe, Japon…), Miles Davis va s’éclipser pour des raisons de santé et fera son come-back au début des années 80 en véritable star du jazz. On retiendra de la fin de cet épisode jazz-rock, son passage au Carnegie Hall de New York en 1974 et les deux concerts de Tôkyô (album Agartha – 1975).
Jusqu’à la fin de son existence, Miles Davis ne fera jamais de mea culpa sur son passage controversé à l’électricité et sur ses choix musicaux. Pour son grand retour en 81, il restera fidèle jusqu’au bout à ce qu’il a construit, à ce mélange de jazz et de funk dont il avait le secret. Certes, sa musique évoluera (le dernier album Doo-bop sorti en 1992 fait appel à des musiciens de hip-hop) et deviendra plus stylisée et structurée.
Lorsqu’il rendit hommage à Michael Jackson avec Human Nature (1985) ou lorsqu’il collabora aux écritures d’un certain Marcus Miller, le musicien n’avait jamais cessé d’être un jazzman dans l’âme. Fort de ses expériences passées, il a osé s’affranchir des codes du jazz en repoussant les différentes frontières de ses structures ; mais sa grande force est d’avoir toujours su saisir les modes et les styles qui naissaient et d’aller au devant d’eux quand le moment s’y prêtait.
Jean-Paul ESTIÉVENART commence la trompette dans la fanfare de son village Montroeul-sur-Haine, en Belgique, sous le regard avisé et bienveillant de son grand-père. Mordu, il poursuit l’étude de cet instrument complexe à l’Académie de Saint-Ghislain pendant dix années. C’est là qu’il fait connaissance avec le jazz et s’en passionne instantanément.
En s’installant à Bruxelles en 2004, Jean-Paul devient rapidement une figure incontournable du jazz belge. Il enchaîne les concerts à un rythme effréné qui n’a pas diminué depuis lors.
En 2013, il démarre une nouvelle aventure musicale en créant son trio avec Sam Gerstmans à la contrebasse et Antoine Pierre à la batterie. Leur premier album, “Wanted” (W.E.R.F. Records, 2013) plante un décor singulier dans le paysage du jazz belge et marque le début d’une histoire qui continue encore aujourd’hui. Le trio est profondément imprégné par la tradition mais joue sans cesse avec ses codes et étend ses frontières, tout en conservant l’élégance et l’authenticité de son héritage…
Leur deuxième album, “Behind The Darkness” (Igloo Records, 2016) est un opus autobiographique qui fait référence à l’enfance du trompettiste dans les terrils de charbon. Il représente aussi les moments de noirceur rencontrés au cours de son existence. Le titre de l’album annonce pourtant un dénouement positif, alors que Jean-Paul passe le cap de ses 30 ans.
En plus de 10 ans de carrière, Jean-Paul Estiévenart a eu l’occasion de côtoyer de grands noms de la scène internationale du jazz (Enrico Pieranuzzi, Nathalie Loriers, Avishai Cohen, Logan Richardson, Dré Pallemaerts, Joe Lovano, Noel Gallagher, le Brussels Jazz Orchestra, Perico Sambeat, Maria Schneider,…).
Il joue également dans une dizaine de groupes belges en tant que sideman (Antoine Pierre Urbex, Lorenzo Di Maio quintet, LG Jazz Collective, Manolo Cabras 4tet, Manu Hermia Freetet, Jazz Station Big Band, Mik Maak, et beaucoup d’autres), ce qui fait de lui le trompettiste le plus sollicité du pays, avec plus de 40 albums à son actif. (lire plus sur IGLOORECORDS.BE)
Son statut actuel de musicien polyvalent, Jean-Paul Estiévenart le doit surtout à lui-même : à ses tout débuts, c’est avec une assiduité rare qu’il participe quasi tous les lundis soirs aux jam sessions du Sounds ; par ailleurs, cet autodidacte dans l’âme passe des heures interminables à se perfectionner. Il a une prédilection pour le jazz pur et dur mais il ne rate pas une occasion pour rompre avec tous les stéréotypes. Ainsi, il s’est produit avec l’orchestre de swing jazz de Lady Linn et il est membre de l’ensemble multiculturel Marockin’ Brass. En outre, de temps à autre, il fait des apparitions dans les cercles du free jazz, fait partie du Jazz Station Big Bandet joue avec le Brussels Jazz Orchestra. Et ce n’est pas tout, on le retrouve entre autres au sein de LG Jazz Collective, MikMâäk et Manu Hermia 5tet.
Toutes ces activités lui ont valu d’être largement reconnu par ses pairs et d’être récompensé entre autres par le Django d’Or 2006 du jeune espoir et une distinction pour son premier album avec son quatuor 4in1. Pour l’instant, il se concentre sur son trio avec Antoine Pierre (batterie) et Sam Gerstmans (contrebasse). (lire plus sur JAZZ.BRUSSELS)