GOUGAUD (1936-2024) : textes

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Il est aussi stupide de vouloir comprendre sa vie que de prétendre se nourrir de la formule chimique d’une pomme.

Les sept plumes de l’aigle (1995)

[HENRIGOUGAUD.COM] Libertaire définitif, Henri GOUGAUD (né en 1936) invente sa vie tous les jours. Venu au monde sur les terres rouges de l’Aude, il est l’héritier des troubadours occitans, il a la poésie chevillée au corps. Il monte à Paris à la fin des années 50, chante ses textes dans les cabarets Rive-Gauche et se rapproche du milieu anarchiste. Bientôt d’autres artistes comme Reggiani, Ferrat ou Greco choisissent d’interpréter ses chansons.

En 1973 il publie Démons et merveilles de la science-fiction. Claude Villers l’invite sur France Inter et dans la foulée l’engage comme chroniqueur. Il raconte alors chaque midi des histoires à la radio. Des histoires fantastiques, des récits étranges et puis des contes, puisés dans l’immense répertoire de la tradition orale qu’il connaît bien.

Choisissant de se consacrer pleinement à l’écriture, il publie avec bonheur au fil des années, de nombreux romans et recueils de contes. Mais il est aussi sollicité pour raconter en public. C’est l’émergence du ‘renouveau du conte’ dont il est considéré aujourd’hui comme un des pères fondateurs.

Entre le merveilleux et ce que nous appelons le réel, il n’est peut-être qu’une différence de confiance accordée.

Henri Gougaud


Le rire de la grenouille. Petit traité de philosophie artisanale (CARNETS NORD, 2008)

EAN 9782355360121

[EXTRAITS] “J’imagine, dans une clairière de la forêt du temps, une troupe de pauvres gens accroupis au seuil d’une grotte. C’est le crépuscule. Le soleil vient de disparaître derrière les arbres. Comme chaque soir, ces hommes, ces femmes s’inquiètent. Et si cette fois il ne revenait pas, ce père lumineux qui tous les matins nous réveille ? Si cet être prodigieux qui fait toutes choses vivantes nous abandonnait à la nuit ? J’imagine, au milieu d’eux, une mère. Elle s’effraie, elle aussi. Elle serre contre elle son enfant. Il geint, il a froid, est mal. Et voilà que ce soir-là l’angoisse de ce fils, dans l’obscurité où ils sont, lui est soudain plus insupportable que celle qu’elle-même éprouve. C’est ainsi que lui vient l’amour, l’oubli de soi dans le souci de l’autre. Et l’amour lui inspire la première berceuse, le premier conte, la première parole dite pour attendrir la nuit, pour tempérer la peur. Sa voix n’est qu’un murmure imprécis mais rassurant, cahotant mais brave. Elle ne sait pas, personne ne sait que cette parole chantonnée à l’oreille de son enfant est le premier surgissement de la source qui deviendra, un jour, le vaste fleuve de toutes les littératures humaines.

Rien de plus humble qu’un conte. Rien de plus anodin, si l’on s’en réfère à la définition du dictionnaire “Récit d’aventures imaginaires destiné à amuser, ou à instruire en amusant.” C’est un peu court. De quoi s’agit-il, en vérité ? D’histoires plus ou moins brèves qui ne se préoccupent guère de ce que l’on appelle communément ‘la réalité’ et qui n’est peut-être, après tout, que l’apparence des choses. D’histoires vagabondes, sans auteur identifiable, sans origine précise. D’histoires qui ont traversé les siècles, les millénaires même, sans bruit, sans effet mesurable sur le destin des peuples, portées, jusqu’aux abords de nos temps modernes, par la seule parole humaine. De fait, la définition du dictionnaire ne témoigne que de la méconnaissance, sinon du mépris dans lequel les lettrés tiennent ces histoires-là. “Sornettes, disent-ils, balivernes déraisonnables.”

Et pourtant ! Imaginez : la plus ancienne mention écrite du Conte des deux frères, dont on a répertorié, en Europe, une quarantaine de versions, a été dénichée sur un papyrus égyptien datant de la XIXe dynastie (environ 1300 ans avant notre ère). Et le premier texte où apparaît une ancêtre de Cendrillon fut écrit en Chine au VIIIe siècle. Question : pendant que ces contes-là, et bien d’autres, traversaient allègrement les pestes, les grandes invasions, les guerres, les révolutions, les monts et les mers, portés par presque rien, la parole des gens, voyageurs, nomades, vagabonds, marchands, combien d’œuvres réputées immortelles se perdaient corps et biens dans les brumes du temps? Comment ont-elles fait pour subsister, pour demeurer vivantes, ces “histoires imaginaires destinées à instruire en amusant” ? Et pourquoi elles, si négligeables, ne se sont-elles pas égarées ?

Les Romains croyaient au fatum librorum, au destin des livres. Tant qu’une œuvre est nourricière, pensaient-ils, elle dure, quelles que soient les difficultés de son cheminement. Les contes ont duré. Ils sont là, toujours présents dans notre drôle de monde. C’est donc qu’ils ont encore à nous apprendre. À nous apprendre ou plutôt à nourrir en nous quelque chose d’essentiel, de vital peut-être? Je pense à la parole de Patrice de La Tour du Pin: “Les pays qui n’ont pas de légendes sont condamnés à mourir de froid.”

Je pense aussi à cette génération d’histoires métisses nées du mariage des contes amérindiens et de ceux, africains, portés jusqu’aux Amériques par les esclaves noirs. On sait peu (on imagine mal) que ces gens-là, malgré les tourments et les massacres qu’ils subissaient, malgré leur dénuement, malgré leur détresse, ont tout de même trouvé le temps, la force, le désir de se raconter leurs contes, leurs vieilles choses imaginaires, leurs ‘balivernes’. On ne dit rien de cela dans les livres d’histoire.

Comment pourrait-on parler de ces sortes de mystères miraculeux devant lesquels on ne peut que s’émouvoir en silence, et remercier je ne sais qui ? Il est temps de rappeler quelques évidences que l’on perd trop souvent de vue, submergées qu’elles sont par la cacophonie du monde dans lequel nous sommes bien forcés de vivre.

D’abord, il faut se garder de confondre l’importance des choses avec le bruit qu’elles font. Une sottise, une futilité, un mensonge entendus par dix millions de personnes n’en restent pas moins ce qu’ils sont. À l’inverse, imaginez Jésus contant ses paraboles dans les villages de Palestine. Combien ont entendu sa voix, sur telle place publique, tel coin de rue, telle ombre d’arbre ? Je suppose qu’à vingt pas de lui des gens devaient tendre l’oreille, ne comprendre qu’un mot sur deux, mais ce qu’il disait, quoique à peine audible, avait assez de force vivante pour nourrir le monde entier, et le monde en a été nourri. L’importance d’une parole se mesure à la place qu’elle prend durablement en chacun de nous, à ce qu’elle fait bouger en nous, à la terre intime qu’elle remue et fertilise.

Malheureusement nous sommes aujourd’hui harcelés par un incessant fracas de nouvelles, de modes, d’événements dont on nous affirme hautement, entre deux messages publicitaires, la catastrophique gravité avant que ne lui succède, dès l’aube du lendemain, l’annonce tout aussi démesurée du triomphe de tel chanteur, de la mort de tel couturier, ou des aventures conjugales de tel président. Nous ne nous entendons plus.

Imaginez qu’un ange, qu’un Esprit d’arbre ou de rivière (à supposer qu’ils existent), veuillent nous dire quelque chose. Comment pourraient-ils y parvenir ? Toutes les lignes de notre entendement sonnent sans cesse occupé. Sans cesse nous sommes tirés hors de nous par mille bruits, lumières, images plus ou moins terribles dont nous ne pouvons rien faire, sauf de l’euphorie sportive et de l’angoisse de bombardés.

Alors, que pèse le conte dans ce tumulte ? Ce que pèse une pomme face à la famine. Dans le monde, rien. Dans la vie, pour celui qui la mange, elle peut être un miracle, l’aube d’une renaissance.

Entre l’ampleur et l’intensité, il faut choisir. Le goût de l’ampleur – surtout que rien ne nous échappe – disperse notre attention et nous condamne à naviguer à la surface des choses. L’intensité, elle, nous limite mais peut nous permettre d’aller profond. Ce qui nous pousse au monde est ample. Le désir de vie peut être intense. Le monde et la vie : ne pas confondre. Ce n’est pas parce que la bouteille prend la couleur du vin et le vin la forme de la bouteille qu’il nous faut prendre l’un pour l’autre. Je connais des adolescents qui découvrent autour d’eux le monde, qui s’indignent de ses injustices, de ses folies meurtrières, et qui décident que la vie est abominable. Ce ne serait qu’une confusion parmi d’autres si celle-là ne pouvait pousser les plus vulnérables de nos enfants au désespoir et au suicide. Le monde est certes un lieu inhospitalier dont nous faisons trop souvent, pour notre malheur, un dépotoir.

La vie, c’est autre chose. Au coin de mon immeuble, sur le trottoir, une touffe d’herbe s’est frayé un passage dans une fente de béton. La vie, c’est ça. Une incessante poussée vers le haut (l’inverse de la pesanteur, en quelque sorte), une impatience, une force qui sans cesse nous attire, qui nargue la mort, qui la nie même, qui la repousse tous les jours à demain. La vie, c’est le désir de perpétuer notre présence au monde. C’est aussi notre relation aux choses. C’est notre appétit, notre envie de ne pas en démordre.

Or, les contes sont des nourritures. Ils ne sont pas les seuls, bien sûr, à apaiser nos famines. Tous les arts devraient, à mon avis, y concourir. J’irai même, pour peu que l’on me pousse, jusqu’à estimer traître tout artiste qui ne sert pas, qui n’exalte pas la vie. Mais restons au conte, art populaire, primitif, art premier, au sens que l’on donne aujourd’hui à ce terme. Il faut ici préciser les contours de ce que j’entends par ‘littérature orale’.

La hiérarchie communément admise place au plus haut les mythes. Ils magnifient parfois l’histoire. Le Christ, par exemple, dans la mesure où il est le fils d’un dieu et d’une mortelle, s’inscrit dans la lignée des héros civilisateurs. Les mythes les plus universels sont cependant les récits de la Création ramenés en transes de l’Invisible par les familiers des Esprits ou des dieux. Ils furent les premiers, et longtemps les seuls, à connaître les livres. Ils sont fondateurs de religions, et donc les dévots les considèrent comme des vérités révélées, le mot mythe étant réservé aux croyances des autres. Pour un juif, pour un chrétien, la Genèse est une vérité révélée, et la Création du monde selon les Indiens Hopis, un mythe. Mais laissons ces œuvres fondatrices à leurs aristocratiques hauteurs. Elles sont hors de notre sujet.

Un mot, tout de même, des légendes. Elles se distinguent des contes en ce qu’elles s’enracinent généralement dans une réalité historique ou géographique.

Les contes. Les plus connus, les plus estimés aussi, sont les contes dits merveilleux, ceux qui commencent presque toujours par l’intemporel “Il était une fois”. Le Petit Poucet, Cendrillon, Blanche-Neige, Peau d’Âne et bien d’autres sont de ceux-là. D’où viennent-ils ? Qui les a mis au monde ? On n’a, à ces questions, aucune réponse assurée. On sait seulement qu’ils sont universels. Ce ne sont pas des récits réalistes, ils ne s’inscrivent que vaguement dans la réalité des siècles ou des lieux qu’ils traversent. Les fées, les lutins, les animaux doués de parole et autres donateurs plus ou moins évanescents y sont comme chez eux. La présence quasi constante de ces peuples de l’au-delà des apparences suggère que ces récits sont nés de gens pour qui le monde et la vie ne se limitaient pas à nos perceptions raisonnables. Sans doute s’enracinent-ils, pour ce qui concerne notre Occident, dans l’animisme pré-chrétien, qui lui-même se perd dans la nuit des temps.

À l’étage inférieur (mais que valent ces hiérarchies ?) les ethnologues ont coutume de loger les contes facétieux. Ce sont pour la plupart des comédies brèves, des farces. Ils n’ont pas la dimension poétique, universelle des contes merveilleux. Bien que l’on puisse y rencontrer des fées et des sorcières, ils sont plus volontiers ancrés dans la pâte humaine, dans les mœurs populaires. Brigands et sots, rusés, débrouillards, juges, soldats, fermières délurées, tels sont les héros de ces histoires-là. Il est à noter qu’elles véhiculent souvent une sagesse qui pour être rieuse n’en est pas moins, parfois, d’une déconcertante profondeur. D’increvables fous du peuple en témoignent. Jean Bête chez nous, Ch’ra, Hodja, Nasreddin et des dizaines de leurs réincarnations, autour de la Méditerranée, sont les héros d’une folie tant éclairante qu’il s’est toujours trouvé des maîtres éveilleurs pour en faire leur miel.

Dans l’inventaire des spécialistes figurent aussi les contes étiologiques, qui donnent une réponse (le plus souvent plaisante) à la question “pourquoi ?” Pourquoi les choses sont ainsi faites ? Pourquoi est-ce l’homme qui, dans la relation amoureuse, doit faire le premier pas ? Pourquoi les humains portent-ils aux doigts des anneaux sertis de pierres – des bagues ? Pourquoi les chiens se flairent-ils sous la queue ? Il n’est pas de question qui ne doive avoir sa réponse. Il n’est rien qui n’ait sa raison d’être. Voilà ce qu’affirment sur tous les tons ces contes-là.

Il faut également dire un mot des contes d’avertissement. Le Petit Chaperon rouge, dans la version de Perrault (car, pour les versions paysannes, il en va tout autrement) est de ceux-là. La mise en garde qui le conclut est claire : “On voit ici que de jeunes enfants, surtout de jeunes filles belles, bien faites et gentilles font très mal d’écouter toutes sortes de gens, et que ce n’est pas chose étrange s’il en est tant que le loup mange.” Nombre de contes inspirés ou détournés par l’Église décrivent le sort effrayant réservé aux mauvaises gens qui négligent la messe ou les fêtes sacrées. Les contes d’avertissement sont les seuls qui finissent mal. En vérité, si cette pédagogie de la peur qu’ils mettent en œuvre peut être, en certains cas, défendable, voire nécessaire, on voit où peut mener l’utilisation qui en a été faite par les pouvoirs religieux ou politiques.

Restent les contes paillards, dits poliment licencieux, beaucoup moins anodins qu’il n’y paraît, dont je ne dirai rien ici. Nous les aborderons plus tard.

Le conteur. Paul Zumthor dit de lui dans son Introduction à la poésie orale qu’il est un ‘pré-littéraire’. […] le conteur est un Ancien. Non pas nécessairement un vieil homme, mais un être qui se souvient des racines. Un passeur de sève. Un serviteur de la vie, de cette force désirante qui pousse sans cesse à franchir un jour de plus, une nuit de plus.

Je l’ai déjà dit, et j’insiste : les contes sont d’abord les véhicules d’une nourriture, et non pas seulement d’informations plus ou moins ethnologiques, de naïvetés primitives ou de recettes psychologiques. On peut bien sûr les analyser, les interpréter, tenter de découvrir “ce qu’ils ont dans le ventre”. On ne s’en prive d’ailleurs pas. C’est là une démarche d’intellectuel, évidemment honorable et utile, mais elle a le défaut de trop souvent négliger cela, que ces vieilles histoires ne sont pas faites pour informer, même pas pour instruire, mais pour nourrir. […] Les contes veulent être mangés, béatement, et donner ce pour quoi sont faits les aliments : de la force, de la vie. J’admets que l’on veuille savoir comment ils font, comment ils s’y prennent, et qu’il soit frustrant de l’ignorer. On peut pourtant aller à leur rencontre par d’autres chemins d’exploration. Ceux-là laissent, certes, l’intellect insatisfait, mais l’intellect n’emplit pas à lui seul la maison du dedans.

Nous hébergeons aussi une intelligence sensible, amoureuse, joueuse. Ce n’est pas sérieux? Admettons. J’invite seulement à réfléchir un instant à ce que l’on demande vraiment quand on exige “du sérieux”. Ne serait-ce pas quelque chose qui ressemble à une garantie contre l’errance, à une assurance tous risques ?

L’intellect voudrait que la vie ne soit qu’une énigme, alors qu’elle est un mystère. On peut résoudre une énigme, la vaincre et ne laisser qu’une rassurante lumière, là où étaient des ombres. On ne peut qu’explorer un mystère, sans espérer l’abolir. Explorons donc.

[…] J’ai parlé tout à l’heure du fatum librorum romain, du destin des œuvres. Ne faut-il pas qu’elles soient douées de vie, de force, pour trouver leur chemin vers ceux qu’elles doivent nourrir? Ne faut-il pas qu’elles soient quelque peu parentes de la touffe d’herbe qui parvient au jour malgré l’obstacle du béton ?

[…] En vérité, à l’énormité de nos terreurs, à la dimension de nos diables, nous pouvons exactement mesurer la somme d’énergie enfermée là, et gaspillée en pure perte.”

Henri Gougaud


Il était une fois un jeune homme amoureux de la fille de son patron. Il n’avait rien, elle avait tout.
– Que puis-je t’offrir, mon aimée ?
– La seule chose qui me manque : la Vérité, répondit-elle. Cherche-la pour l’amour de moi, trouve-la, reviens me la dire et je suis à toi pour toujours.
Le garçon s’en fut à l’instant. Par monts, par vaux et par villages il demanda aux arbres, aux gens, aux ermites, aux fous, aux savants, aux fleuves, aux nuages passants :
– Avez-vous vu la Vérité ? Dans quel pays habite-t-elle ? Où pourrais-je la rencontrer ?
Personne ne sut lui répondre. Certains lui dirent qu’autrefois, dans telle forêt, telle ville elle était un jour apparue, mais elle s’était enfuie trop vite, on ne savait où, sous quel vent. Il chercha des mois, des années, il chercha jusqu’aux cheveux blancs, jusqu’à toute semelle usée. A bout de courage et d’espoir il s’assit devant une grotte, un soir, à la cime d’un mont, et n’attendit plus que la mort. Alors il entendit du bruit sous la voûte de la caverne. Il se dressa, franchit le seuil, flairant l’ombre, l’œil aux aguets. Il demanda :
– Y a-t-il quelqu’un ?
Il devina, dans la pénombre, une silhouette de femme. Il s’approcha, et que vit-il ? Une vieille hideuse, édentée, couverte de haillons puants.
– Aide-moi, femme, par pitié. Depuis ma lointaine jeunesse je cours après la Vérité.
– Tu l’as trouvée, lui dit l’ancêtre. Celle que tu cherches, c’est moi.
Elle lui en donna mille preuves. Elle savait tout de lui, du monde, des étoiles, des océans. Quand elle eut parlé, l’homme dit :
– Que veux-tu que j’apprenne aux hommes et à mon aimée de ta part ?
La tête basse elle répondit :
– Dis-leur que je suis jeune et belle. Par pitié pour eux et pour moi, dis-leur de me chercher toujours.

Henri Gougaud


Paramour (SEUIL, 1998)

Avant que la peste n’arrive à Avignon, je croyais ma mère immortelle. Dieu la garde, je ne me souviens pas de son visage éteint […]. En vérité, nous soupçonnons parfois notre mémoire d’enchanter faussement le passé, alors qu’elle est fidèle à ce qui fut, et que seules sont trompeuses les mélancolies qui nous font douter d’elle…

Extrait de Paramour

EAN 9782020307413

Gougaud est un conteur généreux et terrestre (même si le narrateur du roman en appelle à son Dieu après chacune des aventures qui ponctuent son parcours initiatique). Il souffre bien sûr de cette terrible maladie des romanciers français, une fois qu’ils se mettent en tête de faire médiéval en usant d’une langue pseudo-archaïque (a-t-on déjà vu déjà vu des manants du XIVe, en guenilles et poursuivis par la Peste Noire en Avignon, user de subjonctifs imparfaits ?). Reste que les pérégrinations de Mathieu le Tremble et de ses deux compagnons d’infortune font viatique à une lecture faussement innocente : la fuite des trois larrons devant l’épidémie noire et la folie des hommes qu’elle provoque, se mue assez vite en une initiation profondément ancrée dans la Terre. La Lumière ne vient pas toujours d’où on l’attend et Mathieu le rétif, d’abord raide de ses croyances, va découvrir par l’Expérience combien “les plus hautes figures de l’âme ne sont pas des juges mais des amants” (Gougaud). On pense plus au Nom de la Rose qu’au Sacré Graal pour l’ambiance, on respire plus l’air d’un Giono que d’un Ken Follett : le ton est au conte et à une prédication (presque) païenne qui n’aurait pas mis Starhawk en colère… Bref, belle lecture : il y a un avant et un après. Que désirer d’autre ?

Patrick Thonart

Henri Gougaud © lamontagne.fr

“L’une des plus terribles catastrophes de l’Histoire, voir la plus grande, est celle de La Peste Noire qui sévit à partir de 1347 à Marseille (les responsables du port avaient accepté un bateau génois porteur de la maladie). En 1948, elle atteint Avignon, la Cité papale, que les chrétiens visitent en nombre et propageront le fléau partout en Europe. La médecine du 14ème siècle est impuissante. On imagine que la maladie est liée à la nourriture ou à l’air. Certains aliments faciles à pourrir, comme le poisson, pourraient infecter l’estomac et les intestins. Le climat humide, l’air circulant au-dessus des marais, les vents du sud, les fumées ou mêmes le souffle des malades ont été considérés comme particulièrement dangereux et contaminants. C’est pourquoi, les médecins prenaient le pouls de leurs patients, de derrière.”

Source : lachezleswatts.com


Boris CYRULNIK, dénonciateur de la “confortable servitude” dans Le laboureur et les mangeurs de vent (2022), n’aurait pas renié l’extrait suivant, où un bouteur de bûchers pour impies explique sa déraison. L’histoire écrite par Gougaud se déroule au XIIIe siècle, bien entendu…

Je ne me suis pas méfié de la malignité des mots. Il est simple de s’enfermer dans une prison de paroles. Il suffit que soit admiré le grand homme qui nous les dit. Tout s’ordonne, alors, comme il veut. Nous faisons nôtres ses désirs, nous dressons nous-mêmes les murs qui nous séparent de nos âmes et nous nous retrouvons un jour à creuser des fosses communes en croyant servir le Dieu bon. J’ai défriché le champ de ma mère l’Eglise, c’était la mission confiée. Les êtres m’étaient étrangers autant que les gens de la lune. Nous n’étions pas, en ce temps-là, de même bord, de même chair, ils n’étaient rien que mauvaise herbe.

L’enfant de la neige (2011)


EAN 9782020301053

[LIBREL.BE] Luis A. est né en Argentine. Avant de quitter ce monde, sa mère, une indienne Quechua, lui a légué un savoir millénaire. Est-ce pour la retrouver que Luis, très jeune, est parti sur les routes ? L’initiation commence dans les ruines de Tiahuanaco, où l’adolescent fait la connaissance d’El Chura, chaman, homme au plumage de renard. Celui-ci lancera son disciple à la recherche des sept plumes de l’aigle, des septs secrets de la vie. Cette rencontre en entraînera d’autres : celle du gardien du temps, du vieux Chipès, de doña María, de l’amour, qui est le premier mystère du monde. Luis A. n’est pas un personnage de roman. Cette quête étrange, tourmentée, d’un savoir et d’une lumière, a bien eu lieu, un jour – une fois -, entre la Sierra Grande, les ruelles de La Paz et le plateau de Machu Picchu.

– Chura, que s’est-il passé ?
– Quand tu es sorti de ta conscience carrée, tout à l’heure, ton corps a rencontré le monde, et le monde a rencontré ton corps. Tu es entré dans cette belle histoire d’amour que tu m’as racontée un jour, tu te souviens ? Le monde a dit à ton corps : “Qui est là ?” et ton corps ne lui a pas répondu : “C’est moi.” Il lui a répondu : “C’est toi-même.” Ton corps a reconnu les frémissements de la Terre, parce que les frémissements de la Terre sont aussi les siens. Ton corps a reconnu la danse des atomes de la Terre, parce que les atomes dansent en lui pareillement. Ton corps a rejoint sa famille, Luis.
– C’est cela, le sentir ?
– Oui. II ne peut s’allumer que si la conscience carrée se repose.
– Pourquoi la conscience carrée est-elle l’ennemie du sentir, Chura ?
– Elle n’est pas son ennemie. Elle est simplement un autre lieu de nous-mêmes. Elle est d’un autre usage. La conscience carrée est très utile pour fabriquer des trains, des routes, des avions, des villes, des médicaments, des canapés, des systèmes increvables. Mais elle est ainsi faite qu’elle ne veut pas goûter, elle veut comprendre. Elle ne veut pas jouer, elle veut travailler. Elle ne veut pas de l’inexprimable, elle veut des preuves. Elle ne veut pas être libre, elle veut être sûre. Elle doit être respectée, elle a des droits, et des pouvoirs. Mais veille à ne pas lui laisser tous les droits, ni tous les pouvoirs. Veille à ce qu’une porte reste toujours ouverte dans un coin de ta conscience carrée. Il faut que tu puisses sortir dans le jardin. C’est là qu’on se retrouvera, Luis, quand tu auras envie de ma compagnie. Dans le jardin.

II s’est levé, et nous sommes allés parmi les ruines, comme nous le faisions tous les soirs. […]

J’ai insisté mais elle m’a laissé seul avec mon inquiétude que je n’arrivais plus à dire. Il est si difficile d’accepter l’inconnu ! Nous avons tous en nous un tyran pointilleux qui tient pour inventé, donc pour inadmissible, ce qui ne peut être expliqué. Il est même certaines gens qui exigeraient, si leur venait un ange, une plume de son aile pour l’encadrer dans leur salle à manger ! Au-delà de ce que l’on croit réel et de ce que l’on suppose imaginaire est pourtant la porte la plus désirable du monde, je sais cela aujourd’hui. Elle s’ouvre sur le jardin de la vie, que les affamés de preuves ne connaîtront jamais. […]

– Apprenez-moi, senior Juarès.
– Non, Luis, tu dois apprendre seul désormais. Observe-toi. Observe les gens, quand ils se parlent, ils tentent de capter, dans les moindres regards, un peu plus de vigueur, un peu plus d’existence. Ils se grignotent. Par séduction, par ruse ou par violence. ils se volent à tout instant des forces. Pourquoi font-ils cela ?
– Parce qu’ils ignorent l’Autre, le Vivant qui pourrait leur donner tout ce dont ils ont besoin s’ils le laissaient entrer. Mais ils ne peuvent pas le laisser entrer, ils n’ont pas ce trou que je me sens, au sommet du crâne.
– Ton appel dans la maison hantée a ouvert le passage entre le Vivant du dehors et le Vivant du dedans. Tu peux donc sortir de la ronde des voleurs, Luis. A partir de maintenant, tu ne dois plus chercher ton bien chez tes semblables. Appelle. Ce qu’il te faudra te sera aussitôt donné. El Chura t’a appris l’art de l’aigle, qui te permet de n’être pas pillé. Tu viens d’apprendre seul à n’être pas un brigand. Hé, si tu continues, tu deviendras peut-être un homme véritable…

Les sept plumes de l’aigle (1995)


[INFOS QUALITE] statut : révisé et augmenté | mode d’édition : rédaction, partage, édition et iconographie | sources : henrigougaud.com ; carnets nord ; seuil ; lachezleswatts.com | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : ©  BnF ; © lamontagne.fr ; .


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CREHAY, Jules (1858-1934) : pièces de théâtre en wallon

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Membre d’une illustre dynastie spadoise d’artistes et d’artisans, Jules Crehay demeure cependant fort peu connu. Troisième fils de Gérard-Jonas Crehay (les deux premiers étant Gérard-Antoine et Georges, le quatrième Maurice), il n’atteint pas la renommée de son père ni de ses frères aînés. Né à Spa, le 9 décembre 1858, sa biographie reste lacunaire ; on sait qu’il a été élève de l’Ecole de Dessin (cours supérieur et cours d’application), mais on ignore en quelle année. Artiste peintre et publiciste, il a également été secrétaire du Casino.

Le 27 mai 1884, il épouse Marie-Antoinette Baudinet dont il aura deux enfants : Marcel (1884) et Jules Marius (1888). En 1914, lors du séjour à Spa du Kronprinz, les Allemands exigent des otages afin de garantir sa sécurité. Ceux-ci sont tirés au sort, deux par deux et pour une durée de vingt-quatre heures. Jules Crehay fait partie du lot. Tout au long de sa vie, il se partagera entre ses deux passions: la peinture et l’écriture. Il meurt à Spa, le 24 mai 1934, à l’âge de septante-cinq ans.

Son œuvre picturale reste à découvrir : le Musée de la Ville d’Eaux ne possède aucun tableau de sa main. Sans doute un certain nombre d’oeuvres est-il resté dans la famille ; de plus, en ce qui concerne la décoration des Bois de Spa, les boîtes ne sont généralement pas signées. Dans le domaine de l’écriture, Jules Crehay publie en 1889, dans L’Avenir de Spa, un article intitulé “De l’organisation des Ecoles de Dessin et de Peinture au point de vue des industries locales”.  Il y critique de manière assez virulente l’enseignement artistique prodigué alors à Spa, lui reprochant notamment de ne pas répondre aux besoins de l’artisanat local et d’avoir des visées trop artistiques. Il s’exprime en ces termes: “Il (l’enseignement) ne doit pas vouloir faire des artistes, mais bien de bons dessinateurs ; l’enseignement aura atteint le summum de ce qu’il doit donner, s’il forme, de plus, d’habiles coloristes pour l’industrie spéciale des ouvrages de Spa.”

Jules Crehay, “Vue de Spa depuis le chemin Henrotte”

Mais c’est l’œuvre de Jules Crehay, auteur wallon, qui, en définitive, a le mieux assuré sa postérité. En fait, il existait un précédent, en matière de théâtre dialectal, dans la famille Crehay. En effet, Albin Body rapporte que, durant l’hiver 1865-1866, une société s’était formée “A l’effet de représenter les chefs-d’œuvre dramatiques écrits dans notre pittoresque patois.” Cette société a joué pendant trois hivers, soit jusqu’en 1868, et recruté de nouveaux membres avant d’aborder le répertoire français. Parmi ceux-ci, un Crehay, sans aucune précision de la part d’Albin Body. Il ne peut évidemment s’agir de Jules, alors âgé d’à peine dix ans, mais le fait que l’on retrouve dans cette société trois membres de la famille Istace à laquelle Gérard-Antoine (né en 1844) s’est justement allié en 1866 pourrait laisser supposer qu’il s’agit de ce dernier.

Quoi qu’il en soit, deux pièces de Jules Crehay sont parvenues jusqu’à nous et sont conservées à Liège, à la Bibliothèque des dialectes de Wallonie. Il s’agit de On mais’cop d’fier (non daté) et de On mariège èmakralé (1891). Publiée à Spa, par l’imprimerie Engel-Lievens, On mais’cop d’fier n’est donc pas datée. Le fait qu’Albin Body ne la mentionne pas dans Le Théâtre et la Musique à Spa peut donner à penser qu’elle est postérieure à la date de l’achèvement de cet ouvrage, soit 1884 (publication de 1885). D’autre part, la pièce est plus courte, moins achevée que On mariège èmakralé ce qui peut passer pour caractéristique d’une œuvre de jeunesse et la daterait des alentours de 1885-1890.

“Comèdèe en ine acte avou des tchants”, On mais’cop d’fier compte six personnages: Bietmé (Barthélemy), le chapelier (“tchaplî”) ; Marèe, sa femme ; Houbert, le frère de Marèe ; Hinri, le locataire de Bietmé ; un agent de police et un touriste anglais. Houbert vient rendre visite à son beau-frère, Bietmé, afin qu’il “donne on cop d’fier” à son chapeau qui n’est plus très présentable (il doit se rendre à un baptême). Bietmé, comme à son habitude, remet à plus tard son travail pour se rendre au café. Marèe le lui reproche, mais il prétend y traiter des affaires: “J’y vind ciet’pus d’tchepais ki ji beus’du verres !” Après le départ de Bietmé, son locataire, Henri, reste seul dans le magasin. Arrive un Anglais avec lequel il a justement eu maille à partir peu de temps auparavant et dont il a écrasé le chapeau d’un coup de poing. Henri s’éclipse, l’Anglais entre dans la boutique, s’étonne de n’y voir personne, découvre le chapeau de Houbert qu’il trouve à son goût ; il l’emporte et abandonne le sien, se promettant de revenir payer plus tard.

De retour du café, Bietmé s’étonne de l’état de ce qu’il croit être le chapeau de Houbert: “On cop d’fier a ine parêe klikotte ! Ca sereut piette su timps ! Ottant voleure rustinde li sofflet d’ine armonika !” Entre un agent qui demande à Bietmé où se trouve le propriétaire du chapeau car il est accusé d’avoir assassiné sa femme et d’avoir caché son corps dans une malle. Bietmé est consterné, croyant qu’il s’agit de Houbert. Marèe revient, après le départ de l’agent, et Bietmé ne sait comment lui annoncer que son frère est un meurtrier. Elle fond en larmes tandis qu’apparaît justement Houbert. S’ensuit un quiproquo émaillé de jeux de mots: Bietmé : “Allons, fré ! …ni blangans nin ! … vos esté d’couvrou !” Houbert : “Awet ! Jè l’sé. C’est bin po çoulà ki j’vins r’kwéri m’tchapai !” Tout s’arrange lorsque l’agent confesse s’être trompé : il n’y a pas eu de meurtre, la femme trouvée dans une malle était une attraction foraine. Bietmé s’étonne alors auprès de Houbert de l’état de sa buse, Houbert découvre qu’il ne s’agit pas de la sienne. Arrive l’Anglais qui vient payer son chapeau. Après quelques discussions, Houbert finit par récupérer le sien et part au baptême tandis que Bietmé va fêter cela au café. On le voit, l’ensemble est fort pauvre, souvent cousu de fil blanc et dépasse rarement le niveau des spectacles de patronage.

Gérard Jonas Crehay, “Ferme à Berinzenne”

On mariège èmakralé est, en revanche, plus dense et plus intéressante : “Comèdeie ès treus ack, avou dè chant, da M. J.Crehay. Riprésintèe po l’prîmi co à Spa li 31 dès meu d’Mâss’ 1891, par li Section dramatique dê Cerk artistique ès littéraire di Spa”, l’œuvre a été publiée la même année, à Liège, par l’imprimerie Camille Couchant. Mieux écrite, mieux construite, la pièce présente également des personnages à la psychologie mieux définie qui constituent des charges assez réussies. En outre, elle fait intervenir un élément des croyances locales: les macrales et leur ennemi, le “macrê r’crêyou” ou “r’crêyou macrê”, c’est-à-dire le sorcier repenti, spécialiste du désenvoûtement. Le décor est planté par Jules Crehay dans un village d’Ardenne, en voici les acteurs : Colas, le fermier (“sincî”) ; Houbert, son fils ; Rokèe (Jules Crehay attribue à son personnage, qui ne dédaigne pas la bouteille, un nom désignant une petite mesure de genièvre – une rokèye), le “ricrèou makrai” ; Madame Picolet, bourgeoise de Liège, au sujet de laquelle Jules Crehay précise que “ce rôle doit être tenu par un homme” ; Ludwige, sa fille ; Trinette, la servante de la ferme.

Colas accourt, au lever de rideau, effrayé et en colère. Il appelle Houbert et Trinette pour leur annoncer que la “makrale” lui a encore volé six œufs. Elle s’était déjà manifestée à son encontre, la veille. Trinette propose à Colas de marier son fils pour conjurer le mauvais sort: “Ki n’marièf’ Houbert ? Vos savez k’tant k’Houbert serè jône homme les makrales habit’ront l’since…” En fait, Trinette et Houbert se marieraient volontiers, mais Colas voit d’un mauvais œil son fils, héritier de la ferme, épouser une fille sans dot. Il compte plutôt sur Rokèe pour maîtriser la “makrale”.

En effet, il attend la visite d’une amie d’enfance, Madame Picolet, à qui son époux, en mourant, a légué une belle fortune et qui a une fille de l’âge de Houbert. Appelé par Trinette, Rokèe vient proposer ses services et part à la chasse aux “makrales” avec Colas. Après leur départ, Trinette confesse au public que c’est elle qui fait la “makrale” : elle vole les oeufs et les donne à Rokèe ; en échange, celui-ci soutient à Colas que le seul moyen d’en finir est de marier Houbert. L’arrivée de Madame Picolet risque de compromettre son plan, mais Trinette n’est pas disposée à se laisser faire.

De· retour, Colas explique à Houbert ses projets de mariage le concernant, puis il part à la rencontre de la diligence venant de Liège et revient avec Madame Picolet et sa fille, Ludwige. Celle-ci est le seul personnage de la pièce à s’exprimer en français, ainsi que le fait remarquer Colas :  “Elle jas, Mme Picolet, comme ine avocat, voss’demoiselle. Ji sèreus kasi bin honteux dè springlé noss’ vix patwet po l responte !” Mme Picolet: “Awet, Colas, elle ni pous s’habituer à jaser l’wallon. I fât l’excuser. Es d’ine ôte costé, c’est meyeu po ses cours…” Colas est abasourdi d’apprendre qu’elle étudie la médecine à l’Université (“Est-ce qui les feumes fiè l’docteur astheur !”) et fait remarquer qu’il doit être bien agréable de se faire soigner à Liège.

Trinette entre dans la pièce, sous un faux prétexte, pour voir les nouvelles arrivantes. Ludwige l’interroge et la traite avec condescendance. Trinette se met en valeur, rabaissant Colas et Houbert, avant de dévoiler l’existence de la “makrale” : espérant effrayer les visiteuses. Au contraire, Ludwige s’en réjouit (“Oh ! délicieux ! adorable ! la naïveté villageoise existe donc encore ?”). Elle demande plus de détails à Trinette qui l’invite à questionner Houbert. Ce dernier arrive précisément avec son père. Colas présente les jeunes gens l’un à l’autre et, sous prétexte de faire visiter la ferme à Madame Picolet, les laisse seuls. Houbert entreprend sa cour et, impressionné, essaye de parler français, mélangeant pitoyablement les deux langues : “Ma foi jè troufe què vous avez un trop malahî nom à dire.”

Trinette entr’ouvre la porte pour les observer et entend Houbert déclarer sa flamme à Ludwige qui joue le jeu. Trinette est bien décidée à se venger ; sur ces entrefaites, Colas et Madame Picolet reviennent. Ludwige supplie Colas de lui raconter l’histoire de la “makrale”. Embêté, celui-ci promet de le faire durant le souper. Les deux invitées regagnent leur chambre pour se préparer à une promenade. A sept heures et demie du soir, Trinette a dressé la table pour le souper, mais les promeneurs ne sont pas encore revenus. Elle en profite pour échafauder un plan avec Rokèe, destiné à faire fuir les intruses.

Durant le repas, Trinette cherche à dégoûter les deux femmes, tandis que Rokèe, légèrement éméché, jette de l’huile sur le feu. Les invitées se retirent dans leur chambre. Rokèe fait alors observer à Colas que l’on est la nuit du jeudi au vendredi (“Komprindéf, verdi, li jou des makrales !”). Colas s’inquiète aussitôt de ce que les “makrales” puissent tourmenter ses invitées. Rokèe se propose de rester là toute la nuit pour monter la garde. Il met un plan au point : lorsqu’il sifflera, Houbert et Colas devront arriver avec leurs cannes de néflier (“mespli”) et frapper de toutes leurs forces sur la “makrale” qu’il aura préalablement domptée avec sa formule magique.

Resté seul, Rokèe se déguise en “makrale” et attend que les femmes se relèvent, chose qui ne saurait tarder car Trinette a placé des fourmis dans leur literie. En effet, Madame Picolet entre dans la pièce ; elle trébuche contre une chaise, tombe. Rokèe en profite pour l’affubler de la coiffe de “makrale”, donne le coup de sifflet convenu et s’enfuit par la fenêtre. Colas et Houbert accourent aussitôt avec leurs cannes et rouent Madame Picolet de coups, croyant s’en prendre à la “makrale”. Ludwige arrive et leur enjoint d’arrêter, ayant reconnu sa mère. Madame Picolet écume de rage et injurie ses hôtes: “(…) vos estez deux fîs sots… deux sots, ko pu sots k’les sots k’on mine à Lierneux !” Elles s’en vont aussitôt, malgré les suppliques de Houbert et Colas. Rokèe revient innocemment. Colas et Houbert lui racontent leur tragique méprise, mais Rokèe, astucieusement, l’explique comme étant un mauvais tour joué par la “makrale”. Il insiste sur la nécessité de marier Houbert au plus vite pour mettre fin à ses agissements, avant qu’elle ne devienne encore plus agressive. Colas consent alors au mariage de Houbert et Trinette, dans sa générosité, il cède même la ferme à son fils et l’histoire finit par une chanson.

Si l’on note, à la lecture de ces deux pièces, une différence de qualité, on constate également des variantes dans l’orthographe des mots (“comèdèe / comèdeie ; tchants / chants”…). C’est la preuve, si besoin en était, que la vocation de la langue est avant tout d’être parlée, mais également que ces œuvres ont été rédigées avant la généralisation du système de transcription du wallon, proposé par Jules Feller en 1900. Tout comme pour la peinture, ces deux œuvres ne fournissent vraisemblablement qu’une connaissance lacunaire de la production de Jules Crehay auquel on attribue également l’écriture de poésies.

L’œuvre de Jules Crehay n’est pas celle d’un grand auteur, pas plus qu’elle n’est celle d’un grand peintre. Elle est néanmoins intéressante dans la mesure où elle constitue le témoignage d’une époque en un lieu donné. Sortir de l’oubli l’œuvre dialectale de Jules Crehay, c’est aussi contribuer à garder vivante la mémoire du wallon et former le vœu que plus personne ne prononce la réplique de Colas : “Ji sèrous kasi bin honteux dè springlé noss’ vix patwet.”

Philippe Vienne


[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : rédaction | commanditaire : wallonica | contributeur : Philippe Vienne | crédits illustrations : © Philippe Vienne | cet article est une version remaniée et augmentée d’un article publié dans Histoire & Archéologie spadoises n°75 (1993), où l’on trouvera les notes et références bibliographiques.


Plus de littérature…

SOCIALTER.ORG : Starhawk, l’enchanteresse

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SOCIALTER.ORG. Nous sommes en 1981, deux ans seulement après l’accident nucléaire de Three Mile Island (Pennsylvanie). L’opposition au nucléaire bat son plein aux États-Unis. Miriam Simos, alias STARHAWK, 30 ans, prend part au blocus de Diablo Canyon, en Californie, où la Pacific Gas & Electric Company entend construire une centrale. La jeune femme organise des cercles –rythmés par des chants, danses, prises de parole et incantations– où se réunissent les manifestantes. Un rituel, néopaïen, dont Starhawk a déjà esquissé les bases dans un livre, The Spiral Dance. A Rebirth of the Ancient Religion of the Great Goddess (1979). Cette expérience de Diablo Canyon lui fait prendre toute la mesure du pouvoir-du-dedans et du potentiel de la pratique du travail spirituel.

Pour Starhawk (faucon étoilé en français), le système politique, économique et social, et cette civilisation patriarcale qui dévaste la planète sont marqués par la ‘mise à distance’ de nos émotions, de nos sensibilités – rupture du lien entre l’esprit et la chair, la nature et la culture, l’homme et la femme. “Dans ce monde vide, écrit-elle dans Rêver l’obscur, son opus le plus influent publié en 1982, nous ne croyons qu’à ce qui peut être mesuré, compté, acquis.” Ce système témoigne du pouvoir-­sur, un pouvoir de domination, d’anéantissement auquel s’oppose donc le pouvoir-du-dedans qui réintègre l’humain dans la nature, le féminin dans le masculin, et réciproquement. Soit une “attention au monde, et à ce qui le compose, un monde vivant, dynamique, interdépendant et interactif, animé par des énergies en mouvement  : un être vivant, une danse serpentine .”

Ce travail de soin passe selon Starhawk par une pratique spirituelle inspirée par la Wicca dianique : une résurgence des religions primitives, une sagesse ancienne marquée par son organisation non hiérarchique et la liberté de ses pratiques. L’idée, précisément, est de rompre avec les grands monothéismes dont la spiritualité –confisquée par le patriarcat– est dogmatique, descendante, antinaturaliste, faisant des femmes des pécheresses et mettant en scène un Dieu masculin, blanc et dominateur. “Il est clair, écrit Starhawk, que quand je dis Déesse […] je ne suis pas en train de proposer un nouveau système de croyance. J’entends opter pour une attitude : je propose d’appréhender le monde, les gens et les créatures qui l’habitent comme sens principal et but de la vie, de voir le monde, la terre et nos vies comme sacrés.

La spiritualité est une ressource politique qui permet de se donner de la foi, de l’espérance, de resacraliser la nature. Le premier travail se fait par le verbe. Au sein d’un cercle, on nomme ses peurs. Rêver l’obscur, pour ne pas se laisser dévorer par lui. Refuser le désenchantement du monde, l’impuissance et le désespoir. La seconde étape de la magie des sorcières, termes qu’utilise et revendique Starhawk, est ensuite de ‘créer une vision‘, de nommer ce que l’on souhaite voir advenir. La magie est précisément cet art de changer les consciences à volonté. Le terme sorcière, lui, permet de s’identifier aux victimes de la misogynie et de la persécution religieuse, et de rendre aux femmes le droit d’être fortes et puissantes. Créer une vision doit ensuite donner le courage de changer le monde et de se diriger vers une société où les activités de création et de pouvoir seraient ouvertes à tous et toutes sans distinction de genre, où le travail serait utile socialement et non pas seulement source de profits.

© socialter.org

Parler d’écoféminisme spiritualiste, comme on le fait souvent pour qualifier la pensée de Starhawk, serait néanmoins une expression trop restrictive tant elle défie toute catégorisation et ne manque jamais de tourner en dérision ses propres pratiques magiques. Sorcière néopaïenne, altermondialiste, psychothérapeute, formatrice en permaculture… son éclectisme et sa volonté de “fabriquer de l’espoir au bord du gouffre” ont fait d’elle une penseuse écoféministe et une militante très influente.

Pouvoir-du-dedans

Par opposition au pouvoir-sur  (le pouvoir de domination et de destruction patriarcal qui a marqué la modernité), le  pouvoir-du-dedans est entendu comme capacité d’agir. Qu’il soit nommé esprit ou immanence, il est une attention au monde, appartenance à un tout, interconnexion avec l’ensemble du vivant : la volonté de recréer une unité.

Cercle

Le cercle est le lieu où se pratique la magie des sorcières, où l’on nomme ses peurs et où se crée une vision. Il est un espace à la fois politique –dans la mesure où il s’agit de s’organiser collectivement, de manière horizontale, non hiérarchique– et métaphysique. Il est évidemment ici question de se reconnecter avec la temporalité cyclique de la nature, de rompre avec le temps linéaire imposé par la modernité occidentale. D’accepter sa mortalité, sa modeste place dans un grand processus circulaire.

Biographie
  • 1951 – Miriam SIMOS, alias Starhawk, naît à Saint-Paul (Minnesota, États-Unis).
  • 1979 – Parution de The Spiral Dance. Le livre devient rapidement un classique du néopaganisme et de l’écoféminisme.
  • 1981 – Blocus du chantier de construction de la centrale nucléaire de Diablo Canyon, sur la côte californienne. Une opération organisée par le collectif Abalone Alliance, mouvement antinucléaire d’action directe, non violent, anarchiste et féministe.
  • 1982 – Parution de Rêver l’obscur. Femmes, magie et politique. Starhawk politise sa pratique de la magie.
  • 1999 – Elle prend part aux manifestations de Seattle contre la mondialisation, lors du sommet de l’OMC, et s’engagera dans les luttes altermondialistes. Ses écrits sont compilés dans Chroniques altermondialistes. Tisser la toile du soulèvement global. L’ouvrage dont ces chroniques sont tirées est paru en anglais sous le titre Webs of Power. Notes from the Global Uprising.”

Fabien BENOIT


S’engager et débattre…

Remèdes populaires wallons & remèdes de “bonne femme”

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Arbre à clous de Herchies (Jurbize) © Gregory Mathelot

“Jadis, dans les milieux populaires, l’homme confronté à la maladie essaye d’abord de la combattre seul. S’il n’y parvient pas, il fait appel aux remèdes de bonne femme, il va aussi en pèlerinage vénérer des reliques de saints spécialisés. En dernier recours, il demande l’aide du médecin.

Au début du siècle, même en 1940, les parents craignaient pour leurs enfants les “convulsions“. Elles étaient fréquentes chez les enfants affaiblis au cours de maladies infectieuses.

Convulsions : ce sont des contractions violentes, involontaires qui donnent lieu à des mouvements saccadés. Maladies convulsives : chorée (ou Danse de Saint Guy) – épilepsie.

Pour les éviter, des parents faisaient porter à leurs enfants un collier fait de graines ou de racines de pivoine. Celles-ci devaient être récoltées par une nuit sans lune.

Comme le traitement de ces plantes n’apportaient, au mieux qu’une amélioration passagère, les croyants priaient les saints pour obtenir une guérison définitive. En Wallonie, on implorait saint Ghislain. Dans le nord du pays, on demandait plus particulièrement la protection de saint Corneille.

Une coutume qui se retrouve encore dans le choix des prénoms des enfants, afin de les protéger des convulsions : Fabienne, Blanche, Lucienne, Ghislaine.

Des guérisseurs pour éviter les convulsions, recommandaient des infusions de fleurs de la passion, de fleurs de thym serpolet ou de racines séchées de pétasite.

Pétasite : genre de composées, comprenant des herbes européennes, vivaces, à grandes feuilles radicales et à panicules de fleurs blanches ou rouges, dont certaines rappellent le parfum de l’héliotrope.

Catherine Seret

Certains guérisseurs prescrivent des tisanes, des pommades ou liquides à diluer dans une boisson. Au siècle dernier, Catherine Seret, de Sur-les-Bois, met au point quelques onguents et eau “améliorée”. La légende veut que les premières expériences aient lieu vers 1830, lorsqu’un médecin des armées napoléoniennes confie l’incroyable secret à la jeune Catherine. Très vite, la réputation des produits dépasse largement le cadre du petit village hesbignon, on se déplace de loin pour s’en procurer. Encore aujourd’hui, l’eau et les pommades de Catherine Seret ont leurs adeptes.

Pour les ophtalmies, certaines maladies cutanées on s’adresse à sainte Geneviève. Etre atteint du mal sainte Geneviève, c’était avoir des plaies au visage. Pour les faire disparaître, on allait chercher de l’eau à la fontaine de Sainte Geneviève à Strée-lez-Huy et l’on faisait des compresses avec cette eau. Il se formait des croûtes qui tombaient toutes seules sans laisser de traces.

A Florée (Assesse) il existe également une source dédiée à Saint Geneviève réputée pour soigner les maladies de la peau, l’impétigo par exemple.

Le saindoux est utilisé pour guérir des angines : “J’ai guéri mon fils d’une angine très grave avec du saindoux. Je lui ai fait un papin de saindoux, un essuie de cuisine et une écharpe autour du cou. Je l’ai renouvelé deux fois par jour et le troisième, mon gamin était guéri.” D’autres se souviennent que c’était non avec du saindoux mais avec du lard gras non salé que les gorges enflammées avaient été guéries.

Pendant la guerre, en hiver, pour prévenir la toux, des parents préparent du sirop de betteraves : “La betterave était brossée, évidée et l’on mettait dedans du sucre candi. La betterave était placée près d’une source de chaleur, le sucre fondait et chaque soir avant d’aller dormir, nous pouvions en prendre une cuillère“. [QUENOVELLE.BE]


Les extraits : pour et contre…

D’après le CNRTL (Centre national de ressources textuelles et lexicales), EXTRAIRE signifie, entre autres :

Séparer une substance du corps auquel elle appartient, par divers procédés mécaniques ou chimiques. Extraire la quintessence de… “En 1816, Sertürner découvrit que l’on pouvait extraire de l’opium une substance cristallisée, la morphine” (Berthelot, Synth. chim., 1876, p. 116). “Les éléments utiles [du malt] ne sont pas pour la plupart à l’état soluble et il faut, pour les extraire, les solubiliser sous l’action des diastases” (Boullanger, Malt., brass., 1934, p. 217). “Pratiquement, les matières sucrées du commerce sont extraites des sucs de quelques plantes seulement, par pression, par diffusion ou même par incision ou saignée de la plante” (Brunerie, Industr. alim., 1949, p. 23). “Les substances à éliminer peuvent se classer en deux catégories : les matières solubles ou susceptibles d’être extraites par rinçage, c’est-à-dire la boue, le sang, les matières protéiques interfibrillaires, les sels de conservation, la crotte, etc., (…) − et les matières insolubles…” (Bérard, Gobilliard, Cuirs et peaux, 1947, p. 31).
P. métaph. : “Voici l’heure du poète qui distillait la vie dans son cœur, pour en extraire l’essence secrète, embaumée, empoisonnée.” (Bernanos, Sous le soleil de Satan, 1926, p. 59)

Quelques exemples d’extraits actifs, conseillés dans une brochure médicale des années 1970 (pas d’automédication, svp) :

Bardane contre la chute des cheveux
Myrtilles améliore l’acuité visuelle
Géranium éclaircit la voix et combat l’angine
Thym meilleur antiseptique naturel
Cyprès déodorant très actif
Hysope régulateur des glandes sudoripares
Pin puissant protecteur des poumons
Bouleau antirides par excellence
Cyprès pour gommer la cellulite
Sauge “spécifique de la femme de 40 ans” [la plaquette ne précise pas ce qui est sous-entendu ici]
Menthe crème chauffante pour les douillettes
Aspérule odorante bain calmant pour les nerveux.ses
Menthe & Mélisse stimulants physiques…

Les eaux & les pommades de Catherine Seret

© quenovelle.be

Catherine Seret a vécu au siècle dernier [XIXème] à Sur les Bois, et c’est grâce à elle que la réputation de ce petit hameau alors bien paisible c’est répandu au-delà des frontières. Son vrai nom est Catherine Langlois et elle naquit en 1828.

A cette époque, l’épopée napoléonienne venait de se terminer et plusieurs familles comptaient un ou plusieurs membres qui avaient été mêlés à la guerre ou aux armées de Napoléon. C’est le grand-père qui avait été ordonnance d’un colonel-médecin anglais qui a hérité du “secret” de celui-ci. Quand Catherine atteignit ses 18 ans, il lui a transmis ce secret. Elle se marie alors avec un mineur, Dieudonné Moulin, et de cette union naissent trois filles, mais son mari décède à l’âge de 33 ans.

En cette dure période de la seconde moitié du XIXe siècle, la médecine était loin de ce qu’elle est le jour d’aujourd’hui et très vite la réputation des “eaux et pommades de Catherine Seret” prend de l’ampleur.

Ce sont souvent les pauvres qui viennent consulter, les riches le font par personne interposée et le payement se fait en nature (poules, œufs, coqs ou chandelles).

Malheureusement déjà à cette époque la jalousie n’avait pas de borne, et elle se retrouve au banc des accusées, dont elle sort victorieuse. Le succès devient tel que Flamands, Wallons, Allemands et Hollandais se bousculent dans le petit café, mais hélas en 1915, à l’âge de 87 ans, elle va soigner les malades dans l’au-delà. Le secret n’est transmissible que par les femmes et c’est pour cette raison que jusque l’année dernière c’était l’arrière-petite-fille de Catherine Seret qui continua l’oeuvre de sa célèbre aïeule. Alors, pour rester dans la tradition, celle-ci a transmis le secret à sa fille Michèle, laquelle espère bien dans le futur, le transmettre à ses descendantes.

Que l’histoire n’oublie pas celle qui a fait déplacer des milliers de personnes vers le petit hameau de Sur les bois et dont les habitants sont fiers. Un patrimoine sera ainsi sauvé. Signé : M. Lenaerts”


Des remèdes de bonne femme ou de bonne fame ?

© Collection privée

“L’expression « remèdes de bonne femme » a parfois subi ce que les linguistes appellent la remotivation étymologique. Pierre Larousse les avait fort bien définis dans son Grand Dictionnnaire universel en écrivant qu’il s’agissait de “remèdes populaires ordonnés et administrés par des personnes étrangères à l’art de guérir“. Mais quelque habile latiniste s’est un jour avisé qu’en latin fama signifiait renommée, et que l’on emploie aujourd’hui encore les adjectifs fameux et famé pour évoquer la réputation de telle ou telle personne, de telle ou telle chose. Sans doute avait-il aussi entendu l’histoire, que l’on racontait naguère au sujet de ce nonce installé à Paris qui, s’entretenant avec un grand de l’Église de France mêla joyeusement, mais un peu mal à propos, français, latin et italien en lui posant cette question, qui pouvait prêter à sourire et à mauvaise interprétation : “Et comment va votre fame ?” Le prélat, qui voulait savoir quelle était la réputation de son interlocuteur, était bien excusable puisque, après tout, en ancien et en moyen français, réputation se disait fame et que les expressions bone fame et de bone fame, se lisent fréquemment dans les textes médiévaux, avec de nombreuses variantes orthographiques comme de bon famle, de bones faumes, de si grant fame, etc. Mais pour éviter ce type de fâcheux malentendu, l’usage adjoignait à ce fame d’autres noms, le plus souvent renommee, mais également merite, loenge ( « louange »), ou encore renom. Et s’il en était encore besoin, un petit détour par des langues voisines confirmerait ce qu’écrivait Pierre Larousse : nos amis anglais parlent de old wives’ remedy, littéralement “remède de vieilles épouses“, nos amis allemands disent Hausmittel, “l’expédient, le remède” ou, plus familièrement, “le truc de la maison“. Cette notion de remède familial, fait à la maison, se retrouve dans l’espagnol remedio casero. Et pour conclure, rappelons que nos amis italiens, pour signaler qu’il s’agit là de remèdes qui sont plus le résultat d’observations pratiques que d’études théoriques, parlent de rimedio empirico.” [ACADEMIE-FRANCAISE.FR]


Savoir-vivre tous les jours…

THONART : Penderecki. Voyage aux frontières de la tradition contemporaine (Prologue n°246, 1992)

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Grandeur et misère de la Musique Contemporaine, vol. II, chapitre Krzysztof PENDERECKI. Douxième prise. Silence. On tourne : “Artiste maudit parmi les maudits, né avec un prénom impossible à orthographier, Krzysztof errait dans le petit matin de Cracovie. Son regard perdu dans les brumes s’anima un bref instant lorsqu’il revit en rêve un violon cassé, cadeau que son grand-père Penderecki, soliste de renom, lui avait offert avant de partir pour les Camps de la Mort…”  Coupez, c’est mauvais et puis… intégralement faux :  Krzisztof PENDERECKI a eu un cursus honorum d’une linéarité à faire pâlir d’envie un ingénieur des ponts & chaussées.

Né le 23 novembre 1933 à mi-chemin entre Cracovie (PL) et la frontière russe, Krzysztof Penderecki est un petit garçon polonais exemplaire et sans histoire. Son père, avocat, touche un peu le piano et, violoniste amateur, il réunit souvent des proches pour faire résonner la maison familiale de mouvements de quatuors ou de brillants duos. Le petit Krzysztof, lui, s’essaie sans grand succès au piano, avec plus de bonheur au violon. La guerre éclate, années entre parenthèses pour le père Penderecki qui doit abandonner son travail, première confrontation avec la liberté pour le futur compositeur qui, encore enfant, rappelons-le, voit des dizaines de Juifs polonais entassés en troupeaux et emmenés sans ménagement vers des horizons plus sordides. Après les troupes nazies, c’est l’Armée Rouge qui entre en scène. Attribuera-t-on à ces événements le goût de Penderecki pour l’intégration des bruits parmi les sons musicaux et pour les violents contrastes sonores ? Arrêtons-là la psychologie de bas-étage. La guerre se termine et Krzysztof finit des études secondaires tout ce qu’il y a de plus normales (à l’exception d’une punition pour avoir gribouillé des slogans anti-stalinistes sur les portes des toilettes). Juin 1951, Krzysztof Penderecki part étudier la musique à Cracovie, fils d’avocat, il n’a pas la chance -époque oblige- d’être descendant de paysan ou d’ouvrier et ne peut donc être admis de plein droit comme étudiant dans la vénérable Alma Mater. Il pourra néanmoins s’y consacrer à une passion : la musique ancienne (N.B. une autre passion qu’il avoue bien volontiers est son goût plus que prononcé pour les grosses voitures…). 1954, entrée à l’Académie de Musique de Cracovie. 1958, sortie de l’Académie de Musique de Cracovie et… retour à l’Académie de Musique de Cracovie : l’élève est tellement brillant qu’on en fait illico un professeur de composition. Ses connaissances en musique religieuse ancienne lui permettent également d’enseigner dans un collège religieux. L’enseignement restera d’ailleurs l’une des trois activités privilégiées de Penderecki, tant que les deux autres -composition et direction d’orchestre- lui en laisseront le loisir. Comme tout étudiant en art, il se fait la main en attendant la célébrité et compose des pièces plus virtuoses qu’inspirées. C’est l’époque des Trois miniatures pour clarinette et piano (1956). Bartok n’est pas loin. La mort d’un de ses vénérés professeurs le pousse à composer Epitafium, un requiem pour cordes, orchestre et percussions. On parlera de “violence expressive”, on évoquera Honegger, et on saluera l’arrivée d’une voix nouvelle, sans encore parler de voie novatrice. De concours en concours, Penderecki gagne des galons et des voyages, dont un en Italie où il rencontre Luigi Nono. De cette époque datent les Psaumes de David (1958) pour chœur mixte, cordes et percussions, les Emanations (1958-59) pour deux orchestres à cordes et les Strophes pour soprano, récitant et 10 instruments (1959). Krzysztof Penderecki gagne également sa vie en écrivant des musiques de film et de la musique de scène pour théâtre de marionnettes, pratiques peu fréquentes parmi les musiciens de notre Europe de l’Ouest.

Couverture du Prologue n°246, où cet article a paru en janvier 1992 © ORW

1956 avait été pour la Pologne musicale une année marquante : la fin du stalinisme libérait la nouvelle génération du carcan du réalisme socialiste et d’une certaine insistance sur le folklore. Le Festival d’Automne de Varsovie, créé cette même année, ne fut néanmoins pas ce creuset tant attendu où les nouvelles générations auraient pu s’épanouir. L’arrière-garde post-romantique et l’influence néo-classique en direct de France -notamment représentée par ces jeunes compositeurs qui avaient eu la chance de recevoir une bourse d’Etat pour étudier à Paris auprès de Nadia Boulanger- entravaient encore le monde polonais de la composition. En 1958, l’avant-garde vient d’ailleurs, de Darmstadt plus exactement, où règnent Boulez, Stockhausen et Cage. C’est l’époque du sérialisme le plus strict, Schönberg y fait déjà figure d’ancêtre et son dodécaphonisme initial qui ne sent plus le soufre est condamné, trop de liberté y reste possible pour ces nouveaux puritains du sériel.

Série : une succession des douze demi-tons de la gamme chromatique présentés dans un ordre déterminé par le compositeur, et qui, moyennant divers aménagements (transposition, renversement, récurrence, transformations rythmiques, etc.), engendrera toute la composition.”

PINCHERLE M., Petit lexique des termes musicaux (Paris, 1973)

Krzysztof Penderecki compose Anaklasis pour 12 cordes et percussions (1959-60), Thrénodie pour 52 cordes (1960) et expérimente de nouvelles techniques de notations. L’élève Penderecki connaît ses classiques et il est aisé de dépister ses références : Stravinski dans les Psaumes, les maîtres du sériel dans Emanations et Thrénodie, Nono et Boulez dans Strophes. Mais le sevrage n’a pas l’air trop douloureux : les sonorités, entrecoupées de bruits, lui sont propres, les contrastes de couleurs qu’il affectionne tant sont autant de sceaux dont il marque ses compositions, les différentes attaques au sein de la même pièce sont enfin typiques d’un style et d’un son “Penderecki fecit”. A cet univers nouveau, il fallait une notation adéquate. Qu’à cela ne tienne, Penderecki invente de nouveaux codes… conférant à certaines partitions des airs d’électro-encéphalogrammes ; mais non, c’est bien de musique qu’il s’agit. Faut-il transcrire des tempi fluctuants ? Penderecki trouve le vocabulaire graphique pour les dire : trois lignes parallèles aux portées représentent trois repères de tempo (l’inférieure, le tempo le plus lent -♫ = c.48 par min.- et la supérieure, le tempo le plus rapide -♫ = c.66 par min.), un gros trait passant de l’une à l’autre indique clairement les changements ou, plutôt, les glissements de tempo. Non content d’innover le langage écrit, Penderecki bouscule le langage sonore en attribuant autant de valeur aux sons qu’au bruit proprement dit : Anaklasis sera l’événement du Festival de Donaueschingen de 1960 ; Heinrich Strobel, l’âme du festival, l’avait prévu, qui avait commandé l’oeuvre à Penderecki après l’audition de ses Strophes. Dans les Dimensions du temps et du silence, le chœur ne chante pas des mots mais des sons. L’électronique, très en vogue à l’époque, n’est pas négligée non plus : dans Psalmus 1961, la voix d’une soprano est retravaillée avec force effets d’écho et de filtres. Réactions mitigées : “choc sonore”, “dérangeant”, “désespérément cataclysmique” (à propos de sa Thrénodie dédiée aux victimes d’Hiroshima), “grandeur primitive” ou “son libéré”. Le fort-en-thème-du-premier-rang n’est pas exactement le gentil petit garçon que l’on attendait…

1962, l’année de tous les dangers, l’année de la trahison : c’est du moins ce qu’affirment les avant-gardistes du moment car, comme on peut le voir, il n’est de pires conservateurs que des révolutionnaires qui ont pignon sur rue. La parole est au Procureur du Roi. Le 27 novembre de cette année-là, Varsovie entend la première d’une pièce pour trois chœurs mixtes : un Stabat Mater (il sera par la suite incorporé dans la Passion). Penderecki est alors adoré des foules, les Polonais le saluent en rue (même ceux qui n’ont jamais entendu ses œuvres, d’ailleurs), il sera bientôt (en 1972) nommé Principal de l’Académie où il enseigne toujours (quand il est en Pologne) et il partage désormais son existence entre sa famille, ses cours et ses compositions. La voie est toute tracée pour un succès mondial, les lauriers sur terre. Est-ce pour cela que Penderecki quitte la ligne pure et dure de ses premières années ? Est-ce en vue de cette satisfaction terrestre qu’il livre ce Stabat Mater à son public, atterré de ne plus être choqué ? On lui a reproché, au nom de l’avant-garde, au nom de l’intellect, de courtiser les masses. Qu’avait-il donc de si terrible, ce Stabat Mater ?

Pour en prendre connaissance, il faut aujourd’hui écouter la totalité de la Passion selon Saint Luc dans laquelle Penderecki a intégré l’objet du litige. Créée en 1966 dans la cathédrale de Münster (sous la baguette de Henryk Czyz, fidèle de toujours), la Passion est considérée comme la première grande oeuvre de Penderecki. La déconfiture du “mécano sériel”, annoncée dans le Stabat Mater, est ouvertement prononcée dans cette oeuvre où Penderecki, fort de ses connaissances en musique religieuse ancienne, incorpore des éléments de chant grégorien et de polyphonie vocale traditionnelle. Par sensationnalisme, a-t-on-dit, le compositeur y mélange organiquement les matériaux sonores les plus hétérogènes, les couleurs y éclatent en contrastes vertigineux. Penderecki avait choisi Luc parce que les autres Passions avaient déjà été trop bien servies : la série B-A-C-H (Sib-La-Do-Si) exprime clairement son hommage. Sa Passion selon Saint Luc sera jugée par la postérité. Comme chef d’accusation : sa complaisance. Pour sa défense, l’accusé plaidera le jeu avec la tradition (pour peu que la musique de Penderecki puisse avoir un caractère ludique !) ou la redécouverte de l’authenticité de certaines sources marquantes pour la suite de l’oeuvre religieuse de Penderecki. Le public, lui, est séduit et la Passion aura pour premier mérite de servir de porte d’accès à des œuvres réputées plus difficiles. Son second mérite, et non le moindre, est de faire de Krzysztof Penderecki un compositeur mondialement apprécié. Désormais, de festivals en rétrospectives, de commandes prestigieuses en créations retentissantes, de la musique sacrée aux concertos virtuoses, Penderecki est un globe-trotter, traversant l’Atlantique dans les deux sens, au gré des concerts et des cours qu’à présent il donne également à Yale. Resnais lui confie la musique de son film “Je t’aime, je t’aime”. 1967, Pittsburgh Overture, première américaine. 1968, voyage en Bulgarie pour collecter le matériel vocal des futurs Utrenia 1 et Utrenia 2 (Enterrement du Christ, Résurrection), première du Capriccio pour Sigfried Palm (violoncelle solo)…

1969, première des Diables à Hambourg (Rolf Liebermann) : premier opéra de Penderecki, basé sur la traduction allemande de la pièce de John Whiting “Les Diables”, elle-même inspirée des “Diables de Loudun” d’Aldous Huxley. Le succès est mitigé. Le public s’est ennuyé et maintenant, il hue. Quelques jours plus tard, seconde “première” à Stuttgart ; le producteur Günter Rennert s’est déchaîné, c’est un succès : le ton narratif utilisé à Hambourg s’est mué ici en une plongée vertigineuse au cœur de l’action, la violence macabre entre enfin en scène, les sœurs “possédées” se dépoitraillent sans pudeur et le Père Grandier flambe devant les yeux du public. Rennert a réussi à trouver le pendant dramatique des explorations sonores de Penderecki.

Que dire encore de KP ? Son oeuvre continue à vivre, à se nuancer, à explorer le tréfonds du sonore ; à ses carrières parallèles de professeur et de compositeur, il a ajouté celle de chef d’orchestre (première direction en 1971). EMI a gravé la plupart de ses œuvres. Il compose pour les plus grands  (le pape, des princes, des organismes internationaux, des festivals). Il a même goûté au jazz avec son Actions pour big band (1971). Aux Diables succéda Paradise Lost, moins dramatique, presque post-wagnérien, dira-t-on. Après la Passion et Utrenia vint sa Cosmogonie (1970), oeuvre non-religieuse qui permit à l’Etat polonais de remercier officiellement Krzysztof Penderecki, catholique de gauche, pour avoir “fait de la musique polonaise un concept mondial” (l’événement, postérieur au putsch, n’a pas suscité que des applaudissements). Autre rebondissement politique, Penderecki compose un Lacrimosa en mémoire des grévistes tombés en 1970 à Gdansk. L’oeuvre, commandée par Lech Walesa, a failli empêcher Penderecki de revenir en Pologne après l’arrivée au pouvoir des militaires. Après quoi, on relèvera encore un Requiem polonais (1984), un opéra, Le Masque noir (1986), et quelques concertos.

Le compositeur est aujourd’hui connu du grand public, il a sa place dans tous les bons dictionnaires (et dans wallonica.org) ; sa musique, autrefois juste bonne à faire fuir un abonné, figure au programme de tous les festivals de musique contemporaine ; il est de bon ton de connaître quelques anecdotes sur la vie de Penderecki, d’être amusé par ses premiers essais (“péchés d’adolescence” ?), d’être intéressé par ses œuvres les plus inaudibles et de saluer avec complaisance son retour dans le giron de la musique “normale”.

Mais que conclure de ce long cheminement musical quand on veut écouter sincèrement l’oeuvre de Penderecki ? Il y a-t-il un message dans ce cabotage aux confins de la tradition ? S’il est vrai qu’il n’est de rite que le rite vécu, celui par lequel le novice, vierge, pressent le passage, pour Penderecki, il n’y a eu de tradition musicale qu’une fois revisitée, où l’auditeur, d’abord apeuré mais curieux d’une culture sonore qui est la sienne, se voit ouvrir les voies de résonances essentielles, au cœur des racines authentiques de la musique de son continent. Jeune intellectuel, Penderecki a dû plonger jusqu’au sources de la culture paneuropéenne pour s’affranchir des exaltations adolescentes (visibles dans la virtuosité pure de certaines pièces) et retrouver l’essence des sonorités qui nous sont propres. A travers e.a. sa musique sacrée, Penderecki nous livre son Graal, hic et nunc : des sons qui ne peuvent nous laisser indifférents.

Quelle belle leçon d’humilité intellectuelle que de déterrer de son propre jardin les fruits que d’autres cherchent encore sous les tropiques.

Patrick Thonart


Cet article est paru en janvier 1992, dans le n° 246 de Prologue, le magazine de l’Opéra Royal de Wallonie, et ce, alors que l’ORW accueillait Les Diables de Loudun les 21-23-27-29 février 1992, au Théâtre Royal de Liège (BE) :

LES DIABLES DE LOUDUN
Opéra en trois actes
Livret et musique de Krzysztof PENDERECKI
Edition B. Schott fils, Mayence (partition)

Direction musicale de Robert Satanowski
Mise en scène d’Albert-André Lheureux
Décors et costumes de Serge Creutz

Production de l’Opéra Royal de Wallonie
Avec Helia THEZAN (Soeur Jeanne), Nicolas CHRISTOU (Urbain Grandier)
Orchestre et choeurs de l’ORW


A lire absolument, pour ne pas assister idiot à une représentation des Diables de Loudun : l’Appendice des Diables de Loudun d’Aldous Huxley. Le penseur anglo-saxon y analyse les différents “succédanés de la grâce”, de la transcendance… vers le bas. Autrement dit : “comment oublier que je ne suis que moi et que je n’adore pas ça ?” Et ce, en trois leçons. Leçon 1 : l’alcool et les drogues. Leçon 2 : la sexualité sans âme (pas la sexualité élémentaire de D.H. Lawrence, dite ‘de l’Eden’, mais celle sans amour et perverse de Genêt, dite “de l’égout”). Leçon 3 : le délire des foules (contrairement au deux précédents, ce genre de délire a rarement été interdit par le Pouvoir). Le texte est brillant et clair, incisif et provocateur ; de ces textes qui laissent le lecteur pensif, longtemps après qu’il a fermé son livre.


A lire également : la fiche très détaillée de SCHOTT-MUSIC.COM (éditeur musical) ; on y trouvera l’intégralité de l’oeuvre de Penderecki par catégorie ; la biographie du compositeur y est publiée en anglais mais elle est traduite en français sur le site de l’IRCAM – Centre Pompidou (BRAHMS.IRCAM.FR).


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : rédaction | source : collection privée | commanditaire : wallonica.org | auteur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête © polityka.pl ; © ORW | remerciements à l’ORW et, spécifiquement, à Martine van Zuylen


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