Dans l’Antiquité, la sorcière était déjà le symbole d’un pouvoir féminin redouté

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[THECONVERSATION.COM, 7 novembre 2024] Si l’on associe habituellement la sorcière à l’époque médiévale, on trouve déjà des figures féminines qui jettent des sorts et sont décrites comme néfastes et castratrices dans les textes grecs et latins de l’Antiquité. Dans son ouvrage Sorcières, la puissance invaincue des femmes (Zones, 2018), l’essayiste Mona Chollet rappelle très justement que les grandes chasses aux sorcières se sont déroulées en Europe, aux XVIe et XVIIe siècles. La répression impitoyable de ces femmes jugées déviantes est un fait moderne.

On trouve cependant dans les textes grecs et latins de l’Antiquité des figures féminines que l’on peut qualifier de sorcières, dans le sens où elles jettent des sorts (sortes en latin) et sont vues comme des êtres nocifs. Quelles sont donc les principales caractéristiques de ces sorcières antiques ?

Les dix types de femmes selon Sémonide d’Amorgos

Rappelons tout d’abord que c’est le genre féminin presque dans son ensemble qui est le plus souvent présenté, dans l’Antiquité gréco-romaine, comme une calamité. Dans son poème Sur les femmes, composé au VIIe siècle av. J.-C., le poète grec Sémonide ou Simonide d’Amorgos classe les femmes en dix catégories dont huit sont associées à des animaux et deux à des éléments naturels. À partir de son œuvre, nous pouvons établir la typologie suivante :

Seule « l’abeille », c’est-à-dire la femme mariée et mère, possède des qualités aux yeux du poète. La sorcière appartient à la catégorie de la renarde ; mais elle peut aussi tenir de la jument ou, au contraire, de la truie, comme nous allons le voir.

Déshumaniser les humains

Circé est l’une des premières figures féminines de la littérature occidentale. Elle apparaît pour la première fois dans l’Odyssée, le fameux poème épique composé par Homère, vers le VIIIe siècle av. J.-C. On la retrouve encore, plus tard, dans l’œuvre d’Hygin (67 av.-17 apr. J.-C.), auteur de fables latines. Le fabuliste raconte que Circé s’était éprise du dieu Glaucus qui repoussa ses avances, car il était amoureux de la belle Scylla. Furieuse, Circé se venge de sa rivale avec cruauté. Elle verse un violent poison dans la mer, à l’endroit où Scylla a coutume de se baigner ; ce qui a pour effet de transformer la victime en chienne à six têtes et douze pattes (Hygin, Fables, 199).

Reléguée dans une île nommée Eéa en raison de ses crimes, Circé n’a de cesse d’y faire le mal. Elle transforme en bêtes les hommes qui ont le malheur de débarquer sur son île. Elle leur fait boire un kykeon, potion enivrante, composée de vin, miel, farine d’orge et fromage, auxquels elle mélange une drogue. Après les avoir ainsi étourdis, elle les transforme en fauves, en loups ou en porcs, d’un coup de sa baguette magique (Homère, Odyssée, X, 234-235). Circé règne sur une sorte de zoo, entourée des animaux qu’elle a elle-même créés et dompte pour son plus grand plaisir. Par ses maléfices, elle incarne la régression de l’humanité devenue monstrueuse ou bestiale.

Dans le roman d’Apulée, Les Métamorphoses, une vieille courtisane nommée Méroé change en castor l’amant qui l’a délaissée et le contraint à s’amputer lui-même de ses testicules (Apulée, Les Métamorphoses, I, 9). La sorcière déshumanise les hommes, tout en les privant de leur virilité.

Tuer des femmes et des enfants

Pasiphaé, sœur de Circé, possède, elle aussi, des pouvoirs néfastes. Pour se venger des infidélités de son époux, le roi de Crète Minos, elle lui administre une drogue qui ne lui fait aucun mal mais provoque la mort de ses maîtresses. “Quand une femme s’unissait à Minos, elle n’avait aucune chance d’en réchapper. […] Chaque fois qu’il couchait avec une autre femme, il éjaculait dans ses parties intimes des bêtes malfaisantes et toutes en mouraient”, écrit le mythographe grec Apollodore (Bibliothèque, III, 15, 1).

Chez le poète latin Horace, la sorcière Canidia découpe le corps d’un enfant encore vivant dont elle extrait le foie et la moelle, ingrédients qui lui serviront à confectionner ses philtres (Horace, Épodes, V).

Pour se venger d’une femme enceinte qui l’a insultée, Méroé lui jette un sort afin qu’elle ne puisse pas accoucher. Son ventre deviendra gros comme un éléphant, mais son enfant ne verra jamais le jour (Apulée, Les Métamorphoses, I, 9).

Détruire la nature

C’est aussi, de manière plus générale, la fertilité de la nature tout entière qu’anéantit la sorcière. Le poète latin Lucain imagine, dans La Pharsale, l’effrayante Erichtho. Elle ne vit pas parmi les humains mais dans une nécropole. Son maigre corps ressemble à un cadavre. Pendant les nuits orageuses et noires, elle court dans la campagne, empoisonne l’air et réduit à néant la fertilité des champs. “Elle souffle, et l’air qu’elle respire en est empoisonné“, écrit Lucain (La Pharsale, VI, 521-522). Comble de l’horreur, elle dévore des cadavres : elle boit le sang qui s’écoule des plaies des condamnés à mort, pendus ou crucifiés. “Si on laisse à terre un cadavre privé de sépulture, elle accourt avant les oiseaux, avant les bêtes féroces” (Lucain, La Pharsale, VI, 550-551).

Une célibataire sans enfants

Circé n’est ni mariée, ni mère.”Elle ne tire aucune jouissance des hommes qu’elle a ensorcelés […] ; ils ne lui sont d’aucun usage“, précise Plutarque (Préceptes de mariage, 139 A). On n’imagine pas, en effet, Circé faisant l’amour avec des porcs ou avec des fauves. Elle demeure donc célibataire et vierge. Cependant, le héros Ulysse parviendra à déjouer ses maléfices et à coucher avec elle. En la possédant, il lui fait perdre son statut d’électron libre. Tout est bien qui finit bien. Soumise, Circé devient une femme ‘normale’ au regard des représentations sociales de la Grèce antique. La renarde est transformée en abeille, selon la catégorisation de Sémonide. Réduite au rôle d’épouse aimante, elle accouchera de trois fils, écrit le poète grec Hésiode (Théogonie, 1014).

Une femme exotique

Circé habite une contrée lointaine, à l’extrémité occidentale du monde connu de l’époque. Elle est perçue comme une étrangère. Sa sœur Médée, elle aussi experte en philtres magiques, vit en Colchide, dans l’actuelle Géorgie, à la marge cette fois orientale du monde grec. Son nom serait à l’origine de celui des Mèdes, peuple du nord-ouest de l’Iran, selon l’historien antique Hérodote (Histoires, VII, 62). Circé et Médée incarnent une altérité féminine exotique.

Chez Apulée, Méroé porte le même nom que la capitale de la Nubie, aujourd’hui au nord du Soudan (Apulée, Les Métamorphoses, I, 7-9). Cette fois, c’est l’Afrique qui représente l’étrangeté. La sorcière est en relation avec les confins du monde.

Jeune fille charmeuse ou vieille femme hideuse

Circé est extrêmement séduisante et désirable avec sa belle chevelure et sa voix mélodieuse, attributs d’une féminité au fort potentiel érotique. C’est une ‘femme-jument’, selon la typologie de Sémonide d’Amorgos. Sur les céramiques grecques du Vᵉ siècle av. J.-C., elle apparaît comme une élégante jeune femme, vêtue d’un drapé plissé. De belles boucles ondulées s’échappent de sa chevelure noire, couronnée d’un diadème. La sorcière se confond alors avec la figure de la femme fatale.

HERMANS Charles, Circé la tentatrice (1881) © Collection privée

Dans cette même veine, à la fin du XIXe siècle, le peintre [belge] Charles Hermans imagine une Circé de son temps, jeune courtisane qui vient d’enivrer son riche client, sans doute pour mieux le dépouiller de son portefeuille. Brune et pulpeuse, elle évoque une gitane, adaptation moderne de l’exotisme de Circé.

Les auteurs d’époque romaine imaginèrent, quant à eux, des sorcières répugnantes physiquement que Sémonide d’Amorgos aurait rangées dans la catégorie des ‘truies’. Des vieilles dégoûtantes (Obscaenas anus), selon l’expression d’Horace qui propose une évocation saisissante de ce type féminin, à travers le personnage de Canidia. Son apparence est effrayante : ses cheveux hirsutes sont entremêlés de vipères. Elle ronge “de sa dent livide l’ongle jamais coupé de son pouce” (Horace, Épodes, V). Cheveux, ongles et dents constituent les contours anormaux de la sorcière, tandis que, de sa bouche, émane un souffle empoisonné “pire que le venin des serpents d’Afrique” (Horace, Satires, II, 8).

Qu’elle soit irrésistiblement séduisante ou d’une laideur repoussante, la sorcière antique incarne un pouvoir féminin considéré comme néfaste et castrateur ; elle symbolise une forme de haine de l’humanité et même de toute forme de vie. Elle est l’incarnation fantasmée d’une féminité à la fois contre-nature et, pourrions-nous dire, contre-culture.

Christian-Georges Schwentzel, historien


[INFOS QUALITE] statut : validé, republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : theconversation.com | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, WATERHOUSE John William, Circé Invidiosa (détail, 1892) © Musée national d’Australie-Méridionale ; HERMANS Charles, Circé la tentatrice (1881) © Collection privée .


Plus de presse en Wallonie…

L’effet Matilda ou le fait de zapper les découvertes des femmes scientifiques

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“Faut-il s’appeler George pour être prise au sérieux ?” (ISBN 9782755635393)

Le déni ou la minimisation des contributions des femmes scientifiques à la recherche porte un nom : on parle de l’effet Matilda, en mémoire d’une militante des droits des femmes américaine, Matilda J. Gage (1826-1898).


“Qui a mis en évidence l’anomalie du chromosome responsable de la Trisomie 21 ? Pendant un demi-siècle, le nom de la brillante scientifique à qui l’on doit l’expérience ayant permis cette découverte, Marthe Gautier, a été occulté. En mai 1958, dans un laboratoire de cytogénétique de l’hôpital Trousseau à Paris, la cheffe de clinique parvient à comparer le nombre des chromosomes des cellules d’enfants atteints de la Trisomie 21 – 47 – avec celui d’enfants non atteints – 46. L’expérience permettra d’attester que la maladie est liée à un chromosome surnuméraire (pour la 21e paire).

Son patron, le professeur Raymond Turpin, spécialiste du mongolisme, comme dénommé à l’époque, pense depuis longtemps que cette maladie mentale a une origine innée. Marthe Gautier, qui a appris lors de son stage aux Etats-Unis comment cultiver des cellules humaines, lui  propose de réaliser l’expérience, dans une petite pièce du laboratoire qu’elle aménage.

Pour cultiver des cellules“, relate-t-elle au Monde, “il me fallait notamment du sérum et du plasma. Le sérum, eh bien j’ai pris le mien ! Et pour le plasma, je suis allée dans une ferme chercher un coq. Je l’ai installé dans un coin de la cour de l’hôpital, et j’allais le piquer à la veine alaire chaque fois que j’avais besoin de plasma. Cela ne me faisait pas peur, je suis née dans une ferme, j’ai l’habitude des animaux.”

Un jeune stagiaire du CNRS travaillant dans le même service, Jérôme Lejeune, comprend l’importance de la découverte. Il propose à Marthe Gautier de photographier ses lames d’observation microscopique de chromosomes et part dans un congrès à Montréal présenter les résultats… en s’attribuant seul leur paternité.

L’année d’après, en 1959, paraît un article dans la presse scientifique pour annoncer la découverte. Le nom de Marthe Gautier n’apparaît pas en premier, la position habituellement réservée aux chercheurs ayant mené les expériences. A la place, celui de Jérôme Lejeune, puis celui de la scientifique, mal orthographié et faussé (“Marie Gauthier”), et enfin du professeur Turpin, chef responsable de l’hypothèse de départ.

Jeune femme dans un monde masculin, simple fille de paysans“, Marthe Gautier ne se bat pas tout de suite pour rétablir la vérité. Elle retourne à ses recherches et se consacre à la cardiopédiatrie. Jérôme Lejeune, lui, remporte le prix Kennedy pour “sa” découverte sur la Trisomie 21. Ouvertement anti-avortement, le professeur de médecine s’est vivement opposé par la suite au dépistage de la maladie in utero, pour empêcher les IVG.

Cinquante ans après sa découverte, en 2009, Marthe Gautier publie un article pour relater sa version de l’histoire. “J’ai le sentiment d’être la ‘découvreuse oubliée’“, écrit-elle. La même année, elle reçoit le Grand Prix de la Fédération française de génétique humaine. En 2014, le comité éthique de l’Inserm reconnaît enfin le rôle de la scientifique dans la découverte de la Trisomie 21. Le comité estime que “la part de Jérôme Lejeune est sans doute très significative dans la mise en valeur de la découverte au plan international“, mais “a peu de chance d’avoir été prépondérante” dans la découverte du chromosome surnuméraire. Marthe Gautier, 88 ans, reçoit la Légion d’honneur. […]

Marthe Gautier est l’une des 75 femmes célébrées dans le livre du collectif Georgette Sand, Ni vues, ni connues (Paris, Hugo & Co, 2017). L’ouvrage veut redonner une place dans l’histoire à des scientifiques, artistes, intellectuelles, militantes ou aventurières oubliées.”

Lire tout l’article d’Emilie BROUZE sur NOUVELOBS.COM/RUE89 (25 mars 2018)


Plus de féminisme ?

NEUVILLE : Le monsieur du métro (1957)

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La chanson Le monsieur du métro a été interprétée par Josée Françoise Deneuville alias MARIE-JOSEE NEUVILLE (née en 1938, FR) et apparaît sur l’album Le monsieur du métro (1957). Elle a été interdite de passage à la radio belge… à l’époque. Marie-Josée Neuville avait remporté un concours réservé aux auteurs-compositeurs de chansons qui lui avait permis de passer en supplément de programme à l’Olympia en mars 1956. Elle y chanta quatre chansons dont Le Monsieur du métro : cette chanson, ayant choqué à la fois le public et son directeur artistique, fait que le lendemain la photo de Marie-Josée Neuville a figuré dans tous les journaux et la fit devenir célèbre du jour au lendemain. Elle fait alors la couverture du Paris Match n°363 (samedi 24 mars 1956). On l’entendit alors beaucoup sur les ondes, son succès envahissant les collèges et les lycées.



Le monsieur du métro

Parmi la foule automatique
Dans le métro il me tenait
D’affreux propos pornographiques
Auxquels rien je ne comprenais
En expertise digitale
Une main chercheuse et discrète
Sur ma colonne vertébrale
Tapotait une musiquette

Je savais qu’en cette occurrence
Le mieux était de ne rien dire
Ma mère ayant eu la prudence
En son temps de m’en avertir

Un souffle puissant d’asthmatique
Et malodorant par surcroît
M’obligeait à une gymnastique
Pour m’éloigner du maladroit
À me voir frétiller de la sorte
Une dame en courroux s’écria
“Pour la bagatelle de la porte
Elles sont championnes à cet âge-là”

Je savais qu’en cette occurrence
Le mieux était de ne rien dire
Ma mère ayant eu la prudence
En son temps de m’en avertir

En me retournant sans douceur
Pour insulter le téméraire
Je m’aperçus avec stupeur
Qu’il était presque octogénaire
C’était un barbu abondant
Et le visage débonnaire
Qu’on voit sur les billets d’ cinq cents
Lui ressemblait comme un vieux frère

Je compris qu’en cette occurrence
Le mieux était de ne rien dire
Ma mère ayant eu la prudence
En son temps de m’en avertir

Mais au diable les convenances
Que m’enseignait ma maman
Peut-être qu’en cette circonstance
Elle aurait fait tout autant
J’apostrophai le vieux butor
Avant de franchir la portière
“Souvenez-vous d’Hugo Victor
Relisez L’art d’être grand-père”

(Deneuville, 1956)


TAUBIRA : « Il est temps que les hommes fassent l’expérience de la minorité »

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Christiane TAUBIRA à Montréal (CA), en janvier 2018 (c) Mikaël Theimer

A l’occasion de la Nuit des idées organisée à Montréal par l’Institut français, Christiane Taubira revient sur le mouvement de libération de la parole des femmes. L’ancienne ministre de la Justice, pour qui «le féminisme est un humanisme», et non «une guerre de tranchées», milite pour une convergence féministe et antiraciste […]

En quoi les femmes peuvent-elles jouer un rôle particulier dans l’évolution des modes de pouvoir ?

Comprenez bien ici que je ne parle pas des femmes à partir de chromosomes ou de gènes, mais de l’expérience culturelle et collective des femmes, cette expérience historique de violence, d’exclusion et de discrimination qui a forgé nos consciences. Elle nous place dans un rapport particulier à l’autre et à la société, elle nous a forcées à développer des solutions et des alternatives. L’expérience de la minorité aiguise les défenses mais développe aussi la solidarité parce que la survie, quand on est en minorité, dépend de la capacité à faire corps ensemble. Il faut bien saisir la société pour bien la servir. Dans ce contexte, l’expérience de la minorité est enrichissante, elle élève. Les femmes composent aujourd’hui 53 % de la population mondiale, il est temps maintenant que les hommes fassent l’expérience de la minorité, et le premier endroit où ils peuvent et doivent le faire, c’est dans l’exercice du pouvoir.

Est-ce que la vague des hashtags #MeToo et #BalanceTonPorc est un signe de la fin d’une certaine forme de pouvoir ?

Je trouve sain que ce que tout le monde sait depuis longtemps explose dans l’espace public et interdise qu’on fasse semblant d’ignorer. Nous avons dans nos lois des textes qui disent très clairement que le harcèlement sexuel n’est pas acceptable, que c’est un délit et qu’il est puni. Malgré cela, les femmes ne se sentent toujours pas protégées, ni soutenues. Les statistiques le prouvent : seulement 10 % des femmes portent plainte et encore moins obtiennent justice et réparation. Nous avions connaissance de l’ampleur du problème, la masse du mouvement nous empêche aujourd’hui de le nier. Ce qui est étonnant dans ce phénomène, c’est qu’il n’ait pas eu lieu avant.

Que répondez-vous à ceux qui craignent le développement d’un climat de délation ?

Nous sommes collectivement responsables de ce que ces détresses, qui étaient souterraines, le soient demeurées trop longtemps. Nous n’avons pas le droit aujourd’hui de réduire l’événement à sa marginalité. Oui, il y a des abus, comme il y a eu des abus dans les manifestations syndicales de quelques énergumènes qui allaient casser des vitrines et vandalisaient. Nous avons vu comment progressivement les revendications syndicales ont été identifiées à ces comportements. Je ne voudrais pas que les femmes se retrouvent piégées de la même façon. Il y a sûrement dans le mouvement du hashtag #Metoo de la délation, des abus, des fantasmes. Qu’on les trouve et qu’on les dénonce. Mais ne remplaçons pas l’événement par sa marge et ne discréditons pas tout un moment essentiel de la lutte des femmes pour leur citoyenneté, pour leur égalité dans l’espace public, à cause de la marge.

Les réseaux sociaux sont donc un pouvoir émancipateur ?

La stigmatisation sociale via les réseaux sociaux ne suffit pas, la justice doit prendre le relais et les agresseurs doivent répondre de leurs actes devant des tribunaux. C’est le fondement de la démocratie. Vu le nombre de dénonciations, si d’ici deux ans nous n’avons pas un nombre significatif de condamnations, il faudra alors se poser de sérieuses questions…”

Lire la suite de l’interview de Justine RASTELLO sur LIBERATION.FR (28 janvier 2018)

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