À l’inverse d’un James Ensor qui détestait l’impressionnisme, le peintre flamand Émile CLAUS (1849-1924), au cœur d’une très belle rétrospective visible en ce moment au musée de Deinze, s’est laissé séduire par ce courant venu de France. Son art, du moins jusque dans les années 1890, incarne plutôt ce que l’on nomme le luminisme, une synthèse entre l’impressionnisme et le réalisme. Le style de Claus est particulièrement marqué par l’art réaliste du Français Jules Bastien-Lepage et du Britannique George Clausen. Son impressionnisme reste en revanche modéré à ses débuts. La lumière et la couleur ne prennent pas le dessus sur le dessin et sur une représentation minutieuse de la réalité, il est question de reflets sur les personnages, les animaux, les éléments de la nature, et de miroitements sur l’eau qui ne masquent en rien le trait du dessin.
Pourtant, à mesure que son œuvre évolue, il abandonne de plus en plus cette synthèse entre réalisme et impressionnisme et intègre davantage la lumière et la couleur dans le jeu général de ses représentations. Un peu à la manière d’un Camille Pissarro, il fait appel librement à la technique du néo-impressionnisme, traduisant le pointillé dans une facture différente de Seurat et Signac (qui décomposent la lumière selon des principes physiques et optiques) pour préférer au contraire une touche composée au départ de petits traits nerveux qui finit par des virgules amples et tourbillonnantes. Son pinceau clame la lumière et ses variations de roses, d’oranges et de violets typiques des cieux de la Flandre orientale.
Côté thèmes, Claus dépeint à foison l’univers des paysans, sans nécessairement traiter la rudesse du monde rural et sans le militantisme social de Laermans, Meunier ou Léon Frédéric (à l’exception de la célèbre Récolte de betteraves). Face à l’industrie et à l’urbanisation de nos sociétés, il célèbre un paradis champêtre totalement idéalisé et opte pour une vision esthétisante de la réalité ! Aucune des figures qui habitent ses tableaux n’interpelle par son contenu psychologique ou son intériorité tant il importe davantage au maître de s’attarder sur les travaux des champs, la vie au bord de la rivière, les abords de son village d’Astene (où il a élu résidence) et les paysages typiques des bords de la Lys. Claus a très peu peint de villes, exception faite de la série de vues de la Tamise et de Londres, réalisée depuis l’appartement qu’il occupait pendant la Première Guerre mondiale, alors qu’il s’était réfugié en Angleterre.
Les portraits de sa femme Charlotte Du Faux, de sa maîtresse (son élève Jenny Montigny, qui deviendra une excellente artiste à son tour) ou de ses amis (Camille Lemonnier, entre autres) dévoilent les charmes et l’insouciance d’une bourgeoisie aisée éloignée des troubles sociaux qui agitent la Flandre dans le dernier tiers du XIXe siècle. L’ensemble n’en reste pas moins remarquable pour autant et il ne faut surtout pas manquer de faire le déplacement à Deinze pour admirer pas moins de 130 tableaux dont beaucoup issus de collections privées. À voir jusqu’au 26 janvier 2025.
Stéphane Dado
2024 marque le 100e anniversaire de la mort d’Emile Claus (1849-1924), le plus grand impressionniste de notre pays. Il s’agit d’ailleurs d’un double anniversaire, puisqu’il est né il y a 175 ans. Emile Claus jouissait déjà à l’époque d’une grande renommée en tant que Maître de l’Astène ou Prince du Luminisme. Avec l’œuvre clé La récolte des betteraves et de nombreuses autres œuvres de son œuvre, Emile Claus est inextricablement lié à la collection du musée et à la région de la Lys. La ville de Deinze et le mudel – Musée de Deinze et la région de la Lys ont donc déclaré l’année 2024 année Claus.
[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : rédaction, édition et iconographie | contributeur : Stéphane Dado | crédits illustrations : en-tête CLAUS E., La récolte des betteraves (env. 1889) © MUDEL ; © La Boverie
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