Le loup enfin de retour en Belgique
[LOUP.NATAGORA.BE] Animal légendaire, le loup anime les passions les plus vives. De retour sur notre territoire, il nous offre la chance de réapprendre à vivre avec la nature sauvage. Nombreux sont ceux qui rêvent de le croiser au détour d’une balade, mais certains craignent aussi pour la sérénité de leurs pâtures. Les pages qui suivent vous emmènent dans l’intimité de cette espèce, clé de voûte des écosystèmes. Elles décrivent ses habitudes et proposent quelques pistes de protection des troupeaux. Deux autres espèces de prédateurs sont présentées, dont on espère le retour en Belgique : le lynx boréal et le chacal doré.
UN ANIMAL QUI A PEUR DE L’HOMME. La rencontre avec un loup sauvage, discret, craintif et parcourant de vastes territoires, est un événement rare pour les humains. En France et en Belgique, la peur du loup reste cependant ancrée dans l’imaginaire collectif. Pourtant, une attaque sur l’homme tient quasiment de l’impossible à notre époque.
UN HABITUÉ DE NOS CONTRÉES. Le loup est l’un des carnivores qui occupait jadis la plus vaste aire de répartition dans le monde : l’ensemble de l’hémisphère nord. Au 19ème siècle, il vivait encore dans les forêts ardennaises. Longtemps pourchassé, il a finalement disparu de nos régions. En Belgique, le dernier loup connu a été tué dans la région d’Erezée en 1897.
Loup, où es-tu ?
À la reconquête de l’Europe
Le loup est resté présent sur la péninsule Ibérique, en Italie, en Pologne et dans les Carpates roumaines. Mais depuis les années 1970, il entame un processus de recolonisation de ses anciens territoires. Actuellement, il y a 2000 loups en Espagne, 1000 à 1500 en Italie et 4000 en Roumanie. La Belgique se situe entre deux fronts de colonisation : la France et l’Allemagne, qui comptent chacune quelque 250 à 300 loups.
Plusieurs facteurs ont favorisé le retour du loup en Europe :
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- sa protection légale ;
- la présence de nombreux ongulés sauvages ;
- la déprise agricole, en France et en Allemagne, qui a favorisé aussi bien les proies que les prédateurs.
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De plus, les superficies boisées se sont étendues depuis le XIXème siècle et les loups sont capables de traverser des zones habitées ainsi que les grandes infrastructures de transport.
En Europe, le loup est protégé par la Convention de Berne (1979) et la directive « Habitats » de l’Union européenne. Ce statut d’espèce protégée implique pour les États de veiller à la conservation de l’espèce et de ses habitats. L’installation du loup en Belgique est plus que probable tant notre pays présente un attrait pour lui par ses massifs forestiers et giboyeux. La Région Wallonne a anticipé son retour et l’a également inscrit dans sa liste d’espèces protégées.
Loup, qui es-tu ?
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- Queue courte
- Pelage : mélange de beige, anthracite, noir et fauve
- Oreilles courtes et droites, liserées de noir
- Dentition spécialisée
- Masque facial blanc
- Trait noir plus ou moins marqué sur les pattes antérieures, caractéristique de la lignée italienne
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Sans analyses génétiques, il est impossible de confirmer la présence du loup car il est facile de le confondre avec un chien-loup. Celui-ci présente entre autres un pelage plus contrasté, des oreilles plus larges et une queue plus longue, à l’extrémité noire.
FICHE D’IDENTITÉ
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- Nom scientifique : Canis lupus
- Famille : Canidés
- Classification : Mammifères
- Poids : 20 à 35 kg selon le sexe
- Longueur : 1,59 à 1,65 m selon le sexe
- Hauteur : 66 à 81 cm
- Habitat : tous les types de milieux naturels de l’Hémisphère Nord, des plaines aux montagnes, en milieu ouvert ou forestier.
- Vue : très bonne
- Ouïe : peut entendre hurler ses congénères jusqu’à 6 à 9 km
- Odorat : peut détecter un animal à 270 m contre le vent
- Longévité : 5 à 10 ans
- Mise bas : entre mars et juin
- Portée : 4 à 8 louveteaux
- Régime alimentaire : carnivore
- Prédateur : l’homme
- Organisation sociale : vit en meute
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Le corps du loup est taillé pour la course et les longues marches. Il est capable de parcourir jusqu’à 60 km par nuit (record connu : 190 km).
UNE VIE EN MEUTE. Le loup est une espèce sociale. Ses populations sont structurées en meutes, composées d’un couple reproducteur accompagné de ses jeunes. En France, les meutes comptent jusqu’à huit individus en fin d’hiver. Le couple dominant ne se reproduit qu’une fois par an, engendrant 4 à 8 louveteaux. L’importante mortalité des jeunes, de l’ordre de 50 %, intervient surtout au cours de la première année.
Les jeunes quittent le groupe entre 1 et 4 ans pour trouver de nouveaux territoires et fonder leur propre meute. Vulnérables et peu expérimentés, ils parcourent des espaces qu’ils ne connaissent pas et doivent chasser seuls, ce qui augmente encore les risques de mortalité.
COMPORTEMENT SOCIAL. Le territoire d’une meute varie en fonction de l’abondance et de la répartition des proies. Dans les Alpes, sa superficie est de l’ordre de 200 à 400 km².
RÉGIME ALIMENTAIRE. UN RÉGULATEUR UTILE DES ONGULÉS SAUVAGES. Le loup est un prédateur opportuniste capable de s’adapter à des situations très diverses. Il peut consommer des insectes et des fruits ou se nourrir d’animaux morts qu’il trouve dans la nature. Cependant, les ongulés sauvages (chevreuils, cerfs, sangliers…) constituent ses proies principales. Le loup ne se maintiendrait pas en l’absence de cette faune sauvage. Il ajuste ses effectifs aux ressources disponibles et ne provoque jamais la disparition de ses proies. Les loups s’installent préférentiellement dans les sites qui présentent les plus importantes densités de grands herbivores sauvages.
LE MOUTON AU MENU LUI AUSSI. Quelle que soit la densité de proies naturelles, une prédation sur le bétail peut toujours survenir, essentiellement du printemps à l’automne. Il existe toutefois des solutions pour limiter l’impact du loup sur les troupeaux domestiques, et favoriser la cohabitation avec l’homme.
LOUP ET PASTORALISME. UNE COHABITATION HARMONIEUSE À FAVORISER. Le loup peut vivre dans des forêts riches en mammifères sauvages. Mais le risque de prédation sur le cheptel domestique subsistera toujours. Surtout si celui-ci est abondant ou mal gardé. En Belgique, les filières ovine et caprine sont marginales, mais elles offrent une possibilité de diversification aux agriculteurs. De plus, les moutons participent à la gestion de nos réserves naturelles et maintiennent ouverts des milieux riches en biodiversité.
En attendant le grand retour du loup, il est donc essentiel de définir des mesures de protection des troupeaux adaptées pour la Belgique. Des méthodes simples existent, qui ont fait leurs preuves dans d’autres pays.
SORTIR LE LOUP DE LA BERGERIE. Le loup est une espèce intelligente qui peut s’adapter à tous types de situation. Il n’existe aucune solution universelle pour protéger entièrement les troupeaux. Il est important de combiner plusieurs techniques adaptées au contexte local :
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- Une clôture avec grillage couplée à un fil électrique constitue une première barrière empêchant l’intrusion du prédateur. Des clôtures mobiles peuvent aussi être utilisées en situation d’urgence.
- Les dispositifs ‘effaroucheurs’, temporaires, aux effets éphémères, sont efficaces et rapides à mettre en place. Le fladry est constitué d’un fil sur lequel des bandes de ruban de signalisation sont fixées à intervalles réguliers et qui entoure la zone à protéger. Si ce fil est électrifié, on l’appelle turbo-fladry. Le fox-light est un dispositif utilisé la nuit, doté d’un flash qui mime la présence d’un berger se déplaçant avec une lampe.
- L’utilisation de chiens de protection est une méthode traditionnelle et efficace pour réduire la prédation. En France, la majorité des chiens utilisés sont des patous, originaires des Pyrénées. L’éducation du chien consiste à développer son instinct de protection en le plaçant dès son plus jeune âge en contact avec les brebis. Il fait alors partie intégrante du troupeau, vis-à-vis duquel il développe un attachement affectif fort. En cas d’agression, il s’interpose et aboie avec insistance sans forcément chercher l’affrontement. Sa corpulence et ses menaces suffisent généralement à détourner un chien, un loup, un lynx ou même un ours.
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DEUX AUTRES ESPÈCES ATTENDUES EN BELGIQUE
LE CHACAL DORÉ (CANIS AUREUS)
Proche du loup et du renard, le chacal doré est un des canidés ayant actuellement la plus grande aire de répartition. En Europe, il est présent dans le sud-est, mais remonte depuis les années 1980 vers le nord-ouest de l’Europe. Il a déjà été observé au Danemark, en Estonie, en Allemagne, en Suisse et même au Pays-Bas. La disparition du loup, prédateur du chacal, est sans doute un des éléments déclencheurs de cette expansion, de même que certains changements environnementaux (fragmentation des massifs forestiers, changements climatiques, etc). Il s’agit d’une espèce sociale, vivant en couple ou en petite meute. Carnivore opportuniste, son régime alimentaire est proche de celui du renard (petits vertébrés, insectes, fruits, cadavres, etc). Il peut s’attaquer à des proies plus grosses que lui, qu’il chasse en meute, et s’approcher des habitations humaines pour se nourrir dans les poubelles. Grâce à sa tolérance pour les milieux arides et à son régime omnivore, il occupe une grande variété d’habitats mais préfère les milieux ouverts.
LE LYNX BORÉAL (LYNX LYNX)
Le Lynx boréal a toujours occupé nos forêts, mais, malgré des rumeurs de présence, il semble avoir disparu de Belgique. Des réintroductions dans les pays voisins laissent espérer un retour prochain de l’espèce. Très discret, le lynx est extrêmement difficile à observer. Il s’agit d’un félidé de la taille d’un berger allemand. Haut sur pattes, il a une courte queue et des pinceaux sur le bout des oreilles. Ses pattes larges et allongées lui permettent de ne pas s’enfoncer quand il se déplace sur la neige et d’être silencieux en approchant ses proies. Essentiellement forestier, il s’adapte à tous les types de peuplements boisés. Carnivore strict, il ne mange que de la viande, qu’il tue principalement lui-même. Il s’attaque surtout aux ongulés sauvages de taille moyenne, comme le chevreuil. Animal solitaire, le mâle et la femelle ne se rencontrent qu’au moment du rut, au début du printemps. La femelle met bas 2 à 3 petits qu’elle élèvera seule. La durée de vie d’un lynx dans la nature ne dépasse pas 15 ans.
Le retour du loup sur notre territoire est un phénomène fascinant, emblématique d’une nature qui retrouve son chemin malgré l’impact de l’humain. Cependant, à cause d’une peur ancestrale nourrie par les contes de notre enfance ou des attaques contre le bétail, le loup reste parfois vu d’un mauvais œil. Afin de favoriser une cohabitation sereine, Natagora a lancé un Groupe de Travail dont les objectifs principaux sont de garantir le respect du statut de protection de l’espèce, de sensibiliser le grand public et d’ouvrir le dialogue entre tous les acteurs concernés par le retour du loup (agriculteurs, chasseurs, sylviculteurs, administrations). Le GT Loup est également membre de la plate-forme wallonne Grands Prédateurs, qui rassemble la plupart des asbl naturalistes wallonnes pour réaffirmer le statut d’espèces protégées du loup, du lynx et du chacal doré, ainsi que de l’Alliance Européenne pour la Conservation du Loup (EAWC).
Vous désirez contacter le GT ? gtloup@natagora.be
[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, édition et iconographie | sources : loup.natagora.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête © natagora ; © LCIE ; © FERUS © RTBF.be. | La plaquette du GT Loup est à télécharger ici et compte de nombreuses images de qualité ainsi que les références utilisées par l’auteur…
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