SHINODA, Toko (1913-2021)

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Née en 1913 en Mandchourie et dans une famille de sept enfants, Toko Shinoda grandit au Japon, où elle apprend dès ses 6 ans la calligraphie. Le travail de son oncle, qui grave des sceaux pour la famille impériale, va l’inspirer et lui révéler sa vocation très tôt. Dans une atmosphère érudite, j’ai grandi en sachant que je voulais faire ces choses, devenir une artiste”, confie-t-elle à l’agence de presse américaine United Press International, en 1980. Dès l’adolescence, Toko Shinoda ressent le besoin de s’extraire des carcans réducteurs de cet art millénaire très codifié pour expérimenter une nouvelle forme d’art. Malgré les remontrances de son père, elle cherche de nouveaux motifs en travaillant toujours avec l’encre et le papier traditionnel japonais en poussant la calligraphie jusqu’à ses limites.

Après avoir exposé à Tokyo en 1940, la calligraphe passe deux ans à New York, où elle rencontre les maîtres de l’expressionnisme abstrait étasunien, notamment Mark Rothko et Jackson Pollock, qui font prendre à son art un tournant décisif. S’inspirant de ce courant, elle crée des formes longilignes en camaïeux de noirs, qu’elle rehausse parfois d’un sépia ou d’un bleu. Utilisant la technique pluricentenaire de l’encre solide sumi, produite à partir de suie de façon artisanale et s’utilisant en frottant un bloc contre une pierre mouillée, Toko Shinoda développe une œuvre extrêmement réfléchie et planifiée. L’encre sumi a en effet la particularité d’être très rapidement absorbée par le papier, ce qui rend impossible tout travail postérieur une fois que le trait est tiré. Avec ses traits minutieux et asymétriques, elle cherche à capturer le fugace et l’évanescent inhérents au quotidien.

La vie de Toko Shinoda a été émaillée de reconnaissance, ce qui n’était pas couru d’avance pour une femme dans le Japon du XXe siècle. Elle a très tôt été distinguée comme l’une des plus grandes calligraphes de son époque à son installation à Tokyo lorsqu’elle était jeune adulte, dans les années 1930. Un grand honneur, habituellement réservé aux hommes, dans une société où les rôles de genre sont très marqués et segmentés. Son œuvre est exposé au Museum of Modern Art (MoMA) dès 1954, lors d’une exposition consacrée à la calligraphie japonaise. Par la suite, il entre dans les collections du Metropolitan Museum (Met) à New York, du MoMA, de la famille impériale japonaise et du British Museum de Londres, entre autres. Toko Shinoda réalise également des gravures et des peintures murales, notamment pour le temple bouddhiste Zojo-Ji de Tokyo. Aujourd’hui, ce sont ses œuvres qu’elle laisse derrière elle : Je ne me suis jamais mariée et je n’ai pas d’enfants », a-t-elle déclaré au Japan Times en 2017, et je suppose que cela semble étrange de penser que mes peintures sont à leur place – bien sûr, ce n’est pas du tout la même chose. Mais je le dis, lorsque des peintures que j’ai faites il y a des années reviennent dans ma conscience, on dirait qu’un vieil ami, ou même une partie de moi, est revenu me voir“.

d’après CONNAISSANCEDESARTS


De la calligraphie aux lithographies

Formée à la calligraphie depuis l’âge de 6 ans, Tôkô SHINODA a grandi au sein d’une famille d’artistes qui comptait parmi ses membres un ancien calligraphe de l’Empereur Meiji. Elle s’éloignera progressivement de la calligraphie traditionnelle et de ses conventions pour chercher son mode d’expression propre. Elle continue cependant d’utiliser de l’encre, le sumi d’origine chinoise, pour tracer au pinceau d’élégantes lignes qu’elle imprimera ensuite par lithographie… Lithographies auxquelles elle appose souvent une touche finale de couleur, le plus souvent à l’encre rouge. Son œuvre est le plus souvent, et assez unanimement, caractérisée comme la fusion réussie de la calligraphie traditionnelle et de l’expressionnisme abstrait. Une qualification judicieuse mais trop peu explicitée. Tâchons ici d’en préciser un peu les contours.

L’esprit libre et l’aventure de l’expressionnisme

Son itinéraire artistique la mène de la calligraphie à l’expressionnisme ; de Tôkyô au New York effervescent des années 1950, où elle croisera le chemin de certains des membres de l’école de New York : Mark RothkoRobert Motherwell… Elle trouve dans leurs questionnements communs une inspiration qui ne la quittera plus.

D’un côté, elle rejoint le rejet marqué de la figuration qui caractérise ce courant, qui marche alors sur les traces de Kandinsky ou de Gorky. De l’autre, elle est séduite par la primauté donnée aux émotions et à la libre exploration des moyens permettant de les exprimer. Lui est donnée l’occasion de participer à cette grande aventure, cette quête existentielle de la peinture qui se cherche en-dehors de la figuration et de la représentation. La matière, la forme et la couleur sont en train de prendre le devant d’une scène bouillonnante où les débats et les désaccords sont fréquents. Clement Greenberg, critique engagé dans le mouvement depuis ses prémices, tentera d’analyser cette époque dans un célèbre essai de 1982 intitulé Modernist painting dans lequel il explique que l’art se développe en faisant sa propre critique, en éliminant tout ce qui ne relève pas directement de l’art (comme l’imitation de la Nature qui caractérisait la peinture occidentale prémoderne).

C’est dans ce contexte que Shinoda s’inscrit : si j’ai une idée bien définie pourquoi la peindrais-je ?” déclare-t-elle dans une interview en 1980. Je vivais en quelque sorte dans une excitation quotidienne indescriptible. Les artistes étaient libres de faire tout ce qu’ils voulaient”. Elle se passionne alors pour une forme particulière qu’elle ne cessera de mettre et remettre sur l’ouvrage : le trait. En même temps, elle renoue définitivement avec l’encre de Chine qu’elle choisit parce qu’elle offre la plus grande variété de couleurs et de variations”. Le souci de la matière et de ses possibilités est plus fort que jamais.

Cette quête l’aura menée loin de la calligraphie traditionnelle et de ses règles d’airain dont elle ne voulait plus depuis longtemps, au grand dam de son père. Pourtant Shinoda ne s’est jamais vraiment coupé de toute influence japonaise, bien au contraire. Sa proximité avec les traditions de pensée japonaise fera même hésiter les critiques sur l’épithète à lui attribuer : le Time en 1983 lui consacre un article intitulé Une conservatrice renégate, une libérale traditionaliste.

Une sagesse iconoclaste

Commençons par le bouddhisme. Son influence sur la peinture et la calligraphie sino-japonaise est indiscutable. Il n’est donc pas incongru de l’y retrouver sous le pinceau, ni sous la plume, de Tôkô Shinoda qui a également beaucoup écrit. Il est impossible de décrire mon évolution artistique avec des mots […] En fait je pense que mes œuvres n’expriment rien. Mais même si elles n’expriment rien on aime parfois à les regarder”. Le rien dont Shinoda parle n’est pas le néant occidental mais la “vacuité” bouddhiste.

Un autre thème qui imprègne son œuvre et sa vie est celui de l’impermanence, présent à la fois dans le bouddhisme et dans la sensibilité traditionnelle. Ma vie est en quelque sorte un rêve. Peindre une ligne est comme un rêve” déclare-t-elle à 102 ans, filant une métaphore courante qui traverse l’histoire du Japon et qui rappelle celle du “monde flottant” des estampes. Comme pour le haïku (elle en écrit d’ailleurs), elle conçoit ses œuvres comme des tentatives de refléter son émotion (kokoro) à l’instant où elle peint. Une phrase qu’elle aime citer et qui a donné son titre à un livre, la vie est (d’)un seul trait, peut également s’interpréter à cette aune.

Bien que nourrie de tradition japonaise, la personnalité de Tôkô Shinoda détonnait souvent avec le reste de la société de son temps. Plutôt solitaire (elle ne s’est jamais mariée) et pas conformiste pour deux sous, sa liberté d’esprit et de réflexion l’ont parfois amenée à des positions iconoclastes.

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Plus d’arts visuels en Wallonie et à Bruxelles…

 

MAHOUX : L’entrée du Christ à Bruxelles

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Ostende, 1888, Ensor invente l’art moderne. Il peint la violence sociale et ses tumultes intérieurs. Il fait de la révolte ouvrière un miroir où se reflète sa silhouette de paria. Il a 28 ans. Il cloue une toile immense sur le mur de son grenier, toile de lin, 2 m. 58 sur 4 m. 31. Il l’apprête avec une sous-couche de blanc de plomb. Et il peint son chef d’œuvre à grands coups de spatule. La peinture en tube est trop chère ; il a demandé à un peintre en bâtiment des laques en pots de 10 kilos. Il étale la peinture non diluée à grands traits. Il doit dérouler sa toile par terre tant elle est haute et il peint à genoux comme un anti-Michel-Ange qui peignait couché. Ensor travaille la couleur au couteau, comme une matière. Et ce sera la méga-toile, la toile méga culte, L’entrée du Christ à Bruxelles, parodie de l’entrée du Christ à Jérusalem.

C’est une bombe. Une bombe formidable qui explose dans l’histoire de l’art : une symphonie du chaos, une immense bouffonnerie, une toile carnaval qui annonce en fanfare l’expressionnisme. C’est notre défilé national, le seul qui vaille, le défilé monstrueux d’une société grotesque dominée par une banderole où il est écrit sur fond rouge, en haut, en grand : “Vive la sociale”. Comme un deuxième titre, un appel à la sédition et une satire de la révolution…

Le Christ, juché sur son âne, reconnaissable à son auréole, est minuscule au milieu de la mêlée, dans le tumulte des revendications politiques et sociales. Le visage du Christ – autoportrait d’Ensor – est presque caché dans son halo jaune. Sa main levée bénit le défilé des clowns grotesques. Le fleuve de la foule en liesse, formidable multitude en rangs compacts, menace littéralement de piétiner le spectateur de la toile. Ou de l’emporter. Terrible sentiment d’être balayé par ce torrent de visages tuméfiés, de bonhommes ventrus, de spectres vaudous, de masques devenus visages.

Choc de mes 17 ans. A la droite des clairons et des grosses caisses de l’orchestre doctrinaire, le bourgmestre et les échevins sont en costume de clown. Un évêque mitré, avec son bâton de tambour-major de majorette, mène la foule vers l’avant, comme une marée qui va déborder et envahir le monde. Ensor a peint une satire sociale, politique et religieuse comme le faisaient Bosch et Brueghel dont il est l’héritier dans la grande tradition flamande du fantastique.

Bleus, rouges, verts, blancs sonnent la charge brutale des rétines, couleurs vierges, primaires, indemnes. Le gentil nuancier impressionniste et symboliste est aboli, c’est le triomphe du spectre premier. Multiplicité des couleurs, confusion délibérée de la composition, abandon de la perspective : Ensor écrit à Verhaeren qu’il lui fallait des effets extrêmes pour réussir. Il a réussi. Ensor a réussi à peindre la musique. Il a suscité dans l’œil l’effet d’un musique sur un tympan. Il a peint une fanfare assourdissante ! Contre le ‘Beau idéal‘, il a peint le ‘Vrai ressenti.

La toile a 50 ans d’avance. Il a créé, à lui tout seul, dans son grenier, le trait d’union entre le XIXe et le XXe siècle. Son œuvre est un pont qui même aux expressionnistes allemands de Die Brücke, à Munch, Nolde, Kandinsky, Klee, Chagall. Sans Ensor, il n’y a ni Pollock ni Basquiat. La toile est un choc. Mais un échec. Personne ne veut l’exposer. En 1898, elle sera vaguement visible lors d’une exposition rétrospective d’Ensor à Paris. Échec cuisant.

L’Ostendais reste un paria dix ans encore. Aigri, il ne se séparera jamais du sommet de son art. Il en fera des copies plus petites mais l’original incompris restera chez lui toute sa vie. La toile est restée enroulée pendant 30 ans dans son atelier mansardé d’Ostende. Il n’a pu l’étirer qu’en 1917, au-dessus de son harmonium, lorsqu’il a déménagé dans sa nouvelle maison de la Vlaanderenstraat.

Douze ans après la mort d’Ensor en 1948, la toile refera le voyage de Paris pour l’exposition Les sources du XXe siècle présentée au Musée National d’Art Moderne en novembre 1960. André Malraux voit la toile très abîmée qui s’écaille et tombe en scories. Il note que, chaque matin, devant la méga-toile détériorée, les services d’entretien balayent de la poussière de chef d’œuvre.

Le Paul Getty Museum de Los Angeles va acquérir et restaurer L’entrée du Christ à Bruxelles et l’associer pour toujours à la chanson Desolation Row de Bob Dylan. On a laissé filer notre défilé national à Los Angeles, les gars. Pas de doute, on est bien belges. Mais c’est le seul défilé national qui vaille. Vive la sociale, bordel !

Jean-Paul Mahoux

Cette chronique est extraite de Peindre la musique, inédit, préparatoire à la nouvelle Obscure Ostende (à paraître, qui sait…)


[LESOIR.BE, 16 mai 2016] De face, de profil ou de trois quarts, chapeauté, casqué ou masqué, masculin, féminin ou squelette, blanc, rose ou rouge, vieux ou jeune, mille visages envahissent la toile et égarent les regards. Où est le fils de Dieu qui donne son nom au tableau L’entrée du Christ à Bruxelles peint en 1888 par James Ensor ?

Perdu au milieu de la foule qui lui vole le premier rôle ! Égaré sur un âne gris ! Seule son auréole jaune permet de le remarquer parmi les personnes qui semblent rassemblées non pour une cérémonie religieuse mais une fête carnavalesque qui se tiendrait un 1er mai. La large banderole rouge renseigne “Vive la sociale” et non “Vive le Christ”. Seul un petit panneau sur le côté applaudit un Jésus, roi de Bruxelles.

Mais que diable le prophète, qui a les traits du peintre, vient-il faire à Bruxelles, perdu dans une mascarade ? Le socialisme a-t-il remplacé le christianisme au point que si Jésus revenait aujourd’hui, il le ferait sous la banderole “Vive la sociale”? Ensor ferait-il un pied nez à la religion et à sa figure majeure ? Absolument ! Ensor n’a jamais tu ses critiques contre l’Église.

Comme il n’a jamais caché son ironie par rapport à la condition humaine. L’homme est selon lui vaniteux, le monde absurde et la réalité laide. Ce regard sombre sur l’existence est bien présent dans ce tableau. Le fils de Dieu est un simple quidam perdu dans la foule. Jésus est un pauvre hurluberlu parmi des humains plus grotesques les uns que les autres, pantins grimaçants et parfois même squelettes qui ne sont mus que par la jalousie, la cupidité, le désir, l’hypocrisie et bien d’autres défauts. Ils ne se soucient même pas de la venue du Sauveur. Seul le responsable de la ville semble se rendre compte qu’il arrive à Bruxelles, mais la foule reste indifférente, suivant un pitre avec une mitre et un bâton à l’avant du tableau.

Masques et squelettes servent la vision du monde du peintre tout en ayant une origine très pratique. Ils manifestent l’enfance du peintre. Le petit James a grandi à Ostende où le carnaval est une fête importante et dans une maison familiale dont le rez-de-chaussée est un magasin étrange où la mère Ensor vend des masques et des tas d’objets étonnants. Au-delà de l’histoire du peintre belge (1860-1949), les masques et visages grinçants d’Ensor s’ancrent dans l’histoire de la peinture belge tant ils héritent des œuvres de Bosch et Breughel.

La belle insolence d’Ensor lui vaudra quelques problèmes. Son tableau est d’abord refusé au Salon du Cercle artistique avant-gardiste des XX, dont il est pourtant l’un des membres fondateurs. Le tableau est jugé trop audacieux par sa forme pré-expressionniste et ses couleurs radicales, ainsi que par son fond iconoclaste. On parle même d’exclure Ensor du cercle tant il est contestataire, anarchiste même !

Le peintre ostendais vécut mal ces refus, lui qui était déjà si critique par rapport à l’humanité. Il écrit ces mots : “Mes concitoyens, d’éminence molluqueuse, m’accablent. On m’injurie, on m’insulte : je suis fou, je suis sot, je suis méchant, mauvais…” Les critiques n’améliorèrent pas son caractère misanthrope. Son mépris pour le genre humain ne fit que croître. Pourtant, le monde finira par reconnaître son génie. Ensor est appelé le “prince des peintres”, il est fait baron et, face à ces honneurs venus si tard, sans doute trop tard, le “prince” abandonne la peinture pour se tourner vers la musique.


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Plus de liberté de parole en Wallonie-Bruxelles…

Selon des experts en armes à feu, l’artiste expressionniste allemand Kirchner ne se serait pas suicidé

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Jusqu’à récemment, les spécialistes s’accordaient à dire qu’Ernst Ludwig Kirchner, l’un des fondateurs du mouvement expressionniste allemand Die Brücke, s’était suicidé de deux balles dans la poitrine. De nouvelles analyses suggèrent qu’il aurait plutôt été assassiné.

Lors du décès d’Ernst Ludwig KIRCHNER? en juin 1938, le rapport médical suisse a conclu à un suicide de deux balles dans la poitrine, tirées avec un pistolet Browning fabriqué en Belgique. Pourtant, plus de 80 ans après ce verdict, plusieurs spécialistes en armes à feu remettent en cause cette expertise, et suggèrent que le peintre aurait été assassiné. D’après eux, cette arme était dotée d’un système de sécurité qui rendait nécessaire d’appuyer fermement sur la gâchette ; Kirchner aurait donc eu d’énormes difficultés à tirer le deuxième coup, une fois blessé au thorax ou à l’épaule.

Des indices étudiés de nouveau

Les chercheurs, étudiant le rapport effectué en 1938, ont également relevé l’absence de mention de brûlures autour de la plaie ou sur les vêtements de Kirchner, ce que l’on trouve souvent autour de blessures par balle tirées d’aussi près. De même, le rapport ne mentionne que deux trous de petite dimension dans la poitrine du peintre, ce qui évoque plutôt des coups portés à distance. Andreas Hartl, l’un des experts en armes à feux, affirme enfin qu’ “il est plus commun pour les personnes qui se suicident de se tirer une balle dans la tête”.

Un état dépressif récurrent

On sait que l’artiste est passé au cours de sa vie par plusieurs phases de dépression, couplées à des épisodes d’addiction à la drogue, tandis qu’un de ses amis explique qu’il lui arrivait de détruire certains de ses propres dessins et sculptures, et même d’utiliser plusieurs de ses peintures comme “”cible”. La réelle raison de cette mort précoce demeure donc en débat pour le moment, des arguments existant pour appuyer chacune des deux hypothèses. Quant aux suppositions de meurtre, la question de son auteur demeure. [d’après CONNAISSANCEDESARTS.COM]


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PETTERSSON, Joel (1892-1937)

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Joel PETTERSSON est né le 8 juin 1892, à Norrby (Lemland), dans l’archipel d’Åland. Ses parents sont des paysans pauvres et déjà âgés – son père a plus de 50 ans au moment de sa naissance. C’est durant son parcours scolaire que Pettersson commence à écrire et à dessiner. Même s’il s’agit encore d’un travail d’amateur, son talent attire l’attention. On ne conserve cependant aucune œuvre de cette époque.

En 1913, alors âgé de 21 ans, Pettersson quitte Åland et entre à l’école de dessin de Turku. Le directeur en est Victor Westerholm qui est à l’origine de l’Önningebykolonin, un groupe de peintres finlandais qui se réunissait à Åland entre 1886 et 1892. Le maître et l’élève n’en ont pas d’affinités pour autant, au contraire. Bien qu’il ne se sente pas à l’aise dans une ville comme Turku – ou peut-être pour cette raison, justement – Pettersson se montre particulièrement productif, tant sur le plan de l’écriture que de la peinture.

En 1915, Pettersson abandonne ses études et retourne à Åland. Etant donné l’âge avancé de ses parents (plus de 70 ans), il est contraint de les aider à la ferme, d’autant plus que son frère cadet, Karl, meurt en mer en 1916. Ses projets de mariage sont brisés lorsque sa fiancée décide de quitter Åland pour les Etats-Unis, à la recherche d’une vie meilleure. Durant la période 1915-1920, Pettersson est malgré tout très actif dans plusieurs domaines, poussé par le désir d’être reconnu en tant qu’écrivain tout autant que comme artiste. L’essentiel de sa production littéraire date d’ailleurs de cette période.

Le peintre finlandais Mikko Carlstedt qui se rend à Åland pour y peindre, en compagnie du peintre Ilmari Vuori, rencontre Pettersson dont il dira : “les gens le tiennent pour fou, mais nous l’aimons beaucoup” ; ils resteront en contact de nombreuses années. Durant les années 20, Pettersson a moins le loisir de se consacrer à son art, l’essentiel de son temps étant occupé par la ferme de ses parents vieillissants qui meurent en 1928.

Petterson espère alors vivre de son art, mais c’est un échec. Endetté, il vend tous les animaux et une grande partie de la propriété. Sa santé mentale se dégrade et il tente de se suicider. Il se remet pourtant à peindre fiévreusement et expose en 1936 à Åland. Mais sa santé physique et mentale continue de se détériorer, il est interné au Grelsby Asylum où il mourra le 5 janvier 1937.

Son œuvre littéraire, écrite en suédois, n’a pas été appréciée de son vivant, peut-être en partie à cause d’une certaine naïveté et de ses emprunts au dialecte local. Elle n’a été redécouverte et publiée que dans les années 1970. De même, ses peintures, que l’on peut qualifier d’expressionnistes, n’ont-elles connu qu’un succès posthume. Son style et sa fin tragique lui ont valu le surnom de “Van Gogh d’Åland”. Le guitariste rock Nikolo Kotsev a composé un opéra, “Joel“, inspiré de sa vie.

Philippe VIENNE

Sources

  • Illustration de l’article : Joel Pettersson, “Höstlandskap med Lemlands kyrka”

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