ANDERS : textes

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Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.

L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.

Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.

En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que seule la peur- qu’il faudra entretenir- sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus accéder aux conditions nécessaires du bonheur.

L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels.

Günther Anders, L’obsolescence de l’homme (1956)


Pourquoi il faut (re)lire “L’Obsolescence de l’homme” de Günther Anders

[USBEKETRICA.COM, 8 juillet 2019] Soixante-trois ans après sa publication, l’essai du philosophe allemand n’a pas pris une ride. On peut même affirmer qu’Anders était plutôt extralucide…

L’été est une saison idéale pour ralentir, se déconnecter de l’actualité et, pour les plus téméraires d’entre nous, (re)lire des classiques. L’Obsolescence de l’homme de Günther Anders (1902-1992) en est un. Dans ce texte magistral de 1956, le philosophe allemand s’alarmait de l’idolâtrie pour le progrès technologique au service d’une civilisation des loisirs où les machines auraient retiré aux hommes toute la pénibilité de l’existence.

C’est un livre qui n’a pas la postérité qu’il mérite. À sa publication, en 1956, il connut pourtant un très grand succès, comme en témoignent les nombreux retirages et nouvelles éditions de l’essai à l’époque, avec des ajouts de l’auteur justifiant la réimpression de ses thèses écrites plusieurs années auparavant. Bravache, Anders écrit même ceci, en préface à la cinquième édition de L’Obsolescence de l’Homme : “Non seulement ce volume que j’ai achevé il y a plus d’un quart de siècle ne me semble pas avoir vieilli, mais il me paraît aujourd’hui encore plus actuel.” Et pourtant, peu de nouvelles éditions sont à signaler depuis le début du XXIe siècle – surtout aucune en livre de poche permettant de démocratiser ce texte essentiel.

Même si l’occasion se présente d’entrer en relation avec des personnes véritables, nous préférons rester en compagnie de nos copains portatifs.

Songeons aux économistes, sociologues et philosophes du progrès et des loisirs qui sont tombés en désuétude parce que leurs analyses de la télévision ne résistaient pas à l’arrivée d’Internet, tandis que celles les analyses sur Internet étaient rendues caduques par l’invasion des réseaux sociaux… L’obsolescence de leurs thèses était indexée sur les objets qu’ils observent. Avec le livre d’Anders, ça n’est pas du tout le cas.

Faites l’exercice honnêtement. Lisez ces quelques lignes sans chercher à savoir qui a pu les écrire et quand : “Rien ne nous aliène à nous-mêmes et ne nous aliène le monde plus désastreusement que de passer notre vie, désormais presque constamment, en compagnie de ces être faussement intimes, de ces esclaves fantômes que nous faisons entrer dans notre salon d’une main engourdie par le sommeil – car l’alternance du sommeil et de la veille a cédé la place à l’alternance du sommeil et de la radio – pour écouter les émissions au cours desquelles, premiers fragments du monde que nous rencontrons, ils nous parlent, nous regardent, nous chantent des chansons, nous encouragent, nous consolent et, ne nous détendant ou nous stimulant, nous donnent le la d’une journée qui ne sera pas la nôtre. Rien ne rend l’auto-aliénation plus définitive que de continuer la journée sous l’égide de ces apparents amis : car ensuite, même si l’occasion se présente d’entrer en relation avec des personnes véritables, nous préférons rester en compagnie de nos portable chums, nos copains portatifs, puisque nous ne les ressentons plus comme des ersatz d’hommes mais comme de véritables amis.

Impossible de ne pas être percuté par l’incroyable actualité de ces lignes… écrites en 1956. Remplacez “radio” par “smartphone“, “émissions” par “podcasts“, rajoutez “Netflix” et “réseaux sociaux” à l’ensemble, et observez comme ce texte correspond à la perfection à notre temps. La puissance de ce texte visionnaire est sans égale. Déjà, à l’époque, Anders voyait que la croyance dans un salut par le progrès technologique était vaine si cela ne nous permettait pas de nous resocialiser, de nous rapprocher les uns des autres. Pire, en consommant des loisirs de masse, le travailleur contribue lui même à la standardisation des goûts, des usages, nous dit le philosophe allemand. Les appareils de transmission et les émissions (ou les “contenus” pour être plus moderne) aliènent la singularité de chacun dans un mouvement qui nous rend interchangeables – et donc obsolètes.

Le problème de la “honte prométhéenne”

Anders est conscient des critiques que son propos peut susciter, et il se défend par avance contre ceux qui voudraient le dépeindre en réactionnaire en rétorquant que le problème est rhétorique : les défenseurs du progrès jugent ce dernier bon par essence et défendent un bloc, celui du up to date : tant que l’on peut avoir la dernière version de l’homme, on doit le faire, et honte à ceux qui ne s’adaptent pas ! C’est ce qu’Anders appelle “la honte prométhéenne.

Pour appuyer sa démonstration sur le progrès inutile et même “mortifère“, il ajoute une seconde partie intitulée : Sur la bombe et les raisons de notre aveuglement face à l’apocalypse avec des analyses qu’il développera dans d’autres livres, notamment La Menace nucléaire : Considérations radicales sur l’âge atomique. Ses thèses sont saisissantes et implacables sur l’insuffisante remise en question de notre rapport à la technique après Auschwitz et Hiroshima.

Aux États-Unis, on peut affirmer que la mort est déjà devenue introuvable.

En tirant le fil de la “honte prométhéenne“, Anders tire des conclusions pleines de prescience. Ainsi, à la fin du livre, il prédit l’émergence du courant transhumaniste en ces termes : “De la croyance au progrès découle donc une mentalité qui se fait une idée tout à fait spécifique de “l’éternité”, qu’elle se représente comme une amélioration ininterrompue du monde ; à moins qu’elle ne possède un défaut tout à fait spécifique et qu’elle soit simplement incapable de penser à une fin (…). Aux États-Unis, on peut affirmer que la mort est déjà devenue introuvable. Puisqu’on y considère que seul existe “réellement” ce qui toujours s’améliore, on ne sait que faire de la mort, si ce n’est la reléguer en un lieu où elle puisse indirectement satisfaire à la loi universelle du perfectionnement.” La boucle est alors bouclée. Disciple de Husserl, premier mari de Hannah Arendt, Anders a fréquenté les plus grands esprits du siècle et signait en 1956 un livre de leur niveau. Si ce n’est déjà fait, lisez donc L’Obsolescence de l’homme pour comprendre notre époque.

Vincent EDIN


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Sengager en Wallonie-Bruxelles…

DOTREMONT : Dépassons l’anti-art – Écrits sur l’art, le cinéma et la littérature, 1948-1978 (2022)

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[EDITIONLATELIERCONTEMPORAIN.NET] Acteur et témoin de plusieurs mouvements expérimentaux d’après-guerre, dont ceux du surréalisme-révolutionnaire et de Cobra, historien des arts impliqué dans l’histoire qu’il raconte, théoricien emporté cependant à l’écart de la théorie par sa fidélité à la confusion des sensations immédiates, telles sont les facettes de Christian Dotremont que révèlent ses nombreux écrits sur l’art, la littérature et le cinéma. À leur lecture, c’est d’abord comme si on déroulait plusieurs fils de noms, qui retracent certaines constellations artistiques et intellectuelles majeures de son époque, dans ce qu’elles eurent de tumultueux et de vivant.

On croise ainsi, évoquées à travers leurs œuvres comme à travers leur existence quotidienne, de grandes figures du milieu artistique belge, tels René Magritte et son “anti-peinture” traversée d’humour et de poésie, ou Raoul Ubac et la “forêt de formes” de ses photographies, mais aussi du surréalisme parisien, tels Paul Éluard accomplissant sa “grande tâche lumineuse” dans la nuit de 1940, Nush Éluard servant du porto rue de la Chapelle, ou Pablo Picasso dans son atelier rue des Grands-Augustins, occupé à faire du café et à dessiner sur des pages de vieux journaux, en ces temps de pénurie de papier. On croise également des personnages plus inattendus, comme Gaston Bachelard, lecteur des Chants de Maldoror, Jean Cocteau, “délégué de l’autre monde“, ou Jean-Paul Sartre, travaillant frénétiquement à sa table du Dôme, et s’interrompant pour lire avec bienveillance les poèmes que lui soumet jeune Christian Dotremont. Mais celles et ceux dont il esquisse les portraits les plus denses, ce sont les artistes de Cobra, qui de 1948 à 1951 fut “une somme de voyages, de trains, de gares, de campements dans des ateliers”, une manière de travailler en “kolkhozes volants“, entre Copenhague, Bruxelles et Amsterdam. Entre autres, sont évoqués avec une finesse critique particulière Asger Jorn, qui avec ses toiles “sème des forêts” à l’écart des dogmes, Pierre Alechinsky, dont la peinture est “comme un coquillage où s’entend l’orage“, Egill Jacobsen, inventant des “masques criants de vérité chantée“, Erik Thommesen, dont les sculptures sont “un grand mystère trop émouvant pour être expliqué“, ou Sonja Ferlov, qui réconcilie “la pierre et l’air“…

Dans les textes qu’il consacre à ses amis et amies artistes, on retrouve la musique et les images obsédantes qui travaillent aussi sa poésie, telle l’image de la forêt, pour dire chaque fois les surgissements de la trame illisible du monde qui le fascinent. Artiste révolutionnaire, déçu pourtant par l’étroitesse des conceptions esthétiques communistes, il se fait théoricien d’un art du non-savoir, contre la propension à ordonner et à policer du “réalisme-socialiste“. Il s’agit avant tout pour lui de ne pas trahir “toutes ces confuses sensations que nous apportons nuit et jour“. Cela, seule une écriture affirmant sa dimension graphique le peut vraiment. Lignes discursives et lignes expressives doivent être pensées et tracées ensemble, comme en attestent ses logogrammes ou les “peintures-écritures” de Cobra. À ses yeux, l’écrivain est un artiste, voire un artisan ; les gestes de sa main sont ce qui compte avant tout. Ses écrits sur l’art manifestent sa volonté de réconcilier la dimension intellectuelle et la dimension matérielle de l’écriture, le verbe et l’image, de même, dit-il, que sont réconciliés la création et l’interprétation dans le jazz. L’écrivain doit être, selon ses termes, “spontané” et “sauvage“.


ISBN 978-2-85035-073-3

DOTREMONT Christian, Dépassons l’anti-art (édité par Stéphane Massonet, l’ouvrage est publié avec le concours du Centre national du livre et de la Fondation Roi Baudoin par L’Atelier contemporain, 2022).

Stéphane Massonet est né à Bruxelles en 1966. Après un doctorat en philosophie sur l’esthétique de l’imaginaire, il publie les textes de Roger Caillois sur l’art, Images du labyrinthe (2008), et les écrits poétiques, Aveu du nocturne (2018). Il s’intéresse à l’avant-garde, au dadaïsme, au surréalisme belge et à Cobra. Il publie Dada Terminus (1997), un roman inachevé de Christian Dotremont intitulé Le papier à cigarette de la nécessité (2007) et coordonne le numéro de la revue Europe consacré au poète belge en mars 2019. Il est également l’auteur de Dotremont et le cinéma (2021).


Extraits :

Il fait si gris, si médiocre, si vieux dans le monde qui nous est proposé qu’un trait d’encre nous touche au cœur comme une flèche, qu’une tache de couleur fait mouche sur lui, et joyeusement fait boule de neige dans l’immense parc solitaire et glacé. C’est que le trait d’encre, la tache de couleur ont tout ensemble les empreintes de l’homme et le prestige de la matière, tandis que le monde qui nous est proposé efface nos empreintes (il préfère les traces de la radioactivité) et n’accorde plus à la matière que le prestige de nous menacer.
Dans le parc solitaire et glacé les ombres qui passent font encore des chinoiseries : Eh quoi, nous disent-elles, eh quoi vous jouez ! Parfaitement, Ombres, nous jouons, nous nous amusons, Alechinsky s’amuse (qui va au cœur de la matière avec le sien), Van Roy s’amuse (qui se fait architecte des mirages de Derrière l’Œil), Bury s’amuse (qui en a eu marre de lécher les St-Honoré du trompe-l’œil), Collignon s’amuse (qui peint les champs où la couleur est son propre engrais), Welles s’amuse (qui le jour fait de la menuiserie), Corneille, François et Claus s’amusent, et Burssens et Vlérick et Bergen et de Coninck s’amusent, et Yvonne Van Ginneken s’amuse, et s’amusent contre vous. Nous ne pensons pas que pour être de son temps il faille s’embêter : nous pensons que derrière le temps de chien qui nous est fait, le temps du plaisir attend, et déjà c’est le nôtre. Plus loin que vos tristes parades, derrière les maisons, après la banlieue, derrière le terrain vague où vous jetez vos vieilles idées (dont d’autres font de nouvelles cravates), s’étend la grande plaine de jeux de la peinture expérimentale, de la jeune peinture, de la peinture qui refuse d’être l’ombre des Ombres ! Nous jouons avec le soleil, avec la mer, avec les cheveux de Gradiva, avec les cailloux, avec la pâte, avec le bois, comme des enfants : nous désapprenons vos leçons de morte morale, de nature morte, de mort générale.

Je connais ton nom, mon amour, je connais le goût de ton sommeil, la chaleur de ton épaule, je connais grâce à toi la forêt noire, l’odeur des branches de sapins brûlées, je connais grâce à Van Gogh l’intensité de l’été provençal de 1888 – et je n’y comprends rien, mais je vis. Je me souviens de la tache de soleil sur tes cheveux, de la courbe de ton geste, et je n’y comprends rien, et je souhaite de n’y jamais rien comprendre – car je souhaite vivre. Je défendrai « toutes ces sensations confuses que j’ai apportées en naissant », toutes ces confuses sensations que nous nous apportons nuit et jour.

Christian Dotremont


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage et iconographie | sources : editionslateliercontemporain.net | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : ©  L’Atelier contemporain | Plus sur Christian Dotremont dans wallonica.org : DOTREMONT, Christian (1922-1979)


Contempler encore…

PARISSE, Jacques (1934-2011)

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Critique d’art, historien et biographe, Jacques PARISSE (Seraing 30/09/1934, Liège 19/01/2011) a exercé une influence considérable sur le monde des arts plastiques pendant plus de trente ans. Professeur de français puis d’histoire de l’art, il transforme sa passion pour l’art en une activité débordante, comme critique d’abord, comme biographe ensuite, faisant découvrir ou redécouvrir, non sans passion, plusieurs artistes wallons de renom.

Après s’être brièvement essayé au Droit, Jacques Parisse s’oriente vers les Romanes et décroche sa licence à l’Université de Liège (1956). À peine diplômé, il entame une carrière d’enseignant qu’il mènera pendant 35 ans (novembre 1959-juin 1994). Dans un premier temps, il est professeur de français dans l’enseignement secondaire supérieur. À sa passion première pour la lecture, il ajoute une curiosité toujours plus grande pour les beaux-arts. En 1953, il était entré pour la première fois dans la galerie de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie et c’est là qu’il va découvrir les artistes invités par Fernand Graindorge et Marcel Florkin. Dans les revues étudiantes auxquelles il avait collaboré, il avait signé quelques papiers sur ces expositions.

En janvier 1961, il reçoit, d’André Renard, la chance de tenir une rubrique à la fois dans La Wallonie et dans Combat. Usant d’abord du pseudonyme “Un de Troie” avant de recourir à son patronyme, le successeur de Frenay-Cid restera le chroniqueur artistique (livres et expositions) du quotidien jusqu’en novembre 1986, soit 26 saisons et plusieurs milliers de chroniques. “Victime d’une restructuration économique”, il est ensuite accueilli par La Dernière Heure (1987-1993), puis par La Meuse (1993-1998).

Parallèlement, engagé par Robert Stéphane, il devient chroniqueur sur les ondes de la RTB-Liège radio à partir de janvier 1964. Jusqu’en janvier 2000, son intervention dans le décrochage matinal du Centre de production régional de Liège de la RTBf est un moment craint ou attendu, comme le sont ses articles de presse écrite, pour tous les créateurs ou organisateurs d’événements artistiques. Un avis de Jacques Parisse avait valeur de succès ou de Bérézina. Depuis le début des années soixante, encore, Jacques Parisse a ajouté à ses multiples tâches celle du secrétariat de l’APIAW. Officiel bras droit de Graindorge et de Florkin, Parisse était par conséquent en contact permanent avec tous les acteurs culturels. À une grande maîtrise de tous les courants artistiques anciens, il ajoutait une connaissance de la création et des nouvelles influences qui se nourrissait des milliers de visites qu’il rendait aux peintres, graveurs, photographes, en exposition ou dans leur atelier. Cette expérience lui servira de sésame quand lui sont confiés les cours d’histoire de l’Art dans un établissement liégeois d’enseignement supérieur non universitaire, au milieu des années 1970, second temps de sa carrière d’enseignant.

Auteur d’un monumental ouvrage sur La peinture à Liège au XXe siècle (1975), Jacques Parisse signe plusieurs ouvrages qui font référence. Entouré de quelques amis pour sélectionner plusieurs dizaines d’artistes représentant les courants les plus variés, il s’appuie sur une belle maîtrise de la production artistique récente pour mener cette première investigation ambitieuse, complétée par une série de fortes monographies approfondissant ou réhabilitant des peintres wallons : Zabeau (1977), Jean Donnay (1980), Richard Heintz (1982), Auguste Mambour (1984), Auguste Donnay (1991), Gangolf (1991), Édouard Masson (2000), Ernest Marneffe (2001), Guy Horenbach (2007). Il fait aussi connaître Marcel Caron, Georges Collignon, Frédérick Beunckens, Jacques Charlier ou encore Jacques Lizène.

Après avoir rassemblé un certain nombre de ses chroniques RTB Liège en deux volumes, il publiera, en 2000, des mémoires, les siennes, qui sont bien davantage que celles d’un critique de province. Il rappelle notamment qu’en tant que secrétaire de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie depuis le début des années 1960, il a apporté une contribution permanente à l’organisation des expositions de cette association ; il mentionne aussi qu’il fut l’éphémère président fondateur de la Maison des Artistes au milieu des années 1980. Auteur d’articles et de préfaces dans des ouvrages de référence, il fut aussi conseiller artistique pour les acquisitions auprès de la Banque nationale de Belgique de 1981 à 2000, président de la commission des arts plastiques de la Communauté française et membre du conseil d’administration de La Chataigneraie.

    • La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures, t. III, p. 386),
    • Jacques PARISSE, Situation critique. Mémoires d’un critique d’art de province (Liège, Adamm, 2000),
    • L’art a la parole : Jacques Parisse, chroniques artistiques à la RTB Liège de 1964 à 1977 (Liège, Mardaga, 1978),
    • De bec et de plume, L’art a la parole II, Chroniques des arts plastiques à la RTBf Liège 1977-1984 (Liège, Mardaga, 1985).

Paul Delforge, mai 2016


[INFOS QUALITE] statut : validé | sources : Paul DELFORGE dans CONNAITRELAWALLONIE.WALLONIE.BE / Institut Jules Destrée | mode d’édition : partage et documentation | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © Collection privée ; © Institut Jules Destrée | remerciements : Cécile Parisse et Bernadette Lambotte.


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DICKER : La vérité sur l’affaire Harry Quebert (2012) & L’affaire Alaska Sanders (2020)

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DICKER J., La vérité sur l’affaire Harry Quebert (Paris, De Fallois, 2012). On trouvera ci-dessous toute la vérité sur l’affaire Harry Quebert : une galerie prévisible de personnages dans un décor de Nouvelle-Angleterre qui sent le déjà-vu. L’intrigue elle-même goûte le plat réchauffé du lendemain midi. La sauce devait être bien préparée car le roman a été primé plusieurs fois : Grand prix du roman de l’Académie françaisePrix Goncourt des lycéens et les critiques ont été positives, si pas enthousiastes. Techniquement, la narration est efficace et le livre est un  vrai page turner (dira-t-on bientôt un “tournepage” pour qualifier un roman captivant ?).

Reste que la plume du Suisse Joël Dicker préfigure probablement ce que l’intelligence artificielle pourra nous servir chaque été au rayon “fictions pour tablettes” (…de chocolat suisse).

Pour ceux qui n’ont jamais vu “Twin Peaks” de David Lynch (question subsidiaire pour les amateurs de Lynch : le nom du village de Dicker, Sagamore, fait-il référence au décès de Laura Palmer, retrouvée emballée dans un “sac à mort” ?), voici toute la vérité sur le roman de Joël Dicker (compilée par un fan du roman et partagée telle quelle), c’est-à-dire simplement la liste de ses personnages :

      1. Deborah Cooper : Habitait seule à Side Creek Lane | Témoin => appelle la police 2 fois lorsqu’elle voit Nola | Morte assassinée par balle | Veuve
      2. Nola Kellergan : 15 ans | D’abord « disparue » tout début | Morte =>  retrouve son corps 33 ans après sa disparition | Né le 12 avril 1960 | Appréciée des gens d’Aurora | Travaillait les samedis au Clark’s | Fille unique
      3. Marcus Goldman : Originaire du New Jersey | Fils unique | Écrivain | ~30 ans | A écrit 2 livres | Le 1er s’est vendu à 2 millions d’exemplaires | Millionnaire | Célibataire | Habite à New York
      4. Douglas Claren : Agent de Marcus
      5. Denise : Secrétaire de Goldman | Elle l’aide beaucoup
      6. Mère de Goldman : « le harcèle » | Employée
      7. Père de Goldman : Nelson | Ingénieur
      8. Lydia Gloor : Actrice d’une série actuelle (par rapport à l’histoire) | Ex à Goldman
      9. Roy Barnaski : Puissant directeur de Schmidt et Handson
      10. Harry Quebert : Ancien professeur à l’université de Marcus | Écrivain | Habite à Aurora | Au bord de l’océan | Très proche de Marcus | ~67ans | Pratique la boxe | « Mentor » de Marcus | A écrit « Les Origines du mal » | Vendu à ~ 15 millions d’exemplaires
      11. Jenny Dawn : Patronne actuelle du Clark’s | Environ 57 ans
      12. Erne Pinkas : Bibliothécaire municipale bénévole | 75 ans | Retraité, travaillait dans une usine de textiles
      13. Benjamin Roth : Avocat d’Harry Quebert | Practitien réputé
      14. David Kellergan : Père de Nola | Évangéliste de sud | Originaire de Jackson (Alabama) | Déménage à Aurora en 1969 avec Nola (là depuis 40 ans) | David Kellergan est pasteur à la paroisse St-James | Seul parent encore vivant | 85 ans
      15. Louisa Kellergan : Mère de Nola | Morte il y a longtemps
      16. Travis Dawn : Chef de la police d’Aurora | Mari de Jenny | ~60 ans | De service le jour de la mort de Nola | Il était alors seulement agent de police
      17. Gareth Pratt : Chef de la police d’Aurora (1975) | A la retraite
      18. Jared : Colocataire noir de Marcus à l’uni en 1998 | Révise beaucoup | Téléphone souvent à sa mère
      19. Dominic Reinhartz : Étudiant à l’université | Très doué pour l’écriture
      20. Dustin Pergal : Doyen du département des lettres à l’uni
      21. Perry Gahalowood : Afro-Américain costaud | Policier de la brigade criminelle d’État qui surnomme souvent Marcus l’écrivain | Il va faire équipe avec Goldman pour mener l’enquête sur l’affaire Harry Quebert | Marié et a 2 filles
      22. Tamara Quinn : Mère de Jenny | Patronne du Clark’s en 1975
      23. Robert Quinn : Mari de Tamara | Père de Jenny | Ingénieur
      24. Nancy Hattaway : Amie de Nola
      25. Elijah Stern : 75 ans – homme d’affaire | Un des hommes les plus riches du New Hampshire | Habite à Concorde | Propriétaire de Goose Cove avant Harry | Homosexuel
      26. Luther Caleb : Homme de main d’Elijah Stern | Étrange | Chauffeur de Stern pendant des années | Entretenait la maison de Goose Cove | Défiguré, mort depuis longtemps | Né en 1940 à Portland | A été fiché par la police | Se serait tué en voiture après avoir fait une chute de 20 m
      27. Dr. Ashcroft : Psychiatre de Tamara Quinn
      28. Neil Rodick : Chef de la police d’État en 1975
      29. Sylla Caleb Mitchel : Sœur de Luther
      30. Jay Caleb : Père de Luther et Sylla
      31. Nadia Caleb : Mère de Luther et Sylla
      32. Eleanore Smith : Fiancée de Luther lorsqu’il avait 18 ans
      33. Darren Wanslow : Officier de la police de Sagamore
      34. Stefanie Hendorf : Camarade de classe de Nola
      35. Edward Horowitz : Officier à la retraite qui avait mené l’enquête sur l’incendie de la maison des Kellergan en Alabama
      36. Pasteur Jeremy Lewis : « gourou » d’une sorte de secte | Ami proche de David Kellergan…

S’il en reste parmi vous qui pensiez que nous étions sectaires en 2012, en vouant aux Gémonies le premier roman à succès de Joël Dicker, ils seront convaincus du bien-fondé de notre analyse en lisant les recensions de sa suite, écrite par le même “robot” littéraire en 2022 : L’affaire Alaska Sanders. Ceci répond-il à la question : vaut-il mieux se tromper avec tout le monde que d’avoir raison tout seul ? La parole est à nos ‘confrères’ de FRANCEINTER.FR (Le Masque et la Plume, 27 avril 2022, extraits) : L’affaire Alaska Sanders de Joël Dicker serait-il le livre le plus ennuyeux de l’année ? Après L’Énigme de la chambre 622, Joël Dicker se retrouve en tête du classement des meilleures ventes avec son tout nouveau livre, dans lequel il signe une suite à La vérité sur l’affaire Harry Quebert. Un livre qui a profondément ennuyé les critiques du “Masque & la Plume”… Voici pourquoi.

Le livre résumé par Jérôme Garcin

Un roman de presque 600 pages, tiré à 600 000 exemplaires, qui est la suite chronologique de La vérité sur Harry Quebert ; Le Livre des Baltimore, déjà paru, étant le dernier volume de la trilogie. En avril 1999, le corps d’Alaska Sanders, une reine de beauté de 22 ans employée dans une station-service, avait été retrouvé au bord d’un lac d’une bourgade américaine. L’enquête bouclée, classée. Le meurtrier et amant d’Alaska s’était suicidé et son complice était sous les verrous. C’est 11 ans plus tard que l’affaire rebondit quand le sergent de police, qui avait élucidé le crime, reçoit une lettre anonyme où il est écrit que le coupable et son complice sont innocents. L’écrivain Marcus Goldman, auteur mondialement célèbre de La vérité sur l’affaire Harry Quebert va aider le sergent, son ami, à élucider le mystère.

Nelly Kapriélan : “un livre convenu, rempli de clichés”

La critique des Inrocks déplore très ironiquement la structure littéraire des romans de Joël Dicker par laquelle il parvient toujours à faire de ses livres des best-sellers où, comme celui-ci en est l’exemple, tout est simpliste, convenu et alimenté par les clichés.

Je vais devenir riche grâce à lui ; si on veut écrire un best-seller, il faut suivre absolument ce qu’il fait…

“Il y a des formulations totalement absurdes, un peu grotesques. À part ça, c’est le chaudron magique de Harry Potter : il a mis tous les codes des séries TV et des polars écrits par les autres…Tout est convenu, avec tous les clichés. Si on lit un livre pour être tenu en haleine, il faut le lire, mais si on a envie d’autre chose, non, ce n’est pas du tout le livre qu’il faut lire…”

Jean-Claude Raspiengeas ne sait “même pas par quel bout le prendre…”

Le critique de La Croix s’est très souvent retrouvé seul à défendre l’auteur pour ses précédents livres, jusqu’à cette semaine, au cours de laquelle il admet s’être soumis à un véritable examen de conscience… Puisque ce livre constitue cette fois-ci une vraie énigme, selon lui, qui parvient à s’imposer comme un nouveau best-seller, à éviter à tout prix…

Je ne sais même pas par quel bout le prendre. Il n’y a rien à sauver, rien ne tient…

Ces systèmes de flash back, on n’y comprend rien… Mais, surtout, ce qui m’a rebuté et c’est l’objet de mon examen de conscience, c’est la langue, le style, les dialogues, les situations sont invraisemblables et indigentes… Dans mon souvenir, les autres étaient un peu mieux écrits.

Ça ne tient absolument pas. C’est un cas d’école et il est en tête des best-sellers

Il paraît qu’il s’en vend 25 000 par semaine. La question que ça pose, c’est pourquoi les lecteurs se précipitent vers ce genre de lecture ? C’est une véritable énigme… alors qu’il y a tellement de chefs-d’œuvre qui sont dans les bibliothèques, qui leur tendent les bras et qui leur feraient tellement plus de bien que de lire ça…”

Olivia de Lamberterie s’est profondément ennuyée…

Pour la journaliste et critique littéraire du magazine Elle, le livre est tellement indigent, qu’elle passée par tous les états négatifs possibles ; ennuyée, en colère et profondément malheureuse après avoir refermé un livre dont l’auteur ne maîtrise pas les règles de l’imparfait et du passé simple…

C’est écrit à la vitesse d’un escargot neurasthénique et c’est convenu.

“Les personnages ont tellement peu de chair, sont tellement peu décrits et incarnés… Quant au style, c’est un garçon qui ne connaît absolument pas la concordance de temps ; qui est quand même le B.A.-BA. On apprend l’articulation entre l’imparfait et le passé simple à l’école primaire…”

Si on enlevait les phrases qui ne servent à rien, on arriverait facilement à 50 pages.

Selon Arnaud Viviant, “l’auteur doit son succès au plagiat systématique qu’il fait du style de Philip Roth”…

Pour commencer, Arnaud s’est agacé de ne pas même avoir reçu le livre en version PDF, quand bien même il n’y avait plus de livres disponibles chez la maison d’édition au moment où il a fait sa demande. Rassurez-vous cela ne l’a pas empêché de partager cette théorie qu’il s’est faite depuis longtemps sur le style de Joël Dicker…

Le premier m’avait offusqué et il semble là, d’après ce que j’entends, en reprendre la même recette… Ça, au fond, c’est quoi la chose qui a été déterminante dans le succès de Joël Dicker ? C’est l’éditeur Bernard de Fallois, un immense proustien que tout le monde vénérait, un érudit comme il n’en existe plus. C’est ce qui lui a permis d’avoir le Grand Prix de l’Académie de la langue alors qu’il écrit dans un français-globish… C’est comme ça qu’il a été bien traité par la critique dès le départ, alors que c’était un plagiat du dernier grand romancier du XXe siècle, Philip Roth, dont il reprenait tous les éléments pour en faire un “fake” marketing dégoûtant… C’est dingue comment on peut en arriver là“.


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A bon entendeur…
Pour ceux qui préfèrent la littérature :

Flaubert : revue critique et génétique

Temps de lecture : < 1 minutes >
Caricature d’Achille Lernot parue dans La Parolie. Flaubert dissèque Madame Bovary. 1869

Éditée par l’équipe Flaubert de l’Institut des Textes et Manuscrits Modernes (ITEM/CNRS-ENS ; UMR 8132), cette revue électronique bi-annuelle en libre accès a pour vocation de publier les travaux de génétique et de critique sur Flaubert, et de faire le point s​ur l’actualité flaubertienne en France et à l’étranger.

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Découvrir d’autres magazines…

Que restera-t-il de l’art contemporain ? Nathalie Heinich : Le Paradigme de l’art contemporain

Temps de lecture : 3 minutes >
ISBN 9782070139231

HEINICH Nathalie, Le paradigme de l’art contemporain. Structures d’une révolution artistique (Paris, Gallimard, 2014)

“…Chacun s’est engouffré dans l’urinoir de Duchamp, ce « pont aux ânes de la culture artistique du XXème siècle » où « ce sont les regardeurs qui font les tableaux ». Pour dire que, grâce au ready made salvateur, tout peut être art, que chacun peut-être artiste, délivrés des contraintes de l’apprentissage et de l’élitisme du génie, à condition qu’un discours affirme l’artitude d’un objet, d’un geste ou d’une absence, à condition qu’il y ait transgression, provocation, et singularité.

Car « l’œuvre n’est plus dans l’objet ». C’est alors que l’art contemporain se définit en ce qu’il n’est pas d’abord perçu comme art. Il s’agit parfois de peindre une puérile moustache à une Joconde que l’on ne saurait plus peindre, de copier ou de photographier un tableau d’autrui au mépris du droit intellectuel et de propriété, d’industrialiser la production comme Warhol. Et d’aller jusqu’à porter un coup fatal au tableau, comme lorsque Fontana crève, crible et fend ses toiles, jusqu’à effacer l’art : comme lorsque Rauschenberg achète un dessin de De Kooning pour le gommer et exposer sa disparition, comme lorsque Rutault présente des peintures de la même couleur que les murs.

Le savoir-faire des maîtres n’est plus, un savoir-penser, qu’il soit politique, sociologique, critique ou anti-esthétique, suffit, y compris devant des ordures, un tas de bonbons de Gonzalez-Torres, où le public peut se servir, l’ironie du kitsch de Jef Koons, une ligne de cailloux dans la montagne par Richard Long, une liste de chiffres par Opalka, de dates par On Kawara, un exhibitionnisme sexuel ou morbide, le vide d’une galerie…”

Lire la suite de l’article de Thierry GUIHUT sur CONTREPOINTS.ORG (19 mai 2014)

CATTELAN Maurizio, Him (2001)

GALLIMARD.FR introduit le livre comme ceci : “Dans un article paru en 1999 dans Le Débat, Nathalie Heinich proposait de considérer l’art contemporain comme un genre de l’art, différent de l’art moderne comme de l’art classique. Il s’agissait d’en bien marquer la spécificité – un jeu sur les frontières ontologiques de l’art – tout en accueillant la pluralité des définitions de l’art susceptibles de coexister. Quinze ans après, la «querelle de l’art contemporain» n’est pas éteinte, stimulée par l’explosion des prix, la spectacularisation des propositions et le soutien d’institutions renommées, comme l’illustrent les «installations» controversées à Versailles.

Dans ce nouveau livre, l’auteur pousse le raisonnement à son terme : plus qu’un «genre» artistique, l’art contemporain fonctionne comme un nouveau paradigme, autrement dit «une structuration générale des conceptions admises à un moment du temps», un modèle inconscient qui formate le sens de la normalité.

Nathalie Heinich peut dès lors scruter en sociologue les modalités de cette révolution artistique dans le fonctionnement interne du monde de l’art : critères d’acceptabilité, fabrication et circulation des œuvres, statut des artistes, rôle des intermédiaires et des institutions… Une installation, une performance, une vidéo sont étrangères aux paradigmes classique comme moderne, faisant de l’art contemporain un objet de choix pour une investigation sociologique raisonnée, à distance aussi bien des discours de ses partisans que de ceux de ses détracteurs.”

Plus d’artefacts…